• For Democratic Governance of Universities: The Case for Administrative Abolition

    In this essay, we argue for administrative abolition, that is, the elimination of all college presidents, provosts, deans and other top level administrators who we argue form a parasitical group that was developed over time in order to exercise both political and financial control over faculty, staff and students. We examine the way that the idea of “shared governance” disguises the de facto dictatorship of administration over faculty self-governance, explore the history of how this power grab took place and furthermore explore alternative forms of faculty self-management in both US history and abroad (especially in Latin America).

    https://muse.jhu.edu/article/917791

    #université #ESR #abolitionnisme #abolitionnisme_administratif #gouvernance #gouvernance_démocrtique #gouvernance_partagée #dictature_de_l'administration #auto-gouvernance #alternative #administration

  • La lutte féministe et le piège du punitivisme
    https://www.revolutionpermanente.fr/La-lutte-feministe-et-le-piege-du-punitivisme

    De #MeToo au mouvement Ni Una Menos en Argentine ou en Italie, en passant par le plus récent #SeAcabó des footballeuses espagnoles, l’accent a été mis sur la violence de genre et sur la manière d’y faire face, en dénonçant les féminicides et les multiples agressions et abus sexuels qui se produisent sur les lieux de travail et dans d’autres sphères sociales. Le mouvement des femmes a contesté la naturalisation de ces agressions et abus, ce qui a constitué un grand pas en avant. Cependant, lorsqu’il a fallu articuler des stratégies de lutte, des objectifs et des programmes politiques, de profondes divergences sont apparues au sein du féminisme. Si dans les premières années de cette nouvelle vague féministe, les courants du féminisme radical, défendant des conceptions séparatistes et parfois essentialistes, étaient assez hégémoniques, récemment des voix se sont faites entendre à gauche pour remettre en cause ce que l’on peut appeler une dérive punitiviste du féminisme. Dans cet article, nous proposons un aperçu de certaines de ces critiques, pour ensuite approfondir le point de vue et le programme d’un féminisme socialiste à ce sujet.

    #féminisme #punitivisme #anticarcéral #abolitionnisme #justice

  • #Vanessa_Thompson. Abolish! For a world without borders and state violence

    Who is safe in Europe? Not everyone living in nationally organised societies is equally protected by the police and the state. Sociologist Vanessa E. Thompson examines political struggles that oppose police violence and border regimes. She designs a society that also makes protection and security tangible for vulnerable people, for example refugees and those affected by racism.


    Thompson researches critical racism studies, anti-colonial movements and theories of justice and teaches Black Studies and Social Justice at Queen’s University in Kingston, Canada. (fa)

    https://www.theaterspektakel.ch/en/program23/production/abolish-for-a-world-without-borders-and-state-violence
    #abolitionnisme #frontières #violence #Etat #police #régime_frontalier #protection #sécurité #racisme

    ping @karine4 @cede

  • Dix-sept élus ultramarins réclament des excuses à Gérald Darmanin pour des propos jugés « méprisants »
    https://la1ere.francetvinfo.fr/dix-sept-elus-ultramarins-reclament-des-excuses-a-gerald-darmani
    https://la1ere.francetvinfo.fr/image/v-IKI71C4ROPlWif2paLTAe0aGE/930x620/outremer/2022/12/31/63afe85b56c84_whatsapp-image-2022-12-31-at-10-43-26.jpeg

    Dix-sept élus ultramarins réclament des excuses à Gérald Darmanin pour des propos jugés "méprisants

    Jeanne Péru-Gelly • Publié le 3 février 2023

    Le ministre a tenu des propos polémiques hier lors d’un colloque consacré aux Outre-mer. Il a notamment affirmé que c’était « la République » qui avait aboli l’esclavage, omettant le rôle des esclaves eux-mêmes dans leur émancipation.

    « C’est la République française qui a aboli l’esclavage. La France a sans doute mis dans des conditions extraordinairement difficiles les populations colonisées, mais c’est la République qui a aboli l’esclavage. Donc on leur demande d’aimer la République, pas toute l’histoire de France bien évidemment. » Ces propos, tenus par le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, lors d’un colloque consacré aux territoires ultramarins par Le Point, sont jugés méprisants par une vingtaine de députés ultramarins, qui les dénoncent dans un communiqué commun.

    « C’est cette même République qui maintient nos territoires d’Outre-mer dans un état de sous-développement chronique », pointent les signataires, qui s’émeuvent aussi d’une forme de « révisionnisme historique » niant le rôle qu’ont tenu les esclaves dans leur émancipation. « Il amoindrit la réalité de l’esclave et il ment par omission. Il oublie que nos ancêtres ont arraché leur liberté, il oublie toutes les révoltes d’esclaves. Il pense que ça s’est fait dans le calme et la quiétude mais non, ça n’est pas le cas ! », rappelle la députée de La Réunion Karine Lebon, l’une des signataires.

    Le ministre des Outre-mer a également évoqué la question de l’autonomie. « Il y a aux Antilles, en Guyane, un sentiment identitaire, de réaction, qui mérite d’être entendu, mais qui, à mon avis, ne mérite pas d’être entendu comme la Nouvelle-Calédonie a mérité d’être entendue, parce que ce n’est pas la même histoire », a-t-il déclaré.

    Si les signataires reconnaissent que l’histoire coloniale est « plurielle dans sa réalisation », elle est « une dans ses causes et dans ses conséquences actuelles ». Ils regrettent que « les Outre-mer demeurent le pur produit de l’expansionnisme » et « restent envisagés comme des relais de puissance et d’influence ». (...)

    Suite à lire en ligne

    #révisionnisme #esclavage #abolition #outre-mer #France

    • Un article du Monde qui adopte la même trame que celui du "Portail des outre-mer" mais se conclus par une analyse de l’historienne Myriam Cottias.

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/02/03/darmanin-accuse-de-revisionnisme-historique-apres-des-propos-sur-l-esclavage

      (...) Les déclarations de son successeur ne surprennent pas l’historienne Myriam Cottias, directrice du Centre international de recherches sur les esclavages et post-esclavages. « La classe politique à droite, mais aussi à gauche, ne connaît absolument pas l’histoire de l’esclavage. Elle mobilise un savoir empreint de l’héritage colonialiste, explique la chercheuse du CNRS. Le problème est que le discours relève toujours du “On leur a donné”. Il faudrait commencer par dire que, s’il y a eu des républicains farouches, ce sont bien les Antillais, français depuis 1848, qui ont fait preuve d’une adhésion extrême à la République et se sont battus pour elle, car elle signifiait l’égalité entre les citoyens. »
      Lire aussi l’enquête : Article réservé à nos abonnés En France, le long combat pour la mémoire de l’esclavage

      La distance, ajoute Myriam Cottias, ne s’est créée que dans la période récente, marquée par l’affirmation d’un sentiment identitaire, en raison de plusieurs facteurs convergents : les débats autour de la loi Taubira de 2001, faisant de la traite négrière un crime contre l’humanité, qui ont révélé « les impensés » coloniaux de la classe politique et le racisme de la société, les inégalités persistantes et injustifiables des allocations de l’Etat dans les territoires ultramarins, et le scandale du chlordécone (...)

  • 4 février 1794 : #abolition de l’esclavage. Une conquête de haute lutte | #archiveLO (2 septembre 1989)

    1789, la Révolution française - « Les esclaves sont-ils des hommes ? »

    4 février 1794 : la #révolte_des_esclaves noirs de #Saint-Domingue obligeait la #Convention à abolir l’esclavage
    #archiveLO (11 février 1994)

    #révolution_française #esclavage #éphéméride #4_février

  • Aujourd’hui, être Européen-ne, c’est aussi être abolitionniste

    Alors qu’au XXe siècle quatre pays d’Europe n’ont procédé à aucune exécution : Saint-Marin, le Liechtenstein, la Principauté de Monaco et le Portugal ;

    Alors que depuis 1989, l’abolition de la peine de mort est une condition préalable à l’adhésion au Conseil de l’Europe ;

    En 1997, l’abolition de la peine de mort en tant que condition d’adhésion à l’Union européenne est mentionnée pour la première fois. Le 4 décembre, le Parlement européen adopte une résolution dans laquelle il affirme :
    « Seul un pays ayant aboli la peine de mort peut devenir membre de l’Union européenne. »

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/11/24/aujourdhui-etre-europeen-ne-cest-aussi-etre-ab

    #europe #abolitionisme

  • Tom Nairn - “The House of Windsor”
    https://newleftreview.org/issues/i127/articles/tom-nairn-the-house-of-windsor

    The British people are not daft because they still adore a Crowned Head; but they are the victims of a political culture which is in certain definable aspects retarded and limited. These peculiar limitations descend from the experience of empire, and are rooted in the nature of the existing state. It is useless to criticize monarchy in isolation from these things.

