• L’#Europe et la fabrique de l’étranger

    Les discours sur l’ « #européanité » illustrent la prégnance d’une conception identitaire de la construction de l’Union, de ses #frontières, et de ceux qu’elle entend assimiler ou, au contraire, exclure au nom de la protection de ses #valeurs particulières.

    Longtemps absente de la vie démocratique de l’#Union_européenne (#UE), la question identitaire s’y est durablement installée depuis les années 2000. Si la volonté d’affirmer officiellement ce que « nous, Européens » sommes authentiquement n’est pas nouvelle, elle concernait jusqu’alors surtout – à l’instar de la Déclaration sur l’identité européenne de 1973 – les relations extérieures et la place de la « Communauté européenne » au sein du système international. À présent, elle renvoie à une quête d’« Européanité » (« Europeanness »), c’est-à-dire la recherche et la manifestation des #trait_identitaires (héritages, valeurs, mœurs, etc.) tenus, à tort ou à raison, pour caractéristiques de ce que signifie être « Européens ». Cette quête est largement tournée vers l’intérieur : elle concerne le rapport de « nous, Européens » à « nous-mêmes » ainsi que le rapport de « nous » aux « autres », ces étrangers et étrangères qui viennent et s’installent « chez nous ».

    C’est sous cet aspect identitaire qu’est le plus fréquemment et vivement discuté ce que l’on nomme la « #crise_des_réfugiés » et la « #crise_migratoire »

    L’enjeu qui ferait de l’#accueil des exilés et de l’#intégration des migrants une « #crise » concerne, en effet, l’attitude que les Européens devraient adopter à l’égard de celles et ceux qui leur sont « #étrangers » à double titre : en tant qu’individus ne disposant pas de la #citoyenneté de l’Union, mais également en tant que personnes vues comme les dépositaires d’une #altérité_identitaire les situant à l’extérieur du « #nous » – au moins à leur arrivée.

    D’un point de vue politique, le traitement que l’Union européenne réserve aux étrangères et étrangers se donne à voir dans le vaste ensemble de #discours, #décisions et #dispositifs régissant l’#accès_au_territoire, l’accueil et le #séjour de ces derniers, en particulier les accords communautaires et agences européennes dévolus à « une gestion efficace des flux migratoires » ainsi que les #politiques_publiques en matière d’immigration, d’intégration et de #naturalisation qui restent du ressort de ses États membres.

    Fortement guidées par des considérations identitaires dont la logique est de différencier entre « nous » et « eux », de telles politiques soulèvent une interrogation sur leurs dynamiques d’exclusion des « #autres » ; cependant, elles sont aussi à examiner au regard de l’#homogénéisation induite, en retour, sur le « nous ». C’est ce double questionnement que je propose de mener ici.

    En quête d’« Européanité » : affirmer la frontière entre « nous » et « eux »

    La question de savoir s’il est souhaitable et nécessaire que les contours de l’UE en tant que #communauté_politique soient tracés suivant des #lignes_identitaires donne lieu à une opposition philosophique très tranchée entre les partisans d’une défense sans faille de « l’#identité_européenne » et ceux qui plaident, à l’inverse, pour une « #indéfinition » résolue de l’Europe. Loin d’être purement théorique, cette opposition se rejoue sur le plan politique, sous une forme tout aussi dichotomique, dans le débat sur le traitement des étrangers.

    Les enjeux pratiques soulevés par la volonté de définir et sécuriser « notre » commune « Européanité » ont été au cœur de la controverse publique qu’a suscitée, en septembre 2019, l’annonce faite par #Ursula_von_der_Leyen de la nomination d’un commissaire à la « #Protection_du_mode_de_vie_européen », mission requalifiée – face aux critiques – en « #Promotion_de_notre_mode_de_vie_européen ». Dans ce portefeuille, on trouve plusieurs finalités d’action publique dont l’association même n’a pas manqué de soulever de vives inquiétudes, en dépit de la requalification opérée : à l’affirmation publique d’un « #mode_de_vie » spécifiquement « nôtre », lui-même corrélé à la défense de « l’#État_de_droit », « de l’#égalité, de la #tolérance et de la #justice_sociale », se trouvent conjoints la gestion de « #frontières_solides », de l’asile et la migration ainsi que la #sécurité, le tout placé sous l’objectif explicite de « protéger nos citoyens et nos valeurs ».

    Politiquement, cette « priorité » pour la période 2019-2024 s’inscrit dans la droite ligne des appels déjà anciens à doter l’Union d’un « supplément d’âme
     » ou à lui « donner sa chair » pour qu’elle advienne enfin en tant que « #communauté_de_valeurs ». De tels appels à un surcroît de substance spirituelle et morale à l’appui d’un projet européen qui se devrait d’être à la fois « politique et culturel » visaient et visent encore à répondre à certains problèmes pendants de la construction européenne, depuis le déficit de #légitimité_démocratique de l’UE, si discuté lors de la séquence constitutionnelle de 2005, jusqu’au défaut de stabilité culminant dans la crainte d’une désintégration européenne, rendue tangible en 2020 par le Brexit.

    Précisément, c’est de la #crise_existentielle de l’Europe que s’autorisent les positions intellectuelles qui, poussant la quête d’« Européanité » bien au-delà des objectifs politiques évoqués ci-dessus, la déclinent dans un registre résolument civilisationnel et défensif. Le geste philosophique consiste, en l’espèce, à appliquer à l’UE une approche « communautarienne », c’est-à-dire à faire entièrement reposer l’UE, comme ensemble de règles, de normes et d’institutions juridiques et politiques, sur une « #communauté_morale » façonnée par des visions du bien et du monde spécifiques à un groupe culturel. Une fois complétée par une rhétorique de « l’#enracinement » desdites « #valeurs_européennes » dans un patrimoine historique (et religieux) particulier, la promotion de « notre mode de vie européen » peut dès lors être orientée vers l’éloge de ce qui « nous » singularise à l’égard d’« autres », de « ces mérites qui nous distinguent » et que nous devons être fiers d’avoir diffusés au monde entier.

