• La faillite de l’idéologie biopolitique | Maurizio Lazzarato
    https://cabrioles.substack.com/p/la-faillite-de-lideologie-biopolitique

    Foucault bouche complètement l’espace politique avec un double modèle, juridico-politique et biopolitique, et avec leur « sujets » respectifs, le peuple et la population, le premier renvoyant à l’État, le deuxième à l’Économie. Conscient ou inconscient, le but de l’opération foucaldienne est de suturer l’effraction marxienne qui avait ouvert l’espace fermé par le couple peuple-population et État-économie par l’introduction de classes et leurs luttes. Elle intervient avec un timing parfait puisqu’elle correspond à l’épuisement de la force révolutionnaire de la classe ouvrière et à sa défaite historique. L’État souverain et la biopolitique (techniques de gouvernement étatiques et extra-étatiques) ont gagné, il ne reste de l’espace politique que pour des contre-conduites, des luttes contre le « trop de pouvoir », des subjectivations qui visent directement la « liberté » à l’intérieur du système sans passer par la « libération » (révolution).

    La reconstruction foucaldienne du bouclage de l’espace politique n’est pas une simple répétition du travail des « économistes ». Elle innoverait l’idéologie de la machine à double tête capital-État puisque l’économie serait devenue bio-économie, elle concernerait la « vie » et les « vivants ». La nouveauté foucaldienne (« le biologique se reflète dans le politique ») est problématique car les vivants sont toujours politiquement qualifiés. La machine du pouvoir a toujours à faire à des ouvriers, des femmes, des esclaves-colonisés. Elle doit produite des différentiels entre des vies ainsi qualifiées.

    Le double modèle juridico-politique et biopolitique fait l’impasse sur le capital et ses classes qui pourtant vont progressivement reconfigurer le système juridico-politique et donner un sens et une direction à la biopolitique. Cette dernière semble ignorer ce pouvoir sur la vie et les corps qui l’a précédée de quelque siècle et dont elle est la conceptualisation tardive et mutilée. La prise de pouvoir sur les corps vivants se fait d’abord par l’appropriation violente et la formation des classes des femmes, des ouvriers, des esclaves et des colonisés, inclues dans la « production » à travers leur exclusion du domaine politique.

    #biopolitique

    edit extrait de L’INTOLÉRABLE DU PRÉSENT, L’URGENCE DE LA RÉVOLUTION - Minorités et classes, éditions Etérotopia, janvier 2022

  • Comment se précipite le « #suicide_de_l’espèce »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/04/03/comment-se-precipite-le-suicide-de-l-espece_6168081_3232.html

    Comment se précipite le « suicide de l’espèce »
    L’humanité est de plus en plus confrontée aux maladies chroniques, du fait d’une augmentation des risques sanitaires et d’un manque de réflexion collective, analyse l’épidémiologiste Jean-David Zeitoun dans son dernier ouvrage, paru chez Denoël.

    Par #Stéphane_Foucart
    Publié aujourd’hui à 15h00
    Temps deLecture 3 min.

    Livre. « Nous vivrons toujours plus vieux ! » S’il est une idée reçue – plus que jamais d’actualité avec la réforme des retraites – dont la lecture du Suicide de l’espèce fait douter, c’est bien celle-là. Dans ce bref essai, vif et percutant, écrit dans la continuité d’un précédent ouvrage (La Grande Extension. Histoire de la santé humaine, Denoël, 2021), le médecin et épidémiologiste français Jean-David Zeitoun entreprend d’élucider les causes profondes de l’épidémie de maladies chroniques qui frappe l’humanité – diabète et obésité, maladies cardio-vasculaires, cancers, etc. – et dont les effets sur la mortalité commencent à occulter les progrès accomplis par la médecine au cours du siècle passé.

    L’auteur commence par décomposer le problème comme on analyse un marché, c’est-à-dire en observant l’offre et la demande. Il y a une « offre de risques » comme il y a une « demande de risques », et c’est leur rencontre débridée qui produit ce « suicide de l’espèce ». D’un côté une constellation d’industries pathogènes (hydrocarbures, chimie, agroalimentaire, tabac, alcool, etc.), de l’autre des milliards d’humains qui subissent ces risques de manière directe (tabac, alcool, opioïdes, aliments ultratransformés) ou indirecte (pollution, contaminations chimiques, etc.).

    L’originalité de la démarche de l’auteur est d’articuler les résultats de plusieurs disciplines pour conduire sa démonstration. De la biochimie de la transformation industrielle des aliments à l’épidémiologie, en passant par l’économie et la psychologie comportementale, Le Suicide de l’espèce montre comment une part toujours croissante de nos économies devient pathogène, et pourquoi nous y consentons comme consommateurs – par ignorance, par inattention, par dépendance ou par désespoir.

    Politiques incomplètes
    L’ouvrage ne se contente pas de renvoyer dos à dos l’offre (les industriels) et la demande (les consommateurs). C’est même tout le contraire. Le suicide en cours est plutôt le résultat, selon Jean-David Zeitoun, d’une vision dévoyée du libéralisme, qui fait accroire que notre destinée sanitaire collective est d’abord le fruit de la somme de décisions individuelles. Et qu’il n’y aurait rien à y faire, tant que celles-ci sont libres et non contraintes.

    Jean-David Zeitoun montre comment cette vision des choses, dans une large mesure erronée, demeure prégnante dans les politiques de santé publique. Celles-ci reposent largement sur des messages de prévention à l’adresse des individus et sont au mieux incomplètes, au pire inopérantes. D’abord parce que les risques indirects (pollutions, etc.) sont invisibles et non consentis, ensuite parce que la demande de risques directs (alimentation transformée, etc.) est déterminée par une offre que les pouvoirs publics ne régulent pas.

    Si le suicide de l’espèce n’est pas entravé par le fonctionnement normal de la démocratie, c’est que les Etats « ont laissé se développer d’autres formes de pouvoir non prévues par la théorie démocratique ». Dans les pages les plus brillantes de l’ouvrage, Jean-David Zeitoun réinvestit le « biopouvoir » de Foucault – ce pouvoir d’agir sur la vie biologique des corps – et montre comment les secteurs économiques producteurs de risque appliquent de manière autonome une « biopolitique » pathogène, qui fait pièce aux pouvoirs publics.

    Ramener à la responsabilité intellectuelle
    Ce « biopouvoir négatif » des industriels, comme le nomme l’auteur, est un pouvoir de produire de la morbidité et de la mortalité. Il prend plusieurs formes. Il est d’abord le pouvoir d’imposer une narration dans l’espace public, en ramenant toujours à la responsabilité individuelle les grandes maladies de l’époque et en produisant du doute sur la magnitude des atteintes à l’environnement. Il est ensuite le pouvoir de capturer la réglementation, en imposant des normes techniques favorables qui permettent, in fine, l’arrivée sur le marché de biens ou de services mal évalués, donc sous-régulés. Il est aussi – chose peut-être plus inquiétante encore – un pouvoir sur la construction de la connaissance elle-même.

    Écouter aussi Climat : peut-on sauver la planète avec des petits gestes ?
    Ces stratégies d’invisibilisation de dégâts de l’économie pathogène sont d’autant plus efficaces que les risques sanitaires produits ne sont pas spécifiques de tel ou tel produit, qu’ils sont nombreux, se potentialisent les uns les autres, et ne se révèlent que de manière différée. Combien de morts, par exemple, aura coûté l’introduction du sirop de fructose dans l’alimentation transformée ? Il sera durablement impossible de le dire, mais le chiffre est à l’évidence gigantesque.

    A mesure que se déroule la démonstration, l’essai change de tonalité et passe d’une analyse froide et clinique du marché des risques sanitaires à une conclusion sur l’éthique de la révolte d’Albert Camus. « Aujourd’hui, des millions de personnes appartiennent par leurs maladies chroniques à la communauté des suicidés de l’espèce (…), conclut Jean-David Zeitoun. Enfin, 100 % des humains, y compris ceux qui travaillent pour les industriels incriminés, trouveraient du sens à se révolter contre la suppression de l’espèce par elle-même. »

  • Chine - Cabrioles
    https://cabrioles.substack.com/p/12-decembre-2022-chine

    Bonjour,

    Depuis le début de la pandémie la Chine fait office de croquemitaine qui à la fois repousse et fascine. Elle aurait entièrement contenue la pandémie grâce à une gouvernementalité mélant autoritarisme et numérisation totale de la vie, témoignant ainsi de sa puissance et de l’efficacité redoutable de son “techno-totalitarisme”.

    Le collectif communiste chinois Chuang a brillament montré dans un livre essentiel que tout cela est faux. Malgré son expérience préalable des épidémies, la Chine a d’abord nié la menace qui déferlait avant de prendre en catastrophe des mesures désordonnées. Et ce sont les mobilisation populaires qui, paliant à la corruption endémique et aux rigidités bureaucratiques, ont permis de contenir une pandémie qui s’abattait sur une population pauvre et un système de santé délabré.

    “Le succès face au virus n’a pas été le fait des mesures « autoritaires » de l’État, lesquelles, d’ailleurs, ont été surpassées pas les confinements bien plus rigoureux mis en place en Italie, en France ou ailleurs. En réalité, en Chine, la pandémie a été contenue grâce à l’effort réel et sincère de la plus grande partie de la population.” (Contagion Sociale, Chuang, Niet ! éditions p238)

    Malgré cela tous les tenants du libertarianisme sanitaire, désormais révendiqué de l’extrême-droite à l’extrême-gauche sous le nom de “vivre avec”, ont relayé ce “mythe de l’omnipotence totalitaire” [ Face à la pandémie, où va l’État chinois ? https://www.contretemps.eu/etat-chine-pandemie-impuissance-autoritarisme ] vendu par le pouvoir Chinois à son propre usage. Ils en ont fait l’autre nom du “Zéro covid”, qui pourtant désigne simplement un objectif, dont les moyens d’y parvenir ont été des plus divers du Japon à la Nouvelle Zélande. Ceci en vue de justifier leur propre abandon des populations et la généralisation de l’eugénisme pandémique.

    Si le Parti-État Chinois a du déployer une répression féroce c’est pour mieux masquer sa profonde impuissance et ses faiblesses infrastructurelles, mais aussi assurer l’encadrement displinaire de sa force de travail. Aujourd’hui face à la pression conjointe des marchés financiers et des récents soulèvements populaires le pouvoir chinois semble se lancer dans le pari de la libre circulation du virus, en s’abritant derrière le mensonge d’un virus qui avec Omicron serait devenu plus “bénin”. L’expérience de Hong Kong l’hiver dernier, qui a l’instar de la Chine actuelle était doté d’une très faible couverture vaccinale, a clairement montré que ce n’était pas le cas https://www.liberation.fr/international/asie-pacifique/submerge-par-omicron-hongkong-autorise-les-soignants-chinois-a-entrer-sur.

    Nous, nous pensons toujours qu’il n’y a pas a choisir entre le libertarianisme sanitaire occidental et le régime disciplinaire chinois, qu’ils sont les deux faces d’un même capitalisme meurtrier, et que la seule voie désirable face à la pandémie est la diffusion massive de l’autodéfense sanitaire et de politiques de prévention bâties sur les principes de la santé sommunautaire.

    Avec ce dossier nous vous proposons de reparcourir la gestion autoritaire de la pandémie mise en oeuvre par la Chine ces trois dernières années, les mobilisations et résistances populaires qu’elle a suscité, et d’entrevoir les questions qui s’ouvrent actuellement.

    L’entraide populaire face à la faillite de l’État Chinois dans les premiers temps de la pandémie

    Tout ça ressemblait à un désastre | Chuang

    Échapper à la boucle fermée | Eli Friedman

    D’Ürümchi à Shanghai | Par des socialistes de Chine et de Hong Kong

    Le dilemme de Xi Jinping | Emma Graham-Harrison

    #Covid-19

    • L’entraide populaire face à la faillite de l’État Chinois dans les premiers temps de la pandémie
      https://cabrioles.substack.com/p/lentraide-populaire-face-a-la-faillite

      La majorité des participants à ces groupes d’entraide nouvellement formés n’avaient aucune expérience préalable de l’organisation communautaire. C’est l’urgence de la crise et l’échec du gouvernement qui les ont poussés à se rassembler et à s’engager dans des pratiques d’auto-organisation.

      Tout ça ressemblait à un désastre | Chuang
      https://cabrioles.substack.com/p/tout-ca-ressemblait-a-un-desastre

      Ils ont juste nié tout ce que les médecins affirmaient depuis des semaines, pour ensuite admettre qu’il y avait de quoi s’inquiéter, et pour finalement mettre la ville en quarantaine trois jours plus tard. Tout ça ressemblait à... un désastre ! [Rires]

      Échapper à la boucle fermée | Eli Friedman
      https://cabrioles.substack.com/p/echapper-a-la-boucle-fermee-eli-friedman

      Au printemps 2022, le virus a muté et les vaccins fabriqués en Chine sont devenus presque inutiles pour prévenir l’infection. Lorsque des cas ont commencé à apparaître à Shanghai en mars, peu de gens pouvaient anticiper la catastrophe sociale qui allait se produire. L’une des principales différences entre Wuhan et Shanghai est que cette fois-ci l’État a insisté pour que les gens continuent à travailler. S’efforcer de maintenir la circulation du capital tout en immobilisant complètement le force de travail est un défi, mais les autorités de Shanghai étaient prêtes à essayer. L’arme spatio-politique clé de leur arsenal était la boucle fermée

      D’Ürümchi à Shanghai | Par des socialistes de Chine et de Hong Kong - Une lettre sur la stratégie et la solidarité avec la lutte des Ouïghours
      https://cabrioles.substack.com/p/durumchi-a-shanghai-par-des-socialistes

      Cette tragédie est le résultat de la politique de gestion de la pandémie de la Chine, qui a sévèrement restreint les mouvements des citoyens ordinaires et leur a refusé l’accès aux produits de première nécessité pendant de longues périodes. Si ces politiques ont touché des millions de citoyens chinois, les Ouïghours et les autres minorités ethniques de la région du Xinjiang ont longtemps souffert d’une répression accrue.

      Le dilemme de Xi Jinping | Emma Graham-Harrison, correspondante principale des affaires internationales pour The Guardian et The Observer. Elle est diplômée en études chinoises et a passé près de 6 ans à couvrir la Chine, depuis Pékin.
      https://cabrioles.substack.com/p/le-dilemme-de-xi-jinping-emma-graham

      L’assouplissement de la gestion du Covid n’offre qu’une solution très temporaire au dilemme auquel le dirigeant chinois est désormais confronté. Et c’est un dilemme que son impitoyable accumulation de pouvoir personnel ne l’aidera pas à résoudre. Si Xi Jinping autorise un nouvel assouplissement des contrôles, la Chine risque d’être plongée dans une épidémie nationale dévastatrice.

      Face à la pandémie, où va l’État chinois ? Chuang, un des articles, de février 2022, cité par Cabrioles dans cette livraison
      https://www.contretemps.eu/etat-chine-pandemie-impuissance-autoritarisme

      Cette livraison de #Cabrioles est remarquable, non seulement pour ce qu’elle montre de la Chine, mais en raison de l’effet qu’elle est susceptible de produire ici. De quoi, il me semble, la voir feuilletonée chez @rezo

      #Chine #autodéfense_sanitaire #RDR #biopolitique #soin

  • À propos d’un livre de lettres sur « la peste » - bascules
    https://blogs.mediapart.fr/bascules/blog/011122/propos-dun-livre-de-lettres-sur-la-peste

    La biopolitique en tant que logique de gouvernement produit moins l’uniformité d’un monde que des différences dans la valeur des vies, dans l’espérance que chacun-e peut en attendre. Il y a des vies vivables et d’autres beaucoup moins.

    (...) Pour Cheval, elle n’est qu’une colonisation à l’œuvre par l’extension du contrôle que seuls son approche phénoménologique semble percevoir. Se faisant, il cherche à radicaliser Foucault pour trouver une affrontement face à la biopolitique en tant que telle, dans une lutte contre l’histoire plutôt qu’un corps à corps constant face aux dispositifs de pouvoirs et de contre-pouvoirs. De Foucault, il veut garder les slogans et les mots d’ordre, pas l’enquête ni l’attention aux luttes (...)

    (...) minimiser la pandémie l’évacue d’emblée. La pandémie de covid-19 n’a pourtant précisément pas laissé des exigences sur la qualité de l’air comme l’antiterrorisme a laissé des portiques. ll se peut que cela reste une intrigue à explorer, et que ce soit ce type d’acclimatation d’une population à des conditions d’existences dégradées qui constitue tout l’enjeu de la biopolitique réelle plutôt qu’idéelle.

    (...) Il ne s’attaque pas à la vie coupée de sa forme, à la nécessité d’une vie inséparée (ce qui relève d’une opposition réelle à la biopolitique). Ce qui le désespère (comme toute une part des phénoménologues) c’est que les savoirs et les instruments de la sciences aient quelque chose à dire du monde. Contre toute possibilité des savoirs scientifiques comme points de médiation entre nous et les mondes autres qu’humains, contre toute possibilité de tenir ensemble des formes d’abstraction et des manières de sentir, Cheval veut réaffirmer la supériorité de la vie de l’esprit, de l’idée de l’humain comme seule forme valable pour comprendre le monde. Il ne bataille pas pour d’autres politiques de la vie, il ne veut que retrouver celle qui lui manque. Minimiser la pandémie, en faire un cycle naturel et tragique dont la technique vient perturber le cours, ce n’est alors qu’une manière de faire du milieu un cadre naturel intangible au sein duquel se déploie la pensée. La nature n’est ainsi plus qu’un cadre que la technique ne cesse de trahir. Que les choses du monde, dans toute leur étendue (bien au-delà du seul langage humain), comptent dans les conflits politiques, c’est pourtant ce qui manque terriblement et nous laissent impuissants, sans pouvoirs aucuns sur la situation.

    https://seenthis.net/messages/976908

    #biopolitique #sciences #pandémie

  • Biopolitiques : usages d’un concept en temps de pandémie
    https://demainlaveille.substack.com/p/biopolitiques-usages-dun-concept

    L’épidémie de COVID-19 aura donné lieu, entre-autres choses, à de nombreuses prises de positions publiques et médiatiques. On peut regretter que celles-ci n’aient que rarement été à la hauteur de la crise, quand elles ne donnaient pas tout simplement dans le covido-négationnisme. Or bien souvent, les influences théoriques (plus ou moins bien digérées) qui nourrissent de telles déclarations ne sont pas absolument explicites, mais se laissent entrevoir : par exemple, lorsque Alain Damasio compare le virus aux étrangers – « les migrants (…), les pas-comme-nous », etc. – et nous enjoint à accepter l’altérité du vivant qu’il constitue, on y décèle son appétence pour un certain vitalisme deleuzien, ou pour les travaux plus récents de Bruno Latour. Doit-on pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain, rendre Deleuze responsable des métaphores nauséabondes qu’il aurait indirectement « inspirées » ? En définitive, cette seule question n’est sans doute pas très pertinente, mais il me semble toutefois intéressant de s’arrêter un peu sur les manières concrètes dont un héritage conceptuel peut être mobilisé, si ce n’est dévoyé, pour servir des positionnements politiques inconséquents et dangereux.

    Et, puisque parmi les théoriciens invoqués par les discours sur la pandémie, Michel Foucault semble être l’un des plus prisés (à vrai dire, cela n’a rien d’étonnant), j’aimerais me pencher sur son cas, et en particulier sur le concept de biopolitique – selon une double approche : disqualifier ses mésusages d’abord, et tenter ensuite de déterminer s’il peut, mieux utilisé, s’avérer tout de même éclairant dans nos approches de la situation pandémique.

    (...) si certaines figures médiatiques installées ont pu invoquer Foucault comme une référence bon teint (à l’image de BHL, dans Ce virus qui rend fou), c’est bien au sein de « l’extrême-gauche », pour parler vite, que cette référence mérite réflexion et critique. Une publication d’Olivier Cheval sur le site lundimatin, plaque tournante du confusionnisme s’il en est, me semble fournir un bon exemple. Son deuxième volet s’appuie sur Agamben pour fustiger la « biopolitique » épidémique, puis le troisième propose de « penser ce qui nous arrive avec Michel Foucault ». Or, l’auteur finit assez vite par déclarer que, si « les foucaldiens ont souvent été très réservés face à la manière dont Giorgio Agamben a investi le champ critique de biopolitique », la crise « donne raison (…) à Agamben ». Les absents, et donc les morts, ont toujours tort… Non pas que je souhaite ici « absoudre » Foucault, mais cela est sans doute symptomatique de la manière dont ses travaux sont relus, depuis une perspective qui a souvent plus à voir avec les affinités complotistes et situées, par exemple, d’un Agamben. Que ces dernières soit consubstantielles à ses directions théoriques, ou bien une dérive récente de sa trajectoire intellectuelle, là n’est pas le propos.

    #covid-19 #covido-négationnisme #vitalisme #Olivier_Cheval #Lundi_Matin #Alain_Damasio #Manifeste_conspirationniste #manifeste_con. #Gilles_Deleuze #microfascisme

    • (...) par une sorte d’élévation au rang de résistance politique du tempérament contrarien, toute participation à la prévention sanitaire, à la réduction des risques, à la solidarité épidémique, etc, serait réductible à la soumission au mot d’ordre biopolitique et, donc, serait un méprisable renoncement.

      (...) D’abord, rappelons à nouveau que la captation fréquente de ces références par le mouvement antivax et leurs alliés vient rabattre ces considérations précisément sur la notion d’exclusion (les non-vaccinés, les non-masqués, comme victimes auto-proclamées d’une exclusion politique), tendant à confondre les deux modèles et ramener « le lépreux » au milieu de la ville pestiférée. Ensuite, il faut justement insister sur le fait qu’il s’agit là de modèles. Foucault parle à leur sujet de « rêve politique » : ces schémas fonctionnent avant tout, du côté de l’exercice du pouvoir, comme imaginaire et comme référent technique ; « la ville pestiférée, (...) c’est l’utopie de la cité parfaitement gouvernée10 ». Il est certes ridicule de ne pas prendre en compte les façons dont, concrètement, la pandémie a été l’occasion de renforcements divers des procédures de surveillance et de contrôle, mais il est sans doute faux d’y voir une rupture, plutôt qu’une mise en exergue d’une logique déjà à l’œuvre en temps « normal » – par exemple, le ciblage différencié de certaines populations identifiées comme « indisciplinées »11 trouve avec l’épidémie de nouvelles manières de se déployer. Foucault insiste : « la peste (celle du moins qui reste à l’état de prévision), c’est l’épreuve au cours de laquelle on peut définir idéalement l’exercice du pouvoir disciplinaire. Pour faire fonctionner selon la pure théorie les droits et les lois, les juristes se mettaient imaginairement dans l’état de nature ; pour voir fonctionner les disciplines parfaites, les gouvernants rêvaient de l’état de peste.12 » Ainsi, ce fonctionnement idéal ne saurait se réaliser pleinement dans une situation épidémique effective, dont on a vu qu’elle impliquait aussi pour une bonne part une désorganisation institutionnelle frappante. En revanche, dans ces même pages, Foucault entend montrer que ces modèles de contrôles trouvent leur application plus concrète au sein des lieux d’enfermements des sociétés disciplinaires (et c’est là, en fait, que l’exclusion du lépreux et le découpage des pestiférés trouvent vraiment à se confondre) : « l’asile psychiatrique, le pénitencier, la maison de correction, l’établissement d’éducation surveillée, et pour une part les hôpitaux, d’une façon générale toutes les instances de contrôle individuel fonctionnent sur un double mode ; celui du partage binaire et du marquage ; et celui de l’assignation coercitive, de la répartition différentielle13 ». En un sens, plutôt que de refuser les masques et la prudence, de peur de réaliser le rêve politique de nos dirigeants, les bruyants lecteurs de Foucault auraient pu s’intéresser à la situation catastrophique des détenus en pleine épidémie14. N’oublions pas que ces commentaires sur la peste, dans Surveiller et punir, ouvrent le chapitre sur le Panoptique, autre « rêve » politique, et ne laissons pas la force évocatrice des utopies du pouvoir détourner nos yeux de ses véritables lieux d’accomplissement.

      au vu du nombre de lecteurs de LundiMatin, #toctoc

  • Nécropolitique
    https://cabrioles.substack.com/p/12-aout-2022-necropolitique


    En mars 2020 des camions militaires sont réquisitionnés pour évacuer les milliers de morts du Covid-19 à Bergame dans le nord de l’Italie.

    Bonjour,

    Il y a un an un large spectre des milieux intellectuels français, de l’autonomie “destituante” à la nouvelle droite écofasciste, nous enjoignait à rejoindre les manifestations “contre le pass sanitaire” pour, disaient-ils, lutter contre la “#biopolitique ” gouvernementale. C’est par ce concept, popularisé par Michel Foucault pour analyser entre autres la maximisation des forces biologiques d’une population en vue de la production capitaliste, qu’ils désignaient la #politique_sanitaire d’Emmanuel Macron, qui selon eux sacralisait la vie pour déployer son controle technologique. Cette soi-disant “politique sanitaire” venait pourtant de faire plus de 300 mort·es par jour, pendant 5 mois, de décembre 2020 à avril 2021.

    Nous qui sommes du côté de celleux qui pensent que le contenu d’une lutte réside dans les pratiques qu’elle adopte, et non dans les finalités qu’elle proclame, nous avons constaté que loin de s’en prendre aux dispositifs de controle qui parsèment la métropole, le mouvement contre le pass sanitaire “affublait des médecins de moustaches d’Hitler, agressait et menaçait de mort des soignant·es, attaquait des pharmacies, envahissait des hôpitaux et brûlait des centres de vaccination”.

    Nous pensons que ces deux dynamiques - l’abandon de la population par le gouvernement et les mouvements anti-prévention fascisant - sont les deux faces d’une même politique covidonégationniste que d’autres ont désigné avec un concept élaboré par un penseur - Achille Mbembe - moins occidentalo-centré : la #Nécropolitique.
    C’est cette notion et ces deux dynamiques - gouvernementale et populaire - que les les deux articles que nous vous livrons aujourd’hui se proposent d’explorer. Nous tenons à préciser que nous pensons qu’il serait une erreur de les mettre à distance du fait qu’ils se concentrent sur le Brésil et les États-Unis, car il se pourrait bien qu’il s’agisse d’une différence de degré et non de nature comme le dit Rodrigo Nunes.

    Très bonne lecture et
    prenons soin de nos luttes,

    #Cabrioles (abonnement :https://cabrioles.substack.com/subscribe
    Carnet de recherche pour l’Autodéfense Sanitaire face au Covid19

    « Donnez-moi la liberté ou donnez-moi le Covid ! » : Les manifestations anti-prévention comme déssurrection nécropopuliste | Jack Bratich
    https://cabrioles.substack.com/p/-donnez-moi-la-liberte-ou-donnez

    Sommes-nous encore le pays de l’avenir ? D’un avenir qui se dégrade | Rodrigo Nunes
    https://cabrioles.substack.com/p/sommes-nous-encore-le-pays-de-lavenir

    #covid_19

  • Pandémie et (in)égalité, avec Jacque Rancière et Judith Butler, depuis le Site Pouchet du CNRS
    https://www.canal-u.tv/chaines/cnrspouchet/pandemie-et-inegalite

    Avec la pandémie et la globalisation du coronavirus l’affirmation selon laquelle le care s’appliquerait seulement aux êtres dépendants apparaît dépourvue de sens : nous sommes tous vulnérables, et la pandémie montre l’interdépendance entre les êtres humains. Les questions de l’égalité par rapport aux inégalités de classe, raciales et de genre ; de l’interdépendance, par rapport au « principe d’indépendance » sont centrales. Judith Butler et Jacques Rancière interrogent les notions de « pandémie » et d’« interdépendance », d’« égalité » et d’« inégalité » face au coronavirus. #Judith_Butler évoque la pandémie à la lumière de la phénoménologie des sens, et la manière dont elle éclaire l’inégalité, l’interdépendance et les nouvelles violences du monde. Elle met aussi en relation les vies précaires et la crise sanitaire actuelle. #Jacques_Rancière analyse la façon dont la gestion de la pandémie confirme la logique du consensus qui est aussi celle de la présupposition inégalitaire. Le confinement nous fait interroger le sens du travail au sein d’un monde commun. Et une question finale : peut-on penser à l’après la pandémie ?

    edit avec bien des conneries, mais pas que. pas fan de Butler, si ce n’est que cette dernière, malgré ses gargarismes sur le commun et l’éthique, est moins éloignée d’une prise en compte de la pandémie (et du laisser mourir, oublié par tous les autres qui décidément n’ont rien vu) et des pratiques sociales qu’i s’y sont collé. Rancière, un peu insouciant des choses (endémie tient-il à dire...), liquéfie les thèses d’Agamben. parmi les intervenants des délires parfois ("avec la fin de la pandémie") et aussi du bon ("pourquoi parler de pandémie alors que cela ne vise pas tout le monde ?")

