Liberté de la presse — Wikipédia

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    • En parlant de photographes...
      Alain Keler
      21 avril, 23:53 ·

      Journal d’un photographe / Edition spéciale du soir / Place de la République / La liberté de photographier.
      EDITION SPECIALE DU SOIR
      Jeudi 21 avril 2016.
      Robespierre place de la république. Pas de photos. Cela m’est arrivé deux fois ce soir. En tentant d’interdire aux photographes de photographier certaines réunions, on confisque la liberté d’informer, la liberté de, la presse, qui plus est dans un espace publique. Après avoir expulsé manu militari le philosophe Alain Finkelkraut, c’est un nouveau faux pas pour des militants de la nuit debout. On tente de couper des têtes, comme Robespierre, qui a fini par perdre la sienne.
      « La liberté de la presse est l’un des principes fondamentaux des systèmes démocratiques qui repose sur la liberté d’opinion, la liberté de pensée et d’expression.
      Ainsi, l’article 11 de la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. » L’article 19 de Déclaration universelle des droits de l’homme aussi dispose la protection de la liberté de la presse ».
      Source https://fr.wikipedia.org/wiki/Liberté_de_la_presse
      Empêcher aux photojournalistes d’exercer leur droit d’informer sur la place publique instaure un régime d’exception digne des heures les plus sombres de l’histoire de France. La liberté d’informer est l’un des fondements de notre démocratie, et l’interdire n’est pas autre chose qu’une forme de fascisme qui ne dit pas son nom.
      http://alain-keler.tumblr.com…/edition-speciale-du-soir8-j…

    • En réponse à alain Keler, je colle pour archive.

      Meyer Flou
      34 min · Montreuil, France ·

      Je ne voulais pas répondre au post polémique d’Alain Keler vendredi au sujet de l’image illustrant la réunion féministe de Nuit Debout. Est-ce bien nécessaire ? J’ai passé le week-end à observer la vivacité du débat, je me méfie de ma colère, et j’ai pensé qu’Alain Keler pouvait faire de même. Je m’aperçois qu’il réitère son indignation sur Instagram ce lundi matin, avec les mêmes commentaires qui accompagnent l’image : « Empêcher aux photojournalistes d’exercer leur droit d’informer sur la place publique instaure un régime d’exception digne des heures les plus sombres de l’histoire de France. La liberté d’informer est l’un des fondements de notre démocratie, et l’interdire n’est pas autre chose qu’une forme de fascisme qui ne dit pas son nom. »
      Pour Alain Keler, si je comprends bien, la liberté d’informer consiste à comparer la volonté de cette réunion féministe qui ne veulent pas être photographiées sur la place publique à une forme de fascisme qui ne dit pas son nom, la Nuit Debout et ses dérives avec.
      J’aurais pu aussi adresser ce texte personnellement à Mr Keler, et éviter de jeter la tambouille sur le pavé, mais voilà, c’est justement la difficulté d’apprécier la réalité frénétique des réseaux sociaux, les idées s’y étalent, s’éparpillent. Je partage.

      Je vais donc laisser place à ma colère, la formuler, la faire glisser dans un point de vue. L’image (purement informative par ailleurs) comporte deux aspects évidents, la commission féministe non-mixte et le refus d’être photographié (sur une place publique).

      Un fascisme qui ne dit pas son nom ? Cette formule accolée à cette image de femmes qui sont en train de débattre de leur condition me fait mal, un mal immense. La cécité collective et essentiellement masculine qui s’étale en commentaires est atterrante. Je vais y aller fort. Il en est un de fascisme qui ne dit pas son nom. C’est le roi fascisme, le champion du monde de l’oppression, celui qui écrase et domine tous les autres, tant dans les statistiques que dans la durée. Tous les fascismes du monde ne sont rien face à lui, il les méprise même, il règne tout puissant. Cette catastrophe sans nom qui est la honte de l’humanité, cette humanité qui n’arrive pas à nettoyer ses racines. Cette horreur omniprésente qui souille l’idée même de civilisation porte un nom depuis les années soixante, c’est le sexisme. J’ai brièvement recoupé quelques chiffres, j’imaginais cette horreur, mais il est difficile de s’y confronter tant la nausée est solide, la vérité se glace. Au moment où j’écris ces lignes, dans le monde, dans un silence abominable, des dizaines, des centaines de femmes meurent sous les coups, des centaines, des milliers sont victimes de viols, des millions subissent humiliations en tout genre, toutes (ou presque) travaillent pour moins cher. Tout cela par le simple fait de leur condition de femme. Et vous pourrez au moins multiplier les chiffres par trois le temps que je termine ce texte. Ce cauchemar est permanent. On ne parle pas tellement d’égalité dans cette réunion, ni d’une main au cul de temps en temps, hein ?! On parle de femmes en danger, de femmes mortes. De millions de mortes ? Les chiffres sont impossibles à calculer, cela est à la limite du concevable, tout vacille.
      Pour moi cette image est d’abord cela, un groupe de femmes opprimées, militantes, qui discutent de la question de leur vie et de leur liberté, qui luttent pour le changement.
      Un fascisme qui ne dit pas son nom ? On ose commenter cette image de la sorte !
      Ce n’est pas de l’huile que l’on jette sur le feu, c’est de l’eau.
      La photographie est correcte, le commentaire abject.
      Je comprends l’indignation du photo-journaliste Keler, mais elle me fait honte, en tant qu’homme et en tant que photographe. Que l’on ne vienne pas me dire que c’est simplement la liberté de la presse qui est ici défendue, que cela ne concerne que quelques éléments réactionnaires, ce serait trop facile, les mots sont lâchés.

