• Tonique et désopilant : le « Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses » de Catherine Dufour
    http://kat.mecreant.org/le-guide-des-metiers-pour-les-petites-filles-qui-ne-veulent-pas-finir-

    Materner, c’est très bien, faire le ménage, c’est nécessaire et s’habiller sexy peut être agréable, mais ce ne sont pas les trois seules façons pour une fille de gagner sa vie. Il y en a beaucoup d’autres, souvent bien mieux payées.

    J’ai donc, afin de compléter ce catalogue, composé un Guide des métiers pour les petites filles qui compte près de 50 fiches-métier.
    Chaque fiche détaille, à travers des exemples concrets, les avantages et les aléas de la profession concernée. Des indications pratiques comme Etudes conseillées, Salaire en début de carrière ou Espérance de vie accompagnent le texte. »

    A force d’entendre/de lire des commentaires enthousiastes (merci @fil), j’ai mis la main sur ce livre (bien que je répète tout le temps ces temps-ci que je veux arrêter le féminisme) et je ne l’ai pas regretté. Catherine Dufour n’oppose pas un modèle à un autre : elle dresse les portraits de femmes flamboyantes d’hier et d’aujourd’hui qui ne se sont laissé arrêter par rien ni personne et qui ont brûlé, ou qui brûlent encore, leur vie par les deux bouts (pas mal de suicidées et de trucidées dans sa sélection, et curieusement ça ne refroidit pas une seconde l’ardeur de la lectrice). Et elle raconte leurs glorieuses trajectoires avec une désinvolture et un humour euphorisants. Ce qui, dans cette époque frileuse et cernée d’angoisses, où on s’habitue insensiblement à penser et à vivre prudemment, petitement, revient à faire encore mieux qu’un livre féministe.

    Jane Campion, Lieve Joris (cf.
    http://www.peripheries.net/article312.html ), Florence Aubenas, Virginie Despentes, Ada Lovelace, Hedy Lamarr, Claire Bretécher, Ella Maillart, Ariane Mnouchkine, Michelle Perrot, Gisèle Halimi (l’une des plus, ou des seules, attendues), Angela Davis, Rosa Luxemburg, Nina Hagen et un paquet de méconnues qu’on est ravie de rencontrer : sa sélection est à peu près impeccable. (Juste eu un sursaut en voyant le nom d’Hélène Carrère d’Encausse, qui ne me fait pas trop rêver depuis que :
    http://www.liberation.fr/evenement/2005/11/15/beaucoup-de-ces-africains-sont-polygames_539018 )

    Au passage, je découvre, à l’entrée « Résistantes », l’histoire incroyable de la grand-mère de Robin Hunzinger, qui m’avait échappé bien que je suive son travail depuis longtemps. Il lui a consacré un film, « Où sont nos amoureuses ? » :
    http://www.robinhunzinger.info/056-ou-sont-nos-amoureuses-2006.html

    Noté au vol : « On ne peut pas contenter soi-même et tout le monde. Je préfère moi-même. »
    (Colette)

    « Dans le monde entier, on enseigne aux enfants la légende dorée de Marie Curie, cette sainte Vierge de la science présentée comme un modèle (inaccessible) aux filles que l’école a le devoir d’émanciper. Pourquoi ne représente-t-on pas la science sous les traits d’une jeune femme avenante, délurée et décidée, poursuivant son chemin sans souci du qu’en dira-t-on, sachant s’imposer dans un monde d’hommes, aimant plaire, heureuse ? »
    (La mathématicienne Michèle Audin)

    Et Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue :
    « La vie étant courte, je fais ce qui me plaît. »

    Bref, un livre joyeusement foutraque, aussi jouissif et stimulant que les « Fantômette » (et « Fantômette », c’était il y a longtemps). (Et mon ravissement n’a rien à voir, ou si peu, avec ma fierté d’apprendre au détour d’une note de bas de page que je suis l’une des « idoles » de Catherine Dufour. EH OUAIS.)