    #pandémie #Agamben #égalité #vulnérabilité #VIH #science #biopolitique

  • Covid-19 : « On sacrifie les vulnérables sur l’autel de la vie d’avant »

    Christian Lehmann (...) revient sur l’échec du pass vaccinal et donne la parole à David Simard, spécialiste de la philosophie de la médecine et de la santé.

    Je croyais être vacciné contre l’instrumentalisation des données de la science au gré des visées politiques. Et puis j’ai lu ce tweet d’Olivier Véran en date du 11 février : « Le pass vaccinal nous permet dans un contexte où la pression épidémique se réduit fortement, et comme nous l’avons déjà fait avant cette vague, de supprimer l’obligation de port du masque dans les établissements recevant du public dès le 28 février prochain. » Depuis plusieurs jours, Gabriel Attal annonçait la bonne nouvelle à venir, la fin prochaine des restrictions et l’extinction du pass vaccinal vers le mois d’avril, juste avant les élections présidentielles. D’un porte-parole du gouvernement, la manœuvre politique, transparente, était attendue. Mais, éternel naïf, je n’aurais pas imaginé qu’un médecin oserait énoncer de telles contre-vérités. Si les chiffres de la contamination, qui avaient atteint des sommets, redescendent enfin, nous enregistrons encore 120 000 contaminations et 300 morts par jour. « La pression épidémique se réduit fortement » pourrait être traduit de la langue de bois en français par « maintenant que nous avons laissé contaminer 11 millions de personnes en six semaines, le nombre quotidien de nouveaux infectés commence à baisser ».

    Le pass vaccinal n’a rien résolu. S’il a braqué un peu plus les réfractaires, que le Président s’est vanté d’« emmerder », il a engendré peu de conversions, et les centres vaccinaux n’ont pas connu un afflux suite à sa mise en place. Son échec patent et sa faible acceptabilité ont donc amené le gouvernement à décider de le faire disparaître au plus vite. L’annoncer dès maintenant pour engranger des bons points électoraux signe son décès à l’avance, les réfractaires étant confortés dans leur décision d’attendre. Et comme chaque déclaration politique induit en elle-même des modifications de comportement, l’insistance des politiques, dont le ministre de la Santé, sur le fait que nous aurions passé un cap et puissions enfin profiter des jours meilleurs, a pour effet de ringardiser ceux qui voient encore dans le masque un moyen de protection à l’échelle individuelle, pour les enfants, pour les immunodéprimés, pour les personnes fragiles. Rappelons-le : sans masque, le pass vaccinal ne résout pas la question des contaminations. Les variants plus contagieux ont contourné la protection vaccinale, et il est possible d’être infecté et contagieux malgré un schéma vaccinal complet, même si le vaccin heureusement continue à protéger les personnes sans comorbidité des formes graves, par rapport aux non-vaccinés. Il n’empêche : à distance des doses vaccinales, au-delà de dix semaines, la protection contre l’infection baisse, et l’abandon du port du masque, si elle peut réjouir des gens en bonne santé, met en danger, à ce stade, les personnes fragiles et les immunodéprimés, invisibilisés, parfois même tournés en ridicule.

    David Simard, 49 ans, docteur en philosophie spécialisé en philosophie de la médecine et de la santé, s’en émeut :

    « Les personnes vulnérables, vaccinées mais immunodéprimées, ou atteintes de maladies chroniques, de ces fameuses comorbidités dont on parle tant, sont sacrifiées sur l’autel du retour à la vie d’avant. De longue date, les comorbidités servent à minimiser les hospitalisations et décès avec diagnostic Covid-19, y compris plus récemment chez les enfants non-vaccinés mais massivement infectés, selon une hiérarchie de la valeur des vies humaines, en fonction du fait qu’il s’agit de personnes supposées en pleine santé ou non. Des enfants meurent ? Ah, mais ces enfants avaient certainement des comorbidités, un diabète, un asthme, une maladie rare. C’est bien triste, ma pauvre Lucette, mais c’est la loi naturelle… Ces comorbidités sont donc très tôt devenues un fétiche au sens quasi-psychanalytique du terme, un objet qui permet le déni de la pandémie, ou sa minimisation, en récusant la fragilité et la finitude humaines, considérées comme consignées chez les fragiles. Elles sont, pourrait-on dire, le cordon sanitaire qui protège les bien portants, dont les figures en miroir s’incarnent soit dans les “premiers de cordée”, vaccinés, soit dans le virilisme populaire de l’infection naturelle. Les deux voies de l’immunité du soi ont fait des fragiles leur non-soi absolu, les seuls “emmerdés” pour de bon par les uns et les autres.

    « Celles et ceux qui ne survivent pas, ou qui sortent abîmé·es du Covid, sont renvoyé·es au rang de vies qui ne valaient ou ne valent pas la peine d’être vécues, sur fond de “sélection naturelle” d’un darwinisme mal digéré. Seuls les plus aptes ont vocation à revenir dans la vie d’avant, produisant ainsi le perfectionnement des populations.

    « L’âge avancé, l’obésité, la bronchopneumopathie chronique obstructive, l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque, le diabète, les cancers, le fait de vivre avec un organe transplanté, etc., tout cela est renvoyé dans les limbes des sous-vies qui n’ont pas vocation à perdurer.

    « Il y a là un fond eugéniste que l’on pourrait qualifier de post-natal, car il n’intervient pas directement en contrôlant les naissances comme les campagnes de stérilisation contraintes menées dans la première moitié du XXe siècle aux Etats-Unis et en Europe. Ce fond eugéniste de celles et ceux qui se croient invincibles n’est pas fortuit. Il ne fait que révéler le mépris de la vie écorchée – autant dire de la vie tout court – qui hante nos sociétés obsédées d’excellence, où ce qui importe est le fonctionnement habile, le comment comme voile du pourquoi, l’ingénierie d’une politique techniciste des processus fondamentaux du vivant au niveau populationnel exprimés sous forme de statistiques – une des formes de ce que Michel Foucault a appelé “biopolitique”.

    « Entendons-nous bien. La gestion d’une pandémie est irréductiblement biopolitique, et à bon droit. Que la maladie et la mort fassent l’objet de stratégies politiques est souhaitable. Mais pas sans des objectifs de santé publique partagés, pas sans prévention, pas en faisant de la vie des vulnérables – et toute vie est vulnérable in fine – une variable d’ajustement pour un bien qui n’est pas commun. Nous n’en prenons malheureusement pas le chemin. En levant les mesures sanitaires au motif que l’épidémie serait terminée, il s’agit de faire vivre les uns et de laisser par-là même mourir les autres. “La mort fait partie de la vie”, a-t-il été répété à l’envi. Mais surtout de la vie des non-soi. »

    https://www.liberation.fr/societe/sante/covid-19-on-sacrifie-les-vulnerables-sur-lautel-de-la-vie-davant-20220214

    #covid-19 #masques #eugénisme_post-natal #santé_publique #laisser_mourir #biopolitique

    • Le pass vaccinal n’a rien résolu. S’il a braqué un peu plus les réfractaires, que le Président s’est vanté d’« emmerder », il a engendré peu de conversions, et les centres vaccinaux n’ont pas connu un afflux suite à sa mise en place. Son échec patent et sa faible acceptabilité ont donc amené le gouvernement à décider de le faire disparaître au plus vite. L’annoncer dès maintenant pour engranger des bons points électoraux signe son décès à l’avance, les réfractaires étant confortés dans leur décision d’attendre.

      Qui peut croire que ce gouvernement veut notre bien ?

      « Olivier Véran refuse d’intégrer l’#endométriose à l’ALD30 (qui ouvre au remboursement des soins pour les formes les + graves). Cette reconnaissance votée à l’unanimité par l’Assemblée, demandée par les assos et 91% des Français, ne compte pas pour le camp de l’austérité. »
      Clémentine Autain

      Entre les soignants, pompiers et personnels suspendus et les 5 millions de nouveaux désactivés ce jour, je comprends que le drapeau français soit un symbole menaçant au pays vide du macronistan !

      #pass-vaccinal-de-la-Honte #JePorteLeMasque !

    • David Simard et d’autres avec lui qui m’ont sorti cet argument, semble donc découvrir « l’eugénisme » qui a cours en temps ordinaire dans la société capitaliste et industrielle !

      Il y a environ 150 000 morts du cancer par an depuis des décennies, mais personne ne criait jusqu’alors à « l’eugénisme » ...

      Il est vrai que les cancéreux n’avaient pas le mauvais goût de transmettre leur maladie par aérosols ni d’encombrer les services de réanimation ...

      Bienvenu dans le #retour_à_l'anormal !

    • De manière assez flagrante, les groupes qui revendiquent une politique de santé communautaire, de zéro covid, de prévention des risques, etc, sont quasiment tous des gens qui posent en même temps la question de l’origine anthropique et mondialisée des zoonoses, qui posent la question du mode de vie dégradé (pour les humains et pour le reste des non humains), et donc qui ont donc aussi une critique écolo et au moins en partie anti-industriel (et parfois complètement).

      La réciproque n’étant absolument pas vraie (apprendre la logique avec le covid : A ⊂ B, n’implique pas la symétrique).

      Légende :
      B => les anti-capitalistes, critiques du mode de vie industriel cancérigène, écolo, etc
      A => les groupes qui revendiquent une santé communautaire zéro covid, pour un emmentalisme anti eugéniste (je tiens un concept là)

  • L’annonce du « calendrier de levée des restrictions », c’est un beau moment de communication politique je dois dire. Ça va même jusqu’à nos médias qui, unanimement, s’interrogent doctement : « est-ce que c’est le bon moment pour l’annoncer ? ». Et donc on s’indigne, on s’étonne, les lobbys patronaux font mine de trouver que c’est trop lent, etc, au sujet de cette levée des « restrictions ».

    Alors qu’en gros le calendrier tient en quatre lignes pour une raison simple : il n’y a de toute façon quasiment aucune mesure sanitaire imposée contre la présente vague. Il y a quoi ? un peu de télétravail mais pas trop, ah oui fermer les discothèques et les boîtes à partouze, c’est vrai que c’est super-contraignant, toutes mes confuses pour Castagner et Darmanin, et puis voilà, c’est tout, le reste relève largement de la foutaise symbolique.

    Je suis donc admiratif : le jour où l’on atteint des chiffres invraisemblables de contamination, Castex et Véran parviennent à faire passer l’idée qu’ils ont réellement fait quelque chose, que certes ça n’a pas marché, mais qu’ils ont bel et bien tenté de faire quelques chose, qu’il y a des restrictions, et qu’ils voient donc comment les lever, parce que ces restrictions sont tellement tellement lourdes, pfiou dis donc comment ça pèse sur le quotidien des gens… Alors que si tu réfléchis deux secondes, tu vois bien qu’il n’y a quasiment aucune restriction en cours. Y’a qu’à voir l’éducation : y’a carrément plus aucun protocole sanitaire du tout, mais on te fait savoir qu’à partir du 21 février, on pourrait voir à peut-être te faire une « adaptation du protocole sanitaire dans les écoles » (à part obliger les enfants à s’échanger des glaviots chaque matin, je ne vois pas ce qu’on pourrait faire de plus…).

    Nan mais vraiment admire-moi cette « levée des restrictions » : comment notre vie elle va trop changer !

    Surtout, c’est oublier que cette absence de mesures efficaces/fortes a été assumée explicitement quand Castex et Véran ont fait leur petite présentation de fin décembre : selon Véran, aucun pays n’aurait réussi à prendre des mesures de « freinage » efficaces contre Omicron, donc on ne va même pas essayer, et si on met un peu de télétravail et quelques mesures annexes, c’est pour Delta qui est toujours là.

    À partir du moment où ils décrètent que Delta est en net recul, alors dans la logique qu’ils ont eux-mêmes exposée, il n’y a plus aucune raison de maintenir la moindre mesure sanitaire. Parce que, je le répète : Véran et Attal ont très explicitement dit qu’aucune mesure de « freinage » contre Omicron ne pouvait fonctionnait, donc qu’il n’était pas nécessaire d’essayer.

    Le reste c’est donc du spectacle pour mal-comprenant, histoire d’imposer le Great Barrington en faisant semblant que non. Nos médias n’arrivent pas à se faire totalement à l’idée, alors que les gouvernement a été très explicite à ce propos : Omicron on n’y peut rien alors on ne fera rien, et de toute façon c’est p’têt même une « bonne surprise » si tout le monde se contamine.

    29 décembre :
    https://seenthis.net/messages/941611

    Olivier Véran - Autre incertitude : est-ce que Omicron peut être freiné par des mesures totalement classiques telles que nous avons pu en mettre en place dans notre pays ? A priori, le Danemark, qui a mis en place un certain nombre de mesures, n’a pas constaté d’effet de freinage sur la dynamique épidémique, parce que Omicron est tellement contagieux qu’hormis finalement un confinement généralisé, rien ne semble capable d’en freiner la course, en tout cas aucun pays à date n’a pu totalement le freiner dans sa dynamique épidémique.

    2 janvier :
    https://seenthis.net/messages/942020

    D’après Olivier Véran, cette vague pourrait être « la dernière ». En effet, la forte contagiosité du variant Omicron inquiète, mais est aussi, paradoxalement, porteuse d’espoir selon le ministre qui affirme : "Omicron est tellement contagieux qu’il va toucher toutes les populations du monde. Il va entraîner une immunité renforcée : on sera tous plus armés après son passage."

    3 janvier : Blanquer :
    https://seenthis.net/messages/942185

    « Dès que ce sera possible, nous allégerons les protocoles sanitaires », déclare Jean-Michel Blanquer

    4 janvier : dans un touit de David Cayla :
    https://seenthis.net/messages/941611#message942411

    Ce matin sur France Inter Gabriel Attal a usé d’un énorme sophisme en expliquant que, comme on ne pouvait empêcher la vague Omicron de déferler sur le pays en raison de la forte transmissibilité du virus, il était inutile de prendre quelque mesure que ce soit pour la FREINER.

  • eh ben voilà...
    j’aime pas étaler ma vie mais là je suis trop dégouté...
    2 ans
    2 putain d’années à limiter les contacts, à faire gaffe, à expliquer aux enfants de faire gaffe, que c’est pas grave si d’autres le font pas, eux c’est important qu’ils le fassent.
    Dernièrement l’angoisse de la montée des cas à l’école.
    Cernés de partout, divergence incroyable entre ce qu’on dit partout autour de moi (repris de ce que dégueulent les médias mainstream) et ce qu’on lit sur seenthis.
    Résultat je tarde un peu mais je me décide à trouver des rendez vous coûte que coûte pour vacciner les petites et acheter les « pure mask » conseillés ici.
    Vaccins fait mercredi, pure mask reçu aujourd’hui...et ce qui devait arriver arriva...une des filles positives ce soir.

    Je suis dégouté parce que tout le monde trouve ça génial parce qu’on va retrouver la vie d’avant grâce à ce virus qui circule si bien et qui est rien d’autre qu’une gripette maintenant hein (et même des gars avec des cerveaux de fou comprennent pas que rien ne changera tant qu’on aura pas vacciné massivement toute la planète).
    Je suis dégouté parce que tout le monde dit c’est pas grave (mais putain...qu’est ce qu’on en sait ??? ouais la proba est faible...mais qu’est ce t’en sais que ça va tomber sur toi ou pas ?)
    Je suis dégouté parce que j’ai pas voulu trop le faire en force et que j’aurais peut être dû...
    Je suis dégouté que les mecs au gouvernement sont tellement nuls et cyniques qu’on en arrive à polariser la population comme jamais et que les gens comprennent plus rien à rien à force de dire n’importe quoi tout en faisant la chasse aux fake news qui se sont jamais aussi bien portées.
    Je pourrais continuer sur pas mal de choses mais j’ai déversé ce qui me pesait déjà pas mal sur le coeur...alors je vais m’arrêter là....

    ...mais je suis dégouté

    • Vos partages et messages m ont fait monter les larmes...
      (Qui demandaient ptete qu a couler avec la fatigue/insomnie et la rage qui sommeil..)

      Pareil je hais les jeux de hasard.
      Je sais même pas si au point où en est, les gens se rendent compte que c est un pari.
      J ai l impression que tout le monde est devenu dingue.
      Une animatrice de l ecole a été dire à ma plus petite, déjà bien angoissée de nature, que le vaccin ça rendait aveugle, qu elle l avait vu de ses propres yeux.
      Il faut quoi pour en arriver à dire ça à un môme qui a mal au bras ??
      Quand tout le monde dit et fait n importe quoi, comment tu gardes le cap ?
      Les seules personnes qui comprennent c est vous...je vous ai jamais vu...mais sans vous je serais en plein naufrage je crois....

      J en chiale de plus belle mais je vous remercie d être la et de ce que vous faites.
      C est triste qu on soit qu une poignée à vouloir regarder la réalité en face mais un petit peu c est mieux que rien...

    • voici @ericw :

      « Comble de la lose, j’ai eu le Delta quand tout le monde avait l’Omicron » : ces covidés qu’on ignore

      Avec le variant Omicron qui submerge la France depuis fin décembre, plus question d’attirer l’attention ou de se faire plaindre avec un simple test positif.

      Dire que, il y a deux ans, connaître ne serait-ce qu’un cas contact méritait l’attention de son entourage. Dire que, il y a deux ans, on était plein d’inquiétudes pour ceux qui avaient contracté la maladie, on leur posait plein de questions (« alors tu ne sens plus rien ? » ; « tu veux qu’on t’apporte quelque chose ? »). C’est dur aujourd’hui, à titre de comparaison, de compter parmi les derniers malades du Covid-19.

      Même la pharmacie débordée n’a pas pris le temps de les appeler pour leur donner leur résultat positif. Soudain, les proches se transforment en médecins épidémiologistes (« Omicron, c’est rien, tu vas être enrhumé et ça te fera ton booster quatrième dose »). S’ils font l’erreur de dire « J’ai le Covid », on leur réplique : « Non, t’es positif. » Fini l’époque où on plaignait les gens à l’isolement comme vivant une expérience hors limite. Là, on relativise à leur place (« bah, tu peux bosser de chez toi ») et on oublie de prendre de leurs nouvelles. Qui s’est demandé comment allait Olivier Véran depuis qu’il a annoncé être positif au Covid-19 ?

      A quoi on les reconnaît

      Ils postent des photos de leur test positif sur Facebook ou Twitter pour tenter de s’attirer un peu de compassion (heureusement que le test ne passe pas par une analyse d’urine, on se demande à quoi auraient ressemblé les réseaux sociaux), ensuite ils précisent que tout va bien quand même. Ils rassurent des gens qui ne s’étaient même pas inquiétés pour eux. Quand ils l’annoncent à leur entourage, on leur répond « j’en sors », « décidément tout le monde l’a », on leur fait la liste de tous ceux qui viennent d’être testés positifs le même jour ou de ceux qui l’ont eu plusieurs fois. Depuis le SMS de l’Assurance-maladie leur indiquant qu’ils allaient être appelés, ils attendent toujours que le téléphone sonne. Quand ils appellent leurs cas contacts en s’excusant, ils s’entendent répondre : « Mais, de toute façon, on est tous cas contacts. » Leurs collègues oublient de leur envoyer des liens Zoom pour les réunions. Les écoliers positifs, eux, reçoivent des messages de leurs copains : « La chance ! »

      Comment ils parlent

      « Quand mon père l’a eu, on pensait que c’était la fin et on aspergeait la maison d’eau de Javel, là, on nous dit qu’il faut bien y passer un jour. » « Mon mari et ma fille se sont foutus de moi. » « J’ai pas pu m’empêcher de frimer sur les réseaux sociaux avec mon petit Covid, je me suis pris une volée de commentaires. » « Comble de la lose, j’ai eu le Delta quand tout le monde avait l’Omicron. » « J’ai essayé de faire le malin parce que j’ai eu Omicron en décembre, mais ça n’intéressait personne. » « Même un bon variant, ça ne te distingue pas. » « Rassurez-vous, pour le moment, j’ai à peu près l’équivalent d’un gros rhume. » « J’ai l’impression d’être en décalage quand je dois demander un lien Zoom. »

      Leur grande vérité

      C’est la pire période pour avoir le Covid-19.

      Leurs questions existentielles

      Avec deux masques posés l’un sur l’autre, je peux faire les courses si je vais très vite ? Le test à J + 7, c’est en comptant la journée d’aujourd’hui ? Ils sont nombreux ceux qui ne l’ont pas encore eu ? Est-ce qu’on est la queue de comète ?

      Leur Graal

      Depuis qu’un test positif au Covid-19 est un non-sujet, il n’y a plus de disputes en famille ou entre amis sur l’attitude à adopter.

      La faute de goût

      Avoir 40 de fièvre, ne pas tenir debout et devoir écouter des amis dire : « Ma sœur l’a eu la semaine dernière, t’auras un peu mal à la tête et c’est rien. »

    • ❤️ merci ❤️

      Pour faire écho à l’article du monde :
      On a testé tout le monde ce matin. Elle a apparemment une charge virale très haute et nous on est pour le moment tous négatif.
      On a une voisine (qui devait venir pour récupérer des trucs) qui veut absolument venir pour le choper volontairement.
      On m’a conseillé de surtout pas la confiner pour que tout la famille l’ait et qu’on « soit tranquille ».
      Une seule personne m’a demandé si elle allait bien...

    • a peu près la même ici, sauf qu’on a failli s’entretuer avec ma compagne et que nos disputes ont fait qu’on a pas pu vacciner la petite. Là, on est tous les deux +, la petite on va voir tout à l’heure. Juste déso mais la dif entre seenthis et le reste du monde ça n’a pas vraiment aidé à garder sa santé mentale. je veux bien regarder la réalité en face, mais être absolument seul à le faire m’a rendu à peu près aussi fou que les autres.

    • Mon Pauvre...
      J’ai failli dériver aussi en essayant de montrer/argumenter mais j’ai vite arrêter car j’ai vu que j’allais devenir dingue aussi.
      Maintenant je trouve refuge ici et je me tais...
      J’ai de la chance que ma compagne à moi soit réceptive...même si ça amène un temps de latence (parce que sinon j’avoue que je sais pas dans quel état je serais).

      La voisine...on a trouvé 2 plans pour essayer de la protéger malgré elle. Lui amener le machin avant elle et l’accueillir masqués dans le jardin si elle déboule avant qu’on puisse lui amener.

      Merci à tous pour vos encouragements 🤗🙇🏿

    • Chez moi, même son de cloche que @tintin, pas facile d’être en décalage avec le « balec » ambiant comme dirait @arno. Sauf que notre grande fille (5ans) a été vaccinée dimanche dernier. Mais mon épouse me l’a reproché après coup, tout le monde lui faisant comprendre que c’est risqué de vacciner les enfants.

      Comme partout, notre fille est « cas contact » chaque semaine, et je dois faire le candide au laboratoire pour lui avoir un test PCR avec prélèvement oral : on m’explique qu’on va lui faire quand même mais que désormais il faut se procurer des auto-tests « ah bon ? je ne savais pas ! ». Au passage, je suis déconcerté par la facilité de prélèvement de ces tests.

      Mais après avoir fait un test, mon épouse me suggère « on n’est pas obligés de la re-tester, elle n’a pas l’air malade... ». Ah oui, tiens, je me demande si les autres parents ont aussi eu cette bonne idée...

      Au bahut, ce n’est pas mieux, une collègue est restée bosser plusieurs jour après le test positif de sa fille de 10ans, en disant « Marre de me faire tester, tant que je n’ai pas de symptôme, je ne me teste plus ! ». Parce que même si on ne peut plus le voir en peinture, la préparation de nos élèves au bac Blanquer passe avant les principes de précautions. Résultat, quelques jours après, symptômes, test, positif, isolement. Mais le mari vient toujours bosser, en attendant d’être positif à son tour. Quand une autre collègue nous explique que ce n’est pas au lycée que les jeunes se contaminent (4500 de taux d’incidence chez les 10-19ans la semaine dernière dans mon département, bien au-dessus des autres classe d’âges)

      Du coup je me suis mis aussi au FFP2, fais hyper gaffe à ne pas me retrouver avec trop de monde, me teste tous les jours ou tous les deux jours, et n’arrive pas à croire que je sois passé entre les gouttes (parce que train + lycée, je suis exposé quotidiennement).

      Et donc quand je rentre à la maison, et m’aperçoit que mon épouse et notre 2ème fille (1an) reviennent d’être passées voir les voisin·es chez elles, pendant plus d’une heure, sans masque ça va sans dire, avec une autre pote et ses 3 enfants qui vont au même cluster que notre grande, et en plus la copine qui accueille et sa fille viennent juste de chopper le covid, « mais elles n’avaient plus de symptômes et avaient fini leur période d’isolement depuis... j’me rappelle plus mais elles avaient terminé donc elles n’avaient plus le covid »

      manque de pot pour moi, j’avais lu un billet de @monolecte sur le pic de contagiosité https://seenthis.net/messages/944152

      .... donc... comment dire... oui c’est ça, je vais arrêter de traîner sur #seenthis...

    • et hop, le pompon sur le gateau en croisant un pote, papa d’une copine de ma fille qui fréquente le même cluster Blanquer mais pas la même classe : sa fille a été testée dimanche dernier, donc 7 jours d’isolement (pas un de plus, hein ! faut pas déconner), mais le mieux, c’est l’après covid, il y a vraiment une prime à la contamination :
      - pas de tests nécessaires pendant les 2 prochains mois, parce qu’immunisée (à raison de 3 par semaine moins les 2 semaines de vacances, ça fait l’économie d’une vingtaine d’écouvillons dans le pif)
      - même quand sa classe est fermée parce que la maîtresse, devinez !, a choppé le covid, et qu’on ne peut pas la remplacer, elle peut être accueillie dans une des autres classes contrairement aux malheureux camarades qui n’ont pas eu le mérite d’être positifs

      il n’en faut pas plus pour me faire passer auprès de mon épouse pour un gros flippé qui n’a rien compris à ce qu’il faut faire : multiplier les contacts pour enfin ! avoir la chance d’être tous touchés... et reprendre une vie normale ??

    • quand même un truc que j’ai du mal à garder en tête c’est que le risque est réellement minime pour les gamins. Comme c’est un risque qu’on peut éviter, moi j’ai pas du tout envie de le prendre, et je suis bien d’accord que chaque hospitalisation d’enfant qui aurait pu être évitée devrait/doit l’être. Mais le risque est effectivement minime... alors comment dire...

      La peur, la panique, dans les deux sens, inquiètiste ou rassuriste, ça fait chier et ça n’aide pas à prendre des décisions sereinement. Franchement, si c’est pour faire exploser ma famille, le vaccin ça ne vaut pas le coup. Et là, on est à deux doigt d’exploser à cause de ces conneries... no fun. Et moi ça fait longtemps que je voue un amour sans bornes aux vaccins... avant le covid que ça me sortait par les trou de nez les discours antivax... ma compagne non, poreuse à ce soupçon, comme presque tout le monde autour de moi... ça prend du temps... mais on a pas le temps... enfin bref.

      Vous amusez pas à me répondre par des chiffres flippants sur les gosses, c’est bon j’ai eu mes trois doses et on va finir par la vacciner, ça aiderait juste que tout le monde s’y mette pas vrai ?!

      https://seenthis.net/messages/945101

      https://youtu.be/MGrNG-uLJ7w

    • On continue à faire l’impasse sur les séquelles et/ou covid long.
      Les données s’entassent depuis près de 2 ans et elles disent toujours la même chose  : il ne faut pas attraper cette merde.

      Les atteintes des tissus cardiaques, du cerveau, des poumons, mais aussi les problèmes de coagulation et d’immunité sont clairement documentés et concernent au moins 10% des contaminés, symptos ou pas, sans ≠ d’âge ou de condition initiale. Ce qui est juste énorme.

      Sans ça, ce serait déjà inquiétant, parce que rien que les gens qui finissent à l’hosto, faut pas croire qu’ensuite, ils sont opérationnels en 2 coups de cuillère à pot.

      Perso, j’ai pas 10 points de QI à crâmer, pas envie de me retrouver à me trainer comme une vioque avec une capacité pulmonaire à 85% à vie, pas envie d’être la fête aux grumeaux et avoir une proba démultipliée de faire un infarct ou un AVC.

      Mais qu’on puisse envisager de faire courir ces genres de risques à ma gosse, j’ai juste envie de sortir le karcher en mode lance-flammes.

    • Cet été, je me préparais psychologiquement au fait que peut être qu’on ne ferait pas vacciner notre ado qui rentrait en 2nde. Je ne suis pas rentré dans les détails statistiques dans la discussion. Mais il a fallu tout de même que j’explique que les probabilités de problèmes avec le vaccin étaient moins élevées que les probabilités que ça se passe mal sans le vaccin (myocardites en particulier, par exemple). Et j’avoue qu’à l’époque, j’étais moi même dans l’expectative, tellement les stats étaient difficiles à obtenir, car en cours de construction, encore à ce moment-là. Aujourd’hui, ce n’est plus en construction. Ce qu’il reste à construire, ce sont les stats sur les covids longs. La Grande Bretagne est en (très) avance, mais là aussi, ces stats ont du mal à arriver jusqu’à nous d’une façon plus ou moins vulgarisée.