      J’en viens sur le deuxième aspect de l’image, le no-photo. Vu la dimension de l’oppression, on comprend facilement le concept de commissions non-mixte (par jour, une non-mixte et une mixte), soit. Je pense que l’intention première de la demande polie (svp) de ne pas photographier est justement d’éviter qu’un photographe masculin soit tout de même présent de part sa qualité de témoin, de journaliste, et que cela fausse le débat. Je remarque que la photo existe. En tant que photographe, cela me dérange beaucoup, j’adore quand les gens n’ont aucun problème avec leurs images et que s’enflamme la grande fête du témoignage photographique libre. Ce n’est pas le cas. Quand quelqu’un me demande de ne pas le photographier, je ne le photographie pas, je ne continue pas en lui disant que j’ai le droit d’informer dans l’espace public. Au mieux, j’engage la conversation.
      Or, tout le problème est là, on brandit (bien droit) le droit à la liberté d’expression, mais on n’informe pas, on diffame, on traite ces femmes et leurs comportements de fascistes. Cela est un dérapage intolérable et injuste, venant d’un professionnel. Il ne faut pas s’étonner que les photographes aient mauvaise presse, eux même la nourrissent. L’image se suffisait à elle même, on pouvait s’interroger sur la volonté de ces féministes qui tiennent à être présentes organiquement sur la place, de faire corps avec l’évènement Nuit Debout, c’est très important pour elles. Et en même temps leur demande de ne pas être photographiées pose un vrai problème, la question complexe du rapport droit à l’image/droit de photographier. Lordon et Sophie E ont intelligemment soutenu notre statut de travailleurs, de photographes et de journalistes qui couvrent difficilement la Nuit Debout. J’ai du mal à accepter la volonté de la commission féministe, entre maladresse et provocation. Mais je la comprends, je la respecte, elle m’interpelle. Si cela avait été une commission de migrants en situation irrégulière sous la menace policière ? Ils demandent à ne pas être photographiés, on fait quoi ? Il est commun de voir la presse invitée pour les dix premières minutes seulement d’une réunion quelconque. La plupart des réunions où se décide l’avenir de nos vies, se font dans un secret absolu.
      Dans un second post, Mr Keler en rajoute une couche en évoquant khmers rouges et talibans, il parle de totalitarisme. Oui, il y a des pays encore aujourd’hui où le fait de prendre une image peut vous mener en prison ou pire, et il existe des journalistes courageux pour l’affronter, ce n’est pas le cas en France, ni à République. Il en est un de totalitarisme qui domine tous les autres, encore une fois, et il est global, c’est le néo-libéralisme. On le voit bien avec la question des lanceurs d’alertes qui croulent sous les procès, ce sont eux à mon avis qui représentent le mieux aujourd’hui les valeurs de la vérité qui dérange, ils fournissent des données. Notre droit à l’information, de s’exprimer, de photographier n’est pas inaliénable, il est aliéné. Vous pouvez aller sans problèmes sur les plages de Lesbos photographier le drame des exilés, ce ne sont pas eux qui vous traineront en justice, ils n’en ont ni le souci, ni les moyens, il en est de même de tous les miséreux. L’image choc démultipliée de la mort du petit Aylan pouvait-elle changer notre vision de cette catastrophe ? Il n’en est rien, le message n’est pas passé. Par contre, je mets quiconque au défi d’aller photographier la vie quotidienne des ultra-riches dans les quartiers de Los Angeles ou de Neuilly-sur-Seine pour y dénoncer les inégalités les plus criantes de notre monde, vous ne ferez pas trois jours que vous vous retrouverez dans un tribunal pour non respect de la vie privée. Il est pensé pour qui le droit, qui l’utilise, que se cache t-il derrière la notion de privé ? Au passage, je félicite Paolo Woods et Gabriele Galimberti pour leur travail subtil et volontaire sur l’opacité des paradis fiscaux.
      Je pense qu’il faut observer les changements qui se sont opérés ces dernières décennies, ici, en ce qui concerne l’image. Oui, il est plus difficile de photographier les gens aujourd’hui, le professionnel se heurte aux réticences, au refus, il doit régulièrement se justifier. Alors que paradoxalement, on voit se déployer un empire colossal de l’image, une ère de la photographie. Le rapport à l’image a profondément changé, simplement parce qu’il est pratiqué par tous, nous en avons l’expérience, nous le vivons. À l’heure de l’autoportrait (selfie) il y a une tendance exagérée à vouloir tout contrôler, on contrôle quoi en définitive ? Oui, la photographie est un langage, nous avons vu naître ce monde sous nos yeux. L’invention de l’imprimerie qui a libéré la littérature est une des plus belles mutations du monde. En sera-t-il de même pour l’image à l’heure d’internet ? À nous d’y participer, et pour cela il faut d’abord libérer l’image de l’oppression. Nous ne traversons pas uniquement une crise de civilisation, ce monde du commerce, du profit et de la compétition, le monde est en crise poétique. Les images sont torturées, exploitées, soumises à la désinformation, la surinformation, la non-information. La publicité et ses valeurs mesquines de basse humanité dominent le champ visuel, l’étouffe. D’ailleurs, c’est pour cela que certaines féministes radicales exècrent la photographie, elles y voient l’objet de l’avilissement de leur corps, ce qui est vrai.
      Nous vivons la dictature du média, et nous perdons la valeur du message.
      La photographie est un métier à risque, parfois il faut savoir remballer son amour propre et son appareil dans le sac, c’est douloureux. Essayons de travailler avec passion et lucidité, une culture du doute, de la découverte, poussons les réflexions, il sera plus facile d’inventer. Les gens d’images ont des droits à faire vivre, mais je leur préfère le sens du devoir, c’est là que réside le combat pour l’art photographique, dans la transmission du désir. « Non, explique Hannah Arendt, la liberté n’est pas de faire ce que je veux, mais de commencer une action avec courage ! »
      Alors, il est inacceptable de voir ainsi ces féministes et la Nuit Debout devenir sujets à amalgames, à y coller des termes comme fascisme. Encore une fois les mots sont gondolés, c’est intolérable. En brandissant ainsi la liberté d’expression, on la fragilise.