    #antiroyalism #abolition #socialism

    • In reality it was military and colonial success that transfigured the stodgy British monarchy into the Disneyish charade of modern times. The British state’s victory over the more radical bourgeois revolution in France had been the key.

    • The Windsors are not really bicycling kings and queens, egalitarian monarchs. They are the essential tools of a social conservatism which has successfully disabled both egalitarianism and political democracy.

  • « De chacun selon ses moyens » ?

    Une critique de la sécurité sociale

    Pour critiquer ou défendre l’argent, il faut le comprendre, mais comprendre l’argent c’est toujours choisir un angle particulier pour la défense d’une thèse. Si l’argent n’est qu’un moyen d’échange, alors pourquoi s’en passer ? Si l’argent peut être réapproprié sous forme de nouvelles monnaies éthiques ou sociales, alors pourquoi le critiquer en tant que tel ? Si l’argent actuel n’est que l’effet du rapport d’exploitation capitaliste, pourquoi vouloir l’abolir ? Si l’argent est si plastique et malléable, alors pourquoi souhaiter sa disparition ? 

    Il est un fait que vouloir abolir l’argent n’est pas vu comme très sérieux. Pourtant, les volontés d’abolition et les alternatives qui maintiennent des formes de monnaies rencontrent pour l’essentiel des objectifs similaires. Il s’agit dans tous les cas de contrer la domination de la valeur capitaliste sur les sociétés contemporaines. Celle-ci consiste à sélectionner les activités humaines selon un critère qui domine tous les autres : gagner de l’argent. Pour y parvenir, peu importe les moyens. Mais ceux-ci sont de deux types, qui peuvent être combinés : les gains de productivité et l’exploitation des ressources, humains compris.

    Là où nos positions divergent, entre abolitionnistes de la monnaie et défenseurs d’institutions alternatives avec monnaies, c’est où placer le levier du changement. Pour certaines personnes comme celles du réseau Salariat, il existe à l’intérieur de l’économie capitaliste des institutions non-capitalistes, comme la sécurité sociale de santé. Mais selon d’autres courants, comme celui de la critique de la valeur, ces institutions ne seraient que des enclaves inoffensives à l’intérieur de l’empire de la valeur capitaliste qui l’engloutiront bientôt.

    Dans les deux cas, on peut convenir qu’il est tout de même possible d’organiser un usage alternatif de l’argent -quand bien même il serait fragile ou temporaire- de telle sorte que de puissants mécanismes de solidarité soient possibles. Ainsi, les cotisations sociales en France, prélevées sur des échanges économiques, alimentent depuis l’après-guerre des caisses dont le fonctionnement ne relève pas de l’échange monétaire, puisque ses bénéficiaires peuvent les solliciter en fonction de leurs besoins et en partie gratuitement. Pour le réseau Salariat, lutter contre le capitalisme, ce serait augmenter les cotisations pour étendre ces mécanismes de solidarité à d’autres domaines que la santé, par exemple à l’alimentation et à la production agricole, au travers de la proposition d’une sécurité sociale alimentaire. 

    Il est difficile d’être contre une proposition qui semble être le prolongement heureux d’une réalité sociale déjà là. Le problème est que cette réalité est au moins ambivalente, sinon totalement insatisfaisante. 

    Ambivalente parce qu’elle est entièrement construite sur la contrainte monétaire du rapport salarial : c’est donc en échangeant sa force de travail contre l’argent nécessaire pour (sur)vivre, que l’on construit un pot commun de ressources. Autrement dit, on a construit du commun comme un effet de bord du chantage à la subsistance qu’est le fait de vendre son temps pour simplement reproduire son existence au quotidien. Ce qui est très différent de construire du commun avec du commun. Certes, je peux être satisfait de payer mes cotisations, quand je destine mentalement une partie de mes efforts à ce pot commun et précisément pour cette raison. Cependant, dans la plupart des cas, le travail est d’abord vécu directement, dans le contenu concret des tâches et du cadre où elles s’insèrent, du besoin de gagner de l’argent pour payer les factures, et non par le truchement d’un imaginaire solidariste. 

    Si on peut balayer d’un revers de main la critique patronale des "charges sociales" qui fait baisser la rentabilité de la boîte, il est moins facile de contrer un sentiment plus diffus de ressentiment, lequel peut s’exprimer à l’égard de supposés profiteurs, qui traduit moins la réalité d’abus avérés qu’une insatisfaction de ce que l’on vit soi-même. Payer sa cotisation n’est pas vécu et pensé comme un don, qui produirait une forme de reconnaissance sociale, mais comme un échange monétaire mobilisant un travail contraint, pour lequel on est tous sensés être quittes les uns envers les autres, ce qui est le propre de tout échange. 

    On touche là la limite de communs construits avec des outils qui ne sont pas faits pour construire des communs. Ce sont en réalité des "presque communs" qui, parce que construits sur des échanges marchands inéquitables et contraints, sont toujours susceptibles d’être contestés comme tout aussi inéquitables et contraints. 

    Un véritable commun posséderait des fondements institutionnels cohérents avec sa nature, où des besoins communs sont répondus en commun, par des contributions volontaires propres aux moyens de chacun, selon la première partie de l’adage "de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins".

    Les cotisations sociales ne respectent ce principe qu’en apparence, sous la forme de l’abstraction monétaire de taux de cotisations qui peuvent en effet varier selon le niveau de salaire. Mais qu’est-ce que cela change concrètement quand de toute manière chacun travaille trente cinq heures par semaines quel que soit le salaire obtenu ? Dire que le taux d’effort d’un salarié mieux payé est supérieur à un autre salarié moins payé, parce que sa contribution monétaire en cotisations sociales est plus élevée, c’est confondre la dimension vivante de l’activité avec sa représentation monétaire, qui conduit à attribuer plus de mérite et de valeur aux activités qui rapportent plus d’argent. Si cela est bien cohérent avec la convention de valeur capitaliste, cela ne l’est pas avec la prétention du réseau salariat à faire du mécanisme de cotisations sociales une institution anticapitaliste.

    Cette réalité déjà-là des cotisations sociales est aussi totalement insatisfaisante du fait de la dégradation continuelle de la santé physique et mentale des gens depuis plusieurs dizaines d’années, que la sécurité sociale n’a pas pu prévenir. Le cocktail de pollutions et de nuisances psychiques qui font l’ordinaire de nos vies est justement produit par des activités économiques, dont le fondement est de dégager de l’argent avant tout autre critère, et ce sont ces activités qui génèrent les cotisations sociales alimentant la sécurité sociale de la santé. Bien-sûr il n’y pas de lien de cause à effet, entre ceci et cela. Il reste que c’est bien là la manifestation que la valeur capitaliste domine l’ensemble de la société, et que la petite mécanique des cotisations sociales est toujours restée une simple enclave inoffensive. La sécurité sociale dépend de la poursuite d’activités économiques que tout le monde sait néfastes - mais pas l’inverse. Aussi, la médecine elle-même semble au prise avec un paradigme mécaniste qui en limite sérieusement la portée en tant qu’activité de soin, tandis que de vastes firmes engrangent l’argent des cotisations sociales pour vendre des médicaments dont l’efficacité est au minimum discutable.

    #sécuritésociale #abolitiondelargentetdutravail #désargence #critiquedelavaleur

  • Decolonize this Place (DTP)- New York
    https://decolonizethisplace.org/faxxx-1

    Decolonize This Place is an action-oriented movement and decolonial formation in New York City and beyond.

