Dans ce monde, si tu n’existes pas, tu es mort.
C’est un titre volontairement violent, pour représenter la violence de ce que nous pouvons vivre. Comme dit plus haut, la visibilité c’est important pour l’identification, c’est important pour ne pas être nié-e. Mais c’est aussi important pour pouvoir vivre au milieu des autres et des relations.
Quand on est asexuel-le on est globalement une minorité dans la population. Du coup, trouver un-e autre partenaire asexuel-le c’est pas spécialement une sinécure. On doit donc partager notre vie souvent avec des sexuel-les.
C’est là généralement que la visibilité serait utile. Si toute ta vie on t’a répété qu’un couple sain est un couple qui baise, matin et soir, et qui en est content, vas-t-en vivre sereinement avec ta non envie. Si lea partenaire n’est pas au courant, c’est le parcours du combattant. Ton cerveau se remplit d’injonctions et de craintes : « iel va me quitter », « iel va me tromper », « combien de fois dois-je coucher pour qu’iel soit satisfait-e ? ». Si iel est au courant, le manège ne change pas forcément. Mais il y a la crainte du non-dit : « iel a l’air frustré je pense qu’iel ne me dit rien, je dois faire quelque chose », le sentiment de trahison : « iel doit bien savoir que je me force » et les engueulades déchirantes liées au sexe. Toujours le sexe.
Le problème c’est que faire admettre à quelqu’un-e l’existence et le besoin de respect de quelque chose dont il n’a jamais entendu parler est une tâche ardue. On vit dans une société hypersexualisée. On ne peut rien faire sans, c’est partout : la télé, le métro, la rue, les discussions. Comment envisager par conséquent qu’il existe des personnes pour qui ça n’est ni le centre des relations sociales, voire ni même un évènement envisageable ?
Et c’est cette omniprésence du sexe qui rend le coming out extrêmement difficile. Soit par peur de l’incompréhension, soit par peur tout court. Combien d’entre nous connaîtrons un viol correctif ? Parce que tu vas voir, mes techniques magiques vont te réparer, un orgasme et hop. Combien d’entre nous serons victimes de coercition et d’harcèlement pour obtenir du sexe ? Parce qu’ « un vrai homme ça veut toujours baiser », « une vraie femme ça sait faire plaisir à son-a partenaire ». Combien d’entre nous seront traumatisé-es par la crainte de l’abandon et se forceront, puis seront traumatisé-es par ces rapports forcés ? Combien d’entre nous seront en dépression parce que toute leur vie on leur aura appris que le sexe est le rapport social par excellence et qu’il n’existe pas de vie sans lui, culpabiliseront de ne plus en vouloir et se pathologiseront ?
Vous ne réalisez pas les enjeux que vous représentez pour nous. Nous ne demandons que de la visibilité, ça ne paraît pas grand-chose. Mais sans elle nous ne vivrons pas sereinement. Du coup, comme je suis une personne cool, je vais vous donner des idées, pour nous aider à être plus visible. Parce que si on le fait nous-mêmes bah on est pas sorti-es des ronces alors un peu d’aide serait bienvenue :
– Écrire, dessiner, inclure, filmer, jouer, imaginer des personnages asexuels. Pas des personnages violés et asexuels puis plus asexuels parce qu’on leur a donné foi en l’AMOUR ; pas des personnages asexuels prêtres, pas des personnages asexuels ermite. Écrivez des personnages asexuels comme vous écriez n’importe quel personnage, mais en omettant l’idée que le sexe les intéresse. Écrivez des personnages passionnés de cuisine, de socio, de tricot et qui se foutent comme de l’an 40 du sexe.
– Ne plus supposer les gens sexuels. Et par conséquent, ne pas spontanément parler de sexe comme si tout le monde le faisait. Ne pas titiller les gens sur le sujet.
– Partager nos drapeaux, nos articles, nos évènements et nos projets. Nous aider à étendre l’image pluraliste du spectre que nous souhaitons développer. Partager les articles sur la demi sexualité pour faire comprendre l’importance pour certain-es d’une connexion forte, partager des témoignages sur la greyasexualité pour comprendre que oui on peut être ace et avoir envie parfois.
– Ne plus voler notre A. Parce que sérieux, un jour, un-e ace, un-e aro ou un-e agenre vous fera bouffer vos dents, et vous l’aurez pas volé.
SPREAD THE WORD : THE A IS FOR ASEXUAL, AROMANTIC, AGENDER <3