Désobéissance et démocratie radicale

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  • Désobéissance et démocratie radicale
    http://blogs.mediapart.fr/blog/etape-libertaire/180714/desobeissance-et-democratie-radicale

    Nous sommes partis, au plan philosophique, de l’importance chez Ludwig Wittgenstein (1889-1951), comme chez Emerson, de l’idée de voix et de revendication (claim). Lorsque Wittgenstein dit que les humains « s’accordent dans le langage qu’ils utilisent », il fait appel à un accord qui n’est fondé sur rien d’autre que la validité d’une voix. Dans son ouvrage Dire et vouloir dire (1969), Stanley Cavell, reprenant Kant, définissait la rationalité du recours au langage ordinaire, sur le modèle du jugement esthétique, comme revendication d’une « voix universelle » : se fonder sur moi pour dire ce que nous disons. Cette revendication est ce qui définit l’accord, et la communauté est donc, par définition, revendiquée, pas fondatrice. C’est moi – ma voix – qui réclame la communauté, pas l’inverse. Trouver ma voix consiste, non pas à trouver un accord avec tous, mais à faire une revendication. On peut ainsi dire que chez Cavell et Wittgenstein la communauté ne peut exister que dans sa constitution par la revendication individuelle et par la reconnaissance de celle d’autrui. Elle ne peut donc être présupposée, et il n’y a aucun sens à résoudre le désaccord moral ou le conflit politique par le recours à elle. Il ne s’agit pas d’une solution au problème de la moralité : bien plutôt d’un transfert de ce problème, et du fondement de l’accord communautaire, vers la connaissance et le revendication de soi.

    L’individualisme devient alors principe démocratique, celui de la compétence politique et expressive de chacun. Il s’agit de savoir pour chacun ce qui lui convient, et à chaque fois de façon singulière. Le vrai individualisme, ce n’est pas l’égoïsme, c’est l’attention à l’autre en tant que singulier, et à l’expression spécifique de chacun ; c’est l’observation des situations ordinaires où sont pris les autres. C’est pour ces raisons qu’un enjeu de l’individualisme est aussi l’attention aux vulnérables. L’individualisme véritable devient attention concrète à chacun.

  • Désobéissance et démocratie radicale
    http://blogs.mediapart.fr/blog/etape-libertaire/180714/desobeissance-et-democratie-radicale

    Aujourd’hui la désobéissance civile pourrait être tenue pour une forme d’action politique désuète, et inadéquate – surtout en un temps de lutte pour la démocratie même dans des dictatures en cours d’effondrement. La relecture de Thoreau nous permet alors de comprendre le sens de la désobéissance civile aujourd’hui, et son essence démocratique. Le recours à la désobéissance, qui paraît s’écarter des modes d’action politique reconnus, exprime, comme autrefois chez Thoreau, le sentiment d’une perte de la voix, d’une trahison des idéaux de la démocratie : on ne se reconnaît pas dans l’Etat et sa parole, on ne veut plus parler en son nom (ni qu’il prétende nous exprimer). Pourquoi désobéir en démocratie ? Mais justement : on ne désobéit qu’en démocratie – quand on n’a plus dans la vie publique les conditions de la conversation où l’on pourrait raisonnablement exprimer son différend, quand on est dépossédé de sa voix, et du langage commun. La désobéissance est un rappel du fondement de la démocratie, qui est l’expression de chacun, la recherche d’une parole authentique et juste, contre une parole qui, pour reprendre le mot d’Emerson, « nous chagrine » ou est étouffée. Une manière de reprendre possession est la désobéissance, comme revendication personnalisée et publique, au nom de ce que la collectivité des citoyens réclame.

    Où je préfère présenter la conclusion de ce texte de Sandra Laugier discuté lors d’un séminaire sur les théories anarchistes s’étant tenu en juin dernier.
    Sandra Laugier est professeur de philosophie à l’Université de Paris I.

    Le groupe ETAPE (Explorations Théoriques Anarchistes Pragmatistes pour l’Émancipation) est associé à Grand Angle Libertaire, site animé par le très controversé Philippe Corcuff.

    Une composante du mouvement altermondialiste aurait, selon Philippe Corcuff, des tendances « conspirationnistes » : Noam Chomsky, Serge Halimi21 ou l’ex-journal de critique des médias PLPL22. Ses analyses et positions ont été mises en cause au sein d’Acrimed, en particulier par le sociologue Patrick Champagne et le politiste Gilbert Achcar23.
    La pertinence de cette section est remise en cause, considérez son contenu avec précaution. En discuter ?

    Wilfried Lignier a, dans la revueMouvements, publié un compte rendu très critique de son ouvrage La Société de verre (2002) en affirmant notamment : « Sur le fond, il semble que l’absence d’ancrage disciplinaire autorise ou justifie l’absence de rigueur. Comme souvent ailleurs, la double casquette philosophe et sociologue fonctionne comme un instrument de contournement des exigences respectives de la pratique philosophique (le langage conceptuel est plus qu’incertain – la dernière page lue, on ne sait pas plus précisément ce qu’est le produit d’appel, l’"éthique de la fragilité"), et de la pratique sociologique (le discours se fait au niveau de "la société", quand bien même Corcuff lui-même reproche à d’autres (Giddens) l’absence de références aux classes sociales). »24.

    (source Wikipédia)

    Ceci mis à part, le texte de Sandra Laugier me semble digne d’intérêt.

    • « Une société démocratique est moralement responsable des agissements de ses institutions ,mais aussi de ses représentants élus et nommés, chez elle et ailleurs. Il incombe à l’ensemble des individus dans une société démocratique de s’opposer à tous les crimes réels ou supposés contre la vie. L’ignorance, la naïveté ou l’absence de présence physique sur le lieu du crime ne sont pas nécessairement des excuses valables... »

      Hadwin in L’Arbre d’Or , auteur : John Vaillant, ed.Noir sur Blanc ( Paris, 2014)