      Mais comme tu le dis, on parle de probas très faibles. Et c’est ce qui m’emmerde dans mes relations avec le reste de la famille : ils considèrent tous que se faire chier avec des masques, c’est de la parano, que se faire chier avec un vaccin, c’est de la parano, et en plus, l’ARNm va rester dans le corps, et patatipatata. Les voilà qu’ils tentent de me convaincre que eux ont des sources d’informations mieux informées que les miennes, et que je ne suis qu’un odieux prêcheur prosélyte pro-masque. Oui, j’ai eu l’outrecuidance de proposer à ma mère de l’accompagner à la vaccination, pensant que ça pouvait être un obstacle, et de lui filer des FFP2. Les FFP2 ça pue, c’est inconfortable, et le vaccin c’est caca. Dans le genre hypocondriaque, elle se pose là pourtant d’habitude... mais les discours majoritaires lui font penser que le mal, c’est de lutter contre le virus. Ils ne se rendent pas compte collectivement combien le vaccin sauve de vies au quotidien et j’en veux à nouveau à l’absence totale de communication de ce gouvernement de gros nuls qu’en ont rien à foutre à un point...

      Bref, pour not’gamin, on a fini par dire « avec le vaccin, il pourra aller à la piscine ». Miracle du nudge. (il ne va plus à la piscine depuis mi-décembre qu’on nous l’a dit cas contact : une semaine de FFP2 à la maison, ça a suffit) (en fait, ce qui a emporté le morceau, c’est qu’on a posé la question à notre gamin qui nous a dit qu’il voulait être vacciné en particulier pour pouvoir retourner à la piscine).

      Il n’en reste pas moins que perso, je reste sur la ligne « on porte le FFP2, parce que personne ne mourra à cause de nous », ainsi que de la ligne « le sras n’aura pas l’opportunité de nous pourrir la vie ». Avec ou sans vaccin. Et pour la 4ème dose, j’avoue que ça ne me fait pas du tout envie, et que je préfèrerais vraiment qu’on se décide collectivement à appliquer la stratégie zéro-covid.

      Et n’empêche que je m’étais préparé au fait qu’on ne fasse pas vacciner le gamin. Je disais « je suis pour qu’on le vaccine » comprenant les doutes de ma compagne. Et comme il était hors de question de faire péter le couple pour ça, évidemment, j’avais préparé la solution de replis : cette solution, c’était FFP2 pour tout le monde, et retrait de toute vie collective à risque (sans masque). Je sais pour le lire un peu partout, que le port du masque H24 peut là aussi faire naître des tensions. Mais pour cela, je suis prêt à faire naître les tensions sur l’air « tu ne veux pas de vaccin, j’ai lâché l’affaire pour toi, s’il te plait, accepte qu’on porte le masque ».

      A ce sujet, du zéro-covid, je rigolais en lisant cet article de l’épidémio qui raconte qu’on en a tous marre, et je trouve son point de vue très juste tout du long. Il raconte aussi que le monde entier a laché le zéro covid, parce que Omicron, en ajoutant « sauf les chinois ». Je rigole, parce que les chinois, ils ont une population et une densité de population qui rend cette affirmation ridicule : le zéro covid est possible, même avec Omicron, et la preuve par la Nouvelle Zélande, le Japon, la Chine, et la Corée, et Hong Kong, et Taiwan, etc.

    • J’avais pensé que lorsque les gosses commenceraient à être massivement touchés, on verrait s’élever un mouvement de protestations fort et plutôt radical, genre, on met pas les mômes à l’école, les enseignants en grève reconductible, enfin le genre d’action qui était susceptible de bloquer la machine. Mais il nous faut hélas constater que la mise en danger des enfants, ce n’est pas encore suffisant pour allumer l’incendie de la révolte. La plupart des parents « s’adaptent » en trichant sur le protocole en papier crépon, certains enseignants s’adaptent en faisant double cours (présentiel et distanciel) ...
      Bref, tout ça argumenté par un discours rassuriste et/ou obscurantiste. En fait, dans ce déchainement d’individualisme forcené, t’as juste l’impression que la principale motivation de tes semblables est de préserver leur pouvoir d’achat afin de pouvoir continuer à consommer compulsivement comme des gorets, comme « avant ». Et surtout, aussi, de montrer avec ostentation que tu as encore une « vie sociale », mais compatible avec des critères consuméristes, hein ! C’est vraiment, comment dire ? Désespérant ?

    • je passe par là pour dire qu’on peut se sentir très seul vis-à-vis de proches (et parfois être contraint à la rupture pour pas devenir dingue, pour ma part j’ai mis fin à une amitié de plusieurs décennies, uneasy), mais aussi trouver des lieux et entours possibles, suffisamment attentifs à ce qui a lieu, sans craindre d’être minoritaire (j’espère que ce n’est pas un privilège isolé).
      ici, la coopération aide grave, ce qu’offre la fonction soignante diffuse de divers comptes twitter, ça participe aussi d’un minimum d’asepsie intellectuelle.
      J’imagine que vous avez lu les deux bons papiers parus sur PLI (santé communautaire ; libéralisme chez les militants). Il ya de quoi glaner aussi pour le quotidien difficile.
      là où je suis, il y a aussi du craignoss sous-jacent et de l’indifférence, mais je croise pas ça dans ma cuisine. je souhaite tout le courage et la patience possibles à qui vit dans le désaccord chez soi.

      sinon, je voulais hachetaguer car je me perds facilement.

      #covid-19 #individualisation #proches #masques #vaccin #covid-long #école #enfants #réinfections #protocole_tous_infectés #désorientation #dénégation #principe_de_non-précaution #biopolitique #va-mourir

    • Le texte sur la santé communautaire « pro vaccin, pro aération, pro masques »,
      https://seenthis.net/messages/942233

      (si c’est celui là dont tu parle @colporteur ) les retours que j’ai eu, à demi-mots, c’est que c’est trop clivant...

      Peut-être qu’en terme de stratégie, on pourrait effectivement être sensible à ne pas froisser les sensibilités (et calmer nos envies de meurtres).

      Nunatak a très bien tourné les choses dernièrement : https://seenthis.net/messages/945093

      (et c’est bizarrement passé inaperçu ici).

      Mais de bons textes comme réconfort, c’est bien faible , on a besoin de plus et surtout de personnes, de gens, du physique quoi.

      Allez zobi,
      jean peuplu

      (@monolecte déso je me suis un peu emporté, tu as raison de rappeller ces risques, je les connais, je pense que c’est important de le dire, même si personne n’a envie de les entendre).

    • L’autre texte utile paru sur PLI n’est pas moins « clivant ». Le premier s’en prenait à la dénégation et à l’individualisme. Celui-ci attaque le libéralisme existentiel (généralisé) dont relèvent bien des militants.
      Critiques de la gestion dite sanitaire et libéralisme militant
      https://paris-luttes.info/critiques-de-la-gestion-dite-15618

      Aucun des deux ne transpire selon moi le meurtre ou l’envie de meurtre que tu évoques, @tintin. Je ne crois pas que la stratégie (ici, le communisme) et les concessions verbales aient partie liée. Et pour ce qui est de la tactique, ces contributions à un débat qui n’a pas lieu depuis deux ans ne pouvaient pas ressembler à des bouquets de fleurs.

    • je me suis mal exprimé, franchement je ne sais même plus comment m’exprimer, si c’est clivant de dire que c’est bien de mettre un masque, d’aérer, et de se vacciner, que dire ? Bref.

    • et le texte de nunatak ne me semblent pas moins « clivant », dans le sens où on y assume des positions claires avec la base de la base de ce qu’il faut faire en pandémie, néanmoins peut-être un peu plus fin.

    • @sombre

      « J’avais pensé que lorsque les gosses commenceraient à être massivement touchés, on verrait s’élever un mouvement de protestations fort et plutôt radical, genre, on met pas les mômes à l’école, les enseignants en grève reconductible, enfin le genre d’action qui était susceptible de bloquer la machine. Mais il nous faut hélas constater que la mise en danger des enfants, ce n’est pas encore suffisant pour allumer l’incendie de la révolte. »

      Ah ben non, le seul début de mouvement de protestation ça a été contre le port du masque à l’école. Maintenant avec les gamins qui en sont à leur deuxième covid en deux mois (dont presque 4 semaines de vacances cf https://seenthis.net/messages/945459#message945625) on pourrait espérer y venir, ah, mais non je rigole, c’est pas grave, c’est « juste » un rhume (quand pas juste une grippe - on voit que les justunegrippe n’ont jamais risqué l’hosto avec justeunegrippe pour trouver la grippe easy).

  • Flahault sur LCI : La nouvelle hausse des contaminations en France provoquée par le BA.2, un sous-variant d’Omicron ?

    INTERVIEW - Attendu depuis plusieurs jours, le pic de la cinquième vague ne semble toujours pas atteint en France. Selon le Pr Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de Genève, un sous-variant d’Omicron pourrait compliquer la sortie de crise.

    Propos recueillis par Idèr Nabili - Publié le 20.01.22 à 13h22

    Le pic se fait attendre. Alors que le nombre de patients admis en soins critiques s’est stabilisé dans le pays, le nombre de contaminations, lui, ne cesse d’augmenter. Mercredi 19 janvier, plus de 436.000 personnes ont été testées positives en France, soit 20% de plus que le mardi précédent. Dans deux régions - l’Île-de-France et la Corse - le nombre de nouveaux cas avait pourtant diminué, avant de repartir à la hausse depuis quelques jours.

    Pourtant, certains de nos voisins constatent une baisse significative des contaminations. C’est notamment le cas du Royaume-Uni. D’autres, comme l’Espagne, semblent arriver au pic de cette cinquième vague. Mais pas la France. Parmi les hypothèses pour expliquer ce phénomène, la possible présence d’un sous-variant d’Omicron, baptisé BA.2, sur notre territoire. Le Pr Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de Genève (Suisse), répond à LCI.

    Le pic de la cinquième vague n’est toujours pas atteint en France. Comment l’expliquer ?

    Le niveau actuel de contaminations déjoue les pronostics de l’arrivée du pic. Cela me rappelle la situation à la mi-décembre. Nos modèles prédisaient alors un pic possible de la vague Delta, mais le variant Omicron est venu se brancher et il n’y a pas eu de redescente en France. Je ne sais pas si la remontée actuelle, un peu inattendue, est attribuable au variant Omicron, ou s’il faut l’attribuer à l’arrivée d’un sous-variant, comme c’est le cas au Danemark. Il faudra rapidement savoir si ce sous-variant échappe à l’immunité vaccinale ou naturelle.

    Que sait-on de ce sous-variant, baptisé BA.2 ?

    Ce sous-variant comporte 28 mutations de plus qu’Omicron, mais nous ne savons pas encore grand-chose. Il a été repéré dans plusieurs pays, comme en Israël, à Singapour, en Inde ou en Chine. Nous ne connaissons ni son origine, ni sa virulence, ni sa capacité d’échappement à l’immunité, y compris celle conférée par Omicron. En revanche, il semble qu’il soit plus contagieux. Il est d’ailleurs déjà devenu majoritaire au Danemark, un pays qui séquence beaucoup les souches. En France, le séquençage est moindre. Il est donc difficile de connaître la part réelle de BA.2, mais nous le saurons bientôt.

    Faut-il s’inquiéter de l’émergence de mutations ?

    Nous nous attendions à de nouveaux variants. Nous aurons forcément de fausses alertes, comme Deltacron. Mais je ne crois que ce soit le cas de BA.2, repéré par plusieurs équipes dans le monde. Il faudra rapidement savoir s’il échappe à l’immunité conférée par le vaccin et les infections antérieures et en connaître plus sur sa virulence. Regardons de près la situation danoise, qui sera la plus éclairante sur le sujet.

    Si ce sous-variant se confirme, doit-on s’attendre à une nouvelle hausse des contaminations dans les prochaines semaines ?

    Cette pandémie déjoue beaucoup les prédictions. Même à sept jours, je suis dans l’incapacité de dire si cela va redescendre ou continuer à monter. Si plusieurs vagues se combinent l’une sur l’autre, c’est encore plus difficile. La clé est de savoir si ce sous-variant peut atteindre des personnes qui viennent d’être contaminées. C’est peu probable, mais il faut l’étudier de près. Tant que nous n’avons pas la réponse à cette question, la prévision est un exercice très périlleux.

    https://www.lci.fr/sante/covid-19-cinquieme-vague-pandemie-la-nouvelle-hausse-des-contaminations-en-franc

    • Comment peut-on prédire un pic de contamination sans la moindre mesure de freinage effective ? Le télétravail est-il vraiment une mesure de freinage significative ? Comment peut-on tenter la moindre prédiction quand il a été décidé de ne rien faire contre l’agent pathogène considéré, à part en faisant l’hypothèse qu’il s’agit d’un simple caprice météo ? (métaphore filée récemment par Castigliola me semble-t-il)

    • #Covid-19 « On fait comme si de rien n’était »
      L’espoir d’un pic épidémique proche se dissipe

      Des mesures d’assouplissement ont été annoncées, mais le taux d’incidence n’a jamais été aussi élevé. Cette hausse tient-elle à un relâchement des comportements, à la rentrée scolaire ou à l’arrivée du sous-variant d’Omicron BA.2 ?
      Par Florence Rosier

      C’est un paradoxe auquel la pandémie de Covid-19 a fini par nous habituer. D’un côté, des contraintes sanitaires bientôt allégées, ont annoncé les pouvoirs publics jeudi 20 janvier ; de l’autre, de nouvelles infections qui atteignent un niveau inédit, a souligné Santé publique France (SPF) ce même jour.
      Dans la soirée, le premier ministre, Jean Castex, a en effet déclaré que le passe vaccinal, dont l’entrée en vigueur est prévue le 24 janvier pour les personnes de 16 ans et plus, devrait permettre de « lever la plupart des restrictions » . Le 2 février, trois contraintes seraient ainsi abolies : l’exigence du port du masque en extérieur, l’obligation du télétravail trois jours par semaine et les jauges dans les lieux accueillant du public.

      Ce même soir, pourtant, SPF signalait un nombre record de 425 183 nouvelles infections au SARS-CoV-2 déclarées au niveau national. Un niveau de contamination massif, jamais atteint jusqu’ici. « Je ne comprends pas comment, avec plus de 400 000 nouveaux cas par jour, on fait comme si de rien n’était », dit, perplexe, un épidémiologiste.

      https://justpaste.it/8g6rs

      #protocole_tous_infectés #biopolitique #va_mourir

    • Limiter les déprogrammations chirurgicales et médicales est « un enjeu majeur pour cette période », qui sera « source de tensions entre les différentes équipes médicales : le partenariat public-privé est un élément important de la réponse ».

      dixit le conseil scientifique - nous y voilà :-)

  • Sur la catastrophe en cours et comment en sortir - Serge Quadruppani & Jérôme Floch
    https://lundi.am/Sur-la-catastrophe-en-cours-et-comment-en-sortir

    Il y a tout de même pas mal de choses intéressantes dans cet article de Quadruppani (qu’on sait déjà mais dites au public antibiopolitique).

    On a pourtant aussi toutes les raisons d’écouter le cri de rage d’un ami infirmier, à qui j’ai fait lire l’interview de Lamarck : « Je voudrais surtout pas tomber dans le pathos, mais le subjectif est là, et je vais pas le refouler : quand tu as vu des personnes âgées qui ont un nom : Marthe, Francis, Suzanne, Mario, Huguette , Gilberte et tant d’autres, magnifiques, qui ne demandaient qu’à finir leurs vies tranquilles, sereines et entourées, partir en 24 heures, emballées dans des housses mortuaires, sans préparation, sans que leurs proches ne puissent les voir, ne serait-ce qu’une dernière fois, quand tu as vu tes collègues infirmières et aides-soignantes, pourtant pleines d’expérience, et qui savent tenir la « bonne distance » professionnelle avec la mort, te tomber dans les bras et pleurer de détresse, que tu as vu toute l’équipe soignante aller au tapis, frappée de plein fouet par le virus, et les rares soignantes encore valides rester à poste 18h sur 24, que tu as vu le quart des personnes prises en charge mourir en une semaine, les poumons bouffés par le virus, et qu’il s’en fallait à peine d’un mois pour que des vaccins soient disponibles... alors le gus qui te déclare, du haut de son Olympe conceptuel : « c’est la porte ouverte à la modification moléculaire de l’humain », tu as juste envie de lui hurler : « ta gueule, connard ! Tu n’as aucune idée de ce dont tu parles... ! » C’est con, hein ? »

    Non, c’est pas con, et d’autant moins que c’est assorti d’une critique des affirmations lamarckienne qui peut s’avérer fort utile pour dissiper les fantasmes attachés à ce vaccin à ARNm souvent au cœur des argumentaires antivax. « Bien, alors le truc affreux [d’après Lamarck] ce serait ces vaccins à ARN messager modifié « enrobés dans un vecteur complètement artificiel ». Le mot est lâché : « artificiel », sûrement opposé à « naturel ». Ne relevons même pas que bien des produits artificiels se sont révélés forts utiles, et que nombre de produits naturels peuvent être extrêmement nocifs. Le truc ici consiste à faire peur : c’est « artificiel » ! Pas bon ça ! Le vecteur en question est une microparticule avec 4 lipides (dont du cholestérol), 4 sels (chlorures de sodium, de potassium, dihydrogénophosphates de sodium, de potassium), du sucre (saccharose) et de l’eau... (c’est presque Bio !) Non, faut que ça fasse peur ! Car nous disent-ils tout ça « est injecté massivement depuis décembre 2020 sans tests cliniques suffisants tant sur l’innocuité que sur l’efficacité ». C’est évidement faux, les essais de phase I, II, et III ont bien eu lieu, et si la phase III se poursuit c’est pour étudier les effets secondaires inattendus, la durée de protection induite par la production d’anticorps et la mémoire immunitaire induite, et d’envisager le calendrier vaccinal de rappels le cas échéant … à ce jour près de 8 milliards de doses de vaccins contre la Covid ont été administrées, et près de 55% de la population mondiale a reçu au moins une dose (dont seulement 6% dans les pays pauvres). Jamais dans l’histoire des traitements et vaccins il n’y a eu une telle surveillance de pharmacovigilance. »

    Et jamais peut-être il n’a été aussi important d’éclaircir nos rapports avec la science en général, et avec la science médicale en particulier. L’humeur antivax est ancienne, en particulier dans des milieux où les ennemis du capitalisme se recrutent en grand nombre. Au risque de déplaire à bien des amis ou des alliés, disons-le sans détour : cette humeur repose pour l’essentiel sur des fantasmes sans fondement. Deux reproches principaux ont alimenté longtemps le refus de la vaccination, et, malgré tous les démentis, ont resurgi à la faveur de celle contre le Covid : son lien avec l’autisme et les accidents consécutifs à la présence d’aluminium. La première rumeur, qui eut d’abord les honneurs du Lancet, a ensuite été démentie et il s’est avéré que celui qui l’avait lancée était un escroc. Quant à la seconde, s’il est vrai que de l’aluminium a bien été ajouté à certains vaccins pour les booster, et que ce métal a, dans quelques cas, déclenché des réactions locales à l’endroit de l’injection, il n’a jamais entraîné d’accidents graves.

    […]

    On se gardera pourtant de reprendre à notre compte le vocable de « Big Pharma ». Pas seulement parce qu’on le retrouve systématiquement dans des bouches qui ont très mauvaise haleine, — est-ce un hasard ? — mais parce qu’il charrie une vision simpliste de ce à quoi nous faisons face et ne permet donc pas d’en saisir la complexité, les dynamiques et les rouages. « Big Pharma » est à l’ère des gouvernements biopolitiques revendiqués ce qu’était le mythe des deux cents familles au XIXe siècle. Il n’y a pas plus de gouvernement mondial secret que de Big Pharma, ce à quoi nous faisons face c’est à une coalition d’intérêts qui opèrent et prospèrent au sein d’un ordre du monde et d’une organisation sociale organisés par et pour eux. Il y a donc fort à parier que, à l’instar de toutes les structures étatiques, l’INSERM ne soit pas à l’abri de du lobbying général des grandes compagnies pharmaceutiques comme de l’influence de telle ou telle d’entre elles. Mais c’est justement parce qu’il s’agit d’une coalition d’intérêts particuliers et non pas d’une entité monolithique, qu’on peut compter sur l’existence de contradictions en son sein. Peut-on imaginer que s’il existait le moindre soupçon d’effets secondaires néfastes avec l’ARN, Johnson&Johnson et Astrazeneca, les concurrents sans ARN, épargneraient leurs rivaux d’une intense campagne de lobbying pour effrayer la population et récupérer tout le marché ? Et comment s’expliquer, sous le règne omnipotent de « Big Pharma » et du déjà un peu ancien « nouvel ordre mondial » que les stratégies sanitaires, idéologiques et politiques aient été aussi radicalement différentes des Etats-Unis à la France, d’Israël au Brésil, de la Suède à la Chine ?

    […]

    La vérité est à la fois beaucoup plus simple et complexe. Face à la pandémie, à la profondeur de ce qu’elle venait remettre en cause et au risque qu’elle faisait peser soudainement sur l’économie mondiale, les gouvernants ont paniqué. Et c’est cela que leurs litanies de mensonges devaient recouvrir, alors que tout leur pouvoir repose sur leur prétention à gérer et anticiper, ils ont dû bricoler, dans un premier temps du moins. Non pas pour sauver des vies mais pour préserver leur monde de l’économie. Au moment même où les appareils gouvernementaux de toutes les plus grandes puissances mondiales connaissaient leur plus grande crise de légitimité, certains ont voulu y voir le complot de leur toute puissance. Le complotiste aime les complots, il en a besoin, car sans cela il devrait prendre ses responsabilités, rompre avec l’impuissance, regarder le monde pour ce qu’il est et s’organiser.

    […]

    Dans la vidéo « La Résistance », dont le titre est illustré sans honte par des images de la seconde guerre mondiale, le Chant des Partisans en ouverture et Bella Ciao à la fin, on voit défiler les gourous anti-vax sus-cités. Renard Buté y nomme l’ennemi suivant le vocabulaire typique de QAnon : c’est l’ « Etat profond » et les « sociétés secrètes », il nous dit que le vaccin tue, que c’est un génocide qui est en cours, et qu’il faut s’y opposer par toutes sortes de moyens. La vidéo semble vouloir rallier les différentes chapelles antivax, de Réinfocovid au CNTf (organisation délirante, mêlant islamophobie, revendication du revenu garanti et permaculture, et partisane de rapatrier les troupes françaises pour… surveiller les frontières contre la « crise migratoire » et les banlieues), et après un appel à la fraternisation avec l’armée et la police (thème de prédilection du CNTf) débouche sur un autre appel… à la constitution d’une nouvelle banque qui serait entre les mains du peuple. Tout cela se mêle à des thèmes qui peuvent paraître pertinents aux yeux d’opposants radicaux au capitalisme : l’autonomie comme projet de vie, la manière de s’organiser et de faire des manifestations moins contrôlables, la démocratie directe… autant de thèmes et revendications qui pourraient sortir de bouches amies, voire des nôtres. Que ce genre de salmigondis touche pas mal de gens qui pourraient être des alliés, et que des amis proches puissent éventuellement avoir de l’indulgence pour ce genre de Renard fêlé, nous paraît un signe de l’ampleur de la secousse que la crise du Covid a provoquée dans les cerveaux.

    […]

    On a tendance, dans notre tradition très hégélienne de l’ultragauche à considérer que tout ce qui est négatif est intrinsèquement bon. Comme si par la magie de l’Histoire, la contestation de l’ordre des choses produisait automatiquement et mécaniquement la communauté humaine disposée à un régime de liberté supérieur. Pourtant, lorsque l’on se penche sur la nébuleuse anti-vaccin, c’est-à-dire sur les influenceurs et porte-paroles qui captent l’attention sur les réseaux sociaux, organisent et agrègent les énoncés et les rassemblements, on s’aperçoit qu’une écrasante majorité baigne depuis de longues années dans l’extrême droite la plus bête et la plus rance. Militaires à la retraite, invités hebdomadaires de radio courtoisie, lobbyistes contre les violences féminines (oui, oui...), il suffit de passer une heure à « googliser » ces porte-paroles autoproclamés pour avoir une idée assez précise des milieux dans lesquels ils grenouillent. Certes, on pourrait être magnanimes et essayer d’imaginer que l’épidémie de Covid ait pu transformer de telles raclures en généreux camarades révolutionnaires mais comment s’expliquer que les seules caisses de résonances que trouvent leurs théories alternatives sur le virus et l’épidémie soient Egalité et Réconciliation, Sud Radio, France Soir, Florian Phillipot, on en passe et des pires ? En fait, si on se peut se retrouver d’accord sur des énoncés formels, on bute bien vite sur un point fondamental, c’est-à-dire éthique : la manière dont on est affecté par une situation et à la façon que l’on a de se mouvoir en son sein. En l’occurrence, ce qui rend tous ces « rebelles » anti-macron aussi compatibles avec la fange fasciste c’est l’affect de peur paranoïaque qu’ils charrient et diffusent et qui sans surprise résonne absolument avec une longue tradition antisémite, xénophobe, etc. Et c’est là que l’on peut constater une différence qualitative énorme avec le mouvement gilets jaunes. Eux, partaient d’une vérité éprouvée et partagée : leur réalité matérielle vécue comme une humiliation. C’est en se retrouvant, sur les réseaux sociaux puis dans la rue, qu’ils ont pu retourner ce sentiment de honte en force et en courage. Au cœur du mouvement antivax se loge une toute autre origine affective, en l’occurrence la peur, celle qui s’est distillée des mois durant. La peur d’être contaminé, la peur d’être malade, la peur de ne plus rien comprendre à rien ; que cette peur du virus se transforme en peur du monde puis du vaccin, n’a finalement rien de surprenant. Mais il nous faut prendre au sérieux cette affect particulier et la manière dont il oriente les corps et les esprits. On ne s’oriente pas par la peur, on fuit un péril opposé et supposé, quitte à tomber dans les bras du premier charlatan ou sauveur auto-proclamé. Il n’y a qu’à voir les trois principales propositions alternatives qui agrègent la galaxie antivax : Didier Raoult et l’hydroxychloroquine, Louis Fouché et le renforcement du système immunitaires, l’Ivermectine et le présumé scandale de son efficacité préventive. Le point commun de ces trois variantes et qui explique l’engouement qu’elles suscitent, c’est qu’elles promettent d’échapper au virus ou d’en guérir. Toutes disent exactement la même chose : « Si vous croyez en moi, vous ne tomberez pas malade, je vous soignerai, vous survivrez. » Mot pour mot la parole biopolitique du gouvernement, dans sa mineure.

    […]
    Dans la soirée évoquée, ce n’est pas « quelqu’un du public » mais bien Matthieu Burnel lui-même qui avait ironisé sur les suceurs de cailloux !

    Parce que le pouvoir n’a jamais été aussi technocratique, livide et inhumain, certains tendent une oreille bienveillante aux premiers charlatans venus leur chanter « le vivant ». Mais l’engrenage est vicieux et une fois qu’on a adhéré à une supercherie du simple fait qu’elle prétende s’opposer au gouvernement, on a plus d’autre choix que de s’y enferrer et d’y croire. Lors d’une discussion un lundisoir, une personne du public avait commis quelques blagues peu finaudes à propos d’antivax qui lécheraient des pierres pour se soigner du cancer, et cela a apparemment provoqué quelques susceptibilités. Le problème en l’occurrence, c’est que cette plaisanterie n’était caricaturale que dans sa généralisation certainement abusive. Il n’en est pas moins vrai qu’Olivier Soulier, cofondateur de Réinfocovid assure soigner l’autisme et la sclérose en plaque par des stages de méditation et de l’homéopathie, que ce même réseau promulguait des remèdes à base de charbon aux malheureux vaccinés repentis pour se « dévacciner ». Autre nom, autre star, Jean-Dominique Michel, présenté comme l’un des plus grands experts mondiaux de la santé, il se propulse dès avril 2020 sur les devants de la scène grâce à deux vidéos sur youtube dans lesquelles il relativise l’importance et la gravité de l’épidémie, soutient Raoult et son élixir, et dénonce la dictature sanitaire à venir. Neurocoach vendant des séances de neurowisdom 101, il est membre d’honneur de la revue Inexploré qui assure soigner le cancer en buvant l’eau pure de l’une des 2000 sources miraculeuses où l’esprit des morts se pointe régulièrement pour repousser la maladie. Depuis, on a appris qu’il ne détenait aucun des diplômes allégués et qu’il s’était jusque-là fait remarquer à la télévision suisse pour son expertise en football et en cartes à collectionner Panini. Ses « expertises » ont été partagées par des millions de personnes, y compris des amis et il officie désormais dans le Conseil Scientifique Indépendant, épine dorsale de Réinfocovid, première source d’information du mouvement antivax. Ces exemples pourraient paraître amusants et kitchs s’ils étaient isolés mais ils ne le sont pas.

