• Le nombre de personnes tuées par un tir des #forces_de_l’ordre a doublé depuis 2020

    Année après année, la liste des tués par les forces de l’ordre ne cesse d’augmenter. Trop souvent, la thèse de la légitime défense ou du refus d’obtempérer ne supporte pas l’analyse des faits. Basta ! en tient le terrible mais nécessaire décompte.

    « Je vais te tirer une balle dans la tête », lance le « gardien de la paix », braquant son arme sur la vitre de la voiture à l’arrêt, avant que son collègue ne crie « Shoote- le ». Au volant, Nahel, un mineur de 17 ans qui conduit sans permis, démarre malgré tout. Le gardien de la paix met sa menace à exécution, tuant à bout portant l’adolescent. La scène se déroule ce 27 juin à Nanterre. Les agents ont plaidé la légitime défense arguant que le véhicule fonçait sur eux, ce que dément la vidéo de la scène. L’auteur du coup de feu mortel est placé en garde à vue. La famille de la victime s’apprête à déposer deux plaintes, l’une pour « homicide volontaire et complicité d’homicide », l’autre pour « faux en écriture publique ».

    Le drame déclenche la révolte des habitants du quartier d’où est originaire la victime. Deux semaines plus tôt c’est Alhoussein Camara qui est tué d’une balle dans le thorax par un policier, dans des conditions similaires près d’Angoulême. En 2022, on dénombrait treize morts lors de « refus d’obtempérer » par l’ouverture du feu des forces de l’ordre. Au delà des nouveaux drames de Nanterre et d’Angoulême, combien de personnes ont-elles été tuées par les forces de l’ordre, et dans quelles circonstances ?

    Les décès dus à une ouverture du feu des forces de l’ordre ont considérablement augmenté, avec respectivement 18 et 26 personnes abattues en 2021 et 2022, soit plus du double que lors de la décennie précédente. Cette augmentation amplifie la tendance constatée depuis 2015, lorsque le nombre de tués par balle a franchi le seuil de la dizaine par an. À l’époque, le contexte lié aux attaques terroristes islamistes a évidemment pesé, avec cinq terroristes abattus en 2015 et 2016 par les forces de sécurité.

    Le risque terroriste n’explique cependant pas l’augmentation des décès par balle en 2021 et 2022. Un seul terroriste potentiel a été tué en 2021 – Jamel Gorchene, après avoir mortellement poignardé une fonctionnaire administrative de police devant le commissariat de Rambouillet (Yvelines), le 23 avril 2021, et dont l’adhésion à l’idéologie islamiste radicale serait « peu contestable » selon le procureur chargé de l’enquête. Aucun terroriste ne figure parmi les 26 tués de 2022. Dans quelles circonstances ces tirs ont-ils été déclenchés ?
    Tirs mortels face à des personnes munis d’armes à feu

    Sur les 44 personnes tuées par balles en deux ans, un peu plus de la moitié (26 personnes) étaient armées, dont dix d’une arme à feu. Parmi elles, sept l’ont utilisée, provoquant un tir de riposte ou de défense des forces de l’ordre. Plusieurs de ces échanges de tirs se sont déroulés avec des personnes « retranchées » à leur domicile. L’affaire la plus médiatisée implique Mathieu Darbon. Le 20 juillet 2022, dans l’Ain, ce jeune homme de 22 ans assassine à l’arme blanche son père, sa belle-mère, sa sœur, sa demi-sœur et son demi-frère. Le GIGN intervient, tente de négocier puis se résout à l’abattre. En janvier 2021, dans une petite station au-dessus de Chambéry, un homme souffrant de troubles psychiatriques s’enferme chez lui, armé d’un fusil, en compagnie de sa mère, après avoir menacé une voisine. Arrivé sur place, le GIGN essuie des tirs, et riposte. Scénario relativement similaire quelques mois plus tard dans les Hautes-Alpes, au-dessus de Gap. Après une nuit de négociation, le « forcené », Nicolas Chastan est tué par le GIGN après avoir « épaulé un fusil 22 LR [une carabine de chasse, ndlr] et pointé son arme en direction des gendarmes », selon le procureur. L’affaire est classée sans suite pour légitime défense.

    Au premier trimestre 2021, le GIGN a été sollicité deux à trois fois plus souvent que les années précédentes sur ce type d’intervention, sans forcément que cela se termine par un assaut ou des tirs, relevait TF1. Le GIGN n’intervient pas qu’en cas de « forcené » armé. Le 16 avril 2021, l’unité spéciale accompagne des gendarmes venus interpeller des suspects sur un terrain habité par des voyageurs. Un cinquantenaire qui, selon les gendarmes, aurait pointé son fusil dans leur direction est tué.
    Arme à feu contre suspects munis d’arme blanche

    Parmi les 44 personnes tuées par arme à feu en 2021 et 2022, 16 étaient munis d’une arme blanche (couteau, cutter, barre de fer). Une dizaine d’entre elles auraient menacé ou attaqué les agents avant d’être tuées. Au mois de mars 2021, un policier parisien tire sur un homme qui l’attaque au couteau, pendant qu’il surveillait les vélos de ses collègues.

    La mort d’un pompier de Colombes (Hauts-de-Seine) rend également perplexes ses voisins. En état d’ébriété, il jette une bouteille vers des agents en train de réaliser un contrôle, puis se serait approché d’eux, muni d’un couteau « en criant Allah Akbar ». Il est tué de cinq balles par les agents. L’affaire est classée sans suite, la riposte étant jugée « nécessaire et proportionnée ». L’été dernier à Dreux, une policière ouvre mortellement le feu sur un homme armé d’un sabre et jugé menaçant. L’homme était par ailleurs soupçonné de violence conjugale.

    Dans ces situations, la légitime défense est la plupart du temps invoquée par les autorités. Cela pose cependant question lorsque la « dangerosité » de la personne décédée apparaît équivoque, comme l’illustre le cas de David Sabot, tué par des gendarmes le 2 avril 2022. Ses parents, inquiets de l’agressivité de leur fils, alcoolisé, alertent la gendarmerie de Vizille (Isère). Les gendarmes interviennent et tirent neuf balles sur David. Selon les gendarmes, il se serait jeté sur eux. Selon ses parents, il marchait les bras ballants au moment des tirs. « On n’a pas appelé les gendarmes pour tuer notre enfant », s’indignent-ils dans Le Dauphiné.

    Juridiquement, le fait que la personne soit armée ne légitime pas forcément l’ouverture du feu par les forces de l’ordre. Selon l’Article 122-5 du Code pénal, une personne se défendant d’un danger n’est pas pénalement responsable si sa riposte réunit trois conditions : immédiateté, nécessité, proportionnalité. « La question va se poser, s’il n’y avait pas moyen de le neutraliser autrement », indique à Var Matin « une source proche du dossier », à propos du décès d’un sans-abri, Garry Régis-Luce, tué par des policiers au sein de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, en août dernier. Sur une vidéo de la scène publiée par Mediapart, le sans-abri armé d’un couteau fait face à cinq policiers qui reculent avant de lui tirer mortellement dans l’abdomen. Sa mère a porté plainte pour homicide volontaire.

    De plus en plus de profils en détresse psychologique

    Plusieurs affaires interrogent sur la manière de réagir face à des personnes en détresse psychologique, certes potentiellement dangereuses pour elle-même ou pour autrui, et sur la formation des policiers, souvent amenés à intervenir en premier sur ce type de situation [1].

    Le 21 avril 2022, à Blois, des policiers sont alertés pour un risque suicidaire d’un étudiant en école de commerce, Zakaria Mennouni, qui déambule dans la rue, pieds nus et couteau en main. Selon le procureur de Blois, l’homme se serait avancé avec son couteau vers les policiers avant que l’un d’eux tire au taser puis au LBD. Son collègue ouvre également le feu à quatre reprises. Touché de trois balles à l’estomac, Zakaria succombe à l’hôpital. La « légitime défense » est donc invoquée. « Comment sept policiers n’ont-ils pas réussi à maîtriser un jeune sans avoir recours à leur arme à feu », s’interroge la personne qui a alerté la police. Une plainte contre X est déposée par les proches de l’étudiant, de nationalité marocaine. Sur Twitter, leur avocat dénonce une « enquête enterrée ».

    Près de Saint-Étienne, en août 2021, des policiers interviennent dans un appartement où Lassise, sorti la veille d’un hôpital psychiatrique, mais visiblement en décompression, a été confiné par ses proches, avant que sa compagne n’appelle police secours. Ce bénévole dans une association humanitaire, d’origine togolaise, aurait tenté d’agresser les policiers avec un couteau de boucher, avant que l’un d’eux n’ouvre le feu.

    Pourquoi, dans ce genre de situation, les policiers interviennent-ils seuls, sans professionnels en psychiatrie ? Plusieurs études canadiennes démontrent le lien entre le désinvestissement dans les services de soins et la fréquence des interventions des forces de l’ordre auprès de profils atteintes de troubles psychiatriques. Une logique sécuritaire qui inquiète plusieurs soignants du secteur, notamment à la suite de l’homicide en mars dernier d’un patient par la police dans un hôpital belge.
    Le nombre de personnes non armées tuées par balles a triplé

    Le nombre de personnes sans arme tombées sous les balles des forces de l’ordre a lui aussi bondi en deux ans (5 en 2021, 13 en 2022). C’est plus du triple que la moyenne de la décennie précédente. Cette hausse est principalement liée à des tirs sur des véhicules en fuite beaucoup plus fréquents, comme l’illustre le nouveau drame, ce 27 juin à Nanterre où, un adolescent de 17 ans est tué par un policier lors d’un contrôle routier par un tir à bout portant d’un agent.

    Outre le drame de Nanterre ce 27 juin, l’une des précédentes affaires les plus médiatisées se déroule le 4 juin 2022 à Paris, dans le 18e arrondissement. Les fonctionnaires tirent neuf balles avec leur arme de service sur un véhicule qui aurait refusé de s’arrêter. La passagère, 18 ans, est atteinte d’une balle dans la tête, et tuée. Le conducteur, touché au thorax, est grièvement blessé. Dans divers témoignages, les deux autres personnes à bord du véhicule réfutent que la voiture ait foncé sur les forces de l’ordre. Le soir du second tour de l’élection présidentielle, le 24 avril, deux frères, Boubacar et Fadjigui sont tués en plein centre de Paris sur le Pont-Neuf. Selon la police, ces tirs auraient suivi le refus d’un contrôle. La voiture aurait alors « foncé » vers un membre des forces de l’ordre qui se serait écarté avant que son collègue, 24 ans et encore stagiaire, ne tire dix cartouches de HK G36, un fusil d’assaut.

    Comme nous le révélions il y a un an, les policiers ont tué quatre fois plus de personnes pour refus d’obtempérer en cinq ans que lors des vingt années précédentes. En cause : la loi de 2017 venue assouplir les règles d’ouverture de feu des policiers avec la création de l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure . « Avec cet article, les policiers se sont sentis davantage autorisés à faire usage de leur arme », estime un commandant de police interrogé par Mediapart en septembre dernier. À cela « vous rajoutez un niveau de recrutement qui est très bas et un manque de formation, et vous avez le résultat dramatique que l’on constate depuis quelques années : des policiers qui ne savent pas se retenir et qui ne sont pas suffisamment encadrés ou contrôlés. Certains policiers veulent en découdre sans aucun discernement. »

    « Jamais une poursuite ni une verbalisation ne justifieront de briser une vie »

    Au point que les gendarmes s’inquiètent très officiellement de la réponse adéquate à apporter face aux refus d’obtempérer, quitte à bannir le recours immédiat à l’ouverture du feu (voir ici). « L’interception immédiate, pouvant s’avérer accidentogène, n’est plus la règle, d’autant plus si les conditions de l’intervention et le cadre légal permettent une action différée, préparée et renforcée. Donc, on jalonne en sécurité, on lâche prise si ça devient dangereux, et surtout on renseigne. Tout refus d’obtempérer doit être enregistré avec un minimum de renseignements pour ensuite pouvoir s’attacher à retrouver l’auteur par une double enquête administrative et judiciaire », expliquait la commandante de gendarmerie Céline Morin. « Pour reprendre une phrase du directeur général de la gendarmerie : “Jamais une poursuite ni une verbalisation ne justifieront de briser une vie.” Il importe donc à chacun de nous de se préparer intellectuellement en amont à une tactique et à des actions alternatives face aux refus dangereux d’obtempérer. » On est loin du discours de surenchère tenu par certains syndicats de policiers.

    « Pas d’échappatoire » vs « personne n’était en danger »

    Pour justifier leur geste, les agents invoquent la dangerosité pour eux-mêmes ou pour autrui, considérant souvent le véhicule comme « arme par destination ». Hormis la neutralisation du conducteur du véhicule, ils n’auraient pour certains « pas d’échappatoire » comme l’affirmait le membre de la BAC qui a tué un jeune homme de 23 ans à Neuville-en-Ferrain (Nord), le 30 août 2022, qui aurait démarré son véhicule au moment où les agents ouvraient la portière.

    Des policiers qui se seraient « vus mourir » tirent sur Amine B, le 14 octobre, à Paris. Coincé dans une contre-allée, le conducteur aurait redémarré son véhicule en direction des fonctionnaires qui ont ouvert le feu. Plusieurs témoins affirment que ce ressortissant algérien, diplômé d’ingénierie civile, roulait « doucement » sans se diriger vers eux ni mettre personne en danger. Et Amine est mort d’une balle dans le dos. La famille a lancé un appel à témoins pour connaître les circonstances exactes du drame. Rares sont ces affaires où le récit policier n’est pas contredit par les éléments de l’enquête ou des témoins.

    Au nom de la légitime défense, des gendarmes de Haute-Savoie ont tiré neuf fois le 5 juillet 2021 sur un fuyard suspecté de vol. Le conducteur de la camionnette, Aziz, n’a pas survécu à la balle logée dans son torse. « Personne n’était en danger », affirme pour sa part un proche, présent sur lieux. D’après son témoignage recueilli par Le Média, les militaires « étaient à 4 ou 5 mètres » du fourgon. Une reconstitution des faits a été effectuée sans la présence de ce témoin, au grand dam de la famille qui a porté plainte pour « homicide volontaire ».

    Pour Zied B. le 7 septembre à Nice abattu par un policier adjoint, comme pour Jean-Paul Benjamin, tué par la BAC le 26 mars à Aulnay-sous-Bois alors que, en conflit avec son employeur (Amazon), il était parti avec l’un des véhicules de l’entreprise, ce sont les vidéos filmant la scène qui mettent à mal la version policière des faits [2]. Et dans le cas de Souheil El Khalfaoui, 19 ans, tué d’une balle dans le cœur à Marseille lors d’un contrôle routier (voir notre encadré plus haut), les images de vidéosurveillance filmant la scène, et en mesure de corroborer ou de contredire la version des policiers, n’ont toujours pas pu être visionnées par la famille qui a porté plainte. Près de deux ans après le drame...

    Si 2021 et 2022 ont été particulièrement marquées par les morts par balles lors d’interventions policières, qu’en sera-t-il en 2023 ? À notre connaissance, #Nahel est au moins la huitième personne abattue par des agents assermentés depuis janvier dernier.

    https://basta.media/Refus-d-obtemperer-le-nombre-de-personnes-tuees-par-un-tir-des-forces-de-l-

    #statistiques #chiffres #décès #violences_policières #légitime_défense #refus_d'obtempérer #Nanterre #armes_à_feu #tires_mortels #GIGN

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    signalé aussi par @fredlm
    https://seenthis.net/messages/1007961

    • #Sebastian_Roché : « Le problème des tirs mortels lors de refus d’obtempérer est systémique en France »

      Le débat émerge suite au décès du jeune Nahel en banlieue parisienne. Entretien avec Sebastian Roché, politologue spécialiste des questions de police

      Pour certains, la mort du jeune Nahel, tué mardi par un policier lors d’un #contrôle_routier en banlieue parisienne, est l’occasion de dire qu’il y a trop de refus d’obtempérer en France. Pour d’autres, c’est surtout le moment de condamner la manière qu’a la #police d’y fait face. A gauche on estime qu’« un refus d’obtempérer ne peut pas être une condamnation à mort ». A droite, on pense que ces drames sont dus au fait que « les refus d’obtempérer augmentent et mettent en danger nos forces de l’ordre ».

