- Qu’est-ce que le STRASS ?

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  • Excellent article : Qu’est-ce que le STRASS ? | Ressources Prostitution
    http://ressourcesprostitution.wordpress.com/2014/08/12/quest-ce-que-le-strass

    Morgane Merteuil reprend à son compte cette analyse relativiste sur la servitude pour dettes, quand, en mai 2012, elle déclare sur le forum du Parti Pirate :
    Des personnes font appel à des réseaux de passeurs, envers qui elles contractent une dette ; arrivées en France, l’argent de leur passes sert notamment à rembourser cette dette et à envoyer du fric à leurs familles restées au pays. Je ne dis pas que c’est une situation "idéale", "enviable", mais cette personne n’est pas pour autant une victime de traite ou d’exploitation. En général, si tout se passe bien, une fois que la personne a remboursé sa dette, elle est "libre" (et si son "mac" refuse, elle devrait pouvoir porter plainte, sauf que, comme elle est venue illégalement en France, si elle va voir la police elle risque en réalité de se faire expulser).

    Dans son post, Morgane Merteuil ne nie pourtant pas que les prostituées étrangères sont souvent des esclaves, puisque sous contrôle d’un « mac » qui peut choisir de les « libérer ». En dépit de cela elle ne les considère ni trafiquées ni exploitées ! Pourquoi donc ?
    Selon le STRASS, le fait que certaines prostituées étrangères « consentiraient » à être trafiquées rendrait acceptable leur condition.

    Après la « traite consentie », les avantages du proxénétisme, selon un mode de raisonnement qui me semble très caractéristique et systématique au Strass :

    En décembre 2010, on pouvait lire sur le site du STRASS :
    Un proxénète, pour les autres travailleurs, s’appelle simplement un employeur. Et si l’on compare l’industrie du sexe avec d’autres secteurs économiques, la part de revenus confisquée par un employeur sur le fruit du travail est souvent bien plus grande. Pour 35 heures de travail par semaine, la part de revenus tirée du travail du sexe sera souvent relativement plus importante. Où est donc l’exploitation ? Nous croyons qu’elle est partout et qu’elle définit tout travail. Mais en focalisant uniquement sur le travail du sexe qui serait défini comme “exploitation sexuelle” a contrario de travail, on fait comme si le travail n’était pas non plus une forme d’exploitation.
    Le raisonnement semble assez paradoxal : l’exploitation existe de toute façon partout dans le monde du travail, et alors, il faudrait la relativiser dans le cas du « travail du sexe ». Pourquoi le STRASS ne se félicite pas au contraire du fait que l’exploitation soit dénoncée comme telle dans la prostitution, et ne propose pas d’appliquer ce raisonnement à l’ensemble du salariat ?

    J’avais raté l’épisode « Morgane Merteuil en Allemagne s’extasiant sur la déco des bordels » :

    Par ailleurs, Morgane Merteuil est allée en Allemagne en novembre 2012, et ses propos sur Twitter au sujet du modèle allemand ont été pour le moins surprenants pour quelqu’un affirmant défendre les droits des prostitué·e·s. Elle a déclaré que le modèle allemand était « moins pire » que ce qu’elle pensait, bien mieux que celui de la France, en tout cas. Quand quelqu’un lui demanda si elle ne considèrerait pas que c’était « l’enfer », étant donné la légalisation du proxénétisme, elle se contenta de répondre « pas plus que quand je me promène en France et que je vois des salariés partout ».

    Elle ira jusqu’à montrer une photo d’un bordel allemand, de façon plutôt enthousiaste, et en en commentant la décoration… Cela semble particulièrement cynique quand on sait qu’en Allemagne, la traite a explosé et que les conditions de « travail » sont particulièrement éprouvantes dans ces bordels.

    (via @monolecte)

    #prostitution

    • @mona : je savais que cette source te plairait !
      Après, il m’arrive de temps à autre de discuter avec Morgane Merteuil sur twitter. Je me souviens sans cesse qu’elle est de l’autre côté du miroir (ou de la vitrine, si l’on souhaite une métaphore plus pointue) et qu’elle y a forcément un point de vue imprenable sur la #prostitution.
      Mais je préfère Mélange instable, moins dans le dogme et plus dans le doute. J’ai toujours préféré les gens qui doutent ;-)
      http://melange-instable.blogspot.fr

    • Oui, je la lis aussi, mais plus depuis un moment effectivement...