    Decolonize this Place (DTP) is an action-oriented movement and decolonial formation in New York City. Facilitated by MTL+, DTP consists of over 30 collaborators, consisting of grassroots groups and art collectives that seek to resist, unsettle, and reclaim the city. The organizing and action bring together many strands of analysis and traditions of resistance: Indigenous insurgence, Black liberation, free Palestine, free Puerto Rico, the struggles of workers and debtors, de-gentrification, migrant justice, dismantling patriarchy, and more. In some cases, we have used cultural institutions as platforms and amplifiers for movement demands, but we do not understand the transformation of these institutions as an end in and of itself. We aim to cultivate a politics of autonomy, solidarity, and mutual aid within a long-term, multi-generational horizon of decolonial, anti-capitalist, and feminist liberation that is animated by Grace Lee Boggs’ question: “What time is it on the clock of the world?” For us, decolonization necessitates abolition. But what does abolition demand? Not only does it demand the abolition of prisons and police, bosses and borders, but as Fred Moten and Stefano Harney write, it’s “the abolition of a society that could have prisons, that could have slavery, that could have the wage, and therefore not abolition as the elimination of anything but abolition as the founding of a new society.”

    #abolition #New_York #decolonisation #Décoloniser #musée #contestedmonuments #monument

  • Tableau l’Abolition de l’An II de Hervé di Rosa contesté.
    Tribune 2 de Mame-Fatou Niang et Julien Suaudeau — 21 mai 2020 in Slate.fr

    http://www.slate.fr/story/190641/tableau-herve-di-rosa-commemorer-abolition-esclavage-assemblee-nationale

    Ce tableau d’Hervé di Rosa est-il la meilleure œuvre pour commémorer la première abolition de l’esclavage ?

    Il y a un peu plus d’un an, le 4 avril 2019, nous avons publié une tribune intitulée « Banalisation du racisme à l’Assemblée nationale : ouvrons les yeux », dans laquelle nous expliquions pourquoi le tableau d’Hervé di Rosa commémorant l’abolition de l’An II n’a pas, selon nous, sa place sur les murs du Palais Bourbon.

    Cette tribune avait été accompagnée par une pétition publiée le même jour, adressée au Président de l’Assemblée nationale et aux député·es ; le 12 avril, un deuxième texte l’avait suivie, qui répondait point par point aux accusations portées contre nous.

    La toile est toujours là, le débat de fond n’a pas eu lieu et certains ont pu croire que nous ne souhaitions pas l’ouvrir. Bien au contraire. Alors que c’est aujourd’hui l’anniversaire de la loi Taubira du 21 mai 2001, tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité, alors que la Martinique célèbre demain son abolition et que la Guadeloupe fera de même le 27 mai, alors que le 10 mai a débuté un mois de commémoration et de réflexion sur le respect de la dignité humaine, la nécessité historique de ce débat est plus actuelle que jamais. Nous nous proposons ici de l’engager sur le mode du questionnement, après un bref rappel de notre point de vue.

    À LIRE AUSSI Je me souviens d’Auschwitz et de Gorée
    Une vision stéréotypée et déshumanisante

    À nos yeux, le tableau en question ne peut être l’œuvre qui commémore, au cœur du pouvoir législatif, la loi de la Ière République ayant aboli l’esclavage avant que celui-ci ne soit rétabli sous l’Empire.

    Inscrite dans une imagerie où se sédimentent, pêle-mêle, ces rires Banania que Léopold Sédar Senghor voulait déchirer sur tous les murs de France, Tintin au Congo ou encore les barbouillages de Michel Leeb, cette représentation donne du corps noir une vision stéréotypée et déshumanisante. Elle insulte à la fois la mémoire des millions de victimes du commerce triangulaire, de l’esclavage et les citoyen·nes français.es qui sont leurs descendant·es.

    Selon Hervé di Rosa, l’auteur du tableau, nous aurions fait fausse route en attentant à sa liberté de créateur, à « son geste artistique et poétique ». Parce que tous ses personnages ont « de grosses lèvres rouges », quelles que soient leur couleur, leur sexe ou leurs caractéristiques physiques, nous lui aurions instruit un mauvais procès.

    Non seulement cette posture feint d’ignorer les codes iconographiques du colonialisme et du racisme français et belges, mais un rapide survol de la diromythologie, cette esthétique pop forgée au carrefour du graffiti, de la BD et de la science-fiction, suffit pour comprendre que l’artiste a su donner forme à des physionomies bien plus diverses qu’il ne le dit.

    L’imagerie à laquelle la toile renvoie aurait dû l’écarter a priori de toute fonction commémorative –à plus forte raison dans un bâtiment aussi symbolique que le Palais Bourbon.

    Depuis le début de l’affaire, nous considérons hors-sujet ses intentions et ses convictions politiques, et nous nous sommes toujours gardés de porter un jugement esthétique sur un tableau qui n’aurait pas retenu notre attention s’il avait été exposé dans un musée ou une galerie privée.

    Le problème est pour nous le suivant : l’imagerie à laquelle la toile renvoie aurait dû l’écarter a priori de toute fonction commémorative –à plus forte raison dans un bâtiment aussi symbolique que le Palais Bourbon.

    La toile d’Hervé di Rosa y a été accrochée en 1991, dans le cadre d’une série qui célèbre les grands moments de l’histoire législative française. D’autres panneaux de la même série, par exemple celui consacré à l’adoption du suffrage universel en 1848, présentent des visages aux traits similaires ? C’est exact. Mais parce que ces visages ont la peau rose, ils ne sauraient convoquer le même champ symbolique.

    Dans un documentaire diffusé récemment sur Arte, Hervé di Rosa affirme que sa création ne relève pas du réel et se caractérise par une sorte d’étanchéité historique : « L’Histoire c’est l’Histoire, une image c’est une image, c’est un songe, c’est une esthétique, ce n’est pas la réalité. » Nous soutenons qu’aucune œuvre d’art n’existe ex nihilo, dans un vide anhistorique.

    Imagine-t-on un mémorial du 13-Novembre sur lequel les victimes, revues et corrigées en personnages de BD, souriraient d’un air béat entre les balles des terroristes ? Peut-on envisager, au mémorial de la Shoah, une œuvre de commémoration qui mettrait en scène des figures évoquant les stéréotypes de l’exposition « Le Juif et la France » ?

    Si une telle chose est impensable, c’est parce que la mémoire de l’Holocauste a été écrite consciencieusement, avec le plus grand sérieux. Nous ne parlons pas ici de sensibilité, au sens où la perpétuation des codes de l’imagerie colonialiste serait blessante, choquante, indélicate. Elle l’est pour beaucoup, mais ce n’est pas le problème principal. Il s’agit de conscience historique et esthétique : choisir une vision fantaisiste de la blessure mortelle que fut le commerce triangulaire, c’est valider une forme de négationnisme par l’image.

    À LIRE AUSSI Les idées des Lumières ont façonné les questions de race et de suprématie blanche
    Honorer la mémoire et donner à voir l’Histoire sans compromettre l’Art

    L’art a le droit et le devoir de choquer, à condition de choquer avec rigueur –surtout si l’œuvre en question a une vocation commémorative. Que viendraient donc faire la satire et l’ironie, souvent invoquées comme des marques déposées de l’esprit français, dans l’hommage et le recueillement ?

    Rien, nous en sommes convaincu·es. Ce n’est que notre opinion et nous avons peut-être tort. Mais, si tel est le cas, il appartient aux député·es de le démontrer en répondant aux questions qui ont été évitées jusqu’à maintenant.

    Vingt-neuf ans après son inauguration, les représentant·es de la nation, en passant devant le tableau sur le chemin de l’hémicycle, sont-ils intimement convaincu·es qu’il ne saurait y avoir d’œuvre plus pertinente pour commémorer le « plus jamais » que nous dictent la traite et l’esclavage ?

    Les millions d’Africain·es qui ont trouvé la mort dans l’Atlantique ou aux colonies peuvent-ils se résumer à deux figures plates, jumelles et unidimensionnelles, sans aucune pluralité ni complexité, dans un des plus haut-lieux de pouvoir de l’ancienne puissance coloniale ?

    La main du colonisateur peut-elle rester invisible, comme si l’esclavage avait été institué puis aboli (puis ré-institué avant d’être aboli pour de bon en 1848) par une sorte d’enchantement dont il ne serait pas nécessaire de rappeler les modalités ?

    Quels éléments esthétiques distinguent cette toile de la vision stéréotypée des Noir·es dans la très longue et très fertile iconographie du racisme made in France ?

    Est-il absolument impossible d’inventer, sans compromettre l’Art, une plus juste façon d’honorer la Mémoire et de donner à voir l’Histoire ?