      En 2022, le nombre record de 13 décès a été enregistré après des refus d’obtempérer lors de contrôles routiers en France. En cause, une modification de la loi en 2017 assouplissant les conditions dans lesquelles les forces de l’ordre peuvent utiliser leur arme. Elles sont désormais autorisées à tirer quand les occupants d’un véhicule « sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ». Des termes jugés trop flous par de nombreux juristes.

      Sebastian Roché, politologue spécialiste des questions de police qui enseigne à Sciences-Po Grenoble, est un spécialiste de la question. Nous avons demandé à ce directeur de Recherche au CNRS, auteur de La nation inachevée, la jeunesse face à l’école et la police (Grasset), ce qu’il pensait de ce débat.

      Le Temps : Vous avez fait des recherches sur le nombre de personnes tuées en France par des tirs de policiers visant des véhicules en mouvement. Quelles sont vos conclusions ?

      Sebastian Roché : Nous avons adopté une méthode de type expérimentale, comme celles utilisées en médecine pour déterminer si un traitement est efficace. Nous avons observé 5 années avant et après la loi de 2017, et nous avons observé comment avaient évolué les pratiques policières. Les résultats montrent qu’il y a eu une multiplication par 5 des tirs mortels entre avant et après la loi dans le cadre de véhicule en mouvement.

      En 2017, la loi a donné une latitude de tir plus grande aux policiers, avec une possibilité de tirer même hors de la légitime défense. C’est un texte très particulier et, derrière, il n’y a pas eu d’effort de formation proportionné face au défi que représente un changement aussi historique de réglementation.

      L’augmentation n’est-elle pas simplement liée à l’augmentation des refus d’obtempérer ?

      Nous avons regardé le détail des tirs mortels. Le sujet, ce n’est pas les refus d’obtempérer, qui sont une situation, ce sont les tirs mortels, qui interviennent dans cette situation. Les syndicats de police font tout pour faire passer le message que le problème ce sont les refus d’obtempérer qui augmentent. Mais le problème ce sont les tirs mortels, dont les refus d’obtempérer peuvent être une cause parmi d’autres. Et les refus d’obtempérer grave ont augmenté mais pas autant que ce que dit le ministère. D’autant que l’augmentation des tirs mortels n’est notable que chez la police nationale et non dans la Gendarmerie. Dans la police nationale, en 2021, il y a eu 2675 refus d’obtempérer graves, pas 30 000. Il y a une augmentation mais ce n’est pas du tout la submersion dont parlent certains. Ce n’est pas suffisant pour expliquer l’augmentation des tirs mortels. D’autant que la police nationale est auteur de ces homicides et pas la Gendarmerie alors que les refus d’obtempérer sont également répartis entre les deux. Si le refus d’obtempérer était une cause déterminante, elle aurait les mêmes conséquences en police et en gendarmerie.

      Comment cela s’explique-t-il ?

      Les gendarmes n’ont pas la même structure de commandement, pas la même stabilité de l’ancrage local et pas la même lecture de la loi de 2017. La police a une structure qui n’est pas militaire comme celle de la gendarmerie. Et l’encadrement de proximité y est plus faible, particulièrement en région parisienne que tous les policiers veulent quitter.

      Pour vous c’est ce qui explique le drame de cette semaine ?

      La vidéo est accablante donc les responsables politiques semblent prêts à sacrifier le policier qui pour eux a fait une erreur. Mais ce qui grave, c’est la structure des tirs mortels avant et après 2017, c’est-à-dire comment la loi a modifié les pratiques. Ce n’est pas le même policier qui a tué 16 personnes dans des véhicules depuis le 1er janvier 2022. Ce sont 16 policiers différents. Le problème est systémique.

      Avez-vous des comparaisons internationales à ce sujet ?

      En Allemagne, il y a eu un tir mortel en dix ans pour refus d’obtempérer, contre 16 en France depuis un an et demi. On a un écart très marqué avec nos voisins. On a en France un modèle de police assez agressif, qui doit faire peur, davantage que dans les autres pays d’Europe mais moins qu’aux Etats-Unis. Et cette loi déroge à des règles de la Cour européenne des droits de l’homme. C’est une singularité française.

      Cette loi avait été mise en place suite à des attaques terroristes, notamment contre des policiers ?

      Oui, c’est dans ce climat-là qu’elle est née, mise en place par un gouvernement socialiste. Il y avait aussi eu d’autres attaques qui n’avaient rien à voir. Mais le climat général était celui de la lutte antiterroriste, et plus largement l’idée d’une police désarmée face à une société de plus en plus violente. L’idée était donc de réarmer la police. Cette loi arrange la relation du gouvernement actuel avec les syndicats policiers, je ne pense donc pas qu’ils reviendront dessus. Mais il y a des policiers qui vont aller en prison. On leur a dit vous pouvez tirer et, là, un juge va leur dire le contraire. Ce n’est bon pour personne cette incertitude juridique. Il faut abroger la partie de la loi qui dit que l’on peut tirer si on pense que le suspect va peut-être commettre une infraction dans le futur. La loi française fonctionnait précédemment sous le régime de la légitime défense, c’est-à-dire qu’il fallait une menace immédiate pour répondre. Comment voulez-vous que les policiers sachent ce que les gens vont faire dans le futur.

      https://www.letemps.ch/monde/le-probleme-des-tirs-mortels-lors-de-refus-d-obtemperer-est-systemique-en-fr

    • « Refus d’obtempérer »  : depuis 2017, une inflation létale

      Depuis la création en 2017 par la loi sécurité publique d’un article élargissant les conditions d’usage de leur arme, les tirs des policiers contre des automobilistes ont fortement augmenté. Ils sont aussi plus mortels.

      Depuis plus d’un an, chaque mois en moyenne, un automobiliste est tué par la police. Dans la plupart des cas, la première version des faits qui émerge du côté des forces de l’ordre responsabilise le conducteur. Il lui est reproché d’avoir commis un refus d’obtempérer, voire d’avoir attenté à la vie des fonctionnaires, justifiant ainsi leurs tirs. Il arrive que cette affirmation soit ensuite mise à mal par les enquêtes judiciaires : cela a été le cas pour le double meurtre policier du Pont-Neuf, à Paris en avril 2022, celui d’Amine Leknoun, en août à Neuville-en-Ferrain (Nord), ou celui de Zyed Bensaid, en septembre à Nice. En ira-t-il de même, concernant le conducteur de 17 ans tué mardi à Nanterre (Hauts-de-Seine) ? Les investigations pour « homicide volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique » ont été confiées à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Deux autres enquêtes ont été ouvertes depuis le début de l’année pour des tirs mortels dans le cadre de refus d’obtempérer en Charente et en Guadeloupe.

      Cette inflation mortelle s’est accélérée depuis le début de l’année 2022, mais elle commence en 2017. Ainsi, d’après les chiffres publiés annuellement par l’IGPN et compilés par Libération, entre la période 2012-2016 d’une part, et 2017-2021 d’autre part, l’usage des armes par les policiers a augmenté de 26 % ; et les usages de l’arme contre un véhicule ont augmenté de 39 %. Une croissance largement supérieure à celle observée chez les gendarmes entre ces deux périodes (+10 % d’usage de l’arme, toutes situations confondues).
      Doublement faux

      Mercredi, lors des questions au gouvernement, Gérald Darmanin a affirmé que « depuis la loi de 2017, il y a eu moins de tirs, et moins de cas mortels qu’avant 2017 ». C’est doublement faux : depuis cette année-là, les tirs des policiers contre des véhicules sont non seulement plus nombreux, mais ils sont aussi plus mortels. C’est la conclusion de travaux prépubliés l’année dernière, et en cours de soumission à une revue scientifique, de Sebastian Roché (CNRS), Paul Le Derff (université de Lille) et Simon Varaine (université Grenoble-Alpes).

      Les chercheurs établissent que le nombre de tués par des tirs policiers visant des personnes se trouvant dans des véhicules a été multiplié par cinq, entre avant et après le vote de la loi « sécurité publique » de février 2017. D’autant qu’entre les mêmes périodes, le nombre de personnes tuées par les autres tirs policiers diminue légèrement. « A partir d’une analyse statistique rigoureuse du nombre mensuel de victimes des tirs, malheureusement, il est très probable » que ce texte soit « la cause du plus grand nombre constaté d’homicides commis par des policiers », expliquent Roché, Le Derff et Varaine.

      La loi sécurité publique a créé l’article 435-1 du code de la sécurité intérieure (CSI), qui s’est depuis trouvé (et se trouve encore) au cœur de plusieurs dossiers judiciaires impliquant des policiers ayant tué des automobilistes. Cet article complète celui de la légitime défense (122-5 du code pénal) dont tout citoyen peut se prévaloir, en créant un cadre spécifique et commun aux forces de l’ordre pour utiliser leur arme.
      Un texte plusieurs fois remanié

      L’article 435-1 du CSI dispose que « dans l’exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité », les policiers peuvent utiliser leur arme « en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée », notamment dans la situation suivante : « Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l’usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui. » Avant d’arriver à cette formulation, le texte a été plusieurs fois remanié, au fil de son parcours législatif, dans le sens de l’assouplissement. Par exemple : les atteintes devaient être « imminentes », selon la version initiale ; dans la mouture finale elles n’ont plus besoin que d’être « susceptibles » de se produire, pour justifier le tir.

      La direction générale de la police nationale l’a rapidement relevé. Ainsi, dans une note de mars 2017 expliquant le texte à ses fonctionnaires, on pouvait lire : « L’article L.435-1 va au-delà de la simple légitime défense », en ce qu’il « renforce la capacité opérationnelle des policiers en leur permettant d’agir plus efficacement, tout en bénéficiant d’une plus grande sécurité juridique et physique ». Tout en rappelant qu’« il ne saurait être question de faire usage de l’arme pour contraindre un véhicule à s’arrêter en l’absence de toute dangerosité de ses occupants ».

      https://www.youtube.com/watch?v=Dz5QcVZXEN4&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.liberation.fr%2


      https://www.liberation.fr/societe/police-justice/refus-dobtemperer-depuis-2017-une-inflation-letale-20230627_C7BVZUJXLVFJBOWMDXJG2N7DDI/?redirected=1&redirected=1

    • Mort de Nahel : chronique d’un drame annoncé

      Au moment de l’adoption, sous pression des policiers, de la #loi de 2017 modifiant les conditions d’usage des armes à feu par les forces de l’ordre, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le Défenseur des droits et la société civile avaient alerté sur l’inévitable explosion du nombre de victimes à venir.

      #Bernard_Cazeneuve se trouve, depuis la mort de Nahel, au centre de la polémique sur l’#usage_des_armes_à_feu par les policiers. La gauche, notamment, ne cesse de rappeler que l’ex-dirigeant socialiste est le concepteur de la loi dite « #sécurité_publique » qui, en février 2017, a institué le #cadre_légal actuel en la matière. C’est en effet lui qui en a assuré l’élaboration en tant que ministre de l’intérieur, puis qui l’a promulguée alors qu’il était premier ministre.

      À deux reprises, Bernard #Cazeneuve s’est justifié dans la presse. Le 29 juin tout d’abord, dans Le Monde (https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/06/29/adolescent-tue-par-un-policier-a-nanterre-emmanuel-macron-sur-une-ligne-de-c), il affirme qu’« il n’est pas honnête d’imputer au texte ce qu’il n’a pas souhaité enclencher » et explique que cette loi avait été votée dans un « contexte de tueries de masse après les attentats ».

      Le lendemain, dans un entretien au Point (https://www.lepoint.fr/societe/bernard-cazeneuve-non-il-n-y-a-pas-en-france-de-permis-de-tuer-30-06-2023-25), l’ancien premier ministre de #François_Hollande développe la défense de son texte. « Il n’y a pas, en France, de #permis_de_tuer, simplement la reconnaissance pour les forces de l’ordre de la possibilité de protéger leurs vies ou la vie d’autrui, dans le cadre de la #légitime_défense », affirme-t-il.

      Bernard Cazeneuve évoque encore un « contexte particulier » ayant justifié ce texte, « celui des périples meurtriers terroristes et de la tragédie qu’a constituée l’attentat de Nice, le 14 juillet 2016, qui a vu un policier municipal neutraliser le conducteur d’un camion-bélier ayant tué 86 personnes et blessé plusieurs centaines d’autres, sur la promenade des Anglais ».

      Cette invocation d’une justification terroriste à l’adoption de la loi « sécurité publique » paraît étonnante à la lecture de l’exposé des motifs (https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000033664388/?detailType=EXPOSE_MOTIFS&detailId=) et de l’étude d’impact (https://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl16-263-ei/pjl16-263-ei.pdf) du texte. À aucun moment un quelconque attentat n’est mentionné pour justifier les dispositions de l’article premier, celui modifiant le cadre légal de l’usage des armes à feu par les policiers.

      À l’ouverture de l’examen du texte en séance publique par les député·es, le mardi 7 février (https://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2016-2017/20170112.asp#P970364), le ministre de l’intérieur Bruno Leroux parle bien d’un attentat, celui du Carrousel du Louvre (https://fr.wikipedia.org/wiki/Attaque_contre_des_militaires_au_Carrousel_du_Louvre) durant lequel un homme a attaqué deux militaires à la machette. Mais cette attaque s’est déroulée le 3 février, soit bien après l’écriture du texte, et concerne des soldats de l’opération Sentinelle, donc non concernés par la réforme.

      La loi « sécurité publique » a pourtant bien été fortement influencée par l’actualité, mais par un autre drame. Le #8_octobre_2016, une vingtaine de personnes attaquent deux voitures de police dans un quartier de #Viry-Châtillon (Essonne) à coups de pierres et de cocktails Molotov. Deux policiers sont grièvement brûlés (https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_des_policiers_br%C3%BBl%C3%A9s_%C3%A0_Viry-Ch%C3%A2tillon).

      Les images des agents entourés de flammes indignent toute la classe politique et provoquent un vaste mouvement de contestation au sein de forces de l’ordre. Cela génèrera un immense scandale judiciaire puisque des policiers feront emprisonner des innocents en toute connaissance de cause (https://www.mediapart.fr/journal/france/160521/affaire-de-viry-chatillon-comment-la-police-fabrique-de-faux-coupables). Mais à l’époque, les syndicats de policiers réclament par ailleurs une modification de la législation.

      « C’était une période de fin de règne de François #Hollande, avec des policiers à bout après avoir été sur-sollicités pour les manifestations contre la loi Travail, pour les opérations antiterroristes, se souvient Magali Lafourcade, secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Et, surtout, il y a eu l’attaque de policiers de Viry-Châtillon. Leur mouvement de colère avait été accompagné par des manifestations à la limite de la légalité, avec des policiers armés, masqués et sans encadrement syndical, car il s’agissait d’un mouvement spontané. Je pense que cela a fait très peur au gouvernement. »

      La loi « sécurité publique » est l’une des réponses du gouvernement à cette fronde des policiers. Ceux-ci étaient alors régis par le droit commun de la légitime défense. Désormais, ils bénéficient d’un #régime_spécifique, copié sur celui des gendarmes et inscrit dans le nouvel #article_435-1 du #Code_de_la_sécurité_intérieure (https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000034107970).

