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  • Berlinskij Kreml / The Terror Machine, de Gregory Klimov, Le prix de la liberté, addendum à la deuxième édition du livre, 1971,
    https://g-klimov.info/klimov__pesn_pobeditelya_ru/pesn_pobeditelya_20.html

    On ne trouve ce texte en ligne que dans la version russe du livre. Vu d’aujourd’hui, plus de soixante dix ans après sa première publication et plus de cinquante ans après celle de l’addendum, ce texte nous révèle deux éléments intéressants de l’histoire de la guerre froide.

    D’abord Klimov raconte que le systéme de gestion des DP (displaced persons) états-unien était géré par des gangsters qui pillaient les réfugiés, les torturaient et les utilisaient comme monnaie d’échange pour leurs deals avec les services secrets de l’URSS. Il s’agit des observations personnelles du vécu l’auteur en 1947. Dans la deuxième partie du texte on découvre le résultat de la transformation d’un jeune homme brillant sous l’impression des persécutions stalinistes et états-uniennes et de sa tentative manquée to sort things out .

    En 1971 déjà Gregory Klimov se réfugie dans des idées dignes des médecins eugénistes nazis qui tournent autour de la décadence. Il explique cette vue du monde plus explicietement dans un autre texte. C’est remarquable car il anticipe une partie de la pensée russe post-soviétique dont se servent les poutinophobes pour dénoncer les Russes comme fascistes.