    […]

    Historiquement, ce qui a fait la rigueur, la justesse et la sincérité politique de notre parti, - et ce qui fait qu’il perdure-, c’est d’avoir toujours refusé de se compromettre avec les menteurs et les manipulateurs de quelque bord qu’ils soient, de s’être accrochés à une certaine idée de la vérité, envers et contre tous les mensonges déconcertants. Que le chaos de l’époque nous désoriente est une chose, que cela justifie que nous perdions tout repère et foncions tête baissée dans des alliances de circonstances en est une autre. Il n’y a aucune raison d’être plus intransigeant vis-à-vis du pouvoir que de ses fausses critiques.

    […]

    Au moment où l’idée même que l’on se faisait de la vie se trouvait acculée à être repensée et réinventé, on a critiqué les politiciens. Quand le gouvernement masquait si difficilement sa panique et son incapacité à exercer sa fonction fondamentale et spirituelle, prévoir, on a entendu certains gauchistes même anarchistes caqueter : si tout cela arrive, c’est qu’ils l’ont bien voulu ou décidé. Ironie cruelle, même lorsque l’État se retrouve dans les choux avec le plus grand mal à gouverner, il peut compter sur ses fidèles contempteurs pour y déceler sa toute puissance et s’en sentir finauds.

    Faire passer des coups de force, de l’opportunisme et du bricolage pour une planification méthodique, maîtrisée et rationnelle, voilà le premier objectif de tout gouvernement en temps de crise. En cela, il ne trouve pas meilleur allié que sa critique complotiste, toujours là pour deviner ses manœuvres omnipotentes et anticiper son plein pouvoir. C’est en cela que le gouvernant a besoin du complotiste, il le flatte.

    #Serge_Quadruppani #covid #antivax #gauche #émancipation #réflexion #science

  • Manifeste conspirationnniste, pub : Vaccins, « Great Reset »... Julien Coupat et le Seuil légitiment le complotisme d’extrême gauche - L’Express
    https://www.lexpress.fr/actualite/idees-et-debats/vaccins-great-reset-quand-julien-coupat-et-le-seuil-legitiment-le-complotis

    Une couverture noire, un titre choc, un éditeur prestigieux, une quatrième de couverture dont la grandiloquence prête à sourire ("Nous vaincrons parce que nous sommes plus profonds"), mais des auteurs masqués. Défendant une vision complotiste qui se veut de gauche, le Manifeste conspirationniste doit paraître le 21 janvier aux éditions du Seuil. 

    « Nous sommes conspirationnistes, comme tous les gens sensés désormais. Depuis deux ans que l’on nous balade et que nous nous renseignons, nous avons tout le recul nécessaire pour départager ’le vrai du faux’. Les ridicules autoattestations que l’on a prétendu nous faire remplir avaient bel et bien pour but de nous faire consentir à notre propre enfermement et de faire de nous nos propres geôliers. Leurs concepteurs s’en félicitent à présent. La mise en scène d’une meurtrière pandémie mondiale, ’pire que la grippe espagnole de 1918’, était bien une mise en scène » peut-on lire en préambule. Quelques lignes après : « L’acharnement furieux à balayer tout traitement qui n’impliquerait pas d’expérimenter des biotechnologies sur des populations entières, réduites à l’état de cobaye, avait quelque chose de suspect. Une campagne de vaccination organisée par le cabinet McKinsey et un ’pass sanitaire’ plus loin, la brutalisation du débat public prend tout son sens. C’est sans doute la première épidémie mortelle dont il faut convaincre les gens qu’elle existe. » Les 5,5 millions officiellement morts du Covid (selon l’Organisation mondiale de la santé, le bilan pourrait être deux ou trois fois plus élevé) ? Une manipulation statistique destinée à accélérer l’agenda néolibéral, si l’on croit cet ouvrage. 

    Le texte recycle des éléments qui font fureur dans la complosphère. En 2019, le Centre Johns Hopkins, financé par la Fondation Bill et Melinda Gates ou le Forum économique de Davos, a organisé l’Event 201, un exercice de simulation d’une pandémie de coronavirus. Ce serait là une des « preuves » que l’élite avait bien planifié cette crise sanitaire. Selon les auteurs, le timing de la pandémie ne devrait d’ailleurs rien au hasard. Au vu des mouvements sociaux de 2019 à Hongkong, au Liban, en Catalogne, en Chili ou en Colombie, les « puissances organisées » ayant « intérêt au maintien de l’ordre mondial » auraient voulu « siffler la fin de la récréation ». Et pour littéralement confiner les populations, rien de mieux donc que de créer la frayeur à travers un coronavirus. 

    "Les vaccins dominants sont plus néfastes que le virus"

    Sans surprise, la prouesse scientifique des vaccins à ARN ne trouve pas plus grâce aux yeux des auteurs du Manifeste conspirationniste : « La campagne mondiale de vaccination générale ne correspond à aucune rationalité médicale. Les ’vaccins’ dominants sont plus néfastes que le virus pour la plupart des gens, et n’immunisent pas contre la maladie en tant que telle. Ils favorisent même l’éclosion de variants plus virulents. Bref : ils ne satisfont que la passion d’expérimenter de nouveaux joujoux à l’échelle du globe, et la rapacité de ceux qui les vendent » assurent-ils. Rappelons tout de même que c’est la circulation du virus qui favorise l’émergence de nouveaux variants. Les vaccins, même s’ils sont bien moins efficaces contre Omicron, limitent les contaminations et donc les chances de se répliquer du virus. Leur protection contre les formes sévères de Covid reste, elle, conséquente. 
    Le livre reproche notamment à la France d’avoir masqué les effets des vaccins sur les troubles menstruels. Or, selon une récente étude publiée dans la revue Obstetrics & Gynecology, juste après avoir reçu un vaccin contre le Covid-19, le cycle menstruel est rallongé de moins d’une journée en moyenne, un effet non-grave et qui apparaît comme temporaire.

    #paywall ou #datawal express au choix... si vous avez accès aux élucubrations anti-gauchistes du journal...

    "Le conspirationnisme procède de l’anxiété de l’individu impuissant confronté à l’appareil gigantesque de la société technologique et un cours historique inintelligible. Il ne sert donc à rien de balayer le conspirationnisme comme faux, grotesque ou blâmable ; il faut s’adresser à l’anxiété d’où il sourd en produisant de l’intelligibilité historique et indiquer la voie d’une sortie de l’impuissance.
    On peut bien s’épuiser à tenter d’expliquer aux « pauvres en esprit » pourquoi ils se trompent, pourquoi les choses sont compliquées, pourquoi il est immoral de penser ceci ou cela, bref : à les évangéliser encore et toujours. Les médias peuvent bien éructer d’anathèmes. C’est le plus généralement sans effet, et parfois contre-productif.

    La vérité est qu’il y a dans le conspirationnisme une recherche éperdue de vérité, un refus de continuer à vivre en esclave travaillant et consommant aveuglément, un désir de trouver un plan commun en sécession avec l’ordre existant, un sentiment inné des machinations à l’œuvre, une sensibilité au sort que cette société réserve à l’enfance, au caractère proprement diabolique du pouvoir et de l’accumulation de richesse, mais surtout un réveil politique qu’il serait suicidaire de laisser à l’extrême-droite."

    http://www.fr.fnac.ch/a16372086/Anonyme-Manifeste-conspirationniste

    on peut s’attendre à des choses... diverses depuis ce recyclage esthétisant du _"cospirare vuol dire respirare insieme", de 1977 (Radio Alice, Bologne)

    #conspirationniste mais... #covido-négationnistes

    • quoi qu’il en soit je crois qu’il faut davantage prendre au sérieux les quelques lignes de l’auteur relayées par la fnac que tel ou tel journal du pays des lumières éteintes qui trouve à justifier une énième dénonciation des gauchistes (qui n’existent plus).

      Sans en appeler encore aux mânes de Thomas Muntzer (qui croirait aujourd’hui faire advenir le paradis sur terre ?), je suggère de (re)lire l’historien Nicolas Guilhot sur ces modalités de refus théories du complot et impasses du debunking
      https://seenthis.net/messages/941895

      plutôt que de dire "négationniste"quoi qu’en ait l’inventeur mort de ce terme si bienvenu pour caractériser son objet il me semble que dénègateurs serait plus approprié.

      intention. il ne s’agit pas non plus semble-t-il de s’enrôler comme tant d’autres voix dans le ou les complotismes (les théories du complot) mais d’en proposer une signification afin d’armer une conspiration contre ce monde.

      (je fulminerais plus tard, à la lecture)

      #conspirationnisme #livre

    • l’apocalypse dévoilée par l’Express, suite et fin

      Le constat n’a rien de surprenant. En 1913, il avait déjà été montré que la vaccination contre la typhoïde était associée à des irrégularités du cycle menstruel.

      Au-delà du Covid, le livre défend la thèse qu’être lucide sur l’état du monde ne peut que mener au conspirationnisme. Les conspirationnistes sont ceux qui cherchent des vérités cachées. Les autres ? Des « somnambules », des « endormis », des « esclaves » assoupis par les « fact-checkers » journalistes, forcément complices du pouvoir. « Dans un monde de paranoïaque, ce sont les paranoïaques qui ont raison », assure [profond, ndc] ce manifeste. On apprend ainsi que le réchauffement climatique aurait été sciemment voulu par l’élite néolibérale ("rien de tel que les catastrophes pour créer de la rareté, donc de nouveaux marchés et de nouveaux sujets économiques"). Que tous les objets de notre environnement, de la pissotière au smartphone, sont planifiés à nos dépens par des designers malveillants ("sous chaque détail de notre environnement se cachent des desseins informulés"). Qu’il faut se méfier du CNRS car il aurait été impulsé par la maléfique Fondation Rockefeller. Ou même que l’immunité serait une notion biologique idéologiquement nocive. « Avec ses systèmes de détection en éveil, ses menaces d’invasions, ses corps étrangers à refouler et ses déplacements de commandos d’anticorps, elle exhale à plein nez le militarisme étatique de son époque de naissance [NDLR : le XIXe siècle]. »

      De La fabrique au Seuil

      « Ce livre est anonyme car il n’appartient à personne ; il appartient au mouvement de dissociation sociale en cours » peut-on lire au début. Le ton aussi insurrectionnel que lyrique, l’usage des italiques pour souligner un propos se voulant important, les illustrations situationnistes appartiennent pourtant à quelqu’un. Selon nos informations, ce Manifeste est ainsi l’oeuvre de Julien Coupat et de son Comité invisible. Auteur de L’Insurrection qui vient en 2007, ce groupe s’est retrouvé au coeur de l’actualité en 2008 avec l’affaire de Tarnac. Julien Coupat avait été arrêté par la police antiterroriste et mis en examen pour sabotage d’une voie de TGV. Libéré en 2009, il avait bénéficié d’une importante mobilisation, notamment de la part des milieux intellectuels de gauche, qui ont dénoncé une enquête policière orientée et bâclée. En 2018, il sera finalement relaxé par le tribunal correctionnel de Paris. La même année, lors d’une manifestation des gilets jaunes, Coupat a été interpellé et placé en garde à vue. On apprend dans ce livre que les auteurs ont participé à la manifestation sauvage contre le couvre- feu du 17 octobre 2020. « Nous étions ce soir-là quelques centaines, pour braver la nouvelle mesure de vexation, à déambuler de la place du Châtelet jusqu’à la gare de l’Est. En refaisant au passage la façade d’un petit commissariat. »

      Influent dans la gauche radicale, le Comité invisible a longtemps été édité par La Fabrique. Une maison fondée par Eric Hazan, marqué « à gauche de la gauche », qui a l’habitude des auteurs sulfureux (Houria Bouteldja, Norman Finkelstein...). Le passage chez un éditeur généraliste, le Seuil, propriété du groupe Média-Participations, peut surprendre, d’autant plus avec un contenu aussi ouvertement conspirationniste. Patron du Seuil engagé très à gauche, Hugues Jallon avait signé une tribune en faveur d’Eric Hazan au moment de l’affaire de Tarnac. Du côté de l’éditeur, on assure n’avoir pas hésité avant de publier ce texte présenté comme « littéralement très puissant » et proposant un « horizon d’émancipation ».

      Ce Manifeste conspirationniste n’a rien d’un point de vue solitaire au sein de la gauche radicale intellectuelle. En février 2020, le philosophe italien Giorgio Agamben, mentor de Coupat, avait par exemple publié une tribune sur le Covid qualifié de « simple grippe », dans laquelle on pouvait lire : « Il semblerait que, le terrorisme étant épuisé comme cause de mesures d’exception, l’invention d’une épidémie puisse offrir le prétexte idéal pour les étendre au-delà de toutes les limites. » Des propos dénoncés par Conspiracy Watch comme relevant d’un « complotisme sophistiqué ».

      Similitudes avec Philippe de Villiers

      Assisterait-on à une convergence des conspirationnismes d’extrême droite et d’extrême gauche ? Il est frappant de comparer ce Manifeste conspirationnisme avec les best-sellers de Philippe de Villiers, pourtant à l’opposé absolu sur l’échiquier politique. Comme dans Le jour d’après, on retrouve ici la théorie du Great Reset et une obsession pour Klaus Schwab, patron du Forum économique de Davos. Diffusée à partir de l’été 2020 sur Internet, avant d’être popularisée par le documentaire à succès Hold-up, cette théorie assure que le Great Reset, ou grande réinitialisation, serait un plan des élites pour instaurer un « nouvel ordre mondial » grâce à la pandémie. Au départ, il y a ce concept lancé par le Forum de Davos en juin 2020 appelant de ses voeux un « capitalisme responsable ». Un mois plus tard, Klaus Schwab en fait un essai, cosigné avec le prospectiviste Thierry Malleret ( Covid-19 : La Grande Réinitialisation, Forum Publishing). « Quel ridicule se sont donné les médias à faire passer pour une ’théorie de la conspiration’ ce qui figure en toutes lettres dans des livres qu’ils n’ont pas pris la peine de parcourir, eux ! », assure le Comité invisible. Nous pouvons les rassurer : L’Express a soigneusement lu La Grande Réinitialisation. Diagnostiquant l’échec du néolibéralisme, le livre plaide pour un capitalisme plus respectueux de l’environnement et pour l’avènement d’un monde plus inclusif, moins inégalitaire. Voeux pieux ? Bons sentiments ? Concept marketing un peu creux ? Sans doute. Mais voir dans le très scolaire essai de Schwab et Malleret un projet diabolique ne peut que faire sourire.

      Ce ne sont pas les seuls points communs entre Julien Coupat et Philippe de Villiers. Les deux dissertent sur la « biopolitique » qui viserait à imposer un projet transhumaniste. Les deux font de Jean Monnet, des Rockefeller ou de John Foster Dulles (secrétaire d’Etat américain sous Eisenhower) des figures diaboliques. En revanche, la différence de style est notable : emphatique et truffé de références intellectuelles chez le révolutionnaire, gouailleur et riche en anecdotes aussi amusantes qu’imaginaires chez le vicomte vendéen.

      Du côté du Seuil, on défend le livre en expliquant que le conspirationnisme représente un « réveil politique qu’il serait suicidaire de laisser à l’extrême droite ». Dans la course à la récupération politique des thèses complotistes, il est pourtant loin d’être certain que ce soit l’extrême gauche qui l’emporte. Paru en avril 2021, Le jour d’après de Philippe de Villiers a dépassé les 100 000 exemplaires vendus.

    • À ce point, il serait saugrenu de se demander s’ils conspirent, les 1 % qui détiennent 48 % de la richesse mondiale, qui fréquentent partout le même type d’écoles, de lieux et de gens, qui lisent les mêmes journaux, succombent aux mêmes modes, baignent dans les mêmes discours et dans le même sentiment de leur supériorité héréditaire.
      Évidemment qu’ils respirent le même air.
      Évidemment qu’ils conspirent.
      Ils n’ont même pas besoin de comploter pour cela.

      #plume (et du coup, il y a quand même de quoi alléger)

    • J’en parlais hier ici même, nous voilà donc bien revenu au socialisme des imbéciles (qui désignait l’antisémitisme rance de l’extrême gauche début XXème), bien sûr sous une forme différente. Tout cela a fini par accoucher du fascisme, en d’autres temps... évidemment.

    • Non, le nietzschéisme humanitaire des talk show de Stiegler, la gentillesse d’un hippie qui ne s’arrête pas au "chacun son trip" du gourou Fouché, restent malgré des intersections réelles et potentielles, distinctes de ce #messianisme apocalyptique. Le pari politique veut s’appuyer sur une dynamique présente où toute autorité se trouve fondamentalement récusée depuis l’expérience et la compréhension qui en découle (ce qui a pour avers la quasi déification d’individus sacrés par delà tout logique représentants et incarnation du vrai). Le spectre de la retombée antisémite de l’anticapitalisme hante la gauche, et d’autres. Pas de ça ici (c’est à vérifier par une lecture de l’ensemble).

      Avec cette modestie mégalomane artisane d’un dire par dessus le bruit, on est loin de ces postures minables.

      Ainsi, les quelques lignes citées dans mon seen précédent sont-ils la reprise d’une vérité constitutive découverte depuis la pratique par l’autonomie des années 70 en Italie ("conspirer c’est respirer ensemble"), appliquée ici aux militants de l’économie. Nonobstant des désaccords profonds quant au style politique de divers énoncés intenables (et dangereux), j’y vois une manière bien plus claire de dire la mondialisation du capitalisme mur que ce que les petits complotismes de gauche ont pu raconter à ce sujet ces dernières années. (voir les passages sur la Société du Mont-Pèlerin par exemple).
      Et ce bien que par certains aspects, le texte rappelle cette logique du dévoilement par l’exemple de la mystification du Sanguinetti-Censor Véridique rapport sur les dernières chances de sauver le capitalisme en Italie , dont on se souviendra qu’il faisait des BR un jouet aux mains des services secrets italiens. Jusqu’où faut-il croire à son intox ?

      Un choix de citations qui jalonnent (ah ah ah) ce texte pour inciter à aller y voir

      Le pouvoir est un rapport de forces complexes
      http://palimpsestes.fr/textes_philo/foucault/pouvoir.html

      « La différence entre une pensée vraie et un mensonge consiste dans le fait que le mensonge requiert logiquement un penseur et non la pensée vraie. Il n’y a besoin de personne pour concevoir la pensée vraie. […] Les seules pensées auxquelles un penseur est absolument nécessaire sont les mensonges. » (Wilfred R. Bion, L’Attention et l’Interprétation, 1970)

      « Une opinion largement répandue veut que la terreur fasciste n’ait été dans l’histoire moderne qu’un épisode éphémère, à présent heureusement derrière nous. Je ne peux partager cette opinion. Je crois que la terreur est profondément enracinée dans les tendances mêmes de la civilisation moderne, et plus spécialement dans la structure de l’économie moderne. […] Le système moderne de terreur revient essentiellement à l’atomisation de l’individu. Nous tremblons devant les tortures infligées aux corps des hommes ; mais nous ne devrions pas être moins horrifiés par la menace sur l’esprit des hommes. La terreur accomplit son travail de déshumanisation par l’intégration totale de la population en collectivités ; elle vise à priver les hommes des moyens psychologiques de communication directe entre eux malgré le – ou plutôt à cause du – formidable appareil de communications auquel ils sont exposés. L’individu en situation de terreur n’est jamais seul et toujours seul. Il s’engourdit et s’endurcit non seulement vis-à-vis de son voisin, mais vis-à-vis de lui-même ; la peur lui dérobe son pouvoir de réaction émotionnelle et mentale spontanée. Penser devient un crime stupide ; cela met en danger sa vie. La conséquence inévitable est que la stupidité se répand comme une maladie contagieuse parmi la population terrorisée. Les êtres humains vivent alors dans un état de stupeur – dans un coma moral. » (Leo Löwenthal, « L’atomisation de l’homme par la terreur », 1946)

      « gouverner, c’est mettre vos sujets hors d’état de vous nuire et même d’y penser » (Machiavel, Discours sur la première décade de Tite-Live)

      Un point de vue d’historien récemment relié ici, qui remonte plutôt au communisme qu’a son avatar socialiste : D’un chaman à l’autre : théories du complot et impasses du debunking https://seenthis.net/messages/941895

      Chez Muntzer et dans la Guerre des paysans, une croyance en dieu se libérant de l’église, la Réforme, avait été tordue : c’est sur terre que le paradis pouvait être instauré, par les croyants.

      Ici, on veut partir de l’expérience commune, par delà les chiffres décrivant la pandémie, ce que la sensibilité retient le mieux c’est la dureté des traitements (un phénomène courant avec des cancers passant inaperçus jusqu’à ce que ce soient les traitements qui rendent malades). Les dégueulasseries d’Agamben sur "la gripette" ne lui appartiennent pas, pas plus qu’elles n’appartiennent à Peronne, Macron (c’est une mauvaise grippette de l’économie, qui n’en mourra pas et en sortira renforcée), Raoult ou Fouché.

      Je préfèrerais que ce qui compte dans les esprit soit une affirmation fausse (le paradis sur terre, or on sait que nulle harmonie ne viendra nous sauver) plutôt que la dénégation actuellement de rigueur (bien au-delà des "radicaux dont il est question là https://ravageeditions.noblogs.org/post/2020/05/01/denegations-maria-desmers on peut y inclure les salauds de la déclaration de Great Barrington)

      Il s’agit toujours d’opérer un partage dans le partage, de cliver ce qui tient lieu de commun (destin, situation, croyance). Le coup de dé tenté ici pour un renversement (il y a un siècle il s’agissait de "transformer la guerre impérialiste en guerre civile") me parait plus que glissant. Il persiste à se penser en majesté, contrairement à l’attention et au soin qui conditionne l’existence de néoténiques de longue durée voués à l’interdépendance https://seenthis.net/messages/944319

      Oui, le plaisir d’échapper aux tendances victimaires qui nous tiennent, nous, les perdants, se paye certainement trop cher, on le sait des avoir vu d’exécrables exemples : https://lundi.am/La-guerre-veritable

      C’est au point que Lundi matin semble peut-être ne plus s’en tenir à un pluralisme pour la montre et a voulu répondre par avance à la sortie de La conspiration qui vient :
      https://lundi.am/Sur-la-catastrophe-en-cours-et-comment-en-sortir

      Parce que le pouvoir n’a jamais été aussi technocratique, livide et inhumain, certains tendent une oreille bienveillante aux premiers charlatans venus leur chanter « le #vivant ». Mais l’engrenage est vicieux et une fois qu’on a adhéré à une supercherie du simple fait qu’elle prétende s’opposer au gouvernement, on a plus d’autre choix que de s’y enferrer et d’y croire.

      Dans et contre la #biopolitique. Nous n’en avons pas fini avec l’errance, et les confrontations. Mais, après deux ans, la sidération s’atténue. Et c’est ce que je veux retenir depuis l’an neuf qui a vu la publication enfin d’un point de vue militant (-Pour une santé communautaire-, PLI) qui dise la centralité d’un point de vue (et non pas de "la" science !!) qui parte de la "réduction des risques" contre la société du risque et sa gestion (Ewald, Medef, et alii), et tout ce que "les gauches" et chacun.e de nous lui offre et lui laisse comme terrain.

      Pour revenir sur cet l’opuscule, malgré la disqualification qu’entraîne la théorie de la grippette, je ne crois pas possible de rejeter le texte avant lecture.
      Divers rejetons de l’appelisme ( http://1libertaire.free.fr/Appel01.html ) - plus qu’un courant, une empreinte dominante depuis la lutte contre le CPE parmi bien des révoltés en recherche - en diront quelque chose. Et c’est aussi sans eux qu’il y a à collectivement passer en revue les tours de passe passe et les impasses d’un texte qui ne table pas exclusivement sur son aptitude à séduire.

      Après tout, ce qu’en disait la promo de l’éditeur adressée aux libraires en début d’année, et dépubliée depuis, n’est pas rien. :

      Le conspirationnisme procède de l’anxiété de l’individu impuissant confronté à l’appareil gigantesque de la société technologique et un cours historique inintelligible. Il ne sert donc à rien de balayer le conspirationnisme comme faux, grotesque ou blâmable ; il faut s’adresser à l’anxiété d’où il sourd en produisant de l’intelligibilité historique et indiquer la voie d’une sortie de l’impuissance.

      #singularité #histoire

    • Merci pour tous ces liens et réflexions @colporteur .
      Loin de moi l’idée de dire que Coupat ou Stiegler sont des antisémites. L’histoire se répète rarement (et même jamais) à l’identique. Ce qui me frappe ce sont ces schémas de pensée, absolument pauvres. Ils ont beau être bien tournés, bien écrits, bien parlés (sûrement mieux que ce dont je suis capable de produire), ces discours sont d’une simplicité confondante. C’est ce simplisme qui a conduit des anti-pass/anti-vax de gauche comme de droite (extrême) à défiler main dans la main. Le fascisme est venu en partie de syndicalistes révolutionnaires il y a plus d’un siècle. On ne se dit jamais ou rarement fasciste comme ça, du jour au lendemain, on le devient sans crier gare, au fil du temps, par glissement continuel sur des pentes dangereuses.
      Bon, je n’ai pas lu l’ouvrage en question donc je ne pourrai en dire plus, peut-être que c’est éloigné de ce que je peux présupposer.

    • Bon, au moins n’est tu pas lassé par ce qui pourrait apparaître comme des leçons vu la quantité de mots et de références que charrient des élucubrations où je tourne en rond à me demander ce que c’est et comment ça marche. Ça évite un malentendu puisque je ne sais que penser de ce machin, entre rejet viscéral, curiosité, et un certain effroi.

      Sinon, je ne trouve pas que Stiegler écrive :-). Et son cas est surtout différent du fait qu’elle ne dit pas, elle « il faut conspirer contre ce monde » mais se contente de dénoncer un complot (idée à la racine de laquelle, par « chez nous », on retrouve toujours un antisémitisme : le Juif c’est une fonction dans le monde des Gentils, un embrayeur).

      Ce « Manifeste » m’intéresse de proclamer que rien ne se réglera sans conflit depuis la trame même des existences (respirer ensemble), que la conspiration n’est pas l’apanage des dominants. Si j’ai des réserve sur l’abolition des classes qui y est bien prématurément à l’oeuvre, sous couvert d’appel au sensible et aux formes de vie, c’est ce retournement que je trouve juste. Et puis ce texte se disqualifie de s’appuyer, sous prétexte qu’il règne, sur le mensonge.

      Dérive du style post situ, le faux y devient un moment du vrai. C’est étrange. Mais si ça, ça rappelle effectivement les négationnistes d’ultra-gauche (la fausse question de l’existence des chambres à gaz pour mettre à nu l’autolégitimation de démocraties qui nous relieraient religieusement dans la conviction que « les camps de concentration sont l’enfer d’un monde dont le paradis est le supermarché. ») ? j’essaie comme je l’ai dit d’attendre d’avoir lu et échange sur cette lecture, de ne pas céder trop vite à la colère.

    • Et si conspirer était une bonne idée ? Hervé Kempf
      https://reporterre.net/Et-si-conspirer-etait-une-bonne-idee

      (...) parce qu’on étouffe que cela fait un grand bien de lire le Manifeste conspirationniste.

      Le Manifeste estime clairement que la gravité de la pandémie a été exagérée, mais surtout qu’elle a été « une divine surprise », permettant de mettre en œuvre des stratégies de contrôle préparées de longue date, afin de mettre un terme à des révoltes de plus en plus massives.

      La thèse reste cependant inaboutie, dans la mesure où elle n’indique ni ne suggère clairement ce qu’il aurait fallu faire devant la pandémie. Certes, « le Covid est une maladie de civilisation, comme le cancer. Au vu du caractère bénin de l’affection chez la plupart des sujets, il faut bien admettre que, s’il y a une ‘cause’ à celle-ci, c’est bien moins le virus lui-même que l’état pathologique normal propre à ce monde ». La focalisation exclusive sur le vaccin et les mesures policières qui l’accompagnent, au détriment de toute politique de santé publique sur les maladies - dites comorbidités - qui accroissent la vulnérabilité au virus, confirme la validité de ce point de vue. Il aurait cependant été utile d’être plus explicite, le refus des injonctions ne pouvant suffire à convaincre.

      « Pendant des millénaires, avant que la biologie ne vienne tout embrouiller, ce que l’on appelle à présent “le #vivant ” était plutôt l’animé — ce qui est doté d’une âme. En latin, en grec, en hébreu et dans tant d’autres langues, la notion d’âme — anima, psyché, rouakh — renvoie au souffle, au vent, à la respiration. Ce qui est vivant est donc ce qui est traversé, traversé d’un souffle. Vivre, ce n’est pas être un centre organique autogène, ni même une volonté de puissance ou une forme d’organisation — c’est participer de ce qui nous entoure. C’est être en état de participation cosmique. »

    • La focalisation exclusive sur le vaccin et les mesures policières qui l’accompagnent, au détriment de toute politique de santé publique sur les maladies - dites comorbidités - qui accroissent la vulnérabilité au virus, confirme la validité de ce point de vue.

      J’en peux plus d’entendre cet argument moisi depuis le tout début de la part de la gauche/des écolos/anti-industriels. J’en peux plus parce que c’est parfaitement vrai MAIS que c’est dans le même temps pourtant évident que rationnellement ça n’a aucun sens pour sauver concrètement les gens LÀ MAINTENANT.