    Le débat que nous souhaitons ouvrir n’a rien à voir avec l’interdiction d’une pièce de théâtre ou la problématique de l’appropriation culturelle.

    Les questions sont posées et le débat est ouvert. Des député·es, nous attendons des réponses claires, sans les contre feux ni les manœuvres de diversion du type de celles que nous avons connues jusqu’à présent : accusations de censure, d’infiltration du politiquement correct américain, de militantisme ou de communautarisme.

    N’en déplaise à celles et ceux qui ne sont pas d’accord avec nous, nous sommes des universalistes dans le plein sens du terme : la République est grande pour nous lorsqu’elle fait une place à tous les Français·es, non quand elle se limite à une clause d’ancienneté visant à maintenir les privilèges des premiers arrivé·es.

    Le débat que nous souhaitons ouvrir n’a rien à voir, rien, avec l’interdiction d’une pièce de théâtre ou la problématique de l’appropriation culturelle. Nous sommes hostiles à toutes les censures et à toutes les formes d’assignation identitaire. Nous n’appartenons à aucun groupe. Nous parlons d’une seule voix, hybride. Cette hybridité est celle que nous pratiquons en tant qu’enseignant·es, mais aussi dans nos films et nos romans.

    Nous sommes prêt·es à entendre tous les contre-arguments de bonne foi, par exemple le fait que le tableau appartient à un ensemble : que deviendrait l’unité esthétique de ce tout s’il était amputé d’un de ses éléments ?

    Nous sommes disposé·es à discuter sereinement avec tous ceux qui feront valoir un point de vue compatible avec le dialogue. Si on nous apporte des réponses précises et convaincantes, nous le reconnaîtrons.

    La toile, sa vocation commémorative et son cadre politico-historique : le lourd silence de nos angles morts coloniaux ne doit pas étouffer ce débat qui mérite d’avoir lieu.

    À LIRE AUSSI Pourquoi la France compte sept dates de commémoration de l’abolition de l’esclavage

    Organisée le 10 mai, la journée des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions avait cette année pour thème la page manquante. Selon Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, celle-ci symbolise « l’ignorance qui entoure encore l’esclavage et la mémoire de notre passé colonial dans le grand public ».

    L’une de ces pages supprimées se trouve sur le site Internet de l’Assemblée nationale, dont le compte Twitter a salué les commémorations du 10 mai en publiant la photo d’un homme noir en chaînes –celle-là même par laquelle la photo du tableau d’Hervé di Rosa avait été remplacée en catastrophe après la publication de notre première tribune, officiellement dans le cadre d’une mise à jour prévue de longue date.

    « Honorer le souvenir des victimes et transmettre la mémoire de ce crime contre l’humanité », dit le tweet de l’Assemblée nationale. En remettant en cause un choix esthétique fait en son temps par une génération peut-être moins consciente de ces enjeux, les député·es ont l’occasion de montrer aujourd’hui qu’il ne s’agit pas de belles paroles, mais aussi de poursuivre la réflexion historique entamée par la loi Taubira du 21 mai 2001.
    Inscrivez-vous à la newsletter de Slate

    L’anniversaire de cette loi, concomitant des abolitions en Martinique et en Guadeloupe, nous invite en tant que citoyen·nes à exercer notre devoir de mémoire. Aux esprits chagrins qui verraient là une démarche de « censure », un indice de la « tyrannie des minorités », une obsession de la « repentance » ou un business de la « concurrence victimaire », nous recommandons de mieux respecter l’Histoire, celle de tous les Français·es, qu’il nous appartient de connaître et de comprendre en vue de construire un avenir commun.
    En savoir plus : Société Culture esclavage loi Taubira tableau commémoration Assemblée nationale

    #esclavage #abolition #AssembléeNationale #contestedmonuments

  • « Banalisation du racisme à l’Assemblée nationale : ouvrons les yeux »
    https://www.nouvelobs.com/bibliobs/20190404.OBS11119/banalisation-du-racisme-au-c-ur-de-la-republique-ouvrons-les-yeux.html

    "L’Assemblée nationale, si elle ne brille pas par sa diversité, abrite de nombreuses œuvres. L’« Histoire en peinture de l’Assemblée nationale » d’Hervé di Rosa en est une. Parmi les fresques de cette série, que son auteur déposa en 1991 sur les murs du Palais Bourbon, on trouve un épisode consacré à la première abolition de l’esclavage, celle de l’An II.

    Pour commémorer cet événement et l’inscrire dans la glorieuse chanson de geste républicaine, les autorités culturelles de l’époque n’ont pas trouvé mieux qu’une imagerie hésitant entre Banania et « Tintin au Congo« . Ces lèvres surdimensionnées sont certes la signature de la « dyromythologie », l’univers fantastique que di Rosa a forgé au croisement des mondes de l’enfance, de la BD et de la science-fiction. Néanmoins, il faut être singulièrement ignorant – ou mal intentionné – pour ne pas voir l’offense qu’elles constituent dans ce contexte. Et que dire de ces yeux exorbités, de ces sourires béats et carnassiers ? Il n’existait donc aucun street artist capable de répondre à la commande de l’Assemblée nationale sans réduire les Noirs à une vision humiliante et déshumanisante ?

    La suite après la publicité

    LIRE AUSSI > « Sexe, race et colonies » : « Un viol qui a duré six siècles »

    En regardant ce mural, devant lequel les députés de la Ve République passent et repassent tous les jours, on est au-delà du stéréotype : on a le sentiment d’ouvrir un des grimoires infâmes de la suprématie blanche. La chose est pourtant nichée là depuis vingt-huit ans, dans les entrailles du pouvoir législatif qui a jadis brisé les chaînes de la traite et de la servitude, comme un pan de notre mémoire collective. Sa présence au cœur d’un des hauts-lieux de la République, dans l’indifférence générale, ajoute l’insulte à la blessure. Elle est historiquement inacceptable et politiquement incompréhensible.

    Nous demandons le retrait de ce mur de la honte.

    Récemment, Katy Perry a retiré du marché ses chaussures évoquant un Blackface ; Gucci en a fait de même avec son pull. Le pays des Droits de l’Homme et des Lumières, contrairement aux marques et aux célébrités, ne serait-il pas tenu à un devoir de sensibilité et de justesse vis-à-vis de l’Histoire ? Vis-à-vis des citoyens issus de cette Histoire ? Ne nous méprenons pas : il ne s’agit ni de repentance, ni de culpabilité, ni de je-ne-sais-quel jugement du passé à l’aune des valeurs contemporaines.

    La suite après la publicité

    Il s’agit de rendre justice aux millions de victimes du commerce triangulaire, en donnant à l’image de leurs corps la dignité que leur martyr impose.

    Il s’agit de regarder l’Histoire en face, non comme une bande dessinée qui ne nous concerne pas.

    Il s’agit aussi de décoloniser le regard sur les Noirs, de faire exploser les catégories de l’imaginaire dont ce type de clichés montre que leur figure reste prisonnière, aussi aberrant que cela puisse paraître en 2019 : sauvage paresseux et rieur, guerrier cannibale, bête de sexe qui a le rythme dans la peau. La récurrence des violences policières contre les Afro-Français montre que ce travail, hélas, ne saurait se limiter à une démarche purement intellectuelle.

    Les Etats-Unis, où nous vivons et enseignons, se débattent avec leurs propres démons. L’esclavage et la ségrégation ont accompagné la « Naissance d’une nation » ; ils ont joué un rôle crucial dans le développement de sa puissance économique et dans son expansion mondiale. La discrimination et le racisme institutionnel y sont encore des réalités criantes. Prisons, précarité économique et violences policières : les minorités paient un tribut quotidien au racisme institutionnalisé.

    La suite après la publicité

    LIRE AUSSI > Gauz : « La négritude a adoubé le discours racial »

    Pourtant, en face du Washington Monument, tout près de la Maison Blanche, se dresse le Musée National d’Histoire et de Culture Afro-Américaines. Un peu plus loin, sur Capitol Hill, on peut visiter le Musée National des Amérindiens : le génocide et le crime collectif sur lequel se sont fondés les Etats-Unis sont reconnus, racontés et enseignés au cœur de leur capitale, les lieux de pouvoir devenant par là-même lieux de mémoire. Sur cette terre arrachée aux peuples indigènes par l’arrivée des Européens, la prise de conscience et la réparation restent des travaux titanesques, processus plus qu’objectifs – il est probable par exemple que le Mont Rushmore ne soit jamais rendu aux Sioux. Mais, dans les musées du National Mall, on ne donne pas une mise en scène pop, déréalisante, aux exactions du passé. On les montre telles quelles, à travers des archives que leur violence préserve de l’invisibilité.