    Cf. aussi la critique de Maïa Mazaurette :
    Tu feras quoi quand tu seras grande ? Tortionnaire ou aventurière ?
    http://www.gqmagazine.fr/sexactu/articles/tu-feras-quoi-quand-tu-seras-grande-tortionnaire-ou-aventurire-/13308

    La démarche de Catherine Dufour rappelle un peu la rubrique « Why can’t I be you ? » de Rookie Mag, le magazine fondé par Tavi Gevinson :
    http://www.rookiemag.com/tag/why-cant-i-be-you

    PS. Ma libraire, indignée, en feuilletant l’index des métiers : « Il n’y a pas libraire ! »

    #féminisme

  • Les Inrocks - « Les inégalités n’ont pas disparu, elles ont juste été repoussées plus loin dans le cursus scolaire. »
    http://www.lesinrocks.com/2013/04/10/actualite/des-destins-tres-francais-11383786

    La France reste donc une société de classes ?

    La période des Trente Glorieuses a fait croire à certains que les classes sociales étaient mortes, enterrées par le développement des classes moyennes. Or, depuis une quinzaine d’années, les inégalités augmentent à nouveau, en termes de revenus ou de patrimoine. Ce que montre également la persistance d’une si forte reproduction sociale, c’est que l’émergence d’une vaste société “moyenne” relève du mirage. Les destins à ce point contrastés des enfants des classes populaires et des enfants mieux nés soulignent à quel point il subsiste des univers de vie différents dans la société française.

    #Camille_Peugny #sociologie #mobilité_sociale

    • En vrai, le titre est trompeur les inégalités n’ont pas « été repoussées plus loin dans le cursus scolaire », leurs effets visibles peut-être, et encore…
      (Ne serait-ce que du point de vue institutionnel-financier, pour ne pas parler du reste, les budgets des écoles, qui dépendent des mairies, varient de plus de 1 à 10.)

      L’élitisme de l’école n’est-il pas son principal vice ?

      Bin oui, on en revient toujours là.

      Pour cela, il n’y a pas de miracle : il faut plus de moyens – la France dépense 20 % de moins pour l’enseignement primaire que la moyenne des pays de l’OCDE -, des classes moins chargées, des changements dans les pratiques éducatives.

      Le vrai miracle serait une vraie volonté politique pour coordonner augmentation des moyens ET un changement des pratiques éducatives. Le trou noir de la réflexion éducative de la gauche de gauche est que le second n’est absolument pas une conséquence de la première.

    • Enfin, moins visible pour les classes moyennes, qui sont effectivement discriminées plus tard dans le cursus scolaire. Par contre, pour les classes populaires, je peux te dire que le couperet tombe de plus en plus tôt. Dès la maternelle, tu vois déjà comment les petits _cassos" comme on les appelle délicieusement sont traités différemment des autres et combien cette mise à l’écart va s’intensifier tranquillement pendant le primaire pour un direct to CLIS ou Segpa à l’arrivée au collège. Les classes moyennes à fort capital culturel et faible capital financier verront le couperet lors de l’accès aux études supérieures où l’argent fait immanquablement la différence plus que la connaissance des cursus ou les aptitudes des étudiants.

    • La question de la maîtrise de la langue orale est discriminante dès la maternelle. Les écarts (et donc les inégalités) entre les classes de GS de la ville haute et du quartier populaire du #bled-en-chef sont vraiment criantes.
      Pour les classes populaires, il y a à la fois les inégalités de départ (sociales, culturelles) et pour ceux qui s’en sortent malgré tout un effondrement plus tard (au collège) faute d’étayage et aussi de possibilité de se projeter dans l’idée d’un cursus long. L’an dernier, nous avons organisé des séances communes entre un groupe de lycéens et nos CP. J’ai été frappé par le fait de devoir expliquer ce qu’était un lycéen, de fait mes élèves n’en ont pas autour d’eux. Ils connaissent le collège que les grands frères et sœurs fréquentent, mais pas le lycée car les orientations se font avant. Massivement. On retrouve là le tandem élitisme/reproduction sociale.
      Pour les cassos, tu as encore raison. Avant de rejoindre le quartier populaire du #bled-en-chef, j’étais en école rurale et le regard porté par les adultes, et parfois les prises de paroles que ces adultes s’autorisent avec les familles et les gamins, sont tout simplement effrayants. Je ne prétends pas être un bon instit et la question des bonnes pratiques pédagogiques est complexe et je fais mon chemin avec modestie mais il y a un truc dont je suis persuadé c’est que la #bienveillance est une clef pédagogique fondamentale. Une attitude bienveillante de la part des enseignants est une réforme applicable tout de suite, qui ne demande aucun moyen supplémentaire et qui pourrait modifier en profondeur notre système éducatif. L’#effet_Pygmalion est un levier incroyable, j’en ai tous les ans la preuve…

