Projet » Les niches fiscales, un instrument ambigu

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    Périodiquement, la réforme fiscale remet sur le devant de la scène la légitimité des niches fiscales. Le débat n’est pas neuf et la complainte résonne comme une antienne. L’affaire est entendue : les niches fiscales sont nuisibles, elles coûtent cher et mitent le produit de l’impôt. Et on se plaît à comparer leur coût d’une année sur l’autre. À l’automne 2013, Le Monde s’émeut ainsi de ce que « François Hollande fait exploser le montant des niches fiscales[1] ». Le gouvernement d’alors s’en est défendu en chiffrant celles-ci à « seulement » 70 milliards d’euros. Exactement le même montant que l’année précédente… Néanmoins, le montant affiché exclut le nouveau crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi (10 milliards d’euros pour 2014)[2]. Pourquoi faire davantage abstraction de cette niche-là ? À ce compte, pourquoi ne pas réserver le même sort à d’autres mesures nouvelles, tel le report d’imposition de l’indemnité accordée aux agriculteurs en compensation des événements climatiques exceptionnels ?
    « Niche fiscale », une notion floue


    Peu importe. Qu’il soit de 70 ou de 80 milliards d’euros, le « coût » des niches fiscales est diffusé à l’envi. La raison en est simple : le chiffre, à peu près égal au produit de l’impôt sur le revenu, est colossal et propre à frapper les esprits. Peu de gens savent pourtant exactement à quoi il correspond. Pour ce faire, il faut d’abord traduire la question en langage technocratique : celui-ci ignore complètement l’expression médiatique « niches fiscales » (importée de l’anglais « tax shelters »), souvent dotée d’une connotation péjorative et jamais définie. La seule notion à laquelle est attachée une signification précise est celle de « dépenses fiscales », au nom évocateur d’un frère siamois des dépenses budgétaires. C’est à elles que se rapportent toutes les évaluations qualitatives et quantitatives. Il faut ensuite se plonger dans la documentation, remplie par les administrations de Bercy, qui accompagne, chaque année, le projet de loi de finances. Depuis 2008, le coût total des dépenses fiscales y est indiqué, ce qui devrait permettre de surveiller l’évolution d’une année sur l’autre : de 69 milliards d’euros en 2009 à 74,8 milliards en 2010, avant de se stabiliser autour de 65 milliards d’euros les deux années suivantes et de remonter à 70 milliards d’euros en 2013. En théorie, ce chiffrage devrait autoriser à apprécier l’étendue des « privilèges fiscaux » accordés annuellement par les gouvernements et à estimer leur évolution. Mais, à y regarder de plus près, il est bien difficile d’en tirer une quelconque conclusion.

    D’abord, le coût de ces mesures n’est pas une « dépense », mais un « manque à gagner ». Ce n’est pas pour l’État une somme perdue : c’est une somme qui n’est pas recouvrée. En apparence, cela ne fait aucune différence. En réalité, ce manque à gagner est évalué avec des outils plus ou moins fiables ; l’administration fiscale elle-même admet ne pas pouvoir chiffrer 10 % des niches et ne présenter qu’un « ordre de grandeur » dans un bon tiers des cas[3]. Et chacune de ces niches est chiffrée séparément – le chiffre de 70 à 80 milliards en est l’addition –, alors que le « manque à gagner » d’ensemble n’est sûrement pas égal à la somme des « manques à gagner » induits par chaque mesure.....

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    Pourquoi faut-il se méfier des niches fiscales ? Parce qu’elles instaurent une inégalité entre les contribuables ? Oui, mais surtout parce qu’elles mettent en péril la démocratie…

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