      Se battre contre le sucre, l’obésité, le diabète, les produits cancérigènes, etc, c’est parfaitement nécessaire et obligatoire, mais ce sont des combats sur des années, pour que par génération ces maladies syndémiques du monde capitaliste et industriel se réduisent petit à petit.

      À aucun putain de moment il n’y a d’actions de santé publique possibles qui va D’UN COUP faire disparaître l’obésité, le diabète, etc, et faire que les gens qui ont le covid AUJOURD’HUI n’auront magiquement presque plus de cas graves réa/mort.

      Donc les anti-indus bas du front et comités invisibles brillent surtout par leurs mesures invisibles pour sauver des vies NOW. Et quand on dit sauver des vies, c’est pas juste une image, c’est pas du putain de luxe de riches de vivre un peu mieux, etc, on parle de millions de gens dans le monde qui sont morts à cause de ça en moins de deux ans et encore plus qui vont finir avec des séquelles permanents de covids longs (rappel aux anti-indus français : tout le monde n’a pas la chance d’avoir encore la sécu et des hopitaux publics qui marchent encore et qui ont pu sauver beaucoup de gens, alors même que le but réel doit être de NE PAS arriver à l’hopital du tout !).

      Depuis le début on le dit tout en critiquant le gouvernement pour sa gestion autoritaire : qu’est-ce que NOUS on aurait mis en place pour se protéger les un⋅es les autres ? Pour se protéger réellement MAINTENANT, pas pour réduire les cancers dans 50 ans !

      Ces philosophes discutent la fin des temps, etc, mais sont même pas capable de faire la distinction entre des actions qui s’appliquent en mois, et des actions qui s’appliquent en décennies.

    • l’invocation de La Solidarité comme valeur absolue sert seulement interdire de poser les questions vitales : « avec qui ? sur quelle base ? contre qui dans quelles relations ? »
      Nous interdire de nous les poser, c’est nous interdire de nous défendre contre ce qui nous affaiblit. Contre ce qui nous tue. C’est vouloir nous rendre malades. Et nous livrer à nos bourreaux. Cela advient même physiologiquement chez toutes ces victimes de « #Covid_long » qui n’ont en réalité jamais contracté la maladie. En vertu de l’effet nocébo, ils sont littéralement malades de solidarité ». p. 273

    • La pub écolo droits de l’homme

      Le Manifeste estime clairement que la gravité de la pandémie a été exagérée, mais surtout qu’elle a été « une divine surprise »

      #Raphael_Kampf relève dans Reporterre le clin d’oeil maurrassien, mais ne le commente pas. Dans les gamelles de Maurras, quelle genre de cuisine fait-on ?

      [MBK] a raison sur un certain nombre de points, comme l’idée qu’il n’y a pas de véritable danger dans la pandémie et que l’hystérisation autour de ce virus est profitable financièrement à bien des intermédiaires

      #Stéphane_Zagdanski, Lundi Matin 17/1/2022.

      https://lundi.am/A-quoi-comparer-cela

      les échanges entre covid-négationistes

      Toujours aussi passionnant à lire. Ici, l’application des théories cognitives, de psychologie sociale et comportementale - développées depuis les années 60 aux USA pour la domination et la régulation des populations - lors de la « crise » de 2020 !

      https://twitter.com/SZagdanski/status/1485308377475518473
      La Gestion Génocidaire du Globe @SZagdanski
      et aussi : @parolesdesjours

      (Liké par Aude Lancelin)

      Il tient un séminaire youtube « La Gestion Génocidaire du Globe Réflexion sur l’extermination en cours » pas moins.

    • En ce 24 janvier, l’organe du Horsolistan persiste dans le n’imp

      « C’est donc tout à fait logique que l’on ne trouve pas d’alternatives au vaccin pour justifier son refus. L’équation en face de nous n’est pas vaccin vs tisane au miel mais vaccin vs révolution. »

      https://lundi.am/Toujours-sur-la-catastrophe-et-comment-en-sortir

      avec un autoportrait

    • Ce dernier article est une réponse à https://seenthis.net/messages/945088

      c’est que la science d’État ne cesse pas d’imposer sa forme de souveraineté aux inventions de la science nomade : elle ne retient de la science nomade que ce qu’elle peut s’approprier, et, pour le reste, elle en fait un ensemble de recettes étroitement limitées, sans statut vraiment scientifique, ou bien le réprime et l’interdit simplement

      Ou bien… plus prosaïquement… c’est qu’une bonne partie de ces recettes ne marchent pas ? Sauf que comme durant tout le long cette personne parle dans le vide en ne donnant aucun exemple concret de ce qui marcherait ou pas, ça reste dans la théorie, donc improuvable et indiscutable.

      la science impériale veut s’imposer partout, les sciences nomades sont traquées et détruites. Lorsque le prestige des sciences itinérantes est trop important, des ersatz farfelus et inoffensifs viennent également les remplacer et servir de fausses alternatives aux crétins.

      Sert à critique ensuite Raoult, Fouché etc, sauf que pareil : autrement que « en théorie ça existe », de quoi parle-t-on ça évoque des savoirs nomades qui ne sont ni la science d’État, ni les faux prophètes ?

      Je veux bien que ça existe, et c’est totalement avéré qu’il y a certaines maladies qui peuvent être soignées avec des plantes locales ou diverses méthodes non chimie de synthèse, mais c’est toujours à voir au cas par cas : telle maladie c’est possible et telle autre pas du tout.

      Il n’y a strictement aucun raisonnement magique qui ferait que 100% des maladies (et pire épidémie, pandémie générées par le capitalisme) pourraient forcément se soigner avec un « savoir nomade » qui ne soit ni science industrielle, ni la tisane au miel.

      Du reste, l’aération et les (vrais) masques, sont des solutions plus appropriables, mais qui dépendent tout autant du savoir : le fait qu’on sache de manière certaine que le virus se transmet par aérosol, c’est dû à la recherche par « méthode scientifique », avec des tests reproductibles, etc, et non à un magique savoir nomade qui viendrait… d’où ? L’article ne le dit jamais, on ne sait pas d’où ça sort, par qui, par quelles méthodes…

      On se retrouve avec d’un côté une réponse impériale à la pandémie, de l’autre des sciences nomades inaudibles et invisibilisées par la répression

      Mais QUELLES sciences nomades ? Quoi ? Qui ?

      mais peut-être également s’en remettre à certaines inventions farfelues qui s’avéreront efficaces

      Le flou, le peut-être, la théorie (enfin ya rien de « théorie » là dedans, c’est surtout de la pensée magique)

    • Bé non @alexcorp justement ce n’est pas ça puisque l’article critique l’option « la tisane au miel » + Raoult Fouché etc. Les « savoirs nomades » dont il parle sont un concept issu de Deleuze, et qui concernait des savoirs et outils « qui marchent vraiment » mais qui ne sont ni de la science capitaliste industrielle ni de la tisane au miel. Sauf que comme je le dis, ça reste tellement dans le flou théorique total, sans le moindre début d’exemple, et ça veut tellement rien dire d’une maladie ou accident à l’autre, que ça veut rien dire tout court, pour l’instant, de mon point de vue.

    • @rastapopoulos effectivement, dans ce cas pour ce qui est de définir ce qu’est le « savoir nomade », je pencherais plutôt pour dire que c’est avant tout un positionnement intellectuel surplombant qui n’a pas besoin de se définir, c’est à dire qu’il sert à mépriser à la fois tous les tâcherons qui suivent bêtement toute démarche scientifique et à la fois les remèdes de grand-mère, parce que quand même faut pas déconner. Donc voilà ce qu’est probablement le concept de « savoir nomade » : une pirouette de mauvais philosophe.

    • oups, confondant sans doute avec un autre fils nommé Raphaël (qui travaillait pour son père), j’ai par erreur écrit Raphaël Kempf (honorable avocat, jusqu’à plus ample informé) en lieu et place de son père, Hervé Kempf (Reporterre et ses penchants complotistes). c’est corrigé.

      Deux mots des morts - sur le Manifeste conspirationniste
      https://seenthis.net/messages/946004

      Émergentisme et effet de Seuil - Le Moine Bleu
      https://seenthis.net/messages/946423

    • Manifeste conspirationniste : le style conspirationniste
      https://www.en-attendant-nadeau.fr/2022/01/26/manifeste-style-conspirationniste

      Un livre sans auteur, tout de noir vêtu, avec titre en lettres blanches. Une épitaphe empruntée à Miles Davis, une quatrième de couverture mystérieuse et prophétique : « Nous vaincrons parce que nous sommes plus profonds. ». Un tableau apocalyptique et halluciné du monde entier, mais aussi des âmes, dont l’objectif semble de provoquer une peur panique. On entend souvent que notre époque est livrée au complotisme. Si cela est le cas, voici le livre qu’elle mérite. Mais comment ce Manifeste conspirationniste fonctionne-t-il ?

    • isolé, l’auteur publie un texte signé Comité invisible :
      COMMUNIQUÉ N°0
      https://schisme.org/comite-invisible/communique-n-0

      La parution récente d’un livre réellement anonyme et parfaitement inacceptable pour l’époque, Le manifeste conspirationniste, a fourni l’occasion d’une remarquable tentative de revanche de tous ceux qui s’étaient sentis humiliés, à ce jour, par les « succès » du Comité invisible. Le signal du lynchage public fut donné à L’Express par des « informations » émanant de la police – une filature mal faite suivie de l’interception et de la destruction des correspondances visant un « prestigieux » éditeur parisien, filature que l’on n’ose attribuer, une nouvelle fois, à la DGSI. La valetaille journalistique suivit courageusement, sans se rappeler combien hurler avec les loups contre le Comité invisible lui avait peu réussi par le passé. Au point culminant de sa campagne, elle se flattait de ne rien comprendre audit Manifeste, non sans s’être préalablement plainte que le livre était trop informé dans trop de domaines pour pouvoir le contredire – pauvres choux ! Et quelle singulière époque ! Pour finir, on vit se joindre à la curée les vieux partisans négristes d’une « biopolitique mineure » voire d’une « biopolitique inflationniste » dont la défaite historique coïncide très exactement avec le succès de leurs idées du côté de l’Empire : c’est maintenant Klaus Schwab, du Forum Économique Mondial, qui est invité au Vatican pour deviser avec le Pape François de son philanthropique projet de revenu universel. Quant à la « biopolitique inflationniste », personne n’a plus besoin de dessin, après ces deux dernières années. « Parce que la plus redoutable ruse de l’Empire est d’amalgamer en un grand repoussoir – celui de la “barbarie”, des “sectes”, du “terrorisme” voire des “extrémismes opposés” – tout ce qui s’oppose à lui » (« Ceci n’est pas un programme », Tiqqun 2, 2001), nos spectres négristes en déroute et autres sous-foucaldiens d’élevage s’empressèrent de crier à la « confusion », au « fascisme », à l’« eugénisme » et pourquoi pas – tant qu’on y est – au « négationnisme ». Il est vrai, après tout, que le Manifeste en question fait un sort au positivisme. CQFD. Ceux dont le cours des choses invalide depuis les Gilets jaunes au moins toutes les certitudes, préfèrent se dire que ce sont les révoltes elles-mêmes qui sont confuses, et non eux-mêmes. Le « fascisme » qu’ils discernent partout est celui qu’au fond ils désirent, car il leur donnerait sinon intellectuellement du moins moralement raison. Quelque chance leur serait alors offerte de devenir enfin les victimes héroïques en lesquelles ils se rêvent. Ceux qui ont renoncé à combattre historiquement préfèrent oublier que la guerre de l’époque se livre aussi sur le terrain des notions – sans quoi, au reste, Foucault n’aurait pas arraché la « biopolitique » à ses concepteurs nazis et comportementalistes. Nous laissons à la gauche impériale la croyance qu’il existe une sorte de révolution qui soit drapée de pureté, et que c’est en multipliant les anathèmes moralisants, les mesures de prophylaxie politique et le snobisme culturel que l’on défait les contre-révolutions. Elle ne fait ainsi que se condamner, décomposée derrière ses cordons sanitaires et ses gestes-barrières, agrippée à ce qu’elle croit être son capital politique accumulé – se condamner à voir sa rhétorique tendre asymptotiquement vers celle des gouvernants.
      Pour nous, nous préférons de loin donner des coups, en prendre et en redonner.
      Nous préférons opérer.
      Nous ne nous rendrons jamais.

      un site et un compte tw. avaient té créés en décembre dernier, @entetementrevue, https://www.entetement.com

      la distance prise d’avec LM s’accompagne d’une icono en n&b qui ravira, elle-aussi, les fans de Debord.

      #manifeste_conspirationniste

    • L’autre organe créé pour l’occasion : Entêtement - La prise des Champs-Élysées par le convoi de la liberté
      https://www.entetement.com/la-prise-des-champs-elysees-par-le-convoi-de-la-liberte

      Les routes de France sont habitées par un non-mouvement inconnu déjà largement méprisé. L’immanence de ce non-mouvement est antipolitique comme un certain autre non-mouvement de 2018. Voir ce surgissement de l’antipolitique en pleine campagne présidentielle montre le désir de vivre sans les tocards de la politique. Dès avant vendredi, les premières critiques ont fusé contre le convoi de la liberté. L’extrême gauche insulte et s’indigne sur leur smartphone et nie encore une fois la singularité de ce qui se trame sur les routes. Préférant encore une fois dénigrer et insulter ce non-mouvement de fascistes, de non-vax eugénistes, de conspirationnistes. Oui ! Il y a des groupes d’extrêmes droites, mais ils restent bien isolés face au reste de la composante de ce non-mouvement. Et non ! Cette puissance n’est pas contre la communauté, bien au contraire elle diffuse une joie immense de vivre ensemble de tenir un monde commun, de sortir de l’isolement du quotidien pour partager son expérience vécue. Toutes ces images de liesse au passage des convois sur les lieux de repos, cette entraide entre les êtres définissent la tonalité de cette puissance, de cette communauté qui circule. Il faut se rendre compte du vide métaphysique de la France laide périurbaine pour comprendre en soi le soulagement d’une irruption. Aux rageux qui continuent de pleurnicher perpétuellement sur la pureté, nous conseillons de tracer des lignes dans le néant de leur existence pathétique.

      L’ambition audacieuse du convoi de la liberté est de bloquer Bruxelles avec l’aide d’autres convois européens. Cela n’est pas sans rappeler un autre convoi cinématographique mené par Kris Kristofferson contestant les persécutions policières. Mais avant cela, il fallait s’attaquer au symbole même du mépris, s’attaquer à la Métropole, monter sur Paris. Si la tentative audacieuse du convoi de la liberté de bloquer Paris et son périph’ fut une bataille bien compliquée, la prise des Champs-Élysées pendant plus de huit heures fut une réussite. Ce fut une joie immense de revenir sur ces fameux Champs, de bloquer de nouveau cette incarnation d’un monde marchandisé, de se rappeler l’histoire de luttes, de ressentir encore à quel point la police n’aime personne et surtout pas les sentiments communs. La police avec ses intimidations et ses armes a échoué à détruire la volonté commune de bloquer les Champs. Quoi que l’on en dise, ce fut une victoire éthique de monter sur Paris et de tenir le symbole. La route est encore longue. Il y a encore de nombreuses occasions de porter des coups aux pouvoirs, il y a une variété de cibles à briser, pas seulement institutionnelles, mais aussi industrielles. Car, s’il semble qu’il y est quelque chose que le convoi ait compris avec les « gilets jaunes », c’est que le monde est logistique. Il ne reste plus qu’à approfondir les liens tissés dans ce convoi de la liberté, de continuer à s’organiser pour frapper fort. Comme nous l’avons vu inscrit sur les murs des Champs-Élysées samedi soir : « les conspirationnistes triompheront ! »

  • #Valérie_Gérard : « Ce #mouvement_anti-pass ne construit rien de commun mais prône la destruction de toute communauté » (Tracer des lignes)

    Essentiel : tel est le mot qui vient à l’esprit pour qualifier Tracer des lignes, le bref et percutant texte d’intervention que la philosophe Valérie Gérard vient de faire paraître aux passionnantes éditions MF sur la mobilisation contre le pass sanitaire. Car, depuis cet été, tous les samedis, on le sait, défile dans les rues de France un mouvement allant jusqu’à rassembler près de 300 000 personnes militant contre la mise en place d’un pass sanitaire. Mais qui compose réellement ce mouvement ? Lutte-t-il pour les libertés ou n’est-il qu’une variante d’extrême droite de la Manif pour tous qui a décomplexé l’homophobie en France ? A l’heure où l’antisémitisme règne sur les plateaux télé, cette lutte contre la dictature sanitaire et les grands groupes pharmaceutiques n’est-elle pas un nouveau tremplin pour les contre-révolutionnaires ? Autant de questions complexes et délicates que Diacritik ne pouvait manquer d’aller poser à l’autrice du déjà remarquable essai Par affinité. Amitié politique et coexistence le temps d’un grand entretien.

    Ma première question voudrait porter sur la genèse de votre salutaire Tracer des lignes : sur la mobilisation contre le pass sanitaire qui vient de paraître aux éditions MF. A quel moment précis avez-vous désiré prendre la parole sur ce mouvement français qui, cet été, a parfois rassemblé jusqu’à 300 000 personnes s’opposant à l’instauration d’un pass sanitaire ? Est-ce devant l’ampleur qu’y prenait l’antisémitisme notamment au mois d’août ou devant la tentation de certaines et certains de Gauche à vouloir participer à un mouvement dont le socle paraissait être la dénonciation du tout-sécuritaire de la gouvernance Macron ? Est-ce cette tentation qui vous a décidé à tenter de tracer des lignes claires afin de démêler ce mouvement qui dit l’époque, à savoir le confusionnisme ?

    J’ai d’abord eu besoin de mettre les choses au clair pour moi-même, après quelques conversations qui m’avaient laissée assez abasourdie ou perplexe, soit avec des gens qui m’expliquaient qu’ils défendaient la liberté contre l’autoritarisme en ne se faisant pas vacciner, et que se vacciner était un acte de collaboration avec la dictature en marche, soit avec des gens qui soutenaient sincèrement, mais un peu naïvement peut-être, qu’en participant à la mobilisation dite contre le pass sanitaire, ils œuvraient en faveur d’une troisième voie, la voie anti-pass mais pro-vaccins et pro-mesures sanitaires freinant la circulation du virus, sans s’interroger sur le sens d’une telle entreprise si elle reste inaudible. Si, sur les principes, sur les objectifs, les lignes peuvent être claires dans l’esprit de ces derniers, si c’est clairement depuis une position de gauche qu’ils contestent une nouvelle modalité du contrôle sécuritaire et l’autoritarisme de la présidence de Macron, on peut déplorer un aveuglement sur ce qui fait le sens d’un mouvement populaire. Ne pas poser la question de l’avec – avec qui on défile – et tolérer de se tenir aux côtés de manifestations d’antisémitisme ou de négationnisme de plus en plus décomplexées, c’est évidemment un problème.

    Mais ce qui m’a sans doute le plus déterminée est la confusion, qui règne dans beaucoup d’esprits depuis le début de la pandémie, entre la prise de mesures anti-covid et l’autoritarisme gouvernemental, confusion alimentée qui plus est par un usage purement idéologique de concepts philosophiques réduits à quelques clichés et mots d’ordre qui ne laissent de place ni pour la pensée ni pour une perception des faits. Je pense notamment aux concepts foucaldiens de « biopouvoir » et de « biopolitique », qui conduisent certains ou certaines à interpréter toute mesure sanitaire comme synonyme de contrôle de l’État sur les corps, preuve de la mainmise d’un gouvernement des médecins sur nos vies. C’est comme ça que, dès le premier confinement, on a vu un mouvement anti-sanitaire se développer en énonçant l’équivalence entre accepter des mesures anti-covid et se soumettre docilement à Macron ou même le soutenir. Ils ont réussi à configurer l’espace de sorte que la résistance aux mesures sanitaires paraisse la condition de la résistance au Pouvoir, et cet endroit-là est difficile à dénouer. De fait, cet été, des personnalités marquées à gauche qui prenaient position en faveur du mouvement contre le pass sanitaire d’abord au nom de la lutte contre le contrôle sécuritaire ont régulièrement tenu des propos antivax ou covidosceptiques, signe de l’inanité de la prétendue ligne « anti-pass, pas antivax ». C’est peut-être ça qui m’a poussée à prendre la parole publiquement, cette confusion-là, qui se réclame d’un héritage philosophique structurant à gauche, mais mal digéré et très malmené. Le discours idéologique sur le biopouvoir, figure cliché du mal sur laquelle toute mesure de protection devrait être rabattue (se laver les mains, mettre un masque…), fait obstacle à la possibilité d’une réflexion biopolitique qui soit horizontale et émerge des concernés et des concernées, comme celle qui s’était construite au moment de l’épidémie de SIDA et qui avait imposé, contre le déni des gouvernants, une véritable prise en compte de la maladie dans l’espace social et politique, ainsi que des mesures de défense contre la maladie.

    De nouveau, ce sont les malades, par exemple les personnes atteintes de covid longs, qui ont dû militer pour faire reconnaître cette dimension de la maladie, avec des médecins qui à leurs côtés tentent de trouver des thérapies, dans un espace institutionnel ou contre un espace institutionnel qui laisse peu de place pour ces soins, tant le problème a été nié longtemps en France. D’autres l’ont souligné avant moi : il n’y a pas de pouvoir des médecins dans cette pandémie, qui révèle tout sauf une emprise totale d’un biopouvoir sur nos vies. Le conseil scientifique est peu écouté et ses rapports sont régulièrement dissimulés, contre la loi qui exige qu’ils soient rendus publics sans délai, tant ils dérangent le pouvoir politique. Ça a été le cas l’hiver dernier lorsque le rapport préconisait un confinement que Macron refusait, ça a été le cas cet automne, où le rapport exigeant une solide politique de dépistage dans les écoles, que l’exécutif refuse, a été tenu secret 11 jours. Mais vous trouverez des gens qui confondent conseil scientifique et conseil de défense et vous expliquerons que le gouvernement des médecins a remplacé la démocratie. Beaucoup de médecins, loin d’avoir une position dominante dans la gouvernementalité à l’œuvre, travaillent au contraire autant qu’ils peuvent à la construction d’un mouvement critique d’un gouvernement qui multiplie les décisions les plus contre-productives d’un point de vue sanitaire.

    On notera qu’ils ne bénéficient d’aucun soutien du pouvoir politique lorsqu’ils sont harcelés et menacés de mort. Le Président préfère continuer à marquer sa déférence envers Raoult, un des héros des opposants et opposantes à toute mesure sanitaire, qui n’hésite pas à relayer des articles appelant à mettre à mort des médecins. On est donc très loin d’un gouvernement des médecins. S’il y a eu gouvernementalité biopolitique brutale, c’est sans doute dans la réduction de la vie au travail (dans les sphères duquel la circulation du virus était niée, et l’exposition au virus parfaitement assumée, « quoi qu’il en coûte »), et dans l’énoncé de la distinction entre « contacts utiles » et « contacts inutiles ».

    Mais, surtout, la biopolitique peut désigner autre chose. Quelques groupes réfléchissent à ce qui est possible en termes d’« autodéfense sanitaire », l’idée énonçant par elle-même la disjonction entre la question de la résistance au virus et celle de la soumission à Macron, ou plus généralement à un biopouvoir gouvernemental : une approche démocratique et égalitaire du virus et des mesures à prendre pour nous protéger les uns, les unes, les autres, et endiguer, autant que possible, sa circulation, est possible. Même si elle est entravée par le gouvernement. Ça pourrait même s’appeler « biopolitique », sans que ce terme désigne l’ennemi, si on était capable de penser que « politique » n’est pas synonyme de domination étatique. Il se trouve que c’est ce qui a été fait au Chiapas, alors que le gouvernement mexicain refusait de prendre des mesures anti-covid. Il se trouve que c’est ce qui a été fait dans certains quartiers au Brésil, dans certaines favelas, et que le pouvoir de Bolsonaro a interdit et entravé les mesures populaires et autonomes de défense contre le virus. Il suffit de regarder un peu au-delà des frontières pour voir à quel point l’identification entre combattre un pouvoir politique autoritaire et combattre toutes les mesures de défense sanitaire est inepte. Parfois, combattre le virus et combattre l’autoritarisme ou le fascisme font tout un. C’est aussi en me demandant comment on en est arrivé, en France, à assimiler se faire vacciner et soutenir Macron (la stupidité de la presse qui interprète le taux de vaccination comme un succès du Président donne un élément de réponse, mais pas suffisant), que j’ai éprouvé le besoin de tracer quelques lignes.

    Pour en venir au cœur de votre propos sur ce mouvement de prime abord nébuleux, la première ligne que vous tracez consiste à poser, en politique, la question de l’affinité. Vous avez signé en 2019 un important essai Par affinité. Amitié politique et coexistence dont votre propos ici démontre de manière imparable l’efficience intellectuelle et morale en ce que ce mouvement anti-pass pose selon vous une seule question si l’on admet, comme vous y invitez, à « se servir d’une boussole affinitaire dans ses prises de position » : avec qui défile-t-on ? En quoi ainsi la question centrale à se poser devant le mouvement antipass consiste-t-elle non pas uniquement à savoir pour quoi on défile mais avec qui on défile ? Peut-on défiler avec Florian Philippot et ne pas partager ses idées ? La manifestation n’est-elle précisément pas le premier lieu de toute communauté ?

    En effet, alors que, quand on pense la question de l’avec comme une question d’alliance, on croit pouvoir accepter n’importe quel allié pour atteindre ses fins, qui seules comptent – de toute façon, l’alliance, purement instrumentale, cessera une fois l’objectif atteint –, quand on la pense en termes d’affinités, on est conscient qu’une manifestation, qu’un mouvement social, constitue déjà, dans les formes qu’il prend, le monde qu’il cherche à faire advenir. Et avec qui on constitue un monde, ça compte. Toute manifestation est évidemment hétérogène et plurielle, mais on manifeste avec des gens avec qui des liens sont possibles et souhaitables. On est souvent attiré par un mouvement parce que les manières d’être, les types de lien qui y ont cours, sont désirables, et bonnes à partager dès maintenant (ou à l’inverse on est poussé hors d’un mouvement dont on aurait pu aimer le mot d’ordre parce que les manières et les liens y sont invivables – c’est ce que peuvent éprouver des femmes qui rejoignent un mouvement révolutionnaire et en sortent en constant sa structure sexiste et patriarcale). La question est moins de savoir si on peut défiler avec Philippot sans partager ses idées, que celle de savoir si on pense pouvoir partager quelque chose avec lui.

    Plus généralement, il n’y a pas en politique de principes désincarnés. Qui les énonce, en quels termes, avec quel ton, dans quelle conjoncture : ça change tout. Un « non à la surveillance de masse » énoncé par l’extrême-droite, avec une rhétorique antisémite et négationniste, ne peut être détaché ni de son milieu d’énonciation ni des moyens de son énonciation. L’imaginaire qu’il constitue en étant relayé n’est pas émancipateur, même si le mot d’ordre pourrait le faire croire. Dans la mesure le mouvement a surtout ce ton-là, où on a tous vu les affiches « pass nazitaire » avec des S évoquant la SS, le rejoindre, c’est le renforcer, et renforcer cet imaginaire, en augmentant la confusion générale. À défiler avec des fascistes contre l’autoritarisme, on risque alors surtout de renforcer le fascisme, et, à terme, l’autoritarisme.

    Prétendre défendre des principes et des objectifs quels que soient les alliés qu’on se trouve, faire passer des idées avant les gens, c’est agir en idéologue, pour qui le monde doit se plier aux idées, au mépris de ce qu’il se passe, en termes de constitution de forces, d’imaginaires, de liens, et déjà d’un monde. Partir non pas des idées mais des gens, ce qui est une autre manière de décrire la manière affinitaire de s’orienter, conduit à considérer, dans un mouvement, au-delà de ses objectifs affichés, ses moyens, les manières d’être qui s’y déploient, son répertoire d’action, les affects qui le traversent, l’atmosphère qu’il charrie. L’atmosphère qui accompagne ce mouvement, c’est la violence exercée contre des soignants et les soignantes, agressé·e·s ou menacé·e·s, c’est l’antisémitisme et le négationnisme (qui ont par ailleurs libre cours sur les plateaux de télévision), c’est l’affirmation d’un ultralibéralisme assez forcené.

    Un des points centraux de votre réflexion consiste à vous demander si ce mouvement de contestation, par son ampleur et ses enjeux, rejoint l’ampleur et les enjeux des mouvements de 2016 contre la Loi Travail et de 2018 avec les Gilets jaunes. D’emblée, vous affirmez à juste titre et avec force que ce mouvement contre le pass n’a rien à voir, en dépit de la présence de Gilets jaunes, avec le mouvement de l’hiver 18. Pourquoi vous semble-t-il différent ? Vous établissez notamment une différenciation majeure sur la nature de la violence : les Gilets jaunes n’ont jamais appelé à la violence contre des personnes mais ont uniquement commis des actes de vandalisme. Pourtant, les Gilets jaunes vouaient une haine manifeste à Macron. Quelle différence fondamentale émerge alors cependant ?