    À travers l’affirmation de « notre » commune « Européanité », ce n’est pas seulement la reconnaissance de « l’#exception_européenne » qui est recherchée ; à suivre celles et ceux qui portent cette entreprise, le but n’est autre que la survie. Selon #Chantal_Delsol, « il en va de l’existence même de l’Europe qui, si elle n’ose pas s’identifier ni nommer ses caractères, finit par se diluer dans le rien. » Par cette #identification européenne, des frontières sont tracées. Superposant Europe historique et Europe politique, Alain Besançon les énonce ainsi : « l’Europe s’arrête là où elle s’arrêtait au XVIIe siècle, c’est-à-dire quand elle rencontre une autre civilisation, un régime d’une autre nature et une religion qui ne veut pas d’elle. »

    Cette façon de délimiter un « #nous_européen » est à l’exact opposé de la conception de la frontière présente chez les partisans d’une « indéfinition » et d’une « désappropriation » de l’Europe. De ce côté-ci de l’échiquier philosophique, l’enjeu est au contraire de penser « un au-delà de l’identité ou de l’identification de l’Europe », étant entendu que le seul « crédit » que l’on puisse « encore accorder » à l’Europe serait « celui de désigner un espace de circulation symbolique excédant l’ordre de l’identification subjective et, plus encore, celui de la #crispation_identitaire ». Au lieu de chercher à « circonscri[re] l’identité en traçant une frontière stricte entre “ce qui est européen” et “ce qui ne l’est pas, ne peut pas l’être ou ne doit pas l’être” », il s’agit, comme le propose #Marc_Crépon, de valoriser la « #composition » avec les « #altérités » internes et externes. Animé par cette « #multiplicité_d’Europes », le principe, thématisé par #Etienne_Balibar, d’une « Europe comme #Borderland », où les frontières se superposent et se déplacent sans cesse, est d’aller vers ce qui est au-delà d’elle-même, vers ce qui l’excède toujours.

    Tout autre est néanmoins la dynamique impulsée, depuis une vingtaine d’années, par les politiques européennes d’#asile et d’immigration.

    La gouvernance européenne des étrangers : l’intégration conditionnée par les « valeurs communes »

    La question du traitement public des étrangers connaît, sur le plan des politiques publiques mises en œuvre par les États membres de l’UE, une forme d’européanisation. Celle-ci est discutée dans les recherches en sciences sociales sous le nom de « #tournant_civique ». Le terme de « tournant » renvoie au fait qu’à partir des années 2000, plusieurs pays européens, dont certains étaient considérés comme observant jusque-là une approche plus ou moins multiculturaliste (tels que le Royaume-Uni ou les Pays-Bas), ont développé des politiques de plus en plus « robustes » en ce qui concerne la sélection des personnes autorisées à séjourner durablement sur leur territoire et à intégrer la communauté nationale, notamment par voie de naturalisation. Quant au qualificatif de « civique », il marque le fait que soient ajoutés aux #conditions_matérielles (ressources, logement, etc.) des critères de sélection des « désirables » – et, donc, de détection des « indésirables » – qui étendent les exigences relatives à une « #bonne_citoyenneté » aux conduites et valeurs personnelles. Moyennant son #intervention_morale, voire disciplinaire, l’État se borne à inculquer à l’étranger les traits de caractère propices à la réussite de son intégration, charge à lui de démontrer qu’il conforme ses convictions et comportements, y compris dans sa vie privée, aux « valeurs » de la société d’accueil. Cette approche, centrée sur un critère de #compatibilité_identitaire, fait peser la responsabilité de l’#inclusion (ou de l’#exclusion) sur les personnes étrangères, et non sur les institutions publiques : si elles échouent à leur assimilation « éthique » au terme de leur « #parcours_d’intégration », et a fortiori si elles s’y refusent, alors elles sont considérées comme se plaçant elles-mêmes en situation d’être exclues.

    Les termes de « tournant » comme de « civique » sont à complexifier : le premier car, pour certains pays comme la France, les dispositifs en question manifestent peu de nouveauté, et certainement pas une rupture, par rapport aux politiques antérieures, et le second parce que le caractère « civique » de ces mesures et dispositifs d’intégration est nettement moins évident que leur orientation morale et culturelle, en un mot, identitaire.

    En l’occurrence, c’est bien plutôt la notion d’intégration « éthique », telle que la définit #Jürgen_Habermas, qui s’avère ici pertinente pour qualifier ces politiques : « éthique » est, selon lui, une conception de l’intégration fondée sur la stabilisation d’un consensus d’arrière-plan sur des « valeurs » morales et culturelles ainsi que sur le maintien, sinon la sécurisation, de l’identité et du mode de vie majoritaires qui en sont issus. Cette conception se distingue de l’intégration « politique » qui est fondée sur l’observance par toutes et tous des normes juridico-politiques et des principes constitutionnels de l’État de droit démocratique. Tandis que l’intégration « éthique » requiert des étrangers qu’ils adhèrent aux « valeurs » particulières du groupe majoritaire, l’intégration « politique » leur demande de se conformer aux lois et d’observer les règles de la participation et de la délibération démocratiques.

    Or, les politiques d’immigration, d’intégration et de naturalisation actuellement développées en Europe sont bel et bien sous-tendues par cette conception « éthique » de l’intégration. Elles conditionnent l’accès au « nous » à l’adhésion à un socle de « valeurs » officiellement déclarées comme étant déjà « communes ». Pour reprendre un exemple français, cette approche ressort de la manière dont sont conçus et mis en œuvre les « #contrats_d’intégration » (depuis le #Contrat_d’accueil_et_d’intégration rendu obligatoire en 2006 jusqu’à l’actuel #Contrat_d’intégration_républicaine) qui scellent l’engagement de l’étranger souhaitant s’installer durablement en France à faire siennes les « #valeurs_de_la_République » et à les « respecter » à travers ses agissements. On retrouve la même approche s’agissant de la naturalisation, la « #condition_d’assimilation » propre à cette politique donnant lieu à des pratiques administratives d’enquête et de vérification quant à la profondeur et la sincérité de l’adhésion des étrangers auxdites « valeurs communes », la #laïcité et l’#égalité_femmes-hommes étant les deux « valeurs » systématiquement mises en avant. L’étude de ces pratiques, notamment les « #entretiens_d’assimilation », et de la jurisprudence en la matière montre qu’elles ciblent tout particulièrement les personnes de religion et/ou de culture musulmanes – ou perçues comme telles – en tant qu’elles sont d’emblée associées à des « valeurs » non seulement différentes, mais opposées aux « nôtres ».

    Portées par un discours d’affrontement entre « systèmes de valeurs » qui n’est pas sans rappeler le « #choc_des_civilisations » thématisé par #Samuel_Huntington, ces politiques, censées « intégrer », concourent pourtant à radicaliser l’altérité « éthique » de l’étranger ou de l’étrangère : elles construisent la figure d’un « autre » appartenant – ou suspecté d’appartenir – à un système de « valeurs » qui s’écarterait à tel point du « nôtre » que son inclusion dans le « nous » réclamerait, de notre part, une vigilance spéciale pour préserver notre #identité_collective et, de sa part, une mise en conformité de son #identité_personnelle avec « nos valeurs », telles qu’elles s’incarneraient dans « notre mode de vie ».

    Exclusion des « autres » et homogénéisation du « nous » : les risques d’une « #Europe_des_valeurs »

    Le recours aux « valeurs communes », pour définir les « autres » et les conditions de leur entrée dans le « nous », n’est pas spécifique aux politiques migratoires des États nationaux. L’UE, dont on a vu qu’elle tenait à s’affirmer en tant que « communauté morale », a substitué en 2009 au terme de « #principes » celui de « valeurs ». Dès lors, le respect de la dignité humaine et des droits de l’homme, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’État de droit sont érigés en « valeurs » sur lesquelles « l’Union est fondée » (art. 2 du Traité sur l’Union européenne) et revêtent un caractère obligatoire pour tout État souhaitant devenir et rester membre de l’UE (art. 49 sur les conditions d’adhésion et art. 7 sur les sanctions).

