• Bon, Bernard Heidsieck est mort, vous le savez déjà. Je relaie ici une sorte d’appel que j’ai lancé sur la liste du Terrier, pour essayer de composer à plusieurs quelque chose qui ne sente ni la viande morte, ni le parfum compassé bon marché, ni le trop tard alalalala. Ça faisait un bail que nous ne nous étions pas vus. La dernière fois, il allait pas très fort, je dois dire. Et voilà. il a pas mal compté dans ma vie poétique, assez tôt. Lire à ses côtés était toujours l’assurance de passer un chouette moment. Et puis j’ai fait d’autres trucs, dérivé un peu loin des endroits où on lit des poèmes, et plus encore des endroits où on les écrit. On s’en fout un peu de mes états d’âme, mais je ne sais pas quoi de dire qui ne soit ni stupide ni vain pour vous évoquer ma tristesse.
    Et là, pour ceux qui ne connaissent pas le travail de Bernard, bin
    c’est un peu foutu. Il y a les disques, oui, mais c’est dérisoire ....
    À part peut-être le coffret Canal Street , qui me semblait bien adapté au studio. Sinon, c’est plutôt décevant, faut dire, quand c’est aplati et stocké loin de son corps. C’était la limite évidente de cet aspect rock’n’roll qu’il avait pu apporter au poème : ça vit et ça meurt avec lui, c’est sur la scène que ça apparait. Sur le papier, même si on était juste fiers comme des abrutis d’en publier dans la Parole Vaine , par exemple, ça tenait pas franchement, c’était pas fait pour ça ; mais tous les amateurs de Heidsieck le savent bien, ils s’en foutent.
    Je ferai bien un truc pour le Terrier (www.le-terrier.net), un tombeau pour lui, avec des enregistrements faits par nous, des expérimentations sonores, des collages (les siens étaient pas mal du tout), des trucs qui creusent notre rapport à son poème, au poème qu’il était. Il faudrait que ça intéresse d’autres zozos que moi, évidemment, qu’il y ait parmi vous des amateurs de sa poésie, des auditeurs, peut-être des amis. Qui aurait envie de faire
    quelque chose de vivant pour sa mort ? Je composerais, pas à pas, une page rassemblant nos travaux.