      Celui-ci dispose notamment que les policiers sont autorisés à faire usage de leur arme pour immobiliser des véhicules dont les occupants refusent de s’arrêter et « sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ».

      On ne peut donc que s’étonner lorsque Bernard Cazeneuve assure, dans Le Point, que la loi « sécurité publique » « ne modifie en rien le cadre de la légitime défense ». « Je dirais même, enchérit-il, qu’elle en précise les conditions de déclenchement, en rendant impossible l’ouverture du feu hors de ce cadre. »

      Pourtant, comme l’a montré Mediapart (https://www.mediapart.fr/journal/france/280623/refus-d-obtemperer-l-alarmante-augmentation-des-tirs-policiers-mortels), le nombre de déclarations d’emploi d’une arme contre un véhicule a bondi entre 2016 et 2017, passant de 137 à 202, avant de se stabiliser à un niveau supérieur à celui d’avant l’adoption du texte, par exemple 157 en 2021.

      De plus, lorsque l’on relit les nombreux avertissements qui avaient été faits à l’époque au gouvernement, il semble difficile de soutenir que cette augmentation du recours aux armes à feu et du nombre de victimes n’était pas prévisible.

      « De telles dispositions risquent en effet d’entraîner une augmentation des pertes humaines à l’occasion de l’engagement desdits services dans des opérations sur la voie publique », prédisait ainsi la CNCDH dans un avis rendu le 23 février 2017 (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000034104875).

      Celui-ci s’inquiétait notamment du #flou de certaines formulations, comme l’alinéa autorisant l’usage des armes à feu contre les personnes « susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celle d’autrui ».

      « Il est à craindre que de telles dispositions ne conduisent à l’utilisation des armes à feu dans des situations relativement fréquentes de #courses-poursuites en zone urbaine, avertissait encore la commission, les fonctionnaires de police venant à considérer que le véhicule pourchassé crée, par la dangerosité de sa conduite, un risque pour l’intégrité des autres usagers de la route et des passants ».

      « Rien ne justifiait cet alignement du régime des #gendarmes sur celui des policiers, réaffirme aujourd’hui Magali Lafourcade. Les gendarmes sont formés au maniement des armes et, surtout, ils opèrent en zone rurale. » La secrétaire générale de la CNCDH pointe également un problème de formation des policiers qui s’est depuis aggravé.

      « Le niveau de recrutement des policiers s’est effondré, souligne-t-elle. Les jeunes sont massivement envoyés dans les zones difficiles dès leur sortie de l’école. Ils ne reçoivent aucun enseignement sur les biais cognitifs. Un jeune venant d’une zone rurale dans laquelle il n’aura quasiment jamais croisé de personne racisée peut donc très bien être envoyé dans un quartier dont il n’a pas les codes, la culture, la manière de parler et donc de s’adresser à des adolescents. Et l’#encadrement_intermédiaire est très insuffisant. Les jeunes policiers sont bien peu accompagnés dans des prises de fonction particulièrement difficiles. »

      Le Défenseur des droits avait lui aussi alerté, dans un avis publié le 23 janvier 2017 (https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=18573), sur l’#instabilité_juridique créée par cette #réforme. « Le projet de loi complexifie le régime juridique de l’usage des armes, en donnant le sentiment d’une plus grande liberté pour les forces de l’ordre, au risque d’augmenter leur utilisation, alors que les cas prévus sont déjà couverts par le régime général de la légitime défense et de l’état de nécessité », écrivait-il.

      Ces différents dangers avaient également été pointés par la quasi-totalité de la société civile, que ce soient les syndicats ou les associations de défense des libertés. « Les services de police et de gendarmerie se considéreront légitimes à user de leurs armes – et potentiellement tuer – dans des conditions absolument disproportionnées », prédisait ainsi le Syndicat de la magistrature (SM) (https://www.syndicat-magistrature.fr/notre-action/justice-penale/1214-projet-de-loi-securite-publique--refusez-ce-debat-expedie). « Il est en effet dangereux de laisser penser que les forces de l’ordre pourront faire un usage plus large de leurs armes », abondait l’Union syndicale des magistrats (USM) (https://www.union-syndicale-magistrats.org/web2/themes/fr/userfiles/fichier/publication/2017/securite_publique.pdf).

      Du côté des avocats, le projet de loi avait rencontré l’opposition du Syndicat des avocats de France (SAF) (https://lesaf.org/wp-content/uploads/2017/04/11-penal-GT.pdf), ainsi que du barreau de Paris et de la Conférence des bâtonniers, qui affirmaient, dans un communiqué commun (https://www.avocatparis.org/actualites/projet-de-loi-relatif-la-securite-publique-le-barreau-de-paris-et-la-co) : « La réponse au mal-être policier ne peut être le seul motif d’examen de ce projet de loi et il importe que les conditions de la légitime défense ne soient pas modifiées. »

      « Ce projet de loi autorise les forces de l’ordre à ouvrir le feu dans des conditions qui vont augmenter le risque de #bavures sans pour autant assurer la sécurité juridique des forces de l’ordre », avertissait encore la Ligue des droits de l’homme (https://www.ldh-france.org/police-anonyme-autorisee-tirer).

      Désormais, les policiers eux-mêmes semblent regretter cette réforme, ou en tout cas reconnaître l’#incertitude_juridique qu’elle fait peser sur eux, en raison de sa formulation trop vague.

      Dans un article publié samedi 1er juillet, Le Monde (https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/01/syndicats-de-police-un-tract-incendiaire-d-alliance-et-d-unsa-police-revelat) rapporte en effet que, parmi les forces de l’ordre, circule un modèle de demande de #droit_de_retrait dans lequel l’agent annonce rendre son arme, en raison des « diverses appréciations » qui peuvent être faites de l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure, lesquelles sont susceptibles de « donner lieu à des poursuites pénales ».

      Dans ce document, le policer y annonce mettre son pistolet à l’armurerie et qu’il y restera « jusqu’à ce que [s]a formation continue [lui] permette de mieux appréhender les dispositions de cet article afin de ne pas être poursuivi pénalement dans l’éventualité où [il] devrai[t] faire feu ».

      Magali Lafourcade insiste de son côté sur les dégâts que cette réforme a pu causer dans une partie de la jeunesse. « L’expérience de la citoyenneté, du sentiment d’appartenir à une communauté nationale, du respect des principes républicains est une expérience avant tout sensible, affirme-t-elle. Elle passe par les interactions éprouvées avec les représentants de l’État. Plus les enfants de ces quartiers feront l’expérience de la #brutalité_policière, plus ça les enfermera dans la #défiance qu’ils ont déjà vis-à-vis de nos institutions. »

      https://www.mediapart.fr/journal/france/010723/mort-de-nahel-chronique-d-un-drame-annonce

  • #Vomir #Canada : D’ici 2028, les vaches laitières devraient pouvoir mettre bas sans être enchaînées Julie Vaillancourt - Radio Canada
    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1871152/vaches-laitieres-enchainees-agriculture

    Au Canada, la majorité des vaches laitières sont élevées en stabulation entravée, ce qui implique qu’elles mettent souvent bas, enchaînées, dans des stalles trop petites pour elles. Ça pourrait changer : les experts recommandent maintenant de leur donner plus de liberté de mouvement pour améliorer leur bien-être.


    Il manque d’espace dans les stalles régulières pour que les vaches mettent bas à leur aise. Photo : Radio-Canada

    La scène est désolante aux yeux du profane : une vache, la chaîne au cou, qui met bas dans sa stalle, souvent trop petite pour lui permettre de se mouvoir avec agilité. L’animal tente de se retourner pour voir son veau, mais son carcan métallique l’entrave partiellement ; le producteur laitier doit apporter le nouveau-né en face de sa mangeoire pour que la vache puisse enfin le lécher.

    Une action plus fréquente au Québec qu’ailleurs au Canada, car c’est dans la province qu’on retrouve le plus de fermes en stabulation entravée, un système où chaque vache garde toute sa vie une place fixe dans l’étable, enchaînée à une barre d’attache.


    Un des principes les plus importants, pour le vétérinaire Edwin Quigley, est que les vaches doivent faire le plus possible d’exercice. Photo : Radio-Canada

    Pour le vétérinaire Edwin Quigley, qui pratique dans la région de Chaudière-Appalaches, le fait que 72 % des vaches de la province vivent ainsi (contrairement à la moyenne canadienne de 44 %) est consternant. “Des vaches attachées dans un espace de quatre pieds par six à l’année longue et qui ne changent pas de place, il manque quelque chose.”

    Ce “quelque chose”, c’est la liberté de mouvement, beaucoup plus présente en stabulation libre, une façon d’élever les bovins laitiers dans des espaces à aire ouverte. Avec ce modèle, les vaches disposent de logettes individuelles où elles vont manger ou se reposer à leur guise, sans jamais être immobilisées de force.

    Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en stabulation entravée, la prévalence de blessures aux jarrets chez l’animal est de 56 % comparativement à 47 % en stabulation libre, de 43 % pour les blessures aux genoux comparativement à 24 % en stabulation libre.

    Conséquence, entre autres, d’une surface de couchage souvent trop abrasive en comparaison avec la litière de plus de 15 centimètres d’épaisseur qu’on retrouve régulièrement dans les étables en stabulation libre.

    Quant aux 33 % de blessures au cou en stabulation entravée, elles trouvent évidemment leur source dans le port constant de la chaîne.


    Au Canada, les vaches qui passent leur vie dans des stalles entravées ont plus de blessures qu’avec d’autres systèmes d’élevage. Photo : Radio-Canada

    Le “Code de pratique pour le soin et la manipulation des bovins laitiers”, un outil de référence à l’intention des producteurs laitiers canadiens, est actuellement en révision, puisque la dernière mouture date de 2009.

    Nous avons obtenu la version préliminaire du nouveau code, dont l’élaboration sera terminée d’ici la fin de l’année. Elle propose dorénavant de loger les vaches laitières au pâturage ou en stabulation libre afin qu’elles aient la possibilité de se mouvoir davantage. Quant au vêlage, les producteurs devraient obligatoirement permettre aux vaches de mettre bas en stabulation libre d’ici 2028, s’il n’en tient qu’aux experts canadiens qui se penchent présentement sur la question.

    https://fr.scribd.com/document/566235947/Code-de-pratique-pour-le-soin-et-la-manipulation-des-bovins-laitiers#down

    Ce serait la moindre des choses aux yeux d’Edwin Quigley, qui supervise présentement l’agrandissement de l’étable d’un de ses clients, Dave Kelly, un producteur laitier de Saint-Nazaire-de-Dorchester, dans la région de Chaudière-Appalaches.


    Dave Kelly, producteur laitier, veut améliorer le bien-être de ses vaches et collabore avec son vétérinaire pour changer les choses. Photo : Radio-Canada

    M. Kelly tente d’améliorer le bien-être de ses vaches à la mesure de ses moyens. “Il y a des gens qui pensent qu’on utilise les vaches comme des machines, moi, je ne suis pas d’accord avec ça, mais il faut qu’elles soient bien dans ce qu’elles ont à faire, c’est important.”

    Au programme chez lui, des travaux de construction pour bâtir une section où ses vaches pourront mettre bas en stabulation libre : un enclos de groupe où les vaches auront le loisir de bouger à leur guise pendant le vêlage sans être gênées par l’étroitesse de leurs stalles ou, pire encore, leurs chaînes.


    En stabulation, la litière disposée sur le sol rend la surface plus confortable et aide à éviter l’abrasion. Photo : Radio-Canada

    Un virage pris par de plus en plus de producteurs laitiers du Québec qui, massivement, convertissent leurs troupeaux à l’élevage en stabulation libre pour l’ensemble de leurs opérations, et non uniquement le vêlage. “On fait du rattrapage, soutient Daniel Gobeil, président des Producteurs de lait du Québec.”

    “Des vaches attachées toute leur vie, on tend à éliminer ces pratiques-là. On est à la croisée des chemins en termes de bien-être animal”, conclut-il.

    #chaînes #beurk #boycott #alimentation #sirop_d'érable #assiette #malbouffe #agriculture #élevage #élevage #alimentation #vaches #viande #agrobusiness #lait #agro-industrie #quelle_agriculture_pour_demain_ #violence #torture #capitalisme

    • Monsieur trudeau, vous êtes une honte pour la démocratie ! Veuillez nous épargner votre présence Christine Anderson, députée européenne (Allemande) au Parlement européen

      Après parlé avec des parlementaires européens lors de sa visite officielle de deux jours à Bruxelles, la parole a été donnée à la députée allemande Christine Anderson qui a interpellé le Premier ministre canadien, disant qu’il ne devrait pas pouvoir s’exprimer au Parlement européen.

      Anderson a accusé Trudeau d’admirer ouvertement la dictature de base chinoise et a appelé le Premier ministre pour avoir piétiné “les droits fondamentaux en persécutant et en criminalisant ses propres citoyens en tant terroristes simplement parce qu’ils osent s’opposer à son concept pervers de démocratie”.

      le Canada est passé du statut de symbole du monde moderne à celui de « symbole de la violation des droits civils » sous la « chaussure semi-libérale » de Trudeau.

      Elle a terminé son discours en disant à Trudeau qu’il était « une honte pour toute démocratie. Veuillez nous épargner votre présence.
      https://www.youtube.com/watch?v=vtnfcVAZB6I


      Le député croate Mislav Kolakusic a également dénoncé Trudeau pour avoir violé les droits civils des Canadiens qui ont participé aux manifestations du « Freedom Convoy ». Lors de son propre discours cinglant devant ses collègues parlementaires européens, Kolakusic a déclaré à Trudeau que ses actions en promulguant la loi sur les urgences étaient « une dictature de la pire espèce ».
      Trudeau s’est assis et a écouté Kolakusic informer le premier ministre que de nombreux Européens l’ont vu « piétiner des femmes avec des chevaux » et bloquer « les comptes bancaires de parents célibataires ».
      L’eurodéputé roumain Christian Terhes a également refusé d’assister au discours de Trudeau aux autres membres de l’UE.

      Source :
      https://thecanadian.news/vous-etes-une-honte-un-depute-allemand-interpelle-trudeau-en-face-lors
      https://twitter.com/lemairejeancha2/status/1507033759278940161
      https://vk.com/wall551774088_43985?z=video640533946_456239116%2Fa7ea5429d710b84557%2Fpl_post_55

      NDR Cette députée allemande est de droite, mais la vérité ne fait pas de politique.

       #canada #justin_trudeau #trudeau la #violence #contrôle_social #police #dictature #violences_policières #violence_policière #répression #violence #maintien_de_l'ordre #brutalité_policière #manifestation #violences_policieres

    • Salaire mirobolant et logement de fonction : le train de vie princier du directeur du Fresnoy à Tourcoing Pierre Leibovici
      https://www.mediacites.fr/lu-pour-vous/lille/2022/03/24/salaire-mirobolant-et-logement-de-fonction-le-train-de-vie-princier-du-di

      Les angles morts, Quelques obscurcissements, Prolongations… Le titre de ces romans signés Alain Fleischer était-il prémonitoire ? Il résonne en tout cas avec le rapport publié, vendredi 18 mars, par la Chambre régionale des comptes des Hauts-de-France sur l’association Le Fresnoy — Studio national des arts contemporains, dont il est le directeur.


      Ouvert au public en 1997, l’imposant bâtiment du Fresnoy, situé dans le quartier du Blanc Seau à Tourcoing, abrite une école supérieure d’art ainsi qu’un lieu de représentation et de production (cinéma, danse, photo, arts numériques). L’établissement, imaginé dès 1987 par l’artiste Alain Fleischer à la demande du ministère de la Culture, est aujourd’hui mondialement reconnu. Trente-cinq ans plus tard, et malgré son âge de 78 ans, il n’a toujours pas lâché le bébé.