    Reste-t-on ici dans le périmètre d’une « intégration politique », au sens où la définit Habermas, ou franchit-on le cap d’une « intégration éthique » qui donnerait au projet de l’UE – celui d’une intégration toujours plus étroite entre les États, les peuples et les citoyens européens, selon la formule des traités – une portée résolument identitaire, en en faisant un instrument pour sauvegarder la « #civilisation_européenne » face à d’« autres » qui la menaceraient ? La seconde hypothèse n’a certes rien de problématique aux yeux des partisans de la quête d’« Européanité », pour qui le projet européen n’a de sens que s’il est tout entier tourné vers la défense de la « substance » identitaire de la « civilisation européenne ».

    En revanche, le passage à une « intégration éthique », tel que le suggère l’exhortation à s’en remettre à une « Europe des valeurs » plutôt que des droits ou de la citoyenneté, comporte des risques importants pour celles et ceux qui souhaitent maintenir l’Union dans le giron d’une « intégration politique », fondée sur le respect prioritaire des principes démocratiques, de l’État de droit et des libertés fondamentales. D’où également les craintes que concourt à attiser l’association explicite des « valeurs de l’Union » à un « mode de vie » à préserver de ses « autres éthiques ». Deux risques principaux semblent, à cet égard, devoir être mentionnés.

    En premier lieu, le risque d’exclusion des « autres » est intensifié par la généralisation de politiques imposant un critère de #compatibilité_identitaire à celles et ceux que leur altérité « éthique », réelle ou supposée, concourt à placer à l’extérieur d’une « communauté de valeurs » enracinée dans des traditions particulières, notamment religieuses. Fondé sur ces bases identitaires, le traitement des étrangers en Europe manifesterait, selon #Etienne_Tassin, l’autocontradiction d’une Union se prévalant « de la raison philosophique, de l’esprit d’universalité, de la culture humaniste, du règne des droits de l’homme, du souci pour le monde dans l’ouverture aux autres », mais échouant lamentablement à son « test cosmopolitique et démocratique ». Loin de représenter un simple « dommage collatéral » des politiques migratoires de l’UE, les processus d’exclusion touchant les étrangers constitueraient, d’après lui, « leur centre ». Même position de la part d’Étienne Balibar qui n’hésite pas à dénoncer le « statut d’#apartheid » affectant « l’immigration “extracommunautaire” », signifiant par là l’« isolement postcolonial des populations “autochtones” et des populations “allogènes” » ainsi que la construction d’une catégorie d’« étrangers plus qu’étrangers » traités comme « radicalement “autres”, dissemblables et inassimilables ».

    Le second risque que fait courir la valorisation d’un « nous » européen désireux de préserver son intégrité « éthique », touche au respect du #pluralisme. Si l’exclusion des « autres » entre assez clairement en tension avec les « valeurs » proclamées par l’Union, les tendances à l’homogénéisation résultant de l’affirmation d’un consensus fort sur des valeurs déclarées comme étant « toujours déjà » communes aux Européens ne sont pas moins susceptibles de contredire le sens – à la fois la signification et l’orientation – du projet européen. Pris au sérieux, le respect du pluralisme implique que soit tolérée et même reconnue une diversité légitime de « valeurs », de visions du bien et du monde, dans les limites fixées par l’égale liberté et les droits fondamentaux. Ce « fait du pluralisme raisonnable », avec les désaccords « éthiques » incontournables qui l’animent, est le « résultat normal » d’un exercice du pouvoir respectant les libertés individuelles. Avec son insistance sur le partage de convictions morales s’incarnant dans un mode de vie culturel, « l’Europe des valeurs » risque de produire une « substantialisation rampante » du « nous » européen, et d’entériner « la prédominance d’une culture majoritaire qui abuse d’un pouvoir de définition historiquement acquis pour définir à elle seule, selon ses propres critères, ce qui doit être considéré comme la culture politique obligatoire de la société pluraliste ».

    Soumis aux attentes de reproduction d’une identité aux frontières « éthiques », le projet européen est, en fin de compte, dévié de sa trajectoire, en ce qui concerne aussi bien l’inclusion des « autres » que la possibilité d’un « nous » qui puisse s’unir « dans la diversité ».

    https://laviedesidees.fr/L-Europe-et-la-fabrique-de-l-etranger
    #identité #altérité #intégration_éthique #intégration_politique #religion #islam

    • Politique de l’exclusion

      Notion aussi usitée que contestée, souvent réduite à sa dimension socio-économique, l’exclusion occupe pourtant une place centrale dans l’histoire de la politique moderne. Les universitaires réunis autour de cette question abordent la dimension constituante de l’exclusion en faisant dialoguer leurs disciplines (droit, histoire, science politique, sociologie). Remontant à la naissance de la citoyenneté moderne, leurs analyses retracent l’invention de l’espace civique, avec ses frontières, ses marges et ses zones d’exclusion, jusqu’à l’élaboration actuelle d’un corpus de valeurs européennes, et l’émergence de nouvelles mobilisations contre les injustices redessinant les frontières du politique.

      Tout en discutant des usages du concept d’exclusion en tenant compte des apports critiques, ce livre explore la manière dont la notion éclaire les dilemmes et les complexités contemporaines du rapport à l’autre. Il entend ainsi dévoiler l’envers de l’ordre civique, en révélant la permanence d’une gouvernementalité par l’exclusion.

      https://www.puf.com/politique-de-lexclusion

      #livre

  • Les « #instant_cities » – Villes réimaginées sans histoire, sans avenir

    Le thème des « instant cities », ces villes bâties du jour au lendemain, revient dans les débats des urbanistes et architectes, inspirés par l’expérience des campements et autres zones à défendre (ZAD). L’anthropologue #Michel_Agier nous entretient du sujet dans un texte publié sur le site AOC : https://aoc.media/opinion/2020/09/28/utopie-dystopie-non-fiction-faire-ville-faire-communaute-3-3

    #Utopie, #dystopie, #non-fiction#Faire_ville, faire communauté

    Le thème des « instant cities », ces villes bâties du jour au lendemain, revient dans les débats des urbanistes et architectes d’aujourd’hui, inspirés par l’expérience des #campements et autres #ZAD. La ville est ré-imaginée sans histoire et sans avenir, comme marquée d’abord par l’#immédiateté, l’#instantanéité et la #précarité. Des réflexions qui rejoignent celles de l’ethnologue qui se demande ce que « faire ville » veut dire, elles permettent de penser la ville en se libérant de la contrainte du réel et du présent, comme le font le plus librement les fictions post-catastrophe.