    Grigory Klimov « Le chant du vainqueur »
    Le prix de la liberté
    Addendum à la deuxième édition du livre
    De nombreux lecteurs de « Le Kremlin de Berlin » se sont demandé : « Et que s’est-il passé ensuite ? »
    Lorsque je leur en ai parlé, ils se sont exclamés : « Mon Dieu, c’est si intéressant ! Pourquoi ne l’avez-vous pas décrit ? »
    J’ai donc décidé de décrire les choses « intéressantes » que je n’avais pas décrites auparavant.
    Si aujourd’hui, en 1971, un touriste soviétique, un marin ou un Kagabeshnik saute d’un train ou d’un bateau à vapeur, il est immédiatement emmené en Amérique. Crier dans la presse qu’il a choisi la liberté américaine est une forme de guerre psychologique. Même la fille de Staline a été emmenée en Amérique.
    C’est parce qu’aujourd’hui, les États-Unis et l’URSS sont officiellement ennemis. Lorsque j’ai choisi la liberté, en 1947, ils étaient officiellement amis et alliés. Et il n’y avait pas encore de guerre psychologique. L’élection de la liberté était un peu différente à l’époque. À l’époque, je travaillais comme ingénieur principal pour la SVA, l’administration militaire soviétique en Allemagne.
    Dans ma quête de liberté, j’ai essayé de demander aux alliés occidentaux, les Britanniques et les Américains, ce que l’on appelle l’asile politique par le biais d’intermédiaires allemands. C’était un geste de courtoisie. Mais les gentilshommes alliés ne voulaient rien entendre.
    Au même moment, les journaux berlinois écrivaient que les Britanniques avaient échangé leur agent-espion Igor Stern, qui s’était endormi et avait été arrêté dans la zone soviétique, contre un officier soviétique qui avait choisi la liberté et demandait « l’asile politique » dans la zone anglaise.
    Quelques années plus tard, les Anglais ont condamné ce même Igor Stern à 10 ans de prison pour des faits délictueux. Et le Russe, qui cherchait la liberté, a payé de sa vie ce Stern.
    Comme j’ai été l’un des premiers à arriver au Kremlin à Berlin, j’ai eu un bon appartement et beaucoup de bonnes choses. Les officiers démobilisés avaient le droit d’emporter tout cela comme trophée. Je donnais maintenant toutes ces bonnes choses à mes bons amis. C’étaient des majors et des lieutenants-colonels du service du génie, presque tous membres du Parti. Lorsqu’ils ont reçu mes cadeaux, ils ont deviné que j’allais partir n’importe où, mais pas en URSS. Certains d’entre eux me l’ont directement laissé entendre. Mais moi, avec un pistolet dans ma poche, je me suis entêté :
    – Je vais à Moscou !
    Un camarade major, après s’être donné du courage avec un verre de vodka, m’a avoué qu’il avait un oncle à Paris et m’a proposé d’écrire son adresse. Je secouai la tête :
    – Je vais à Moscou !
    En guise de cadeau d’adieu, j’ai offert à Inga, une gentille petite amie allemande, toute une cargaison d’objets. Elle aussi a compris qu’un officier soviétique qui partait en Russie ne donnait pas toutes ses affaires, et elle m’a dit : "Écoute, veux-tu que je t’aide ?
    – Écoute, veux-tu que je t’aide à t’enfuir en Allemagne de l’Ouest ?
    Je me tais.
    « J’ai un camarade de classe », dit Inga. - Il était dans la SS pendant la guerre. Maintenant, il s’occupe de faire passer la frontière aux gens. C’est vrai, je devrais vous dire qu’à la frontière, il les tue, leur tire une balle dans la nuque et les vole..... Mais je lui dirai que tu es mon fiancé, et il ne te tuera pas.... Tu veux que je vienne avec toi ?"
    Je l’ai remerciée et j’ai dit que j’allais à Moscou. Oh, cette Inga était une bonne femme. Il est bon de s’en souvenir !
    Finalement, avec l’aide d’intermédiaires allemands, je suis arrivé en voiture dans un village frontalier de Thuringe. Le soir, deux guides, père et fils, paysans locaux, m’ont fait passer la frontière. Ils empruntaient souvent ces chemins forestiers pour se rendre chez leurs parents de l’autre côté de la frontière.
    C’était une nuit d’hiver lumineuse. Me souvenant de l’histoire d’Inga, je marche derrière mes guides - avec un parabellum dans ma poche - juste au cas où. Sous mon manteau est accroché à mon épaule, la bouche vers le bas, un fusil automatique allemand. Des grenades et des chargeurs de rechange pour la mitrailleuse sont éparpillés dans mes poches. C’était au cas où les gardes-frontières soviétiques nous croiseraient.
    Nous avons marché ainsi pendant deux ou trois heures. Et nous sommes arrivés sans encombre à la première gare de la zone américaine. Derrière le bâtiment de la gare, j’ai payé mes conducteurs : je leur ai donné, je crois, mille marks d’occupation, ce qui, à l’époque, représentait environ 5 dollars américains. C’était le premier paiement pour la liberté et, je dois le dire, je l’ai gagné très honnêtement. En guise de récompense, j’ai donné à mes guides mon parabellum, mon fusil automatique et mes grenades à main, ce dont ils m’ont vivement remercié et m’ont longuement salué. Peut-être ne s’attendaient-ils pas à avoir tout un arsenal derrière eux.
    Je suis monté dans le train. Allons-y. Je ne sais même pas où. Loin de la frontière. J’étais tellement concentré sur mon évasion de la zone soviétique que je n’ai pas pensé à ce que je ferais dans la zone américaine. Je me perdais parmi les Allemands, je jetais un coup d’œil et nous verrions ensuite. À cette fin, j’ai même obtenu une carte d’identité allemande au nom de Ralph Werner.
    Bientôt, la police militaire américaine commence à marcher le long du train : les Alliés vérifient les documents. Je montre ma kennecard et je suis arrêté. À la gare suivante, les Alliés me remettent à la police allemande. Je demande à l’aimable policier allemand ce qui se passe. Il s’avère que ma fichue carte d’identité provient de la zone soviétique et qu’ils ont d’autres cartes d’identité ici. Herr Werner sera donc renvoyé dans la zone soviétique par le prochain train. Le policier compatit beaucoup avec moi, mais c’est l’ordre des autorités d’occupation américaines : renvoyer tous les réfugiés allemands de la zone soviétique. Y compris Herr Werner.
    Voyant qu’il n’y avait rien à faire, j’ai sorti d’une autre poche ma carte d’identité SBA (Administration militaire soviétique), où j’étais représenté en uniforme d’officier soviétique.
    Le lendemain, je me suis retrouvé chez les Alliés, dans une villa de campagne près de Kassel, où il y avait une sorte de maison de vacances pour les officiers de renseignement américains. L’après-midi, l’un d’entre eux m’a invité à participer à une compétition de tir au pistolet. Nous avons tiré dans la cour sur des morceaux de bois de chauffage fraîchement sciés, en les mettant sur la crosse. L’éclaireur américain sortait de derrière sa ceinture un revolver court, presque sans canon, comme celui que portent les fringants agents du F.B.I. dans les films. Il a également tiré comme un cow-boy au cinéma - de la hanche, sans viser. Et, bien sûr, il ratait tout le temps.
    Il a ensuite sorti de sa poche un Colt de calibre 32 et me l’a tendu. Comme je tirais avec une arme normale et d’une manière normale, mes résultats étaient bien meilleurs. Mais je soupçonne qu’après cela, l’officier de renseignement américain a conclu que j’étais un tireur d’élite et donc un dangereux agent soviétique. Pour ma défense, je peux seulement dire qu’il était tout simplement impossible de tirer plus mal que lui.
    Quoi qu’il en soit, le lendemain, on m’a fait monter dans une jeep et on m’a conduit au Camp King à Oberursel, près de Francfort. Il s’agissait d’un ancien camp de concentration allemand où les Américains détenaient désormais principalement des criminels de guerre allemands. Le panneau au-dessus de la porte indiquait : « Quartier général du contre-espionnage américain en Europe ».
    Dans ce camp de concentration, j’ai été détenu pendant trois mois. En isolement. J’ai donc choisi la liberté - et pour la première fois de ma vie, je me suis retrouvé derrière les barreaux. Avec des criminels de guerre allemands. Un allié rendant visite à un allié !
    Pendant tout ce temps, je crois que je n’ai été interrogé que deux fois. À l’époque, je parlais couramment l’allemand, mais en anglais, je pouvais seulement lire, mais je ne pouvais pratiquement pas parler. Lors du premier interrogatoire, une Galicienne portant l’uniforme d’un sergent américain a servi d’interprète russe. Mais elle ne comprenait pas le russe et je ne comprenais pas le galicien. Qu’a compris le jeune lieutenant américain de cet interrogatoire ? - Je n’en sais rien.
    Je me suis dit : "Mon Dieu, ils n’ont donc pas un seul interprète russe dans les quartiers principaux du service de contre-espionnage américain ! Les protocoles d’interrogatoire sont estampillés « top secret ». Et cette femme ne comprend pas la moitié de ce que je dis. Et ma vie en dépend. Quelle idiote !"
    Lors du deuxième interrogatoire, on m’a donné un interprète allemand. C’était un jeune homme juif portant l’uniforme d’un caporal américain, qui parlait yiddish au lieu d’allemand. Il ne comprenait pas l’allemand et je ne comprenais pas le yiddish. L’interrogatoire s’est déroulé comme suit :
    Question :
    – De quel établissement d’enseignement avez-vous été diplômé ?
    J’ai répondu en allemand :
    – Polytechnische Hochschule, c’est-à-dire l’Institut polytechnique, où l’on forme des ingénieurs. Le traducteur traduit en anglais comme suit :
    – Vokeschenal High School, ce qui, en Amérique, signifie une école de commerce où vont les plus mauvais élèves qui ne peuvent pas obtenir un diplôme d’une école secondaire normale.
    Les questions qui suivent permettent à l’enquêteur d’apprendre que j’ai obtenu mon diplôme à l’âge de 23 ans, alors que les Américains les plus stupides y parviennent à l’âge de 18 ans. Je suis donc une sorte de supercrétine. Et après ça, j’ai été l’ingénieur en chef du SAS. Qu’est-ce que l’interrogateur a retiré de cet interrogatoire ? - Je n’en sais rien.
    Je me disais : « Comment interroger des criminels de guerre allemands si vous n’avez même pas d’interprètes allemands ? (Soit dit en passant, l’un de ces interprètes des services de renseignement américains était un juif, Henry Kissinger, qui devint plus tard le bras droit du président Nixon). Et ce magasin est le siège du contre-espionnage américain en Europe ?! »
    À Moscou, j’ai obtenu par hasard un diplôme de l’Académie diplomatique militaire, où des milliers de personnes étudiaient toutes les langues du monde, jusqu’aux dialectes nègres d’Afrique. Et ici ?
    Pour être objectif, je dois dire que la nourriture était bonne. Tous les matins, au lever du drapeau, le haut-parleur de la cour diffusait l’hymne américain, que j’écoutais, je l’avoue, avec le plus grand dégoût. Aujourd’hui encore, 24 ans plus tard, lorsque j’écoute cet hymne, il me rappelle automatiquement le camp King.
    Une cellule d’isolement. Sur les murs, des inscriptions laissées par d’anciens prisonniers. Dans toutes les langues du monde, y compris le russe. Certaines d’entre elles sont manifestement des notes de suicide. Par la fenêtre, derrière les barreaux, on aperçoit un canon de char américain. Puis des barbelés. Derrière les barbelés se trouve un champ vert, sur lequel des lapins allemands courent tranquillement. Parfois, ces lapins grimpent même sous les barbelés et s’ébattent sous ma fenêtre.
    Et moi, je m’assois et je me dis : « Oh, pourquoi ne suis-je pas un lapin ? » Prisonnier numéro M-62. Un homme qui a choisi la liberté. Lors de l’interrogatoire, j’ai déclaré que j’avais quitté l’URSS pour des raisons politiques et que je me considérais comme un émigrant politique. Mais pourquoi suis-je détenu ? Pourquoi n’y a-t-il pas d’interrogatoire ? Après tout, mon cas est parfaitement clair. J’ai tous mes documents soviétiques sur moi. Mon nom figure dans les procès-verbaux du Conseil de contrôle allié à Berlin, où j’ai travaillé avec les Américains et les Britanniques. J’ai de nombreuses connaissances allemandes qui vivent dans les secteurs américain et anglais de Berlin et qui me connaissent depuis des années, tant dans le cadre de mon travail que sur le plan personnel. Et tout cela est très facile à vérifier.
    D’un point de vue juridique, il existe un traité sur l’échange mutuel des déserteurs. Mais j’ai un certificat de démobilisation de l’armée. Avec toutes les signatures et tous les sceaux. Et même un laissez-passer pour passer la frontière, sur du papier-monnaie avec filigrane et ma carte-photo. Seul le laissez-passer était à l’envers. Mais de toute façon, le traité d’échange des déserteurs ne s’applique pas à moi.
    Mais alors pourquoi suis-je détenu ? Et en isolement. Et sans interrogatoire. Et sous le sceau « top secret ». Peut-être, me suis-je dit, pour m’échanger contre un espion américain qui s’est endormi dans la zone soviétique, comme Igor Stern ? Oh, vous, les marchands de biens vivants !
    Je ne sais pas si, à l’époque, on n’a pas trouvé de biens convenables à échanger, ou si c’est pour une autre raison. Quoi qu’il en soit, trois mois plus tard, un major américain m’a informé avec indifférence que j’étais libéré. En passant, il a fait remarquer qu’ils allaient devoir m’acheter une nouvelle carte d’identité. Au marché noir. À mes frais, bien sûr, avec l’argent qu’on m’avait pris lors de mon arrestation.
    J’étais un peu surpris que le quartier général du contre-espionnage américain, et dans toute l’Europe, n’ait pas d’autre moyen d’obtenir les papiers d’une personne que de les acheter au marché noir. Mais à l’époque, je m’en fichais. Au moins, ils me laissent sortir.
    La nuit, avant même l’aube, un Tadjik, qui parlait à peine le russe et qui servait apparemment de chauffeur dans ce camp, m’a conduit en voiture du camp King à Stuttgart. En chemin, il s’est arrêté dans un camp DP et a pris un papier certifiant que moi, Herr Ralf Werner, un homme de nationalité indéterminée, j’avais été libéré du camp DP et que je déménageais dans un appartement privé, c’est-à-dire que je passais des mains américaines à l’économie allemande. Je passais donc des mains des Américains à celles de l’économie allemande. C’était là toute l’astuce de l’achat de documents au marché noir.
    Avec ce morceau de papier, nous sommes allés à la police allemande et mon Tadjik a commencé à obtenir de nouveaux documents pour moi. Mais il parlait allemand de telle manière que le policier ne le comprenait pas. J’ai alors fait appel aux services de renseignements américains et j’ai expliqué au policier que ce n’était pas ce Tadjik qui avait besoin de ces documents, mais moi, Herr Werner. J’ai donc obtenu une nouvelle kennkarta, un permis de séjour et des cartes de rationnement.
    C’est ainsi que le vainqueur a choisi le destin du vaincu.
    Après avoir pris congé du Tadjik, je me suis assis sur un banc public et j’ai ouvert le paquet scellé que le Tadjik m’avait glissé au dernier moment - au nom de ses supérieurs. Il était censé contenir mes documents et l’argent emporté lors de l’arrestation. Mais tous les documents avaient disparu. La moitié de mon argent a disparu avec eux - 20 000 marks d’occupation, le prix d’une nouvelle carte d’identité.
    Travaillant comme ingénieur principal pour la SVA, je gagnais en tout et pour tout 8 000 marks par mois. Il n’est donc pas surprenant qu’au moment où la « liberté » a été élue, je me sois retrouvé avec environ 40 000 marks d’occupation (et d’inflation).
    J’ai payé 1 000 marks aux guides allemands qui m’ont fait passer la frontière. Et c’était un gesheft honnête. Mais voilà que le service de renseignement américain me réclame 20 000 marks pour ma « liberté » et tous mes documents professionnels, y compris mon diplôme d’ingénieur, dont je pourrais encore avoir besoin à l’avenir. Cette affaire américaine ne m’a pas enthousiasmé.
    Traduits en monnaie américaine, 20 000 marks représentaient à l’époque une somme insensée, de l’ordre de 100 dollars. Mais les officiers de renseignement américains n’étaient pas dupes. Pour le réfugié que j’étais, cette somme n’avait pas la même signification. Après tout, à cette époque, les Allemands, parmi lesquels je devais vivre, recevaient 400 à 500 marks par mois.
    Si les services secrets américains n’avaient volé que moi, si cela avait été un accident, j’aurais simplement craché et je n’aurais pas décrit la situation avec autant de détails. Mais ce n’était pas un accident, c’était un système. C’est ainsi que presque tous les Soviétiques qui ont « choisi la liberté » ont été traités à l’époque, entre 1945 et 1950. Plus tard, en tant que président de l’Association centrale des émigrés d’URSS de l’après-guerre, c’est-à-dire des personnes qui avaient suivi un chemin similaire, j’ai entendu de nombreuses histoires similaires de leur part.
    Les services de renseignement américains sont officiellement appelés les services de renseignement du gouvernement américain. Mais je dois dire à l’oncle Sema que ce bras n’est pas tant un bras de renseignement qu’un bras de voleur.
    Je dois faire remarquer que le vol ou le cambriolage au Camp King a été effectué de manière assez organisée et prudente. La veille de ma libération, un sergent américain est entré dans ma cellule et m’a tendu un papier à signer, disant : « Je confirme par la présente que j’ai récupéré sains et saufs tous les documents, objets de valeur et, en général, tout ce qui m’a été enlevé lors de mon arrestation ».
    En regardant les mains vides du sergent, j’ai demandé :
    – Où sont toutes ces choses ?
    – Vous les aurez demain quand vous serez libéré", m’a répondu le sergent.
    Après trois mois d’isolement, et avec la perspective d’être renvoyé devant le peloton d’exécution, je n’avais pas particulièrement envie de me disputer avec le sergent pour quelques papiers. J’ai donc pris et signé le papier que le sergent m’a glissé.
    Ainsi, les services secrets américains m’ont non seulement volé, mais ils ont également reçu un reçu attestant que tout m’avait été rendu. C’est peut-être la seule raison pour laquelle ils m’ont gardé à l’isolement pendant trois mois - comme entraînement psychologique pour intimider une personne. Je ne vois pas d’autre raison logique.
    Après avoir vécu quelques jours à Stuttgart, j’ai commencé à réfléchir à ce que je devais faire ensuite. Les officiers soviétiques de la mission de rapatriement se promenaient encore dans Stuttgart à cette époque. Il était un peu étrange pour Herr Werner de regarder cet uniforme qu’il avait lui-même porté récemment.
    Pour une raison quelconque, je me suis souvenu du Conseil de contrôle allié à Berlin, où j’avais rencontré les Américains. Les véritables vainqueurs de l’Allemagne hitlérienne y étaient clairement identifiés. Les Soviétiques se sont comportés de manière résolument cavalière, tandis que les Américains ont fait preuve d’ingratitude. Ils ont tâté mes boutons et mes épaulettes et m’ont souri de manière flatteuse. Ensuite, il y avait des divisions de chars soviétiques derrière moi. Ils m’ont alors pris pour un Soviétique et j’ai pensé qu’ils étaient des gentlemen. Aujourd’hui, le soviétique est devenu russe et les gentlemen sont devenus des escrocs. Bien sûr, pas tous, mais...
    Mais je n’avais pas encore subi la psychologie du vainqueur du Conseil de contrôle. Et si j’allais voir le consul américain à Stuttgart et lui demandais conseil sur ce que je devais faire ? Après tout, les Américains du Conseil de contrôle ne demandaient qu’à me parler. Mais je n’ai pas pu le faire à l’époque. Aujourd’hui, je le peux. Eh bien, parlons-en. Après tout, vous êtes les patrons ici. Je n’ai rien à vous cacher. Même si les services secrets américains sont truffés d’escrocs, les diplomates américains doivent être des gentlemen.
    Je suis donc assis dans le bureau du consul. Il a l’air d’un gentil monsieur avec une bedaine. Mais pour une raison que j’ignore, ce monsieur est surtout intéressé de savoir où et comment j’ai obtenu mon kennkart.
    – Par la police allemande, réponds-je. - Mais avec l’aide des services secrets américains.
    – Et avez-vous payé quelque chose pour cela ?
    La question est assez délicate et même un peu provocatrice. Si je me tais, le consul peut vérifier, et alors on me demandera : « Pourquoi le cachez-vous ? Peut-être cachez-vous aussi quelque chose d’autre ? »
    – Oui et non", réponds-je.
    – Que voulez-vous dire ? - insiste le consul.
    – Je ne l’ai pas payé moi-même, mais ils me l’ont pris.
    – Combien ?
    – Vingt mille marks.
    – Par qui ?
    – Les services secrets américains.
    Après avoir découvert cette question financière, le monsieur à la bedaine s’est désintéressé de moi. C’est peut-être vrai que les Américains ne s’intéressent qu’à l’argent. - me suis-je dit. En me disant au revoir, le consul m’a promis qu’il ferait quelque chose.
    Et effectivement, le lendemain matin, la police militaire américaine m’a tiré du lit. Ils m’ont mis dans une jeep, avec toutes mes affaires, et m’ont emmené. Ils m’ont emmené au même Camp King, près de Francfort. Ils m’ont retiré ma nouvelle carte d’identité et m’ont de nouveau enfermé à l’isolement.
    J’y suis resté trois mois de plus. Sans un seul interrogatoire. Une seule fois pendant tout ce temps, trois messieurs sont entrés dans ma cellule - comme par hasard - un colonel, un major et un sergent qui servaient d’interprète de l’anglais à l’allemand, ou plutôt, de nouveau en yiddish, où je ne comprenais que quelques mots.
    Sur un ton de reproche, le colonel m’informa qu’ils voulaient m’aider, mais qu’au lieu de leur témoigner de la gratitude, je ne faisais que leur causer des ennuis - un trable - et qu’ils ne savaient tout simplement pas quoi faire de moi : apparemment, ils n’avaient qu’à me renvoyer. Après quoi, secouant la tête d’un air réprobateur, ces messieurs sont partis.
    Comme le colonel est apparemment l’un des chefs du camp, je me suis dit qu’il ne s’agissait pas du travail de certains officiers, mais d’un système : tout le quartier général du contre-espionnage américain est entre les mains de gangsters. Et le consul américain à Stuttgart n’est pas mieux. Ils forment tous un seul et même gang, messieurs de la route.
    Mon opinion personnelle est bien sûr absurde. Mais je n’étais pas le seul à le penser, des centaines de Soviétiques qui avaient choisi la liberté et subi une rééducation idéologique au camp King le pensaient aussi.
    Une nuit, je me suis réveillé en entendant un grondement dans l’une des cellules voisines. À travers les murs, on entendait un bruit de lutte, comme si on attachait quelqu’un, et de forts jurons.... russe... Des piétinements et des voix d’Américains... Puis quelqu’un est traîné dans le couloir.
    Eh, me suis-je dit, cela signifie que quelqu’un de notre côté a été traîné... Pour la restitution.
    Après cela, j’étais tellement dégoûté que j’ai décidé d’entamer une grève de la faim et de refuser de prendre le plateau du petit-déjeuner le matin. Mais le sergent a placé le plateau sur la couchette du haut et a fermé la porte à clé. Le petit-déjeuner est resté là jusqu’à l’heure du déjeuner. Au déjeuner, un autre sergent plaça un autre plateau, qui resta là jusqu’au dîner. Et le dîner restait sur la couchette du haut jusqu’au matin. Et ainsi de suite tous les jours. Pendant douze jours.
    Si quelqu’un pense qu’il s’agit d’une farine alléchante, il n’en est rien. Même si j’avais toujours de la nourriture au-dessus de ma tête, je n’avais pas du tout envie de manger. Ensuite, on ne boit même plus. Seules la fatigue et la somnolence apparaissent. Et tout cela est absolument indolore. Ceux qui veulent perdre du poids peuvent essayer. Mais il faut d’abord se retrouver dans le couloir de la mort.
    Finalement, après douze jours de grève de la faim, un major américain est venu dans ma cellule avec une pipe entre les dents et m’a demandé ce qui se passait. Je lui ai répondu que je voulais moi-même savoir ce qu’il en était. Et pourquoi suis-je détenu ici ?
    En regardant la pipe entre les dents du major, je me suis souvenu que je n’avais pas fumé depuis plusieurs jours et je lui ai demandé une cigarette. Le major fouilla dans ses poches, puis regarda sa pipe, qui était vide et même sans cendres, et m’informa qu’il n’avait ni cigarettes ni tabac. Il a sucé la pipe vide. Juste pour le style.
    J’imite Sherlock Holmes, me suis-je dit.
    D’ailleurs, du point de vue de la psychanalyse freudienne, si populaire en Amérique, les hommes impuissants aiment sucer une pipe vide pour se donner l’air puissant. Et l’impuissance est souvent liée au sadisme. Et le sadisme, à son tour, est souvent associé à une soif pathologique de pouvoir sur les autres. Et ces types pullulent dans tous les lieux maléfiques - Tchéka, Gestapo ou camp de concentration américain - où un homme peut abuser d’un autre en toute impunité.
    Suçant sa pipe vide, le major a dit entre ses dents que j’étais envoyé demain et m’a recommandé d’arrêter ma grève de la faim afin de prendre des forces pour le voyage.
    – Où vais-je être envoyé ? - demandai-je.
    – Je ne le sais pas, répondit le major.
    – Et est-ce que c’est certain que c’est demain ?
    – Je vous donne ma parole d’honneur en tant qu’officier américain", a dit le major, apparemment un peu vexé que je ne l’aie pas cru dès le premier mot.
    Eh bien, pensai-je, si demain on m’envoie dans un endroit inconnu, il vaut mieux, en effet, économiser des forces pour la route - vendre ma vie plus cher.
    Sans retirer sa pipe vide de la bouche, le major m’a souhaité un bon appétit et est parti. Mais comme la grève s’était terminée dans des termes assez vagues, malgré douze jours de grève de la faim, je n’avais pas d’appétit. Sur la couchette du haut, il y avait un plateau de repas froid. Mais j’ai attendu le dîner, quand on m’a apporté un service chaud, et c’est seulement à ce moment-là que j’ai mangé. Je n’avais pas d’appétit non plus.
    Le jour suivant s’est écoulé sans changement. Puis le deuxième. Et le troisième. La parole d’honneur de l’officier américain s’est donc révélée aussi fausse que sa pipe vide !
    Auparavant, en tant que criminel particulièrement dangereux, on m’avait emmené me promener seul. Maintenant, je me promenais en compagnie d’un général SS et d’un colonel de la Gestapo. Au début, j’ai eu honte de leur dire qui j’étais. Je n’avais pas honte de moi, mais des Américains. Lorsque j’ai finalement révélé mon secret, mes collègues de prison ont presque éclaté de rire. Ils s’attendaient à tout sauf à une telle absurdité.
    Mais je ne riais pas. Que faire ? Attendre qu’ils vous attachent comme un mouton la nuit et qu’ils vous rendent ? Et selon la loi soviétique, fuir à l’étranger est officiellement considéré comme de la haute trahison et est passible du peloton d’exécution. J’ai lu de telles phrases plus d’une fois dans les ordres du quartier général de la SVA.
    En proie à un sentiment de protestation impuissante, j’ai décidé d’essayer de me suicider. Bien sûr, je n’avais pas l’intention de me tuer sérieusement. Mais quand on est sur le point d’être tué par d’autres, pourquoi ne pas essayer d’abord soi-même ? Au moins, il y a l’avantage de pouvoir changer d’avis à la dernière minute. C’est pour l’instant ma seule liberté.
    Après le dîner, je me suis mis au travail. J’ai déchiré ma chemise en lanières, je les ai torsadées en harnais et je les ai enduites de savon. Je les ai ensuite attachées en une corde et j’ai fait une boucle à l’extrémité. Le seul endroit où la corde pouvait être accrochée était une grille au plafond, derrière laquelle était cachée une ampoule électrique.
    La cellule était déjà plongée dans la pénombre. Je me suis assis sur la couchette supérieure, j’ai attaché la corde à la grille et j’ai regardé le plafond. Puis j’ai appuyé sur le plafond avec ma main. Pour un ingénieur ayant étudié la résistance des matériaux, il était clair que le jeu n’en valait pas la chandelle : mon cou était bien plus résistant que le mince plafond en contreplaqué.
    Pour ne pas me tromper, j’ai décidé de tester d’abord le plafond. Et pour ne pas gaspiller mon cou, j’ai saisi la boucle à deux mains et j’ai sauté.
    Mes calculs sur la résistance des matériaux se sont avérés exacts. J’ai atterri en douceur, comme dans un gymnase, sur le sol. Toutes sortes de matériaux de construction et de fragments d’ampoules me sont tombés sur la tête.
    Comme je ne voulais pas encore dormir, j’ai décidé d’essayer une autre méthode pour me tuer. Dans l’obscurité, j’ai cherché à tâtons sur le sol une douille d’ampoule dont les bords étaient recouverts de fragments de verre aiguisés comme des scies. Je me suis assis sur la couchette inférieure et j’ai commencé à scier les veines de mon bras gauche avec cet instrument. Là où bat le pouls.
    Je ne me sentais pas mal à l’aise de scier les veines d’où venait le sang. J’ai beaucoup de sang. Pendant la guerre, j’ai souvent donné mon sang pour des transfusions - juste pour le plaisir, parce que j’en ai beaucoup. Mais, bizarrement, pour une raison quelconque, je me suis senti désolé de voir dans l’obscurité les tendons, qui sont quelque part tout près de moi. Après tout, me suis-je dit, en cas de problème, tu ne pourras pas serrer le poing.
    Quelque chose de chaud et de collant a coulé le long de mon bras, comme disent les écrivains. La scie avec les éclats de verre était plutôt inconfortable et déchirait la viande. Cette procédure ennuyeuse a fini par me lasser et j’ai eu envie de dormir. Je me suis allongé sur la couchette, j’ai posé ma main (je l’ai sentie - elle fuyait) et je me suis endormi.
    Dans mon sommeil, j’ai entendu la porte s’ouvrir, les débris de verre et de matériaux de construction crisser sur le sol. Le faisceau d’une lampe de poche a traversé la cellule et a touché une flaque de sang sur le sol. Puis l’alarme a retenti dans le couloir. On a appelé un médecin, on m’a bandé le bras, on m’a enlevé mes lunettes et on m’a transféré dans une autre cellule. Seul, bien sûr. Comme il est d’usage pour les criminels dangereux.
    Le lendemain soir, un visiteur est venu dans ma cellule. Il portait un uniforme militaire, avec le ventre volumineux d’un rentier prospère, un énorme pistolet sur son cul tout aussi volumineux, et un brassard noir avec une croix blanche sur sa manche. J’ai regardé et je me suis demandé si c’était un pirate ou un médecin. Mais il s’agissait en fait d’un prêtre protestant.
    La seule chose dont je me suis rendu compte, c’est qu’une fois et pour une raison quelconque, il s’était également suicidé. Je pense que lorsqu’il était missionnaire en Afrique, ses disciples ont décidé qu’il valait mieux le faire bouillir et le manger.
    Que les cannibales allaient manger le pasteur, il y avait une certaine logique à cela. Une logique cannibale, mais une logique tout de même. Le pasteur était gros et il serait utile aux cannibales affamés. Mais à quoi cela servait-il aux Américains de faire ce qu’ils étaient en train de me faire ? - Je ne pouvais pas comprendre cela.
    Car à l’époque, je me considérais comme un partisan aussi sincère de l’Occident que, par exemple, à l’inverse, ces communistes américains qui passent du côté soviétique. Mais si les services secrets soviétiques rencontraient ces communistes comme les Américains m’ont rencontré, tous ces escrocs et ces voleurs seraient abattus comme des chiens. Non pas pour avoir volé, mais pour avoir porté atteinte aux intérêts de l’État. Et ici ? Quelle sorte de démocratie est-ce là ?
    De temps en temps, des livres anglais en lambeaux étaient apportés dans la cellule. Il s’agissait de romans policiers ou d’espionnage. En les lisant, je me suis dit : « C’est dans ces livres que les espions américains apprennent à travailler ».
    Mais parfois, ils apportaient des journaux allemands. Dans l’un d’eux, j’ai lu un petit article sur un soldat soviétique qui s’était échappé à l’Ouest et qui était resté dans un hôpital américain en attendant d’être extradé vers les autorités soviétiques.
    Je me suis dit qu’il était peu probable que ce soldat se soit rendu à l’hôpital pour des maux d’estomac. Il a probablement aussi tenté de se suicider lorsqu’il a appris qu’il allait être extradé.
    La note poursuit en disant que lorsqu’un groupe d’Américains accompagnés d’officiers soviétiques s’est présenté à l’hôpital, le soldat condamné a arraché une mitrailleuse à quelqu’un, a tiré sur huit ou neuf personnes autour de lui, puis s’est suicidé.
    J’ai soigneusement déchiré cette note et l’ai glissée dans ma poche.
    Quelques jours plus tard, on m’a réveillé au milieu de la nuit, on m’a emmené à la douche et on m’a dit de me raser. Ensuite, on m’a fait monter dans une jeep accompagnée de deux policiers militaires. L’un d’eux avait un sac avec mes papiers.
    À l’aube, nous sommes entrés sur l’autoroute et j’ai lu le panneau : « Tant de kilomètres jusqu’à Leipzig ». Nous sommes donc en route vers la frontière soviétique. Il reste quatre heures.
    Un soldat s’est assis au volant, l’autre à côté de lui, et on m’a mis à l’arrière. C’étaient de simples Américains à l’arrière du crâne rasé et rose. Pour montrer leur démocratie, ils m’ont même offert du chewing-gum. Puis le second s’est endormi, et son colt de gros calibre s’est balancé par derrière et m’a tapé séduisamment sur le genou.
    Prends ce colt, me suis-je dit, tire sur ces têtes roses vides et cours. Il y a des bois et des buissons tout autour. Mais courir où ? Je ne peux pas aller à l’est. Et si je tue ces soldats, je ne pourrai pas aller à l’ouest.
    La jeep roulait à vive allure vers la frontière soviétique, et j’essayais dans mon esprit de prévoir toutes les possibilités de transfert et de mettre la main sur une arme. Je me suis souvenu d’une note dans ma poche. Ce soldat a eu de la chance de mettre la main sur un fusil automatique. La mitrailleuse a 72 cartouches, mais ce colt minable n’en a que 8, et on ne peut pas faire de feu d’artifice avec un colt.
    Le plus important, c’est d’arracher l’arme. Au moins, je n’étais pas ligoté comme ce chercheur de liberté qui jurait alors qu’on le traînait dans les couloirs du Camp King la nuit.
    Je n’avais même pas particulièrement envie de tirer sur les conseillers. Pourquoi ? Parce qu’ils pouvaient être des gens comme moi, des esclaves du système. Mais abattre plus d’Américains, c’est un oui... Suis-je une nuisance pour vous ? Pourquoi me livrez-vous à l’abattoir ?
    Bien sûr, ce n’est pas la faute des soldats américains qui m’emmènent. Quelle est ma faute ? Je ne suis qu’un animal chassé. J’aimerais pouvoir abattre les lieutenants, les majors et les colonels qui sont restés au Camp King...
    Et puis lâchez la mitrailleuse, levez les mains et allez vers vos hommes pour qu’ils soient fusillés. Mais avant le peloton d’exécution, je ne vous demanderai qu’une seule faveur : faire un discours devant les soldats et les officiers soviétiques. Pour une fois, quand j’étais écolier, j’ai été le premier orateur. Puis, devenu adulte, je me suis tu. La conscience m’en a empêché. Mais maintenant, je vais faire un tel discours, un tel discours, du fond du cœur, du fond de mon cœur :
    – Camarades, frères, battez ces salauds d’Américains jusqu’à la dernière balle ! Je serais bien le premier, mais vous voyez, je ne peux pas... Ne croyez pas un seul mot des Américains. Ce sont tous des voleurs et des menteurs. J’en ai fait l’expérience moi-même. Et leur glorieuse liberté - la voilà, regardez-moi ! Vous voyez ?
    J’étais tellement en colère que j’étais même prêt à rejoindre le parti communiste avant d’être fusillé. Je vais le dire :
    – "Camarades, frères, je n’ai plus rien à perdre. Je vais donc vous dire toute la vérité. Oui, j’ai évité de rejoindre le parti communiste parce que je pensais que tous les communistes étaient des idiots ou des salauds. Mais maintenant, je suis convaincu que les Américains sont encore plus idiots et plus salauds. Et comme il n’y a pas de vérité dans le monde, inscrivez-moi au parti communiste. Je veux mourir en communiste !
    Oui, je leur ferai la propagande qu’aucun responsable politique n’a pu inventer. Et tout cela du fond du cœur. Et comment vont-ils abattre l’homme dont les Américains ont fait un ardent communiste ?
    Et je me suis dit : il y aura un idiot de moins qui aura cru à la liberté.... Ah, les ailes d’un paysan.
    Il est arrivé quelque chose de similaire aux soldats soviétiques qui se sont rendus aux Allemands au début de la guerre. Après avoir traversé les camps de la mort allemands, si ces soldats se sont à nouveau engagés dans l’Armée rouge, ils se sont vraiment battus jusqu’à la dernière balle.
    Entre-temps, la jeep a roulé jusqu’à la gare frontière du chemin de fer Bebra West. La même gare où, six mois plus tôt, j’avais choisi la « liberté » pour passer ces six mois dans une prison américaine.
    L’un des accompagnateurs a pris le sac contenant mes papiers et s’est rendu chez le commandant militaire américain. Je me suis assis là, m’attendant à ce que cela commence maintenant.... En même temps que le commandant américain, les gardes soviétiques armés de fusils automatiques sortaient et.... Je voulais juste arracher la mitrailleuse. J’ai retiré le support, libéré la sécurité et, le doigt sur la gâchette, j’ai tiré sur les Américains.....
    Au bout d’un moment, l’escorte est sortie seule et m’a fait signe de la main de sortir. Ils ont donc décidé de m’emmener là-bas. Je suis sorti de la voiture pour me rendre au bureau du commandant.
    Mais l’escorte s’est mise au volant et a démarré le moteur, comme si elle allait partir. Je n’ai eu d’autre choix que de demander :
    – Où dois-je aller ?
    – Où vous voulez aller", répond le soldat en mâchant du chewing-gum. - Si vous voulez, allez par là", dit-il en faisant un signe de la main en direction du côté soviétique. - Et si vous ne voulez pas, allez où vous voulez...
    Le soldat a fait tourner la jeep et a donné un coup d’accélérateur, de sorte que les pierres sous les roues me sont tombées dessus, comme dans les films de gangsters. Et je me suis retrouvé seul.
    J’ai regardé autour de moi pour voir si j’étais suivi. Le soleil brillait, les Allemands se promenaient et personne ne faisait attention à moi. J’avais l’impression d’être à nouveau libre. Je me suis assis sur une pierre à l’entrée de la gare et j’ai essuyé la sueur de mon front. Intérieurement, je m’étais préparé à toutes les possibilités, sauf à celle-ci.
    J’avais déjà tellement dit adieu à la vie que le retour à la vie m’avait assommé. Au lieu de la joie ou du soulagement, je ne ressentais qu’une froide fureur. Encore une chose sournoise ! Quel est ce jeu du chat et de la souris ?
    Poste frontière. Des policiers allemands se promènent et vérifient les documents. Il y a aussi des députés américains. Il y a six mois, j’ai été arrêté ici alors que je vérifiais mes papiers. Pour m’apprendre la gratitude et les bonnes manières, ces messieurs du Camp King m’ont retiré la carte de séjour pour laquelle ils m’avaient pris 20 000 marks. Et maintenant, je n’avais plus de papiers du tout. Si un policier s’approchait de moi et me demandait mes papiers, il me renverrait à Kamp-King, d’où je venais, pour identification.
    Le prochain train pour Stuttgart ne part que le lendemain matin. Comme il était dangereux de passer la nuit à la gare, j’ai passé ma première nuit de liberté en première ligne : je suis simplement entré dans une maison bombardée loin de la gare, je me suis allongé sur une pile de briques, j’ai mis mon poing sous ma tête et je me suis endormi en regardant le ciel étoilé au-dessus de ma tête.
    À mon arrivée à Stuttgart, je me suis rendu au poste de police où j’avais obtenu ma carte d’identité et j’ai déclaré qu’on me l’avait volée. Bien entendu, ayant appris de ma triste expérience avec le consul américain, j’ai prudemment gardé le silence sur le fait que les voleurs qui avaient dérobé ma carte étaient le quartier général des services de renseignements américains en Europe. Herr Werner a donc reçu un duplicata de sa carte et a commencé une nouvelle vie.
    En 1947, l’Allemagne de l’Ouest à moitié détruite était envahie par des millions de personnes déplacées de tous les pays d’Europe de l’Est et par des millions de réfugiés allemands expulsés de ces mêmes pays d’Europe de l’Est. Il n’y avait aucune possibilité de travailler dans une spécialité. Un jour, j’ai lu dans le journal que les Américains recherchaient un électricien pour superviser les fours à maïs électriques du PX. J’ai posé ma candidature et j’ai dit honnêtement qu’avant cela, j’avais été ingénieur principal dans l’administration militaire soviétique et que j’avais dirigé des dizaines de grandes usines électriques travaillant sur les réparations, et que j’espérais donc pouvoir m’occuper de quelques fours électriques pour rôtir le maïs. Mais j’ai essuyé un refus. Et ils m’ont même dit honnêtement pourquoi : je n’étais pas politiquement fiable.
    Allez au diable, me suis-je dit. J’ai fui l’Union soviétique parce que j’y étais considéré comme politiquement peu fiable. Et ici, je suis aussi politiquement peu fiable !
    Pour tuer le temps, j’ai écrit quelques croquis de la vie au Kremlin à Berlin, c’est-à-dire dans le quartier principal de la SVA, et je les ai envoyés aux éditeurs de Posev. Après avoir lu mes croquis, ils ont décidé que j’étais un professionnel de la presse et m’ont longtemps persuadé d’avouer où j’avais écrit auparavant - dans la Pravda ou les Izvestia, et sous quel nom.
    Je vivais alors dans une mansarde d’un hôtel bon marché, le « White Deer », dans la banlieue de Stuttgart. Je dormais sur un lit, et sur l’autre - un korobeynik allemand borgne, qui gagnait sa vie en se promenant avec une boîte autour du cou dans les villages voisins et en vendant des lacets, de la cire, du fil et des épingles. Pendant qu’il marchait, je m’asseyais à la fenêtre du grenier et j’écrivais sur le Kremlin de Berlin.
    À l’automne, j’ai emménagé dans une petite maison avec une veuve russe. Lorsque la veuve fut convaincue que je ne préférais pas une vieille femme russe mais de jeunes Allemands, les complications patriotiques commencèrent. Je m’asseyais et écrivais mes essais, tandis que la vieille femme offensée s’asseyait et écrivait partout des dénonciations selon lesquelles j’étais un espion soviétique. Puis le gendre de cette vieille femme a sauté par la fenêtre du cinquième étage et s’est tué. Pouvez-vous imaginer quel genre de vieille femme elle était ?
    En hiver, ma cellule n’était pas chauffée et il faisait aussi froid à l’intérieur qu’à l’extérieur. Le seul moyen de chauffage était les cigarettes faites avec du tabac noir de paysan - sucre, plus fort et plus puant que la mahorka. Le papier papyrus était un luxe trop grand pour mon budget, et j’ai filé des cigarettes à partir de « Posev », dans lequel j’étais imprimé, et que l’on m’envoyait en tant qu’exemplaires d’auteur. De cette façon, en une semaine, j’ai fumé tout The Seed.
    Toute la journée, je m’asseyais et j’écrivais - dans mon manteau, avec des gants et un chapeau sur la tête. Parfois, je devais faire des pauses lorsque l’encre de l’encrier gelait. La seule source de revenus était les droits d’auteur du Posev. À cette époque, la nourriture était très rare en Allemagne, et je devais parfois manger du hareng avec de l’eau et du pain pendant une semaine. Une autre semaine, je mangeais du miel artificiel, également avec de l’eau et du pain.
    J’ai essayé d’émigrer en France - on me l’a refusé. J’ai essayé d’émigrer en Australie - on me l’a refusé. Comme politiquement peu fiable. Au même moment, pour la troisième fois, tous mes documents ont mystérieusement disparu, y compris le duplicata de la malheureuse carte Kenn. Des DP expérimentés m’ont assuré que tous les fonctionnaires américains de l’UNRRA et de l’IRO chargés de l’émigration étaient des shantrapa internationaux, des compagnons de route communistes, des agents soviétiques ou simplement des voleurs qui vendaient même leur propre mère au marché noir, et qui avaient sans aucun doute vendu tous mes documents et questionnaires, dans lesquels je devais dire toute la vérité, aux services de renseignements soviétiques.
    Le deuxième hiver arriva, et je restai assis dans ma cellule à écrire. Mais à Noël, j’ai reçu un cadeau émouvant. L’un des lecteurs de Posev, qui gagnait sa vie en volant (un vol honnête), a volé une machine à écrire quelque part et me l’a apportée en cadeau :
    – Vous écrivez si bien, m’a-t-il expliqué, que j’en ai les larmes aux yeux. Et c’est le plus important, quand cela touche le cœur. Après tout, nous avons tous parcouru ce chemin. J’ai donc décidé d’aider la cause commune...
    En partant, il fait claquer ses talons comme un soldat et donne la visière de son chapeau de feutre :
    – Camarade ex-commandant, je vois que vous avez faim et froid ici. Même nous, les voleurs, nous ne vivons pas comme ça. Alors ne soyez pas timide... Si tu as besoin de quelque chose, tu n’as qu’à le dire... Nous t’aiderons.
    Oui, en parlant de voleurs. J’ai des photos de Kitty, une de mes amies berlinoises, qui manquent dans ma valise. J’ai récemment reçu ces photos par la poste. Elles n’ont pas pu se perdre. Mais qui les voudrait ? Seulement une agence de renseignements. Mais les services secrets soviétiques, en cas de besoin, ne prendront pas une photo, mais une Kitty en direct. Donc, selon la théorie des probabilités, il ne reste qu’une chose : les services secrets américains, les mêmes messieurs de Camp King.
    C’est amusant. Pendant que les voleurs russes me proposent leur aide, les services secrets américains fouillent mes valises. Et en même temps, pour la deuxième année consécutive, je publie chaque semaine dans Posev, qui est l’une des principales sources d’information pour les experts américains des affaires soviétiques. Cet épisode m’est revenu à l’esprit plus tard, après un nouvel échec et une flagellation publique de l’agence de renseignement américaine CIA, lorsque des badges ont été vendus dans tout Washington avec l’inscription suivante : "Notre travail est si secret qu’il n’y a pas d’autre moyen d’y parvenir : « Notre travail est si secret que nous-mêmes ne savons pas ce que nous faisons ».
    On dit que l’Amérique est un pays de merveilles. C’est pourquoi les vrais best-sellers russes sont écrits en Amérique par des écrivains fantômes. Et si quelqu’un a écrit son propre livre, ce n’est pas un phénomène normal.
    Les livres russes normaux sont écrits en Amérique de cette manière. C’est ainsi qu’est paru le livre « The Secret World » de Peter Deryabin, ancien lieutenant-colonel des services secrets soviétiques. La couverture indique honnêtement qu’il a été écrit par quelqu’un d’autre à partir des mots de Deryabin. Vient ensuite le film d’action suivant, Notes of Penkovsky, qui a été fusillé en URSS pour espionnage. Sur la couverture, on peut lire qu’au lieu de Penkovsky, ce livre a été écrit par Deryabin. Ce même Deryabin, qui ne pouvait même pas écrire son propre livre, écrit maintenant allègrement à la place du cadavre de Penkovsky. Miracles !
    Et moi, comme un idiot, je me suis assis pendant deux ans et j’ai écrit mon livre moi-même. Et dans des conditions telles que lorsque j’ai terminé mon travail, j’étais fermement convaincu que j’avais gagné la tuberculose.
    Fils d’un médecin gynécologue, j’ai toujours aimé feuilleter les livres de médecine de mon père. Peut-être parce qu’il s’agissait de livres sur les maladies féminines avec toutes sortes d’images intéressantes, si explicites qu’aujourd’hui en Amérique, même dans les magazines pornographiques, on ne les trouve pas. Après avoir regardé ces images, je me suis considérée comme une experte et, lorsque j’avais des douleurs, j’aimais me diagnostiquer moi-même.
    Ainsi, lorsque j’ai passé un examen médical, j’ai déclaré avec autorité que je devais avoir la tuberculose. Mais le médecin a secoué la tête et m’a dit que j’étais en pleine forme. J’ai d’abord été très surpris. Puis je me suis souvenue de mon père avec gratitude - il semble qu’il ait été médecin-gynécologue pour une bonne raison, il m’a formée selon toutes les règles de la science et de la technologie.
    En 1950, le pendule de la politique américaine est passé d’un extrême à l’autre. D’un extrême à l’autre. L’ère Roosevelt a été remplacée par l’ère McCarthy. L’un après l’autre, les procès d’espionnage atomique se déroulent en Amérique. Des centaines de pédés sont chassés du département d’État. Les compagnons de route communistes sont renvoyés des bureaux du gouvernement. La presse américaine crie à la chasse aux sorcières. Et les journaux allemands écrivaient que le consul américain à Stuttgart, un de mes amis, était tellement perturbé par tout cela qu’il en est mort le cœur brisé.
    En même temps, sur le front soviétique, les Américains ont commencé ce qu’on appelle la guerre psychologique. À Munich est apparu le Projet Harvard, qui se livrait à toutes sortes de recherches psychologiques, puis la radio Voice of America, Radio Liberty, et un certain Comité américain, qui a changé de nom si souvent que je ne sais même plus comment il s’appelle aujourd’hui.
    Tous les moineaux sur les toits de Munich ont gazouillé que l’agence de renseignement américaine CIA était derrière tout cela. La presse américaine elle-même l’a ensuite clairement confirmé. Le personnel américain de ce complexe de guerre psychologique, aussi étrange que cela puisse paraître, se composait principalement de fonctionnaires qui, pour une raison ou une autre, avaient été renvoyés du département d’État et qui, pour une raison ou une autre, avaient été pris sous leur aile par la CIA.
    À la même époque, l’Association centrale des émigrés d’URSS d’après-guerre (COPE) a été créée à Munich, réunissant tous les « nouveaux », et j’en suis devenu le président. Les « nouveaux » étaient nécessaires à la guerre psychologique. Mais grâce aux activités de Kamp-King, le flux des « nouveaux » s’est presque complètement arrêté. Pour comprendre pourquoi cela s’est produit, j’ai décrit en détail mes propres aventures dans ce Kamp-King.
    Un jour, un homme élégant, vêtu d’un costume tropical clair et de chaussures colorées, tel un gigolo italien, s’est présenté à mon appartement. Il se présenta comme le pasteur protestant qui avait failli être dévoré par des cannibales et qui avait eu le plaisir de me rencontrer au Camp King.
    En regardant le pasteur déguisé, je me suis dit : "Quel genre d’intelligence as-tu, mon oncle, de nos jours ?
    Remarquant ma mine déconfite, le pasteur s’est empressé de m’informer qu’une enquête gouvernementale spéciale avait été diligentée au sujet de Kamp-King, mais qu’à l’arrivée de la commission d’enquête, tous les documents relatifs aux activités de ce camp avaient été providentiellement brûlés. Aujourd’hui, cette commission tente de reconstituer indirectement ce qui s’est passé à Kamp-King. Et comme je suis le président de l’organisation représentant tous les citoyens soviétiques qui ont fui à l’Ouest après la guerre et qui ont donc subi une rééducation démocratique au camp King, c’est à ce moment-là que le pasteur s’est adressé à moi.
    Voici une petite illustration, par exemple. Un pédéraste soviétique s’est plaint bruyamment d’avoir caché des diamants dans son cul lorsqu’il s’est enfui, mais les messieurs du Camp King les ont trouvés même là et les ont volés. Ensuite, cet Ostap Bender n°2 a travaillé comme colonel de radio à Radio Liberty. Il y travaille encore aujourd’hui, depuis 20 ans.
    J’ajouterai quelques détails supplémentaires tirés de ma propre expérience. En plus des documents soviétiques et des timbres allemands que j’ai déjà mentionnés, les messieurs du camp King m’ont volé les babioles suivantes :
    1. Lorsque j’ai été démobilisé de l’armée, j’ai reçu 5 000 roubles pour ancienneté de service. Je n’ai pas eu le temps de les échanger contre des timbres. Les Américains ont empoché ces 5 000 roubles. Tout neufs, impeccables, tout droit sortis de la banque d’État. Pourquoi les espions américains en avaient-ils besoin ? Comme souvenirs ? Ou pour l’espionnage ?
    2) En tant qu’ingénieur de haut niveau, j’avais le droit de porter à la fois un uniforme militaire et un costume civil. Je me suis donc acheté une épingle à cravate en or avec une perle. Les Américains ont également volé cette épingle. Apparemment pour me débarrasser de mes habitudes bourgeoises.
    3. J’ai acheté aux Allemands, au marché noir, un stylo auto-écrivant américain Parker. Les Américains me l’ont volé au camp King.
    4. J’avais aussi un étui à cigarettes bon marché en métal jaune et émail noir. Les Américains l’ont apparemment pris pour de l’or et l’ont également empoché.
    Je ne me soucie pas de toutes ces petites choses. Mais si l’on raconte des anecdotes sur la façon dont les Russes ont volé des montres aux Allemands, pourquoi ne pas raconter comment les Américains ont volé des montres aux Russes ? Et certains, comme Ostap Bender #2, ont même regardé le cul.
    Tout cela s’est déroulé sous le drapeau des États-Unis flottant au vent. Et pour que les gens ne se trompent pas d’endroit, l’hymne national américain était diffusé par les haut-parleurs.
    Voice of America et Radio Liberty dépensaient des millions de dollars pour encourager les soldats et les officiers soviétiques stationnés en Allemagne de l’Est à choisir la liberté américaine. Les services de renseignement avaient besoin de langues, mais il n’y avait pas de transfuges.
    La propagande soviétique exploite pleinement les activités de Kamp King. Les troupes soviétiques recevaient constamment l’ordre de tirer sur les soldats et les officiers soviétiques qui avaient fui vers les Américains - et qui avaient été extradés. Bien sûr, cela décourageait l’élection de la liberté dans de telles conditions.
    Mais les Américains sont des gens pragmatiques. Afin d’augmenter le nombre de transfuges, les services de renseignements américains ont créé un bataillon spécial de prostituées à Berlin pour attirer les officiers soviétiques à l’Ouest, dans le cadre d’une forme de guerre psychologique. Les prostituées étaient payées sur la base d’une liste de prix fermes : 20 000 marks pour un lieutenant, 25 000 marks pour un capitaine et 30 000 marks pour un major. Et pas des marks d’occupation et d’inflation, mais des marks nouveaux et solides.
    Je me suis assis et j’ai fait un rapide bilan. Les braves scouts américains m’avaient déjà volé quelque chose comme 100 dollars. Et à cause de cela, ils paient maintenant des prostituées 7 500 dollars pour un tel homme ?! C’est ainsi que les contribuables américains paient les petits voleurs du camp King.
    Ensuite, dans le cadre de la guerre psychologique, un bataillon de prostitués masculins a été ajouté pour aider les prostituées féminines, c’est-à-dire les pédérastes allemands, qui ont repéré leurs semblables parmi les soldats et les officiers soviétiques - et les ont attirés à l’Ouest.
    Bien entendu, tous ces projets spéciaux de guerre psychologique étaient tellement confidentiels que même moi, le président de la CSPE, n’en avais pas connaissance. Mais comme ces personnes venaient ensuite me voir, j’en voyais les résultats. Tout cela ne peut être compris que rétrospectivement.
    Et les résultats sont les suivants. Plaisanter avec l’amour a mal fini. Les personnes qui ont été attirées à l’Ouest par des prostituées, femmes ou hommes, ont rapidement réalisé qu’elles avaient été trompées, se sont senties comme des poissons jetés dans le sable, se sont enivrées, ont sombré dans la misère sociale et, finalement, comme dernière forme de protestation impuissante, sont retournées en URSS - pour y être fusillées.
    À leur arrivée, Voice of America et Radio Liberty leur ont crié au ciel qu’ils avaient « choisi la liberté ». Lorsqu’ils sont repartis, il y a eu un silence sépulcral. Comme dans un bon salon funéraire. Ou bien, pour brouiller les pistes, ils faisaient courir une sale rumeur. La liberté était comme les ailes d’un citadin qui s’envole sur des ailes artificielles et qui tombe.
    Ainsi, si auparavant les services secrets américains volaient les transfuges soviétiques et les renvoyaient au peloton d’exécution, ils allaient maintenant eux-mêmes au peloton d’exécution. En partant, ils ont dit ouvertement :
    – "Les Américains ? Ce sont tous des prostitués. Nous préférons être fusillés par les nôtres !
    Entre-temps, mon « Kremlin de Berlin » a été traduit en allemand. Un jour, j’ai reçu une lettre de 12 pages d’un de mes lecteurs. Il s’agissait d’un colonel allemand, chevalier de la Croix de fer, la plus haute distinction de l’armée allemande. Le colonel avait perdu une jambe sur le front russe et avait passé sept ans en captivité en Union soviétique. De retour en Allemagne et après avoir lu mon « Kremlin », il a voulu me serrer la main pour ce livre - d’officier à officier.
    Le colonel allemand avait ramené de sa captivité russe une cuillère en bois faite maison, offerte par ses amis russes du camp de concentration, ainsi qu’une simple icône russe, offerte par un agriculteur collectif soviétique. Cet homme comprenait les problèmes du communisme et du peuple russe bien mieux que la plupart des experts occidentaux des affaires soviétiques.
    Un jour, j’ai reçu une lettre de ce type :
    "Cher Herr Klimov ! Aux jours de la victoire et de la défaite, vous, le vainqueur, avez trouvé dans votre « Kremlin de Berlin » des mots de sympathie et de gentillesse pour nous, les femmes et les enfants de l’Allemagne vaincue. En remerciement, je vous envoie ce médaillon, qui est consacré, et qu’il vous garde en sécurité."
    Edith Neugebauer.
    La lettre était accompagnée d’un médaillon catholique à l’effigie de la Madone et d’une chaîne à porter autour du cou.
    Quelques mois plus tard, j’ai effectué un long voyage d’affaires en voiture. En chemin, il y a eu un accident. Le chauffeur a été tué sur le coup. J’étais assis à côté du chauffeur, dans le couloir de la mort, mais je suis resté en vie.
    Lorsque je me suis réveillé à l’hôpital, j’ai vu que j’avais ce médaillon accroché à ma poitrine. Je n’avais jamais porté ce médaillon avant ou depuis. Mais lors de ce voyage, pour une raison que j’ignore, je l’ai porté. Je ne suis pas superstitieuse, mais...
    En général, tout s’est très bien passé avec les Allemands. J’ai même passé sans grande difficulté la procédure de dénazification, qui a été passée par tous les habitants de l’Allemagne, pour attraper tous les anciens nazis, la Gestapo, les SS et ainsi de suite. J’ai simplement écrit sur le formulaire que j’avais servi dans l’Armée rouge à l’époque et j’ai reçu un certificat officiel de dénazification. Avec tous les tampons, signatures et sceaux.
    Cependant, malgré le certificat de dénazification, on m’a à nouveau refusé l’émigration vers l’Amérique. Et ce, bien que j’aie été le chef du CITE, au sujet duquel tous les moineaux sur les toits de Munich gazouillaient qu’il s’agissait d’un projet spécial de la CIA, l’agence de renseignement américaine.
    Apparemment, les voleurs du Camp King m’avaient donné une mauvaise référence, pensai-je. Et le travail de la C.I.A. est tellement secret qu’ils ne savent pas ce qu’ils font.
    Peu à peu, la guerre psychologique est entrée dans une troisième phase. Cette troisième phase était principalement basée sur ce que l’on appelle le projet Harvard, qui a été réalisé à Munich en 1949-50, et où j’ai également travaillé un peu. Ce projet Harvard était principalement basé sur le mystérieux « complexe de Lénine », c’est-à-dire, comme les experts l’ont expliqué plus tard, sur le complexe d’homosexualité latente de Lénine.
    De quoi s’agit-il ? Il est assez difficile de l’expliquer. Mais en principe, d’un point de vue clinique, il s’agit d’une dégénérescence ou d’une dégénérescence composée de maladie mentale et de perversion sexuelle. C’est le poison corpulent de la race humaine, qui a ruiné la Grèce antique, la Rome antique, et qui a beaucoup contribué à la révolution en Russie. C’est donc un remède assez puissant. Et du point de vue de la religion, c’est ce que la Bible appelle le diable et le prince de ce monde.
    Après tout, les émigrés russes ont longtemps dit : "Contre les bolcheviks, même avec le diable ! Eh bien, les Américains pragmatiques ont pris ce même diable comme allié.
    Bien entendu, cette alliance inhabituelle a été si soigneusement classée que même le président du Comité central de l’Union soviétique n’en a pas eu connaissance. Tout cela ne peut être compris que rétrospectivement.
    Même si, à l’époque, je ne connaissais pas tous les secrets du projet Harvard, les services secrets soviétiques étaient au courant dès le début. Et ils ont pris leurs propres mesures. Il n’y a donc aucune raison de garder le silence à ce sujet. Pourquoi cette fausse honte ?
    Il est tout à fait naturel que pour une tâche aussi spécifique qu’une alliance avec le diable, vous ayez besoin du personnel approprié. Par exemple, j’avais un commissaire très sympathique de la C.I.A., un vrai charmeur. Mais il s’est avéré qu’au lieu de sa femme, ce commissaire préférait sa secrétaire.
    Vous savez, certaines personnes utilisent leur secrétaire et d’autres préfèrent leur secrétaire. On dit que c’est de là que vient le mot « secrétaire ». Du point de vue du projet Harvard, il s’agit là d’une des variantes du « complexe de Lénine ».
    Voici un autre exemple. Je faisais la cour à une charmante jeune femme de la Voix de l’Amérique. Mais il s’est avéré que cette charmante jeune femme courtisait ses amis, qu’elle était, pardonnez-moi l’expression, lesbienne. Oui, et aussi une sadique, comme celles qui travaillaient autrefois pour la Tchéka et qui, au bon vieux temps, étaient tout simplement brûlées sur le bûcher sous prétexte qu’elles étaient des sorcières. Et du point de vue des professeurs de Harvard, c’est le complexe de l’épouse de Lénine.
    Bien sûr, je ne peux pas dire que tous les employés de l’American Committee, de Radio Liberty, de Voice of America et d’autres organes de psycho-guerre étaient armés de ce complexe de Lénine. Mais je peux garantir que presque toutes les personnes que j’ai connues là-bas avaient cet ordre de Lénine. Et j’ai connu beaucoup de gens là-bas.
    Le projet de Harvard était une sorte de dramatisation du Besov de Dostoïevski, mise en scène par les services secrets américains. J’ai donc travaillé dans un environnement de dégénérés et de monstres, dont la moitié, selon les statistiques, sont des malades mentaux. C’est pourquoi, lors de la grande purge des années 30, Staline a détruit ces léninistes en les traitant de chiens enragés, Hitler les a conduits dans des chambres à gaz et des camps de concentration et, dans le bon vieux temps, on les a brûlés sur le bûcher en les traitant de sorciers et de sorcières. Pour ne froisser personne, nous pouvons ajouter que Staline et Hitler étaient eux-mêmes exactement les mêmes dégénérés.
    En général, dans un tel environnement, mon travail était agréable et je ne m’ennuyais pas.
    Certains appelaient le Comité américain « le Comité pour sauver la Russie des bolcheviks - avec l’aide des trotskistes et des mencheviks » ! Pourquoi ? C’est très simple. Après tout, le premier postulat du marxisme est l’unité et la lutte des contraires. Les Américains, rusés, ont donc décidé de vacciner les bolcheviks contre la rage, composée de la salive empoisonnée des trotskistes, des mencheviks et des SR.
    Mais cette chose est extrêmement confuse. Par exemple, il faut connaître la philosophie du chercheur de diable Berdyaev, qui prêchait l’union de Satan et de l’Antéchrist et le royaume du prince de ce monde qui en résulterait. Et si je l’explique, il y aura un tel hurlement, comme si nous avions marché sur la queue de Satan et de l’Antéchrist.
    Quels sont les « démons » du projet Harvard dans la pratique ? Du point de vue sociologique, il s’agit de « l’ordre de Lénine ». Du point de vue de la psychologie, il s’agit de l’"érotisme buccal" freudien. Et du point de vue de la langue russe, il ne s’agit pas de personnes, mais de jurons ineffaçables.
    Ces « porteurs d’ordre » font littéralement ce que disent ces jurons apparemment dépourvus de sens. Ce mystère fait d’eux une sorte de parti secret dont le nom est Légion, ce que la Bible appelle le prince de ce monde. Et derrière tout cela se cachaient des « démons », c’est-à-dire des maladies mentales.
    La tâche de ces démons était de mutiler à la radio ou dans la presse les mêmes démons en Union soviétique ou de les attirer à l’Ouest. Au début, cela se faisait avec l’aide de prostituées allemandes des deux sexes. Ensuite, ils ont eu recours à des prostituées de la radio.
    Comme ces « chercheurs de liberté » sont venus me voir à la CACE, j’ai vu les résultats de tout cela. Alors qu’auparavant les services de renseignement américains avaient volé les transfuges soviétiques et les avaient renvoyés pour qu’ils soient fusillés, ils allaient maintenant être fusillés eux-mêmes. D’autres se suicidaient. D’autres encore se retrouvaient dans des cliniques psychiatriques ou des centres d’isolement pour alcooliques. D’autres encore, de jeunes soldats soviétiques, choqués par tout cela, sont entrés dans un monastère.
    Pour ces personnes, la liberté s’est transformée en ailes de citadin, qui tente de voler avec des ailes artificielles - et tombe.
    Peu à peu, la guerre psychologique s’est transformée en une guerre de fous. Un psychiatre aurait dû siéger à la place du président de la CEPE. Mais comme je n’étais ni psychotique ni psychiatre, et que je n’avais pas le complexe de Lénine, je m’en suis simplement lavé les mains en 1955 et je suis parti en Amérique.
    Comme j’étais président de la CSPE, élu pour ainsi dire, j’étais censé rendre compte à mes électeurs, selon les règles démocratiques. Eh bien, me voici.
    Rétrospectivement, les discours de victoire de Voice of America et de Freedom Radio, qui parlaient de ceux qui avaient « élu la liberté », ressemblent aujourd’hui à des publicités de pompes funèbres. Franchement, si le Comité soviétique « Pour le retour à la mère patrie » était qualifié de comité-piège, le Comité américain avec sa Radio Liberty n’est pas moins un piège. Cette liberté n’est pas une simple liberté, mais une liberté spéciale, construite selon les recettes du chercheur de diables Berdyaev, où, comme en 69, le bien-mal et le mal-bien s’entremêlent, et où rien n’est rien. C’est pourquoi certains experts disent qu’il y a 69 façons d’être malheureux.
    Certains marchands d’âmes humaines n’apprécieront peut-être pas. Mais je dirai une chose : pour moi, une âme saine est plus proche qu’une âme malade. Et j’accorde plus de valeur à une âme vivante qu’à une âme morte. Et vous faites le commerce d’âmes malades ou mortes.
    Tels sont les résultats de la psycho-guerre américaine sur le front russe de 1945 à 1955. À cet égard, il convient de rappeler l’excellent livre d’Ariadna Delianich « Wolfsberg - 373 » (ce livre peut être obtenu auprès des rédactions des journaux « Russian Life » et « Russia » ou auprès des libraires), qui décrit comment, après la capitulation de l’Allemagne, les services secrets britanniques ont filtré les anticommunistes russes. De nombreux parallèles sont suggérés ici. Ici comme là, les résultats sont plutôt tristes.
    Par ailleurs, la troisième phase de la guerre psychologique, que j’ai décrite plus haut, se poursuit encore aujourd’hui. Les Américains utilisent toutes les méthodes de la guerre psychologique, par le biais de la radio et de la presse écrite, pour inciter les fous soviétiques de l’"Ordre de Lénine" à se révolter. Et le KGB soviétique, connaissant parfaitement tous les secrets et les mystères du projet Harvard, place discrètement ces « léninistes » dans des hôpitaux psychiatriques, que les fous eux-mêmes ont judicieusement baptisés « maisons de fous ».
    Dans le jargon professionnel du KGB, en pleine conformité avec le projet Harvard, ces fous sont classés selon Freud comme suit : type HS, type PL, type VRE, type GE, et ainsi de suite. Ces nouvelles abréviations soviétiques ne sont que des raccourcis de gros mots non imprimables. Ces victimes de la psycho-guerre américaine s’assoient dans des « maisons de fous » et chantent des chansons arméniennes :
    Eh, politika-malytica....
    Où es-tu, ma tête malade ?
    Et les dégénérés occidentaux, également comme HS, PL ou VRE, qui sont légion dans le nom, savent très bien que leurs frères sont mis dans des « maisons de fous » - et le crient au ciel. Voilà pour la quintessence de la psycho-guerre des 20 dernières années.
    C’est pourquoi les philosophes disent que le diable n’est dangereux que lorsqu’on ne le voit pas. Et quand on le voit, il est ridicule et pathétique. Les philosophes disent aussi que le diable est un mauvais allié.
    Les services secrets américains nourrissent ces fous et les services secrets soviétiques les exploitent. Et si nécessaire, ils seront écrasés comme les mouches bleues de Tarsis. Les mouches bleues sont des mouches de cadavres. Et elles transportent le poison des cadavres.
    À propos, pendant que le chef du renseignement américain Allen Dulles commandait la psycho-guerre, son fils était dans un asile de fous.
    Au siège de l’Agence centrale de renseignement des États-Unis, près de Washington, on peut lire sur la façade une phrase biblique : « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres » (Jean 8:32). La Bible ne parle pas du tout de la liberté américaine, mais de la liberté par rapport au péché. D’accord, je vais vous dire une de ces vérités sans péché :
    Franchement, si l’empereur Nicolas II avait fait en son temps ce que le KGB fait aujourd’hui, c’est-à-dire enfermer les Lénine, Kamenev, Trotski et autres dans des « maisons de fous », il n’y aurait pas eu de révolution ni de pouvoir soviétique en Russie. L’Amérique aurait alors été plus calme. Mais à l’époque, l’Amérique faisait la même chose qu’aujourd’hui.
    En ce qui concerne les patients des « asiles de fous » soviétiques, dans la plupart des cas, vous verrez la même chose que ce que le philosophe noir Berdyaev appelait l’union de Satan et de l’Antéchrist, qui promet le royaume du prince de ce monde. Nous devons admettre que le vieux chercheur de diable Berdyaev n’était pas du tout un imbécile.
    Et les professeurs de Harvard avec leur « complexe de Lénine » ne sont pas non plus des imbéciles. La police secrète soviétique et ses « maisons de fous » ne sont pas non plus des imbéciles. Les seuls imbéciles sont ceux qui ne savent pas tout. Mais essayez de dire ceci...
    On dit que la vérité nue est parfois désagréable. Comme, par exemple, les démons nus de la guerre psychologique. Mais ils disent aussi que Dieu n’est pas dans la force, mais dans la vérité.

