Université de Tours, portraits de « précaires » : Thomas

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  • Université de Tours, portraits de « précaires » : Thomas

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    Deuxième livraison de la série sur la précarité à l’Université, initiée par le collectif des précaires de Tours.

    [Les jeunes chercheurs] sont souvent prêts à tout pour « booster leur CV » en espérant un jour pouvoir décrocher le graal : un poste de titulaire. Cela veut souvent dire choisir un sujet « à la mode » (en langage universitaire on dit « facilement valorisable ») se mettre à fond dans la « course à la publi » [1], tenter d’être dans les petits papiers des gens qui comptent (ça peut toujours servir pour publier un papier, décrocher une charge de cours voire obtenir un poste), au besoin être prêt à planter un couteau dans le dos du premier « concurrent » venu… et, évidemment, « fermer sa gueule » autrement dit ne pas trop contester l’ordre établi et ne surtout pas revendiquer quoi que ce soit notamment en matière de conditions de travail.

    (...)

    Très fier de sa trouvaille linguistique (qu’il juge sans doute digne des plus grands esprits du marketing), le directeur du département ne parlait jamais de temps plein sur 6 mois mais de « mi-temps verticaux » qu’il comparait aux vrais mi-temps, qualifiés d’« horizontaux ». Comprendre : plutôt que de répartir ta rémunération sur 12 mois, on te la donne sur 6 et l’UNEDIC complète gentiment le reste. C’est une manière pudique (ou cynique, c’est selon) de dire « Nous on fait des économies en s’asseyant sur le droit du travail et toi tu grilles tes droits chômage ». Par contre, pas question de répartir la charge de cours sur les 6 mois durant lesquels Thomas était payé, bien sûr le département comptait sur lui toute l’année. A ce sujet, la direction expliqua doctement aux deux ATER râleurs qu’il leur fallait bien comprendre qu’il est difficile de faire correspondre les heures effectives d’enseignement et donc le planning des étudiants avec la périodicité des contrats foireux qu’elle a elle même institués. Et quand ils ont osé parler de la responsabilité sociale du département ou de l’université, le directeur leur a gentiment expliqué que ce n’était pas son problème mais que lui « avait uniquement besoin d’être sûr que les cours allaient être assurés, peu importe par qui ». Ça a au moins le mérite d’être clair...

    Officiellement employé de mars à août (une autre personne occupant le poste de septembre à février), Thomas a donc bossé de septembre à février sans aucun statut. Que ce serait-il passé en cas d’accident du travail (alors que, justement, Thomas n’était pas censé travailler) ? En cas de problème avec un étudiant sous sa responsabilité ? Nul ne le saura jamais et heureusement pour Thomas… et pour son département.

    La précarité c’est aussi cela : assumer des risques importants pour permettre à l’institution de faire des économies de bouts de chandelles. La précarité, c’est se retrouver dans des situations ubuesques : un jour Pôle Emploi a fixé un rendez-vous à Thomas à un horaire où il donnait cours. Ne pouvant refuser ce rendez-vous en leur disant la vérité (« en fait je travaille ») alors qu’il la leur cachait pour toucher des indemnités, il a bidouillé un certificat médical, c’est passé. La précarité, c’est accepter un contrat clairement illégal comme celui de Thomas, « faute de mieux » ou parce que ça permet d’avoir de l’expérience et donc d’améliorer un CV. La précarité, c’est enfin accepter de voir son contrat prendre fin parce qu’on n’est plus en odeur de sainteté dans un département ou un autre, quelle que soit la qualité de son travail (dont finalement tout le monde se fout plus ou moins).

    #précarité #université #pôle_emploi #CDD #recherche