    Avec la montée des #incertitudes et des formes de vie précaires dans toutes les régions du monde et plus particulièrement dans les contextes migratoires, le thème des instant cities (villes « instantanées », bâties « du jour au lendemain ») revient dans les débats des urbanistes et architectes d’aujourd’hui, et peuvent aider à penser la ville de demain en général. Le thème est ancien, apparu dans les années 1960 et 1970, d’abord avec l’histoire des villes du #far_west américain, nées « en un jour » et très vite grandies et développées comme le racontent les récits de #San_Francisco ou #Denver dans lesquels des migrants arrivaient et traçaient leurs nouvelles vies conquises sur des espaces nus.

    À la même époque, des architectes anglais (Peter Cook et le groupe #Archigram) s’inspiraient des lieux de #rassemblements et de #festivals_précaires comme #Woodstock pour imaginer des villes elles-mêmes mobiles – une utopie de ville faite plutôt d’objets, d’images et de sons transposables que de formes matérielles fixes. Troisième forme desdites instant cities, bien différente en apparence, celle qui est allée des villes de l’instant aux « #villes_fantômes », à l’instar des utopies graphiques des #villes_hors-sol construites en Asie, dans le Golfe persique et au Moyen-Orient principalement, sur le modèle de #Dubaï.

    Nous sommes aujourd’hui dans une autre mise en œuvre de ce modèle. En 2015, la Cité de l’architecture et du patrimoine montrait l’exposition « Habiter le campement » qui réincarnait très concrètement le concept à travers les rassemblements festivaliers (la « ville » de trois jours du festival #Burning_Man aux États-Unis), mais aussi les campements de #yourtes pour les #travailleurs_migrants, les #campings et #mobile_homes pour touristes et travellers, ou les #camps-villes pour réfugiés. Allant plus loin dans la même démarche, le groupe #Actes_et_Cité publie en 2018 l’ouvrage La ville accueillante où, inspirées de l’expérience du « #camp_humanitaire » de la ville de #Grande-Synthe, différentes solutions d’espaces d’#accueil sont étudiées (quartiers d’accueil, squats, campements aménagés, réseau de maisons de migrants, etc.), leur rapidité de mise en œuvre (quelques semaines) et leur coût réduit étant des critères aussi importants que leur potentiel d’intégration et d’acceptation par la population établie.

    On pourrait encore ajouter, pour compléter ce bref tour d’horizon, le géant suédois du meuble #Ikea qui, après une tentative d’implantation dans le marché des abris pour camps de réfugiés en association avec le HCR dans les années 2010-2015, a lancé en 2019 « #Solarville », un projet de #Smartcity fondé sur l’architecture en bois et l’énergie solaire.

    L’idée de la #table_rase permet de penser la ville en se libérant de la contrainte du réel et du présent, comme le font le plus librement les fictions post-catastrophes.

    Le point commun de toutes ces expériences d’instant cities est leur ambition de réduire, voire de supprimer l’écart entre le #temps et l’#espace. Immédiateté, instantanéité et #précarité de la ville, celle-ci est ré-imaginée sans histoire et sans avenir. Sans empreinte indélébile, la ville se pose sur le sol et ne s’ancre pas, elle est associée à la précarité, voire elle-même déplaçable. Ce seraient des villes de l’instant, des #villes_présentistes en quelque sorte. Dans tous les cas, l’idée de la table rase, image du rêve extrême de l’architecte et de l’urbaniste, permet de penser la ville en se libérant de la contrainte du réel et du présent, comme le font le plus librement les #fictions_post-catastrophes. Dans leur excentricité même, ces images et fictions dessinent un horizon de villes possibles.

    C’est cette ville à venir que j’aimerais contribuer à dessiner, non pas pourtant à partir de la table rase de l’architecte, mais à partir de l’ethnographie d’une part au moins du présent. Un présent peut-être encore marginal et minoritaire, et donc hors des sentiers battus, quelque chose d’expérimental pour reprendre le mot très pragmatique de Richard Sennett, peu visible encore, mais qui a toutes les chances de s’étendre tant il sait répondre à des besoins croissants, dans cet avenir qui nous inquiète.

    C’est dans un « #présent_futuriste » que j’ai trouvé quelques éléments de réponse, un futur déjà là, quelque peu anachronique donc, mais aussi inédit, tout à fait décentré de la ville historique, notamment européenne, à laquelle nous nous référons encore trop souvent pour penser l’universalité des villes. Je me suis familiarisé avec la vie quotidienne des zones de #marges ou frontières, de #borderlands, et avec celles et ceux qui les habitent ou y passent. Rien d’exotique dans cela, rien d’impossible non plus, ce sont des lieux quelconques réinvestis, détournés, occupés pour un temps plus ou moins long, des déplacements et des attachements plus ou moins profonds aux lieux de résidence, de passage ou de refuge, et ce sont des événements – politiques, catastrophiques ou artistiques, prévus ou fortuits – créateurs d’échanges, éphémères ou non, et nous faisant occuper et donner un sens à des lieux parfois inconnus. Ces formes sociales, ces moments partagés, toutes ces situations rendent les espaces fréquentés plus familiers, partagés et communs, même sans en connaître le devenir.

    Loin d’être exceptionnelle, cette expérience de recherche m’a semblé expérimentale et exemplaire d’un certain futur urbain. Cela résonne avec les propos des urbanistes rebelles qui pensent comme #Jane_Jacob ou #Richard_Sennett un urbanisme pratique – ou « pragmatique », dit lui-même Sennett, qui ancre depuis longtemps sa réflexion dans l’#homo_faber, dans le faire de l’humain. Il faut, écrit-il, « placer l’homo faber au centre de la ville ». C’est ce que je ferai ici, en poursuivant cette interrogation sur le faire-ville dans sa double dimension, qui est de faire communauté, créer ou recréer du commun, et de faire la ville, c’est-à-dire l’inventer et la fabriquer.

    Une écologie et une anthropologie urbaines sont tout à inventer pour le monde à venir.

    C’est un présent futuriste fait d’étranges établissements humains : des armatures flexibles, modelables à volonté, des murs transparents, des cubes réversibles ou transposables. Curieusement, ces lieux font d’emblée penser à une ville mais précaire et #démontable, ce sont des #agglomérations_temporaires dont la matière est faite de murs en toile plastifiée, de charpentes en planches, en tubes métalliques ou en branchages, de citernes d’eau en caoutchouc, de canalisations et latrines en prêt-à-monter, prêt-à-défaire, prêt-à-transporter.

    Les lumières de la ville sont intermittentes et blafardes, fournies par des moteurs électrogènes mis en route à chaque nouvelle arrivée (fruit d’un désordre ou d’une catastrophe), devenue elle-même prévisible tout comme ses conséquences techniques – ruptures dans les flux et les stocks d’énergie, de nourriture ou de services. Les va-et-vient incessants de camions blancs bâchés emmènent des grandes quantités de riz, de boulgour et de personnes déplacées. Parfois, sur quelques terrains vagues, d’autres enfants jouent au football, ou bien des adultes inventent un terrain de cricket.