    Si le rayonnement de la France n’est pas un vain mot, ses députés serait bien inspirés, eux, d’ouvrir les yeux sur le papier peint rance de leur lieu de travail.

    La fresque d’Hervé di Rosa commémorant la première abolition de l’esclavage est une faute, qu’aggrave sa pérennité. Lapsus honteux ou angle mort de la mémoire coloniale, elle n’a pas sa place à l’Assemblée Nationale.

    La suite après la publicité

    Mame-Fatou Niang est enseignante-chercheure à Carnegie Mellon University et réalisatrice. Son documentaire « Mariannes Noires » raconte les parcours de sept Afro-Françaises. Son compte Twitter : @MariannesNoires.

    Julien Suaudeau est romancier et enseigne à Bryn Mawr College. Son dernier roman, « Le Sang noir des hommes » (Flammarion), a pour sujet le viol colonial. Son compte Twitter : @dawa_rl."

    #esclavage #contestedmonuments #AssembléeNationale #abolition

  • L’association d’aide aux détenus Genepi annonce sa dissolution - Agence France Pénitentiaire
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/08/02/l-association-d-aide-aux-detenus-genepi-annonce-sa-dissolution_6090345_3224.

    Depuis 2019, le Genepi avait renoncé à son activité historique d’ateliers ou de cours en prison. L’association avait changé d’orientation et se revendiquait comme « féministe et anticarcérale ».

    Le Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées (Genepi), association qui a accompagné pendant plus de quarante ans de nombreux détenus, a annoncé dans un communiqué, lundi 2 août, sa dissolution.

    Créé par les pouvoirs publics à la suite des violentes émeutes qui avaient fait rage dans les prisons, notamment durant l’été 1974, le Genepi animait également, « hors la prison », de nombreux colloques et campagnes de sensibilisation autour de la question carcérale et de la place de la prison dans la société.

    Depuis 2019, le Genepi, qui a pu compter jusqu’à 850 bénévoles au début des années 2000, avait renoncé à son activité historique d’ateliers ou de cours en prison. L’administration pénitentiaire avait rompu ses liens avec la structure en 2018, en ne renouvelant pas la convention trisannuelle qui lui assurait des subventions.

    L’organisation avait changé d’orientation et se revendiquait désormais comme association « féministe et anticarcérale », expliquant être arrivée au bout de sa logique « abolitionniste ». « Nous refusons de faire perdurer une association qui n’a pas été pensée comme un outil de lutte contre l’enfermement et n’a jamais servi l’intérêt des prisonnier[s et des prisonnières] », a fait valoir le Genepi dans un communiqué rejetant l’héritage du mouvement.

    « Nous refusons de nous contenter d’une critique réformiste de la taule et de la justice, seule possibilité entendue par l’Etat et discours dominant formulé par le Genepi pendant plus de quarante ans », assène la direction actuelle de l’association dans ce texte.

    –--------------------------------------------

    https://twitter.com/GenepiFrance/status/1422204998805491717

    puis
    https://www.genepi.fr/communique-sur-la-dissolution-du-genepi

    L’administration pénitentiaire rompt ses liens avec l’association d’aide aux détenus Genepi, 29 octobre 2018
    https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/10/29/l-administration-penitentiaire-rompt-ses-liens-avec-l-association-d-aide-aux

    L’organisation étudiante se voit supprimer sa subvention pour avoir fortement réduit ses actions d’enseignement en détention et pour ses prises de position contre la prison.

    Les relations entre l’association d’étudiants Genepi (ex-Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées) et l’administration pénitentiaire se dégradaient depuis plusieurs années. Elles semblent avoir atteint un point de non-retour. « Cette fois, la situation est plus grave », estime Maxime Boyer, président du Genepi. Romain Peray, sous-directeur des missions à la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP), a informé l’association le 20 septembre que la convention triannuelle qui les liait depuis des décennies ne serait pas renouvelée.

    Une rupture synonyme de l’arrêt de la subvention de 50 000 euros par an, qui participait au financement de l’association forte aujourd’hui de quatre salariés, une quinzaine d’étudiants en service civique et quelque 800 bénévoles (un tiers de moins qu’au début de la décennie).

    Déjà, au printemps 2017, la DAP avait décidé de réduire sa contribution de 52 000 à 30 000 euros. Mais Jean-Jacques Urvoas, alors garde des sceaux, était intervenu à la veille du scrutin présidentiel pour la rétablir. Cette fois, l’administration pénitentiaire a fait valider sa décision par le cabinet de Nicole Belloubet, ministre de la justice, avant d’en informer le Genepi.

    Les griefs invoqués pour ne plus soutenir l’association fondée en 1976, à l’initiative notamment du responsable politique centriste Lionel Stoleru, sont de trois ordres : un désengagement du Genepi avec une baisse régulière de ses interventions en détention, l’évolution de ses missions avec la réduction de la part consacrée à l’enseignement, un discours passé en quelques années d’une critique de l’enfermement à des attaques directes contre l’administration pénitentiaire et ses personnels.

    « Une sanction politique »

    Selon M. Boyer, il s’agit « d’une sanction politique ». L’étudiant en génie des matériaux, membre du Genepi depuis trois ans, souligne que la convention garantissait l’indépendance des parties et la liberté d’expression des étudiants intervenants, et stipulait que les actions des bénévoles ne se limitaient pas à l’enseignement. L’association a retiré de ses statuts en 2011 l’objectif d’aider « à la réinsertion sociale des personnes incarcérées ». Son objet social est désormais d’œuvrer « en faveur du décloisonnement des institutions carcérales par la circulation des savoirs entre les personnes incarcérées, le public et ses bénévoles ».

    Quant au discours, il a effectivement évolué. Dans un communiqué de février intitulé « L’Etat enferme, la prison assassine », le Genepi précisait : « Par la phrase “la prison assassine”, nous entendons aussi qu’elle a pour mission de briser les individus, leur corps et leur esprit. » Des propos de plus en plus mal vécus par certains personnels et responsables pénitentiaires. Lors de ses assises de 2017, l’association s’interrogeait sur le sens de ses interventions en détention qui « participent à la légitimation d’un système (…) que nous n’avons de cesse de dénoncer ». Certains groupes locaux du Genepi, tels ceux du Sud-Ouest, ont ainsi décidé d’arrêter de se rendre en détention.

    En quatre ans, le volume des interventions de l’association est passé de 12 474 heures à 5 825 heures pour l’année universitaire 2017-2018. La DAP dénonce une chute encore plus sévère et affirme n’avoir comptabilisé que 2 276 heures dispensées par les bénévoles du Genepi la dernière année. Ce que conteste M. Boyer. Quant aux activités d’enseignement, le Genepi assume le fait qu’elles ne représentent plus que 53 % de ses actions.

    En principe, la fin de la convention nationale liant la DAP à l’association ne devrait pas empêcher les groupes locaux du Genepi de continuer d’intervenir en accord avec les établissements pénitentiaires respectifs. Des visiteurs de prison peuvent entrer sans convention nationale ni subvention.

    Lettre de plusieurs associations

    Pourtant, sur le terrain, certains établissements ont déjà mis fin à la collaboration avec l’association étudiante. A Fresnes (Val-de-Marne) par exemple, « l’atelier de langue des signes a été brutalement interrompu le 3 octobre alors que la salle était réservée jusqu’en décembre », affirme Julia Poirier, déléguée régionale d’Ile-de-France. Elle affirme que le motif qui lui a été donné « est la suppression de la convention nationale ». Cet atelier de deux heures par semaine avait été mis en place en mai pour permettre à une personne sourde de communiquer avec ses codétenus. Illustration de la méfiance grandissante qui s’est installée entre les deux parties, une source pénitentiaire affirme que la dizaine de détenus « entendant et parlant » qui participaient à cet atelier « s’y rendaient pour – au mieux – se réunir… »

    Dans le but de faire revenir la chancellerie sur cette décision, plusieurs associations partenaires de la DAP telles que le Secours catholique, l’Association nationale des visiteurs de prison ou la Fédération des associations réflexion action prison et justice ont cosigné une lettre adressée vendredi 26 octobre au directeur de l’administration pénitentiaire pour s’inquiéter de l’arrêt de la convention.