    New York. 20 décembre 1971.

    #conspirationnisme #eugénisme #anticommunisme #histoire #guerre_froide

  • Washington dit avoir abattu 11 drones des rebelles houthis
    Publié le : 11/04/2024 – France 24
    https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20240411-%F0%9F%94%B4-en-direct-washington-dit-avoir-abattu-11-drones-des-

    L’essentiel de la veille

    Le chef du Hamas Ismaïl Haniyeh a annoncé sur la chaîne Al-Jazira la mort de trois de ses fils et de plusieurs petits-enfants dans une frappe israélienne dans la bande de Gaza.

    L’armée israélienne a confirmé avoir tué dans une frappe aérienne "ciblée" les trois fils d’Ismaïl Haniyeh, qualifiés d’"agents militaires de l’organisation terroriste".

    Des bombardements meurtriers ont visé l’enclave mercredi alors que de nombreux Palestiniens se sont rassemblés pour prier au milieu des ruines au premier jour de l’Aïd el-Fitr.

    Le gouvernement israélien doit répondre à la Cour suprême qui, à la demande d’ONG, l’a enjoint de justifier sa politique humanitaire dans la bande de Gaza.

    L’Irlande s’apprête à reconnaître un État palestinien dans les prochaines semaines, a déclaré mardi à Dublin le ministre des Affaires étrangères, Micheal Martin.

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    Mise à jour matinale
    11 avril 2024 06:14 BST | Middle East Eye
    https://www.middleeasteye.net/live-blog/live-blog-update/morning-update-45?nid=354591&topic=Israel%2527s%2520war%2520on%2520Ga

    Voici les dernières mises à jour :

    Les forces israéliennes ont mené des raids nocturnes en Cisjordanie, arrêtant cinq personnes à Tulkarem.

    Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a déclaré que son pays allait "rationaliser les contrôles de sécurité" pour "inonder" Gaza d’aide humanitaire, prévoyant d’atteindre 500 camions par jour.

    L’envoyé humanitaire du gouvernement américain pour Gaza, David Satterfield, a déclaré que "la majorité, sinon la totalité, des 2,2 millions d’habitants de Gaza" étaient confrontés à une famine imminente.

    Le journal israélien Yedioth Ahronoth rapporte que l’Indonésie pourrait normaliser ses relations avec Israël en échange du soutien de ce dernier à l’entrée de l’Indonésie dans l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

    La police britannique a arrêté cinq personnes accusées d’avoir aspergé de peinture rouge le siège londonien du ministère de la défense pour protester contre les ventes d’armes du Royaume-Uni à Israël.
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    Diplomatie et tensions géopolitiques
    11 Apr 2024 | | Al Jazeera
    https://www.aljazeera.com/news/2024/4/11/israels-war-on-gaza-list-of-key-events-day-188

    Jeudi, l’armée de l’air israélienne a mené des exercices conjoints avec l’armée de l’air chypriote, selon un rapport de la station de radio de l’armée israélienne GLZ. GLZ a indiqué qu’il s’agissait d’exercices à longue portée et d’une attaque sur une cible éloignée.

    Un Libanais, Mohammad Srour, sanctionné par les États-Unis pour ses liens présumés avec le groupe palestinien Hamas, a été retrouvé mort mercredi après avoir disparu pendant une semaine. Il avait été sanctionné en 2019 pour avoir apporté "un soutien financier, matériel, technologique, des services financiers ou autres" au Hamas et pour son affiliation au Hezbollah.

    Aux États-Unis, le président Joe Biden a promis mercredi un soutien "à toute épreuve" à Israël, alors que l’Iran menace de représailles après une frappe qui a rasé un bâtiment du consulat iranien à Damas et tué deux généraux.

    Dans un message posté sur X, le ministre des affaires étrangères Israël Katz a menacé que les forces israéliennes frapperaient directement l’Iran si celui-ci lançait une attaque contre Israël à partir de son territoire.

    L’agence de presse Reuters a rapporté jeudi que l’envoyé américain au Moyen-Orient, Brett McGurk, avait appelé les ministres des affaires étrangères de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, du Qatar et de l’Irak, leur demandant de transmettre un message à l’Iran pour qu’il évite d’aggraver les tensions avec Israël. L’Iran accuse Israël d’être à l’origine de la montée des tensions.

    La compagnie aérienne allemande Lufthansa a déclaré mercredi qu’elle avait suspendu ses vols vers Téhéran en raison des craintes accrues d’une éventuelle conflagration entre l’Iran et Israël.

    Violence en Cisjordanie occupée

    Jeudi, les troupes israéliennes auraient mené des raids dans deux villes de Cisjordanie occupée.

    Un correspondant d’Al Jazeera a déclaré que les forces israéliennes étaient entrées dans la ville de Beit Ummar, au nord d’Hébron, aux premières heures de la matinée de jeudi. Elles sont également entrées dans la ville d’Idhna, située à l’ouest d’Hébron.

    #Bilan

  • Un pour cent des #foyers_fiscaux français perçoivent-ils 96% des #dividendes ?

    En pleine polémique autour du #déficit plus important que prévu de la France, le gouvernement fait la chasse aux économies. Le ministre de l’Economie #Bruno_Le_Maire refuse de taxer les dividendes. Mais Cécile Duflot, directrice d’Oxfam France, assure que seulement 1% des ménages touchent 96% des dividendes. C’est vrai, plus précisément 1% des foyers fiscaux.

    Bruno Le Maire n’en démord pas : pas question d’envisager une #taxe sur les dividendes. Alors que le gouvernement cherche des économies à réaliser, sur fond de déficit plus important que prévu, le ministre de l’Economie affirme que taxer les dividendes reviendrait à pénaliser trois millions de salariés actionnaires. Mais pour #Cécile_Duflot, la directrice d’Oxfam France, les dividendes vont surtout aux plus #riches : « 96% des dividendes vont à 1% des ménages », affirme-t-elle. Vrai ou faux ?

    Un pour cent des foyers fiscaux concentrent bien 96% des dividendes

    C’est vrai, ou plus précisément 1% des foyers fiscaux. Les chiffres mis en avant par Cécile Duflot se trouvent dans un #rapport officiel de #France_Stratégie (https://www.vie-publique.fr/en-bref/291443-impot-de-solidarite-sur-la-fortune-isf-le-cout-de-son-remplaceme), un organe rattaché à Matignon. En 2021, 400 000 foyers fiscaux sur 40 millions concentraient bien 96% des dividendes versés.

    Le document montre même que 0,01% des foyers fiscaux captent à eux seuls un tiers des dividendes. Concrètement, cela veut dire que 4 000 foyers fiscaux perçoivent chacun plus d’un million d’euros. Ces proportions sont en hausse depuis 2018.

    Changement de #fiscalité en 2018 et dividendes record en 2023

    Depuis 2018, les dividendes sont en effet moins taxés qu’avant, car à partir de cette année-là, les revenus du capital sont soumis à un #prélèvement_forfaitaire unique de 30%. Emmanuel Macron en avait fait une promesse de campagne : c’est la « #flat_tax », qui concerne les revenus du capital, les intérêts et les dividendes. Le rapport de France Stratégie montre que depuis la mise en place de cette nouvelle fiscalité, les versements de dividendes ont augmenté.

    L’an dernier, le versement des dividendes a battu des records en France, pour atteindre un peu plus de 67 milliards d’euros. Un niveau inédit, dans le sillage de la tendance mondiale.

    La France est le pays de l’Union européenne où les entreprises versent le plus de dividendes aux #actionnaires. Ces sommes records sont liées aux #superprofits de certaines entreprises, des superprofits qu’une partie de la classe politique veut taxer, notamment au sein de l’opposition de gauche. Le Premier ministre Gabriel Attal assure ne pas avoir de dogme à ce sujet, alors que le déficit de la France est à 5,5% du PIB, soit 154 milliards d’euros.

    https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux/1-des-foyers-fiscaux-francais-percoivent-ils-96-des-dividendes_6424687.
    #France #fisc

  • Roger Waters interview BERLINER ZEITUNG 4th FEBRUARY 2023
    https://rogerwaters.com/berliner

    Dans cette interview R.W. exprime des points de vue qui sont le contraire de ce que tu peux dire en Allemagne sans subir des conséquences drastiques. Tout n’est pourtant pas assez précis dans ses déclarations pour qu’on puisse décider si on est d’accord avec lui. Une chose est sûre c’est qu’il a montré au monde entier l’absurdité des paroles des bigots d’Allemagne et d’Israël.

    ...
    Ukrainians are standing up to defend their country. Most people in Germany see it that way, which is why your statements cause consternation, even anger. Your perspectives on Israel meet with similar criticism here. That is also why there is now a discussion about whether your concerts in Germany should be cancelled. How do you react to that?

    Oh, you know, it’s Israeli Lobby activists like Malca Goldstein-Wolf who demand that. That’s idiotic. They already tried to cancel my concert in Cologne in 2017 and even got the local radio stations to join in.

    Isn’t it a bit easy to label these people as idiots?

    Of course, they are not all idiots. But they probably read the Bible and probably believe that anyone who speaks out against Israeli fascism in the Holy Land is an anti-Semite. That’s really not a smart position to take, because to do so you have to deny that people lived in Palestine before the Israelis settled there. You have to follow the legend that says, “A land without a people for a people without a land.” What nonsense. The history here is quite clear. To this day, the indigenous, Jewish population is a minority. The Jewish Israelis all immigrated from Eastern Europe or the United States.

    You once compared the state of Israel to Nazi Germany. Do you still stand by this comparison?

    Yes, of course. The Israelis are committing genocide. Just like Great Britain did during our colonial period, by the way. The British committed genocide against the indigenous people of North America, for example. So did the Dutch, the Spanish, the Portuguese even the Germans in their colonies. All were part of the injustice of the colonial era. And we, the British also murdered and pillaged in India, Southeast Asia, China…. We believed ourselves to be inherently superior to the indigenous people, just as the Israelis do in Palestine. Well, we weren’t and neither are the Israeli Jews.
    ...