    À partir de la matière première disponible dans la nature (terre, eau, bois de forêt) ou de la matière résiduelle de produits manufacturés disponible (planches, palettes, bâches plastifiées, toiles de sac, feuilles métalliques d’emballage, plaques de polystyrène), des habitants bricolent et pratiquent une #architecture_adaptative, réactive, avec les moyens du bord, comme ailleurs ou autrefois une architecture des #favelas ou des #bidonvilles. Des maisons en pisé côtoient d’autres constructions en tissus, carton et tôle. Cette matérialité est en constante transformation.

    Malgré la surprise ou la perplexité qu’on peut ressentir à l’énumération de ces étranges logistiques urbaines, ce n’est pas de la fiction. Ce sont mes terrains d’#ethnographie_urbaine. On y verra sans doute une #dystopie, un mélange cacophonique de prêt-à-monter, de #récupérations et de #bricolages, j’y vois juste l’avenir déjà là, au moins sur les bords, dans un monde certes minoritaire (en Europe au moins), frontalier, à la fois mobile et précaire, mais terriblement efficace et qui a toutes les chances de s’étendre. #Ville_en_kit serait le nom de ce modèle qui viendrait après celui de la ville historique et rejoindrait, « par le bas », celui de la ville générique, dont il serait l’envers moins visible.

    Une écologie et une anthropologie urbaines sont tout à inventer pour le monde à venir, nous n’en connaissons encore presque rien si ce n’est qu’elles seront marquées par une culture de l’#urgence, du présent et de l’#incertitude, organisant et meublant des espaces nus ou rasés ou abandonnés, pour des durées inconnues. Ce qui est marquant est la répétition du #vide qui prévaut au premier jour de ces fragiles agglomérations, mais aussi la résurgence rapide de la #vie_sociale, de la #débrouille_technique, d’une #organisation_politique, et de la quête de sens. Cette ville en kit semble plus périssable, mais plus adaptable et « résiliente » aussi que la ville historique, qu’il nous faut donc oublier. Celle-ci était délimitée dans des enceintes visibles, elle était en dur, elle se développait de plus en plus à la verticale, avec ses voies goudronnées vite saturées de véhicules et de bruits. Cette ville historique maintenant implose, pollue et expulse les malchanceux au-delà de ses limites, mais elle continue de fournir le modèle de « la ville » dans le monde. Pourtant, le modèle s’écarte des réalités.

    On peut s’interroger sur le caractère utopique ou dystopique des #imaginaires_urbains qui naissent de l’observation des contextes dits « marginaux » et de leur permanence malgré leurs destructions répétées partout. Faut-il opposer ou rapprocher une occupation de « ZAD », une invasion de bidonvilles et une installation de migrants sans abri devenue « #jungle », selon le pourquoi de leur existence, toujours spécifique, ou selon le comment de leur processus, toujours entre résistance et adaptation, et les possibles qu’ils ont ouverts ? Si ces établissements humains peuvent être considérés, comme je le défends ici, comme les tout premiers gestes d’un processus urbain, du faire-ville dans son universalité, alors il convient de s’interroger sur ce qu’ils ouvrent, les décrire en risquant des scénarios.

    Ce partage d’expériences suppose une prise de conscience de l’égalité théorique de toutes les formes urbaines.

    Comment passe-t-on de cette #marginalité qui fait #désordre à de la ville ? Une pensée concrète, une #architecture_an-esthétique, un #habitat_minimal, évolutif, peuvent rendre #justice à ces situations et leur donner une chance d’inspirer d’autres expériences et d’autres manières de faire ville. Je reprends là en partie quelques-uns des termes de l’architecte grec et français #Georges_Candilis (1913-1995), pour qui l’observation directe, au Pérou, dans la périphérie de Lima, au début des années 70, d’un processus d’installation et construction d’une « #invasión » fut un choc. Dans la nuit, « des milliers de personnes » avaient envahi un terrain vague « pour construire une nouvelle ville », l’alerta son collègue péruvien.

    C’est moins l’invasion elle-même que la réaction de l’architecte européen qui m’intéresse ici. Longtemps collaborateur de Le Corbusier, Candilis a ensuite passé des années à concevoir, en Europe essentiellement, des très grands ensembles à bas prix, pour « les plus démunis ». Il voit dans le mouvement d’invasion urbaine à Lima un « raz de marée populaire », devant lequel les autorités cèdent et qui va « construire une maison, une ville, sans matériaux ni architectes, avec la seule force du Plus Grand Nombre et le seul espoir de survivre ». Le deuxième jour de l’invasion, sous les yeux de l’architecte devenu simple témoin, les maisons commencent à s’édifier avec des matériaux de récupération, des quartiers se forment et les habitants (« y compris les enfants ») votent pour désigner leurs responsables. « J’assistais émerveillé, écrit Candilis quelques années plus tard, à la naissance d’une véritable “communauté urbaine” », et il évoque, enthousiaste, « l’esprit même de la ville ».

    Je ne pense pas qu’il ait voulu dupliquer en France ce qu’il avait vu à Lima, mais certainement s’inspirer de ses principes. Il exprimait l’intense découverte que cet événement avait représentée pour lui, et surtout le fait que le faire-ville passe par un événement, qui est l’irruption d’un sujet citadin, porteur de l’esprit de la ville et faiseur de communauté urbaine. C’est ce sujet citadin et cette communauté urbaine qui font la ville et qui permettent de penser à nouveaux frais le modèle des instant cities, en le renversant sur lui-même en quelque sorte, contre l’idée qu’il puisse naître hors-sol et qu’il puisse produire des villes fantômes qui attendront leur peuplement.

    Ce partage d’expériences, pour devenir systématique et efficace sans être du mimétisme ni du collage formel, suppose une prise de conscience de l’égalité théorique de toutes les formes urbaines, que j’ai rappelée au tout début de cette réflexion. C’est une démarche qui ne demande ni exotisme ni populisme, mais une attention à ce qu’il y a de plus universel dans le #faire-ville, qui est une énergie de #rassemblement et de #mise_en_commun, dont la disparition, à l’inverse, engendre les étalements diffus et les ghettos qu’on connaît aussi aujourd’hui.

    https://formes.ca/territoire/articles/les-instant-cities-villes-reimaginees-sans-histoire-sans-avenir
    #villes_instantanées #urban_matter #urbanisme #présent #passé #futur

  • Cauchemar américain

    Le jour commence à tomber sur l’Arizona. Gabriel, 22 ans, soutient Marinela, sa tante âgée d’une quarantaine d’années. Elle s’est effondrée, à bout de forces, sur le sol aride du désert de Sonora, un des points de passage des migrants du Mexique vers les États-Unis. « À cet endroit, il y a un mur assez facile à sauter, puis environ 50 kilomètres de désert à traverser en groupe, accompagné d’un “coyote”, un passeur mexicain. Si un clandestin ne peut plus marcher, il est abandonné à son sort… qui est souvent la mort », relate Francesco Anselmi.

