Au Liban, la loi sur les loyers anciens ouvre le débat sur le droit au logement - Muriel ROZELIER

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  • Au Liban, la loi sur les loyers anciens ouvre le débat sur le droit au logement - Muriel ROZELIER - L’Orient-Le Jour
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    Entretien avec Nizar Saghié

    Le droit au logement n’existe pas au Liban. Comment le définissez- vous ?
    La notion de « droit au logement » est en effet absente des textes libanais. Il a été mentionné pour la première fois dans la récente décision du Conseil constitutionnel, lorsque celui-ci a statué sur la loi de modernisation des loyers anciens. Dans leur décision, les sages font référence au droit au logement comme un droit fondamental, qui ne peut pas être nié. Il est important de noter qu’il ne concerne pas seulement les locataires de baux anciens. Les plus démunis d’entre eux doivent bien sûr être inclus dans une politique globale de l’habitat. Mais ce droit doit aussi s’appliquer à d’autres populations, dont les revenus ne leur permettent pas de louer sur le marché libre ; voire aux personnes dont le logement est jugé insalubre, indigne ou dangereux.

    N’estimez-vous pas qu’il faudrait aussi envisager des réparations pour les propriétaires qui ont été spoliés pendant des années ?
    Il est de coutume de dire que la libéralisation des loyers anciens met fin à une « injustice vis-à-vis des propriétaires, qui dure depuis 70 ans ». Mais ce n’est pas vrai : l’encadrement des loyers a dans un premier temps répondu à une pénurie de logements locatifs et des abus de la part des propriétaires (loyers excessifs, expulsions arbitraires...). À l’époque, les loyers perçus ne permettaient peut-être pas aux bailleurs de réaliser des bénéfices extraordinaires, mais ils leur fournissaient un rendement « juste » de leurs biens. L’injustice réelle n’a commencé qu’à partir des années 1980, quand la livre libanaise s’est effondrée. Au-delà de cette injustice à réparer, il y a aussi une question à se poser : qui sont aujourd’hui les propriétaires de logements anciens ? Selon moi, un fort pourcentage de logements anciens a été vendu à des promoteurs immobiliers. Les anciens propriétaires acceptant de les vendre à 50 % de leur valeur. À charge pour les promoteurs d’indemniser les locataires. Avec cette loi de modernisation des loyers anciens, les promoteurs n’ont plus besoin de les dédommager et engrangent potentiellement des bénéfices énormes.

    Quelles sont vos principales pistes de réflexion ?
    L’État doit mieux encadrer les loyers. Plusieurs solutions s’offrent à lui. L’une repose sur l’encadrement des loyers selon différents critères (région, surface...). Les pouvoirs publics pourraient également décider de taxer les logements vacants : des pans entiers du parc immobilier ne sont occupés que quelques semaines par an (voire pas du tout). Mais la réforme la plus importante serait de définir les capacités d’assistance des pouvoirs publics. Puis, à partir de là, de cerner les catégories de personnes auxquelles venir en aide. Il n’est pas logique d’aider seulement les locataires de baux anciens, sans critère socio-économique, et ne rien prévoir pour les autres. Il faudrait également mettre en place une politique de construction de logements sociaux par l’État ou les municipalités.

    #Liban #logement #loyer #droit