    • En ayant recours à une scénographie spectaculaire douteuse (costume de pseudo-nazi...), tout en prétendant dénoncer la politique d’Israël à l’encontre de la Palestine, alors qu’il est déjà accusé depuis plusieurs années d’antisémitisme, Roger Waters n’arrange pas son cas. Pas plus que la cause palestinienne, d’ailleurs.

      Robert Wyatt, par exemple – qui est, certes, moins connu que Waters - dénonce depuis très longtemps la politique d’Israël. Mais il le fait très clairement, sans user du grand spectacle ni de la confusion des symboles. Aucune ambiguïté.

    • costume de pseudo-nazi

      Parmi les nombreux arguments contre Water, celui-ci est le plus minable : c’est The Wall, et ça a toujours été bourré de références à la seconde guerre mondiale, le personnage principal devenant un leader néo-nazi, avec défilé de marteaux-swastikas rouge et noire… Personne n’a vu le film, ou bien ?

      tout en prétendant dénoncer la politique d’Israël

      et ça aussi c’est une tournure bien pourrie.

      Pas plus que la cause palestinienne, d’ailleurs.

      D’ailleurs ce sont les Palestiniens et leurs organisations qui passent leur temps à dénoncer Waters, et non les propagandistes d’Israël.

      Sinon, tu es au courant qu’en ce moment, c’est Israël qui est en train de commettre un génocide de manière parfaitement ouverte et documentée. Non parce que des fois j’ai l’impression que la « cause palestinienne », ça n’est qu’un problème des gens qui « prétendent » la défendre.

    • La mise en scène grotesque d’un spectacle récent, fût-elle inspirée de The Wall, d’une part, n’est pas la meilleure façon de lever l’accusation d’antisémitisme et, d’autre part, cela ne représente pas une aide des plus efficaces pour promouvoir la lutte parfaitement légitime contre la politique colonialiste d’Israël.
      Je ne dis que ça. Probablement, de façon « bien pourrie ».

    • Ça change que « inspiré de… » suggère qu’il n’est pas légitime à reprendre l’imagerie de The Wall et que, ce faisant, il a une intention malhonnête derrière. Alors que c’est le même spectacle qu’il fait tourner depuis les années 80. De la même façon que « prétend dénoncer » introduit une distance et un jugement de valeur, alors qu’il « dénonce tout court » tout à fait la politique israélienne.

      Maintenant si les images volontairement outrées de The Wall (présentes depuis les origines), « c’est bien ça le problème », je constate qu’il devient vraiment très facile de dénoncer ce qui « dessert la cause palestinienne ».

      Et évidemment on tourne en rond, puisqu’une bonne partie de l’imagerie de The Wall est due à Gerald Scarfe, qui a eut lui-même droit à l’accusation d’antisémitisme parce qu’un de ses dessins dépeignait Netanyahu d’une façon qui manquait de subtilité et de bon goût :
      https://www.theguardian.com/commentisfree/2013/jan/29/is-the-sunday-times-cartoon-antisemitic

      A cartoon that appeared in this London’s Sunday Times this week depicting Israeli prime minister, Binyamin Netanyahu, building a wall with blood-red-coloured cement, trapping in between the bricks Palestinian-looking figures, is causing the latest “is-it-or-is-it-not-antisemitism” furore.

      Si ces polémiques ne surgissaient pas à chaque massacre de palestiniens, on pourrait croire au comique de répétition.

    • J’ai déjà regardé et lu des interview de Waters. Je ne remets en cause nullement ses intentions. Je n’ai jamais dit qu’il est malhonnête.

      Je me fous pas mal de savoir s’il est légitime ou non pour reprendre les trucs de Pink Floyd ou de considérer que c’est untel ou un autre qui a fait le truc, etc. Hors sujet.

      Je dis juste que son truc sur scène est complètement débile et que je trouve que ce n’est certainement pas la meilleure façon de combattre la propagande sioniste, dont il est notamment la cible, lorsqu’il est accusé d’antisémitisme.

      Je considère au contraire que la réfutation de l’accusation d’antisémitisme ; lorsqu’on porte une critique du sionisme, est une chose très importante. La grosse machinerie du show-biz n’est certainement pas la meilleure manière de traiter la question et là je trouve qu’il s’y est pris de la pire façon. C’est justement pour cela que j’évoquais Wyatt, qui me semble beaucoup plus crédible.

      Le fait que Waters fasse tourner depuis les années 80, le même truc grossier et démago, sans considérer le contexte - notamment les accusations dont il est la cible - me pose problème, précisément parce que, depuis septembre noir, la cause palestinienne fait partie de ma culture politique et que j’ai eu à subir, à cause de cela, nombre d’accusations insupportables, d’antisémitisme, justement. Pour moi, l’antisémitisme n’est pas juste une invention des ennemis pour discréditer la cause palestinienne. Il est essentiel de ne pas traiter cette problématique à la légère, notamment parce que le sionisme est un construction politique historiquement inséparable de l’antisémitisme.

      On ne doit pas sous-estimer la contre-propagande sioniste qui se développe à partir de « prises de position pro-palestiniennes », venant notamment du monde du spectacle et qui ne sont pas toujours du meilleur effet ni très rigoureuse (désolé pour le verbiage alambiqué...).

      La polémique autour de « l’antisémitisme de Waters » est récurrente, indépendamment des périodes « fortes » de massacres commis en Palestine, telles que celle qui se déroule actuellement.

      Ça n’a absolument rien de comique.

      Et enfin, merci d’avance de ne pas me faire porter la responsabilité de propos qui ne sont les miens. Sans rancune.

    • https://seenthis.net/messages/1028105

      mais ce film à propos de Waters n’est évidemment rien d’autre qu’une manifestation de soutien à Israël, tout comme les déclarations qui suivent relèvent de pures et simples embrouilles persos parmi les ex du groupe.
      https://www.rtbf.be/article/david-gilmour-fait-la-promotion-du-documentaire-sur-lantisemitisme-presume-de-r

      David Gilmour n’a pas ajouté de commentaire lorsqu’il a reposté la vidéo, mais il s’est déjà exprimé sur les remarques antisémites de Waters. En février, la femme du guitariste, Polly Samson, a dénoncé Waters comme étant "antisémite jusqu’à la moelle", ainsi qu’une personne faisant "l’apologie de Poutine, un menteur, un voleur, un hypocrite, exempt de taxes, qui fait du lip-sync, un misogyne, maladivement envieux et mégalomaniaque." Gilmour avait également partagé ce tweet, qualifiant les affirmations de Samson de "manifestement vraies".

    • Vous êtes dans votre zone de confort : si ça se trouve effectivement le gars dans sa vie privée est un antisémite pire que Dieudonné. Tout cela reposant uniquement sur des propos privés parfaitement invérifiables, plutôt que de l’attaquer clairement sur ses positions publiques, qui elles sont connues. C’est une très classique attaque ad hominem.

      Et je pense qu’on attaque systématiquement sur cette histoire totalement ridicule d’uniforme et de symboles dans le spectacle The Wall, c’est pour tenter de dépasser l’attaque sur des propos privés invérifiables.

      Mais encore une fois : vous êtes dans votre zone confort, alors que ne pas applaudir aux très classiques imputations d’antisémitisme, c’est prendre un risque. Genre « Miller recycle des tropes antisémites », c’est bien confortable (alors que c’est totalement odieux), mais dire publiquement qu’on n’est pas d’accord avec l’imputation d’antisémitisme, c’est prendre un risque – ici d’avoir défendu un type qui, finalement, se retrouve accusé de violer ses patientes.

      (Les « témoignages » entre Gilmour et Waters sont invérifiables, notamment parce que le catalogue de Pink Floyd était estimé à 500 millions de dollars en 2022. Alors personne là-dedans ne parle depuis nulle part.)

  • Cadences, sous-traitance, pression… quand le travail tue

    « Morts au travail : l’hécatombe. » Deux personnes meurent chaque jour, en moyenne, dans un accident dans le cadre de leur emploi. Ce chiffre, sous estimé, qui n’intègre pas les suicides ou les maladies, illustre un problème systémique

    « J’ai appris la mort de mon frère sur Facebook : la radio locale avait publié un article disant qu’un homme d’une trentaine d’années était décédé près de la carrière, raconte Candice Carton. J’ai eu un mauvais pressentiment, j’ai appelé la gendarmerie, c’était bien lui… L’entreprise a attendu le lendemain pour joindre notre mère. » Son frère Cédric aurait été frappé par une pierre à la suite d’un tir de mine le 28 juillet 2021, dans une carrière à Wallers-en-Fagne (Nord). Il travaillait depuis dix-sept ans pour le Comptoir des calcaires et matériaux, filiale du groupe Colas.

    Deux ans et demi plus tard, rien ne permet de certifier les causes de la mort du mécanicien-soudeur de 41 ans. D’abord close, l’enquête de gendarmerie a été rouverte en septembre 2023 à la suite des conclusions de l’inspection du travail, qui a pointé la dizaine d’infractions dont est responsable l’entreprise. Cédric Carton n’avait pas le boîtier pour les travailleurs isolés, qui déclenche une alarme en cas de chute. « Ils l’ont retrouvé deux heures après, se souvient sa sœur. Le directeur de la carrière m’a dit que mon frère était en sécurité, et qu’il avait fait un malaise… alors qu’il avait un trou béant de 20 centimètres de profondeur de la gorge au thorax. » En quête de réponses, elle a voulu déposer plainte deux fois, chacune des deux refusée, multiplié les courriers au procureur, pris deux avocats… Sans avoir le fin mot de cette triste histoire.

    Que s’est-il passé ? Est-ce la « faute à pas de chance », les « risques du métier » ? Qui est responsable ? Chaque année, des centaines de familles sont confrontées à ces questions après la mort d’un proche dans un accident du travail (AT), c’est-à-dire survenu « par le fait ou à l’occasion du travail, quelle qu’en soit la cause ».

    « Un chauffeur routier a été retrouvé mort dans son camion », « Un ouvrier de 44 ans a été électrocuté », « Un homme meurt écrasé par une branche d’arbre », « Deux ouvriers roumains, un père et son fils, trouvent la mort sur un chantier à Istres [Bouches-du-Rhône] »… Le compte X de Matthieu Lépine, un professeur d’histoire-géographie, qui recense depuis 2019 les accidents dramatiques à partir des coupures de presse locale, illustre l’ampleur du phénomène. Vingt-huit ont été comptabilisés depuis janvier.

    En 2022, selon les derniers chiffres connus, 738 décès ont été recensés parmi les AT reconnus. Soit deux morts par jour. Un chiffre en hausse de 14 % sur un an, mais stable par rapport à 2019. Et, depuis une quinzaine d’années, il ne baisse plus. A cela s’ajoutent 286 accidents de trajet mortels (survenus entre le domicile et le lieu de travail) et 203 décès consécutifs à une maladie professionnelle.

    Et encore, ces statistiques sont loin de cerner l’ampleur du problème. La Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) ne couvre que les salariés du régime général et n’intègre donc ni la fonction publique, ni les agriculteurs, ni les marins-pêcheurs, la majorité des chefs d’entreprise ou les autoentrepreneurs. C’est ainsi qu’en 2022 la Mutualité sociale agricole (MSA) a dénombré 151 accidents mortels dans le secteur des travaux agricoles, 20 % de plus qu’en 2019.

    Pour disposer de chiffres plus complets, il faut se tourner vers la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail (Dares). Problème : sa dernière étude porte sur 2019… A cette époque, elle dénombrait 790 AT mortels chez les salariés affiliés au régime général ou à la MSA et les agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière.

    Le secteur de la construction est celui où la fréquence des accidents mortels est la plus importante (le triple de la moyenne). Arrivent ensuite l’agriculture, la sylviculture et la pêche, le travail du bois et les transports-entreposage. Quatre-vingt-dix pour cent des victimes sont des hommes, et les ouvriers ont cinq fois plus de risques de perdre la vie que les cadres.

    Les accidents mortels sont deux fois plus fréquents chez les intérimaires. (...)
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/06/cadences-sous-traitance-pression-quand-le-travail-tue_6214988_3234.html

    https://justpaste.it/2ozrb

    #travail #accidents_du_travail #le_travail_tue

    • Accidents du travail : la lenteur de la justice pour faire reconnaître la responsabilité de l’employeur
      https://www.lemonde.fr/emploi/article/2024/02/06/morts-au-travail-la-douloureuse-lenteur-de-la-justice_6215011_1698637.html

      Les familles de victimes d’accidents mortels doivent parfois attendre des années avant de voir le bout de procédures judiciaires complexes.

      Pour ceux qui ont perdu un proche à la suite d’un accident du travail, la reconnaissance de la responsabilité de l’employeur est essentielle. Mais les procédures, d’ordre pénal ou civil, tournent parfois au parcours du combattant, voire s’étirent sur des années, ajoutant à la douleur des familles. Fabienne Bérard, du collectif Familles : stop à la mort au travail, cite l’exemple de Fanny Maquin, qui a perdu son mari cordiste, Vincent, il y a douze ans. Et qui n’est toujours pas passée en justice pour être indemnisée. « Comme souvent, il y a eu un grand nombre de renvois d’audience, explique-t-elle. L’avocat adverse met en avant que, depuis ce temps, elle a reconstruit une cellule familiale et que le préjudice ne peut pas être établi de la même manière… »

      Tout accident du travail mortel est suivi d’une enquête de l’inspection du travail (qui doit intervenir dans les douze heures), et de la gendarmerie ou de la police. Depuis 2019, les deux institutions peuvent mener une enquête en commun, mais c’est encore rare. Et souvent, l’enquête de l’inspection dure plusieurs mois, parce que les effectifs manquent pour mener à bien les constats immédiats, les auditions des témoins ou encore solliciter des documents auprès de l’entreprise.

      Ces investigations permettent de déterminer si la responsabilité pénale de l’employeur est engagée. Si les règles de santé et sécurité n’ont pas été respectées, l’inspection du travail en avise le procureur, qui est le seul à pouvoir ouvrir une procédure. « Dès lors, le parquet a trois possibilités, explique l’avocat Ralph Blindauer, qui accompagne souvent des familles. Soit l’affaire est classée sans suite, soit une information judiciaire avec juge d’instruction est ouverte, car le cas est jugé complexe, soit, le plus couramment, une ou plusieurs personnes sont citées à comparaître devant le tribunal correctionnel. »

      Un montant négligeable

      En cas de poursuite au pénal, l’employeur est fréquemment condamné pour homicide involontaire en tant que personne morale – ce qui est peu satisfaisant pour les victimes, et peu dissuasif. L’amende est en effet de 375 000 euros maximum, un montant négligeable pour un grand groupe. L’employeur est plus rarement condamné en tant que personne physique, car il est difficile d’identifier le responsable de la sécurité – la peine encourue est alors l’emprisonnement.

      Dans le cas d’une procédure au civil, la reconnaissance d’une « faute inexcusable » de l’employeur permet aux ayants droit (conjoints, enfants ou ascendants) d’obtenir la majoration de leur rente, ainsi que l’indemnisation de leur préjudice moral. La faute est caractérisée lorsque l’entreprise a exposé son salarié à un danger dont il avait, ou aurait dû, avoir conscience et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

      « Le nœud du sujet, c’est la conscience du danger, en particulier lors d’un malaise mortel, explique Morane Keim-Bagot, professeure de droit à l’université de Strasbourg. Les employeurs remettent en question le caractère professionnel de l’accident, en démontrant qu’il y a une cause étrangère exclusive. » Certains prétendent ainsi que la victime souffrait d’un problème cardiaque décelé au moment de l’autopsie, de surpoids, de stress ou de tabagisme.

      « Si vous tombez sur un inspecteur surchargé, un parquet qui s’y attelle moyennement, des gendarmes non spécialisés et débordés, les procédures durent facilement des années, sans compter les renvois d’audience fréquents, conclut Me Blindauer. La longueur très variable de ces affaires illustre aussi le manque de moyens de la #justice. »

      #responsabilité_de_l’employeur #inspection_du_travail #responsabilité_pénale

    • Entre déni des entreprises et manque de données, l’invisibilisation des suicides liés au travail

      https://www.lemonde.fr/emploi/article/2024/02/06/entre-deni-des-entreprises-et-manque-de-donnees-l-invisibilisation-des-suici

      Le manque de prise en compte du mal-être au travail renforce les risques d’accidents dramatiques.
      Par Anne Rodier

      « La dernière conversation que j’ai eue avec mon mari [Jean-Lou Cordelle] samedi 4 juin [2022] vers 22 heures concernait les dossiers en cours à son travail. Le lendemain matin, mon fils découvrait son père au bout d’une corde pendu dans le jardin », témoigne Christelle Cordelle dans la lettre adressée aux représentants du personnel d’Orange pour leur donner des précisions sur l’état psychologique de son mari avant son suicide, à l’âge de 51 ans, après des mois de surcharge de travail, d’alertes vaines à la hiérarchie et à la médecine du travail.

      Son acte, finalement reconnu comme « accident de service » – c’est ainsi que sont nommés les accidents du travail (#AT) des fonctionnaires –, n’est pas recensé dans le bilan annuel de la Sécurité sociale. Celui-ci ne tient pas, en effet, compte de la fonction publique, invisibilisant les actes désespérés des infirmières, des professeurs ou encore des policiers.

      L’Assurance-maladie parle d’une quarantaine de suicides-accidents du travail par an. Un chiffre stable, représentant 5 % du total des accidents du travail mortels, mais qui serait nettement sous-évalué. C’est entre vingt et trente fois plus, affirme l’Association d’aide aux victimes et aux organismes confrontés aux suicides et dépressions professionnelles (ASD-pro), qui l’évalue plutôt entre 800 et 1 300 chaque année, sur la base d’une étude épidémiologique sur les causes du suicide au travail réalisée fin 2021 par Santé publique France. https://www.santepubliquefrance.fr/recherche/#search=Suicide%20et%20activité%20professionnelle%20en%20France

      L’explosion des risques psychosociaux (RPS) en entreprise constatée étude après étude et par la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM : https://assurance-maladie.ameli.fr/etudes-et-donnees/2018-sante-travail-affections-psychiques) apporte de l’eau au moulin de l’ASD-pro : 1 814 maladies professionnelles relèvent de maladies psychiques, en augmentation régulière, note le rapport 2022. Quant au dernier baromètre du cabinet Empreinte humaine, publié en novembre 2023, il est sans équivoque : près d’un salarié sur deux (48 %) était en détresse psychologique en 2023.

      « Passage à l’acte brutal »

      La mécanique mortifère de la souffrance au travail est connue. « Les mécanismes à l’œuvre semblent être toujours liés : atteintes à la professionnalité et à l’identité professionnelle, perte de l’estime de soi, apparition d’un sentiment d’impuissance », explique Philippe Zawieja, psychosociologue au cabinet Almagora.
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      Tous les RPS ne conduisent pas au geste fatal. « Il y a moins de suicidés chez les #salariés que parmi les #chômeurs, et 90 % des suicides interviennent sur fond de problème psychiatrique antérieur », souligne M. Zawieja. Mais « il existe des actes suicidaires qui ne sont pas la conséquence d’un état dépressif antérieur, qui marquent un passage à l’acte brutal [raptus], lié à un élément déclencheur conjoncturel », indique l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) https://www.inrs.fr/risques/suicide-travail/ce-qu-il-faut-retenir.html. Comme ce fut le cas du management toxique institutionnel à France Télécom. C’est alors que survient l’accident.

      « Pour Jean-Lou, tout s’est passé insidieusement, témoigne sa veuve. Il était en surcharge de travail depuis octobre-novembre 2021, avec des salariés non remplacés, des départs en retraite. Un jour de janvier, je l’ai vu buguer devant son ordinateur. A partir de là, j’ai été plus attentive. En mars [2022], ils ont allégé sa charge de travail mais insuffisamment. En avril, il a craqué. La médecine du travail a été prévenue. Il a finalement été mis en arrêt, sauf qu’il continuait à recevoir des mails. Ils lui avaient laissé son portable professionnel et il n’y avait pas de message de gestion d’absence renvoyant vers un autre contact. Jusqu’au bout, Orange n’a pas pris la mesure ».

      Le plus souvent, les suicides au travail sont invisibilisés, au niveau de l’entreprise d’abord, puis des statistiques. « Classiquement, l’entreprise, quand elle n’est pas tout simplement dans le déni, considère que c’est une affaire privée et que le travail n’en est pas la cause », explique le juriste Loïc Lerouge, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et spécialiste du sujet.

      Un déni qui a valu à Renault la première condamnation pour « faute inexcusable de l’employeur pour n’avoir pas pris les mesures nécessaires alors qu’il avait conscience du danger » concernant les salariés du Technocentre de Guyancourt (Yvelines) qui ont mis fin à leurs jours dans les années 2000. [en 2012 https://www.lemonde.fr/societe/article/2012/05/12/suicide-au-technocentre-renault-condamne-pour-faute-inexcusable_1700400_3224 « On reconnaît pleinement la responsabilité de la personne morale de l’entreprise depuis l’affaire #France_Télécom », précise M. Lerouge.

      Caractérisation délicate

      L’#invisibilisation des suicides commence par le non-dit. En réaction aux deux suicides de juin 2023 à la Banque de France, où l’une des victimes avait laissé une lettre incriminant clairement ses conditions de travail, la direction a déclaré avoir « fait ce qui s’impose » après un tel drame https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/10/10/a-la-banque-de-france-le-suicide-de-deux-salaries-empoisonne-le-dialogue-soc . Puis, lors des vœux 2024 adressés au personnel le 2 janvier, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, n’a pas prononcé le mot « suicide », évoquant les « décès dramatiques de certains collègues ». Et s’il a déclaré « prendre au sérieux les résultats et les suggestions » de l’enquête qui acte le problème de #surcharge_de_travail, présentée au comité social et économique extraordinaire du 18 janvier, il n’a pas mis sur pause le plan de réduction des effectifs dans la filière fiduciaire. Celle-là même où travaillaient les deux salariés qui ont mis fin à leurs jours. « Beaucoup de gens n’ont pas les moyens de faire correctement leur travail et sont en souffrance. Il existe à la Banque de France une forme de maltraitance généralisée », affirme Emmanuel Kern, un élu CGT de l’institution.

      La caractérisation des suicides en accidents du travail est un exercice délicat, au cœur de la reconnaissance de la responsabilité de l’employeur. Pour Santé publique France, la définition est assez simple (« Surveillance des suicides en lien potentiel avec le travail », 2021). Il s’agit de tout suicide pour lequel au moins une des situations suivantes était présente : la survenue du décès sur le lieu du travail ; une lettre laissée par la victime mettant en cause ses conditions de travail ; le décès en tenue de travail alors que la victime ne travaillait pas ; le témoignage de proches mettant en cause les conditions de travail de la victime ; des difficultés connues liées au travail recueillies auprès des proches ou auprès des enquêteurs.

      Mais pour l’administration, le champ est beaucoup plus restreint : l’Assurance-maladie prend en compte « l’acte intervenu au temps et au lieu de travail ». Et la reconnaissance n’aura pas lieu si des éléments au cours de l’enquête permettent d’établir que « le travail n’est en rien à l’origine du décès », précise la charte sur les accidents du travail rédigée à destination des enquêteurs de la Sécurité sociale https://www.atousante.com/wp-content/uploads/2011/05/Charte-des-AT-MP-acte-suicidaire-et-accident-du-travail.pdf. « En dehors du lieu de travail, c’est à la famille de faire la preuve du lien avec l’activité professionnelle », explique Michel Lallier, président de l’ASD-pro. Une vision nettement plus restrictive, qui explique cet écart entre les bilans des suicides au travail.

      #suicide_au_travail #risques_psychosociaux #médecine_du_travail #conditions_de_travail #management #cadences #pression #surcharge_de_travail

    • Manque de sécurité sur les chantiers : « Notre fils est mort pour 6 000 euros », Aline Leclerc
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/07/manque-de-securite-sur-les-chantiers-notre-fils-est-mort-pour-6-000-euros_62

      Pour réduire les coûts et tenir les délais, certaines entreprises du bâtiment accumulent les négligences et infractions au code du travail, susceptibles d’engendrer de graves accidents du travail

      Alban Millot avait trouvé l’offre d’emploi sur Leboncoin. Touche-à-tout débrouillard enchaînant les petits boulots, il n’avait aucune expérience dans la pose de panneaux photovoltaïques ni dans le travail en hauteur. Trois semaines après son embauche, il est passé à travers la toiture d’un hangar, le 10 mars 2021. Une chute mortelle de plus de 5 mètres. Le jour de ses 25 ans.

      « Quand le gendarme vous l’annonce, il parle d’un “accident”, comme on dit quand quelqu’un meurt sur la route », se rappelle douloureusement Laurent Millot, son père. La chute renvoie toujours d’abord l’idée d’une erreur d’attention, d’un déséquilibre. La faute à pas de chance. Et à la victime surtout – Alban n’a-t-il pas marché sur une plaque translucide qu’il savait fragile ?

      Ce n’est que quelque temps après que reviennent en mémoire ces petites phrases qui donnent à l’« accident » un autre sens. « J’avais eu Alban au téléphone une semaine avant. Il m’a dit que son travail était hyperdangereux, et qu’il allait s’acheter son propre harnais parce que celui fourni par la boîte était bas de gamme », raconte Véronique Millot, sa mère. Quand pour la rassurer il lui a dit : « Je fais ça seulement jusqu’à l’été », elle a répondu : « Te tue pas pour un boulot… »

      Inexpérimentés

      L’enquête, étoffée dans ce dossier, a mis en évidence une effarante liste de dysfonctionnements et d’infractions au code du travail de la PME qui l’employait, dont l’activité officiellement enregistrée (son code NAF ou APE) était « commerce de détail en quincaillerie, peintures ». Le seul technicien dûment diplômé avait quitté la société deux mois avant l’embauche d’Alban. Sur les vingt-cinq salariés, une dizaine de commerciaux et seulement trois équipes de deux poseurs, lesquels étaient en conséquence soumis à un rythme intense pour honorer les commandes.

      Avant sa mort, Alban et son collègue de 20 ans, et trois mois d’ancienneté seulement, étaient partis le lundi de Narbonne (Aude) pour un premier chantier en Charente, puis un autre en Ille-et-Vilaine, avant un troisième, le lendemain, dans les Côtes-d’Armor, et un ultime, le mercredi, en Ille-et-Villaine, où a eu lieu l’accident. Alban, seul à avoir le permis, avait conduit toute la route.

      Inexpérimentés, les deux hommes n’avaient reçu qu’une formation sommaire à la sécurité. Et, surtout, ne disposaient pas de harnais complets pour s’attacher, comme l’a constaté l’inspectrice du travail le jour du drame.

      « Méconnaissance totale » et « déconcertante » du dirigeant

      Sans matériel, ils ont loué sur place une échelle chez Kiloutou. « Combien pèse une plaque photovoltaïque ? », a demandé le président du tribunal correctionnel de Rennes, lors du procès en première instance. « Dix-huit kilos », a répondu le chef d’entreprise. « Il faut monter l’échelle avec le panneau sous le bras ? », s’est étonné le président. « Cela dépend du chantier. »

      Il sera démontré pendant l’enquête, puis à l’audience, la « méconnaissance totale » et « déconcertante » du dirigeant, commercial de formation, de la réglementation en vigueur sur le travail en hauteur comme sur les habilitations électriques. Il n’avait entrepris aucune démarche d’évaluation des risques. Et ce, alors que deux autres accidents non mortels avaient eu lieu peu de temps avant sur ses chantiers.