    « A travers l’action du Genepi, l’intervention d’étudiants en détention nous semble à l’évidence plus que jamais importante », écrivent-elles. Elles soulignent que, non seulement ces rencontres ont « un impact positif » sur les personnes détenues, et qu’elles sont menées par des étudiants appelés à occuper des postes importants et dont le regard sur la prison aura ainsi changé. Albin Heuman, conseiller de Nicole Belloubet, devait recevoir l’association à la chancellerie lundi 29 octobre dans l’après-midi. Mais c’est sans doute à la ministre qu’il reviendra d’entériner ou non cette rupture.

    #prison #Genepi #abolitionnisme

    • Fin de l’action en détention pour le Genepi, Communiqué Genepi, 09/2019

      https://www.genepi.fr/fin-de-laction-en-detention-pour-le-genepi

      En 2017, dans une optique de réflexion politique sur l’action en détention, le Genepi a déterminé des « limites basses » au niveau national, constituant un cadre minimum pour ses interventions. Parmi ces lignes rouges à ne pas franchir : la présence de dispositifs d’écoute et de vidéosurveillance dans les salles d’ateliers, la pratique de fouilles à nu après les ateliers, la présence de listes d’appels ou tout autre système « du bâton et de la carotte » dans lequel s’inscrirait contre son gré le Genepi. Dans les faits, faire respecter ces limites basses s’est révélé pratiquement impossible et nombre de groupes locaux ont passé outre.

      [...]

      En 2018, après un long silence, cette dernière décide de rompre la convention qui la liait à l’association, évoquant une baisse du nombre d’heures d’ateliers donnés en prison et une critique des politiques pénitentiaires de la part des bénévoles du Genepi. Il s’agissait surtout d’une sanction politique, comme nous l’avons rappelé dans nos nombreux communiqués. C’est suite à une phase de médiatisation intense et grâce à de vastes soutiens (que nous remercions encore aujourd’hui) que le Genepi a pu récupérer une convention.

      Cette convention reflète la vision qu’a l’administration pénitentiaire du rôle de l’associatif en prison. En effet, elle semble percevoir le Genepi comme un prestataire de services éducatifs permettant d’obtenir une paix sociale relative en détention : “Aujourd’hui, travaillant à la transformation sociale. Demain, prestataires du gouvernement pour l’accompagnement social, à moindre coût, des politiques néo-libérales”, écrivaient à l’époque les camarades du syndicat ASSO – Solidaires [Genepi : contre la vassalisation du secteur associatif ! – Syndicat ASSO – 05/11/2018]. Avec cette nouvelle convention, l’administration pénitentiaire limite l’action du Genepi au seul cadre scolaire, empêchant tout atelier à vocation politique ou même simplement culturelle en détention. De plus, le respect des limites basses serait encore rendu impossible, étant donné les politiques sécuritaires actuelles.

      « Les intervenants acceptent pendant un temps donné de se soumettre à un règlement, acceptent d’être détenus. Ça renvoie à ma propre histoire, quand je refusais que ma famille vienne au parloir car je refusais que pendant une demi-heure ma famille soit détenue et se soumette à un règlement auquel elle n’avait pas à se soumettre. Ce que je reproche aux intervenants, c’est ça, « vous venez en prison vous enfermer avec nous pendant un temps donné, mais vous en sortez très vite, et quand vous en sortez, vous emmenez plus de choses que vous n’en avez amené. »

      Ça ne valait pas la peine mais ça valait le coup , propos d’Hafed Benotman – L’Envolée

      Mettre en œuvre cette convention, si cela était possible, serait un retour en arrière pour le Genepi, transformé en partenaire docile, acceptant toutes conditions de l’administration pénitentiaire, vidé de sa substance critique. Par ailleurs, il faut absolument savoir que l’administration pénitentiaire a souhaité, alors que nous nous apprêtions à signer la nouvelle convention, ajouter une clause relative à la communication du Genepi ; cette clause aurait donné à la DAP un droit de surveillance sur nos prises de parole et de position, et leur aurait facilité la possibilité de mettre un terme (de nouveau) au partenariat.

  • Actualité de l’abolitionnisme
    https://journals.openedition.org/champpenal/9163

    Annotations :

    Premièrement, il y a une privation progressive des droits des individus à gérer eux-mêmes les conflits juridiquement codés comme ‘criminels’. Ils devront ainsi se soumettre à un pouvoir extérieur à eux, lequel s’impose comme pouvoir judiciaire et politique (Foucault, 1974 [2001, 1447]). Deuxièmement, il y a la création d’un personnage totalement nouveau, sans précédent dans le droit romain : le procureur (Foucault, 1974 [2001, 1447]). C’est avec cette invention diabolique que le pouvoir souverain va d’abord doubler et progressivement trahir la victime concrète. Troisièmement, la notion même d’infraction est inventée et en viendra à remplacer la vieille notion de tort qui, jusque-là, avait été incrustée dans la notion de ‘crime’ : (...)

    #prisons #abolitionnisme #.articles_revues

  • Mouvement abolitionniste des prisons et des peines
    http://abolition.prisons.free.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=17&Itemid=3

    Annotations :

    L’abolition est un vaste chantier entrepris concrètement il y a vingt ans. Mais il faut maintenant poursuivre car si la #peine_de_mort est rejetée selon les nombreux critères prétendus de sa justification et de sa légitimité, il n’y a aucune raison de ne pas mettre en doute les peines privatives de liberté, en un mot la #prison. Bien avant « Surveiller et punir », M. Foucault écrivait déjà : « Tout système pénal est au fond orienté vers la mort et régi par elle. […] La prison n’est pas l’alternative à la mort, elle porte la mort avec elle. […] C’est de vie ou de mort, non d’amendement qu’il est question dans les prisons 13. » La peine de mort est ostracisme immédiat et (...)

    #:Christian-Nils_Robert #abolitionnisme #Justice

  • A contre-courant du féminisme carcéral

    Le #système_judiciaire protège-t-il les #femmes ? Si, pour la plupart des féministes, la lutte contre les #violences_sexistes et sexuelles passe par l’#incarcération des agresseurs, la chercheuse et militante #Gwenola_Ricordeau plaide au contraire dans son essai "Pour elles toutes : femmes contre la prison" pour un combat féministe émancipé du #système_pénal.

    Le jour où la prison a cessé d’être une abstraction pour moi, j’ai été convaincue qu’il fallait l’abolir. Ce n’est donc pas par un cheminement théorique, mais par les tripes, que s’est imposée à moi l’idée de l’abolition de la prison : je ne savais pas bien comment on pouvait s’y prendre – ni même si d’autres y avaient songé avant moi. J’avais une vingtaine d’années et je savais que j’allais y consacrer une partie de ma vie.

    Dans les années qui ont suivi, j’ai découvert, émerveillée, les idées que désigne généralement l’expression « abolitionnisme pénal » et rencontré d’autres abolitionnistes, notamment grâce à mon engagement dans des luttes anticarcérales. Mon abolitionnisme n’a pourtant pas été totalement étranger à mon parcours féministe dont la construction doit beaucoup à mon expérience d’avoir eu des proches en prison. J’ai pris conscience très tôt de vivre là une expérience de femme. Car si les prisons sont surtout remplies d’hommes, il y a, devant leurs portes, presque seulement des femmes. Et j’ai su très rapidement que ce sont elles qui, pour l’essentiel, assurent dehors les tâches de solidarité matérielle et émotionnelle qui sont nécessaires à la survie des hommes dedans.