    • Les cassos sont les nouveaux bougnoules de la République. Je suis frappée par l’unanimité du rejet dont il font l’objet et par les attitudes et discours que les gens se croient permis à leur encontre. C’est d’une violence qui m’est assez intolérable et je suis dans cette configuration incroyablement minoritaire. La figure du cassos permet, semble-t-il, de cristalliser tout le besoin de haine et de distinction de l’ensemble du corps social. C’est un racisme anti-pauvres très violent et content de ne pas dire son nom.
      En gros, ils sont un défouloir collectif aux frustrations accumulées ces derniers années, les parfaits boucs émissaires d’un corps social qui se délite totalement.
      Je veux écrire là-dessus, mais quelque part, je n’y arrive pas... même pour moi, c’est trop gros.

    • J’avais mis ça de coté il y a quelque temps sur Diigo :
      http://www.lautrecampagne.org/article.php?id=52

      On peut dire, pour résumer, que l’École française, bien loin d’être une institution « technique » (dont la théorie serait la « pédagogie ») destinée à mettre les générations montantes en possession de connaissances ou de compétences (on ne peut s’étendre ici sur cette distinction pourtant capitale), est au contraire une institution idéologico-politique de formation d’identités hiérarchisées en classes qui utilise la transmission, l’enseignement comme alibi ou masque de cette opération de reproduction, mais qui, en même temps, ne pouvant se passer de ce masque, effectue réellement, pour une part, cette transmission.

      Et, toujours de ce #Bertrand_Oglivie : http://www.revuedeslivres.fr/a-quoi-sert-lechec-scolaire-par-bertrand-ogilvie

      Or il est évident, contrairement à cette représentation de l’échec comme un « ratage », que cette institution a été conçue dès le départ pour qu’un tel ratage statistique important ait lieu, accompagné bien sûr d’un volant étroit de réussite, qui aboutit à ce résultat que l’école reproduit non pas simplement la société telle qu’elle est, mais le fait que les individus qui y vivent considèrent comme naturelles les normes et les hiérarchies dans lesquelles ils viennent se ranger quand ils entrent sur le marché du travail.

      [...1789] il fallait leur donner les moyens, dans tous les domaines possibles, d’être au niveau de ceux qui pensent, qui formulent conceptuellement les problèmes, et non de ceux qui les subissent. Il s’agissait de leur permettre de participer au débat public de plein pied dans le champ de réflexion et d’action de ce grand moment révolutionnaire de 1789. Il fallait donc inventer une institution spéciale dans laquelle on donnerait à toute la population française (avec évidemment, comme toujours, la question de ce qu’on entend par « tous ») la possibilité d’entrer dans la pensée du politique. Ce projet est politique depuis le départ, et l’est resté jusqu’au bout. Aujourd’hui, dans l’esprit des gens qui font fonctionner cette école, ce lieu reste associé – sur un mode assez lâche, qui est plutôt celui de l’association d’idées – à l’idée d’émancipation politique. [...]
      cette école politique ne pouvait pas non plus ne pas affronter la question de savoir ce qu’on fait d’une masse de scolarisés qui, éduqués à égalité, débarquent dans une société profondément inégalitaire, dans laquelle la question de la propriété a été tranchée dans le sens de la protection de l’inégalité, et doivent donc, d’une manière ou d’une autre, articuler, accepter cette injustice d’une formation égalitaire qui ne contrebalance pas la vie inégalitaire qu’ils vont inévitablement mener – la Révolution française n’ayant pas été une révolution communiste, comme on le sait.

