Ivar Ekeland : La censure comme politique

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    (...) Avec l’interdiction de la manifestation de samedi, et les menaces réitérées du président de la République, un pas de plus a été franchi. Le prétexte invoqué, le trouble à l’ordre public, est particulièrement dangereux. D’une part, en interdisant la manifestation, le gouvernement oblige les organisateurs à renoncer à l’organiser, et donc à retirer le service d’ordre, laissant ainsi le champ libre aux éléments violents, à ceux qui, de chaque côté, veulent en découdre. Le trouble à l’ordre public est assuré par le fait même qu’on déclare publiquement le craindre : c’est ce qu’on appelle une prophétie auto-réalisatrice. D’autre part, et c’est là le plus grave, le trouble à l’ordre public émane de ceux qui sont contre ces manifestations, et notamment des milices comme la Ligue de défense juive, organisation violente, interdite aux Etats-Unis et en Israël, curieusement tolérée en France, et qui a joué un rôle moteur lors des incidents du 13 juillet près de la Bastille. Ainsi, le gouvernement socialiste, au lieu de protéger le droit à manifester des citoyens, donne à une milice violente un droit de veto sur les manifestations !

    Pourquoi cette censure de plus en plus avérée ? Le nombrilisme de nos hommes politiques, les relations personnelles des uns et des autres, et les jeux d’influence des lobbies, jouent certainement un rôle, mais je ne suis guère qualifié pour en parler. On peut aussi y voir un autre exemple de la crise de notre démocratie, qui voit une classe dirigeante poursuivre ses propres objectifs, en décalage avec les préoccupations des citoyens. Mais je pense qu’il faut aller plus loin, et que le gouvernement socialiste, peut-être sans en être conscient, joue un rôle dans une partition orchestrée ailleurs. Que nous dit-il finalement ? Quel motif serait assez grave pour suspendre un droit aussi fondamental que celui de manifester ? Quel est ce trouble à l’ordre public qui ne saurait être évité qu’en interdisant la manifestation et non en protégeant manifestants et riverains ? Le mot n’est pas prononcé, la menace n’est pas explicitée, mais chacun comprend à demi-mot : c’est de l’antisémitisme qu’il s’agit. Le gouvernement socialiste nous intime que protester contre l’offensive israélienne à Gaza relève de l’antisémitisme, et donc de l’inacceptable. Il se fait ainsi le relais du gouvernement israélien, qui utilise couramment cette accusation pour disqualifier tous ceux qui osent remettre en cause sa politique, alors que nombre de ceux-ci sont des juifs, pieux ou laïcs, sionistes ou antisionistes, Israéliens ou non, qui militent avec un courage exemplaire pour les droits des Palestiniens. Il veut ainsi nous faire croire qu’il ne s’agirait pas d’un conflit colonial, avec un occupant et un occupé, mais d’une guerre de religion, juifs et chrétiens d’un côté, musulmans de l’autre.

    Cette régression de la pensée implique la régression du droit. Le gouvernement socialiste ne veut pas reconnaître la réalité palestinienne, le déni du droit à l’autodétermination, l’expulsion de 1948, le problème des réfugiés, la conquête de 1967, l’occupation et la colonisation de la Cisjordanie, le blocus de Gaza, et la résistance que toutes ces violations du droit international suscitent dans la population locale,(...)