• « Réformer la Constitution sous un prétexte sécuritaire est consternant » - L’Express
    http://www.lexpress.fr/actualite/societe/reformer-la-constitution-sous-un-pretexte-securitaire-est-consternant_17372

    Tout ce qui ne relève pas de l’urgence qu’il y a à traquer les terroristes prêts à opérer me choque. Que veut dire « dissoudre des associations qui facilitent ou incitent à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public ». Cela ne risque-t-il pas permettre de restreindre le droit de manifestation ? L’on apprend aussi qu’un groupe de parlementaires socialistes veut réintroduire le contrôle des médias. Pourquoi pas rétablir aussi la censure générale comme sous les monarchies d’Ancien Régime ? Pouvait-on imaginer qu’un gouvernement de gauche proposerait ce dont le FN n’avait même pas rêvé, comme la déchéance de nationalité ? Une annonce par ailleurs plus symbolique qu’opérationnelle. S’est-on demandé combien de personnes seraient concernées par le retrait de nationalité de citoyens binationaux « nés Français », en cas de terrorisme : on les compterait sur les doigts d’une main. C’est de la com’.

  • La guerre moderne est un orde social - Bernard Charbonneau, L’Etat (publié en 1949 et extrêmement visionnaire)

    Les guerres du passé étaient limitées : dans le temps, dans l’espace, bornées par des principes religieux. Tandis que la #guerre_moderne est totale. Sur toute l’étendue du monde elle nous atteint tous, mais il n’est pas de lieu sur Terre où elle ne puisse aller saisir chacun. Elle est partout, et tout s’organise en fonction d’elle ; aussi est-il illusoire de la considérer comme un moyen. Totale, la guerre ne cesse de le devenir d’un conflit à l’autre, qu’il s’agisse de la mainmise sur les hommes et sur les choses, ou du mépris du droit des gens. Il suffit par exemple de comparer l’Allemagne de 1914 avec celle de 1917, celle de 1917 avec celle de 1939 et celle de 1939 avec celle de 1943. Ainsi des autres nations.

    La guerre moderne englobe le monde. Sur une planète que les #transports rapides n’ont cessé de rétrécir, il n’y a plus des guerres mais une guerre : l’équilibre ne peut être rompu en un point sans que l’ensemble soit menacé. Cette interdépendance est de plus en plus stricte ; la guerre de #1914 fut une guerre européenne à répercussions mondiales, celle de 1939 une guerre mondiale d’origine européenne. L’invasion de l’URSS, état asiatique autant qu’occidental, entrainait à plus ou moins brève échéance l’explosion du conflit du Pacifique. A la différence du premier conflit mondial, l’Amérique et le Japon furent engagés dans la guerre pour des intérêts vraiment vitaux ; de la Ruhr à l’Oural, de l’Oural au Pacifique et du Pacifique à l’Atlantique la guerre fermait son cercle de fer sur la Terre. Elle n’oppose plus des pays comme en 1914, mais des continents. [...]

    La guerre est de plus en plus présente. Les risques de ruine et de mort qui n’intéressaient qu’un petit nombre d’hommes concernent maintenant toute l’humanité. Aujourd’hui, pour le civil comme pour le militaire, la guerre signifie : beaucoup de chances d’être tué et toutes les chances d’être pris. Elle ne peut plus être l’affaire du Prince ; pénétrant la vie pour la bouleverser jusqu’en ses tréfonds, elle relève du plus secret, et du plus sacré, de notre jugement intérieur.

    Car la guerre moderne n’est pas seulement la guerre, elle est aussi un #ordre_social. La nécessité d’utiliser des masses considérables pour réaliser d’urgence le maximum de puissance crée dans l’armée moderne une société d’un type nouveau, société massive et organisée qui n’obéit qu’à des fins pratiques. Que le système militaire s’étende à la vie civile, et la société totalitaire est née : or, le propre de la guerre moderne est de s’étendre à tout. L’obligation et la volonté d’être efficace y imposent une mobilisation grandissante des hommes et des biens. Cette tâche, chaque jour plus considérable et complexe, absorbe les esprits dans l’immédiat, au moment où la décandence des religions déchaîne une soif d’action pratique que la guerre peut seule apaiser. Ainsi la guerre va jusqu’au bout de l’espace et du temps, jusqu’au bout de la société, jusqu’au bout de la morale. Sous la pression, et dans le culte de la nécessité, elle centralise tous les pouvoirs entre les mains d’une seule direction politique ; afin d’obtenir un rendement maximum elle substitue au libre jeu de la société le plan et l’organisation méthodique de toues les fonctions. Cette orgnisation totale arme une volonté de domination universelle qui ne connait d’autre impératif qu’elle-même. Telle est la définition de la guerre moderne, exactement celle de l’#état_totalitaire : il n’est pas né d’une idée, mais des fatalités de l’action abandonnée à elle-même.

    • CIRPES - Centre Interdisciplinaire de Recherches sur la Paix et d’Etudes Stratégiques - Alain Joxe BARBARISATION DE LA PAIX (2004-2008)
      http://cirpes.net/article386.html

      La destruction du cadre des buts de guerre « nationaux » ou « westphaliens » n’a pas fait disparaître les guerres, elle a pour corollaire la prolifération des guerres policières de répression permanente qui, sans contrôle et sans riposte adaptée des forces populaires, pourraient devenir partout la forme d’une stratégie fasciste acentrée et globalisée, entraînant l’oikoumène vers un état d’exception (Carl Schmittien, mais permanent).

      Une sorte de Barbarie universelle, l’inverse d’une république universelle Kantienne, deviendrait la légitimation de toutes les prédations, pillages et destructions d’environnement, capables d’augmenter la richesse des riches et la pauvreté des pauvres jusqu’à explosion. Une bonne description de ce paradigme contribuera, on l’espère, à restaurer dans les débats un rapport de forces qui l’emportera sur l’héritage stratégique des néo-conservateurs américains, devenue doctrine globale du néolibéralisme.

    • La défaite aide les démocraties à se plonger dans la guerre totale. L’urgence du péril leur impose la dictature, élimine ce qui pouvait subsister en elles de scrupules. Les démocrates se tranquilisent en pensant qu’il s’agit là de mesures provisoires ; à chaque guerre renaît l’illusion de pouvoir revenir en arrière avec la paix. Portée d’ailleurs par sa culture à nier le caractère décisif du fait, l’opinion libérale ne se rend pas compte que l’évolution entraînée par la guerre est pour une large part irréversible ; que l’état de guerre ne cultive pas en vain l’habitude du pouvoir chez les dirigeants, et celle de l’obéissance dans les masses.
      [...] La guerre totale donne au monde actuel l’impulsion énergique qui lui permet de trouver pour la mort les ressources qu’il est incapable de trouver pour la vie.