      Sans vouloir lancer un #débat_interminable (quoique...), je suis depuis longtemps assez sidéré par la naiveté de l’exigence d’’#égalité_des_chances, et qui est assez marquée dans cet entretient des inrock : d’abord, la #mobilité_sociale ascendante suppose soit la disparition du travail non-qualifié, soit sa délocalisation, soit le recours à l’immigration, soit, enfin, une mobilité sociale descendante des enfants des classes bourgeoises et moyennes... Ensuite, pour poursuivre l’idée d’Oglivie, dans une société inégalitaire, l’idée d’égalité des chances semble revendiquer que les enfants de pauvres et les enfants de riches doivent avoir les mêmes chances de devenir... pauvres ou riches. Si l’on veut l’égalité des chances, comment ne pas vouloir l’égalité tout court ? : [ http://www.barbery.net/philo/chouette/salaire.htm ]

      il n’est pas vrai que des familles à revenus différents peuvent offrir les mêmes chances de développement à leurs enfants.
      Ce pourquoi, alors qu’il n’y a pas plus de justification rationnelle en faveur de l’égalité que de la hiérarchie des salaires, il faut à mon avis défendre l’égalité des revenus, c’est pour rendre effective et réelle l’égalité des chances des êtres humains.

  • Maîtresse d’école, la réforme des rythmes scolaires, j’en rêvais (Rue89)
    http://www.rue89.com/2013/03/27/maitresse-decole-reforme-rythme-scolaires-jen-revais-240935

    Ce que cela signifie en pratique ? Les lundis et jeudis, les élèves resteront à l’école, comme c’est le cas aujourd’hui, de 8h30 à 16h30 (sans compter ceux qui arrivent à 7h30 ou repartent à 18h30, selon les possibilités offertes par le périscolaire).
    Les mercredis, ils auront trois heures de classe le matin, et ceux qui allaient au centre de loisirs ce jour-là continueront à y aller aussi. Les mardis et vendredis, seule une faible proportion de parents viendra chercher ses enfants à 15 h (sauf ponctuellement, les vendredis de gros week-ends), ils iront donc au périscolaire jusqu’à 16h30 (ou plus tard).
    Où est l’allègement ? Où est la cohérence ? Où est l’intérêt de l’enfant ? Les deux jours qui ne changent pas, bah…. ne changent pas. Pour les deux jours qui changent, tout le changement repose sur la qualité des activités périscolaires proposées. Je rappelle à ceux qui ne sont pas familiers de ces questions que le périscolaire ne dépend pas du ministère de l’Education nationale, mais de la mairie.

    #éducation #réforme_rythmes_scolaires

    • C’est exactement ça : une réforme de merde, mal pensée, parce qu’on prend un morceau d’un modèle international sans interroger l’organisation sociale autour.
      Au final, on a fait semblant de parler d’éducation, alors qu’absolument rien d’important ou d’essentiel n’a été discuté, on a bougé un curseur sans rien repenser autour et surtout, on a créé de nouvelles sources d’inégalités par le désengagement collectif d’une part de l’éducation.
      On se doute bien qu’entre les gosses de Neuilly et ceux de Trifoully-les-Oies, le temps périscolaire ne va pas présenter les mêmes potentialités de développement personnel ! Il eut été bien plus simple et moins coûteux pour tous de faire définitivement respecter l’interdiction des devoirs à la maison : voilà qui aurait significativement allégé la semaine de travail des gosses tout en réduisant les inégalités, soit l’inverse absolu de ce qui a été fait ! On peut imaginer que la dernière heure soit une heure d’étude surveillée par l’instit’, avec donc possibilité de demander à la maîtresse pour ceux qui rament et qui souvent n’ont aucun support à la maison et possibilité de lire pour les plus rapides. Ce qui implique aussi que les cartables et tout le bordel pédagogique ne quitte pas l’enceinte de l’école et que le dos de nos enfants sera préservé au moins jusqu’en sixième.

      Votez pour moi !

    • Même constat navrant de par chez nous. D’après un copain instit qui est adjoint à l’enseignement dans notre commune, il faudrait au contraire placer le périscolaire en début d’après-midi, car c’est là que les enfants ont le plus de difficultés de concentration, pendant la digestion. Ensuite ils sont à nouveau plus attentifs entre 15 et 17h00. Mais là ça coince, les instits voulant finir plus tôt...