    Mon parcours féministe a aussi été façonné par la réflexion que m’ont obligée de mener plusieurs événements plus ou moins dramatiques de ma vie. Cette réflexion découlait d’une question : quelles formes de réparation, de reconnaissance et de protection pouvais-je attendre du système judiciaire ? J’ai été amenée à y répondre de diverses manières, à trois occasions au moins, puisque j’ai dû recourir au système judiciaire dans deux situations d’urgence et que j’ai pu choisir de refuser de le faire dans une autre. Pourtant, ces diverses expériences m’ont toutes laissée insatisfaite. En raison du caractère structurel des violences auxquelles j’ai été confrontée, qu’elles aient été interpersonnelles ou d’Etat, je savais pertinemment que rien n’avait été vraiment résolu – même si se défendre d’un homme et se défendre de l’Etat ont des implications fort différentes. J’ai donc été bien moins intéressée par l’idée d’user, sur le terrain judiciaire, de mon bon droit que de contribuer, sur le terrain politique, à la résolution collective des conditions qui avaient rendu possibles ces violences.
    Combattre la « justice patriarcale »

    Je suis convaincue depuis maintenant une quinzaine d’années de la nécessité d’abolir la prison. Je connais donc bien l’étonnement que suscite fréquemment une telle position. Je sais aussi qu’une question ne tarde jamais à être posée : « Et les violeurs ? » J’aime répondre, en particulier aux femmes, par une autre question : « Que pensez-vous de la manière dont ont été traités les cas de violences sexuelles dont vous avez eu personnellement connaissance ? »

    Je n’ai jamais obtenu une réponse simple. J’ai écouté des souvenirs et parfois des confidences. J’ai entendu de la rancœur, de la honte, des inquiétudes, de la tristesse. Chaque femme, à sa manière, esquissait le portrait d’un système judiciaire pas toujours juste et d’une justice des hommes à laquelle on n’est pas toujours sûres de pouvoir faire confiance. Parce que ces discussions confrontaient chacune à ses doutes, ses peurs, ses colères ou ses espoirs, il était difficile d’y mettre fin.

    Les femmes servent, de plus en plus souvent, de prétexte pour justifier le durcissement des politiques pénales, quand celui-ci n’est pas directement imputable aux mobilisations féministes, en particulier parce que les auteurs d’infractions à caractère sexuel sont, avec les auteurs d’attaques terroristes, la principale figure du danger que brandissent les défenseurs de ces politiques pénales. Or l’échec des politiques mises en place jusqu’ici pour résoudre le problème des violences sexuelles est flagrant : l’ampleur du nombre de femmes qui ne portent pas plainte indique la faiblesse de la proposition politique des courants féministes qui promeut des réponses pénales aux violences sexuelles. Mais le système pénal n’a-t-il jamais protégé les femmes ? Quelle sorte de femme faut-il être pour avoir encore confiance dans le système judiciaire ?

    Des femmes sont en prison, certes en plus petit nombre que les hommes. Néanmoins, les conséquences sociales (en particulier sur les enfants) de leur incarcération sont plus importantes que dans le cas des hommes. Des femmes sont aussi très nombreuses – je l’ai évoqué plus haut – devant les portes des prisons. Preuve d’amour, d’amitié, ou de sympathie, mais aussi de l’obligation de solidarité qui est faite aux femmes. Alors, combien faudrait-il de femmes en plus derrière les barreaux et dans les parloirs des prisons pour que la prison soit incontestablement une question féministe ?

    Voilà quelques pistes de réflexion qui suggèrent qu’on peut puiser dans le féminisme des critiques radicales du système pénal. N’a-t-on pas au moins autant de raisons de combattre la « justice patriarcale » que la « justice bourgeoise » ou la « justice raciste » ? Et si l’on considère ce que fait la « justice » aux personnes LGBTQ, ces critiques radicales ne peuvent-elles pas au moins s’appuyer sur la pensée queer ?

    Parce qu’il a été façonné par mon abolitionnisme et par mes expériences du système judiciaire, mon féminisme est allergique à ce qu’on associe généralement au « féminisme », c’est-à-dire des appels, au nom des femmes, à la criminalisation de plus de types d’actes et au prononcé de peines plus sévères. Ce même féminisme qui s’indigne de la condamnation en France de Catherine Sauvage 1, qui dénonce facilement le fait que d’autres Catherine Sauvage soient en prison, mais qui ne considérera jamais la prison comme un problème pour les femmes.

    Alors, peut-on laisser à ce courant du féminisme le monopole des victimes ? Les abolitionnistes comme les féministes ne peuvent se tenir à l’écart des discussions que soulèvent à la fois les besoins de justice des femmes et le sort de celles qui sont confrontées à la prison. De qui et de quoi le système pénal protège-t-il les femmes ? Qui entend la voix des femmes incarcérées ? De celles qui ont des proches en prison ? Toutes ces questions suggèrent une discussion entre féminisme et ­abolitionnisme pénal.
    Analyses féministes et abolitionnistes

    Engager cet échange n’est pas simple, car les luttes féministes et les luttes abolitionnistes sont souvent présentées, notamment en France, comme antagonistes. Les premières sont réputées plaider, dans leur ensemble, pour plus de répression, tout particulièrement à l’encontre des auteurs de violences faites aux femmes. Dans le même temps, les luttes abolitionnistes sont généralement soupçonnées de se désintéresser des victimes et singulièrement, parmi elles, des femmes. Pour rendre la discussion plus épineuse encore, le terme « abolitionnisme » sème la confusion quand on parle de féminisme, car il peut servir à désigner la position de certains de ses courants à l’égard de la prostitution – position du reste assez éloignée de celles de l’abolitionnisme pénal.

    Un peu de bonne volonté et un vocabulaire mieux défini ne suffiront pas pour venir à bout de cette discussion. En effet, l’abolitionnisme pénal se trouve, avec certains courants du féminisme (comme avec certaines luttes antiracistes ou LGBTQ), devant une vraie contradiction : les politiques de la reconnaissance menées sur le terrain du droit et des droits s’accompagnent assez naturellement d’appels à la création de nouvelles infractions (par exemple, liées aux discriminations). Or la criminalisation de certains actes, et donc de certaines personnes, va à l’encontre du projet abolitionniste.

    Pour elles toutes vise à délier ce nœud, en répondant essentiellement à trois questions. Le système pénal protège-t-il les femmes ? Qu’est-ce que le système pénal fait aux femmes qui y sont confrontées ? Faut-il inscrire les luttes féministes sur le terrain du droit ? L’exploration systématique des formes de protection que les femmes peuvent (ou non) attendre du système pénal et des manières dont elles sont affectées par son existence, et en particulier par celle de la prison (qu’elles soient incarcérées ou qu’elles aient des proches en prison), suggère, sur les plans théorique et stratégique, deux autres questions. Comment penser l’articulation des analyses féministes et abolitionnistes ? Quelles stratégies adopter pour s’émanciper du système pénal ?

    J’écris à la lumière de mon expérience personnelle et militante, mais aussi des recherches que je mène depuis une dizaine d’années, en particulier sur les solidarités familiales des personnes détenues. S’il me revient l’entière responsabilité des réflexions que j’expose dans ce livre, je sais aussi ce qu’elles doivent aux échanges auxquels j’ai participé grâce à mon engagement dans des luttes anticarcérales et dans l’abolitionnisme pénal, principalement en France et, depuis quelques années, aux Etats-Unis où je vis désormais. Elles doivent aussi beaucoup à mes nombreuses rencontres avec des féministes, des proches de personnes détenues et des militant.es à travers le monde. Je ne prétends donc pas, avec ce livre, faire trembler les théories politiques, ni, à vrai dire, écrire des choses qui n’ont pas déjà été dites, pensées ou discutées par d’autres ou collectivement – et aussi écrites, surtout en anglais.

    Comprendre comment s’est tissée notre dépendance au système pénal est un travail long et minutieux. Il faut détricoter de ce côté-là pour pouvoir, de l’autre, tisser ensemble féminisme et abolitionnisme pénal. Ce livre s’y emploie, avec pour fil conducteur celui-là même avec lequel j’ai cousu la trame de mes engagements politiques. Car je suis féministe, donc pour l’abolition du système pénal, et je suis pour l’abolition du système pénal, donc féministe. Parce que féministe tant qu’il le faudra et abolitionniste tant qu’il y aura des prisons, j’espère contribuer à faire résonner, dans les luttes féministes comme dans les luttes abolitionnistes, le slogan : « #Femmes_contre_la_prison ! »

    https://lecourrier.ch/2021/06/06/a-contre-courant-du-feminisme-carceral
    #féminisme #prisons #emprisonnement #justice #violences_sexuelles #abolitionnisme #abolitionnisme_pénal #solidarité_matérielle #solidarité_émotionnelle #réparation #reconnaissance #protection #violence #justice_patriarcale #patriarcat #viols #échec #criminalisation #répression #droit #droits #solidarités_familiales

    • Pour elles toutes. Femmes contre la prison

      « Comprendre comment s’est tissée notre dépendance au système pénal est un travail long et minutieux. Il faut détricoter de ce côté-là pour pouvoir, de l’autre, tisser ensemble féminisme et abolitionnisme pénal. Parce que féministe tant qu’il le faudra et abolitionniste tant qu’il y aura des prisons. »

      Les luttes féministes et les luttes pour l’abolition du système pénal et de la prison sont souvent présentées comme antagonistes. Le présent ouvrage vise à délier ce nœud en explorant les formes de protection que les femmes peuvent (ou non) attendre du système pénal et en mettant en lumière les manières dont celui-ci affecte leur existence, qu’elles soient incarcérées ou qu’elles aient des proches en prison.