    Je suis en effet revenue sur la comparaison entre ce mouvement et le mouvement des Gilets jaunes parce qu’elle a été assez récurrente cet été. À gauche, beaucoup avaient vu dans le mouvement des Gilets jaunes, lorsqu’il a commencé, un mouvement poujadiste auquel ils ne voulaient pas se joindre, puis ils se sont rendus compte qu’ils passaient à côté de quelque chose et l’ont rejoint (ou ont continué à le mépriser en raison d’un certain mépris de classe). Pour certains ou certaines, il y a peut-être eu une peur de reproduire la même erreur. C’est ainsi que j’ai lu plusieurs fois des arguments du type : « ceux qui critiquent le mouvement anti-pass refont la même erreur que du temps des Gilets jaunes, ils passent à côté d’un grand élan démocratique et manifestent leur haine du peuple et leur mépris de la démocratie. » Comme la pandémie a interrompu une série de mouvements très forts (2016, 2018, comme vous le rappelez, mais aussi le mouvement contre les retraites juste avant l’arrivée du Covid), la tentation pouvait être grande de voir cette série reprendre cet été, sur un mot d’ordre qui a du sens à gauche.

    À mes yeux ce mouvement n’est pas une reprise des Gilets jaunes, même s’il peut y avoir des continuités de personnes, parce qu’il n’en reprend pas le sens, et n’installe pas la même atmosphère dans le pays. Le mouvement des Gilets jaunes était divers, il y a avait des gens d’extrême droite dans les cortèges, mais ils ne donnaient pas son ton au mouvement. C’était d’abord un mouvement de précaires contre une gouvernance capitaliste écrasante. C’était aussi un mouvement où, quotidiennement sur les ronds-points, du commun s’est construit. Ce mouvement anti-pass ne construit rien de commun. Il prône au contraire la destruction de toute communauté : comment qualifier autrement le refus de mesures partagées de défense commune contre un virus, le refus de mesures d’attention et de protection réciproques ? Ce refus est manifeste dans les formes que prend la violence. Alors que la violence des Gilets jaunes visait des symboles de l’oligarchie ou du pouvoir impérial (Fouquet’s, Arc de Triomphe…), la violence des anti-pass vise des centres de vaccination, des centres de dépistage du covid : des lieux et des symboles du soin, de la sécurité et de la solidarité sociales. Elle s’en prend aussi, ainsi, à des personnes, des soignant·e·s agressé·e·s, ou menacé·e·s, ce qui fait encore une différence avec la violence des Gilets jaunes. Certes ces derniers haïssaient Macron, mais en régime de présidence à ce point monarchique, il est difficile de distinguer l’homme de la fonction, la personne d’un régime écrasant et honni. Là, ils s’en prennent à des gens qui sont sur le pont depuis 18 mois pour soigner les gens et informer le public sur le fonctionnement du virus et les moyens de s’en protéger.

    Loin de ranger ce mouvement anti-pass du côté des Gilets jaunes et de pouvoir rabattre l’antisémitisme de ce mouvement sur celui de l’hiver 18, vous le rapprochez plutôt du mouvement de la Manif pour tous. En quoi ainsi s’agit-il pour vous d’un mouvement similaire ? Quelles sont leurs affinités respectives ? Vous dites notamment que, dans un cas comme dans l’autre, c’est « une force destructrice de l’égalité et des libertés qui s’ancrent dans l’égalité ». En quoi s’agirait-il donc d’un mouvement qui, en fait, sous prétexte de liberté, attaque l’émancipation ? Pourquoi, selon vous, le fascisme constitue-t-il le point commun entre ces deux mouvements ?

    En tout cas, ce mouvement a suscité en moi le type d’affects que la Manif pour tous avait suscités : l’inquiétude à voir se constituer une force destructrice de toute émancipation, lourde de dangers pour l’avenir. De fait la droite ultra a pris des forces en 2013. Ce qui rapproche ces mouvements, ce sont d’abord des personnes influentes (Henrion-Claude, Fouché, Di Vizio, ou Barnérias, le réalisateur de Hold up). Ensuite, ce sont ensuite deux mouvements qui ont encouragé, par leur existence, la violence contre les personnes (les agressions contre les homosexuelles et les homosexuels ont augmenté dans le sillage de la manif pour tous, cet été les agressions contre les soignantes et les soignants ou les structures de soin étaient quotidiennes). Il n’y avait rien de tel du temps des Gilets jaunes. Ce sont deux mouvements qui manient le confusionnisme : la Manif pour tous reprenait l’imagerie et des slogans de 68 pour son projet discriminatoire, dévoyant par exemple les principes capitalistes en reliant l’opposition au mariage pour tous et la lutte contre la marchandisation des corps ; le mouvement anti-pass pratique le même type de confusion, en mobilisant le « slogan » « mon corps mon choix » ou les principes de la lutte contre les violences sexuelles, par exemple, pour s’opposer au vaccin. La Manif pour tous s’attaquait évidemment à l’égalité. Le mouvement anti-mesures sanitaires aussi, même si c’est moins direct : refuser de lutter collectivement contre le virus, c’est refuser de construire collectivement une égalité face au virus et considérer que les plus forts s’en sortiront, et tant pis pour les plus faibles. Ce qui s’exprime, c’est une forme de darwinisme social, une forme d’eugénisme, qui n’a rien d’émancipateur.

    Je ne sais pas jusqu’où la comparaison avec la Manif pour tous peut être tenue : elle est au départ plutôt heuristique. Mais, dans les deux mouvances, on se réclame d’une certaine nature (d’un côté des sexes et des orientations sexuelles, de la famille, de l’autre côté, des systèmes immunitaires) pour refuser la construction politique d’une égalité. Ce sont des mouvances où on est prêt à pratiquer la violence contre des lieux du soin pour empêcher les pratiques qu’on réprouve (les avortements, la vaccination) – ces pratiques fascistes, comme le sont les menaces et intimidations de personnes en manifestation, suffisent à prouver que la revendication de « liberté » est vide et dissimule une contestation de toute politique de santé publique.

    Mon autre question découlant de la précédente serait celle-ci : est-ce que finalement ce mouvement ne met pas en lumière que défendre la liberté, comme va le faire pendant la campagne Marine Le Pen, ce n’est pas défendre une valeur de droite contre une valeur de gauche, l’émancipation ? Est-ce que défendre la liberté, c’est-à-dire défendre un droit de consommer et une manière de confort individualiste et autarcique, c’est désormais être de droite ? Enfin, est-ce que ce mouvement anti-pass s’attaque véritablement au pouvoir macroniste ? N’a-t-il pas plutôt pour vocation de détruire des lieux de solidarité et de protection sociale comme les centres de vaccination ? Comment expliquer, par ailleurs, qu’il n’y a pas une répression policière aussi importante que pour les mouvements de 2016 et 2018 en dépit de l’ampleur des mobilisations chaque samedi ?

    Je ne sais pas si défendre la liberté, c’est désormais être de droite, dans la mesure où la liberté a toujours été théorisée à droite et à gauche. La liberté comme valeur de droite, c’est aussi vieux que le libéralisme à l’époque de la naissance du capitalisme. Contre cette conception de la liberté, ce que montrait Rousseau par exemple, c’est que l’égalité est ce sans quoi la seule liberté qui existe est celle, pour les mieux dotés, en richesses, en réseaux, en forces, d’écraser et de dominer les autres. L’égalité est alors ce qui libère des relations de domination présentes dès qu’il y a inégalité, dès qu’il y a discrimination. Ça me permet de revenir à la question précédente sur les libertés qui s’ancrent dans l’égalité. Revenons à la situation actuelle : sans construction collective d’une égalité face au virus, si règne ce que prônent ceux et celles qui s’opposent aux mesures sanitaires, ce qui est construit, c’est un monde dans lequel les personnes les plus fragiles, parce qu’immuno-déficientes par exemple, n’ont plus de liberté de mouvement depuis plus d’un an. Elles payent le prix de la « liberté » de ne pas mettre de masque, de laisser le virus circuler, etc. La liberté qui est défendue, c’est en effet une liberté purement égocentrique, celle d’individus qui considèrent « il n’y a pas de société », comme disait Thatcher. Que la réciprocité, la mutualité, la solidarité, n’ont pas d’importance. C’est conception libertarienne de la liberté, qui n’est qu’un nom donné au refus de tenir compte de l’autre et à la passion de domination.

    Parmi les anti-pass, sur cette question de la liberté aussi la confusion est grande. La liberté que certains ou certaines pensent opposer à l’État autoritaire est finalement opposée à la prise en compte du fait que nous coexistons, que nous ne sommes pas des monades isolées autarciques, et que, en conséquence, nous accorder sur des mesures pour nous protéger mutuellement, c’est source de puissance collective, redistribuée égalitairement. Ça n’entrave la liberté rêvée que de ceux et de celles qui refusent de reconnaître la dimension collective de l’existence (alors que leur vie est soutenue par la collectivité). La « liberté » est un signifiant assez vide, si on ne précise pas comment on l’entend. La clé est sans doute de savoir si on la conçoit comme appartenant par nature à l’individu autarcique (ce qui n’est qu’une illusion que seule une position de domination rend possible), et alors on pense que la communauté, et l’autre, l’entravent, et la seule solution pour ne pas être entravé est de les dominer, ou si on la conçoit comme produite horizontalement, politiquement, par la mise en commun de nos forces.

    Ainsi compris, le mouvement anti-pass ne s’attaque pas au pouvoir macroniste : l’individu ultralibéral qui le constitue est au contraire en phase avec ce pouvoir. S’en prendre à la sécurité sociale, aux dispositifs de solidarité, c’est ce que fait cette présidence d’une autre manière et à une autre échelle.

    Je ne sais pas pourquoi la répression policière n’est pas aussi forte que lors des mouvements de 2016 et 2018, mais c’est assurément un signe qu’il n’y a pas continuité. Et ce fait est particulièrement notable, dans la mesure où le traitement de la pandémie a souvent été policier plutôt que sanitaire. Les confinements et couvre-feux ont permis de quadriller encore plus les banlieues. Mais, manifestement, les anti-pass qui défilent ne sont pas traités comme des ennemis par le pouvoir. On pourrait aussi gloser sur le fait que la police est dispensée du pass, ce qui semble indiquer une certaine affinité avec le mouvement.

    Un des points centraux de votre réflexion consiste à poser, au cœur de la politique, la question de l’élection par affinité et la puissance politique. Vous affirmez ainsi que la question de la vaccination ne se joue pas uniquement sur le terrain de la preuve scientifique mais devient une éminente question politique. Convoquant une vision de la politique fondée sur des préférences pour des liens afin de promouvoir une logique de coexistence, vous défendez, en vous appuyant sur Hannah Arendt, une préférence affective pour le vaccin contre « la prétendue détention d’une vérité » par les antivax : évoquant une « inclination affective pour un mode d’être avec », vous dites ainsi : « je préfère prendre le risque d’avoir tort avec des gens avec qui la vie serait sensée, que raison avec les autres, avec qui je n’ai pas envie de vivre, de partager le monde ».
    Prenant à rebours la question scientifique, vous faites du monde du vaccin une manière d’être ensemble : en quoi le mouvement contre le pass sanitaire est-il pour vous une attaque de la solidarité et du contrat social, un mouvement profondément contre-révolutionnaire finalement ? En quoi finalement construit-il une communauté sur la destruction de toute communauté ?

    Sur le vaccin, je refuse de me placer sur le terrain de l’argumentation scientifique parce que ce n’est pas dans mes cordes. J’admets que je fais confiance aux études, aux protocoles scientifiques, et aux médecins qui le recommandent. Une discussion avec les antivax qui s’imaginent être devenus spécialistes de ces questions n’aurait à mes yeux aucun sens. Par contre on peut rechercher ce que dissimule le recours à un registre supposément scientifique. Lorsqu’on n’a pas affaire à des gens qui ont sincèrement peur parce qu’ils ont entendu les discours de ceux et de celles qui veulent propager la peur, mais à des opposants et opposantes convaincues au vaccin, derrière la haine pour le vaccin, on trouve l’affirmation eugéniste de la confiance dans de bonnes défenses naturelles, et le refus de construire, face à une menace partagée, une réponse collective. On tient à s’en sortir seul – et on imagine que ça sera le cas parce qu’on est mieux doté, qu’on prend davantage soin de soi, etc. Peu importe que le virus continue à circuler, qu’il risque de muter, etc. : ce n’est pas notre affaire. Comme on l’a beaucoup trop entendu, « tout ça pour sauver des vieux ». C’est en cela que c’est un mouvement de déliaison politique, qu’on peut dire contre-révolutionnaire, en effet, si on admet qu’on se politise et qu’on se constitue en force révolutionnaire quand on éprouve que le sort d’une personne dans une communauté est l’affaire de tous, et que la solidarité est à construire.

    C’est pour cette raison que j’écris que je préfère l’idée de vaccin à l’idée de sélection naturelle par les défenses immunitaires, de même que je préfère être avec des gens qui défendent l’idée de vaccin, et donc qui prônent une défense collective contre un virus, qu’avec des gens qui comptent s’en sortir seuls et se désintéresser du sort des autres – je ne vois tout simplement pas ce qui est possible avec les derniers. Préférer la manière d’être des uns (des unes) ou des autres, c’est une question de sensibilité, et de sensibilité qui a une dimension éthique et politique.

    Plusieurs fois, afin de désamorcer l’identification entre se faire vacciner et approuver Macron, des médecins ont dit : « le vaccin n’est pas une question politique, c’est une question scientifique ». Je pense au contraire que c’est une question politique, en un autre sens de « politique » : c’est une forme de la coexistence qui se dessine dans la préférence pour le vaccin. De toute façon, les faits scientifiques ne commandent pas les décisions pratiques. Ce sont les désirs qui déterminent les orientations (et éventuellement on va se réclamer de « la science » pour justifier a posteriori le désir). Il ne suffit pas qu’un vaccin marche et ne soit pas dangereux pour qu’il soit promu par une politique de santé publique : il faut un désir d’éradiquer un virus. Et, contrairement aux discours pseudo-foucaldiens, instaurer des mesures sanitaires, ça ne revient pas nécessairement à soumettre les vies à l’emprise de la rationalité. D’autres logiques peuvent être en jeu : le désir de mettre fin à un épisode pandémique pénible, une sensibilité à l’autre, une tendance à y faire attention.

    C’est parce que cette dimension affective des orientations politiques est si importante qu’on peut être amené à penser cette formule qui résume un peu le principe d’une orientation affinitaire : « je préfère risquer me tromper avec des gens avec qui je pense que la vie est sensée, plutôt qu’avoir raison avec ceux avec qui je ne peux envisager de partager ma vie ». Ça pourrait signifier quelque chose du type : admettons que les complotistes libertariens aient raison, et qu’on se trompe de l’autre côté, je préfère quand même faire partie de ceux qui tentent la réponse collective et solidaire. Ça a plus de sens, le monde est plus sensé si cette tentative existe.

    Ma question suivante voudrait revenir sur l’arc confusionniste qui domine ce mouvement. Selon vous, il y a une ambiguïté savamment entretenue entre les anti-pass et les anti-vax qui bien souvent sont en vérité les mêmes. En quoi, selon vous, finalement ce mouvement anti-pass serait tout simplement un mouvement antivax qui n’oserait pas dire son nom ?

    La frontière entre mouvement anti-pass et mouvement anti-vax est en effet poreuse. De fait, les prises de parole ou les discussions sur le pass sanitaire dévient à peu près systématiquement sur le problème des vaccins, et, plus, généralement, des mesures sanitaires en général. On se retrouve pour parler du pass, et très vite quelqu’un demande, outré, jusqu’à quand on va supporter le gel hydro-alcoolique, et sort un couplet sur la dictature du masque. On peut quand même se demander pour quel genre de subjectivité il serait insupportable hors pandémie de s’isoler quelques jours, de mettre un masque et de se laver les mains pour ne pas transmettre une maladie, gestes qui ne peuvent alors relever que de l’injonction verticale. Les anti-pass sanitaire sont souvent anti-tout (antivax, anti-masques, anti-confinements, etc.), sauf anti-covid. Les pancartes dans les cortèges sont à cet égard éloquentes.

    On ne peut pas penser ce mouvement en faisant abstraction du mouvement anti-sanitaire qui s’est constitué depuis le début de la pandémie, et qui s’est structuré autour de la nébuleuse complotiste covido-sceptique. On pourrait peut-être opérer des rapprochements avec le mouvement du Tea-Party et celui qui a envahi le Capitole en janvier dernier. Et ce mouvement anti-sanitaire, il pourrait d’ailleurs être intéressant d’en faire une lecture genrée, dans la mesure où l’affirmation de soi anti-masque anti-vax anti-gel hydroalcoolique – je refuse de prendre sur moi pour faire attention à l’autre – a un côté viriliste qui était assez manifeste sur des pancartes « sans masque et sans capote ».

    Enfin ma dernière question voudrait porter sur l’éclairant et très juste rapprochement que vous opérez entre le mouvement anti-pass et la politique macroniste face à la pandémie. Vous dites que Macron et les anti-pass défendent la même vision d’une politique non-solidaire et résolument individualiste. Vous citez notamment les impensables atermoiements pendant plus de 5 mois de la campagne de vaccination en France ou encore les déclarations de Macron affirmant jusqu’en décembre 2020 ne pas avoir assez de recul sur le vaccin. Vous dites d’ailleurs : « Il n’y a pas de politique sanitaire en France. Il y a en revanche une augmentation du contrôle policier, c’est certain. » Pourriez-vous nous expliquer cette formule ?

    J’ai en effet été frappée, les premiers mois de la campagne de vaccination, de voir à quel point le gouvernement fabriquait une approche individualiste de la question : pour les actifs et les actives exposé·e·s qui souhaitaient avoir accès au vaccin, pendant des semaines, il fallait trouver un piston, ou avoir un coup de chance, mais la résolution était individuelle. En refusant de protéger réellement les gens, dans les transports, dans les écoles par exemple, le gouvernement contraint aussi à rechercher individuellement à se protéger (pour ceux et celles qui peuvent se le permettre financièrement). Cette vision individualiste n’est pas le seul point commun entre le gouvernement et les anti-pass. Le gouvernement a participé au covido-scepticisme, en niant l’arrivée de la pandémie en mars 2020, puis en niant pendant des mois la transmission du virus par aérosolisation, l’existence des covid longs, la transmission du virus chez les enfants, l’existence du virus dans les écoles. Il a participé au mépris de la science en refusant de tenir compte des recommandations scientifiques. Il n’y a pas de politique sanitaire en France au sens où les mesures qui sont prises s’accompagnent d’exceptions ou de clauses qui leur diminuent leur intérêt sanitaire (isolement pour les malades du covid – sauf deux heures par jour ; pass sanitaire – valable avant que le vaccin ait fait son effet ou jusqu’à 72 heures après un test anti-génique, fermeture des universités mais ouverture des écoles, etc.). Il n’y a pas de politique sanitaire dans la mesure où il y a un refus obstiné de toute mesure qui soit efficace et non punitive : par exemple installer des filtres à air dans tous les lieux recevant du public. Les mesures principales auront été des mesures de police (couvre-feu, confinement avec attestation donnant lieu à des contrôles arbitraires, confinement pour toute activité non économique (« non utile »), pass sanitaire) qui laissaient le virus circuler. Aucune mesure n’a été prise aux frontières contre le virus initial puis contre les variants anglais et delta. Le gouvernement s’apprête à faire retirer les masques aux enfants non vaccinés, indépendamment de l’incidence du virus dans leur classe d’âge. C’est pourquoi il me semble qu’une véritable opposition au gouvernement consisterait à exiger et à construire une véritable politique de défense collective contre le virus, au lieu de fantasmer un gouvernement biopolitique qui aurait imposé une dictature sanitaire. De manière générale, il y a suffisamment de raisons de lutter contre cette gouvernance pour ne pas fantasmer une dictature sanitaire.

    https://diacritik.com/2021/10/05/valerie-gerard-ce-mouvement-anti-pass-ne-construit-rien-de-commun-mais-pr
    #anti-pass #pass_sanitaire #anti-vax #biopolitique #résistance

    • Tracer des lignes. Sur la mobilisation contre le pass sanitaire

      Ces quelques considérations, forcément partiales, tentent de lire la situation sanitaire en général et en particulier le mouvement anti-pass sanitaire de cet été à l’aide d’une boussole affinitaire. Un des buts de ce texte est de tracer quelques lignes claires dans une période qui se caractérise par une grande confusion. Il s’agit de poser la question de l’avec : avec qui il n’est pas concevable de se mobiliser, avec qui il est désirable de vivre et possible d’œuvrer à un monde commun, avec qui on pense, et selon quel régime (croyance, vérité). Il s’agit aussi de considérer, dans un mouvement social, l’atmosphère qu’il contribue à créer et ou à renforcer et les différentes pratiques qu’il charrie. Valérie Gérard poursuit avec ce bref essai le travail de réflexion commencé dans son précédent livre, Par affinités : amitié politique et coexistence (éditions MF, 2019).

      https://www.editions-mf.com/produit/108/9782378040420/tracer-des-lignes

      #livre

      @colporteur en parle sur ce fil de discussion :
      https://seenthis.net/messages/931163#message931175

    • Il en parle car justement j’avais posté cette vidéo car elle était une des invités de ce débat organisé par @lundimatin, avec en face des gens de gauche utilisant le concept de biopolitique comme elle le critique. :)

      Mais elle a eu du mal à faire entendre ce son de cloche au milieu de tous ces agambenophiles (ce dernier ayant vraiment raconté n’importe quoi sur le covid).

      #Valérie_Gérard #anti-sanitaire #avec_qui

    • Ce mouvement anti-pass ne construit rien de commun mais prône la destruction de toute communauté
      J’adore ce discours...
      Valérie Gérard aime tant le « commun » qu’elle rejoindra sans doute le nouveau parti d’En Marche vers La Maison Commune d’Emmanuel Macron. :)))

      Au moins en Italie la communauté des travailleurs et travailleuses réagit face à l’obligation de ce pass qui n’ a rien de sanitaire par une grève générale !

      Forza Italia !

      Grève générale et manifestations dans toute l’Italie contre la politique de Draghi et le pass sanitaire qui sera obligatoire à partir du 15 octobre pour pouvoir travailler. Au moins un million de travailleurs se sont mis en grève selon les syndicats.
      Grève générale et manifs dans toute l’Italie aujourd’hui contre Draghi et le pass sanitaire et on n’a toujours pas un seul article d’un média français. Ce n’est pas normal que la seule manière de s’informer sur les manifestations à l’étranger ça soit sur les réseaux sociaux.

      #SCIOPEROGENERALE #Italie
      https://twitter.com/AnonymeCitoyen/status/1447603098436915205
      https://www.youtube.com/watch?v=AcnJUNu9KZ0

    • Malheureusement, cette interview n’est qu’un gloubiboulga de simplifications, de poncifs et de sophismes, voire d’imbécilités, qui tournent à l’eau de boudin.

      Petit florilège :
      – « l’antisémitisme règne sur les plateaux télé » ; ça commence fort ! par exemple, il ne me semblait pas qu’il s’agisse du fond de commerce de la coqueluche actuelle des media, mais j’avoue ne pas être un fin connaisseur de ses discours.
      – « manifestations d’antisémitisme ou de négationnisme » ; on parle du « qui ? » sur 3 pancartes qui résumerait la pensée de centaines de milliers de manifestants ? Peut être que notre philosophe en herbe devrait prendre un peu de recul face aux procédés minables des media pour décrédibiliser le moindre mouvement.
      – antipass = antivaccin = antisémite, car si on s’accordait sur un point, on s’accorderait sur tous les points. Ah ? Ça marche aussi dans l’autre sens ? « propass = pro-Darmanin = "Les juifs volent les vrais français" » ? ça va devenir difficile de choisir son camp !
      – « des personnalités marquées à gauche [...] ont régulièrement tenu des propos antivax » ; des noms !
      – « les Gilets jaunes n’ont jamais appelé à la violence contre des personnes » ; hé non, les flics se prenant des pavés, les employés de banques pris à partie, ils n’existent pas ! et on ne parle pas des nombreux morts sur la route dus aux manifs sauvages...
      – « des soignant·e·s agressé·e·s, ou menacé·e·s » ; alors que bien sûr, le pass ne jette pas à la rue des (centaines de ?) milliers de soignants. Pourra-t-on sombrer plus bas ?
      – propass = pro-mesures sanitaires ; sauf que les gestes barrières sont officiellement inutiles si on a son pass, voire interdits de fait dans les bars/restos des propass où on se fait enguleur si on garde son masque.
      – enfin, le coup de grâce de la dernière question : Macron est en fait un crypto-antipass. Là, j’avoue, chapeau bas : même Hollywood ne serait pas capable d’un tel rebondissement.

      C’est dommage, d’ailleurs, on aurait pu tirer de ce dernier paragraphe un bon début pour ensuite critiquer certains aspects des manifs antipass, mais sous sa forme actuelle, le texte ressemble plus à un ramassis de fantasmes antipopulaires que conclut une prise de distance vis à vis de Macron pour se blanchir à peu de frais.

    • Tu t’es créé un compte juste pour dire ça ? :p

      – Commencer déjà par amalgamer ce qui vient du journaliste et ce qui vient de l’interviewée, comme si les deux pensaient la même chose. Valérie Gérard n’a pas parlé d’antisémitisme dans les médias (et elle n’y réagit pas non plus puisque ce n’est pas dans une question mais dans l’introduction ajoutée par le journaliste).
      – « sur 3 pancartes » ? LOL. Là on pourrait dire discrédit direct. :p … Pour qui est allé voir les manifs et pour qui regarde régulièrement les vidéos non pas du tout monté par « les médias » mais les vidéos directement filmés par les promoteurs des manifs, les pancartes de ce genre sont massives et il y a mille autres choses que juste le « qui », qui était UNE des choses médiatisés et qui a fait du bruit. Des pancartes à connotations complotistes anti <insérer un nom à connotation juive> (ce qui vaut pour tous les morceaux de rap complotistes aussi) mais aussi toutes les utilisations/récupérations indécentes : « pass nazitaire », étoile jaune, etc. C’est une euphémisation immonde qui est totalement liée à une ambiance générale tolérante à l’antisémitisme.
      – Par ailleurs tout le propos n’a rien à voir avec dire que tous ceux dans ces manifs sont antisémites ou antivax mais au contraire de poser la question : une très grosse partie, dont les organisateurs principaux de ces mouvements sont explicitement liés à l’extrême droite et au complotisme et aux antivax DONC ceux qui ne le sont pas : avec qui est-ce qu’on manifeste, est-ce que c’est vraiment manifester pour la liberté que de se liguer avec ces gens là ? Clairement non pour elle.
      – « Des noms ! » : la phrase entière « des propos antivax ou covidosceptiques » : Mucchielli en premier lieu, qui vient à l’esprit immédiatement, lui qui était invité et cité comme analyste/critique des politiques sécuritaires depuis des années dans plein de médias de gauche… plusieurs figure de prou des Gilets Jaunes ont tenu de tels propos… plein de rappeurs et rappeuses indés/politiques… plus généralement plein de monde dans le milieu de la culture, de la musique, se sont mis à raconter n’importe quoi et à minimiser y compris avant le vaccin, dès les obligations de masque et de jauge (pour promouvoir le fait de reprendre leurs activités censément plus importantes que > 300 morts par jour)… des philosophes comme Agamben ont raconté absolument n’importe quoi, et moult agambeniens à la suite chez lundimatin etc… et là je cite vite de tête, je peux en trouver un paquet en fouillant 30min dans les archives, rien qu’ici sur seenthis. Trop easy.
      – Les gilets jaunes causant des morts, et 3 cailloux jetés sur des flics, t’es un troll en fait ? Sans commune mesure avec l’augmentation systémique de la violence dans le sillage de la Manif pour tous (contre les homos) et des manifs anti sanitaire (contre les soignants et lieux de soins)
      – « le pass ne jette pas à la rue des (centaines de ?) milliers de soignants » : tu tombes pas plus bas toi, tu t’envoles ! Ya un ordre de grandeur de 15000 suspensions temporaires (certains ont leur vaccin au final et réintègrent), et 1500 démissions… allez 20000 pour arrondir au supérieur… suuuur : 2,7 millions de soignants. 0,7% de réfractaires (et encore je le redis, certains réintègrent en fait car n’avaient juste pas encore la 2ème dose) : c’est « un peu » moins que dans la police HAHA.
      – « les gestes barrières sont officiellement inutiles si on a son pass » : si tu te mets à écouter le gouvernement maintenant, faudrait savoir ! Valérie Gérard écoute plutôt le consensus scientifique de ce que j’ai compris, or ce dernier ne cesse d’affirmer qu’il ne faut SURTOUT PAS relacher les gestes barrières même avec le pass : garder le masque, rester en extérieur au max, etc.
      – Macron n’est pas anti-pass mais bien aussi anti-sanitaire : il s’en branle un peu de ça, ce qui compte c’est l’économie et les intentions de vote. Si certaines mesures du consensus scientifique vont dans le sens de l’économie, il prend. Sinon il rejète. Il en a rien à foutre du conseil des scientifiques, c’est le conseil de défense qui compte. Les masques ? Ça sert à rien à la base. Les enfants ? Ça transmet pas du tout le virus et ils peuvent tous allez en cours et sans masque pendant des mois même quand les grands doivent le mettre. Etc etc.