      Dans son jugement du 6 juin 2023, le tribunal a reconnu l’employeur – et non l’entreprise, déjà liquidée – coupable d’homicide involontaire, retenant la circonstance aggravante de « violation manifestement délibérée » d’une obligation de sécurité ou de prudence, « tant l’inobservation était inscrite dans ses habitudes ».

      Enjeux financiers

      Car ces négligences tragiques cachent aussi des enjeux financiers. Monter un échafaudage, c’est plusieurs heures perdues dans un planning serré, et un surcoût de 6 000 euros, qui aurait doublé le devis, a chiffré un ouvrier à l’audience. « En somme, notre fils est mort pour 6 000 euros », souligne Mme Millot.

      L’affaire résonne avec une autre, dans laquelle Eiffage Construction Gard et un sous-traitant ont été condamnés en première instance comme en appel lors des procès qui se sont tenus en mai 2021 et avril 2022, à Nîmes. Mickaël Beccavin, cordiste de 39 ans, a fait une chute mortelle le 6 mars 2018, alors qu’il assemblait des balcons sur les logements d’un chantier d’envergure. Pour une raison restée inexpliquée, une corde sur laquelle il était suspendu a été retrouvée sectionnée, trop courte de plusieurs mètres. Quand la défense de l’entreprise a plaidé la seule responsabilité de la victime, qui aurait mal vérifié son matériel, l’inspecteur du travail a proposé une autre analyse.

      « On peut vous expliquer que le cordiste doit faire attention, mais la question n’est pas que là. La question est : est-ce qu’on devait faire appel à des cordistes pour ce chantier ? », a expliqué Roland Migliore à la barre, en mai 2021. Car la législation n’autorise les travaux sur cordes, particulièrement accidentogènes, qu’en dernier recours : cette pratique n’est possible que si aucun autre dispositif de protection dite « collective » (échafaudage, nacelle…) n’est envisageable. « La protection collective protège le salarié indépendamment de ce qu’il peut faire lui. S’il s’attache mal, il est protégé, rappelle l’inspecteur du travail. Au contraire, si l’on choisit la protection individuelle, on fait tout reposer sur le salarié. »

      « Précipitation »

      Le recours à la corde était apparu à l’audience comme un choix de dernière minute, sur un chantier où « tout le monde était pressé ». L’inspecteur du travail avait alors souligné cet aspect : « Malheureusement, dans le BTP, les contraintes sur les délais de livraison poussent à la précipitation : on improvise, quitte à ne pas respecter le plan général de coordination. »

      Secrétaire CGT-Construction, bois et ameublement de Nouvelle-Aquitaine, Denis Boutineau n’en peut plus de compter les morts. « Très souvent, c’est lié à un manque de sécurité. Quand vous êtes en ville, regardez les gens qui travaillent sur les toits, il n’y a aucune protection ! Pourquoi ? Pour des raisons économiques ! » Il cite ainsi le cas d’un jeune couvreur passé à travers un toit Everite. « L’employeur avait fait deux devis ! Un avec la mise en sécurité, un sans ! Bien sûr, le second était moins cher. Lequel croyez-vous qu’a accepté le client ? »

      Caroline Dilly reste, elle aussi, hantée par un échange avec son fils Benjamin, 23 ans, quelque temps avant sa mort, le 28 février 2022. Couvreur lui aussi, il aurait chuté en revenant dans la nacelle après avoir remis une ardoise en place sur un toit. Il n’était pas titulaire du certificat d’aptitude à la conduite d’engins en sécurité (Caces), nécessaire à l’utilisation de cet engin. Et la nacelle était-elle adaptée pour réaliser ce chantier ? C’est ce que devra établir la procédure judiciaire, encore en cours.

      Mais avant de rejoindre cette entreprise, Benjamin avait été renvoyé par une autre, au bout de quinze jours. « Il avait refusé de monter sur un échafaudage qui n’était pas aux normes », raconte sa mère, qui s’entend encore lui faire la leçon : « Y a ce que t’apprends à l’école et y a la réalité du monde du travail ! » « Je m’en veux tellement d’avoir dit ça… J’ai pris conscience alors à quel point prendre des risques au travail était entré dans nos mœurs. Tout ça pour aller plus vite. Comment en est-on arrivés à ce que la rentabilité prime sur le travail bien fait, en sécurité ? », se désole-t-elle.

      « Quand on commence, on est prêt à tout accepter »

      Depuis qu’elle a rejoint le Collectif familles : stop à la mort au travail, elle est frappée par la jeunesse des victimes : « Quand on commence dans le métier, on n’ose pas toujours dire qu’on a peur. Au contraire, pour s’intégrer, on est prêt à tout accepter. »

      Alexis Prélat avait 22 ans quand il est mort électrocuté sur un chantier, le 5 juin 2020. Son père, Fabien, bout aujourd’hui d’une colère qui lui fait soulever des montagnes. Sans avocat, il a réussi à faire reconnaître par le pôle social du tribunal judiciaire de Périgueux la « faute inexcusable » de l’employeur.

      C’est-à-dire à démontrer que ce dernier avait connaissance du danger auquel Alexis a été exposé et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Le jeune homme est descendu dans une tranchée où était clairement identifiée, par un filet rouge, la présence d’un câble électrique. « Le préposé de l’employeur sous les ordres duquel travaillait la victime ce jour-là aurait dû avoir connaissance du danger », dit le jugement rendu le 11 mai 2023, qui liste des infractions relevées par l’inspecteur du travail, notamment l’« absence d’habilitation électrique » et l’« absence de transcription de l’ensemble des risques dans le document unique d’évaluation des risques ».

      Fabien Prélat relève également que, comme pour Alban Millot, le code APE de l’entreprise ne correspond pas à son activité réelle. Elle est identifiée comme « distribution de produits informatiques, bureautique et papeterie ». Il estime par ailleurs que le gérant, « de fait », n’est pas celui qui apparaît sur les documents officiels. « Bien sûr, ce n’est pas ça qui a directement causé la mort de mon fils. Mais si l’Etat contrôlait mieux les choses, ces gens-là n’auraient jamais pu s’installer », s’emporte-t-il.

      « Pas assez de contrôles de l’inspection du travail »

      Cheffe du pôle santé et sécurité à la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), syndicat patronal, et elle-même gestionnaire d’une PME de charpente et couverture dans le Puy-de-Dôme, Cécile Beaudonnat s’indigne de ces pratiques. « Ce sont des gens contre qui on lutte, explique-t-elle. On les repère quand leurs clients nous contactent, dépités, quand ils comprennent que l’entreprise qui leur a mal installé des panneaux solaires n’avait ni les techniciens qualifiés, ni l’assurance professionnelle décennale », explique-t-elle.

      Normalement, pour s’installer, il y a l’obligation d’avoir une formation professionnelle qualifiante homologuée (au moins un CAP ou un BEP) ou de faire valider une expérience de trois ans sous la supervision d’un professionnel. « Malheureusement, il n’y a pas assez de contrôles de l’inspection du travail », déplore-t-elle. Avant d’ajouter : « Pour nous, c’est avant tout au chef d’entreprise d’être exemplaire, sur le port des équipements de protection, en faisant ce qu’il faut pour former ses salariés et en attaquant chaque chantier par une démarche de prévention des risques. Nous sommes une entreprise familiale, on n’a aucune envie d’avoir un jour un décès à annoncer à une famille. »

      « Il y a une bataille à mener pour faire changer les mentalités. Y compris chez les ouvriers, pour qu’ils ne se mettent pas en danger pour faire gagner plus d’argent à l’entreprise ! Quand on voit les dégâts que ça fait sur les familles… », s’attriste Denis Boutineau.

      Les deux parents d’Alexis Prélat ont obtenu, chacun, 32 000 euros en réparation de leur préjudice moral, sa sœur 18 000 euros. Ils espèrent maintenant un procès en correctionnelle. « La meilleure façon de changer les choses, c’est d’obtenir des condamnations exemplaires », estime Fabien Prélat.

      Fait rare, l’employeur d’Alban Millot a, lui, été condamné en correctionnelle à trente-six mois de prison dont dix-huit ferme. Il a fait appel du jugement. « Avant le procès, j’avais la haine contre ce type, confie Laurent Millot. L’audience et, surtout, une sanction telle que celle-là m’ont fait redescendre. »

    • Accidents du travail : quand les machines mettent en péril la vie des salariés
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/08/accidents-du-travail-quand-les-machines-tuent_6215360_3234.html

      Dans l’industrie, le BTP ou l’agriculture, les accidents liés à l’utilisation de machines comptent parmi les plus graves et les plus mortels. Employeurs, fabricants et responsables de la maintenance se renvoient la faute.

      Lorsqu’il prend son poste, ce lundi 27 décembre 2021, cela fait déjà plusieurs mois que Pierrick Duchêne, 51 ans, peste contre la machine qu’il utilise. Après deux décennies dans l’agroalimentaire, il est, depuis cinq ans, conducteur de presse automatisée dans une agence Point P. de fabrication de parpaings, à Geneston (Loire-Atlantique). Depuis un an et demi, la bonne ambiance au boulot, cette fraternité du travail en équipe qu’il chérit tant, s’est peu à peu délitée. L’atmosphère est devenue plus pesante. La cadence, toujours plus infernale. Les objectifs de #productivité sont en hausse. Et ces #machines, donc, « toujours en panne », fulmine-t-il souvent auprès de sa femme, Claudine.

      Ce jour-là, il ne devait même pas travailler. Mais parce qu’il était du genre à « toujours aider et dépanner », dit Claudine, il a accepté de rogner un peu sur ses vacances pour participer à la journée de maintenance et de nettoyage des machines. Pierrick Duchêne a demandé à son fils qu’il se tienne prêt. Dès la fin de sa journée, à 15 heures, ils devaient aller à la déchetterie. Mais, vers 11 h 30, il est retrouvé inconscient, en arrêt cardiorespiratoire, écrasé sous une rectifieuse à parpaing. Dépêché sur place, le service mobile d’urgence et de réanimation fait repartir son cœur, qui s’arrête à nouveau dans l’ambulance. Pierrick Duchêne meurt à l’hôpital, le 2 janvier 2022.

      Son histoire fait tragiquement écho à des centaines d’autres, se produisant chaque année en France. En 2022, la Caisse nationale d’assurance-maladie a recensé 738 accidents du travail mortels dans le secteur privé, selon son rapport annuel publié en décembre 2023. 1 % d’entre eux sont liés au « risque machine » – auquel on peut ajouter les accidents liés à la « manutention mécanique », de l’ordre de 1 % également. Selon l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), qui répertorie plus précisément les incidents de ce type, les machines sont mises en cause dans 10 % à 15 % des accidents du travail ayant entraîné un arrêt supérieur ou égal à quatre jours, ce qui représente environ 55 000 accidents. Dont une vingtaine sont mortels chaque année.

      « La peur suppure de l’usine parce que l’usine au niveau le plus élémentaire, le plus perceptible, menace en permanence les hommes qu’elle utilise (…), ce sont nos propres outils qui nous menacent à la moindre inattention, ce sont les engrenages de la chaîne qui nous rappellent brutalement à l’ordre », écrivait Robert Linhart, dans L’Etabli (Editions de Minuit), en 1978. L’industrie, et notamment la métallurgie, est un secteur d’activité dans lequel les risques pour la santé des ouvriers sont amplifiés par l’utilisation d’outils et de machines. Les employés agricoles, les salariés de la chimie ou les travailleurs du BTP sont aussi très exposés. Sur le terrain, les services de l’inspection du travail font régulièrement état de la présence de machines dangereuses.

      « Aveuglement dysfonctionnel »

      Si leur fréquence baisse depuis les années 1990, ces accidents sont souvent les plus graves, avec des blessures importantes, et les procédures qui s’ensuivent sont extrêmement longues. La responsabilité peut être difficile à établir, car plusieurs acteurs sont en jeu : l’employeur, le fabricant de la machine, l’installateur, la maintenance. La plupart du temps, chacun se renvoie la faute. Comme si la machine permettait à tous de se dédouaner.

      « Le risque zéro n’existe pas », entend-on régulièrement au sujet des accidents du travail, qui plus est quand une machine est en cause. Pourtant, le dysfonctionnement brutal que personne ne pouvait anticiper, qui accréditerait la thèse d’une infortune létale, n’est quasiment jamais à l’œuvre. Au contraire, les défaillances des machines sont souvent connues de tous. « Il peut s’installer une sorte d’aveuglement dysfonctionnel, analyse Jorge Munoz, maître de conférences en sociologie à l’université de Bretagne occidentale. Le problème est tellement récurrent qu’il en devient normal. »

      Une situation qui hante encore les jours et les nuits de Delphine et de Franck Marais, les parents de Ludovic. Personne ne pouvait soupçonner que ce jeune apprenti barman de 19 ans mettait sa vie en péril en servant pintes et cafés derrière le comptoir d’une brasserie réputée de Tours. Mais, le 16 décembre 2019, quelques minutes avant de rentrer chez lui, à 23 h 45, sa tête est percutée par le monte-charge des poubelles.

      La machine fonctionnait depuis des mois, voire plusieurs années, avec les grilles de protection ouvertes. « Quelqu’un a désactivé la sécurité qui empêchait le monte-charge de démarrer ainsi, grilles ouvertes », raconte Franck, le père. Qui ? Un salarié, pour gagner du temps ? L’employeur, pour que ses salariés aillent plus vite ? Le responsable de la maintenance, à la demande de l’employeur ? Un oubli du technicien ? « On ne saura probablement jamais, mais, finalement, là n’est pas la question, estime l’avocate des parents, Marion Ménage. Ce qui compte, c’est que l’entreprise savait qu’il fonctionnait grilles ouvertes et qu’elle n’a rien fait. »

      « Il se sentait en danger »

      Sécurité désactivée, maintenance non assurée, prévention déconsidérée… Les mêmes logiques, les mêmes légèretés face à des machines dangereuses reviennent méthodiquement dans les récits, soulignant le caractère systémique de ces événements dramatiques. « Les dispositifs de sécurité ralentissent parfois le processus de travail et empêchent de tenir la cadence, analyse Jorge Munoz. On peut être tenté de défaire le mécanisme et, donc, de mettre en péril l’utilisateur. » C’est cette logique mortifère qui a été fatale à Flavien Bérard. Le jeune homme de 27 ans était sondeur pour la Société de maintenance pétrolière (SMP), une entreprise de forage et d’entretien de puits pétroliers, gaziers et de géothermie.

      D’abord employé sur un site dans le Gard, où il s’épanouit malgré les conditions de travail difficiles, Flavien Bérard est transféré après une semaine à Villemareuil, en Seine-et-Marne. Il se retrouve sur un chantier de forage pétrolier dont est propriétaire SMP, « les puits du patron », comme on surnomme le lieu. Industrie lourde, à l’ancienne, rythme en trois-huit, rendements à tout prix… Flavien est confronté à un milieu dur et peu accueillant. « Il nous a vite dit que c’était difficile, se souvient sa mère, Fabienne. Le gaillard de 1,84 mètre, plus de 80 kilos, corps de rugbyman, est pourtant du genre à tenir physiquement.

      « Il nous a surtout dit qu’il se sentait en danger, que les machines étaient dangereuses et qu’il avait des doutes sur la sécurité », déplore aujourd’hui Fabienne Bérard. Ses inquiétudes s’avèrent prémonitoires. Alors qu’il avait décidé de ne pas poursuivre sur le site une fois sa mission arrivée à son terme, le 5 mars 2022, vers 4 heures, une pièce métallique d’une trentaine de kilos se détache d’une machine de forage et percute Flavien à la tête, une quinzaine de mètres plus bas. Il meurt le lendemain, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.

      « On nous a tout de suite parlé d’une erreur humaine, avec une sécurité désactivée », explique le père de la victime, Laurent Bérard. Selon l’avocat des parents, Lionel Béthune de Moro, le rapport machine de l’expert judiciaire ferait état de « 373 non-conformités », dont 3 concerneraient le système responsable de l’accident. « Une sécurité essentielle a été désactivée, pour le rendement », ajoute-t-il. « On nous a même dit que ce n’était pas la première fois qu’il y avait un problème avec cette machine », renchérit Fabienne Bérard.

      Complexité des procédures

      Ces exemples posent la question de la #prévention et de la maintenance. « L’objectif, c’est que les entreprises voient celles-ci comme un profit et non comme un coût », affirme Jean-Christophe Blaise, expert de l’INRS. L’institut a justement pour mission de développer et de promouvoir une culture de prévention des accidents du travail au sein des entreprises. « Dans certains cas, elle peut être perçue comme quelque chose qui alourdit les processus, qui coûte plus cher, complète Jorge Munoz. Mais l’utilisation d’une machine nécessite une organisation spécifique. »

      D’autant qu’une politique de prévention se déploie sur le long terme et nécessite des actions régulières dans le temps. Les agents de l’INRS travaillent sur trois aspects pour éviter les drames autour des machines : les solutions techniques, l’organisation du travail et le levier humain (formation, compétences, etc.). « Un accident du travail est toujours multifactoriel et il faut agir sur tout à la fois, souligne M. Blaise. La clé, c’est la maintenance préventive : anticiper, prévoir plutôt que subir. »

      Les accidents du travail liés aux machines ont un autre point commun : la complexité des procédures qui s’ensuivent. Plus de deux ans après les faits, Claudine Duchêne ne connaît toujours pas les circonstances exactes de la mort de son mari. « Je sais juste que la machine n’aurait pas dû fonctionner en ce jour de maintenance, qu’il n’aurait pas dû y avoir d’électricité », assure-t-elle. L’enquête de la gendarmerie a été close en juillet 2022, celle de l’inspection du travail a été remise à la justice en juin 2023. Celle-ci révélerait « une faute accablante sur l’organisation de la journée de maintenance », précise Claudine Duchêne. Depuis, elle attend la décision du parquet de Nantes.

      Aux enquêtes de police et de l’inspection du travail peut s’ajouter une expertise judiciaire, ralentissant encore un peu plus la procédure, comme dans le cas de Flavien Bérard. « L’attente est longue et douloureuse pour les familles, souligne Me Béthune de Moro. Plus il y a d’intervenants, plus cela alourdit les choses, mais c’est toujours pour éclairer la situation, dans un souci de manifestation de la vérité. » La famille attend désormais d’éventuelles mises en examen et une ordonnance de renvoi dans l’année pour un procès en 2025.

      Après l’accident de Ludovic Marais, le monte-charge a été mis sous scellé jusqu’en mars 2023, une procédure indispensable mais qui allonge encore les délais. Cela a empêché l’intervention d’un expert judiciaire pendant plus de trois ans. « Le nouveau juge d’instruction a décidé de lever les scellés et une nouvelle expertise est en cours », confie Me Ménage. Le rapport pourrait arriver d’ici à l’été. Sachant que les avocats de la défense pourront éventuellement demander une contre-expertise. La brasserie, le patron, la tutrice du jeune apprenti, Otis (la société ayant installé le monte-charge) et un de ses techniciens chargé de la maintenance sont mis en examen pour « homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité et de prudence dans le cadre du travail ». Un procès pourrait avoir lieu fin 2024 ou en 2025. La fin d’un chemin de croix judiciaire pour qu’enfin le deuil soit possible.

    • Accidents du travail : les jeunes paient un lourd tribut
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/09/accidents-du-travail-les-jeunes-paient-un-lourd-tribut_6215566_3234.html

      Entre les entreprises peu scrupuleuses et la nécessité pour les jeunes de faire leurs preuves dans un monde du travail concurrentiel, les stagiaires, élèves de lycées professionnels ou apprentis sont les plus exposés aux risques professionnels.

      Quatre jours. L’unique expérience professionnelle de Jérémy Wasson n’aura pas duré plus longtemps. Le #stage d’observation de cet étudiant en première année à l’Ecole spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l’industrie (ESTP) devait durer deux mois, dans l’entreprise Urbaine de travaux (filiale du géant du BTP Fayat). Le 28 mai 2020, il est envoyé seul sur le toit du chantier du centre de commandement unifié des lignes SNCF de l’Est parisien, à Pantin (Seine-Saint-Denis). A 13 h 30, il fait une chute en passant à travers une trémie de désenfumage – un trou laissé dans le sol en attente d’aménagement – mal protégée. Il meurt deux jours plus tard, à 21 ans.

      L’accident de Jérémy a laissé la grande école du bâtiment en état de choc. « C’est ce qui m’est arrivé de pire en trente ans d’enseignement supérieur », exprime Joël Cuny, directeur général de l’ESTP, directeur des formations à l’époque. La stupeur a laissé la place à de vibrants hommages. Un peu courts, toutefois… L’ESTP ne s’est pas portée partie civile au procès, regrette Frédéric Wasson, le père de Jérémy, qui souligne que « Fayat est l’entreprise marraine de la promo de [s]on fils… », ou que, dès 2021, Urbaine de travaux reprenait des dizaines de stagiaires issus de l’école.

      #Stagiaires, élèves de lycées professionnels en période de formation en milieu professionnel, #apprentis… Les jeunes paient un lourd tribut parmi les morts au travail : trente-six travailleurs de moins de 25 ans n’ont pas survécu à un accident du travail en 2022, selon le dernier bilan de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM). C’est 29 % de plus qu’en 2019. Et encore cela ne porte que sur les salariés du régime général. La CNAM souligne aussi que, par rapport aux autres accidents du travail, il s’agit davantage d’accidents « classiques, c’est-à-dire hors malaises et suicides », et d’accidents routiers.

      « Irresponsabilité totale »

      L’inexpérience de ces jeunes, quand elle n’est pas compensée par un accompagnement renforcé, explique en partie cette surmortalité. Quelque 15 % des accidents graves et mortels surviennent au cours des trois premiers mois suivant l’embauche, et plus de la moitié des salariés de moins de 25 ans morts au travail avaient moins d’un an d’ancienneté dans le poste.

      Tom Le Duault a, lui, perdu la vie le lundi 25 octobre 2021. Cet étudiant en BTS technico-commercial entame alors son quatrième contrat court dans l’abattoir de LDC Bretagne, à Lanfains (Côtes-d’Armor). Sa mère y travaille depuis vingt-neuf ans, et il espère ainsi mettre un peu d’argent de côté. Comme lors de ses premières expériences, il est « à la découpe », où il s’occupe de mettre en boîte les volailles. Ce matin-là, un salarié est absent. Tom doit le remplacer dans le réfrigérateur où sont stockées les caisses de viande. Il est censé y empiler les boîtes avec un gerbeur, un appareil de levage.

      « Sur les dernières images de vidéosurveillance, on le voit entrer à 9 h 53. Il n’est jamais ressorti, et personne ne s’est inquiété de son absence », regrette Isabelle Le Duault, sa mère. Il est découvert à 10 h 45, asphyxié sous deux caisses de cuisses de volaille. Elle apprend la mort de son fils par hasard. « J’ai vu qu’il y avait plein de monde dehors. Une fille m’a dit qu’il y avait un accident grave, elle m’a dit de demander si ce n’était pas mon fils au responsable. Il m’a demandé : “C’est Tom comment ?” C’était bien lui… »

      Les conclusions des enquêtes de gendarmerie et de l’inspection du travail ont vite écarté une éventuelle responsabilité du jeune homme. Jean-Claude Le Duault, son père, en veut à l’entreprise. « Tom n’a pas voulu les décevoir, vu que sa mère travaillait là. Mais on ne met pas un gamin de 18 ans seul dans un atelier, une heure, sans vérifier, sur un gerbeur. Il ne connaît pas les dangers, les règles de sécurité. C’est une irresponsabilité totale, à tous les étages. »

      Manquements

      Dans un monde du travail concurrentiel, les jeunes se doivent de faire leurs preuves. A quel prix ? Selon une enquête du Centre d’études et de recherches sur les qualifications publiée en 2020, 59 % des jeunes sortant de la voie professionnelle sont exposés à des risques de blessures ou d’accidents. Or, dans le même temps, ils n’ont pas la même connaissance de leurs droits. Toujours dans cette étude, 42 % déclaraient ne pas avoir reçu de formation ou d’informationsur la santé et la sécurité à l’arrivée sur leur poste. C’est le cas de Tom Le Duault, qui n’avait même pas de fiche de poste. Comme son utilisation du gerbeur n’était pas prévue, il avait été formé sur le tas.

      « Il avait déjà travaillé avec un appareil de levage lors de son précédent contrat, et il s’était déjà blessé à la cheville, ce qui avait causé trois semaines d’arrêt, fulmine Ralph Blindauer, avocat de la famille. Il a été formé par un autre intérimaire. C’était une formation à l’utilisation, pas à la sécurité ! »

      A l’absence d’encadrement et de formation s’ajoutent d’autres manquements, détaillés lors du procès de l’entreprise au pénal : l’appareil était défaillant, ce qui a vraisemblablement causé l’accident, et les salariés de LDC avaient l’habitude d’empiler les caisses sur trois niveaux au lieu de deux, faute de place dans la chambre froide, ce qui est contraire aux règles de sécurité.

      Le rôle du tuteur est crucial

      LDC Bretagne a été condamné, en mai 2023, à une amende de 300 000 euros, tandis que l’ancien directeur de l’#usine – devenu, entre-temps, « chargé de mission » au sein de l’entreprise – a été condamné à deux ans de prison avec sursis. Reconnaissant ses manquements, l’entreprise n’a pas fait appel, chose rare. La direction de cette grosse PME déclare que des mesures complémentaires ont été prises à la suite du décès de Tom, notamment un « plan de formation renforcé à la sécurité, des habilitations, une évaluation complète et approfondie des risques sur les différents postes, des audits par des cabinets indépendants ou le suivi d’indicateurs ».

      Un badge est désormais nécessaire pour se servir d’un gerbeur, ajoute Isabelle Le Duault. Elle a choisi de rester dans l’entreprise, mais à mi-temps. « Moi, je ne peux plus passer devant cette usine, ou même dans cette ville », renchérit son mari.

      En stage ou en apprentissage, le rôle du tuteur est crucial. Sur le chantier d’Urbaine de travaux, à Pantin, l’arrivée de Jérémy Wasson n’avait pas été anticipée. Le lundi matin, personne ne s’occupe de lui, car le chantier est en retard. Il ne reçoit rien d’autre qu’un livret d’accueil et un rendez-vous de quinze minutes pendant lequel on lui parle surtout des gestes barrières. « Jérémy s’est très vite interrogé sur la nature de son stage. Dès le premier jour, on lui a fait faire du marteau-piqueur, le mercredi soir, il trouvait ça fatigant et inintéressant. Ce soir-là, on a hésité à prévenir l’école… », raconte son père.

      Renforcer la formation à la sécurité

      La société Urbaine de travaux a été condamnée, en 2022, à 240 000 euros d’amende pour « homicide involontaire », et l’ingénieure en chef du chantier à 10 000 euros et deux ans de prison avec sursis. Cette décision du tribunal de Bobigny a confirmé les lourdes conclusions de l’inspection du travail, notamment la violation délibérée d’une obligation de #sécurité, l’absence d’encadrement et de formation de Jérémy et l’absence de #sécurisation de la trémie. L’entreprise a fait appel.

      Face à la violence de ces récits, qui concernent parfois des mineurs, le sujet a été érigé en axe prioritaire dans le plan santé au travail du gouvernement. Mais le choix du ministère du travail de publier deux mémentos qui mettent jeunes et entreprises sur le même plan, les invitant à « respecter toutes les consignes », peut étonner.

      Les écoles et centres de formation ont aussi un rôle à jouer pour renforcer la formation à la sécurité. En 2022, la CNAM a recensé plus de 1 million d’élèves et apprentis (CAP et bac professionnel) ayant reçu un enseignement spécifique en santé et sécurité au travail.