      Le système pénal protège-t-il les femmes ? Que fait-il aux femmes qui y sont confrontées ? Faut-il inscrire les luttes féministes sur le terrain du droit ? En répondant à ces questions, Gwenola Ricordeau dénonce la faiblesse de la proposition politique des courants féministes qui promeuvent des réponses pénales aux violences contre les femmes. Critique du « féminisme carcéral », elle plaide pour des formes d’autonomisation du système pénal.

      https://luxediteur.com/catalogue/pour-elles-toutes
      #livre

  • #Sarah_Ditum : De l’importance de ne pas relooker la prostitution en « travail du sexe »
    https://tradfem.wordpress.com/2021/05/03/de-limportance-de-ne-pas-relooker-la-prostitution-en-travail-du-s

    Daisy avait 15 ans lorsqu’elle a reçu son premier avertissement lié à la prostitution. Elle parle peu de cette partie de son histoire aux gens, car elle ne veut pas que ce récit déborde dans son présent (tous les détails permettant de l’identifier ont été modifiés dans le présent article). Cela fait d’elle l’une des femmes que vous n’entendrez pas dans les débats actuels sur l’industrie du sexe.

    On dit souvent aux décideurs et aux féministes qu’ils et elles doivent « écouter les travailleuses du sexe », mais il faut garder à l’esprit que l’on ne peut écouter que celles qui acceptent de s’exprimer, et que plus une femme a subi de préjudices, moins elle est susceptible de vouloir revenir lç-dessus sur la place publique. Si des personnalités telles que Brooke « Belle de Jour » Magnanti et Melissa Gira Grant, autrice du livre Playing the Whore (Faire la pute,) peuvent s’afficher comme représentantes de la prostitution, c’est sans doute en partie parce que leurs expériences relativement bénignes sont atypiques. Rangées en face d’elles sont les femmes comme Rachel Moran et Rebecca Mott, qui se qualifient de « survivantes ». Pour celles-là, la vente de sexe n’a été rien d’autre qu’un traumatisme, et revisiter ce traumatisme fait partie de leur vie publique en tant que militantes. C’est un lourd tribut à payer pour n’importe qui, et Daisy, que j’ai rencontrée par l’intermédiaire d’une association de lutte contre la violence faite aux femmes, y résiste : « Je refuse de construire ma carrière sur le fait d’être une « ex » quoi que ce soit. Ce n’est pas une étiquette que je veux ou que j’accepte ».

    Version originale : https://www.newstatesman.com/politics/2014/12/why-we-shouldnt-rebrand-prostitution-sex-work
    Traduction : Collective #TRADFEM

  • Manifeste pour la suppression générale de la police nationale
    https://lundi.am/Manifeste-pour-la-suppression-generale

    Il n’y aurait pas assez de place, dans ces lignes, pour décrire en détail le mal que la police a commis et commet encore, en France et dans le monde. Ce mal est commis selon deux axes : la répression carcérale (forme moderne et plus savante de l’esclavage colonial) et les violences ordinaires (visant à détruire l’individu et créer le citoyen). Le danger de l’existence de la police est négligé par l’ensemble des citoyens des États (hormis ceux qui en sont directement victimes). Pire, ce danger est assumé comme un mal nécessaire car on lui rattache un bien : l’exercice du maintien de l’ordre et de la force publique. La police est une subsistance des inégalités qui survivent et n’ont pu être détruites par la Révolution de 1789. Elle permet à la notion de droit de prendre une réalité, sous la menace qu’est la violence. Le policier est le rêve des États comme forme parfaite de citoyenneté et celui des citoyens comme forme parfaite de justice. La police comme institution s’impose aux démocraties et républiques imparfaites actuelles, avec la force de l’évidence, au nom même de la défense de ces mêmes régimes bienfaiteurs. La disparition de la police, en tant que telle, ne peut être donc qu’une étape obligatoire dans la progression humaine, vers un contrôle plus efficace et strict de la force dont elle dispose pour contraindre, au profit d’une minorité. C’est-à-dire, si la France accède un jour à la démocratie.

    #Police #Violence_Policière #suppression_de_la_police #AbolitionDeLaPolice

  • Il est urgent d’ouvrir le revenu minimum aux jeunes
    https://www.inegalites.fr/Il-est-urgent-d-ouvrir-le-revenu-minimum-aux-jeunes

    Ensuite, on craint que le RSA fasse des jeunes des « assistés ». Avec 500 euros par mois, ils pourraient soi-disant se passer de chercher du travail. Or différentes études ont montré que la mise en place d’un revenu minimum n’affecte pas la recherche d’emploi des jeunes [3]. Les travaux de l’économiste Esther Duflo sur la pauvreté ont établi que cette critique de l’assistanat, envers les plus pauvres en général, n’était pas fondée empiriquement. Surtout, elle explique qu’il est possible de lier plus étroitement le bénéfice d’un revenu minimum aux dispositifs d’accompagnement vers l’emploi ou la formation, comme c’est le cas dans les pays nordiques. Il existe en France une « garantie jeunes » qui permet d’accompagner les jeunes en situation de vulnérabilité dans leur insertion professionnelle, mais elle est attribuée dans des conditions draconiennes.

    Pour lutter efficacement contre la pauvreté des jeunes, il est temps de leur accorder le droit à un minimum social [4]. Cette option est largement à la portée des finances publiques de notre pays. L’Inspection générale des affaires sociales, reprenant une étude du ministère des Solidarités a, par exemple, estimé le coût de l’ouverture du RSA aux 18-25 ans (non étudiants) à un montant situé entre 1,5 et 3 milliards d’euros [5]. À titre de comparaison, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), dont l’effet est très réduit, a coûté 21 milliards en 2018, et le « plan jeunes » présenté le 23 juillet dernier, 6,5 milliards. C’est donc une réforme dont la mise en œuvre ne dépend en fin de compte que d’une volonté politique suffisante, et dont les effets seraient considérables en termes de réduction de la pauvreté [6].

  • Abolir les prisons, la police et le système pénal
    Entretien avec Gwenola Ricordeau

    https://lavoiedujaguar.net/Abolir-les-prisons-la-police-et-le-systeme-penal-Entretien-avec-Gwen

    https://www.bastamag.net/Abolition-prison-police-abolitionnisme-feminisme-violences-sexistes-Entret

    Basta ! : Vous êtes féministe et vous voulez abolir la prison, donc là où on enferme les agresseurs. Ces positions sont-elles difficilement conciliables ?

    Ces positions sont plus que « conciliables ». Mon travail propose une analyse féministe du système pénal et de ce que celui-ci fait aux femmes. Cela permet de faire plusieurs constats. Tout d’abord, les personnes détenues sont pour l’essentiel des hommes, mais la vie des femmes de leur entourage, mère, sœur, compagne, fille, est souvent affectée par cette incarcération, notamment à travers les diverses formes de travail domestique qui sont attendues d’elles et qui incluent le soutien moral, à travers les visites, le courrier, etc. Par ailleurs, quand on regarde qui sont les femmes qui sont en prison, on note qu’elles partagent de nombreuses caractéristiques avec les hommes détenus : elles sont en grande partie d’origine populaire et issues de l’histoire de la colonisation et des migrations. Mais les femmes détenues ont aussi des particularités. Une très grande proportion d’entre-elles ont été victimes de violences sexuelles. Ces violences ont façonné leur parcours de vie, leur isolement social ou leur parcours délictuel. Et lorsqu’on examine la protection que les femmes peuvent attendre du système pénal, on ne peut que constater un échec flagrant. (...)

    #Gwenola_Ricordeau #féminisme #violences_sexuelles #prison #justice #police #abolition #réparation