      Un salaire brut de 91 000 euros
      « Le cinéaste », « l’auteur », « le photographe, le plasticien » : le parcours d’Alain Fleischer est fièrement détaillé sur le site Internet du Fresnoy, qui lui consacre une page entière. « L’ambassadeur du Fresnoy », ajoute la Chambre régionale des comptes dans son rapport : « il en est pilote stratégique, notamment pour l’évolution vers le projet de StudioLab international [un programme de collaboration entre artistes et scientifiques], il initie les grands partenariats et exerce les fonctions de responsable pédagogique ».

      « Le montant de sa rémunération ne s’appuie pas sur son contrat de travail »
      Pour remplir ces missions, Alain Fleischer bénéficie d’un confortable salaire de 91 000 euros bruts par an, soit 7 600 euros bruts par mois. Un montant stable sur la période allant de 2016 à 2019, sur laquelle se sont penchés les magistrats financiers, mais qui interroge : « le montant de sa rémunération ne s’appuie sur aucun élément présent dans son contrat de travail qui date de plus de 30 ans, pas plus que des avenants ultérieurs dont le dernier date, en tout état de cause, de 2002 ». La Chambre demande donc instamment une révision du contrat de travail du directeur et sa validation par le conseil d’administration de l’association.

      Un immeuble pour logement de fonction
      Dans la suite de leur rapport, les magistrats recommandent aussi que le conseil d’administration valide la mise à disposition d’un logement de fonction pour Alain Fleischer. Ou plutôt d’un « immeuble d’habitation », peut-on lire sans plus de précisions. Ce bâtiment, ainsi qu’un autre d’une surface de 11 000 m2, est la propriété de la région Hauts-de-France, principal financeur du Fresnoy.

      Quelle est la valeur de l’avantage en nature consenti à l’association et à son directeur ? Difficile à dire : la dernière évaluation, réalisée en 2002, tablait sur un coût de 455 823 euros par an. Un montant sans doute bien plus élevé vingt ans plus tard, d’autant que la région prend à sa charge les travaux et la majeure partie de l’entretien des bâtiments. « Une réévaluation de la valeur de ces biens immobiliers qui figurent dans les comptes de l’association serait nécessaire », acte la Chambre régionale des comptes.

      Gouvernance à clarifier
      Autre recommandation adressée au studio d’art contemporain : la clarification de la gouvernance de l’association. À l’heure actuelle, un conseil d’administration cohabite avec une assemblée générale. Mais les deux instances, dont les missions diffèrent, sont composées des mêmes membres : 10 membres de droit et 14 personnalités qualifiées. Pour mettre fin à cette « confusion », les magistrats appellent donc l’association à revoir ses statuts.

      Cette dernière recommandation vaut aussi pour la rémunération de certains membres du conseil d’administration. Car, d’après la Chambre régionale des comptes, « des membres du conseil d’administration, du fait de leurs fonctions et qualités professionnelles et artistiques, peuvent être amenés à remplir le rôle de commissaire de certaines expositions du Fresnoy ou à effectuer des missions de représentation, donnant lieu à versement d’émoluments ». Et de conclure, en des termes toujours policés, que l’association devrait réviser ses statuts « par souci de sécurité juridique ».

      Sollicité à l’issue de l’audit des magistrats financiers, le président de l’association, Bruno Racine, s’est engagé à suivre toutes leurs recommandations et à mettre à jour les statuts dans un délai de six mois. « Cette révision permettra de préciser les modalités de recrutement du directeur », a-t-il affirmé. Écrivain et haut-fonctionnaire, aujourd’hui âgé de 70 ans, Bruno Racine a toutes les raisons de prêter attention aux recommandations de la Chambre régionale des comptes : il a un temps été conseiller-maître à la Cour des comptes.

      #Fresnoy #Tourcoing #argent #fric #art #art_press #claude_leveque @legrandmix #art_contemporain pour #bobo #ruissèlement #ruissellement #photographie #guerre_aux_pauvres

    • Énergie : au Royaume-Uni, même les pommes de terre deviennent trop chères LePoint.fr
      https://www.msn.com/fr-fr/finance/other/%C3%A9nergie-au-royaume-uni-m%C3%AAme-les-pommes-de-terre-deviennent-trop-ch%C3%A8res/ar-AAVqibD?ocid=msedgdhp&pc=U531#

      Durant des siècles, les pommes de terre ont été, par excellence, l’aliment de base des populations pauvres. Faciles à cultiver, peu chères à l’achat et nourrissantes, elles étaient l’élément de base ? sinon le seul - de populations entières. À tel point qu’au XIXe siècle, l’apparition du mildiou en Irlande ? une maladie qui anéantit presque totalement la culture de la pomme de terre ? provoqua une famine ? et la mort de près d’un million de personnes.

      Par les temps qui courent, cependant, la pomme de terre semble perdre son avantage auprès des populations dans le besoin. En effet, selon The Guardian, https://www.theguardian.com/business/2022/mar/23/food-bank-users-declining-potatoes-as-cooking-costs-too-high-says-icela de plus en plus de personnes ayant recours aux banques alimentaires refusent les pommes de terre, ne pouvant se permettre la dépense énergétique nécessaire à la longue cuisson de ces dernières.

      Une inflation record en 30 ans
      « C’est incroyablement inquiétant », a expliqué le gérant d’une chaîne de supermarchés low cost sur la BBC. « Nous entendons parler de certains utilisateurs de banques alimentaires qui refusent des produits tels que les pommes de terre et d’autres légumes-racines parce qu’ils n’ont pas les moyens de les faire bouillir », détaille-t-il, parlant de « la crise du coût de la vie » comme du « plus important problème intérieur » au Royaume-Uni.

      Outre-Manche, le coût de la vie continue d’augmenter rapidement, rapporte The Guardian. L’inflation a atteint 6,2 % en février, selon les chiffres de l’Office for National Statistics, une première depuis trente ans. Elle est alimentée par la hausse du coût de l’essence et du diesel et d’un large éventail de produits de nourriture aux jouets et jeux. En 2021, l’inflation spécifique aux produits alimentaires a été de 5,1 % au Royaume-Uni.

      #pauvreté #prix de l’#énergie #spéculation #capitalisme #marché_libre-et_non_faussé #électricité #spéculation #alimentation #banques_alimentaires #pommes_de_terre

  • Mort de Shaoyao Liu : non-lieu définitif pour le policier auteur du tir

    https://www.liberation.fr/societe/police-justice/mort-de-shaoyao-liu-non-lieu-definitif-pour-le-policier-auteur-du-tir-202

    La Cour de cassation rejette ce mercredi un pourvoi de la famille du Chinois Shaoyao Liu, tué en 2017 à Paris par un agent lors d’une intervention à son domicile. La plus haute juridiction met en avant la légitime défense.

    #tué_par_la_police #police #BAC #justice #violences_policières #brutalité_policière
    #légitime_défense vs #impunité

    • « On ne comprenait pas ce qu’il se passait » : le soir où Shaoyao Liu a été tué par la police devant ses enfants
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/11/17/on-ne-comprenait-pas-ce-qu-il-se-passait-le-soir-ou-shaoyao-liu-a-ete-tue-pa

      Publié le 17 novembre 2020 - Mis à jour le 08 juin 2021

      Le père de famille chinois a été tué par des policiers de la BAC chez lui en mars 2017, dans des circonstances peu claires. La cour d’appel de Paris a confirmé, mardi, la validité du non-lieu prononcé en 2019.

      Le ciel était bas, ce soir de dimanche 26 mars 2017, quand la vie de la famille Liu a basculé. La mère, Zhu (tous les prénoms ont été changés), et l’aînée, Jiao, 25 ans, étaient de sortie. Dans l’appartement familial du 6e étage de la villa Curial, un ensemble de résidences de plus de 1 000 logements dans le 19e arrondissement de Paris, Rose, 17 ans, et Gabrielle, 22 ans, achevaient une longue journée de révisions, l’une pour son bac blanc, l’autre pour ses examens de gestion. Ariane, 18 ans, et Tuan, 15 ans, étaient rentrés dans l’après-midi d’un Salon sur la pop culture japonaise. Le père, Shaoyao, avait vaqué à ses occupations quotidiennes, entre linge sale, repas et balades. Vers 19 h 30, il était monté au 7e étage pour se plaindre d’un bruit – « comme si on tapait sur un tuyau », racontera Rose aux enquêteurs – et avait eu une brève altercation avec un voisin croisé sur le palier.

      Une heure plus tard, le chaos envahissait l’appartement. Les cris. Une porte qu’on défonce. Un éclair dans l’entrée éteinte. Un père gisant dans le couloir. Un homme imposant, en sweat noir, brassard orange de police au bras, agenouillé sur le quinquagénaire, lui retirait son dentier, qui l’empêchait de respirer, et réclamait un linge pour compresser son torse troué.

      Et puis ce message, délivré par l’un des autres brassards sur place, à la radio de la police : « On a été requis par un collègue hors service pour une personne qui se baladait villa Curial avec un couteau à la main (…) elle s’est réfugiée chez elle, (…) ça gueulait dans l’appartement, ça parlait chinois, on ne comprenait rien (…) on a demandé d’ouvrir la porte, il avait des ciseaux, c’était pas un couteau, mais des ciseaux. Il a porté un coup à un collègue au niveau du thorax (…) et du coup, bah on a tiré. »

      Est-ce ainsi que les faits se sont déroulés ? Le dossier judiciaire, que Le Monde a pu consulter, retrace les événements qui ont conduit à la mort du père de famille de 56 ans. Si les versions des policiers et de la famille sont souvent irréconciliables – les premiers plaidant la légitime défense ; les seconds, la pure bavure policière – elles se rejoignent sur un même constat : ce soir-là, de part et d’autre de la porte d’entrée des Liu, « on ne comprenait pas ce qu’il se passait ».

      Mardi 17 novembre, la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris a confirmé le non-lieu prononcé en juillet 2019 par les juges d’instruction chargés de l’enquête. La famille a d’ores et déjà annoncé qu’elle allait poursuivre sa bataille judiciaire et se pourvoir en cassation. « Nous souhaitons qu’une décision de justice “normale” soit rendue, explique au Monde Me Pierre Lumbroso, avocat des parties civiles. Jusqu’à présent, nous avions le sentiment que les juges d’instruction et le parquet, qui dépendent au quotidien du travail des policiers, n’ont pas été très prompts à mettre en cause le récit de ces derniers. » Contactée, l’avocate du tireur n’a pas souhaité s’exprimer.

      Tenue civile, brassard et fusil d’assaut

      Tout commence par l’appel d’un voisin du 7e étage au 17, à 20 h 13. L’homme, retraité des forces de l’ordre, est un habitué : selon le commissariat du 19e arrondissement, il avait appelé à 56 reprises les services de police dans les mois précédents. « Le Chinois fou » – surnom qu’il donne à Shaoyao Liu – déambule à son étage, criant dans sa langue natale, la seule qu’il parle, « [brandissant] un couteau ». Il ne sait cependant plus où se trouve M. Liu désormais : il l’a fait fuir en criant : « C’est quoi ce bordel ? »

      Aucune équipe de police secours, habituée à gérer les urgences du quotidien, des tapages aux accidents de la route, n’est disponible. Trois membres des brigades anticriminalité (BAC), spécialistes de la prise en flagrant délit de voleurs à l’arraché ou de trafiquants de drogue, sont dépêchés sur place. En tenue civile, brassard au bras, ils ont avec eux, outre leur pistolet de service, un fusil d’assaut HK G36.

      A 20 h 26, les voilà devant la porte des Liu. Ils tambourinent aux cris de « police ! » – des appels que la famille assure ne pas avoir entendus, mais qui sont confirmés par les voisins et un enregistrement audio. La vue par le judas de trois personnes armées crée la panique dans l’appartement. Leurs brassards orange ne calment pas les Liu. En décembre 2016, une famille chinoise avait été séquestrée à La Courneuve par des hommes équipés de ces brassards, afin de leur soutirer de l’argent. « C’est courant, qu’il y a de faux policiers », dira Tuan, l’un des enfants, à l’inspection générale de la police nationale (IGPN).

      « C’est en chinois »

      Les cris redoublent quand les individus, face au refus d’ouvrir, se mettent à donner des coups de pieds dans la porte : « Ecartez-vous ! », ordonne Shaoyao Liu en chinois à ses enfants, se positionnant derrière pour la retenir. « Calmez-vous, ça ne sert à rien de défoncer la porte », implore à plusieurs reprises Gabrielle, cette fois en français. Des mots que les policiers diront ne pas avoir compris.

      A 20 h 29, ils demandent l’envoi d’un bélier. « Toujours les cris, les hurlements. Là, on commence à avoir peur de ce qui se passe à l’intérieur de l’appartement, relatera le gardien de la paix V. aux juges d’instruction. Soit il est en train de les agresser, soit… On ne comprend pas ce qui passe, c’est en chinois. (…) On décide de casser la porte. (…) On se dit “état de nécessité”. »

      Le gardien de la paix V., pistolet Sig-Sauer à la main, et son collègue, G., armé du fusil d’assaut, se mettent à deux pour faire céder la porte. A l’intérieur, la lumière s’éteint. La porte cède, et G., pris dans son élan, se retrouve dans l’entrée plongée dans le noir. « Il vient de me planter, il me donne des coups de couteau ! », crie-t-il à ses collègues restés au seuil de l’appartement. Gabrielle et Rose, distantes de quelques mètres de leur père, affirment ne pas l’avoir vu porter de coup. Déséquilibré par son entrée fracassante, gêné par la longueur de son HK G36 – entre 75 cm et 1 mètre, selon les modèles – et par la proximité de M. Liu, G. n’est pas en position de se défendre, affirment ses collègues devant l’IGPN. Le gardien de la paix V. tire. Shaoyao Liu est touché en plein cœur. « Je le vois tomber mollement, comme un poids mort. Il s’effondre », raconte G.

      « C’étaient des ciseaux »

      La lumière s’allume. Les policiers cherchent « le couteau ». « L’une [des filles de M. Liu] m’a répondu “il n’avait pas de couteau, c’étaient des ciseaux”, rapporte la gardienne de la paix D., le troisième policier, à l’IGPN. Je dois vous avouer que j’ai été surprise de cette affirmation, si bien que je leur ai demandé où [était] l’arme. » La paire de ciseaux est retrouvée non loin. Ses lames font moins de dix centimètres, quasiment deux fois moins que celle du couteau décrit par le voisin du dessus.

      A 20 h 31, D. dégaine sa radio et annonce que l’un de ses collègues a fait usage de son arme. Les premiers secours ne tardent pas. M. Liu est déclaré mort à 21 heures. G. est à son tour examiné. Il présente une plaie de 1,2 cm à l’aisselle gauche, peu profonde, qui nécessitera un point de suture.

      Entre-temps, les enfants ont été rassemblés dans une chambre par une gardienne de la paix arrivée en renfort. Rose, sous le choc, vomit. Les autres sont partagés entre pleurs et sidération. Le médecin de la brigade de sapeurs-pompiers demande au major de police présent s’il doit passer voir les enfants. « Il m’a indiqué que le défunt avait des antécédents psychiatriques, (…) et que ses filles étaient très calmes, voire soulagées », déclare-t-il à l’IGPN.

      Les enfants restent enfermés ainsi jusqu’à 22 heures passées, heure à laquelle on leur demande d’aller annoncer la nouvelle à leur mère. Celle-ci, qui ne parle que chinois, a été récupérée vers 20 h 45 au restaurant où elle travaillait. Elle attendait depuis dans une voiture de police en bas de l’immeuble.