      Faciliter la mise en situation des adolescents

      A la suite du décès de Jérémy, l’ESTP a renforcé les enseignements – déjà obligatoires – sur la sécurité. Un élève ne peut se rendre en stage sans avoir obtenu une certification. « En cas de signalement, on fait un point avec les RH de l’entreprise, et si ça ne se résout pas, nous n’avons pas de scrupules à arrêter le stage. Mais je ne remets pas en cause la volonté des entreprises de créer un environnement de sécurité pour accueillir nos élèves », déclare Joël Cuny.

      Un argument difficile à entendre pour la famille de Jérémy Wasson… Car les #entreprises restent les premières responsables de la santé des jeunes sous leur responsabilité, comme du reste de leurs salariés. Le nombre d’apprentis a explosé ces dernières années, la réforme du lycée professionnel souhaite faciliter la mise en situation des adolescents.

      Par ailleurs, le gouvernement a annoncé l’obligation pour les élèves de 2de générale et technologique, dès 2024, d’effectuer un stage en entreprise ou en association de deux semaines, semblable au stage de 3e. La question ne s’est jamais autant posée : les employeurs mettront-ils les moyens pour protéger tous ces jeunes ?

      #apprentissage

    • Avec la sous-traitance, des accidents du travail en cascade, Anne Rodier
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/10/avec-la-sous-traitance-des-accidents-du-travail-en-cascade_6215798_3234.html

      Pression économique des donneurs d’ordre, délais resserrés, manque de prévention… Les salariés des entreprises en sous-traitance, en particulier sur les chantiers et dans le nettoyage, sont plus exposés aux accidents du travail. Surtout lorsqu’ils sont #sans-papiers.

      https://justpaste.it/axscq

      #sous-traitance

  • Le gouvernement refuse de subventionner les associations féministes « ambiguës » sur le massacre du 7 octobre
    https://www.nouvelobs.com/societe/20240211.OBS84352/le-gouvernement-refuse-de-subventionner-les-associations-feministes-ambig


    Doc, tu n’es plus sanctionné sur tes réactions ou tes propos, mais sur ton absence de réaction.
    Tu as ordre d’affirmer que tu penses comme le gouvernement.
    #Police_de_la_pensée #dystopie

    Depuis l’attaque sanglante lancée par le Hamas contre Israël le 7 octobre et les représailles israéliennes, le collectif Nous toutes, et plus largement les associations et figures féministes en France s’étaient vus reprocher un « silence » sur les informations et témoignages faisant état de viols commis par des hommes du Hamas.

    • Charla-Town
      https://www.youtube.com/watch?v=AS1YV-iCtrU&t=4s

      Well welcome welcome well
      Welcome to Charla-town
      Don’t believe the liers
      The super radio tv vampires

      Pointés sur Baghdad et sur le sud Liban
      Dans ce Moyen -Orient quelques chars sont latents
      Latents les attentas du Hamas et du Hizbollah
      Et moi j’attends la Palestine depuis cinquante ans
      De retour, les vampires du processus de l’épée
      Ils viennent s’occuper des territoires occupés
      L’Intifada appelle le monde mais ça sonne occupé
      Ses enfants ne connaissent de la paix que vos traités maltraités

      Charlatan, attends un peu que j’te parle
      Charlatan, recule tes chars et va-t-en

      L’ONU depuis le début ce sont des charlatans
      Le monde arabe et ses petits princes aussi sont des charlatans
      Comme le Mossad ils brouillent des œufs à la sauce charlatan
      Dessine-moi un mouton avec les cornes, Charlatan
      L’épuration ethnique tu la pratiques, Charlatan
      Charla-t’en fais pas pour nous on va faire des enfants
      Fabricants de guerre, de kamikazes et de colons
      Qu’est ce que le TPI attend ?

      Car c’est le sol de tout le monde ici
      C’est pas un solde de tout compte là
      Oui c’est la terre de Palestine ici
      Ici tout compte tout compte, ici tout compte tout est compté

      Mangeurs d’hommes et de chair à canon
      Donneurs de leçons et de coups de clairons
      Maîtres du monde et des environs
      Vos problèmes sont nos solutions

      Dans notre argot pas d’embargo
      Dans nos maisons pas de pain ni d’eau
      Le Tiers-Monde est un nigaud
      Et l’Amérique est un macro

      Un demi siècle de génocide palestinien
      Quel sémite a pu espérer ça
      Qui a pu rêver d’extermination massive,
      Sûrement pas celui qui a vécu la Shoah
      Qui c’est qui a mis en cage the lion of Juda
      Qui, avec les nazis a passé contrat
      Ce n’est pas le petit peuple, ce n’est pas toi et moi
      C’est les gros sous déguisés en diaspora : bourgeois et

      Charlatan... refrain
      Charlatan... refrain

      Car c’est le sol de tout le monde ici
      C’est pas un solde de tout compte là
      Oui c’est la terre de Palestine ici
      Ici tout compte, ici tout compte
      Tout est compté...

      #Palestine #chanson #musique #musique_et_politique #Intifada #charlatans #génocide

  • Guerre à #Gaza : un député libéral clé critique la politique du gouvernement Trudeau | Proche-Orient, l’éternel conflit | Radio-Canada
    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2049545/depute-liberal-oliphant-critique-gouvernement-trudeau-guerre-gaza

    Pendant cette conversation, il a estimé que supprimer le financement de l’#UNRWA n’était pas justifié.

    Quand j’ai lu que nous suspendions les fonds versés à l’UNRWA – je vais être très clair – c’était pour des raisons politiques. Et je ne parle pas seulement de politique intérieure. Cela concerne nos alliés, a déclaré Oliphant à son interlocuteur.

    #canada

  • La classe politique dénonce la manifestation anti-israélienne à l’hôpital juif de Toronto | Radio-Canada
    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2049179/manifestation-palestine-israel-toronto-hopital-mount-sinai

    Les premiers ministres Justin Trudeau et Doug Ford et la mairesse de Toronto, Olivia Chow, ont vivement dénoncé mardi la manifestation propalestinienne qui s’est tenue lundi soir devant l’Hôpital Mount Sinai. Des extraits vidéo de l’événement montrent des individus en train d’appeler à l’Intifada contre Israël et de grimper sur l’établissement pour y agiter l’étendard palestinien.

    Des enregistrements vidéo qui circulent sur les réseaux sociaux montrent un groupe de manifestants scander des mots en arabe – on y entend notamment le mot Intifada – mais impossible de les dénombrer.

    • Des groupes propalestiniens rejettent les accusations de manifestations antisémites | Noovo Info
      https://www.noovo.info/nouvelle/des-groupes-propalestiniens-rejettent-les-accusations-de-manifestations-anti

      Dans une déclaration écrite, trois groupes qui ont organisé la marche de lundi – « Jews Say No To Genocide », « Palestinian Youth Movement-Toronto » et « Toronto4Palestine » – ont déclaré que la suggestion des politiciens selon laquelle les manifestants ont ciblé l’hôpital Mount Sinai dans un acte d’antisémitisme est infondée et inexacte.

      […]

      « La manifestation a débuté devant le consulat israélien, s’est poursuivie pendant quatre heures et s’est terminée sur la place Yonge-Dundas, passant devant de nombreux bâtiments et monuments à travers la ville, certains participants escaladant des structures et des échafaudages pour hisser le drapeau palestinien à divers endroits du chemin : aucun des endroits n’était ciblé », ont écrit les organisateurs.

      « Nous condamnons les politiciens canadiens qui présentent à tort la manifestation comme ayant ciblé l’hôpital. »

    • Jennifer Polk, PhD (she, her) sur X :
      https://twitter.com/FromPhDtoLife/status/1758507372882903346

      I hate being lied to, manipulated, deliberately deceived. I’m sure you feel the same way.

      And that’s partly why what happened this week — the fabrication of an antisemitic protest at a Jewish hospital in downtown Toronto — has so infuriated me.

      It’s one thing to get something wrong, learn new information, and correct the record.

      But Canadian politicians at all levels, including the prime minister, aren’t doing that. Nor are hospital administrators, journalists, and others who have power and platforms.

      It is clear now (if it wasn’t immediately to everyone when this non-story broke) that nothing hateful happened. Nothing really happened at all.

      And yet, the damage is done.

      And I can only assume that damage is deliberate.

      Yesterday, I received a message from a follower who told me that “the coverage of events in Toronto genuinely scared me and made me wonder if Canada was the best home my [Jewish] family.”

      Who can blame her for this, given the deliberate scaremongering?

      I’ve received messages from other white women over the past few months, all upset about my criticism of Israel and Canada’s complicity in it’s genocide of Palestinians in #Gaza.

      All these messages, including the one from yesterday, stress how my posts make them feel.

      These women living in places like Canada and the US ask outright or strongly imply that I should be centering their feelings instead of focusing on the mass murder of Palestinians.

      We all are allowed our own feelings, of course. We all are allowed to write on topics we care about.

      But in this case — and I know this is nothing new — the pro-genocide propaganda machine set out to whip up fear of and hate for Palestinians, and thus all Muslims and BIPOC by extension, plus those of us who “sympathize with terrorists.”

      Please don’t fall for it. Please.

      #manipulation #sionisme #complicité #Canada #sans_vergogne

  • Soupçonné de travailler pour Bardella, le journaliste de France Info Jean-François Achilli est suspendu
    https://www.mediapart.fr/journal/politique/140324/soupconne-de-travailler-pour-bardella-le-journaliste-de-france-info-jean-f

    Selon « Le Monde », le journaliste politique a collaboré avec le président du RN pour l’écriture d’une autobiographie. Des révélations qui ont provoqué d’importants remous à Radio France, où plusieurs salariés se disent « écœurés ». Il a été suspendu de l’antenne.

    • L’étrange genèse du livre de Jordan Bardella
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/13/l-etrange-genese-du-livre-de-jordan-bardella_6221840_823448.html

      Chez qui, quand, avec qui, le futur livre de Jordan Bardella ? On pourrait croire à un simple feuilleton éditorial, c’est en réalité bien plus que cela. Derrière ce livre du président Rassemblement national (RN) se joue aussi une autre partie : la démonstration de la capacité de Jordan Bardella (largement en tête des sondages pour les élections européennes de juin) à séduire le milieu politico-médiatique français et à faire sauter les digues. Car si le futur livre de la tête de liste affole le monde de l’édition, des personnalités étrangères à l’extrême droite ont travaillé discrètement sur cet ouvrage.

  • Irlande : une « situation d’urgence » pour les demandeurs d’asile, alerte le HCR - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/55220/irlande--une-situation-durgence-pour-les-demandeurs-dasile-alerte-le-h

    Irlande : une « situation d’urgence » pour les demandeurs d’asile, alerte le HCR, Par Maïa Courtois Publié le : 15/02/2024
    Dans un rapport paru cette semaine, le Haut commissariat pour les réfugiés des Nations Unies étrille la politique d’accueil irlandaise. Il appelle le gouvernement à des « mesures extraordinaires » contre le manque grandissant de solutions d’hébergements pour les demandeurs d’asile. Ceux-ci font face, dans le même temps, à un taux de protection de plus en plus faible.
    Près de 600 demandeurs d’asile se sont vu refuser le statut de réfugié par l’Irlande en janvier 2024, d’après les dernières statistiques du ministère de la Justice irlandais. C’est deux fois plus qu’en janvier 2023, souligne The Irish Times, lorsque 261 personnes avaient essuyé un refus. En 2022, le chiffre était encore plus bas, avec 14 refus seulement. Le nombre de demandes a certes augmenté, d’une année à l’autre. Mais cela n’explique que partiellement le phénomène. Il suffit de regarder le taux de refus : celui-ci était de près de 60 % pour toute l’année 2023, sur 5 000 demandes traitées. Tandis qu’en 2022, ce taux de refus n’était que de 18 %, sur 875 demandes traitées. Cette tendance risque de se poursuivre : le gouvernement a annoncé, en début d’année, de nouvelles restrictions sur les demandes d’asile. L’Algérie et le Botswana vont être ajoutés à la liste des « pays sûrs ». Et ce, à l’occasion d’une réforme plus large à venir visant à accélérer les délais de traitement des demandes d’asile, rappelle The Irish Times.
    Cette semaine, le Haut commissariat pour les réfugiés de l’ONU (UNHCR) a épinglé dans un rapport la politique d’accueil irlandaise. L’agence onusienne demande au gouvernement irlandais d’accueillir « immédiatement » les primo-arrivants en s’assurant qu’ils « ne se retrouvent pas dans une situation de sans-abri ou de dénuement ».
    Ce jeudi 15 février, le HCR est auditionné à ce sujet par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies. Cette instance va examiner la politique irlandaise au regard de ses obligations internationales, et émettra à son tour des recommandations.Le sans-abrisme devient en effet un enjeu majeur. Depuis le 4 décembre 2023, le gouvernement a cessé de proposer un hébergement à tous les nouveaux demandeurs d’asile, pourtant bel et bien éligibles à une mise à l’abri, rappelle la RTE, la radio-télévision publique irlandaise. Les premiers pénalisés sont les hommes seuls, sans vulnérabilité particulière. Pourtant, ces hommes seuls constituent la majorité des arrivants. Dans son dernier rapport hebdomadaire, le Service international d’hébergement et de protection enregistre 35 % d’hommes seuls, sur les 326 arrivées lors de la semaine du 5 au 11 février. Un ratio peu ou prou identique à celui de la semaine précédente. Première nationalité de ces arrivants : le Nigeria.Si le HCR salue la priorité donnée aux enfants, femmes et personnes vulnérables, il se dit « profondément préoccupé par le fait que les hommes célibataires se retrouvent sans logement ». Avant de souligner : « Donner la priorité aux candidats les plus vulnérables ne peut justifier le refus des droits humains fondamentaux, tels qu’un abri adéquat, à d’autres candidats ».
    Pour justifier ses restrictions en matière de mise à l’abri, le gouvernement irlandais a mis en avant le manque d’hébergements disponibles. « Malgré des efforts intensifs pour trouver un hébergement d’urgence, le Ministère n’est actuellement pas en mesure de fournir un hébergement à tous les demandeurs de protection internationale en raison de la grave pénurie », indique ainsi le gouvernement.
    Les dernières statistiques officielles indiquent que sur les 1275 demandeurs d’asile qui se sont présentés depuis le 4 décembre pour un hébergement, seuls 144 se sont vus offrir une mise à l’abri.
    Le HCR reconnaît que le pays est confronté à des « défis importants pour garantir un logement convenable aux nouveaux arrivants », mais il rappelle « l’obligation morale et légale de répondre aux besoins fondamentaux des personnes qui viennent en Irlande ».
    Pour l’agence onusienne, il s’agit d’une « situation d’urgence qui exige que le gouvernement prenne des mesures extraordinaires pour garantir qu’il puisse répondre à ces besoins humanitaires fondamentaux ».Au-delà du sans-abrisme, le HCR s’inquiète du fait que « la majorité des demandeurs, soit plus de 17 000, sont hébergés dans des centres d’urgence à travers l’Irlande » alors que ces centres « ne sont pas soumis à des inspections indépendantes ». Le centre Mosney, par exemple, accueille près des centaines de demandeurs d’asile à une trentaine de kilomètres de Dublin, est régulièrement critiqué par les ONG.
    Ce type d’hébergement, les « distribution centers », sont qualifiés de « système odieux » par l’ONG Movement of Asylum Seekers in Ireland (Mouvement des demandeurs d’asile en Irlande, MASI). Les demandeurs d’asile y sont soumis à certaines restrictions comme un couvre-feu ou l’impossibilité de cuisiner par eux-mêmes. Les ONG décrivent aussi les difficultés à être accompagnés vers la recherche d’emploi ou la formation, notamment linguistique, rappelle dans un décryptage le journal University Observer. Ce système d’hébergement, conçu pour l’urgence, est en théorie limité à six mois. En pratique, des nombreux migrants y restent plusieurs années. Depuis un an, l’Irlande est également confrontée à une montée de l’extrême droite. Des rassemblements et manifestations anti-migrants, jusque là rares, se multiplient sur le territoire. Il y a un an, le 7 février 2023, à Dublin, plus de 2 000 personnes sont descendues dans la rue sous le slogan : « L’Irlande est pleine à craquer ».

    #Covid-19#migrant#migration#irlande#nigeria#HCR#asile#sante#hebergement

  • Thread by LBantigny on Thread Reader App – Thread Reader App
    https://threadreaderapp.com/thread/1768576505024536922.html

    Est-ce qu’on se représente bien ce que ça signifie ? Pour une blague @GMeurice s’est retrouvé à la police judiciaire. Glaçant. Son livre est une mine pour penser l’humour, les polémiques médiatiques insensées, les libertés mises en péril. Et la « cartographie de la lâcheté ». Thread

    « Que faisons-nous entre ces murs qui ont vu passer tant d’escrocs, de voyous et de criminels ? » Oui, c’est délirant. Et c’est sur ce délire que s’ouvre le livre : un interrogatoire des heures durant en raison d’une poursuite pour « injure publique et provocation à la haine raciale ».

    Pour avoir dit que Netanyahu serait une « sorte de nazi sans prépuce ». Meurice fait son métier : une blague. Un tombereau de haine s’abat sur lui : énormément de menaces de mort. Il est un « chien », une « petite salope ». On lui promet « une belle dans la nuque ».

    La rabbin Delphine Horvilleur lance un appel à la censure : il faudrait « circoncire le temps d’antenne » de G. Meurice. Les mêmes qui bien sûr disaient #JeSuisCharlie appellent à son licenciement. Les médias sont en boucle. Le courrier qu’il reçoit des jours durant est terrifiant.

    Guillaume Meurice écrit « J’aime la réalité. Car elle ne fait pas que dépasser la fiction. Elle la sublime. Quelle probabilité existait-il pour que, un beau matin, je sois convoqué à la police judiciaire en ayant simplement effectué mon travail ? » Poursuivi « pour une vanne ».

    Cette vanne, c’était sa « réaction face à l’horreur des bombardements israéliens. On parle alors de 10000 morts en quelques jours, le secrétaire général de l’ONU compare Gaza à un cimetière pour enfants et les rapporteurs de l’organisation alertent déjà sur un risque de génocide. »

    Évidemment que cette blague n’a rien d’un appel à la « haine raciale » comme deux organisations l’en accusent de manière délirante. Elle ironise sur un bourreau, Netanyahu, et sur lui seul. « Rien de bien méchant qui puisse blesser. Offenser, peut-être. Choquer, éventuellement. »

    Guillaume Meurice a un rapport tranquille et serein à la manière dont on réagit à ses blagues en général. Il en a fait des milliers. « Cela ne me dérange pas qu’on puisse débattre d’une blague. Qu’on puisse la juger bonne, mauvaise, opportune ou non. »
    Mais cette fois, pour cette blague, sa hiérarchie au sein de France Inter et de Radio France le convoque, le somme de s’excuser. Sans un mot de soutien face aux menaces qu’il reçoit. Meyer Habib le traite alors de « petite vermine antisémite » et le menace de manière ignoble.

    Heureusement, « revers du revers de la médaille », arrivent encore plus de messages de soutien. Par exemple : « Je suis juif et ta blague ne m’a pas du tout choqué. Et quand bien même elle m’aurait choqué, tu avais le droit de la faire. Ne te laisse pas intimider par des débiles ».

    Sibyle Veil, PDG de Radio France, décide pourtant de sanctionner Guillaume Meurice. Lequel la prévient immédiatement : il contestera cette sanction aux prud’hommes. « La raison est simple : n’ayant pas commis de faute, il ne me semble pas normal d’être sanctionné. »

    Cette sanction est une honte. Comme l’écrit Adrien Dénouette, « toute tentative de faire taire la moquerie cède à une pulsion autoritaire. Les rappels à l’ordre de Radio France révèlent les impostures morales de l’époque, qui trépigne d’instaurer la tyrannie des susceptibles ».

    Certains ont versé dans l’ignominie. Tel A. Finkielkraut, rapprochant Guillaume Meurice d’Édouard Drumont, celui qui forgea le plus abject des complotismes antisémites à la fin du 19e siècle ; M. Van Renterghem, le comparant aux collaborationnistes pronazis

    Le paradoxe (apparent) c’est que ces gens aux propos infâmes, bataillant officiellement contre ce racisme qu’est l’antisémitisme, ne se privent pas d’ignobles propos racistes. Comme dans cette lettre reçue par G.Meurice : « j’espère que tu vas crever dans un attentat de bougnoules »

    Le président du Sénat G. Larcher attaque G.Meurice tout en assurant que ce n’est pas un débat sur la liberté d’expression. Ah bon !? « Doit-on s’arrêter avant les limites de la loi ? En fixer d’autres ? Comment ? Selon leur propre humeur, leur agenda politique, leur plan de carrière ? »

    Autrement dit, demande Guillaume Meurice, « faut-il faire valider nos blagues par Gérard Larcher, Cyril Hanouna, Pascal Praud ou Delphine Horvilleur ? » Le livre mêlant légèreté et gravité, pose de fait beaucoup de questions majeures, notamment sur la liberté d’expression.

    L’avocat qui a déposé plainte contre Guillaume Meurice est Rémi-Pierre Drai. Le même qui défend le sénateur Joël Guerriau, accusé d’avoir drogué une députée pour l’agresser sexuellement, et qui excuse son client parce qu’il avait... perdu son chat...

    « Dans quelques années peut-être que cet ouvrage brillera par sa banalité, devenu un simple exemple parmi des milliers d’un climat de censure devenu la norme » "Ou un modeste témoignage d’une époque troublée mais à laquelle on aura su collectivement faire face pour éviter le pire."

  • Affaire Judith Godrèche : « Les attaques contre le cinéma d’auteur et les “Cahiers du cinéma” sont infondées et déplacées »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/03/16/affaire-judith-godreche-les-attaques-contre-le-cinema-d-auteur-et-les-cahier

    Les accusations de Judith Godrèche contre Benoît Jacquot et Jacques Doillon, ses reproches et les questions adressés au milieu du cinéma ont eu pour effet secondaire de virulentes attaques contre le cinéma d’auteur, la politique qui l’a promu, la Nouvelle Vague et les Cahiers du cinéma. Ces attaques surabondent dans les journaux, sur les réseaux sociaux, dans diverses revues en ligne, à la radio et à la télévision. L’expression la plus concise en a été donnée par Laure Murat dans une tribune au Monde, le 17 février, au demeurant précise et mesurée, avec une formule reprise comme accroche par le journal : « A travers Jacquot et Doillon, c’est symboliquement le cinéma d’auteur, consacrant la toute-puissance du metteur en scène, qui se trouve visé. »

    Je tiens à dire qu’il s’agit là d’un contresens, ancien mais aujourd’hui partout repris, sur ce que signifient le cinéma d’auteur et la mise en scène qui en est inséparable. La notion d’auteur de cinéma, dont on peut trouver les prémices chez Louis Delluc, a été promue comme politique par les Cahiers du cinéma en 1955, et la première mention du terme se trouve sous la plume de François Truffaut dans le numéro de février.
    Or, contrairement à ce qui se dit ou s’écrit ici ou là, cette politique n’a jamais consisté à promouvoir la toute-puissance d’un auteur majusculé (ou masculin : elle valait aussi bien pour Agnès Varda, Marguerite Duras, Vera Chytilova ou Shirley Clarke…), mais bien celle de la mise en scène. Pour le dire plus clairement, elle affirmait que le véritable auteur d’un film n’était ni le scénariste, ni l’actrice ou l’acteur principal, ni le directeur de la photographie ou le producteur, mais le metteur en scène. La mise en scène étant entendue non comme simple mise en image ornementale d’une histoire préexistante, mais comme construction spatio-temporelle d’un monde d’images et de sons peuplé de corps parlant, agissant, subissant, regardant ou rêvant. Et dans sa manifestation la plus haute, l’invention – pour reprendre Merleau-Ponty parlant de Cézanne – d’une forme qui pense.

    Intimidation et terreur

    Dans l’expression « politique des auteurs », c’est au terme toujours oublié de « politique » qu’il faut imputer les excès, les injustices et les provocations qui ont marqué ce moment de l’histoire du cinéma. Croit-on vraiment les tenants de cette politique assez stupides pour ignorer que la réalisation d’un film résulte d’un travail collectif et que certains doivent une grande partie de leur beauté à l’excellence de l’interprétation (celle par exemple de James Dean, sur qui François Truffaut a écrit un long panégyrique) ou à la griffe d’un producteur, Val Lewton, David Selznick ou Irving Thalberg ? Fallait-il les prendre au sérieux, le faisaient-ils eux-mêmes quand ils proclamaient que le meilleur film de l’année à venir serait celui de Jean Renoir, dont le tournage allait commencer huit jours plus tard ?

    Cette intimidation et même cette terreur que les tenants de la politique des auteurs faisaient régner au sein de la profession étaient inséparables d’un combat, parfois très dur, que le terme « politique » résumait, pour imposer certains noms : Howard Hawks plutôt que Fred Zinnemann ou George Stevens ; Nicholas Ray, souvent tenu par ses confrères comme un piètre technicien aux mises en scène bâclées ; Samuel Fuller, vilipendé par la critique communiste comme cinéaste fasciste et à qui il fallait rendre justice.

    Et c’est, paradoxalement, appliquée au cinéma hollywoodien que la politique des auteurs a été la plus féconde, là où les beautés, les grâces et les charmes d’un film devaient être arrachés de haute lutte à un système de production souvent écrasant par des cinéastes servants de ce système : tenus de filmer un scénario parfois médiocre, obligés de composer avec des acteurs qui ne leur convenaient pas, astreints à des durées de tournage parfois très serrées dans des conditions économiques précaires, dépourvus enfin de droit de regard sur le montage final. C’est sur ce fond d’impouvoir que se manifestaient les qualités du réalisateur, véritable auteur du film.

    Surenchère dans la repentance

    On voit mal, à la lumière de ces exemples, en quoi la politique des auteurs pouvait consacrer une toute-puissance de l’auteur en majesté, et moins encore participer, comme l’écrit le chapeau de la tribune de Laure Murat, d’un « système opératoire de prédation » et de violences à l’encontre des femmes. Encore s’agit-il là d’un article pondéré, ce qui n’est pas, tant s’en faut, toujours le cas. On a ainsi pu entendre dire, le 8 février, sur une radio de grande audience, que la Nouvelle Vague avait non seulement favorisé les violences faites aux femmes, mais ouvert la voie à la pédocriminalité. Et le plus inquiétant n’est pas là : c’est – témoignant du climat étrange d’intimidation et de surenchère dans la repentance qui règne en nos contrées depuis quelques semaines – que personne n’ait trouvé à redire à ces déclarations diffamatoires sur une radio de service public.

    La focalisation d’attaques d’une violence parfois inouïe contre le cinéma d’auteur et les Cahiers du cinéma, parce que les films de Benoît Jacquot et Jacques Doillon ont pu y être défendus, est non seulement infondée, mais proprement déplacée. Il n’est pas nécessaire d’être un grand historien pour savoir que le cinéma a connu, sans attendre la Nouvelle Vague, des réalisateurs autoritaires, abusifs, violents ou tyranniques, de Henri-Georges Clouzot à Sam Peckinpah, et parfois très grands, comme Otto Preminger ou Erich von Stroheim. Et il suffit de lire Hollywood Babylone (1975), de Kenneth Anger, pour voir se déployer un incroyable panorama de perversions, turpitudes, dépravations, vices, emprises, violences, disparitions, viols et jusqu’à des crimes parfois restés impunis, où aucune trace d’influence de la politique des auteurs n’a été trouvée.

    Un premier contre-feu vient heureusement d’être allumé, qui pourrait donner un coup d’arrêt au déferlement vindicatif en cours. Un malicieux tour de l’histoire a voulu qu’on le doive à celle par qui le scandale est arrivé, Judith Godrèche. Lors de la Nuit des César, elle a joliment conclu son intervention avec quelques répliques de Céline et Julie vont en bateau (1974), de Jacques Rivette. Rivette : le tenant le plus radical de la politique des auteurs et son plus brillant théoricien, par ailleurs le metteur en scène le moins prédateur qui se puisse imaginer.