    Depuis trois ans, le photographe italien parcourt les 3 200 kilomètres de cette frontière. Il en a tiré la série photographique Borderlands. « Dans le désert de Sonora, raconte-t-il, les journées sont brûlantes mais la nuit, les températures chutent en dessous de zéro. » Marinela et Gabriel ont marché huit heures sous un soleil de plomb. Quand la Mexicaine a flanché, le groupe a continué. Son neveu a choisi de ne pas la laisser seule.

    Pour éviter d’être repérés depuis les airs, les deux clandestins portent des treillis camouflage ; pour ne pas laisser de traces sur le sol, ils ont attaché des peaux de bêtes sur leurs chaussures. « Ils n’avaient plus d’eau et Marinela, déshydratée, délirait. Entre deux gémissements, elle parlait du diable. »

    L’ONG américaine No More Death estime qu’environ 8000 personnes sont mortes depuis 1990 dans le désert de Sonora en tentant d’atteindre leur rêve américain. Aux États-Unis, aider les migrants est un crime fédéral puni par huit années d’emprisonnement.

    http://www.6mois.fr/Cauchemar-americain
    #USA #Etats-Unis #Mexique #migrations #asile #réfugiés #photographie #frontières #murs #surveillance #drones #désert #Sonora #désert_de_Sonora #barrières_frontalières #Sonoran_desert

    Série #Borderlands de #Francesco_Anselmi

    http://www.francescoanselmi.com/en/stories/stories.asp?idcont=159

    signalé par @karine4

    ping @albertocampiphoto @philippe_de_jonckheere @mobileborders

  • Build a Border Wall? Here’s What Border Communities Say They Want Instead

    For many of us who actually live along the U.S.-Mexico border, the “Mesquite Manifesto” addresses economic and climate problems by building up industry around the native tree.

    President Trump has declared a national emergency to fund a wall along our nation’s southern border. The border wall issue has bitterly divided people across the United States, becoming a vivid symbol of political deadlock.

    But for many of us who actually live along the U.S.-Mexico border, the wall is simply beside the point. We know that a wall can’t fix the problems that straddle the boundary between our nations; nor will it build on our shared strengths. So a group of us—ranchers, farmers, conservationists, chefs, carpenters, small business owners, and public-health professionals from both sides of the border—have come up with a better idea. We call it the #Mesquite_Manifesto.

    Our plan would tackle the root causes of problems that affect border communities on both sides. While the media have fixated on the difficult conditions in Mexico (and other Central American nations) that propel immigrants northward, real problems are on the U.S. side, too. The poverty rate in this region is twice as high as for the nation as a whole, and joblessness drives many into the lucrative drug trade. Poor diets and inadequate health care contribute to high rates of disease: Nearly one-third of those who live along the border suffer from diabetes. And a rapidly growing population, along with rising demand from industry and agriculture, is stressing the region’s limited water supply—a problem made worse by the changing climate.

    To address these problems and build a sustainable future for the region as a whole, we look to mesquite, the iconic native tree that grows in every county and municipio along the border. Its gnarly branches have provided food, fuel, medicine, shade, and shelter to indigenous communities in the borderlands for more than eight millennia.

    Deep-rooted mesquite trees such as velvet mesquite (Prosopis velutina) and honey mesquite (Prosopis glandulosa) are remarkably drought-resistant, anchoring the arid desert land and fixing nitrogen to improve the soil. Their seeds contain more protein than soybeans and can be milled to make flour with a low glycemic index, which helps regulate blood sugar.

    It’s no wonder that mesquite long sustained indigenous communities in this fragile land. What is remarkable is that mesquite is seen as a nuisance tree by many who live here now. Indeed, there’s scientific consensus that mesquites are among the most “undermanaged” resources on our continent, though they cover nearly 200 million acres of arid and semiarid lands in Mexico and the United States.

    We believe that targeted investments in restoring and managing mesquite could become—dollar for dollar and peso for peso—the most cost-effective investment ever made in the future of arid America.

    Mesquite-pod flour, which is now used in baking, brewing and in the preparation of low-glycemic food products, sells in many states for $22-24 per pound.
    Sustainably harvested hardwoods that are of stunning color, texture, shape, and durability. Mesquite wood can be sold for $5-$10 per board foot, to be used by furniture makers, floor designers, guitar-makers, and builders.
    Fuelwood that is already valued at $200 million-$400 million per year by the “mesquite barbecue” industry, which now uses trees selectively harvested from rangelands in the U.S. Southwest.
    Mesquite honey, which is already a multimillion-dollar industry in most states along the border.
    Other products with emerging markets, including biofuels, biochar, culinary and medicinal gums, and mesquite-smoked beer, coffee, and whiskey.

    We propose the establishment of capacity-building centers to develop mesquite-based industries in every watershed crossing the border. These centers could provide bilingual training in a variety of skills related to arid lands agroforestry and sustainable forest-product development. Schools and churches that have been closed down in impoverished rural areas and border cities could be renovated by local construction workers and repurposed as training centers for a binational “Green New Deal” effort.

    Many bilingual teachers, researchers, craftsmen, brewers, and chefs already have the capacity to train and mentor others in range management, ecological restoration, permaculture, hardwood craftsmanship and furniture making, honeybee management, mesquite pod milling, brewing, and baking, and the marketing of non-timber forest products.

    Mesquite could be cultivated on private, state, and federal rangeland (but not in parks or wildlife refuges, which should remain pristine). Millions of acres could be managed in ways that restore, rather than exploit, the land. For example, the trees can be pruned or thinned for their wood, rather than clear-cut. And seedpods can be selectively harvested to leave enough for wildlife and regeneration.

    Managing mesquite in this way could produce environmental benefits. Mesquite forests and the plant communities they shape offer numerous “ecosystem services,” including wildlife habitat for beneficial insects, birds, and bats involved in pollination and pest control; flood control; heat amelioration in urban settings; and recreational amenities such as birdwatching and the hunting of game birds like quail and doves.

    Communities on both sides of the U.S.-Mexico border need help. We do not, however, need a multibillion-dollar wall of concrete or steel. Instead, let us recognize our shared culture, economy, and geography — and value the tree that has long sustained the people of this unforgiving land. By investing in mesquite, we can build a restorative economy that enables communities on both sides of the border to prosper and thrive.

    https://www.yesmagazine.org/planet/build-a-border-wall-heres-what-border-communities-say-they-want-instead
    #migrations #asile #réfugiés #murs #frontières #USA #Etats-Unis #alternatives #communautés_frontalières #communauté_frontalière

    • Mesquite Manifesto: A Collaborative Vision for the #Borderland

      The recent acrimonious debates about further fortifying barriers all across the 2000 mile US/Mexico boundary line beg a larger question: Just what might make communities more stable, secure and prosperous while providing more livelihoods as well as wildlife habitat on both sides of the border? What particular natural resources and cultural assets in the region can be utilized to offer long-term solutions to problems perceived to be border-related?