      A l’annonce du décès de son mari, Mme Liu fond en larmes et crie. Les policiers lui demandent alors de faire moins de bruit, raconte-t-elle au Défenseur des droits. Ce dernier s’est autosaisi de l’affaire et a pu confirmer ces faits auprès d’une personne, envoyée sur les lieux ce soir-là par la mairie du 19e arrondissement afin de reloger d’urgence les Liu.

      « Aucun ADN de poisson »

      La machine judiciaire se met alors en branle. L’IGPN entend la famille et les policiers dans la semaine. Des membres de la diaspora chinoise organisent des rassemblements, place de la République ou devant le commissariat du 19e arrondissement, pour demander justice. Le 5 avril, une information judiciaire est ouverte contre X pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, par une personne dépositaire de l’autorité publique ».

      Les ciseaux de M. Liu sont analysés, ils ne comportent « aucun ADN de poisson ». L’expertise met à mal la thèse de la famille, qui affirmait qu’il était en train d’en écailler un pour le dîner. L’avocat de la famille, maître Lumbroso, s’interroge sur ce qu’il s’est passé lorsque les enfants étaient enfermés : « On a pu maquiller la scène de crime, on a pu laisser les policiers préparer leur stratégie de défense… Si le tireur n’avait pas été policier, il aurait été mis en garde à vue directement pour éviter cela. » L’IGPN et les juges d’instruction, eux, se questionnent sur deux autres points : l’état psychiatrique de M. Liu et la proportionnalité de la réponse des policiers.

      Antécédents psychiatriques

      Au début de 2012, Shaoyao Liu avait été interné à l’hôpital Maison-Blanche, après avoir jeté un ordinateur et deux chaises de son balcon. On lui diagnostique un « trouble délirant, ainsi qu’un alcoolisme chronique ».

      En septembre 2016, le voisin du dessus, avec lequel les relations sont notoirement exécrables, dépose une main courante. M. Liu, qui lui reproche de ne pas régler son problème récurrent de fuite d’eau, l’aurait menacé, une tringle à rideau à la main. Deux mois plus tard, le quinquagénaire est filmé dans le parking de l’immeuble, tentant de bloquer la porte d’accès avec une barre de fer. Il est raccompagné chez lui sans encombre par les policiers alors appelés sur place.

      En outre, d’après ses enfants, son « alcoolisme » se limitait à la consommation de bière deux à trois fois par semaine. Le bilan toxicologique de M. Liu, le jour de sa mort, faisait état de 0,71 gramme d’alcool par litre de sang. Une dose cohérente avec les deux grandes canettes de Heineken retrouvées dans la poubelle de la cuisine le soir même.

      Les nombreuses questions concernant les antécédents psychiatriques et la consommation d’alcool de Shaoyao ont particulièrement choqué la famille Liu, encore fortement traumatisée par le drame. « Je n’accepte pas qu’on me pose toutes ces questions, car nous sommes les victimes et notre père ne méritait pas de mourir, lâche Jiao devant les juges d’instruction. On cherche tout ce qui concerne son passé, mais on ne cherche pas à comprendre pourquoi la personne qui a tiré a fait ça. » D’autant que ses antécédents sont étalés dans la presse dès le soir de sa mort. « Je me souviens encore du titre du Parisien “Un policier blessé à l’arme blanche, son collègue tue l’agresseur” », raconte, toujours émue, Gabrielle au Monde.

      Gilet pare-balles

      L’IGPN et les juges d’instruction se sont bien intéressés aux motifs du tir de V., questionnant la proportionnalité de la réponse des trois policiers – équipés de gilets pare-balles, armés et entraînés –, face au quinquagénaire de 1,60 m muni de ses ciseaux.

      Pourquoi ne pas avoir tenté de maîtriser M. Liu sans utiliser de pistolet ? « Parce que je n’avais pas envie de me prendre un coup de couteau », répond le tireur, V., aux juges d’instruction. Et s’il avait su que c’étaient des ciseaux ? « J’aurais agi pareil. »

      Pourquoi ne pas avoir fait usage d’une arme non létale, de type bâton ou Taser ? Parce que la BAC n’utilise pas de « tonfa » et qu’aucun des trois policiers n’était habilité pour utiliser un Taser. Deux d’entre eux étaient en revanche habilités au port du fusil d’assaut.

      Ce fusil avait-il sa place sur une intervention de police secours ? « On était obligés de le prendre (…) parce qu’on était en alerte attentat, continue V. Il [faut] qu’il y ait un équipage BAC toujours porteur du G36. » Selon les auditions des policiers, la gardienne de la paix D. avait demandé à son collègue G., porteur du fusil d’assaut, s’il préférait rester dans la voiture avec l’arme – le coffre n’étant pas sécurisé pour l’y laisser seul – ou s’il souhaitait se joindre à l’intervention. La seconde option avait été retenue.

      « Nous avons agi en professionnels »

      « Je ne comprends pas les proportions qu’a prises cette affaire. Nous avons agi en professionnels », affirme la gardienne de la paix D. face à l’IGPN.

      De la procédure, il est précisément question dans la décision du Défenseur des droits concernant la mort de M. Liu, datée de juillet 2020, que Le Monde a pu consulter. Jacques Toubon y demande à ce que « soient clairement définis les cas dans lesquels les fonctionnaires de police peuvent avoir recours au fusil d’assaut », afin d’éviter qu’adviennent des « conséquences disproportionnées », notamment lors d’interventions à domicile. Il souhaite, par ailleurs, que des poursuites disciplinaires soient engagées envers les trois policiers et leur hiérarchie présente sur les lieux, en raison de leur « manque de discernement » face à « l’appréciation de l’urgence et le port du fusil d’assaut » et de « l’absence de diligences dans la prise en charge des membres de la famille de M. Liu ».

      Le Défenseur des droits, qui avait accordé un délai de deux mois au ministère de l’intérieur pour répondre à ses demandes n’avait toujours aucun retour au 16 novembre. Contacté, le ministère renvoie vers la Préfecture de police de Paris. « L’enquête administrative ne révélait aucun manquement aux obligations déontologiques et professionnelles à l’encontre des policiers intervenants », fait savoir cette dernière. Comprendre : aucune sanction disciplinaire n’a été prise.

      Seuls changements opérés depuis la mort de M. Liu : le tireur, V., « très choqué », selon ses mots auprès de l’IGPN, a été affecté dans le Sud. Les gardiens de la paix G. et D. sont restés dans la BAC 19 et ont été habilités à l’usage du Taser. A la mi-novembre, ils ont été mis en cause dans une affaire de violences policières révélée par StreetPress. Un Algérien de 37 ans les accuse de l’avoir tabassé dans la nuit du 7 au 8 juillet 2020, après un délit. Une radiographie, effectuée quelques jours plus tard, montre l’une de ses côtes fracturée.

      Laura Motet

  • #Bruxelles : Mauvaise querelle Mathieu - pave-marolles.be

    En septembre dernier, durant quelques jours, le quartier de la Querelle était le terrain d’affrontements violents entre la police et des jeunes Marolliens.  La Capitale rapportait les propos du bourgmestre de la Ville de Bruxelles, P. Close peu après les événements :  “Les délinquants des Marolles ont besoin d’une bonne leçon”. Tandis que M. Goovaerts, le chef de la police bruxelloise, interrogé par Het Laatste Nieuws , accusait quant à lui les parents des jeunes présents ces soirs-là : “Ces garçons doivent apprendre les bonnes manières (…). Actuellement, ce sont de vrais petits princes qui font la loi eux-mêmes ”. 

    Comme bien souvent, la plupart des journalistes ont traité les événements en se référant uniquement, ou presque, aux témoignages des pouvoirs publics et de policiers. Pour ceux-ci, la violence exposée n’est qu’une preuve supplémentaire de l’incivilité des jeunes des quartiers populaires. Peu d’articles se référant à ces affrontements parlent explicitement, voire tout court, de ce qui a embrasé le quartier. 

    Le 5 octobre 2020, Andrzej rejoint Wendy, qui a travaillé dans le quartier dans le passé et qui avait donné rendez-vous à la place de la Querelle aux jeunes qu’elle connaît et leurs amis pour qu’ils et elles s’expriment sur ce qui s’y était déroulé les dernières semaines. 8 garçons entre 12 et 20 ans et deux filles de 16 ans prennent la parole. “Ils disent des trucs alors que c’est pas ça. Ils mentent, ils mettent ce qu’ils veulent en fait”, commence A. à propos des articles qu’il a pu lire dans les médias. « Ça ne me choque pas les médias. Ça a toujours été comme ça. [Les journalistes] modifie[nt] pour faire le buzz, pour genre… enfin, comme d’hab quoi ça modifie les choses. Mais d’un côté ça ne me choque pas parce qu’ils disent aussi une part de vérité. Il y a les preuves en plus”, explique-t’-il en montrant les dégâts causés lors de ces quelques jours. ”Ce qui s’est passé, ils ont dit ce qu’il y a mais ils ajoutent leur petit piment. C’est ça qui nous énerve en fait. Ils vont jamais parler de ce qui est à l’origine des faits. Il faut pouvoir se mettre à la place des jeunes.”

    KEZY ET LES AUTRES
    A l’origine des faits, il y a cette tension entre la police et les jeunes qui préexistaient à la Covid, et qui est encore montée d’un cran durant le confinement. Aboud et Bruno sont deux travailleurs d’une association travaillant avec les jeunes des Marolles. Nous les rencontrons dans leur association. Pour Aboul : “Il y a eu Kezy et on en a parlé parce que ça a été filmé. Mais des Kezy, il y en avait tous les jours. C’était une semaine après Adil.” Kezy, c’est le nom d’un jeune des Marolles qui, mi-avril, subissait une intervention pour le moins musclée, suite à un simple contrôle d’identité. Les images relayées de l’arrestation avaient fait le tour des réseaux sociaux et avait une nouvelle fois mis en débat le sens des contrôles Covid et le rôle de la police. 

    Quelques jours plus tard, une rencontre avait été organisée entre P. Close, le chef de corps de la police de Bruxelles Capitale/Ixelles et deux associations, le Foyer des Jeunes des Marolles (FJM) et Jeune Ambition Marolles (JAM)… mais aucun jeune du quartier. La police et le bourgmestre s’entendaient pour juger la rencontre constructive, les acteurs associatifs, légèrement moins complaisants, étaient tout de même “ravis d’entendre le bourgmestre rebondir sur la nécessité d’adopter une approche préventive et participative dans le quartier”.

    Mais depuis cette rencontre, aucune suite n’a été donnée par les autorités publiques. Pire, l’affaire Kezy a été médiatiquement l’arbre qui cachait la forêt. A discuter avec les habitants et travailleurs, l’événement n’est pas un fait isolé. Tous les habitants du quartier avec qui nous avons discuté mettent en avant des contrôles abusifs et décrivent un quotidien de violences et de harcèlement policier. 

    Quand B. raconte sa journée type pendant le confinement, “On sortait pas. On restait à la maison, on s’amusait, on jouait à la Play. On regardait des films. Et voilà”, A. nuance tout de même : “Il y avait quand même des jeunes qui étaient dehors. Ça se passait bien et mal, on se faisait contrôler pour rien. On recevait des amendes, gratuit, 250 euros.” Aboul est plus explicite encore : “Il y a eu des tabassages non justifiés. Plein de jeunes ont reçu des amendes de 300, 600, 1000 euros et l’apprenaient par après. Il y avait des faux PV.”

    MAIS QUE FAIT LA POLICE ?
    Au-delà des amendes, certains faits rapportés mettent en lumière des pratiques policières sans cadre, sans garde-fou. Les humiliations subies sont nombreuses et les cicatrices profondes. Comme celle-ci, glanée lors d’une de nos rencontres : “Au début du confinement, au Radis, des jeunes ont été alignés, il leur a été demandé de poser leur téléphone et un policier a mimé un peloton d’exécution. Ils les ont mis en joue en mimant une fusillade : “On va faire comme aux États-Unis, on va tirer dans le tas”. “ 

    Ou bien celle-là : “Certains jeunes ont été emmenés au Bois de la Cambre et tabassés. Certains [les policiers] se réfèrent verbalement aux nazis. Ils mettent leur genou sur le thorax. Aucun travail pédagogique n’est effectué. Ils sont formés comme ça. Il n’y a pas d’encadrement, de règles d’arrestation. Au lieu de faire une arrestation, ils font une tentative de meurtre. Ils montrent des photos de morsures de chiens comme des trophées. “

    Et encore : “Ils nous embarquent. Ils font une vérification au commissariat, ils nous frappent – dans la camionnette ou au commissariat – et ils nous relâchent. Juste pour nous faire chier. Comme ça on fait le trajet tout ça. “

    Ces agissements, plus que de simples écarts de conduite, sont révélateurs du comportement du corps policier et des dysfonctionnements structurels à l’institution. Selon un rapport de Police Watch, observatoire des violences policières en Belgique, paru en juin 2020, 70% des abus policiers ont eu lieu dans les quartiers du croissant pauvre. Par ailleurs, il semble non seulement que les abus soient plus fréquents dans les quartiers pauvres mais qu’ils présentent un degré de gravité plus élevé : 77% des coups et insultes rapportés se concentrent dans les quartiers du croissant pauvre.

    “Il n’y a pas de loup isolé mais un problème institutionnel à la police. Du racisme. Tout passe”, nous disent Aboul et Bruno. “Ils viennent de loin et arrivent comme des cowboys. Pour certains jeunes policiers, c’est comme un jeu de choisir d’aller à Molenbeek ou dans les Marolles pour avoir de l’action. (…) Dans leur tête, tout ce qui est habillé de la même manière est un délinquant. Ils stigmatisent une partie de la population. Si tu résistes, c’est directement outrage et rébellion. “ Selon le rapport évoqué précédemment, 70% des abus rapportés concernent des jeunes et 40%, des personnes racisées.

    Bruno et Aboul nous expliquent les difficultés des jeunes à emprunter des voies légales pour se défendre face à ses attaques : “Les policiers ne sont pas identifiés, on ne voit pas leur matricule. Un jeune s’est fait casser le bras par la police. Il n’a pas déposé plainte parce qu’il pensait qu’il n’y aurait pas de suite. Il y a une impunité. Le Comité P, c’est la police, des pairs qui jugent des pairs.” D. continue et donne ces exemples d’impunité policière : “Ils mettent des caméras. Et quand c’est la police qui frappe, ils disent que la caméra ne fonctionne pas. Et quand nous on fait quelque chose, eh ben, ils peuvent l’utiliser. La caméra ici, elle prend tout. Et comme par hasard quand on dit : « vous avez frappé », ils disent que la caméra ne fonctionne plus, qu’il faut la réparer. C’est faux. Ils sont protégés par des hauts placés.”

    Trop souvent, les comportements violents de la police sont ainsi tus. L’accumulation de ces déviances policières, plus importante encore depuis le début du confinement, que ce soit par leurs nombres ou leurs gravités, a contribué irrémédiablement à créer un climat vindicatif. La brutalité policière a une fois de plus été l’étincelle qui a mis le feu à la plaine.

    JETS DE CAILLOUX, POLICE PARTOUT
    Le vendredi 4 septembre, une voiture de police patrouille dans le quartier. Les voyant arriver, sans doute effrayés par les conséquences d’une arrestation et la possibilité de subir de nouvelles violences, plusieurs jeunes se mettent à courir. L’un d’eux est rattrapé et pris à partie par des policiers.  “Il se prenait des coups, alors son oncle a voulu intervenir », témoigne un jeune. L’homme, d’une soixantaine d’années, est mis à terre et frappé par les policiers.