      Bref, tu racontes n’imp et tu lis (volontairement) mal.

    • J’ai l’impression qu’il y a quand même de moins en moins de gens de « gauche » qui défendent ces manifs, même chez les plus exaltés (et pénibles) du début de mouvement, mais faut avouer que les derniers à le faire sont souvent des beaux spécimens de mauvaise foi.
      Chez moi les manifs sont maintenant conduites par Civitas, ça a le mérite d’être bien clair.

    • @Rasta

      Pas loin... en l’occurrence, ce compte, je l’avais créé il n’y a pas si longtemps pour dénoncer la chronique ridicule d’un certain Beaulieu. Encore une fois concernant les manifs antipass.

      Ça fait plus de 20 ans que je consulte régulièrement le rézo, malheureusement, depuis ces vacances d’été, la qualité a bien chuté et ça me fait suffisamment chier pour que je vienne me plaindre. Et je ne suis pas contre les avis différents, je suis contre les avis de merde, surtout quand ils me traitent d’antisémite. Si je veux entendre des réflexions bidon contre les antipass, je n’ai qu’à lire la presse mainstream, pas besoin de venir ici.

      Et je lis ta réponse et ça re-commence fort : « Valérie Gérard n’a pas parlé d’antisémitisme dans les médias (et elle n’y réagit pas non plus [...] ».

      Effectivement, si tu n’as pas lu le texte, ça ne sert à rien d’aller plus loin : dès la deuxième réponse, « c’est l’antisémitisme et le négationnisme (qui ont par ailleurs libre cours sur les plateaux de télévision). » Pour qq’un qui m’accuse de lire « (volontairement) mal », c’est le pompon.

      Je ne vais pas m’amuser à ressasser tous les points, mais juste un seul : ces manifs seraient infestées de messages antisémites ? C’est du grand n’importe quoi : l’état et les media sont trop content d’utiliser ça pour décrédibiliser le mouvement, et ils scrutent justement chaque pancarte de chaque manif pour en faire leur choux gras.

      Après, qu’il y ai des antisémites dans les manifs, ben oui, bien sûr, de la même manière qu’il y en a partout : chez les GJ, la manif pour tous, les flics, les tourneurs-fraiseurs, Eurodisney et sans doute sur Mars si on y découvre de la vie. Qu’est ce qu’on peut en déduire ? que dalle. Tu te rends compte si qq’un venait te dire que le pass sanitaire était antisémite parce que la première personne de France à l’imposer l’était ? Tu n’aurais pas l’impression d’une certaine vacuité dans l’argumentation ?

      Maintenant, si tu as des liens intéressants qui démontrerait que ces manifs sont toutes gangrenées, je suis preneur, mais tout ce que j’ai vu par moi même et lu sur le sujet jusqu’à maintenant, c’est le vide intersidéral. Et quand, par dessus ça, la quasi totalité des media ou ta copine Valérie taisent la puanteur de Darmanin, c’est d’une hypocrisie qui donne la nausée.

  • Agamben WTF, or How Philosophy Failed the Pandemic, Benjamin Bratton, Verso
    https://www.versobooks.com/blogs/5125-agamben-wtf-or-how-philosophy-failed-the-pandemic

    Benjamin Bratton on why philosophy failed us in facing up to the pandemic, and why we need to rethink biopolitics as a matter of life and death.

    As yet another wave of infection blooms and the bitter assignment of vaccine passes becomes a reality, societies are being held hostage by a sadly familiar coalition of the uninformed, the misinformed, the misguided, and the misanthropic. They are making vaccine passports, which no one wants, a likely necessity. Without their noise and narcissism, vaccination rates would be high enough that the passes would not be needed. 

    But it is not simply the “rabble” who make this sad mess, but also some voices from the upper echelons of the academy. During the pandemic, when society desperately needed to make sense of the big picture, Philosophy failed the moment, sometimes through ignorance or incoherence, sometimes outright intellectual fraud. The lesson of Italian philosopher, Giorgio Agamben, in part tells us why.

    Famous for critiques of “biopolitics” that have helped to shape the Humanities’ perspectives on biology, society, science and politics, Agamben spent the pandemic publishing over a dozen editorials denouncing the situation in ways that closely parallel right-wing (and left-wing) conspiracy theories. 

    Over the past two decades, the soft power influence of his key concepts in the Humanities - homo sacer, zoē /bios, the state of exception, etc. - has been considerable. This has also helped to cement in a stale orthodoxy suspicious of any artificial governing intervention in the biological condition of human society as implicitly totalitarian. In the name of being “critical”, the default approach to any biotechnology is often to cast it as a coercive manipulation of the sovereignty of the body and lived experience. 

    If one were to imagine Alex Jones not as a Texas good ol’ boy, but rather as a Heideggerian seminary student, this would give a sense of how Agamben himself approached the requests for public comment on the COVID-19 pandemic. Beginning in February 2020, with “The Invention of an Epidemic”, he called the virus a hoax and the belated lockdowns in Italy a “techno-medical despotism”. In “Requiem for the Students”, he denounced Zoom seminars as acquiescence to a Silicon Valley concentration camp condition (his words). In “The face and death”, he derided the use of masks as sacrificing the ritual humanity of the naked face.

    Each short essay was more absurd and strident than the last. Upon publication of the earliest of these, Agamben’s friend, the French philosopher Jean-Luc Nancy, warned us to ignore him, and that if he himself had followed Agamben’s medical advice discouraging a heart transplant that saved his life, that he would be dead. 

    Earlier this month, Agamben went all in, directly and explicitly comparing vaccine passes to Nazi ‘Juden’ stars. In a short piece called, “Second class citizens”, he connects the fates of those who refuse vaccination to that of Jews under fascism and concludes that “The ‘green card’ (Italy’s vaccine pass) constitutes those who do not have it in bearers of a virtual yellow star.” After picking up my jaw, I cannot help but compare Agamben’s analysis to that of QAnon-influenced United States congressperson, Marjorie Taylor Greene, who beat him to the punch when she tweeted back in May that “Vaccinated employees get a vaccination logo just like the Nazi’s forced Jewish people to wear a gold star.” 

    In this ongoing performance, Agamben explicitly rejects all pandemic-mitigation measures on behalf of an ‘embrace tradition, refuse modernity’ conviction which denies the relevance of a biology that is real regardless of the words used to name it. Something seems to have recently cracked open for him, and yet at the same time, re-reading his foundational texts in the light of the pandemic pieces is illuminating. His position has not suddenly changed. It was there all along.

    Romanticism has been a permanent passenger on the flights of Western Modernity, and its mourning for ‘lost objects’ always just-out-of-reach vacillates between melancholia and revolt. Romanticism’s aesthetic disgust with rationality and technology finally has less to do with their effects than with what they reveal about how differently the world really works from how it appears to myth. Its true enemy is less alienation than demystification, and so it will always accept collaboration with Traditionalists. 

    It is not surprising then that Agamben earned the thanks of both Lega Nord and the anti-masker/vaccine movements. His conclusions are also similar to those of the Brazilian populist president Jair Bolsonaro, who sees the virus as an over-blown plot by techno-medical globalists to undermine traditional authority and natural bodily and communitarian coherency. What is the lost object? Agamben’s contributions are, at their core, an elaborate defense of a pre-Darwinian concept of the human and the mystical attachments it provided. Ultimately, he is not defending life, he is refusing it. 

    As of today, Agamben’s biggest online supporters are not his many long time readers but rather a squad of new fans, primarily a Based coalition of wounded contrarian man-childs. From vitalist Reactionaries quoting Julius Evola and Alexander Dugin to the anti-vaxxer roommate who puts energy drinks in his bong, these and other lonely anti-heroes are doomed by their burden to see clearly through the hypocrisies of our Matrix reality. For them, Agamben’s principled stand unites them with the legacy of Romanticist glorious and occult refusals. At work is perhaps less a horseshoe theory of Red-Brown alliance, than the tender bond between outcasts and idiots. 

    In my book, The Revenge of The Real: Politics for a Post-Pandemic World, I consider the origins and doomed future of Agamben’s brand of negative biopolitics. “While Agamben’s own worldview is classically Europeanist, dripping with lurid Heideggerian theology, his influence on the Humanities is much wider and deeper” and so the reckoning due goes well beyond revised syllabi. “The question is how much of the philosophical traditions to which Agamben has been attached over the last decades will also need to be shelved. What then to do with the artifacts of Agamben’s life work? It is a traditionalist, culturalist, locally embedded doctrinal edifice, protecting the ritual meaningfulness of things against the explicit nudity of their reality: like the defiant monologues of a Southern preacher, his sad, solemn theory is undeniably beautiful as a gothic political literature, and should probably be read only as such”

    Even so, the reckoning with legacies of his and other related projects is long overdue. His mode of biopolitical critique blithely ventures that science, data, observation and modeling are intrinsically and ultimately forms of domination and games of power relations. Numbers are unjust, words are beautiful. To accept that real, underlying processes of biochemistry are accessible, and generative of both reason and intervention, is presumed naive. It’s a disposition also found in different tones and hues in the work of Hannah Arendt, Michel Foucault, and especially Ivan Illich, who died from a facial tumor he refused to treat as doctors recommended. Even here at University of California, San Diego, a hub of interdisciplinary biotechnology research, many colleagues insist that the “digitalization of Nature” is “an impossible fantasy”, even as they accept an mRNA vaccine based on a prototype bioprinted from a computational model of the virus’ genome uploaded from China before the actual virus even made it to North America. 

    As I have suggested elsewhere, this orientation is exemplary of the drawn-out influence of Boomer Theory. The baby boomers have tyrannised the Left’s imagination - bequeathing tremendous capacities to deconstruct and critique authority but feeble capacities to construct and compose. Perhaps the ‘68 generation’s last revenge upon those who inherit their messes, is the intellectual axiom that structure is always more suspicious than its dismantling and composition more problematic than resistance, not just as political strategies but as metaphysical norms. Their project was and remains the horizontal multiplication of conditional viewpoints as both means and ends, via the imaginary dismantling of public reason, decision and structuration. This is how they can at once fetishize “the Political” while refusing “governmentality.” 

    I grew up in this tradition, but the world works very differently than the one imagined by soixante-huitards and their secretaries. I hope that philosophy will not continue to fail those who must create, compose and give enforceable structure to another world than this one.

    Agamben’s pandemic outbursts are extreme but also exemplary of this wider failure. Philosophy and the Humanities failed the pandemic because they are bound too tightly to an untenable set of formulas, reflexively suspicious of purposeful quantification, and unable to account for the epidemiological reality of mutual contagion or to articulate an ethics of an immunological commons. Why? Partially because the available language of ethics is monopolized by emphasis on subjective moral intentionality and a self-regarding protagonism for which “I” am the piloting moral agent of outcomes.

    The pandemic forced another kind of ethics. The Idealist distinction between zoē and bios as modes of “life” around which Agamben builds his biopolitical critique is a conceit that snaps like a twig in the face of the epidemiological view of society. Why did we wear masks? Because of a sense that our inner thoughts would manifest externally and protect us? Or was it because we recognize ourselves as biological organisms among others capable of harming and being harmed as such?

    The difference is profound. As we pass by a stranger, how do the ethics shift from subjective intention of harm or endearment to the objective biological circumstance of contagion? What is then the ethics of being an object? We will find out. But when presented with the need for intensive sensing and modeling in the service of highly granular provision of social services to those in need, many public intellectuals choked, only able to offer hollow truisms about “surveillance”. 

    At stake is not just some obscure academic quarrel, but rather our ability to articulate what it means to be human, that is to be all together homo sapiens, in connection with all the fraught histories of that question. I argue that we need instead a positive biopolitics based on a new rationality of inclusion, care, transformation and prevention, and we need a philosophy and a humanities to help articulate it. 

    Fortunately, in many ways we already do. A short and very incomplete list of such might include Sylvia Wynter’s mapping of “who counts” as Human in Colonial Modernity in ways that open the category to reclamation: “We” have been defined by exclusion. It includes those studying the microbiome including the role of microbial life inside of human bodies to keep us alive: The human is already inclusive of the non-human. It includes those studying Anthropogeny and common evolutionary origins of the human species and planetary future: The human is continuous, migratory and changing. It includes those studying experimental Astronautics and the limit conditions of survival in a fragile artificial environment: At thresholds of survivability the human is like a fish discovering water. It includes those studying CRISPR and other re-weaving technologies for genetic therapy: The human can recompose itself at the deepest levels. 

    The affirmation or negation of what the human is also plays out through what humans can be. This animates the cultural controversies over gender reassignment therapies and techniques. The human is also a contingent, complex and pluralistic assemblage available to self-fashioning so that one may finally feel at home in their own skin. But the general availability of synthetic androgens, estrogens and progesterone draws on Modern laboratory biotechnology that Agamben’s biopolitics sees as invasive and unnatural.

    If Philosophy and the Humanities are to claim due legitimacy for present and future challenges, the collective conception of another positive biopolitics –based in the reality of our shared technical and biological circumstances–is absolutely essential. 

    Toward that, I conclude with another passage from The Revenge of The Real: “A laissez-faire vitalism for which “life will find a way” is not an option; it is a fairy tale of a comfortable class who don’t live with the daily agency of sewage landscapes and exposed corpses…” Instead, “(This positive) biopolitics is inclusive, materialist, restorative, rationalist, based on a demystified image of the human species, anticipating a future different from the one prescribed by many cultural traditions. It accepts the evolutionary entanglement of mammals and viruses. It accepts death as part of life. It therefore accepts the responsibilities of medical knowledge to prevent and mitigate unjust deaths and misery as something quite different from the nativist immunization of one population of people from another. This includes not just rights to individual privacy but also social obligations to participate in an active, planetary biological commons. It is, adamantly, a biopolitics in a positive and projective sense.”

    The pandemic is, potentially, a wake-up call that the new normal cannot be just the new old normal. This means a shift in how human societies —which are always planetary in reach and influence— make sense of themselves, model themselves and compose themselves. This is a project that is as philosophical as it is political. Failure is not an option.

    #Benjamin_Bratton #Agamben #Heidegger #philosophie #biopolitique #vitalisme #soin #pandémie #masques #covid-19

  • Une société du tout-immunisé est-elle souhaitable ?
    https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-idees/une-societe-du-tout-immunise-est-elle-souhaitable

    Se protéger oui, mais à quel prix ? Le philosophe italien Roberto Esposito est notre invité à l’occasion de la parution de "Immunitas : protection et négation de la vie" (Seuil, 2021), traduction d’un de ses ouvrages paru en 2002, où il se penche sur le lien entre "communauté" et "immunité". Roberto Esposito est professeur de philosophie auprès de l’ « Istituto italiano di Scienze Umane » à Florence et à Naples. Il est membre du Collège international de philosophie. Parmi ses publications, ont été (...)

    #biopolitique #COVID-19 #santé #surveillance

    ##santé

  • Le pouvoir : formes et logique , Séance 4 du séminaire « Scènes de la division politique », mardi 19 janvier 2021, par Bernard Aspe
    https://laparoleerrantedemain.org/index.php/2021/02/24/le-pouvoir-formes-et-logique

    De la biopolitique à l’économie

    Nous cherchons avant tout aujourd’hui à identifier la forme de pouvoir qui est en train de se dessiner, forme nouvelle peut-être, en tout cas nécessairement renouvelée par la situation. Il faudrait parler d’une phase métastable du pouvoir, qui peut donc donner lieu à diverses prises de forme. L’angle qui me paraît judicieux pour tenter d’anticiper ces prises de forme reste celui suggéré par Foucault avec son concept de « biopolitique ».

    Les spécialistes ont voulu nous avertir, et nous ont fait croire que, précisément parce qu’il semble que le concept de biopolitique est plus que jamais pertinent, il faut se garder de le mobiliser. Cela leur permet sans doute de continuer à vendre leur camelote éthique ou tout au moins d’assurer la spécificité de leur objet de recherche (tant il est vrai que le discours académique n’a jamais été aussi coincé entre les bons conseils pour la vie d’un côté et la rigueur affichée du discours de la science de l’autre.)

    En réalité, s’il y a un auteur qu’il faut relire aujourd’hui, c’est bien Foucault. Je voulais me concentrer sur les deux cours qu’il a donnés au Collège de France à la fin des années 1970, Sécurité, territoire, population (désormais STP) et Naissance de la biopolitique (désormais NB). Ces cours sont essentiels à plusieurs égards, on va le voir, mais ils révèlent aussi les limites de la méthode de Foucault, et plus précisément dans ce qui concerne son rapport au marxisme. Mais le concept de « biopolitique » apparaît quelques années avant, notamment à la fin de La Volonté de savoir (1976). Il est alors pris comme complément de l’anatomo-politique : celle-ci concerne les prises du pouvoir sur les individus, et la biopolitique renvoie avant tout aux prises du pouvoir sur les populations. Deux ans plus tard, dans le cours de 1978, le concept est bien présent, mais il est déjà tenu à distance. Et le cours de 1979, présenté tout d’abord comme une tentative de clarification du concept, va finalement être consacré à la gouvernementalité libérale et au néolibéralisme ; le terme même de « biopolitique » n’y sera presque pas utilisé. Dans les chapitres II et III de La Vie inséparée , Muriel Combes a noté que la biopolitique disparaît au moment où Foucault propose une généalogie du libéralisme entendu comme art de gouverner (voir notamment p. 42 sq. Dans ces chapitres, elle cerne de façon plus détaillée les déplacements qui s’opèrent pour Foucault entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, mais je retiens seulement ce point). Or cette généalogie du libéralisme est précisément entreprise au moment où se rejoue pour Foucault sa confrontation avec le marxisme.

    Pour ce qui concerne son rapport au marxisme, on peut dire qu’il est passé d’abord par un moment d’adhésion (années 1950, PCF). Puis il a développé un rapport polémique ( Les Mots et les choses ). Dans les années révolutionnaires, il envisage son travail comme complément à l’analyse de classes. Mais à la fin des années 1970, il s’agit de marquer l’irréductibilité de son champ d’analyse propre au regard du marxisme. Ce qui est à la fois une autre manière de prendre de la distance et une manière de défendre sa singularité d’auteur.

    Il y a bien une différence de méthode avec le marxisme, souvent soulignée dans les deux cours (de 1978 et 1979), telle que son approche se réclame d’une pensée des multiplicités, et non de la totalité ; de la stratégie, et non de la dialectique (NB, 44). Mais au-delà de cette différence de méthode, l’articulation à la part de vérité du marxisme, qu’il reconnaît par ailleurs, demeure hésitante.

    L’impression rétrospective qui s’en dégage est que le rapport à l’analyse marxiste n’a jamais été réglé. Et on peut juger significatif le fait que c’est après s’être rapproché au maximum du problème de l’articulation de son approche avec le marxisme, c’est-à-dire au moment où il fait la généalogie de l’économie, qu’il se détourne des recherches sur les formes modernes de pouvoir pour élaborer sa problématique de la subjectivation, essentiellement étayée par des textes antiques, au début des années 1980.

    Loin de moi l’idée qu’il s’agirait d’un renoncement : les problématiques développées à partir de Du gouvernement des vivants sont tout aussi essentielles, et ne doivent pas être lues comme un délaissement de la question politique. Elles peuvent être lues par exemple comme le développement du magnifique cours du 1 mars 1978 consacré aux « contre-conduites », et à leur articulation avec la gouvernementalité. Mais si Foucault délaisse, de façon tout de même assez spectaculaire, les questionnements relatifs au bio-pouvoir et au libéralisme, c’est qu’il ne parvient pas à sortir d’un embarras relatif à la manière dont son approche spécifique et singulière s’articule à l’analyse du capitalisme (c’est ce que suggère l’analyse proposée dans La vie inséparée). Il faut souligner que l’hésitation concerne au premier plan le concept de « biopolitique ». On peut même dire que la question tant discutée ces temps-ci du bon usage du terme « biopolitique » ne peut être réglée si l’on ne voit pas qu’il est avant tout, dans l’élaboration de Foucault, le révélateur d’une articulation incomplète avec l’analyse marxienne du capitalisme.

    C’est l’hésitation même de Foucault qui peut nous autoriser à réinscrire son travail à l’intérieur d’un marxisme renouvelé. En quoi cette articulation n’est-elle pas arbitraire ? Pour le montrer, il nous faut reprendre la manière dont Foucault, en faisant l’analyse du biopouvoir puis de la gouvernementalité libérale, fait aussi, dans le même mouvement, la généalogie de l’économie, et, plus précisément pour ce qui concerne cette séance, de la société envisagée comme son corrélat.

    #biopolitique #police #économie #libéralisme #libéralisme_autoritaire #Foucault #Muriel_Combes #Bernard_Aspe

    • Il ne suffit pas de dire que le biopouvoir sécuritaire prend en vue les populations, là où la discipline investirait avant tout les dispositions individuelles. Il faut surtout souligner que, dans le cadre du pouvoir sécuritaire, les populations sont envisagées comme des phénomènes naturels. Si le pouvoir disciplinaire assume le caractère artificiel de son modèle, le pouvoir sécuritaire s’appuie avant tout sur la naturalité des processus qu’il s’efforce de piloter. Il s’agit de suivre les processus pour pouvoir les canaliser (Foucault se réfère déjà, dans ce cours, au libéralisme : STP, 49-50). Il s’agit aussi de relever de grandes régularités, y compris là où on ne les attendait pas (dès le XVIIème siècle, on relève des constantes dans les taux de mortalité, les taux de natalité, mais aussi au niveau de la proportion de gens qui meurent d’accident chaque année dans une même ville, ou la proportion de suicides : STP, 76). Pour cela, il faut les connaître. La statistique – littéralement la science de l’État, savoir de l’État sur l’État (STP, 280-281, 323) va dès lors jouer un rôle essentiel.

      Le savoir statistique, le savoir scientifique d’une façon générale, va donner un type de prise nouveau sur les individus et les populations. Il ne s’agit plus avant tout de forcer l’obéissance ; il s’agit de trouver une accessibilité technique aux comportements diffus de la population. Il s’agit de connaître les processus (naturels) qui sont en tant que tels soustraits à la conscience des agents, et de dégager les régularités que ces agents produisent à leur insu (STP, 72-78). C’est ce qu’indique l’image de la « main invisible » d’Adam Smith : l’essentiel se joue « dans le dos de la conscience ». Le désir, en tant qu’il est insu, n’est dès lors plus ce qui doit être réprimé, ou contenu ; il est ce qui doit être connu et canalisé.

      #population #statistiques #pouvoir_sécuritaire

    • On a pu parler de « libéral-fascisme » au sujet de Trump ou de Bolsonaro, en entendant désigner un régime autoritaire et réactionnaire clairement ordonné au primat du développement de l’économie. Trump et Bolsonaro sont de fiers militants de la classe des capitalistes, qui s’appuient sur la mobilisation des forces populaires les plus réactionnaires d’un pays, à commencer bien sûr par sa police. Tout le danger vient de ce que, (...) ce n’est pas le pouvoir qui est l’expression d’un peuple, c’est le peuple qui est fabriqué par le pouvoir. Les peuples des USA ou du Brésil, mais bien sûr aussi le peuple français est depuis quatre décennies, depuis la désertion de l’espace politique antagonique, fabriqué comme un peuple réactionnaire. Il est préparé, pourrait-on dire, à la solution fasciste. Car le fascisme est toujours une option possible pour les militants de la classe des capitalistes.

      Notons que ce qui peut être infiniment utile pour la classe des capitalistes, c’est de disposer de solutions politiques autoritaires qui font appel à une forme de mobilisation subjective qui est celle de la politique révolutionnaire. Les fascistes comme Trump reprennent à leurs ennemis la visée d’une grande rupture, d’une grande transformation, et peuvent pour cette raison susciter l’enthousiasme révolutionnaire et s’appuyer sur l’expression d’un besoin de changement radical.

      #peuple #fascisme

  • Crise sanitaire : « Le soleil noir de l’exclusion » - Samuel Dock et Roland Gori
    https://justpaste.it/2ql6d

    Le couvre-feu se poursuit, sans fin, nul ne sait quand il cessera d’obscurcir le ciel du pays. Les lieux soutenant le lien social, la culture, le sens irriguant l’existence, demeurent clos, tandis que la détresse croît et les solitudes grandissent. Dans le silence politique qui accompagne ces mesures et consacre notre impuissance, des voix, de plus en plus nombreuses, sur les réseaux sociaux et dans la presse se font entendre. Elles ne réclament pas tant un changement de stratégie du gouvernement ou le retour au débat démocratique, mais le confinement, ou l’autoconfinement, des plus vulnérables.

    Les auteurs de ces prises de position ne manquent jamais de pragmatisme et proposent des « solutions » concrètes pour permettre l’isolement des vieux et des faibles pour lesquels ils s’expriment, dans une violence symbolique difficilement acceptable. Face à la crise que nous traversons, certes, l’imagination pourrait tous nous sauver.

    Cependant, est-ce faire preuve d’imagination que d’ostraciser toute une frange de la population au profit d’une idéologie ? De vanter les mérites d’une exclusion qui a conduit l’année dernière des milliers de personnes à souffrir et à mourir seules en Ehpad ? Doit-on encore accentuer un peu plus les logiques d’opposition qui saignent notre modernité tardive ?

    #biopolitique #fascisme

  • « Accepter de prendre des risques pour vivre une vie pleine, c’est préférer mourir plutôt que vivre indignement »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/12/qu-est-ce-qui-est-plus-essentiel-que-de-pouvoir-decider-du-moment-de-sa-prop

    Accepter de prendre des risques – y compris celui de mourir – pour vivre une vie pleine, conviviale, épanouie, c’est d’une certaine manière préférer mourir plutôt que vivre indignement. C’est donc vouloir la mort plutôt qu’une vie rétrécie. Or ceux qui, en raison des souffrances, des handicaps et de la dépendance que provoquent la vieillesse ou la maladie, choisissent délibérément de mourir, que font-ils d’autre ? Il est incohérent de défendre le choix d’une vie qui inclut la mort d’un côté et de refuser la liberté de choisir celle-ci au terme d’une réflexion approfondie, conduisant à estimer sa vie « accomplie ».

    #biopolitique #paywall

    • Comment les plus âgés doivent-ils pouvoir gérer le risque lié à la pandémie due au coronavirus ? Le philosophe François Galichet défend le droit à vouloir la mort plutôt qu’une vie rétrécie.

      Tribune. La psychologue Marie de Hennezel, dans un vibrant plaidoyer (« Notre réaction au Covid-19 montre que plus on dénie la mort, moins on tolère le risque et l’incertitude », Le Monde du 8 janvier https://seenthis.net/messages/850474), défend le droit des plus âgés à « retrouver le sens des choses et aller droit à l’essentiel », et notamment à ne plus dénier la mort : « Plus on dénie la mort, moins on tolère le risque et l’incertitude. »

      Ce plaidoyer aura certainement fait sursauter tous ceux qui savent que Marie de Hennezel est une farouche adversaire de la liberté de mourir. Elle dénonce une politique qui « a voulu protéger les plus âgés en les infantilisant parfois, en les privant de leur libre choix de décider ce qui était essentiel pour eux ». Mais qu’est-ce qui est plus essentiel que de pouvoir décider du moment de sa propre mort ?

      Ce refus de l’infantilisation est effectivement attesté par de nombreuses enquêtes auprès des seniors. « Oui, je prends le risque, je préfère me sentir vivant et aller voir ma famille quitte à mourir, mais en restant libre. A notre âge, on veut profiter de ce qui nous reste. » Ils affirment préférer « vivre que durer » (« Covid-19 : “A notre âge, on veut profiter de ce qui nous reste” », Le Monde du 5 septembre 2020).

      Le refus de vivre indignement

      Accepter de prendre des risques – y compris celui de mourir – pour vivre une vie pleine, conviviale, épanouie, c’est d’une certaine manière préférer mourir plutôt que vivre indignement. C’est donc vouloir la mort plutôt qu’une vie rétrécie. Or ceux qui, en raison des souffrances, des handicaps et de la dépendance que provoquent la vieillesse ou la maladie, choisissent délibérément de mourir, que font-ils d’autre ? Il est incohérent de défendre le choix d’une vie qui inclut la mort d’un côté et de refuser la liberté de choisir celle-ci au terme d’une réflexion approfondie, conduisant à estimer sa vie « accomplie ».

      C’est pourquoi j’invite Marie de Hennezel à assumer son plaidoyer jusqu’au bout. Les personnes que j’ai accompagnées dans leur choix de mourir délibérément, comme celles qui détiennent les moyens de le faire, témoignent exactement des qualités qu’elle décrit chez les seniors.