      Within the US, border counties have twice the level of poverty and food insecurity as the national average. But how do we deal with the irony that some of these same counties harbor the highest levels of biodiversity anywhere in North America? In other words, they have an abundance of underutilized natural resources that may help lift residents out of poverty, if properly managed. Mesquite (Prosopis spp.) is one of them. A mesquite-based restoration economy may help keep in place those who do not wish to leave their homes to cross border and take refuge in cities for lack of other economic activities.

      Disparities in income and access to resources are already the triggers of social conflicts and immigration issues that clearly affect citizens in both affect Mexico and the United States, as well as political and climate refugees emigrating from other countries to this region. As such, many members of communities along the border feel they lack sufficient economic capital to resolve a range of economic and social problems. However, they also have under-utilized natural and social capital—such as mesquite trees and the local knowledge and skills to utilize them economically.

      And yet, as global temperatures continue to rise, as groundwater levels plummet, and as rivers and reservoirs dry up, social conflicts and poverty will inevitably worsen in the US/Mexico borderlands. How do we move toward a cohesive, binational plan with tangible solutions to alleviate these problems? We feel that a concerted effort to better utilize the many arid adaptation of mesquite trees can leverage new solutions.


      BUILDING SOLUTIONS

      We need a collaborative initiative– involving communities, governments, foundations, impact investors and other stakeholders— that will heal our degraded landscapes, anticipate climatic changes, create new sources of food, fuel and fiber. How can we do so in a manner that generates a truly restorative economy? Such an economy based in biocultural restoration can provide residents on both sides of the international boundary with jobs that offer them dignity, live-able wages, and safe, healthy working conditions.

      Many have called for “disruptive innovations” with the potential to restore the integrity and productivity of both our landscapes and our communities in ways that heal deep historic wounds. And yet, what innovation or technology will enhance rather than deplete the natural and cultural capital of our region? Mesquite and its microbial allies have served as one such “bio-technology” in the region for over 8000 years, generating fermented beverages and foods, shelter and habitable environments. We believe that more knowledge transfer, use and innovative management of mesquite and its many products could generate multiple revenue stream without depleting key natural resources.

      We are calling for greater investment in innovations that will move us toward managing mesquites and restoring certain of their habitats known as “nurse plant guilds.” Just how can such investments help us to better utilize the borderland habitats now dominated by the several species of woody legumes in the genus Prosopis? These investments must be focused on assisting economically-impoverished communities of indigenous and immigrant populations so that they do not become “climate refugees.”

      There is scientific consensus that mesquites are “under-managed” on nearly 200 million acres of arid and semi-arid lands in Mexico and the US. Can targeted investments change that dynamic? Yes, we believe they can, because mesquite resources can become —dollar for dollar and peso for peso—the most cost-effective natural and cultural resource investment ever made in the future of arid America.

      Such an investment cannot come too soon, because our metro areas are suffering from urban heat island effects on top of global climatic changes. How exactly will such exacerbated heat conditions affect us? The degraded watersheds and foodsheds surrounding those who work outdoors in our cities make them increasingly vulnerable to fires, floods, heat stroke, heat exhaustion, thirst and lost work time.

      FORECASTING TRENDS

      The best predictions of what vegetation changes will occur in the borderlands over the next century suggest that mesquite woodlands will become more extensive and dense. But does that suggest that they could also become more economically important? Yes, provided that their habitats are properly restored managed and managed, for two of the three species of mesquites will increase their rates of woody growth, pod production and carbon sequestration.

      Mesquite root systems can fix nitrogen and sequester carbon more effectively than most arid-adapted trees and shrubs. But is the shade and forage they provide for wildlife and livestock on rangelands truly significant? Yes, it is, and at the same time, mesquites can provide much-needed shade and foodstuffs for metro residents dwelling in urban heat islands.

      Most ranchers of cattle, bison, goats and sheep already acknowledge that mesquite foliage and pods provide forage essential to the survival of their herds and flocks. Why don’t more ranchers acknowledge that mesquite is likely their best and most cost efficient livestock feed on Western rangelands below 5000 feet from April to late June? We need to encourage them to use “mesquite-and-perennial-grass banks” during particularly critical times when prolonged droughts make all annual forages scarce. Such scarcity will become more severe and frequent as climate change accelerates.

      In fact, many stockmen have already begun to manage their ranches for wildlife as well as for livestock. Is it a stretch for them to also manage their land for mesquite honey and fuelwood production as well? Not at all. Most ranchers would readily welcome public investment that would help them generate multiple revenue streams (from food, fuel, wood, hunting, hiking and birding) to gain more income from their mesquite resources.

      REQUISITES

      Such intensive land management requires a stable rural labor force, one that northern Mexico and the US have largely lost since the signing of NAFTA in 1992. But how do we now grapple with recent changes in immigration and trade policies that have further reduced and debilitated the transboundary work force? For starters, we promote training and other benefits for those who wish to participate in a well-managed guest worker program that complements rather than competes with the working citizens already living in the region.

      We advocate for an expanded guest worker program that guarantees Mexican citizens wishing to work as professionals in the US greater legal safety, health benefits, job training and upward mobility. But haven’t such programs historically focused on harvesters of agricultural crops, not on managers, harvesters and processors of wild trees? Not exactly. Guest worker programs have always included opportunities for ranch hands, woodcutters and artisans in rural communities as well.

      We propose greater public and private investment in infrastructure to harvest, mill, dry, store and elaborate value-added products from both mesquite wood and edible mesquite pods. Shouldn’t such investments be made principally in counties and municipios stretching along the border where mesquite is abundant but other jobs have been lost? Absolutely. They should particularly focus on those Native American communities that have long-standing familiarity and traditional ecological knowledge of mesquite resources.

      We also propose the establishment of capacity-building centers in every watershed crossing the border. Could these centers easily provide bilingual rather than English-only training in a variety of skills related arid lands agro-forestry and non-timer forest product development? Definitely, for there are many bilingual teachers and trainers who already have the capacity to mentor others in range management, ecological restoration, permaculture, hardwood craftsmanship and furniture making, honeybee management, mesquite pod milling, brewing and baking, and the marketing of non-timber forest products.

      CURRENT USES AND OPORTUNITIES

      Setting aside the enormous value—in terms of carbon bonds and ecological sustainability—of atmospheric carbon sequestration that results from proper forest management, a $200-400 million US dollar/year “mesquite barbecue” industry now uses trees harvested from rangelands in the US Southwest. But is the market saturated if this industry already provides firewood, briquettes and chunk charcoal to over 8000 barbecue restaurants and other outlets located in all 50 American states? Not necessarily. As other woody trees are impacted by climate change, mesquite’s proportion of the market is predicted to grow.