    “Après, la nuit, ça a dégénéré.” relate A. “[Les jeunes ont] commencé à jeter des cailloux. [Les policiers ont]  commencé à gazer et tout.” Ce soir-là, deux mineurs seront interpellés après le caillassage de 4 véhicules de police, la vandalisation de l’éclairage public et le caillassage de la crèche des Petits Pas. Les 2 mineurs, jusqu’ici inconnus de la justice, seront mis à disposition du parquet, un juge de la jeunesse sera saisi pour des faits de rébellion armée et de port d’arme prohibée. “A ce stade, ils ne nient pas avoir été présents sur les lieux mais nient le jet de projectiles. Le juge de la jeunesse a décidé de leur maintien en famille, avec surveillance du SPJ et sous conditions.” À entendre les accusations, A. s’indigne : “Ils disent que ce sont des auteurs de ce qui s’est passé à la Querelle. En fait, ils veulent coller des jeunes qui n’ont rien à voir dans tout ça. (…). Ils vont coller quelqu’un qui a rien fait, qui va prendre un dessaisissement, aller en prison, j’sais pas combien des amendes… ça peut être un demi-million. La crèche, les voitures, les lampes…”.

    Les jours suivants, la pression policière se fera plus intense encore que ce qu’elle n’était. Dès le samedi, M., un jeune habitant près du quartier relate : “Samedi soir, des petits étaient en train de jouer au foot. Ils sont arrivés avec des gazeuses et des matraques, ils ont commencé à taper et là, toutes les lumières se sont éteintes… et tout le monde est sorti”. La crèche est de nouveau caillassée. Une camionnette et des poubelles ont ensuite été incendiées. Les pompiers mobilisés ont été pris pour cibles avec des cocktails Molotov. La police, elle, déploie une autopompe, des policiers anti-émeute arrivent en renfort, un hélicoptère survole le quartier, comme il le fera les soirs suivants. À David répond Goliath.

    Dimanche, la nuit est sensiblement identique. Des heurts ont de nouveau lieu. Mais au cours de ces affrontements, une voiture prend feu, et roule jusqu’à terminer sa course sur la façade de la crèche, Les Petits Fleuristes, rue Saint Thérèse. Si la répression était déjà importante, désormais, les politiques et les médias, dans un scénario déjà écrit, accableront les jeunes. Dès le lendemain matin, P. Close déclare « Rien ne peut justifier de tels actes de violence”, avant de continuer : « Nous appelons à la plus grande fermeté et nous espérons que la justice sera dure vis-à-vis des fauteurs de troubles. La police continuera à être très présente aux côtés des habitants, ce sont eux les premières victimes de ces débordements. “ Par “débordements”, P. Close n’évoque bien sûr pas ceux du fait des policiers, et par “habitants”, il n’évoque bien entendu pas les jeunes hommes du quartier. 

    PAS DE FUMÉE SANS FEU ?
    Pourtant l’intentionnalité des jeunes de brûler la crèche n’est pas si claire aux yeux de plusieurs habitants rencontrés. E. témoigne “Ils n’ont pas attaqué la crèche, ils ont brûlé une voiture, et la voiture elle est descendue. Donc la fumée de la voiture, elle a touché une partie de la crèche. Parce que s’ils avaient vraiment voulu brûler la crèche, elle ne serait plus là. “ B. pense, quant à elle : “Et la crèche, maintenant ça veut dire, si moi j’ai mon enfant, et je le ramène à la crèche, du jour au lendemain, je peux plus le ramener à la crèche, il y a un gros problème. C’était un accident. C’était une voiture qui est partie sur la crèche, mais quand même… la crèche elle est brûlée. “

    La crèche, pourtant, a pu, dans le passé, être la cible de la rancœur des habitants envers les politiques communales. À discuter avec certains habitants, attaquer la crèche aurait pu trouver ses raisons. “La crèche est une cible parce qu’il manque d’infrastructures et qu’elle accueille très peu d’enfants du quartier […] On a mis la crèche là sans vision d’ensemble, sans tenir compte des besoins” , explique ainsi Mohamed. Attaquer la crèche, cela aurait donc pu être une manière de s’attaquer à un symbole des dysfonctionnements des politiques publiques.

    Quelques jours plus tard, le mardi 8, P. Close présentant sûrement le bon coup médiatique, décide d’organiser une rencontre avec les habitants des Marolles. Les journalistes ne sont pas conviés à la réunion et attendent le bourgmestre à la sortie. “Des mamans y ont dit que ce qui s’était passé était de la faute des policiers”, explique Abdel.

    Parmi les personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenues, si certains remettent en question la légitimité de la violence des jeunes, tous arrivent à un constat : la violence des jeunes est en partie le produit de la violence sociale qu’ils subissent. Ces violences s’exercent non seulement à travers les logiques sécuritaires et les pratiques policières à l’œuvre dans le quartier mais également à travers les politiques publiques mises en place en ce qui concerne l’aménagement, le logement, l’offre de services publics, etc… 

    POLITIQUES PUBLIQUES AU RABAIS
    Quelques jours après les émeutes, le bourgmestre confiait à des journalistes de la RTBF, : “On a un travail de long terme dans les Marolles qui a plutôt assaini ce quartier, même s’il reste – je ne les minimise pas – des poches de criminalité et de pauvreté.” Des investissements importants en équipements publics, et au niveau de la rénovation des logements sociaux ont été réalisés ces dernières années dans le quartier, jure-t-il la bouche en cœur à des journalistes approbateurs. La désillusion quant aux promesses politiques se discerne pourtant dans toutes les conversations que nous avons eues. “Il y a de l’argent pour tout, sauf pour rénover.” , juge ainsi Abdel. Pour A.,  “c’est toujours la même histoire. Oui, on va faire un centre, on va faire ça nanana”, avant que D. continue : “c’est que des blabla. Ça fait des années qu’il dit oui on va réparer, c’est toujours la même.” 

    La suite (gratuite) : http://www.pave-marolles.be/mauvaise-querelle

    #Marolles #pauvreté #violences_policières #police #violence_policière #racisme #répression #maintien_de_l'ordre #violence #justice #brutalité_policière #violences_policieres #bourgmestre #confinement #arbitraire #violence_sociale #logiques_sécuritaires #pratiques_policières #affrontements # Police_Watch #impunité

  • Family of white youth killed by police seeks out attorneys in George Floyd case - World Socialist Web Site
    https://www.wsws.org/en/articles/2021/07/05/outr-j04.html
    https://www.wsws.org/asset/b5bf8607-3ac0-48ae-9ec5-1cfbb93e46ea?rendition=image1280

    On June 23, 17-year-old Brittain was cooperating with Sergeant Davis during a traffic stop. He exited his vehicle to obtain a blue antifreeze container in the bed of his truck to place behind his rear-wheel tire to prevent the truck from rolling back into the squad car. However, this innocent gesture proved fatal, as Davis discharged his weapon, without having issued any commands, shooting Brittain through the neck, killing him instantly.

    #meurtre_policier #violence_policière #brutalité_policière

  • Bruxelles : Nouvelle demande d’autorisation pour une « Boum 3 » introduite auprès de la zone de police de Bruxelles-Ixelles Patrick Michalle - 3 Mai 2021
    https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_nouvelle-demande-d-autorisation-pour-une-boum-3-introduite-aupres-de-la-

    L’organisateur « l’Abîme » introduit une nouvelle demande d’autorisation auprès de la zone de police Bruxelles-Ixelles pour organiser samedi 29 mai à 14 heures un nouveau rassemblement au Bois de la Cambre. Dans son texte de demande d’autorisation, Dave Monfort, coordinateur de « l’Abîme » mentionne le même motif que celui relatif à la Boum 2 à savoir l’état psychologique des jeunes en l’absence de contacts sociaux depuis 1 an de confinement. Et d’évoquer « experts et études attestant de risques de contamination quasi inexistants à l’extérieur ».


    . . . . . . . . . . . . . . .
    Lorsque l’organisateur a voulu demander l’aide de la police pour écarter des éléments perturbateurs, très minoritaires et identifiés, il a reçu une fin de non-recevoir de la part de l’officier commandant le dispositif policier : « Nous connaissons notre métier » lui a-t-il été répondu. Ce qui résume le climat de non-dialogue qui a prévalu tout au long de la semaine qui a précédé cet événement.

    #Bruxelles #belgique #la_Cambre #répression #violences_policières #police #violence_policière #répression #justice #violence #brutalité_policière #Boum

  • Bruxelles La Boum 2 : le mouvement « Trace ton cercle » appelle les autorités à « sortir de leur posture répressive »
    https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_la-boum-2-le-mouvement-trace-ton-cercle-appelle-les-autorites-a-sortir-d

    Le mouvement citoyen « Trace ton cercle » , qui mène depuis plusieurs mois des actions pacifiques pour tenter d’attirer l’attention du gouvernement sur la situation des jeunes en ces temps de Covid, appelle les autorités bruxelloise et fédérale « à sortir de leur posture répressive » à la veille de « La Boum 2 » qui doit se tenir dans la capitale.

    « Il n’y a, dans les déclarations récentes de la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden ou du bourgmestre de Bruxelles Philipppe Close, pas beaucoup d’empathie vis-à-vis de la jeunesse. Aucune écoute des frustrations et du mal-être que celle-ci exprime. Or, nous aimerions voir, dans l’État de droit dans lequel nous vivons et votons, un dialogue constructif et une planification réfléchie » , écrit le mouvement dans un communiqué.

    « Nous avons plus l’impression de voir de l’intimidation et un discours répressif. Décider d’une démonstration de force disproportionnée face à des jeunes qui se retrouvent paisiblement est une responsabilité politique », ajoute-t-il.

    « Il ne s’agit pas ici de contester le bien-fondé des mesures contre la propagation du virus mais de défendre quelque chose de plus important encore : la santé mentale des jeunes, enjeu de santé au moins aussi important à nos yeux que la lutte contre le virus et totalement ignoré pendant plus de six mois » , poursuit le collectif.

    Ce dernier appelle dès lors les autorités « à sortir de leur posture répressive et de leurs centres de crise ce samedi » et d’aller « à la rencontre des jeunes là où ils seront ».

    « Et surtout, il est de votre responsabilité d’encadrer les évènements et d’assurer la sécurité de tous, y compris celle des participants. Pas de canon à eau, pas de cavalerie contre les jeunes qui seront là de manière pacifique et festive, mais un dialogue », conclut le mouvement.

    #Bruxelles #belgique #la_Cambre #répression #violences_policières #police #violence_policière #répression #justice #violence #brutalité_policière #Boum

  • BALLAST | Rachida Brahim : « Mettre en lumière les crimes racistes, c’est nettoyer nos maisons »
    https://www.revue-ballast.fr/rachida-brahim-mettre-en-lumiere-les-crimes-racistes-cest-nettoyer-nos

    Durant sept ans, #Rachida_Brahim, doc­teure en socio­lo­gie, a exa­mi­né 731 #crimes_racistes — des attaques ou des meurtres com­mis de 1970 à 1997, en France conti­nen­tale. Ce minu­tieux tra­vail d’en­quête est deve­nu un livre, La Race tue deux fois : il vient de paraître aux édi­tions Syllepse. La notion de « #classe » révèle l’ordre hié­rar­chique socio-éco­no­mique qui archi­tec­ture l’en­semble de la socié­té ; celle de « genre » met au jour les rap­ports sociaux à l’œuvre entre les sexes ; celle de « race » explique, en tant que construc­tion his­to­rique, les #inéga­li­tés, #dis­cri­mi­na­tions et pro­cé­dés déshu­ma­ni­sants qui frappent les groupes mino­ri­taires. Penser la façon dont les trois s’en­tre­lacent porte un nom bien connu dans les mondes mili­tants et aca­dé­miques : l’#in­ter­sec­tion­na­li­té — un nom que le ministre de l’Éducation natio­nale, Jean-Michel Blanquer, a, tout à son intel­li­gence, récem­ment assi­mi­lé aux « inté­rêts des isla­mistes ». Pour com­prendre l’his­toire des crimes racistes et l’im­pu­ni­té dont leurs auteurs conti­nuent de béné­fi­cier, Rachida Brahim est for­melle : il faut ques­tion­ner les logiques raciales propres à notre ordre social. Nous l’a­vons rencontrée.

    #racisme

    • Plein de choses intéressantes dans cet article, mais entre autres à rajouter au dossier sur les #statistiques sur les assassinats policiers, principalement en #France mais aussi dans d’autres pays :
      https://seenthis.net/messages/601177

      #Violence_policière #Violences_policières #brutalité_policière #Assassinats_policiers #racisme #racisme_d_Etat #justice #impunité
      –------------------------------
      Aussi sur le racisme à l’ #Université

      Cette mise en abyme, je l’ai vécue lors de ma soutenance de thèse : mon directeur de thèse et le président du jury m’ont expliqué que j’étais « hors-sujet ». D’après eux, le fait que je sois moi-même d’origine algérienne m’aurait empêchée de prendre de la distance avec le sujet. Car, si j’y étais parvenue, j’aurais compris que toute ces histoires de crimes n’étaient qu’une affaire de classe… Ce qu’on me demandait, en somme, c’était de nier les données d’archives, la parole des enquêtés et ma propre pensée pour demeurer, comme eux, aveugle à la race. Nous serions pourtant un certain nombre à être sincèrement ravis d’apprendre que c’en est vraiment fini de la race… Mais c’est intéressant, parce que ça confirme ce que Bourdieu, Passeron ou Foucault ont démontré il y a bien 50 ans maintenant, à savoir que l’Université, c’est l’École. Et c’est d’abord une institution étatique au même titre que la Police ou la Justice. Elle fait ce que l’État attend d’elle. Son but n’est pas de produire du savoir pour améliorer radicalement la société mais de maintenir une pensée dominante qui profite à l’ordre établi. Ce que l’Université évalue, ce n’est pas votre capacité à penser depuis votre propre densité mais votre capacité à vous soumettre.

      Puisqu’elle en parle, son directeur de thèse était #Laurent_Mucchielli et son jury de thèse en 2017 était composé de #Stéphane_Beaud (président du jury, qui refuse de croire au racisme et pense que ce ne sont que des histoires de classe...), #Françoise_Lorcerie, #Patrick_Simon, #Christian_Rinaudo, #Nacira_Guénif_Souilamas
      https://www.theses.fr/2017AIXM0163

      En France, entre les années 70 et fin 90, alors que la notion de crime raciste occupait fréquemment la sphère militante et médiatique, elle ne constituait pas une catégorie juridique dans la sphère judiciaire. La mésentente concernant le traitement des crimes racistes semble trouver son origine dans le fait que deux conceptions d’une même réalité ont pu coexister pendant une trentaine d’années : la réalité du groupe concerné par ces violences d’une part et celle émanant du droit étatique d’autre part. Alors que pour les premiers, le caractère raciste des violences ne faisait aucun doute, pour les parlementaires l’idée même d’un mobile raciste a régulièrement été rejetée. D’un point de vue législatif, il a fallu attendre l’année 2003 pour que la France adopte une loi permettant de prendre en compte l’intention raciste d’un crime. Depuis cette date, sous certaines conditions, le mobile raciste peut constituer une circonstance aggravante dans les infractions de type criminel. Cette thèse s’intéresse à ces deux vérités et aux circonstances qui ont déterminé leur existence. Elle vise notamment à interroger le rôle joué par le droit étatique dans la production et le maintien des catégories ethnoraciales par delà la politisation des violences qui en résultent. D’un point de vue empirique, l’enquête a consisté à confronter la parole des militants ayant dénoncé une double violence, celle provoquée par les agressions d’une part et celle induite par leur traitement pénal d’autre part, à un ensemble de sources archivistiques émanant des services du ministère de l’Intérieur et du Parlement. D’un point de vue théorique, les apports de la sociologie et de l’histoire de l’immigration ont été complétés en intégrant les réflexions des théories de l’ethnicité et de la Critical Race Theory. En définitive, cette recherche met en évidence le fait que l’universalisme républicain fait partie intégrante du processus de racialisation. En revenant sur les dispositions majeures de la politique d’immigration et sur la figure stigmatique de l’homme arabe, un premier axe s’intéresse à la manière dont le droit étatique a particularisé une catégorie d’individus en participant à la production des catégories ethnoraciales. Un deuxième axe vise à caractériser les crimes racistes qui ont été dénoncés entre les années 70 et fin 90. Un dernier axe enfin étudie la carrière juridique du mobile raciste durant cette même période. Il expose la manière dont la législation antiraciste a invisibilisé la question des crimes racistes et maintenu les catégories ethnoraciales en appliquant des règles universelles à des groupes qui ont auparavant été différenciés.