      En revanche plus je lis Merteuil plus je suis atterrée. Et l’argument d’intimidation du « point de vue imprenable » me laisse franchement de marbre. Il y a aussi des prostituées qui tiennent un discours opposé au sien, et qui sont au moins aussi légitimes qu’elle pour parler (sans compter l’immense majorité qui n’a aucun moyen de donner son avis), mais le Strass fait tout pour les museler et les discréditer.

      L’article le dit bien :

      Mais ce que font certain·e·s abolitionnistes – à savoir remettre en question d’office le témoignage de certaines prostituées -, le STRASS le fait aussi… à l’égard des prostituées ou des ex-prostituées témoignant des violences inhérentes à la prostitution.

      (...)

      Quand le 21 avril 2013, sur Twitter, un utilisateur fait remarquer que le STRASS adopte exactement le comportement qu’il reproche aux abolitionnistes, à savoir ignorer la parole de certaines prostituées, Morgane Merteuil admet que oui, elle les juge, mais sans argumenter davantage car « elle n’a plus la patience ». Thierry Schaffauser répondra lui, que les « survivantes » reprennent « les discours putophobes ».

      (...)

      Enfin, Thierry Schaffauser et Morgane Merteuil sont aussi très adeptes du discours « Y’a qu’à » au sujet des prostituées abolitionnistes. Ainsi, toujours le soir du 21 avril 2013 sur Twitter, Morgane Merteuil dira que « les putes abos [n’]ont qu’à changer de métier au lieu de vouloir mettre les autres dans la merde ».

      (...)

      Thierry Schaffauser a quant à lui réagi, sous son pseudo habituel, zezetta, sur le forum de Doctissimo à la sortie en 2008 du livre Mes chères études dans laquelle une ex-prostituée « indépendante », Laura, témoigne de son parcours, A l’époque, le STRASS n’existait pas encore sous sa forme actuelle, mais son ancêtre, les Putes, avaient déjà été fondé par Maîtresse Nikita et Thierry Schaffauser. Les propos de ce dernier à propos de l’expérience de Laura, et notamment des viols qu’elle y a subis, sont glaçants :

      Je m’en fous de Laura D qu’elle aille bosser a McDo..16
      je n’ai rien contre elle en tant que telle. Si elle veut se vivre en victime tant mieux pour elle et je lui souhaite plein de gens pour la plaindre.
      Je veux bien etre d’accord avec toi sur le fait qu’elle soit une victime puisqu’elle se presente comme telle.
      Maintenant pour moi un viol ca veut dire un viol et pas un rapport sexuel qu’on recherche en pensant que c’est de l’argent facile et parce qu’on est dans une recherche christique d’auto-humiliation.
      Alors oui je suis dure parce que y a des personnes qui vivent de vrais viols et parce qu’elles sont putes ne peuvent pas enregistrer de plaintes, et a qui on va dire pour toi ce n’est rien puisque c ton boulot… un viol tarife comme tu dis…

      Alors que les représentants du STRASS admettent donc « s’en foutre » du sort ou de l’opinion de certaines prostitué·e·s, ils prétendent dans le même temps que leur organisation représente les prostitué·e·s dans leur ensemble. Sur leur site, on peut lire « Le STRASS représente touTEs les travailleurSEs du sexe ». Dans les communiqués du STRASS, on se rend également compte que l’expression « écouter les travailleur·se·s du sexe » est souvent utilisée à la place de « adhérer aux positions du STRASS ».

      Qui, exactement, « met les autres dans la merde » ?

    • Et l’argument d’intimidation du « point de vue imprenable » me laisse franchement de marbre.

      Je ne veux pas dire par là qu’elle a raison ou tord, mais qu’elle voit forcément les choses d’un angle qui ne m’est pas accessible directement par mon expérience sensible.
      Cela dit, je suis très opposée à ses argumentations.
      Je sais, ça a l’air paradoxal, mais c’est comme ça que je fonctionne. :-)

      Ça fait un mois que Mélange instable est en silence radio. Mais beaucoup de gens sont en silence radio, l’été.

      Sinon, le moins qu’on puisse dire, c’est que je n’ai pas de grandes affinités avec le STRASS. Pour moi, c’est un peu comme si on voulait réduire toute la pensée et la parole féministe à Élisabeth Badinter...

    • La prostitué féministe, c’est un peu comme le chômeur volontaire : des processus adaptatifs à des situations qui sont intrinsèquement contraintes et insupportables à penser en tant que telles. Personne ne peut résister très longtemps à l’idée de subir sa vie plutôt qu’en être l’acteur.
      Il convient alors de retourner la proposition de départ en revendiquant une situation qui s’est pourtant imposée à nous.