Transclasses : « L’ascension sociale n’est pas une aventure solitaire »

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  • Transclasses : « L’ascension sociale n’est pas une aventure solitaire »
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    J’ai un copain, ch’ti fils d’ouvriers qui a réussi, à force de lutte et de chance aussi à devenir un cadre sup administratif. Je l’ai connu en fac et aussi pendant les années de galère où, comme moi ou @aude_v, il était un brillant prolo diplomé et chômeur.
    Le jour où il a eu le boulot et le statut social auquel il aspirait, il a rayé de sa vie tout ce qui pouvait lui rappeler ces années noires et son milieu d’origine. J’ai trouvé cette conversion sociale d’une violence d’autant plus inouïe qu’il avait expérimenté, comme nous tous, ce que ça fait que d’être qualifié ET rejeté.

    Cette mobilité sociale représente-t-elle forcément un bien, un progrès ?

    Pas du tout. C’est pour ça que j’ai créé le terme neutre de « transclasse », qui implique le mouvement, le passage d’un côté à l’autre, mais sans jugement de valeur négatif ou positif. Bien sûr, les transclasses peuvent vivre leur trajectoire comme une promotion, mais d’autres la vivent comme une aliénation. En tout cas, on ne peut pas parler de progrès lorsque le transclasse intègre sans discernement les valeurs de la classe d’arrivée et devient un oppresseur qui oublie les opprimés. L’abolition des barrières de classe, qui ne peut se faire que par la voie d’un changement collectif, n’implique pas d’épouser toutes les valeurs du monde bourgeois. On peut comprendre qu’on envie à la bourgeoisie ses ressources économiques et une partie de sa culture, mais toutes ses valeurs culturelles et intellectuelles ne sont pas bonnes à prendre. Il y a également dans la culture populaire des valeurs et des savoir-faire que le transclasse aurait tort d’oublier ou de rejeter car ils peuvent constituer une force, une ressource et fournir un recul critique empêchant l’adhésion aveugle au milieu d’arrivée, à la culture de l’entre-soi qui prévaut souvent dans le monde bourgeois.

    • « Cette mobilité sociale représente-t-elle forcément un bien, un progrès ?

      Pas du tout. »

      Je nuancerais tout de même sur l’aspect financier et bien évidemment sur la pénibilité du travail (l’espérance de vie d’un ouvrier n’est pas la même que celle d’un cadre).
      Etant moi même fils d’ouvrier, j’ai construit ma conscience de classe d’abord en ayant la hantise de finir à l’usine comme mon père puis ensuite en ayant un certain mépris (mépris finalement très « ouvrier ») pour tous les « chefs » et autres « responsables » (ce qu’on appelle « manager » aujourd’hui). Je pense que je ne suis pas le seul dans cette situation.

    • Disons que les voies du surclassement social ont été méthodiquement démontées par la massification du chômage et le tri sélectif à l’entrée des bonnes filières. Difficile de se faire coopter quand la majorité de tes copains de promo se sont retrouvé en galère à la sortie des études... sauf ceux dont les parents pouvaient les caser au chaud. Quant aux réseaux professionnels, ils sont hautement solubles dans le chômage.
      Je vois que même dans la famille bourgeoise de mon compagnon, on est passé de la recommandation pour caser les jeunes à un simple « dommage que ça tombe sur vous, le déclassement ».