    • La race tue deux fois

      « De telles listes sont dressées depuis les années 1970. Compilées par plusieurs générations de militants, elles sont enfouies dans les caves des archives associatives et présentent toutes le même format, à la fois sec et funeste. On y trouve la date du crime, le nom de la victime, suivis d’une ou deux phrases laconiques. Elles frappent par leur rudesse, leur longueur et leur nombre. Poser une liste conduit inexorablement à en trouver une autre quelques jours plus tard. Ces listes expriment l’idée d’une #injustice. Elles dénoncent le racisme et l’#impunité du racisme. Elles pointent du doigt les crimes, mais également la grande majorité des #procès qui ont fini par des peines légères avec sursis ou des acquittements, quand ce n’est pas un non-lieu qui est venu clore l’affaire.

      Elles disent en substance que la #racialisation, autrement dit le fait de placer des personnes dans une catégorie raciale afin d’asseoir un #rapport_de_pouvoir et d’en tirer profit, tue deux fois. La première #violence touche à l’#intégrité_physique de la personne. La seconde violence a lieu à l’échelle institutionnelle. Elle est une conséquence du #traitement_pénal qui ignore la nature raciste des crimes jugés. »

      De la grande vague de violence de #1973 dans le sud de la #France aux #crimes_policiers des années 1990 en passant par les crimes racistes jalonnant les années 1980, cet ouvrage, issu d’une #base_de_données de plus de 700 cas, nous invite à prendre la mesure de cette histoire à l’heure où le #racisme_institutionnel et l’action de la #police continuent chaque année à être à l’origine de nombreux #morts.

      https://www.syllepse.net/la-race-tue-deux-fois-_r_65_i_821.html
      #livre #histoire

  • sebastian roché sur Twitter :

    « Devant la #dénégation du #racisme endémique de la #police en #France par des organisations syndicales, je crois utile de verser à la discussion une partie des preuves qui ont été accumulées depuis 10 ans. Il faut commencer par dire que toutes les études ont montré la #discrimination » / Twitter
    https://twitter.com/sebastianjroche/status/1338872800287854594

    Thread by sebastianjroche on Thread Reader App – Thread Reader App
    https://threadreaderapp.com/thread/1338872800287854594.html

  • La race tue deux fois : une histoire des crimes racistes en France, Rachida Brahim
    De 1970 à 1997, plus de 700 crimes et attentats racistes en France | StreetPress
    https://www.streetpress.com/sujet/1607707781-1970-1997-700-crimes-attentats-racistes-france-rachida-brahi

    De l’été rouge de 1973 dans le Sud de la France aux attentats à la bombe dans des cités et des foyers pour travailleurs, la sociologue Rachida Brahim a déterré plus de 700 crimes racistes en France entre 1970 et fin 1990.

    En 2012, Rachida Brahim a 26 ans et cherche son sujet de thèse. Elle veut travailler sur quelque chose qui la « prenne au ventre, qui ne soit pas juste pour avoir un titre de docteur ». Au sein du milieu associatif marseillais, où elle travaille, des militants lui parlent de l’été raciste de 1973, où un fait divers dans la cité phocéenne entraîne une vague d’assassinats contre des Arabes. L’histoire l’interpelle, le sujet de thèse est trouvé. Pendant cinq ans, elle fouille les archives de différentes associations qui ont compilé des listes d’actes racistes entre 1970 et 1997. Pour la première décennie, il y a celles du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP). Pour 1980-1990, elle peut compter sur celles de l’association Générique, fondée par des membres du Mouvement des travailleurs arabes (MTA). Elle explore également les journaux et accède à des archives de police et des Renseignements généraux.

    C’est depuis devenu un livre, La race tue deux fois : une histoire des crimes racistes en France , qui sort le 7 janvier 2021 aux éditions Syllepse. Sur cette période, Rachida Brahim recense et étudie 731 crimes racistes. Parmi eux, il y a 610 blessés et 353 morts. Soit environ 35 victimes par an. La liste n’est pas exhaustive car les informations manquent.

    Juridiquement, la notion de crime en France est la plus grave du Code pénal. On peut y retrouver le meurtre, le viol, la torture… Mais la notion de crime raciste n’existe pas dans le droit français. Dès lors, comment le définir ? « Ça a été la grande difficulté », témoigne Rachida Brahim. La sociologue retient la définition suivante : « C’est une violence spécifiquement dirigée vers une personne en raison de son appartenance à un groupe racialisé. » Elle correspond à celle du crime de haine, juridiquement reconnu depuis 2003 et partagée par les militants qui dénoncent ces actes. Dans son ouvrage, les crimes racistes concernent aussi bien des attentats à la bombe, des destructions de biens, des refus de soigner qui ont des conséquences graves ou des attaques contre des personnes, qui aboutissent à des meurtres.

    Loin de n’être qu’un recueil de tragédies xénophobes, son ouvrage s’intéresse aux causes, au traitement et aux conséquences de ces actes. Il documente une histoire trop méconnue du racisme en France.

    #histoire #crimes_racistes #racisme #livre

  • Deux cadeaux de #Stevie_Wonder, le premier anti Trump et brutalité policière, post-George Floyd et pré-électoral :

    Can’t Put It In The Hands of Fate
    https://www.youtube.com/watch?v=Kgdfxeh0WtE

    Le second moins intéressant, Where Is Our Love Song
    https://www.youtube.com/watch?v=RLMB5o5vtLs

    Le premier, à ajouter à la liste de #musique sortie après l’assassinat de #George_Floyd ici :
    https://seenthis.net/messages/856449

    #Musique_et_politique #ACAB #Violence_policière #Violences_policières #brutalité_policière #Assassinats_policiers #racisme #racisme_systémique #USA #Black_Lives_Matter

  • The Killing of Mark Duggan - YouTube

    Forensic Architecture

    Mark Duggan’s killing by police led to the most widespread social unrest in the UK in a generation. A decade on, what happened remains unclear: was Duggan holding a gun? How did the gun get to the grass?

    Working alongside the Duggan family’s lawyers, we analysed the shooting in closer detail than ever, exposing critical weaknesses in the official accounts of his death.

    https://www.youtube.com/watch?v=9_xzmOpGypY&t=676s

  • Les multiples cas de la violence policière sur les profils psychiatriques
    https://www.lamuledupape.com/2020/10/01/les-multiples-cas-de-la-violence-policiere-sur-les-profils-psychiatriq

    Notre confrère Benjamin Téoule du média le d’Oc revenait récemment sur le désarroi de la famille de Godefroid Djinekou, dont l’enquête sur le décès suite à une intervention policière à Béziers, a été classée par le Parquet le 3 février dernier, malgré des éléments troubles sur lesquels revient le d’Oc. Les modalités d’intervention des policiers de la BAC posent en effet question, dans la mesure où ceux-ci faisaient face à une personne souffrant de troubles psychiques et visiblement en pleine crise clastique. Source : La mule du pape

  • "Un pays qui se tient sage" de David Dufresne ausculte les violences policières, entre images choc et réflexion salutaire
    https://www.francetvinfo.fr/culture/cinema/documentaires/un-pays-qui-se-tient-sage-de-david-dufresne-ausculte-les-violences-poli

    Tout sauf tiède, ce documentaire soutenu par la Quinzaine des Réalisateurs est une claque à double détente dont on sort à la fois secoués et grandis. Sa narration vous prend en tenaille entre deux tempos, alternant constamment action et réflexion.

    D’une part, il nous plonge dans la mêlée sans filtre avec nombre d’images saisies au coeur de l’action. Filmées au smartphone ou à la GoPro, souvent en caméra subjective, ces images sont particulièrement saisissantes. On y voit se déchaîner la brutalité des forces de l’ordre contre des manifestants certes révoltés mais non armés. Pour qui a suivi sur Twitter le recensement au jour le jour par David Dufresne des violences policières durant le mouvement des gilets jaunes en 2018 et 2019, ce fameux Allô, @place_beauvau, ces images sont familières.

    Projetées sur grand écran, leur impact est amplifié et elles n’en sont que plus éprouvantes. On prend en pleine face non seulement cette violence mais aussi son caractère aveugle, arbitraire, injuste, avec des personnes innocentes éborgnées, mutilées, et autant de vies brisées.

    Ce tumulte sous haute tension alterne avec le dialogue que mènent en parallèle et face aux mêmes images, différents intervenants – sociologues, historiennes, avocats, policiers, victimes de violences, mère au foyer - filmés conversant deux par deux en clair-obscur. On ne découvrira leur identité et leur profession qu’au générique de fin, afin « de les écouter sans préjugés », explique le réalisateur.

    […]

    Ce tumulte sous haute tension alterne avec le dialogue que mènent en parallèle et face aux mêmes images, différents intervenants – sociologues, historiennes, avocats, policiers, victimes de violences, mère au foyer - filmés conversant deux par deux en clair-obscur. On ne découvrira leur identité et leur profession qu’au générique de fin, afin « de les écouter sans préjugés », explique le réalisateur.

    #arno_approuve_ce_message

    Sérieusement, allez-y, c’est un très beau documentaire. Si je devais ajouter mon grain de sel : si David a vraiment une qualité principale, c’est de faire ressortir l’humanité de chacun de ses témoins, même ceux qui sont dans leur rôle odieux (le syndicaliste policier par exemple), même ceux qui n’ont pas fait les écoles d’éloquence (les femmes des quartiers qui parlent, c’est une belle claque).

    Et second grain de sel : c’est du cinéma. Ce n’est pas un simple reportage, avec images d’archives et gens interviewés face caméra : il y a des éléments de mise en scène parfaitement « cinématographiques », et un arc narratif qui fait que l’on progresse dans le film pendant une heure et demi. Il y a une tension, une progression, et on progresse avec le film.

    La question que je me pose depuis : comment est-ce que je peux arriver à faire accepter ce film (non seulement aller le voir, et aussi l’accepter) à mes proches qui soutiennent que tout va bien, qu’il y a peut-être eu quelques gestes déplacés des flics, mais que c’était un détail dans l’océan de violences des Gilets jaunes…

    (Disclaimer : je suis légèrement de parti pris, David est un de mes plus vieux copains de l’internet, depuis 1996, époque Manifeste du Web indépendant.)

  • Un collectif « African American Expat Singers In Paris » chante un mix de You’ve Got a Friend, What’s Going On et Lean On Me, au moment du confinement et de Black Lives Matter :
    https://www.youtube.com/watch?v=SMMebGf48TQ

    Ajouter sur ma compile #coronavirus et #musique :
    https://seenthis.net/messages/832339

    Mais aussi ajouter à la liste de #musique autour de #George_Floyd ici :
    https://seenthis.net/messages/856449

    #Musique_et_politique #ACAB #Violence_policière #Violences_policières #brutalité_policière #Assassinats_policiers #racisme #racisme_systémique #USA #Black_Lives_Matter

  • What You Gonna Do When the Grid Goes Down.
    https://www.fip.fr/groove/hip-hop/public-enemy-rallume-son-fight-power-avant-un-nouveau-disque-18339

    Chuck D, Flavor Fav, et autre Professor Griff ont révolutionné le #hip-hop il y a trente ans de cela et n’ont donc toujours pas lâché leur dernière rime. Les années passent certes – Chuck D a fêté le mois dernier ses 60 ans –, et la fougue n’est plus la même qu’autrefois. Mais à quelques mois d’un scrutin présidentiel chauffé à blanc et alors que l’Amérique se consume encore et toujours dans ses plus vieux démons, l’actualité offre aujourd’hui un écho inédit au #rap_politique dont #Public_Enemy fut l’un des fers de lance à l’orée des années 90.

    https://www.youtube.com/watch?v=nNUl8bAKdi4&feature=youtu.be


    Fight The Power

  • Teyana Taylor dévoile « Still », un clip hautement symbolique
    https://pan-african-music.com/teyana-taylor-still

    L’artiste américaine Teyana Taylor, dénonce le racisme et les brutalités policières dans la puissante vidéo de son titre « Still ».

    Réalisée par Spike Tey, la vidéo est une ode au mouvement Black Lives Matter et mêle des images des manifestations actuelles à des discours de Malcolm X et du Dr Martin Luther King Jr.

    https://www.youtube.com/watch?v=xwX1pdimy1g

    #musique #Teyana_Taylor #musique_et_politique #violence_policière #racisme #black_live_matters @sinehebdo

  • We Are Tracking What Happens to Police After They Use Force on Protestors | ProPublica
    https://projects.propublica.org/protest-police-videos

    As protests erupted around the country in late May in response to the killing in police custody of George Floyd, police departments seemed to respond with more violence. In the ensuing weeks, hundreds of videos of police interactions with protesters surfaced on Twitter and other social media sites, often drawing outrage and, in some cases, swift disciplinary and legal action.

    ProPublica wanted to find out what happens after these moments are caught on tape. We culled hundreds of videos to find those with the clearest examples of officers apparently using a disproportionate level of force against protesters and reached out to 40 law enforcement agencies about the 68 incidents below. For each incident, we inquired about any disciplinary action, investigations and whether the department would disclose the officer or officers involved. While some departments provided details or relevant public records, others leaned on state laws to withhold information. We are continuing to update the page as more information becomes available. Here’s what we learned about each case. Do you have information about one of these cases? Tell us about it. | Related: What Has Happened to Police Filmed Hurting Protesters? So Far, Very Little →

  • Ajouter à la liste des chansons sorties autour de #George_Floyd ici :
    https://seenthis.net/messages/856449

    #Musique_et_politique #Musique #ACAB #Violence_policière #Violences_policières #brutalité_policière #Assassinats_policiers #racisme #racisme_systémique #USA #UK #Black_Lives_Matter

    #Dumpstaphunk, le groupe américain de Ivan Neville ne nous surprend pas en reprenant ces deux morceaux en hommage à Black Lives Matter :

    Dumpstaphunk – Justice/Stand
    https://www.youtube.com/watch?v=vI9292TbdYM

    La chanteuse pop anglaise #Jorja_Smith nous surprend plus avec cet appel à la révolte, même si c’est déjà son deuxième titre à faire allusion à la violence policière :

    Jorja Smith - By Any Means
    https://www.youtube.com/watch?v=Vq81getV30I

    Enfin, #Shirley_Jones, du groupe pop américain des années 1980, The Jones Girls, nous surprend aussi, même si son ode antiraciste est largement plus naïve :

    Shirley Jones - There Are No Differences
    https://www.youtube.com/watch?v=cdoiJp6lQZE

  • Body Bags and Enemy Lists: How Far-Right Police Officers and Ex-Soldiers Planned for ‘Day X’ - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2020/08/01/world/europe/germany-nazi-infiltration.html

    Germany has woken up to a problem of far-right extremism in its elite special forces. But the threat of neo-Nazi infiltration of state institutions is much broader.