    Jean Narboni est ancien rédacteur en chef des Cahiers du #cinéma, enseignant à l’université Paris-VIII et à la Fémis, directeur de la collection Cahiers du cinéma/Gallimard. Il a notamment écrit « La Grande Illusion de Céline » ( Capricci, 2021).

    • Les réalisatrices à succès sont aussi violentes que les rapports de production.

      D’abord ...

      elle réalise en 1932 son premier film, La Lumière bleue (Das blaue Licht). Écrit et réalisé avec Béla Balázs et Carl Mayer, elle y tient le rôle principal ... Profitant des lois anti-juifs, elle supprimera du générique les noms des deux co-réalisateurs pour mettre le sien à la place et s’attribuer leur travail.

      Ensuitr elle contraint le cameraman de son projet le plus ambitieux à travailler pour elle par une combinaison de menaces, il souffre d’une maladie mentale, et de psychodrame pire que les exactions de Fassbinder. Ce n’est encore pas elle même la créatrice des plans qui caractérisent les films et reportages de sport jusqu’aujourd’hui.

      Les Dieux du stade (Olympia)
      Du montage, qui dure 18 mois, naît un film en deux parties : Fête des peuples (Fest der Völker) et Fête de la beauté (Fest der Schönheit).
      ...
      La première projection du film (les deux parties durant en tout près de quatre heures) a lieu le 20 avril 1938, en hommage au Führer, pour son anniversaire.

      Après elle se comporte comme tous les bons allemands qui en on la possibilité et profite du travail peu cher des prisonniers des camps.

      En 1940 et 1941, . . Elle force 60 détenus Sintis et Roms extraits du camp de Salzbourg à jouer les figurants pour le tournage en extérieur. En 1942, des détenus du camp de concentration de Berlin-Marzahn sont utilisés pour les prises de vue dans les studios de Babelsberg près de Berlin. En mars 1943, ils sont déportés vers Auschwitz. Une vingtaine survivent. En relation avec ces faits, Leni Riefenstahl comparaît plusieurs fois après la guerre devant la justice allemande.

      Je le trouve amusant comment quelques personnes énervées s’en prennent aux hommes, au cinéma ou au encore plus spécifiquement au cinéma d’auteur, alors que les violences que s’infligent mutuellement les gens du métier ne font que réfléter le degré de violence propre aux rapports de production générales.

      D’ailleurs tout a déjà été dit dans des livres et des films.

      Dans Hollywood Babylon on trouve l’essence inhumaine de l’impérialisme états-unien. Dans Ascenseur pour l’échafaud on rencontre les responsables et profiteurs des crimes nazies et colonialistes. Il y a In A Lonely Place et Le Mépris pour nous expliquer l’aliénation qui plane et s’abat sur nous. J’attends La nuit américaine version « économie poilitique » pour enfin nommer précisément les détenteurs du pouvoir responsables des violences et de la souffrance aujourd’hui obligatoires pour la réussite dans les médias. Enfin, il y a Citizen Kane , alors tout est dit.

      Malgré Белое солнце пустыни (on y évoque la libération de la femme) les studios Mosfilm n’ont pas été les studios de film socialiste de rêve, alors il faut continuer à construire le meilleur monde cinématographique. Comment faire ? Vous le saurez en essayant.

      #cinéma #misogynie #exploitation #nazis

    • Leni Riefenstahl Interview 1964
      https://www.youtube.com/watch?v=HBV3Z7eQNLM&pp=ygUQTGVuaSBSaWVmZW5zdGFobA%3D%3D

      Heureusement il y a des parole des femmes différentes. Malheureusement se sont toujours les paroles des femmes les plus proches du pouvoir qui se font le mieux entendre.

      Cessons enfin d’écouter les paroles plus ou mons attentativement en fonction du sexe et de la position sociale de la personne qui parle.
      Finissons en enfin avec l’accès priviligié aux médias pour les nantis. La parole des femme et hommes des classes qui produisent tout doit enfin valoir autant que la valeur de leur production matérielle.
      Agissons pour rendre la voix à toutes et tous qui aujourd’hui ne peuvent pas s’exprimer librement dans l’espace médiatique. N’acceptons jamais qu’on nous déunisse en utilisant des revendications justes les unes contre les autres.

      P.S. Je regarde le fait d’actualité un peu comme si j’était un habitant de la lune (La terra vista della luna ;-) on s’entend, n’est-ce pas ?) et je ne sais pas qui est Judith Godrèche sauf qu’elle semble être une des nombreuses jeunes femmes qui essayent de devenir célèbres malgré ou en collaborant avec les riches producteurs/prédateurs de film français. Elle a sans doute raison à sa manière avec ce quelle dit, mais la voix de la mère de Didier Eribon compte plus pour moi que la sienne.

      Je ne ferai jamais partie du petit monde de Cannes. J’ai par contre toujours fait partie des gens comme la mère de Didier Eribon. Il y a beaucoup de femmes comme cette ouvrière et c’est à elles qu’il faut donner la parole. Celles qu’on entend dans les médias ont déja eu leur mot à dire. Quelles se taisent pour laisser parler les sans-vox. Cela vaut également pour les autres nantis et arrivistes de divers sexes

      L’histoire est une autre tempête dans un verre d’eau. Passons aux choses sérieuses.

    • Le sommet du pathétique est toutefois atteint un peu plus loin, en conclusion, lorsque Jean Narboni pense dégaîner l’argument ultime et fatal qui clouera le bec aux impudentes mises en causes des « auteurs » et des « Cahiers » : rebondissant sur le splendide discours de Judith Godrèche aux Césars, et sa conclusion en apothéose sur Céline et Julie vont en bateau (« Il était une fois, il était deux fois, il était trois fois, il était que cette fois ça ne se passera pas comme ça »), Monsieur l’avocat de « la politique des auteurs des Cahiers » se fait un plaisir de rappeler qu’il s’agit d’un film de Rivette, « tenant le plus radical de la politique des auteurs » et « par ailleurs le metteur en scène le moins prédateur qui se puisse imaginer ».

      Les raisons ne manquent pas de qualifier un tel argument de pathétique, mais on se concentrera ici sur deux d’entre elles. Tout d’abord, Rivette est peut-être « le plus brillant » et « le plus radical » des tenants de « la politique des auteurs », mais il en est surtout le plus atypique, le seul de la « bande » qui, au lendemain de la « bataille » remportée, s’est efforcé de déconstruire la fonction-auteur en y introduisant toujours plus de collectif et de féminin, en co-écrivant ses films avec ses actrices – et cela sans « oublier » de les créditer au générique ! Pour le dire autrement : la figure de Rivette, brandie par Narboni comme un paradigme et un emblème, permettant de réfuter toute idée de sexisme cinéphilique inhérent à « la Nouvelle Vague » et aux « Cahiers », constitue plutôt, si l’on est un tant soit peu honnête, l’exception qui confirme la règle.

      Rivette est à ce point l’exception qui confirme la règle que son film Céline et Julie, en effet génial et absolument féministe, est sorti en 1974 sans le moindre soutien, et même sans la moindre considération de « la Maison Cahiers ». La revue, sa revue, celle dont à peine dix ans plus tôt il était le rédacteur en chef, ne consacre alors pas un article, pas un entretien, pas même une notule, pas même une ligne à ce film pourtant révolutionnaire à mille égards si l’on accorde un tant soit peu d’importance aux femmes et à leurs luttes. C’est dans « la maison d’en face », chez l’ennemi de toujours, à savoir la revue Positif, que la sortie du film est saluée à la hauteur de l’événement qu’elle constitue, au moyen d’un texte de Rivette, d’une recension élogieuse de Gérard Legrand et de deux entretiens-fleuves des actrices-scénaristes Juliet Berto et Dominique Labourier [4].

      La honte ? Oui : la honte !

      Il faut dire que les Cahiers ont alors d’autres priorités : ralliée depuis quelques années au marxisme-léninisme d’obédience maoïste, la revue se veut au début des années 70 l’organe d’un « front culturel révolutionnaire », et ne s’intéresse qu’au cinéma vraiment militant, celui qui milite pour les vraies causes et les vrais opprimés, qui ne sauraient se prénommer ni Céline, ni Julie. Aucun autre prénom féminin ne figure d’ailleurs dans « l’ours » de la revue, dirigée alors par un « collectif » (c’est plus démocratique et révolutionnaire qu’un « rédacteur en chef ») composé de dix bonshommes (la démocratie et la révolution ne se conjuguant pas au féminin). Le capitaine de cette équipe de foot masculine, ou l’éminence grise si l’on préfère, celui qui en ce début de décennie exerce l’autorité intellectuelle (car il y en a bien un, malgré tout !), est, d’après de nombreux témoignages (celui de Serge Daney notamment), un certain… Jean Narboni !

      Le même, oui, qui aujourd’hui, en 2024, cinquante ans plus tard, bombe le torse sous la bannière de Céline et Julie. L’histoire est parfois facétieuse.

      https://lmsi.net/La-preuve-par-Celine-et-Julie

      article signalé par @rezo

  • Time of Israel  : 2 Juifs arrêtés suspectés d’avoir craché sur un ecclésiastique chrétien à Jérusalem

    Ramallah et le ministre des Affaires étrangères, Israël Katz, ont condamné les crachats et insultes proférées à l’encontre de l’abbé Nikodemus Schnabel

    Deux Israéliens juifs, soupçonnés d’avoir insulté et craché sur un ecclésiastique chrétien dans la Vieille Ville de Jérusalem, ont été arrêtés, a indiqué dimanche la police dans un communiqué.


    Selon la police, l’incident s’est produit samedi. Les deux suspects ont été retrouvés et interpellés – dont un mineur âgé de 17 ans. Les deux hommes ont été assignés à résidence pendant que l’enquête se poursuit, a déclaré la police, qui a signalé qu’elle ne tolérerait pas ce genre d’incidents.

    Le ministère des Affaires étrangères palestinien a condamné l’incident, pointant du doigt certains ultra-nationalistes israéliens.

    Dans un communiqué, Ramallah a imputé l’incident à « l’incitation à la haine » des ministres israéliens d’extrême-droite Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich et l’a qualifié d’expression d’une « culture coloniale raciste » qui « nie l’existence de l’autre ».

    La déclaration affirme en outre que les « milices de colons [résidents d’implantations] » se sentent enhardies par un « sentiment d’impunité politique et juridique » qui les encourage à persister à « semer la haine » et à « provoquer les citoyens palestiniens et les membres d’autres religions ».

    La police avait arrêté https://fr.timesofisrael.com/cinq-personnes-arretees-pour-avoir-crache-sur-des-chretiens-a-jeru début octobre cinq Juifs orthodoxes soupçonnés d’avoir craché sur des fidèles chrétiens dans la Vieille Ville de Jérusalem, dans un contexte de multiplication des incidents visant les prêtres et les pèlerins dans la capitale.

    Le ministre de la Sécurité nationale Ben Gvir , s’était alors exprimé lors d’une interview accordée à la radio de l’armée. « Je continue de penser que cracher sur des chrétiens n’est pas un acte criminel. Je pense que nous devons agir par l’instruction et l’éducation. Tout ne justifie pas une arrestation. »

    Avant d’entrer en politique, Ben Gvir avait justifié par le passé les crachats à l’encontre des chrétiens en les qualifiant « d’ancienne coutume juive ».
    . . . . . . .

    Source et suite : https://fr.timesofisrael.com/2-juifs-arretes-suspectes-davoir-crache-sur-un-ecclesiastique-chre

    #Israel #Jérusalem #violence #religieux #religions #racisme #colons

  • Lettre ouverte aux organisations qui convergent au sein d’Urgence Palestine | Antisémites Hors De Nos Luttes
    https://blogs.mediapart.fr/antisemites-hors-de-nos-luttes/blog/200224/lettre-ouverte-aux-organisations-qui-convergent-au-sein-d-urgence-pa

    Par l’imaginaire convoqué et le champ lexical utilisé, le collectif est alors bien plus proche de la vision antisémite d’une “conjuration juive internationale d’inspiration sioniste” telle qu’imaginée dans Les Protocoles des sages de Sion et diffusée entre autres par le négationniste et antisémite notoire Ahmed Rami. Le post du 12 octobre 2023 de ce compagnon de route de Robert Faurisson et Vincent Reynouard résonne fortement avec les prises de position d’Urgence Palestine sus-mentionnées : “La libération de la Palestine fait partie de la libération du monde entier dont le sort se joue en Palestine. Si le peuple palestinien se libère de cette domination sioniste, cela donnera l’espoir au monde entier qu’il se libérera de cette domination.”[29]

    Le protocole des sages de Sion, matrice de la dénonciation du “sionisme mondial”

    Ce texte, rédigé au début du XXè siècle par l’Okhrana, la police politique tsariste, est un faux[30] qui décrit un prétendu projet juif et sioniste de domination mondiale. Ce livre servira de support de propagande antisémite à travers le monde entier tout au long du XXè siècle. 
    Afin de prouver “l’aspiration de la juiverie à dominer les peuples du monde entier”[31], Hitler s’appuiera sur ce faux à de nombreuses reprises. Ce sera aussi le cas d’autres dignitaires nazis, à l’instar de Johann Van Leers qui a, par exemple, cité ce passage dans une brochure de propagande nazie[32] : “Nous les forcerons à nous offrir un pouvoir international, dont la disposition sera telle qu’elle pourra sans les briser englober les forces de tous les États du monde et former le Gouvernement Suprême”. Van Leers est un dignitaire nazi qui se réfugiera au Caire dans les années 1950 pour y développer la propagande antisémite pour le régime de Nasser. Il dirigeait “La voix des arabes”, principale radio égyptienne et vecteur de la propagande “antisioniste” du monde arabe. A son arrivée en Egypte, il avait été accueilli par Amin Al-Husseini avec les mots suivants : “Nous vous remercions d’être venu jusqu’ici reprendre le combat contre les puissances des ténèbres incarnées par la juiverie mondiale”.[33]
    En URSS, une partie de ces Protocoles ont été utilisés par Staline. L’accusation de sionisme sera au centre du “complot des blouses blanches”, cette affaire montée elle aussi de toutes pièces[34] qui servira de point de départ à une campagne antisémite d’Etat dans les derniers mois de la vie du dictateur.

    Une vision réactualisée du “sionisme mondial”

    En 1988, c’est le Hamas qui les cite dans sa charte fondamentale comme preuve irréfutable du “plan sioniste” : 
    “Lorsqu’ils auront parachevé l’assimilation des régions jusqu’auxquelles ils seront parvenus, ils ambitionneront de s’étendre plus loin encore, et ainsi de suite. Leur plan se trouve dans Les Protocoles des sages de Sion et leur conduite présente est une bonne preuve de ce qu’ils avancent.“[35]
    Cette vision complotiste du sionisme sera réaffirmée dans leur “Document sur les principes généraux et politiques” de 2017, dans lequel est affirmé que “le projet sioniste ne vise pas uniquement le peuple palestinien” et qu’il est “la principale source de[s] problèmes [de la Oummah]” et comme “un grand danger pour la sécurité et la paix internationales et la stabilité de l’humanité tout entière.”[36]
    En France, cette idée a été réactualisée dans les années 2000 à l’extrême-droite par Soral et Dieudonné qui s’en prendront régulièrement au “sionisme mondial” et au “lobby sioniste” qui contrôlerait les médias et la finance. Ils vont alors fortement imprégner une part importante de “la gauche”, comme chacun a pu le constater encore dernièrement lorsque David Guiraud explique que Soral et Dieudonné étaient “les seuls à prendre à bras-le-corps” le sujet israélo-palestinien[37]. On pourrait aussi citer Etienne Chouard qui déclarait sans sourciller : “[Soral] m’a rendu sensible à un point qui, pour moi, n’existait pas auparavant : c’est le sionisme, le poids du sionisme au niveau mondial.”[38]
    Europalestine a présenté une liste aux européennes de 2004[39] dans laquelle figurait Dieudonné et à laquelle Soral a apporté un soutien appuyé. La même association a appelé à manifester pour soutenir “l’humoriste” le 20 février 2014. Une douzaine d’années plus tard, cette association dénoncera à plusieurs reprises l’emprise supposée du lobby juif, en manifestant notamment le 1er avril et le 9 décembre 2017 pour “la séparation du CRIF et de l’Etat”[40], ce qui ne manquera pas de résonner avec la “séparation de la Synagogue et de l’Etat” réclamée par le militant d’extrême-droite et ancien collaborateur Pierre Sidos, le 6 février 1959.
    En termes de passerelles avec l’extrême-droite, notons également qu’Elias d’Imzalène, fondateur de Perspectives Musulmanes et orateur régulier sur les camions d’Urgence Palestine, donnait une conférence en 2013 au Théâtre de la Main d’Or, alors dirigé par Dieudonné, sur le thème “Lobby tout puissant : vers une révolte des oubliés”[41]. La conférence, organisée par Egalité & Réconciliation, donnait également la parole à Franck Abed, théoricien d’extrême-droite antisémite et royaliste.

    #Antisémitisme

    • Comment peuvent-ils dire vouloir « éradiquer Hamas » et en même temps demander au Hamas de leur rendre leurs otages ?
      Si je tenais des otages et que la partie adverse disait vouloir l’éradiquer, accepterais je de les rendre ?

      Et où sont les questions sur la doctrine Hannibal à l’origine du meurtre d’israéliens par l’armée elle-même ?

    • Les indiens d’Amérique étaient aussi mauvais que le Hamas. A l’époque ils attaquaient les pionniers pour un rien, alors même qu’on leur avait donné un territoire rien qu’à eux, et qu’on avait signé la paix. Alors pour faire cesser ces actes de terrorisme, menés par les indiens sur les pionniers, la seule solution était de montrer que force devait rester à la loi et à la paix, en refusant les cesser le feu, et en détruisant les membres des terroristes, jusqu’au dernier. Il y avait des victimes collatérales, certes. Mais elles n’avaient qu’à pas être au mauvais endroit. Et parfois, sincèrement, si elles étaient là, c’est qu’elles n’étaient pas tout à fait innocentes.

      La mauvaise foi est sans limite et la seule façon d’y mettre fin est encore plus de mauvaise foi. Le donnant-donnant est hélas la seule solution.

    • « Jamais nous ne laisserons prospérer l’esprit de revanche », affirme Emmanuel Macron, qui souligne que « dans ces moments de deuil, rien ne doit nous diviser ». « La France restera unie pour elle-même et pour les autres, (…) unie dans ces moments de souffrance pour les Israéliens et les Palestiniens, afin d’œuvrer sans relâche pour répondre aux aspirations à la paix et à la sécurité de tous au Proche-Orient », ajoute le chef de l’Etat.
      [...]
      https://www.lemonde.fr/politique/live/2024/02/07/en-direct-hommage-aux-victimes-du-hamas-suivez-la-ceremonie-aux-invalides-pr

      N’y aurait-il pas quand même un peu "d’esprit de revanche" dans les propos de l’ambassadrice ? En fait, non, c’est plus que cela : c’est de la haine à l’état brut, comme la haine qui s’exprime par le pilonnage de Gaza et la colonisation sauvage de Cisjordanie, depuis 4 mois.

      "La France restera unie". Bien entendu, et ceux qui osent avancer une vision critique du discours officiel seront traités de nazis.

      Quant aux réponses de la France aux "aspirations à la paix et à la sécurité de tous", on voit ce qu’il en est pour les Palestiniens. Avec de telles "réponses" Macron ferait mieux d’arrêter de faire le coq et de se la boucler pour de bon pour venir, queue entre les pattes, au pied du grand frère américain.

      Et encore une fois ce « Proche-Orient », voire ce « Moyen-Orient », employé en tant qu’élément de rhétorique globalisant, quand il est question d’évoquer le conflit entre Israël et les Palestiniens. C’est très commode : d’une part, ça permet d’escamoter les rapports de pouvoir et de domination coloniale et, d’autre part, on désigne de cette façon une entité géopolitique confuse, dans laquelle Israël semble s’imposer pour apporter la lumière, la démocratie et la civilisation (j’ai entendu ce genre de propos à la radio, dès le 8 octobre). C’est d’ailleurs pour cela, nous dit-on, que les puissances occidentales fournissent à ce pays - qui n’est absolument pas dirigé par des populistes - le soutien inconditionnel qu’il mérite.

  • Radio : Bennholdt-Thomsen & Pruvost, La Politique de la Subsistance, 2023 – Et vous n’avez encore rien vu…
    https://sniadecki.wordpress.com/2023/10/13/rmu-atecopol-subsistance

    Veronika Bennholdt-Thomsen et Geneviève Pruvost présentent l’ouvrage La Subsistance : une perspective écoféministe (éd. La Lenteur, octobre 2022).

    Une tendance singulière et importante de l’écoféminisme : la perspective de la subsistance. Travail de (re-)production de la vie, domaine des tâches quotidiennes, invisibles, réalisés majoritairement par des femmes, la subsistance a pourtant été ignorée voire méprisée dans le féminisme comme dans l’écologie, et n’a que momentanément été remise au centre de l’attention par la crise sanitaire. La catastrophe écologique exige pourtant de repenser complètement nos manières de vivre et de travailler.

    Conférences organisées par l’Atelier d’écologie politique (Atecopol) de Toulouse en avril 2023.

    https://archive.org/download/rmu-087-atecopol-subsistance/RMU_087_Atecopol-Subsistance.mp3

    #subsistance #féminisme #écologie #écoféminisme #Veronika_Bennholdt-Thomsen #Geneviève_Pruvost #Atecopol #conférence #livre

  • Présentation du livre « Avant l’Escaut : Poésies & proses, 1966-1989 » de Franck Venaille, paru aux Éditions L’Atelier Contemporain, en 2023.

    https://liminaire.fr/livre-lecture/article/avant-l-escaut-de-franck-venaille

    Ce beau volume de 700 pages publié aux éditions L’Atelier Contemporain propose de faire redécouvrir dix livres publiés par Franck Venaille au cours de trois décennies, désormais tous épuisés, certains même introuvables. 
Franck Venaille, disparu en août 2018, a écrit une quarantaine de livres qui relèvent surtout de la poésie et de l’essai, la publication en 1996 de La descente de l’Escaut a fait de lui l’un des poètes les plus marquants de sa génération.

    (...) #Radio_Marelle, #Écriture, #Langage, #Roman, #Livre, #Poésie, #Lecture, #En_lisant_en_écrivant, #Podcast, #Politique, #Art, #Histoire, #Littérature (...)

  • En Corrèze, un maire ne veut pas « subir le même sort que celui de Saint-Brevin »

    L’ouverture d’un Cada cet hiver à Beyssenac a provoqué de nombreuses manifestations dans la commune. L’élu, qui a reçu des menaces de mort, se sent « abandonné par l’Etat ».

    L’actualité de Saint-Brevin-les-Pins a résonné jusqu’à Beyssenac, en Corrèze. Dans ce petit village d’environ 350 habitants entouré de champs et de vergers, l’ouverture d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) a fait grand bruit. Après avoir découvert la nouvelle dans la presse locale, au milieu de l’hiver, la population s’est divisée entre opposants et défenseurs, plus silencieux, du projet. Au milieu : le maire (LR) Francis Comby, cinq mandats au compteur. Il a été témoin des affrontements entre membres de l’Action française et militants antifas, des cagoules et des fumigènes devant sa mairie, fin février. 150 personnes réunies, du jamais-vu. « Depuis, il ne passe pas un jour sans que l’on me parle du Cada. Aujourd’hui, quand je vois ce qu’il est arrivé à ce maire [Yannick Morez, ndlr]… Je me sens dans la même situation que lui et j’espère que je ne vais pas subir le même sort », réagit-il.

    L’édile a déposé trois plaintes : une pour menaces de mort reçues sur sa boîte mail dans les jours qui ont suivi l’annonce et deux pour diffamation. Francis Comby préfère se mettre en retrait et « calmer le jeu ». Il assure que la municipalité n’a jamais été concertée et, « mis devant le fait accompli », c’est à lui que les habitants demandent des explications. « Je me sens totalement abandonné. L’Etat ignore les élus, impose son projet et, en plus, m’envoie au tribunal », s’emporte celui qui a fait valoir, mi-mars, le droit du conseil municipal de préempter les parcelles où s’est depuis installée la structure. La procédure a été attaquée par la préfecture de la Corrèze devant le tribunal administratif de Limoges (Haute-Vienne), qui a suspendu la délibération du conseil municipal.
    « Nous sommes là pour avoir la paix »

    Toutes les prises de paroles du maire sont désormais scrutées et font régulièrement l’objet de reprises sur les réseaux sociaux. Les deux collectifs d’opposants restent à l’affût du moindre événement lié à l’accueil d’étrangers, qu’il soit en Limousin ou ailleurs en France. Mercredi 10 mai au soir, les membres de Sauvons Beyssenac – l’un des deux collectifs locaux qui souhaitent l’abandon du projet, appuyé par Reconquête – relayaient sur Facebook la démission du maire de Saint-Brevin fraîchement annoncée. La dernière sortie du collectif Non au Cada de Beyssenac – le deuxième, qui se revendique « apolitique » tout en étant soutenu par le délégué départemental Rassemblement national, Valéry Elophe – remonte au 1er mai. Un petit groupe s’est retrouvé en face de l’ancien hôtel-restaurant où sont accueillis les exilés pour manifester. Un moment « très convivial », racontent-ils sur Internet. « Contrairement à ce qui a été dit dans les journaux, les manifestations continuent et continueront dans les prochaines semaines. »

    Plusieurs demandeurs d’asile ont assisté à la scène depuis les fenêtres de la réception, devant lesquelles patrouille régulièrement la gendarmerie. Cela faisait tout juste deux semaines que six femmes et un bébé venaient de s’installer sur place, encore secoués par leur périple. « C’était difficile. On entendait les cris, les gendarmes sont venus pour les faire partir », décrit Doris, Congolaise de 46 ans. Elle a découvert ce qu’il se disait au sujet du Cada avant même d’arriver. « Je me demandais pourquoi les gens ne voulaient pas de notre présence. Nous sommes là pour avoir la paix », poursuit Doris. L’association leur a expliqué comme elle pouvait. « Dès qu’il y a quelque chose de nouveau, les gens ont peur. Il y a aussi une méconnaissance du statut de demandeurs d’asile. S’ils sont là, c’est qu’ils sont en danger dans leur pays », insiste Camille, travailleuse sociale à Viltaïs, l’association mandatée par l’Etat pour gérer l’accueil.
    Lieu de vie et de passage

    Depuis un mois, l’ancienne auberge du village est redevenue un lieu de vie et de passage. Des habitants passent régulièrement saluer, déposer des dons ou proposer de l’aide. Dans la cuisine, Mariama prépare un plat typique de Guinée. L’odeur du mouton mijotant dans sa sauce au piment embaume la salle de vie où discutent les autres résidentes. « Certaines se sont déjà liées d’amitiés. Il y a beaucoup de solidarité entre elles », constate Patricia. L’animatrice sociale jongle entre les coups de téléphone pour organiser des activités sur place : cours de français, cuisine, couture, yoga… Un couple et leur bébé doivent arriver le lendemain. A la fin du mois, ils seront 20 sur place, la moitié de la capacité totale à terme du centre. Dans la matinée, trois résidentes ont marché jusqu’à la supérette d’une commune voisine. Se promener leur évite de cogiter. Un habitant les a récupérées sur le chemin du retour pour leur éviter de porter leurs sacs de courses sur plusieurs kilomètres. « Voir tous ces gens qui sont gentils avec nous, ça fait chaud au cœur, disent-elles. Nous, on est heureuses ici. »

    https://www.liberation.fr/societe/en-correze-un-edile-ne-veut-pas-subir-le-meme-sort-que-le-maire-de-saint-

    #Beyssenac #Cada #réfugiés #anti-réfugiés #asile #migrations #hébergement #France #centre_d'accueil #Francis_Comby #menaces_de_mort #Sauvons_Beyssenac #Non_au_Cada_de_Beyssenac #manifestation #Viltaïs #solidarité

    voir ce fil de discussion sur #Saint-Brévin :
    https://seenthis.net/messages/992104

    ping @karine4

    • Demandeurs d’asile : A Beyssenac, la mécanique du #mensonge au service de l’extrême-droite

      L’affaire de Saint-Brévin - et la démission de son maire après l’incendie de son domicile - a sidéré la France. Mais ailleurs aussi dans le pays, l’extrême-droite jette de l’huile sur le feu sur la question de l’accueil des réfugiés. Cette atmosphère teintée de haine et de xénophobie fracture des communautés jusqu’alors paisibles, dans les campagnes où on se regarde désormais en chien de faïence. A 550 km de Saint-Brévin, à Beyssenac, la vie s’écoule tranquillement. Ou plutôt s’écoulait : depuis plusieurs semaines la tension est au plus haut dans le petit village de Corrèze, secoué par une affaire identique.