      Nonetheless, the retail value of custom-designed mesquite furniture, flooring, paneling, musical instruments and fencing for larger pieces of wood is many times more than that of the same wood burned as charcoal or kindling. How do we encourage more woodcutters into selecting and sustainably harvesting their mesquite for higher value markets? They need informed that carefully dried, straight mesquite lumber will soon be selling for $5-10 US dollars per board foot, and to be put in touch with those eager to purchase such hardwoods.

      Some mesquite continues to be clear-cut and killed, while most trees retain some re=sprouting capacity that generates multi-stemmed trees with lower-value wood. How do we change that dynamic? As with any other forestry resource, we need to explicitly train harvesters in the selection, coppicing and pruning practices needed to shift the industry toward better uses to prime pieces of lumber for their elaboration of value-added products.

      There is already expanding use of mesquite pod flour in baking, in brewing and in the elaboration of low- glycemic (anti-diabetic) food products. But how do ensure that demand for mesquite flour—which is currently sold for $22-24 US dollar/pound—continue to expand beyond niche markets on both sides of the border? We need to better promote the food safety, unique nutritional qualities and flavors of the dozens of new foods and beverages that are trying to get a foothold in the global marketplace for so-called “super foods” or nutriceuticals.

      Nevertheless, harvesting and processing of mesquite pods remains time-intensive and costly. How do we encourage agricultural engineers to develop more scale-appropriate milling equipment, cold storage protocols for mesquite flour, and rapid food safety monitoring techniques needed today? What natural resources can mitigate and adapt to rather than becoming devastated by climate changes? We need to lobby the deans and department chairs of agricultural land grant universities to think of mesquite as something other than a rangeland nuisance, and earmark funds for mesquite research and development positions in several disciplines.

      Mesquite honey is already a multi-million dollar industry in most states along the border. But what has the arrival of Africanized honeybees and the greater frequency of severe droughts done to create problems for beekeepers? Over the last two decades, beekeepers have found ways to competently manage and tame “hybridized Africanized” bees and to utilize their skills as efficient foragers and producers of honey. We need to revisit local laws that ban the keeping of bees in urban areas and near rural schools.

      Honeybees are not the only pollinating insects attracted to mesquite flowers. Dense clusters of mesquite trees nourish as many as seventy-five species of native bees in any rural landscapes. Especially important are the gnat-sized native bee genus Perdita with about 600 species in the U.S. Mexico borderlands. These, along with Centris, Megachile and other native bees, as well as wasps, are efficient pollinators of mesquite flowers. In fact, mesquite inflorescences are a resource magnet for many insects including beetles, butterflies, wasps and flies.

      Are any economic incentives for planting mesquites windbreaks and “pollinator-attracting” hedgerows on farms and orchards in the border-states? Yes there are, through both governmental agencies and philanthropic foundations. We need to help farmers and ranchers apply for such funding, and measure the return-on-investment from mesquite plantings.

      Biofuels, biochar, gums, propolis, meads, distillates, nutraceuticals and medicinal products are derived from mesquites. So how do we keep the economic potential and sustainability of such products from being under-explored and scarcely valued by today’s impact investors? We need to bring mesquite’s promise into discussion with the growing number of wealthy young entrepreneurs involved in “slow money” strategies to enhance environmental stability and solve border poverty issues while producing healthy foods for the marketplace.

      CONCLUSIONS

      In short, there are many economic uses and intangible values provided by mesquite and the nurse plant guilds they shape. We therefore urge regional planners, natural resource agencies and investors to assess comprehensively the societal value of the many “ecosystem services” that mesquite habitats provide.

      These nature’s services include wildlife habitat for beneficial insects, birds and bats involved in pollination and pest control; flood control; heat amelioration in urban settings; and recreational pursuits such as birdwatching and the hunting of gamebirds like quail and doves.

      It is time to make significant investments in holistically managing, conserving or restoring or reconfiguring extensive corridors of mesquite habitats. The level of investment should become commensurate with the overall economic value of mesquite.

      We call for an All-Border States Congress on Mesquite to reach consensus on a shared vision and action plan to lay out the next steps for re-valuing mesquites and their habitats.

      https://www.garynabhan.com/news/2019/02/mesquite-manifesto-a-collaborative-vision-for-the-borderland
      #manifeste #alternative
      ping @reka

  • ’Borderland: where England meets Wales’ — Steve Gray Photography
    http://www.stevegrayphotography.com/book/borderland
    http://static1.squarespace.com/static/57b4bbaf197aea1f04975e7c/58c45d9fd482e95e8e64bc88/58c45e17cd0f68690ff8304e/1491165561995/?format=1000w

    The names of everyone kind enough to pre-order ’Borderland’ before 1st June 2017 will be entered into a prize draw to win an A4 print of their choice from the series.

    In addition, the names of everyone who pre-orders a copy of ’Borderland’ before 1st May 2017 will be printed in the book, thanking them for their support.

    #photographie #grande-bretagne #pays_de-galle

  • Borderlands - Power and Peripheries :

    http://prisms.delma.io/borderlands/en

    Signalé ce matin par l’ami @alaingresh que je remercie beaucoup

    “A dynasty is stronger at its centre than it is at its border regions,” ​wrote the 14th-century Maghrebi scholar and statesman Ibn Khaldun.

    Today, his observation continues to inform our understanding of the challenges facing states and societies in the Maghreb.

    Sharing a history of trans-Saharan trading, a patchwork of ethnicities, and modern borders that define post-colonial states, the borderlands between Algeria, Tunisia, and Libya are at the nexus of the national and transnational.

    Well before the first ripples of upheaval in Tunisia scattered across the region in 2011, smuggling, extremism, and conflict challenged the perception of these borders as fixed and inviolable. The uprisings that subsequently engulfed the region amplified these powerful transnational currents.

    What follows is the story of borderlands, the often overlooked stage in this regional drama.

  • AJAM Presents : ‘#Borderland’

    Episode 1
    Premiered Sunday April 13th at 9E/6P

    Six Americans – strangers from all walks of life – gather to embark on a haunting journey that begins in the Pima County morgue’s dead-body freezer.

    Episode 2
    Premieres Sunday April 20th at 9E/6P

    The six are split into three groups, each tasked with retracing one dead migrant’s past, and discover the grave circumstances that led “their” migrants to risk their lives.

    Episode 3
    Premieres Sunday April 27th at 9E/6P

    Things get real in gang controlled Arriaga, when the six climb atop a cargo train known as “La Bestia,” or “The Beast.”

    Episode 4
    Premieres Sunday May 4th at 9E/6P

    It’s the final leg of their perilous journey and the six must face sweltering heat during the day and nights that drop below zero – how long can they last?

    http://america.aljazeera.com/watch/shows/al-jazeera-america-presents-borderland.html
    #USA #Etats-Unis #Mexique #frontière #mourir_aux_frontières