      Ces amalgames sont dangereux, la menace est grave, l’extrême droite progresse partout en Europe de manière importante, et pour moi c’est clair, c’est là que réside le « fascisme », celui de la xénophobie et du racisme clairement affichés, du négationnisme, le Front National est ses dérives. Nous ne devons pas le perdre des yeux. Si dans la décennie qui arrive, une guerre civile ravage l’Europe une fois de plus, et que tout ce qui est basané, musulman et migrant se retrouve dans des camions pour je ne sais où, il ne faudra pas nous dire que nous ne savions pas. Il faut imaginer le pire. L’extrême droite se nourrit de la crise, il faut faire cesser la crise, il faut partager, au niveau mondial. Cela fera aussi taire les fascismes de Syrie et d’ailleurs. Quant à l’ogre rouge, il semble bien mort depuis la chute du mur de Berlin.
      Alors, une dernière fois, on ne peut coller le terme de fascisme à Nuit Debout. Oui, Nuit Debout dérive, vacille, se cherche, combat et résiste, car les attaques sont violentes, la pression des violences policières est écrasante, l’infiltration politique nauséabonde. Nuit Debout est un évènement, il aura son temps, la voie est ouverte.
      Ce qui se joue là est toute la force humaniste de la gauche dans sa réinvention, c’est très précieux. On débat durement, mais librement, d’égalité, de travail, de partages des richesses, de femmes et de discriminations, d’écologie et de respect, tout ce qui nous concerne. Les jeunes, les bobos, les freaks, les normaux, les intellos, les syndicalistes, les vieux, toutes sortes de gens dignes se mêlent. L’assemblée générale est magnifique, bouleversante.
      Quoi de plus noble chez l’humain que l’élan de la révolte ? L’exigence poétique, car oui, il est urgent de vivre.

      Amis de l’image, tant que vous le pouvez, travaillez avec hargne la pratique libre de la photographie et prenez soin de votre langage.

      Amicalement.

      Meyer.