      Sur la toile, Beyssenac est un point presque invisible. Et il faut zoomer, et re-zoomer encore, sur la carte d’Internet pour que l’invisible apparaisse. Dans la vie réelle, le village corrézien de 357 âmes tient en une place avec sa mairie, la demeure du maire en miroir, une église, un cimetière, des toilettes publiques, un bar associatif. Beyssenac s’étend en revanche sur des centaines d’hectares bornés par des fermes, maisons individuelles, qui émergent au milieu de prés troués d’étangs où paissent des bovins. Quelques bois cachent des hameaux et des chasseurs, des pêcheurs, quelques animaux sauvages peuvent être aperçus à la dérobée.

      Il n’existe aucun commerce de proximité et l’économie, outre l’élevage de vaches limousines, consiste à cultiver frénétiquement la fameuse pomme golden importée d’Amérique, que la politique agricole commune européenne a fait prospérer.

      Depuis quelque temps, la coupe sauvage et la vente de grands arbres fait aussi office de complément à cette agriculture peu soigneuse de l’environnement mais, au premier coup d’œil, la carte postale de cette France immobile donne le change. Simplement, les nappes phréatiques ont bu les intrants et autres pesticides, et le tronçonnage des forêts a fait découvrir aux habitants de nouvelles perspectives, dans lesquelles le vent désormais s’engouffre.
      Des migrants en Corrèze

      Mike (le nom a été changé) est Anglais. Il est venu s’installer à Beyssenac avec sa femme il y a environ 5 ans. Il y a acheté et rénové avec goût une jolie vieille maison de pierres, comme beaucoup de Britanniques et de Néerlandais, parmi d’autres nationalités. « En Angleterre, explique-t-il, une maison comme celle-ci et un terrain équivalent sont inabordables pour nous ». Le Brexit a fait le reste.

      Mike travaillait près de Liverpool, dans une concession automobile. Il fait partie d’une petite communauté étrangère qui s’est progressivement installée ici, à cinq minutes de la « frontière » avec la Dordogne. Elle a été renforcée ces derniers mois par l’arrivée de réfugiés ukrainiens, encadrés par une association locale de Pompadour, une commune non loin, et une Néerlandaise, qui a pris l’initiative de louer un bus pour aller chercher des femmes et des enfants à la frontière polonaise.

      Qui dit maisons à vendre dit tout (aussi) d’un exode local à peine compensé par l’arrivée de citadins ou d’étrangers. Européens ou pas, ils vivent généralement une existence parallèle aux habitants, aussi peu polyglottes que les Britanniques eux-mêmes, à de rares exceptions.

      « Nous sommes des migrants », sourit William, en montrant sa carte de séjour. Artisan débarqué de la région de Brighton, il a élu domicile avec sa jeune famille il y a une quinzaine d’années dans la communauté de communes dite du « Pays de Lubersac-Pompadour », dont Francis Comby, 60 ans, est le président. Le maire LR de Beyssenac est aussi vice-président du conseil départemental de Corrèze. En 2021, il aurait été barré par son propre camp, ayant prétendu accéder au siège de Pascal Coste selon des Beyssacois moqueurs.
      Des acquéreurs pour La Mandrie

      La vie politique dans ces communes n’est guère excitante. Bien souvent les élections se jouent sur une liste unique (c’était le cas pour Francis Comby), ce qui ne stimule pas spécialement la créativité des conseils municipaux. La gestion de l’existant suffit. Et l’existant est morne et silencieux. Tenter de se faufiler dans les alcôves de la politique régionale puis nationale est plus exaltant. La seule menace pour les élus (de droite) de la Com’com, dans leurs rêves de carrière, sont les votes en faveur de l’extrême-droite qui se consolident à chaque élection nationale à cause de la passivité et du suivisme de ces mêmes élus. Cela n’a pas l’air d’inquiéter.

      Sauf que, en novembre 2022, le maire UDI d’Arnac-Pompadour, raconte un témoin de la scène, Alain Tisseuil, élu lui aussi sans opposition, s’enquiert auprès de Francis Comby de la façon dont il va cohabiter avec Viltaïs. Cette association a acheté l’auberge de La Mandrie pour héberger et accompagner des demandeurs d’asile le temps (plusieurs mois) qu’ils préparent leur dossier pour l’OFPRA (l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui instruit ces dossiers pour le compte du ministère de l’Intérieur), dans le but d’obtenir (sans garantie) le statut de réfugié.

      Cela fait plus d’un an et demi que la famille Millot cherchait un acheteur pour son auberge, qui vivote. Il n’y a plus beaucoup de baptêmes, peu de fêtes de famille. Le tourisme ne prend guère, le manque d’activités - à part le rugby amateur et le cheval, auxquels tout le monde ne s’adonne pas - dans le périmètre est patent. Sinon, les amateurs de randonnées autour de Beyssenac ne trouveront que des parcours goudronnés. Et culturellement, la Com’com est un désert. Le cinéma et la salle de spectacle les plus proches sont à une demi-heure de route, à Uzerche.
      La Montagne vend la mèche

      L’auberge dispose d’un restaurant et de maisonnettes séparées, d’une piscine. Elle est située à l’écart du village, à quelques trois ou quatre kilomètres. Une seule habitation la jouxte. Avant Viltaïs, il n’y a eu qu’un vague projet privé consistant à accueillir des personnes âgées, dont la région vieillissante est déjà, par la force des choses, pourvue. Francis Comby avait eu vent d’une reprise éventuelle par quelques-unes de ses connaissances - le trésorier de la Société des courses de Pompadour et Philippe Bombardier, ancien DRH des Haras nationaux et ex-directeur de cabinet à la mairie de Limoges après son passage à droite en 2014, aujourd’hui directeur général des services au Conseil départemental de la Creuse mais aussi président de la Société de concours hippique, toujours à Pompadour.

      Les deux hommes sont donc aussi des connaissances d’Alain Tisseuil. Le maire de Pompadour cumule pour sa part avec la présidence du conseil d’administration de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE). Le cheval, activité dépensière, réclame des sollicitudes. L’hypothèse tournait autour d’un gite qui aurait été bien utile aux officiels et socio-professionnels autour des activités hippiques. Claude Chabrol y reconnaitra le sien. Las ! La Montagne, le quotidien local, rend publique fin janvier l’ouverture prochaine d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Une annonce que le maire déplore immédiatement, expliquant « qu’on a besoin de restaurants et d’hébergements dans le secteur ».

      Le site correspondait bien aux critères d’évaluations demandés par l’État : « 30 places minimum », une localisation qui ne « contribue pas à surcharger des zones déjà socialement tendues ».

      Quand Alain Tisseuil s’enquiert auprès de Francis Comby de la façon dont les choses se présentent, ce dernier lui fait comprendre qu’il est capable de gérer la situation. Les maires des petites communes peuvent se rejoindre au cas par cas mais ils restent jaloux de leurs prés carrés électoraux.
      Le tract incendiaire

      « Bientôt des dizaines de migrants dans notre village ! » Mi-février, Mike a trouvé dans sa boîte un tract de Reconquête !. Quinze jours seulement après le premier article de La Montagne. Il ne comprend pas le zemmourien et s’interroge. « Quel est le problème ? »

      Le gros problème est que les habitants ne sont pas au courant. Le second est que les premières communications sur le Cada sont le fait de l’extrême-droite. Une pétition circule sur Change.org, via Facebook. Soit disant initiée par le collectif « Sauvons Beyssenac », elle est en réalité l’œuvre de Philippe Ponge, homme de Reconquête !, et de quelques affidés de circonstances. Ajoutez, pour que l’affaire monte, de multiples pages Facebook nourries toujours par les mêmes personnages, sous divers pseudonymes.

      Les élus ont failli en amont à anticiper et expliquer en quoi consiste une telle structure, informer de la vente de l’auberge à Viltaïs et indiquer quelle serait l’attitude républicaine à adopter. Trop tard, pas pensé, pas réfléchi. Le tapage de l’extrême-droite a fait le reste, remplissant le silence des agneaux.

      Ainsi, une avalanche de fausses informations se répercute sur les réseaux sociaux avant même que les maires, submergés, aient pu lever le petit doigt. Parmi ces télégraphistes de mauvais augure, on trouve le responsable du Rassemblement national (RN) en Corrèze, Valéry Elophe, conseiller départemental. Mais surtout deux autres défenseurs acharnés de la Corrèze… venus du Var : Camille Dos Santos de Oliveira, transfuge RN dans ce département, qui s’est présentée en 2022 à la députation sous la bannière Reconquête ! à Brive-La-Gaillarde. Ou encore Philippe Ponge, déjà cité, qui s’exprime également sur la toile sous le nom de Philippe Lebloque ou encore de Philippe Corrèze, lequel a l’oreille compréhensive de Sud Radio.

      Ponge-Lebloque-Corrèze, au choix ou tout ensemble, a été suppléant de la jeune femme précitée sur la liste de Brive. L’homme est apparu dans la presse en 2014, dans Var Matin, quand des colistiers se sont désolidarisés de la liste FN qu’il menait, avant les municipales à Bandol. Elle ne passa pas le premier tour, en dépit de ses responsabilités dans la sécurité auprès du département.

      À la faveur de l’éviction de Jean-Marie Le Pen du FN en 2015 par sa fille, Ponge dit faire partie des déçus de la nouvelle ligne pour tenter sa chance ensuite chez les zemmouristes, plus francs du collier.

      Pour parfaire le tableau, Philippe Bombardier, l’homme des concours hippiques de Pompadour connu de Francis Comby et Alain Tisseuil, est lui connu à Limoges pour ses sympathies monarchistes. Un détail qui a son importance. Comme le fait qu’au fil de ses diverses affectations dans l’administration, Bombardier avait eu l’occasion de croiser Philippe Ponge dans le Sud de la France.
      La peur, l’arme fatale

      La mécanique se met en place. C’est du grand classique : on bourre les systèmes de référencement et de calcul des plateformes et très vite il suffit de taper « Beyssenac » pour voir apparaître une communauté fictive vent debout contre le Cada. Bien sûr la peur est l’arme fatale pour dénoncer en vrac « Les migrants », les « clandestins », alerter sur le « Grand remplacement », le tout financé par « nos impôts », en fustigeant ceux qui ne s’opposent pas à l’arrivée (très strictement encadrée) des réfugiés en quête du statut de réfugié en les accueillant chez eux.

      Dans cette accélération des particules de la haine, personne ne songe que les Cada existent pour que cela ne soit pas possible : ces structures ont justement « pour mission d’assurer l’accueil, l’hébergement ainsi que l’accompagnement social, administratif et juridique des personnes dont la demande d’asile a été enregistrée au sens de l’article L.741-1 du CESEDA, pendant toute la durée de leur procédure ». Cela n’est aucunement rappelé.

      Au lieu de se questionner sur les subventions publiques fléchées vers les associations liées au cheval à Pompadour, ces « échos » de Beyssenac laissent entendre que les locaux auraient donc estimé que les « migrants » avaient déjà ruiné et mis à sac ce joli coin de Corrèze. On lit la crainte de voir les vaches « écorchées ». Sur la page de Francis Comby, les commentaires fusent, envisagent des « viols » ou des risques de « maltraitance aux enfants », en référence aux mineurs isolés. « Partout Callac » fait valoir sa prise de guerre. Saint-Brévin arrive.

      L’incendie sur la toile est instantané. Le maire de Beyssenac éprouve les pires difficultés à simplement expliciter en quoi il est incompétent sur le dossier qui relève de la préfecture. Et qu’il n’y a pas le début d’un débat à aviver, hormis celui sur le danger que constitue la diffusion de fausses informations. Il sait pertinemment en revanche que le vote RN est arrivé en tête dans son canton lors des législatives de 2022, et il préfère en tenir compte.

      Jointe par Blast fin février pour savoir quelle attitude adopter face à la panique et la paranoïa qui se répandent, l’association Viltaïs a répondu dans un mail : « Les services de l’État sont informés des agissements de certains partis politiques et ces derniers nous demandent de ne pas répondre pour l’instant. » Preuve aussi que Viltaïs est joignable sans problème, ce que réfute Francis Comby au même moment.
      La Reconquête des esprits

      Le 18 février, quelques jours plus tôt, une petite poignée de militants Reconquête ! déploie une longue banderole devant le château du marquisat de Pompadour - oui, le cadeau de Louis XV à sa maîtresse roturière -, à quelques kilomètres de là. Avec un message qui claque - « Zemmour président ! » - devant lequel ils se prennent en photo en connaissance de cause. Face à eux, il n’y a que deux gendarmes, le parking devant la vieille bâtisse qui abritait les bureaux des Haras nationaux étant désert. Les rares passants jettent un œil circonspect à la manif à cinq. Quelques militants de gauche et de la LDH se tiennent à distance.

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      En réalité, Philippe Ponge est à la manœuvre. Reconquête ! compte à peine 490 adhérents déclarés dans toute la Corrèze. Mais les cinq du 18 février s’expriment pourtant au nom de tous les Corréziens. Les responsables du parti ont le don d’ubiquité. Ils sont partout.

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      Pourtant, ce rapt de l’opinion ne sera pas davantage combattu par le maire de Beyssenac, qui trouvera « normal » l’inquiétude que les partisans d’Éric Zemmour sèment. Pire, l’élu la favorise en acceptant, parce que les sympathisants des idées d’extrême-droite existent à bas bruit et l’ont fait maire, une réunion publique au cours de laquelle va s’exprimer Valéry Elophe. Le Rassemblement national a pris ombrage de l’offensive des zemmouristes. Le 5 mars, le RN local manifeste devant la préfecture de Tulle. À Tulle, tout le monde s’en fiche royalement.

      Le 13 mars, le conseiller départemental intervient sur Boulevard Voltaire, au sujet de Beyssenac : « Je ne roule pas avec des gens de Reconquête qui font n’importe quoi en affichant des banderoles "Zemmour Président" et ne maîtrisent pas les dossiers. » A cheval sur ses dossiers, Elophe préfère s’attaquer à Viltaïs, qui « roule dans de luxueux SUV » - en réalité des voitures de service... comme l’Institut français du cheval et de l’équitation en possède quelques-unes. Ici comme à l’Assemblée, le RN roule lui avec le pied sur le frein, attend et fait diversion sur des questions accessoires.

      Quelques jours plus tard, le même Elophe interpelle le conseil départemental sur le financement de l’association sur la base d’un rapport. Ce rapport, signé par la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpe, réclamait simplement des précisions et émettait des recommandations à Viltaïs, comme cela est heureusement son rôle. Peu importe, Reconquête ! et le RN se disputent la même proie. Les frères-ennemis de la droite extrême aboient contre l’État qui finance « les immigrés ». Le vocabulaire est approximatif mais il résonne clairement dans nos campagnes.
      Des approximations concurrentielles

      La première réunion publique avec des membres du RN s’est tenue la veille d’un conseil municipal, le 22 février dernier. Dans cette ambiance alarmiste le véritable sujet n’est pas abordé – le fait que la municipalité doit se conformer aux lois de la République et au droit d’asile. Au cours de cette réunion, aucune allusion non plus au cas d’Uzerche, un peu plus à l’Est, où un autre Cada a donné des résultats très satisfaisants en termes d’intégration ou de projets de vie. Un couple de Syrien vient d’ailleurs d’ouvrir un kebab à Pompadour : de la petite restauration, peu chère, dans un climat amical. Sur place, tout s’est passé au mieux grâce à l’implication du maire PCF Jean-Paul Grador. La municipalité s’était portée volontaire pour accueillir un centre d’accueil. La population n’a émis aucun cri.

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      A Beyssenac, une folle machine s’est emballée. L’extrême-droite ayant produit une bouillie de communiqués sur un terrain favorable, le conseil municipal vote une motion contre l’installation du centre d’accueil. C’est encore hors sujet mais le maire suit. Cette motion pose une série de questions sur le service proposé par le Cada, auxquelles Francis Comby ne donne pas de réponse. Il n’a pas travaillé.

      L’édile, acculé, se défend maladroitement contre ses propres électeurs qui l’accusent d’avoir donné son accord pour l’ouverture du centre. « J’ai demandé plusieurs fois depuis trois semaines à Monsieur le Préfet de Corrèze de tenir une réunion d’information à Beyssenac, écrit-il dans une lettre. À ce jour, je n’ai toujours pas reçu une lettre, un mail, ou un mot officiel à la mairie. » Cette molle et peu convaincante tentative de prise de contact d’une part, et la discrétion du préfet, c’est vrai, de l’autre, fermentent un pain béni pour le RN et Reconquête !, qui mènent le bal de la communication entre autres omissions épistolaires. Piégé par ses propres manquements, Francis Comby n’aura cessé de se justifier, en dénonçant les manques de l’État, du préfet, de Viltaïs, sans jamais questionner la présence de l’extrême-droite dans et hors sa mairie, qui d’ordinaire est plutôt adepte du chuchotement privé.

      Il se regarde marcher

      Ce manque cruel de clarté n’est pas passé inaperçu aux yeux de tous. Une habitante de Beyssenac (dont le nom ne sera sciemment pas cité) se désole de l’absence de position claire de son maire, qui se fait balader par son conseil municipal lui-même sous l’emprise de fausses informations, et qui ignore les lois encadrant le droit d’asile. « Il est maire ? Mais c’est le conseil municipal qui l’a désigné. Son nom a souvent été barré sur la liste unique, il n’apparaissait pas en tête. Francis Comby, il se regarde marcher. Mais il est élu au département, a fait des études de pharmacie… »

      Dans ces campagnes, le notable est censé connaître l’administration, le droit, la Constitution, en tirer avantage. On s’en remet à lui et patatras !
      Le nationalisme d’opérette

      Les choses empirent. Viltaïs prudente, le préfet jouant la montre, l’Action française se met à son tour en scène devant la mairie de Beyssenac. Le 27 février, une quinzaine de jeunes activistes identitaires plus que monarchistes, cagoulés, casques de moto en main, hurlent des slogans xénophobes. Devant eux un cordon de police. Un gendarme explique qu’ils ont l’autorisation de la mairie pour manifester une heure.

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      Ces militants viennent de Limoges, à plus de 60 kilomètres de là. Derrière le cordon de policiers, peu d’habitants du village mais plutôt des communes limitrophes, une petite centaine de partisans de formations de gauche, humanitaires et un petit groupe d’anarchistes se positionnent. Ils sont beaucoup plus nombreux. Dans la petite foule, il y a même des étrangers, tiens : des Britanniques venus dire leur incompréhension devant le spectacle de ce nationalisme d’opérette qui, lui aussi, se manifeste par des phrases sans aucun sens.

      « Ils vont prendre notre boulot », entend-on alors que les demandeurs d’asile n’en ont pas le droit tant que l’OFPRA n’a pas statué sur leur cas, ou passé un délai de six mois – s’il ne l’a pas fait. Par ailleurs, la cueillette des pommes oblige chaque automne les agriculteurs locaux à faire venir par bus entiers une main d’œuvre étrangère. Mais, dans ce cas, cela est nécessaire. Car dans ces campagnes, autre non-dit, beaucoup de jeunes touchent des allocations et évitent les travaux pénibles. Parmi eux, le sentiment de jalousie perle. Le fait que le Cada soit installé dans un ancien Logis de France avec piscine et aire de jeux pour enfants a l’air d’agacer.

      Revoir ça à Beyssenac

      Francis Comby observe la scène de son jardin, pendant qu’une vieille dame, la larme à l’œil, glisse ce commentaire : « Et ce sont les mêmes qui déposent des gerbes devant les monuments aux morts ou à la Résistance… » Le premier magistrat, lui, se plaint de la division et du désordre crée par cette foutue Cada. Un axe qu’il reprendra devant les médias, dénonçant bien évidemment l’action de « l’ultra-gauche » après le face-à-face du samedi 25 février avec l’Action française. « Je ne veux plus revoir ça à Beyssenac ! En plus, je n’ai pas d’informations, ni de la préfecture, ni de l’association Viltaïs sur ce projet. »

      Le mantra de Francis Comby se heurte surtout au fait qu’il consent à ce que l’extrême-droite s’exprime librement devant chez lui ou l’auberge de La Mandrie. Ailleurs en France, d’autres élus ont eu le courage de contredire ces idées préconçues et même interdire à l’extrême-droite d’utiliser pour faire sa pub un symbole de la République. Francis Comby ne s’exprimera jamais sur le chaos et la sidération que seule la propagande a créés.

      Il en connaît pourtant les principaux agents. Certains de ses administrés témoignent clairement avoir peur de représailles à se déclarer sans opinion ou favorables au Cada. Et le maire se dit lui-même « menacé de mort. » Mais le 8 mars une autre réunion publique avec des membres du RN se tiendra à nouveau dans le village. Dans La Montagne, Francis Comby se défend encore à propos de ces deux réunions du Rassemblement national tenues dans la salle polyvalente de Beyssenac : « Elle est à la disposition de tous ceux qui en ont besoin. »

      En sillonnant par les champs, en rencontrant et discutant avec les habitants, les réactions sont très diverses. On n’est pas unanimement contre le Cada mais le sujet effraie. Pas sur le fond, personne n’en sait grand-chose, mais le climat importé par l’extrême-droite. La plupart des Beyssenacois voudrait simplement savoir comment cela fonctionne et qui sont ceux qui prétendent au droit d’asile. Des anciens sont touchés par le fait que La Mandrie fut jadis l’école du village.

      On va vous fusiller !

      Entre ceux qui se taisent, ceux que cela ne gêne pas et ceux qui connaissent les membres de « Sauvons Beyssenac ! », des jeunes ou des vieux fermiers sont désemparés. « Ils vont tuer les moutons. » Un jeune éleveur de chèvres, membre du collectif précité, justifie son courroux par une confidence de son agent immobilier : il lui a dit que sa ferme avait perdu 30% de son prix de vente. Comptait-il la vendre et abandonner le terrain, qu’il dit vouloir défendre ? Mystère. Face à l’insistance d’un petit groupe - des locaux venus de villages à proximité pour compenser l’inertie du maire, pour qu’il comprenne d’où viennent les gens qui arrivent au Cada et leur situation objective -, le jeune exploitant explose : « Chacun chez soi, et ce sera très bien. Partez ! Maintenant. Moi, s’il y avait la guerre chez moi, je me battrais, vous, vous partiriez ? On va vous fusiller ! »

      À Beyssenac, la conclusion du tour du village effectué par des militants de gauche ou des Droits de l’homme dément que la majorité des habitants s’oppose au Cada. Ils ont formé un collectif pour démontrer que, non, comme l’affirment les banderoles tendues par un pomiculteur devant La Mandrie, la majorité des habitants ne sont pas contre l’ouverture. Mais Facebook et les autres réseaux l’ont fait croire. Et ceux qui l’ont cru ont désormais peur.

      Le 16 mars dernier, la visite tardive du préfet de Corrèze a confirmé un racisme latent chez certains - « les Ukrainiens, ce n’est pas pareil », a-t-on entendu dans la salle de réunion - mais aussi le soutien de locaux dénonçant cette distinction.

      La stratégie de Viltaïs (avancer à pas feutré, prudence légitime) et l’incapacité du maire de Beyssenac à dépasser son propre ego ont facilité le travail de l’extrême-droite. Francis Comby persistera en instituant sous la pression de son conseil municipal un droit de préemption urbain sur le lieu-dit « Les Garennes », à l’endroit où se trouve le centre d’accueil pour demandeurs d’asiles. Sans aucune chance d’aboutir : un mois plus tard, le 25 avril, le tribunal administratif saisi par la préfecture a annulé son arrêté, contraire au droit.

      En réalité, ces errements d’élus locaux correspondent à la posture actuelle de la frange droitière des Républicains et d’une formation sans repères. À vouloir composer avec l’extrême-droite, en flirtant avec ses idées pour conserver des sièges, le risque est grand d’être débordé. Surtout quand on n’a soi-même pas d’idées.

      De quoi a-t-on peur au juste à Beyssenac ? Aujourd’hui, de son voisin. L’extrême-droite est parvenue à instiller la méfiance et la défiance des habitants les uns contre les autres, sur leurs pensées, leurs opinions, leurs libertés. Localement, la mécanique propagandiste de la droite dure a révélé que les élus et les principaux acteurs de cette agitation agressive ne sont pas étrangers les uns aux autres. Liés par les intérêts d’une politique locale souvent opaque, ils se sont habitués à composer ensemble pour exister. En creux, cette sinistre histoire a mis à jour les liens créés par la micro-économie du cheval, seul produit d’appel pour faire connaître ce recoin de France et à travers lequel ceux-là fabriquent leur réputation.

      Beyssenac est désormais identifié comme un de ces villages d’une France rurale où l’extrême-droite peut semer le désordre quand elle le désire, faisant passer des exilés pour une menace pour la survie des rites tribaux du « Pays vert ».

      Le 11 mars dernier, les sept premiers demandeurs d’asile accueillis à l’auberge de La Mandrie se sont installés sous protection de la gendarmerie. Six femmes et un bébé. L’une d’elles s’appelle Doris, elle a confié à La Montagne demander la protection de la France. Parce que « c’est un pays de lois. »

      https://www.blast-info.fr/articles/2023/demandeurs-dasile-a-beyssenac-la-mecanique-du-mensonge-au-service-de-lext

  • [CLIP Radio] CLIP Radio invite GATE (la première salle de consommation de Bruxelles)
    https://www.radiopanik.org/emissions/clip-radio/clip-radio-invite-gate-la-premiere-salle-de-consommation-de-bruxelles

    La Ville de Bruxelles, comme toutes les grandes cités européennes, connaît des scènes ouvertes de consommation de drogues. Cette situation constitue une préoccupation majeure en termes sanitaires et de nuisances publiques. Pour y faire face, la Ville s’engage dans une politique volontariste en se dotant d’une salle de consommation à moindre risque (SCMR).

    Ce type de dispositif socio-sanitaire offre un environnement sécurisé, encadré par une équipe spécialisée, permettant une consommation supervisée. Il ne constitue pas une facilitation de l’usage de drogues, mais une réponse pragmatique à des consommations qui, si elles ne sont pas encadrées, auront inexorablement lieu en rue, dans des stations de métro ou dans des parcs, participant ainsi au sentiment d’insécurité contre lequel nous luttons.

    Le nom (...)

    https://www.radiopanik.org/media/sounds/clip-radio/clip-radio-invite-gate-la-premiere-salle-de-consommation-de-bruxelles_15