      Lire aussi En temps de Covid-19, « les vieux entendent aussi décider de leur mort »

      Comme le montre l’enquête que j’ai menée auprès d’elles (dans mon livre Qu’est-ce qu’une vie accomplie ? , Odile Jacob, 2020, chapitre 5), « elles organisent leur vie autour de ce qui est pour elles essentiel ». Elles entretiennent « un autre rapport au temps » et jouissent de tous les bienfaits de la vie, parce qu’elles savent qu’elles peuvent en sortir si elle devient intolérable. Elles ont une relation plus sereine avec leurs proches, parce qu’elles sont certaines de n’être jamais un poids pour eux.

      Seul pays d’Europe à l’interdire

      Les sondages montrent que 96 % des Français sont favorables à une aide à mourir. L’Allemagne, l’Espagne, le Portugal, l’Autriche l’ont légalisée ou s’apprêtent à le faire, après la Belgique, les Pays-Bas et la Suisse. La France sera bientôt le seul pays d’Europe à l’interdire, comme elle a été l’un des derniers à abolir la peine de mort.

      Lire aussi « La médecine des personnes âgées ne peut pas tourner indéfiniment le dos à la liberté et à la mort »

      Refuser l’aide à une mort délibérée, c’est entretenir le déni de la mort que Marie de Hennezel prétend combattre ; c’est en faire une fatalité et non une composante fondamentale de notre liberté, comme l’ont reconnu bien des philosophes : Platon, Sénèque, Montaigne, Hume, Nietzsche, Cioran, entre autres.

      Un projet de loi vient d’être déposé au Sénat pour légitimer enfin l’aide à mourir. Après tant d’occasions manquées, celle-ci sera-t-elle la bonne ?

      #vieux (et, par extension, #malades...) #loi_sur_la_fin_de_vie #aide_à_mourir #suicide_assisté #éthique #euthanasie

  • Biopolitique, rationalité scientifique et luttes anti-sanitaires à l’ère du coronavirus - Sortir du capitalisme
    http://sortirducapitalisme.fr/emissions/321-biopolitique-rationalite-scientifique-et-luttes-anti-sanitai

    http://sortirducapitalisme.fr/media/com_podcastmanager/biopolitiquecovid.mp3

    Une émission expérimentale d’analyse matérialiste critique des politiques sanitaires étatiques et des contestations anti-sanitaires en contexte épidémique à l’ère du coronavirus – avec Leuh Ki, bon connaisseur de ces questions et membre du collectif Agitations.

    L’émission (50 minutes) comporte :

    Une analyse critique de la biopolitique capitaliste de l’État français et du darwinisme social et du relativisme sanitaire des contestataires anti-masques ;

    Un appel à une biopolitique par en bas, basée sur un doute raisonnable (ni croyance, ni hyper-criticisme) quant aux recommandations issues du consensus relatif des médecins, et sur une volonté d’en finir avec un système capitaliste structurellement producteur de pandémies ;

    Une analyse matérialiste critique du rapport des gens (notamment en fonction de leur classe) aux savoirs médicaux (officiels et « alternatifs »), aux autorités médicales (y compris « alternatives ») et aux recommandations sanitaires officielles ;

    Une esquisse d’analyse matérialiste des contestations anti-sanitaires en France ;

    Une histoire matérialiste des luttes anti-sanitaires et des théories conspirationnistes en contexte épidémique (choléra, Ebola, SIDA), qu’il s’agit d’analyser comme des contestations politiques et sociales (quoique non-émancipatrices) et des théories critiques (bien qu’erronées) et non comme des manifestations d’irrationalité ; (...)

    #covid-19 #biopolitique #relativisme_sanitaire #audio

  • UN warns of impact of smart borders on refugees: ‘Data collection isn’t apolitical’

    Special rapporteur on racism and xenophobia believes there is a misconception that biosurveillance technology is without bias

    Robotic lie detector tests at European airports, eye scans for refugees and voice-imprinting software for use in asylum applications are among new technologies flagged as “troubling” in a UN report.

    The UN’s special rapporteur on racism, racial discrimination, xenophobia and related intolerance, Prof Tendayi Achiume, said digital technologies can be unfair and regularly breach human rights. In her new report, she has called for a moratorium on the use of certain surveillance technologies.

    Achiume, who is from Zambia, told the Guardian she was concerned about the rights of displaced people being compromised. She said there was a misconception that such technologies, often considered “a humane” option in border enforcement, are without bias.

    “One of the key messages of the report is that we have to be paying very close attention to the disparate impact of this technology and not just assuming that because it’s technology, it’s going to be fair or be neutral or objective in some way.”

    She cited the example of pushback against Donald Trump’s effort to build a wall between the US and Mexico. “You see that there isn’t a similar sense of outrage when digital technologies are deployed to serve the same function … if you actually look at some of the statistics, and if you look at some of the research, which I cite in my report, it turns out that border deaths have increased in places where smart borders have been implemented.”

    She also raised concerns about the ways in which humanitarian agencies are engaging with surveillance. The report notes that in Afghanistan, the UN refugee agency (UNHCR) requires returning refugees to undergo iris registration as a prerequisite for receiving assistance.

    While the UNHCR has justified the use of this technology as a way to prevent fraud, “the impact of processing such sensitive data can be grave when systems are flawed or abused”, the report said.

    Last year the UN’s World Food Programme partnered with Palantir Technologies, a data mining company, on a $45m (£34m) contract, sharing the data of 92 million aid recipients.

    “Data collection is not an apolitical exercise,” notes Achiume’s report, “especially when powerful global north actors collect information on vulnerable populations with no regulated methods of oversights and accountability.”

    Covid-19 has also accelerated “biosurveillance” – focused on tracking people’s movements and health. Biosurveillance has everyday uses, such as the “track and trace” app in the UK, but there are concerns about the regulation of large-scale data harvested from populations.

    One example is the “Covi-Pass”, a health passport developed by Mastercard and Gavi, a private-public health alliance, that is reportedly due to be rolled out across west Africa. The UN report highlighted the implications of such passports for freedom of movement, “especially for refugees”.

    Petra Molnar from the Refugee Law Lab in Toronto said it was clear that the pandemic was increasing digital rights violations. “State responses to the pandemic are exacerbating the turn towards biosurveillance, with refugees and people on the move acting as communities on which to test various interventions and fast-track tech development,” she said.

    Molnar, who contributed to the UN rapporteur’s report, has noted the dehumanising impact of some technologies on displaced people in her own research. One asylum seeker she spoke to in Belgium said the amount of personal data he’d given up made him feel, “like a piece of meat without a life, just fingerprints and eye scans”.

    “Our conversations with refugees and people crossing borders show how little attention is being paid to the lived experiences of people who are at the sharp edges of these high-risk technological experiments,” said Molnar.

    The intersection of technology and human rights violations were highlighted in a recent investigation into the European border agency Frontex, which allegedly witnessed pushbacks of migrants in the Aegean Sea via some of its assets, including drones.

    Konstantinos Kakavoulis from Homo Digitalis, a Greek organisation focused on digital rights, said technologies often outpaced the legal framework.

    “There is no clear regulation for the use of drones or body-worn cameras by the Greek police,” he said. “The police have signed a contract for the provision of a facial recognition software with Intracom Telecom, a Greek company, without receiving the opinion of the Greek data protection authority.”

    He added: “Apart from the insufficiency of legal safeguards, we also lack transparency; and this is not only remarkable, but highly problematic.”

    Achiume said that until the impact of surveillance technologies on human rights could be understood, use of such technologies should be halted. “Until we can understand and mitigate those harms, there should just be a moratorium on them.”

    https://www.theguardian.com/global-development/2020/nov/11/un-warns-of-impact-of-smart-borders-on-refugees-data-collection-isnt-ap

    #frontières #smart_borders #frontières_intelligentes #réfugiés #asile #migrations #technologie #politique #biopolitique #technologies_digitales #droits_fondamentau #droits_humains #surveillance #contrôles_frontaliers #neutralité #Palantir_Technologies #données #biosurveillance #Covi-Pass #Mastercard #Gavi #complexe_militaro-industriel #covid-19 #coronavirus #reconnaissance_faciale #Intracom_Telecom

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  • Le vrai nom du « second confinement »
    https://lundi.am/Le-vrai-nom-du-second-confinement

    Le terme de « confinement » ne contribue en rien à décrire la situation qui est la nôtre depuis quelques jours ; il en alimente plutôt la confusion. En mettant en avant, comme un chiffon rouge, l’aspect sanitaire, ce terme est engagé, qu’on le veuille ou non, dans une stratégie de légitimation et de banalisation des manœuvres en cours qui nous empêche d’en penser les multiples strates et les conséquences que nous savons déjà durables. Il y a une épidémie, certes ; mais il y a surtout une multitude de manières d’y répondre ! et ce sont ces choix politiques qu’il est d’autant plus crucial de percevoir nettement qu’on essaye de les mettre sur le compte de la nécessité. A moins de cela, la politique sera toujours quelque chose que l’on subit, que l’on nous fait , et jamais une prise et un levier que l’on a en main. Et vus les temps qui courent à leur perte, on sera fait , tout simplement, comme des rats.

    Pour nommer cette situation où personne n’est confiné, mais où tout le monde est soumis à un principe de raisons suffisantes – dont la liste variable est édictée régulièrement par l’État – pour sortir de chez soi, où la circulation n’est pas tellement entravée mais doublée en continu de son motif crédible, de son attestation, il me semble que le nom d’« arraisonnement » est parfaitement adéquat. Il désigne précisément cela : une mise à la raison , le fait de n’avoir droit à l’existence qu’à mesure qu’on est capable de rendre des comptes, de donner ses raisons. « Vous n’avez rien à faire ici » – c’est la première phrase que j’entends aujourd’hui lors d’un contrôle au carrefour de Belleville.

    Arraisonnement est un vieux terme de marine, et il a tout d’abord été forgé dans des contextes sanitaires. Est arraisonné un navire que l’on suspecte d’être porteur d’une maladie : avant de le laisser entrer dans un port, on examine son équipage et sa cargaison, lesquels doivent rendre compte de leur caractère sain. Le médecin qui arraisonne le bateau lui fournit alors une attestation qui lui permet de circuler jusqu’aux dépôts, mais si un doute subsiste, si toutes les raisons d’être rassuré n’ont pas été données, alors le navire n’a pas le droit d’entrer au port (et c’est là qu’il est proprement confiné , mis en quinzaine ou en quarantaine). La seule différence avec notre situation, c’est que, pour nous, le moment du contrôle coïncide avec celui de la circulation : à tout moment un agent peut nous sommer de donner nos raisons d’être là. Comme à l’intérieur du carré de la gare Saint-Lazare, la pression des raisons se fait constante, courbe les dos, presse les pas, corrige les attitudes, édicte les suspicions.

    [...]Cette situation d’arraisonnement n’est pas liée à une « seconde vague », terme qui laisse croire que la fin de l’année apporterait du meilleur. L’arraisonnement étant sanitairement assez nul, il risque de s’inscrire dans un temps beaucoup plus long, de tassement relatif des courbes plus que de retombée.

    [...] Aux conséquences économiques de tout cela, qu’on annonçait déjà colossales après le printemps dernier, et qui serviront de portée inattaquable à la musique d’enterrement de l’austérité, vont s’ajouter les premières conséquences économiquement non négligeables et croissantes du réchauffement climatique.

    #arraisonnement #confinement #covid-19 #rat_race #politique #contrôle #biopolitique #état_d'exception #cybernétique

  • De la « responsabilité individuelle » (article du 26 juin dernier)

    Face à la crise sanitaire, qui sont les irresponsables ?
    https://www.telerama.fr/idees/face-a-la-crise-sanitaire-qui-sont-les-irresponsables-6642610.php

    Face à la crise sanitaire, qui sont les irresponsables ?

    Romain Jeanticou,
    Publié le 26/06/20

    Faire les bons gestes face au changement climatique, ne pas se relâcher face au virus… Le gouvernement ne cesse d’en appeler à la responsabilité individuelle. Pour mieux se dédouaner ?
    Des soignants appelés « à faire des sacrifices » (Emmanuel Macron, le 12 mars). Des patients hospitalisés accusés d’être « ceux qui n’ont pas respecté le confinement » (le préfet Didier Lallement, le 3 avril). Un déconfinement possible selon « le comportement des Français » (le ministre Olivier Véran, le 13 avril). Des vacances d’été corrélées aux « efforts des uns et des autres » (le secrétaire d’État Baptiste Lemoyne, le 1er mai)... Depuis plus de deux mois, la notion de responsabilité individuelle, brandie tantôt comme un devoir, tantôt comme une menace, joue un rôle considérable dans la gestion politique de la crise. Jusqu’à parfois laisser croire que la fin de l’épidémie ne dépend que de nous.

    Dans un premier temps, le gouvernement avait tâché de rassurer la population en l’incitant à poursuivre normalement ses activités. En mars, il a finalement fait appel aux changements d’attitudes des uns et des autres pour limiter la propagation du virus. « La panoplie du dispositif d’individualisation des responsabilités a été déployé, remarque le sociologue Jean-Baptiste Comby. D’abord par l’information pédagogique – spots, interventions télévisées –, puis par un arsenal coercitif – contrôles policiers, amendes. »

    Cette rhétorique des « bons gestes » à adopter, nécessaire dans l’urgence, le sociologue la connaît bien : dans son livre La Question climatique. Genèse et dépolitisation d’un problème public, il a étudié comment elle faisait peser le poids de la crise environnementale sur les citoyens. Jean-Baptiste Comby lui trouve les mêmes travers dans la crise sanitaire : « Il y a cette idée qu’il suffit de passer le message pour que les gens adoptent tous facilement les bons comportements, sans tenir compte du fait qu’ils ne sont pas tous exposés au message de la même manière, qu’ils le reçoivent différemment et qu’ils ne sont pas tous égaux pour l’appliquer. »

    Attendre de chacun qu’il réagisse comme les autres à une injonction, cela revient à considérer que les citoyens ont tous la même condition sociale, économique, culturelle. Des individus comme séparés de la société – une fiction, pour les sciences sociales. Prolongeant les travaux d’Émile Durkheim, le sociologue Jean-Claude Kaufmann a montré comment la liberté de vivre sa vie comme on l’entend, qui va de pair avec l’individualisation de nos sociétés contemporaines, s’articule nécessairement avec les différentes contraintes, restrictions et déterminismes sociaux qui nous entourent. On vit surtout sa vie… comme on le peut. Chacun ne peut agir qu’en fonction de ses capacités et comme tous les choix ne sont pas possibles pour tous, l’individu se retrouve personnellement mis en cause pour ses écarts de conduite.

    Un hiatus qu’analysait déjà Michel Foucault à la fin des années 70, dans son cours Naissance de la biopolitique : les savoirs médicaux, estimait-il, responsabilisent le patient au point parfois de lui reprocher ses mauvaises pratiques, sans tenir compte de son cadre social. Pourtant, se responsabiliser est aussi une question de moyens : tout le monde, selon son travail, son logement, sa situation familiale ou sa santé, n’a pas pu se confiner parfaitement. De la même manière que tout le monde ne peut avoir une alimentation équilibrée. Le sociologue Robert Castel parlait d’une « société duale », partagée entre ceux qui comprennent l’utilité de se protéger et sont en capacité de le faire, et les autres, fragilisés par cette exigence de responsabilisation.

    Ainsi, on a largement montré du doigt celles et ceux qui avaient fait des stocks de courses, prenaient l’air durant le confinement ou avaient quitté les grandes villes. « Derrière les comportements, il existe toujours des raisons d’agir et des calculs déterminant l’attitude à adopter, rétorque le sociologue Denis Colombi. Puisqu’on ne peut pas sortir autant que l’on veut, achetons plus que d’habitude. Derrière les sorties, il y a souvent la difficulté d’être enfermé avec des enfants dont il faut s’occuper. Dans les départs des grandes villes, il y a aussi le choix d’être près de ses proches, peut-être fragiles, ou de quitter un logement précaire. Il faut rappeler que ces décisions ont été prises dans un flou assez fort : le discours gouvernemental fut d’abord rassurant, minimisant la menace avant de prendre des mesures très strictes. On ne peut pas juger ces comportements individuels sans mettre en question la gestion de l’épidémie. »

    Sociologue et directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), Denis Salles cite son homologue belge Guy Bajoit : « Les contraintes ne sont supportables et efficaces que si elles ont un sens légitime aux yeux des individus. Pourquoi ouvrir les commerces et pas les plages ? Les gouvernements ont à donner du sens à ces décisions pour les faire respecter, plutôt que d’utiliser la sanction. »

    Brandir la responsabilité à tout bout de champ, estime-t-il, c’est donner l’idée que l’on a entre nos mains la possibilité de résoudre le problème tout en faisant planer une menace si on ne le fait pas. « Vous êtes à la fois maître d’une solution et coupable. » Ce processus fait peser la responsabilité de l’issue de la crise sur les individus et stigmatise les comportements égoïstes tout en valorisant les comportements vertueux, poursuit le directeur de recherche de l’Inrae. Poussé à outrance par le néolibéralisme, ce système de pensée crée des irresponsables d’un côté et des héros de l’autre, par exemple les soignants qui font leur travail quotidien. »

    Cette notion est au cœur de la gouvernance néolibérale. L’avènement du néolibéralisme a été marqué par un transfert de responsabilités propres à l’État-providence – éducation, santé, sécurité, travail… – vers les individus et le secteur privé. Pour autant, observe la philosophe Émilie Hache (1), « le retrait apparent de l’État marque en réalité un interventionnisme encore plus fort mais déplacé » . Fini le rapport de dépendance, mais à l’inverse un système qui exige des individus qu’ils s’autonomisent et se responsabilisent.

    Dans le domaine de l’environnement comme dans celui de la santé, ajoute le sociologue Denis Salles, « l’invocation de la responsabilité semble être devenue une réponse systématique des sociétés modernes dans des situations de risques et d’incertitude qu’elles ont elles-mêmes engendrées » . Le chercheur a notamment étudié comment les politiques font de plus en plus appel au changement de pratiques individuelles, pour réguler les problèmes collectifs climatiques : consommer autrement, se déplacer autrement… Les fameux « bons gestes » .

    « L’idée est de faire assumer à chacun les conséquences de ses choix. » Désigné « entrepreneur de lui-même » , selon l’expression de Foucault, l’individu devient ainsi le premier responsable de sa trajectoire de vie, sur le plan professionnel ou économique. C’est cette idée qui sous-tendait l’injonction d’Emmanuel Macron à « traverser la rue » pour trouver un emploi, ou ses regrets devant le fait que « les gens ne s’en sortent pas » malgré le « pognon de dingue » mis dans les minima sociaux. De la même manière, l’individu serait aussi responsable de l’évolution de la crise climatique ou de celle du coronavirus.

    Bien sûr, il ne s’agit pas de nous décharger de toute responsabilité – pas question d’abandonner le recyclage de nos déchets ou le port du masque –, mais de rappeler que l’individu ne peut pas tout et que la responsabilité collective ne se fait pas à parts égales. Ainsi, cent multinationales produisent à elles seules 71 % des émissions planétaires de CO2 depuis 1988. « La responsabilisation dépend des responsabilités que l’on a », soulignait le philosophe Cornelius Castoriadis.

    Comment espérer contenir le changement climatique en s’intéressant davantage à nos gestes quotidiens qu’à notre modèle économique ? En analysant la couverture médiatique des questions environnementales, le sociologue Jean-Baptiste Comby s’est pourtant aperçu que l’accent était mis sur les conséquences du changement climatique et non sur ses causes. « Très majoritairement, les reportages incitent les citoyens à changer leurs comportements, relayant à leur manière la politique de l’État. On tient un discours de morale individuelle qui évacue la question de savoir quelles décisions politiques et mécanismes économiques sont à l’origine d’activités polluantes. »

    La focalisation actuelle sur les attitudes « irresponsables » des uns et des autres, dans les discours de nos représentants, dans les journaux télévisés ou dans les conversations de palier est-elle le signe que nous portons le même regard dépolitisé sur la crise sanitaire ? Parlons-nous davantage des règles de confinement et des gestes barrières que de la gestion des hôpitaux et de notre autonomie sanitaire ?

    Le processus politique de responsabilisation a atteint ses limites

    « Toute une partie de la population tient pour responsables le gouvernement et ses prédécesseurs pour leurs décisions et leurs incohérences, répond Jean-Baptiste Comby. Au point que des actions en justice ont déjà été introduites. La mise en accusation est bien plus forte et rapide que pour le climat. » Un constat partagé par Denis Salles, qui voit dans l’individualisation des responsabilités « une manière de se dédouaner de ses erreurs » mais ne croit pas pour autant que « la responsabilité politique dans cette crise sanitaire s’efface derrière la responsabilité des citoyens » .

    C’est la preuve, selon Jean-Baptiste Comby, que le processus politique de responsabilisation a atteint ses limites. « Cette crise arrive alors que s’intensifie la contestation du pouvoir, ce qui empêche une union nationale comme on a pu la connaître après des attentats. Dans ce climat anxiogène, la responsabilisation individuelle à outrance pourrait accentuer les crispations entre les uns et les autres en fonction de leurs attitudes. »

    Pour l’éviter, la philosophe Émilie Hache appelle à une « conception positive de la responsabilité morale », qui soit libératrice pour les individus. C’est ce que la philosophe féministe belge Isabelle Stengers appelle empowerment : le processus par lequel « chacun des membres d’un collectif acquiert, grâce aux autres et avec les autres, une capacité propre de penser, de sentir, de décider qu’il n’avait pas individuellement » . Une « responsabilité solidaire » , conclut le directeur de recherche de l’Inrae Denis Salles. « Dans un monde où existent à la fois toujours plus de science et toujours plus d’incertitude, lorsque l’on ne sait pas, mieux vaut chercher des solutions collectivement et les assumer collectivement. Étendre le périmètre de résolution du problème au-delà de l’individu, mais aussi au-delà des autorités. »

    #biopolitique

  • #Covid-19 et #capitalisme : le triomphe de la #biopolitique ? – CONTRETEMPS
    https://www.contretemps.eu/coronavirus-capitalisme-biopolitique-foucault-agamben-esposito-marxisme

    La pandémie de Covid-19 débutée en 2019 constitue un événement total parce qu’elle incarne, à une échelle mondiale inédite, l’emboîtement de toutes les crises en cours et l’absence de toute issue prévisible à l’emballement catastrophique auquel nous assistons. Suscitant l’analyse et le pronostic, invitant à penser les ruptures à une époque qui les avait bannies de son horizon, la situation a, entre autres effets collatéraux, provoqué la prolifération frappante de la thématique biopolitique, qui s’était développée sur le terrain de la philosophie critique contemporaine au cours des dernières décennies. Les causes de ce succès sont multiples : en raison de son caractère savant autant que suggestif, de son extension indéfinie et de ses connotations futuristes, de son parfum critique et, bien sûr, d’une ascendance foucaldienne devenue critère de vraie radicalité, le terme semble le plus adéquat, sinon pour analyser les causes de la situation, du moins pour énoncer l’ampleur de ses enjeux.

    • Le paradoxe est à son comble si l’on ajoute que les notions de biopolitique et de biopouvoir élaborées par Foucault au milieu des années 1970[1] sont toujours restées en chantier : remodelant sans cesse ces catégories avant de les délaisser, il leur conféra le statut de pistes et d’esquisses d’une théorie de la société et de l’État qui se voulait avant tout une alternative à la critique de l’économie politique marxiste et à ses conséquences politiques. Congédiant les questions de l’organisation de la production et du conflit de classes, abandonnant les perspectives de l’égalité et de la révolution, Foucault abordait la réalité politique et sociale sous l’angle combiné de procédures de subjectivation et de dispositifs de gouvernementalité, œuvrant à même les corps et les populations.

      #ontologie #vitalisme #immunopolitique #Agamben (détruit autrement que précédemment ici) #Isabelle_Garo

  • Le « style tardif » de la #biopolitique. #Pandémie et #sélection – CONTRETEMPS
    https://www.contretemps.eu/biopolitique-pandemie-covid-selection-brossat

    Mais il n’en est pas moins, dans les conditions où il demande au malade de rester chez lui ou, au contraire, l’encourage à se rendre à l’hôpital, l’agent d’une décision (d’un partage) où sont en jeu des questions de vie et de mort – où il statue sur le partage entre ceux que l’institution (l’hôpital comme figure de l’État ayant en charge la santé des sujets formant une population donnée, ici) prend en charge pour tenter de les faire vivre en dépit de la pandémie, de sauver et, à l’inverse, ceux qu’elle abandonne à leur destin (« surveillez votre température et, en cas de problèmes respiratoires, appelez votre médecin traitant »). Ce geste est bien celui d’une sélection puisque le médecin urgentiste va être conduit à ouvrir ou fermer les portes des unités de soin dédiées au covid en prenant en compte, outre les symptômes décrits, le profil général de la personne – les personnes âgées sont régulièrement invitées à rester chez elles, les pensionnaires des EHPAD y sont le plus souvent consignés.

    Il n’est donc pas exagéré, dès lors que sont en jeu des questions de vie et de #mort, de parler de fracture, un partage placé sous le régime du terrible et dont l’objet est la prise en charge du vivant par le pouvoir médical, la puissance étatique plus généralement.

    Ce partage sans appel n’est pas sans rappeler, quand même, dans la mesure précisément où le terrible en est le régime, la façon dont les pouvoirs traditionnels statuent sur la vie et la mort des sujets qui leur sont soumis, le droit du glaive, l’association indissoluble entre l’exercice du pouvoir et la mort – l’inscription de cet exercice dans un horizon de mort[4]. Le médecin des urgences qui assigne le patient infecté et en danger de mort à résidence, chez lui, sans accès aux soins, c’est quand même un peu la figure grise, sinistre, d’une souveraineté imprésentable qui, ici, tranche dans le corps commun non pas en faisant mourir, en faisant couler le sang, mais en pratiquant une sorte d’abandon actif, en laissant mourir par absence de soins.

    Ce geste dont la signification ne cesse, dans l’après-coup, de faire l’objet de tout un travail de camouflage et de maquillage, on le retrouve, sous une forme à peine moins brutale, dans l’opération du partage, au fort de l’épidémie, entre ceux-celles que les pouvoirs publics considèrent comme exposables envers et contre tout (ceux qui sont astreints à continuer à travailler, souvent sans protection, souvent en fonction de considérations où l’intérêt économique l’emporte sur celui de la vie commune, par opposition à ceux qui sont placés sous un régime général de retrait et de protection – celui du confinement.

    Dans les deux figures du partage ici évoquées, tout semble bien se passer comme si la fracture biopolitique n’était pas seulement ce qui survient au gré de circonstances catastrophiques imprévues, mais plutôt comme un inavouable principe dynamique de la prise en charge du vivant par les gouvernants dans nos sociétés. La production du geste du partage entre la fraction de la population dont le « droit à la vie » sera, envers et contre les circonstances désastreuses de l’épidémie, défendu et celle qui est abandonnée à son destin peut être interprétée de deux façons : en première approche, comme l’effet inopiné de la catastrophe face à laquelle l’autorité manifeste son incurie, débordée par les circonstances d’un fléau « trop grand pour elle », à la hauteur duquel elle échoue piteusement de se tenir. Mais le lecteur attentif de Foucault, notamment du chapitre V de La volonté de savoir, « Droit de mort et pouvoir sur la vie », sera porté à ausculter d’un peu plus près cette vérité se présentant comme factuelle. Certes, remarque Foucault, la relation du pouvoir à la mort se transforme profondément avec l’avènement des pouvoirs modernes. Ceux-ci ne mettent pas en jeu le droit de vie et de mort comme le fait, traditionnellement, le pouvoir souverain – droit de « faire mourir ou de laisser vivre ». En effet, explicite Foucault, sous un régime de pouvoir moderne, il s’agit de

    produire des forces, les faire croître, les ordonner plutôt que […] les barrer, les faire plier ou les détruire. Le droit de mort tendra dès lors à se déplacer ou du moins à prendre appui sur les exigences d’un pouvoir qui gère la vie et à s’ordonner sur ce qu’elles réclament[5].

    • Quand les plus hautes autorités de l’État ont eu recours en France à l’image de la guerre pour évoquer la lutte contre l’épidémie, il fallait donc l’entendre aussi de cette façon : c’est la guerre, l’ennemi viral a envahi notre territoire de façon telle que tout le monde, désormais, se trouve exposé au risque de la mort. Dans cette situation où il nous faut faire face à un danger vital, n’attendez pas de nous, les gouvernants, nous vous protégions tous autant que vous êtes et quelle que soit votre condition. C’est la guerre et il nous va donc falloir opérer des choix et consentir à des sacrifices. La définition des critères selon lesquels nous ferons ces choix et consentirons ces sacrifices nous appartient à nous seuls et ne saurait, bien sûr, être rendue publique et revendiquée – tant ce passage d’un régime du gouvernement des vivants à un autre suppose de contraventions et transgressions éthiques de ce qui demeure le saint Graal normatif et axiologique du discours démocratique et de l’universalisme humaniste et humanitaire qui demeurent nos tables de la loi…

      #laisser_mourir #société_d'abandon #ensauvagement