    #extrême-droite #police #allemagne #preppers

  • Un policier condamné pour violence contre un mineur malien qui se réfugiait en France

    Deux agents de la #police_aux_frontières ont été condamnés à Gap, jeudi, pour « #violence » et « #soustraction_de_fonds ». « Dans un contexte de déni des violences policières par le pouvoir politique […], cette décision est un signal de justice fort », réagit l’avocat du mineur victime.

    Deux agents de la police aux frontières (PAF) ont été condamnés, jeudi 30 juillet, par le tribunal correctionnel de Gap, à de la prison avec sursis pour des faits de « violence commis par une personne dépositaire de l’autorité publique » pour l’un, pour « usage de faux en écriture publique » et « soustraction de biens d’un dépôt public » pour l’autre.

    Les faits remontent à 2018, à une époque où ils étaient basés au poste de Montgenèvre (Hautes-Alpes), au niveau d’un col qu’empruntent de nombreux exilés pour franchir la frontière qui sépare l’Italie de la France. Le premier, un gardien de la paix, est condamné à deux ans de prison avec sursis, 1 000 euros d’amende, et une interdiction d’exercer toute fonction publique pendant cinq ans, pour avoir frappé un mineur malien, Moussa*, qui venait juste d’être refoulé et se plaignait d’un vol d’argent à la PAF. Il devra également verser 900 euros de dommages et intérêts à l’adolescent.

    Le second, un ancien adjoint de sécurité, écope de 18 mois de prison avec sursis, 1 000 euros d’amende et une interdiction d’exercer toute fonction publique pendant cinq ans, pour avoir gardé l’argent d’une contravention après l’avoir annulée, sans explication claire.

    « Cette décision intervient dans un contexte de déni des violences policières par le pouvoir politique et rappelle que nul ne doit échapper à la loi, réagit l’avocat de Moussa*, Me Vincent Brengarth, auprès de Mediapart. Elle est un signal de justice fort à l’adresse des victimes. »

    Nous republions ci-dessous le compte-rendu du procès, qui s’est tenu il y a un mois.

    Gap (Hautes-Alpes).– L’audience était très attendue. Jeudi 2 juillet, deux agents de la police aux frontières (PAF) étaient renvoyés devant le tribunal correctionnel de Gap pour des délits commis au col de Montgenèvre, où des migrants tentent presque tous les jours de rallier Briançon : un gardien de la paix, âgé de 51 ans, était jugé pour des « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique » sur un adolescent malien passé en France à l’été 2018, Moussa* ; le second, un adjoint de sécurité dont le contrat n’a pas été renouvelé en 2020, était poursuivi pour « usage de faux » et « soustraction de biens d’un dépôt public », en l’occurrence 90 euros.

    Après cinq longues heures d’audience, le procureur de la République de Gap, Florent Crouhy, a requis à leur encontre respectivement deux ans et 18 mois de prison avec sursis, ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique pendant cinq ans.

    Au départ, les soupçons d’abus commis à la PAF de Montgenèvre étaient bien plus larges. Depuis des années, non seulement des associations signalaient des récits de violences et de vols commis aux dépens de migrants, mais un réserviste de la PAF avait, lui aussi, tiré la sonnette d’alarme. En janvier 2019, enfin, un rapport du directeur départemental de la police aux frontières remis au procureur de Gap a pointé une série de dysfonctionnements liés à l’interpellation de migrants, dont l’argent disparaissait, ainsi qu’au contrôle d’automobilistes et au détournement de l’argent de contraventions. « À plusieurs reprises, peut-on y lire, des migrants auraient indiqué qu’il leur manquait de l’argent lors de notifications de refus d’entrée [en France – ndlr]. » Or, à chaque fois, « le gardien de la paix et l’adjoint de sécurité [jugés jeudi – ndlr] étaient présents lors des interpellations ou des notifications ».

    En janvier 2019, une enquête de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) était diligentée, qui s’est vite resserrée autour de l’histoire de Moussa, interpellé une nuit d’août 2018 lors d’une tentative de passage en France et renvoyé aussi sec en Italie, alors qu’il avait 15 ans, qu’il était isolé et que la France avait obligation de l’accueillir.

    Recroisant deux policiers sur sa route cette nuit-là, Moussa s’était plaint du vol de son argent à la PAF et avait eu le réflexe d’enregistrer la conversation. Diffusé à l’audience, cet échange de cinq minutes permet d’entendre des menaces, puis des bruits de coups : « T’accuses la police de vol, ce soir t’es en garde à vue et demain t’es dans un avion, hein ? […] Et c’est Tripoli-Paris ! » « T’arrêtes de nous traiter de voleurs parce que je t’en colle une, hein ? Moi je te dérouille ! » Ou encore : « Tu me traites encore une fois de voleur et je te jette là-dedans [un trou – ndlr]. T’as compris ? » Identifiés par l’IGPN, ce sont ces deux policiers qui étaient jugés jeudi.

    Avant que ne débute l’audience, Moussa échangeait encore avec Agnès Antoine, en terrasse d’un café, une militante des droits des étrangers, bénévole de l’association Tous migrants et de l’Anafé (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers), qui a été l’une des premières à le rencontrer après sa traversée réussie en France.

    « Je l’ai accueilli chez moi après qu’il est passé par le refuge solidaire de Briançon », confie celle qui participe également aux maraudes organisées pour venir en aide aux exilés sur la frontière, avec des élus parfois, pour contrôler les pratiques de la PAF. Elle se souvient d’un jeune homme « traumatisé », se plaignant de douleurs au ventre et au bas du dos résultant des coups reçus. « Il était incapable de comprendre comment la police française pouvait faire une chose pareille. »

    Le jeune homme a quitté le Mali, son pays d’origine, fin 2017, dans l’espoir « d’une vie meilleure ». « J’ai mis sept mois à rejoindre l’Europe. Avec un ami majeur, on a tenté plusieurs fois de passer la frontière à Montgenèvre, jusqu’à cette fameuse nuit », confie Moussa, qui assure que cinq autres migrants les accompagnaient.

    À sa première « rencontre » avec les policiers de la PAF, il n’a pas voulu fuir. « Ils nous ont interpellés et ramenés au poste, où ils nous ont demandé nos papiers. J’ai donné un acte de naissance prouvant que j’étais né en 2002. » Mais la police n’en tient pas compte, évoque une date de naissance « incohérente », selon la notification de refus d’entrée signée par un brigadier à minuit ce 4 août. Lui et son ami sont ramenés à la frontière après avoir été fouillés et contrôlés. La loi est pourtant claire : un étranger mineur « ne peut faire l’objet d’une mesure d’expulsion ».

    Mais arrivés sur place, Moussa et le second migrant découvrent qu’il leur manque de l’argent. « J’avais 600 euros et mon ami 200 euros. L’argent avait disparu de nos portefeuilles alors qu’on l’avait avant d’arriver au poste. »Il décide de retourner à la PAF de Montgenèvre et tombe sur deux policiers, qu’il dit reconnaître, le gardien de la paix et de l’adjoint de sécurité. « J’ai enregistré pour avoir une preuve de tout ça, car je sentais que ce n’était pas clair. Cet argent, je l’avais économisé en travaillant dans les marchés en Italie, je le gardais pour pouvoir manger et dormir. » En plus des menaces verbales, le policier lui aurait asséné des coups de poing et de pied.

    Si Moussa ne tarde pas à raconter sa mauvaise rencontre avec les forces de l’ordre à Agnès et à lui faire écouter l’enregistrement, celle-ci ne lui conseille pas de porter plainte dans l’immédiat. « On se méfiait même de la justice… On craignait que la reconnaissance de sa minorité lui soit refusée s’il y avait une plainte. » Reconnu mineur et pris en charge par le conseil départemental, comme le veut la règle pour tous les mineurs étrangers non accompagnés (MNA dans le jargon), Moussa a finalement déposé plainte en mars 2019.

    Au tribunal, jeudi, il joue nerveusement avec ses doigts. À la barre, la présidente appelle le gardien de la paix, résume les faits, puis hausse le ton :

    « Il vous dit que son argent a disparu et vous me dites que vous entendiez ça très souvent dans le discours des migrants à cette époque. Vous auriez pu lui laisser le bénéfice du doute ! »

    – Ça n’arrivait pas qu’à Montgenèvre, rétorque le gardien de la paix en référence aux vols.

    – Vous vous enfoncez, Monsieur. […] Vous appelez ça discuter, vous ?

    – J’étais exaspéré, c’était très tendu avec le problème migratoire. […] J’ai eu des phrases malheureuses, ce n’était pas malin. »

    Concernant les coups, à l’écoute de l’enregistrement, le gardien de la paix affirme avoir repoussé le migrant vers un panneau métallique. Il reconnaît toutefois ne pas s’être senti menacé par les exilés à ce moment-là. « On entend clairement plusieurs coups », contredit la juge, qui cherche à savoir « dans quel cadre procédural » se situe alors l’agent. « Logiquement, vous auriez dû les ramener à nouveau au poste pour suivre la procédure. De quel droit estimez-vous que c’est inutile ? D’aucun ! Vous êtes un exécutant, c’est illégal de prendre ce genre d’initiatives. »

    Selon Me Vincent Brengarth, conseil de Moussa, cette affaire démontre « le caractère indispensable des vidéos pour qu’il y ait justice ». « La question des violences policières sur les migrants est exploitée de façon assez secondaire, alors qu’elle a un caractère tout aussi systémique, plaide l’avocat. Elles sont exercées à l’encontre de personnes vulnérabilisées et ce ne sont pas des cas isolés. » Me Brengarth rappelle le rapport du Défenseur des droits ou celui de la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme), avant de dénoncer un « tandem » spécialisé dans la répétition de ces comportements.

    Devant le tribunal, l’ex-adjoint de sécurité n’est toutefois poursuivi que pour des faits sans rapport avec les exilés, simplement pour avoir gardé l’argent d’une contravention après l’avoir annulée, sans explication claire. « Vous dites d’abord avoir rempli la quittance sans prendre l’argent, puis vous évoquez une erreur de remplissage, insiste la juge. Vous avez paniqué ? Vous êtes un élève de maternelle ou un professionnel de la police ? » « Vous faites vraiment n’importe quoi dans cette brigade ! Plus on ment, plus on s’enfonce », assène-t-elle, sans être convaincue.

    Pour l’avocat du prévenu, le dossier aura eu « le mérite » de révéler les défaillances du commandement de la brigade et de la PAF au moment des faits. « Il ne faut pas que le ministère public et la partie civile fassent l’amalgame entre les violences dont est accusé le gardien de la paix et les autres faits qui concernent mon client. »

    « Tout ce qui compte pour moi, c’est qu’on me rende mon argent et que ça ne se reproduise plus avec d’autres », insiste Moussa, fier aujourd’hui de voir que sa situation se débloque en France. Cette année, il s’est inscrit dans un centre de formation et d’apprentissage (CFA) en Auvergne-Rhône-Alpes. Il passe en deuxième année et s’apprête à fêter ses 18 ans.

    « Il est apprenti cuisinier dans un restaurant et ça se passe très bien, précise le travailleur social qui l’accompagne depuis janvier 2019 pour l’association PlurielS. Il a son récépissé et devrait obtenir son titre de séjour travailleur temporaire dès septembre prochain. »

    Dans un rapport intitulé Persona non grata et publié en février 2019, l’Anafé dénonçait les pressions, violences policières et vols dont faisaient l’objet des personnes exilées. « On est rassurés que la justice se soit saisie de cette situation aujourd’hui car la question est d’autant plus grave quand les violences sont commises par les forces de l’ordre », note Laure Palun, directrice de l’association, qui relève que l’interdiction d’exercer peut avoir un effet dissuasif, en plus de la prison avec sursis. « S’ils sont condamnés, j’espère que cela empêchera d’autres policiers d’avoir des comportements similaires, que ce soit à Montgenèvre, Menton, ou toute autre frontière ou zone d’attente française. » Réponse le 30 juillet.

    https://soundcloud.com/mediapartpodcast/policier-de-la-paf-taccuses-la-police-de-vol-demain-tes-dans-un-avion-paris-tripoli/s-ZLMnohIShj6

    https://www.mediapart.fr/journal/france/300720/un-policier-condamne-pour-violence-contre-un-mineur-malien-qui-se-refugiai

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    #cartographie #carte #visualisation

    • Hautes-Alpes: un policier de la PAF renvoyé devant le tribunal

      Selon des informations de Mediapart, Christophe A., un fonctionnaire de la police aux frontières de Montgenèvre, sera bientôt jugé pour « #blessure_involontaire_par_imprudence », après la plainte d’un militant engagé dans le soutien aux migrants.

      Une fois de plus, la justice épingle un agent de la police aux frontières (PAF) de Montgenèvre (Hautes-Alpes), ce poste de haute montagne installé sur la route, souvent enneigée, qu’empruntent à pied les migrants venant d’Italie. Depuis des années, exilés et militants dénoncent les pratiques locales des forces de l’ordre, vécues comme du « #harcèlement ».

      Deux agents de la PAF ont déjà été condamnés cet été à de la prison avec sursis et à des amendes, l’un pour des faits de violence commis à l’encontre d’un mineur malien qui se réfugiait en France, l’autre pour « #usage_de_faux_en_écriture_publique » et « #soustraction_de_biens ».

      Cette fois, un juge d’instruction de Gap a décidé que les agissements du fonctionnaire Christophe A., un soir de 2017 où quelques militants s’étaient rassemblés devant le poste-frontière pour contester la reconduite de migrants en voiture vers l’Italie, méritaient procès.

      « [Le policier] n’a pas suffisamment écarté son véhicule, de sorte qu’il a roulé sur le pied [d’un manifestant] », résume le magistrat. La formule est sobre, pour le moins, mais la conclusion sans détour : le policier se voit renvoyé devant le #tribunal_correctionnel pour « blessure involontaire par imprudence », d’après une ordonnance du 21 septembre consultée par Mediapart.

      Le propriétaire du pied, Mathieu B., avait décrit, à l’époque, la scène en ces termes : « Je suis au milieu de la chaussée, je regarde la voiture de police arriver, elle ne décélère pas. Ce n’est pas possible… mais que se passe-t-il dans la tête de ce flic ? La bagnole continue sa course et me percute. J’anticipe par je ne sais quel réflexe le choc et fais un roulé-boulé sur le côté droit du capot. Je me retrouve ensuite sur le bitume et la roue arrière du véhicule me passe sur la jambe, au-dessus de la cheville. La voiture continue sa course comme si de rien n’était. […] Je décide de porter plainte. Ce qui vient de se passer n’est pas un cas isolé. C’est le quotidien de tout un tas de gens dans ce pays. »

      À l’issue des investigations, le magistrat confirme que « le [policier] a pris la décision de conduire en direction d’un groupe de manifestants sans attendre que la situation soit maîtrisée », sans déclencher « avertisseurs sonores ni lumineux ». « Alors que Mathieu B. venait de tomber », le policier a continué de rouler.

      Au passage, on découvre qu’« une autre personne, un policier, a été légèrement heurté […], ce qui atteste que les distances de sécurité entre le véhicule en cause et les piétons n’étaient pas respectées ».

      Pour les avocats du plaignant, Vincent Brengarth et William Bourdon, qui se félicitent de ce renvoi devant le tribunal, « cette décision contrarie la logique de harcèlement policier à l’égard des aidants et le sentiment que la frontière devrait être une zone de non-droit ».

      Sollicité par Mediapart, l’avocat du policier, toujours présumé innocent, Me Nicolas Wierzbinski, n’a pas souhaité réagir.

      Jusqu’ici, au pied du col de Montgenèvre, les migrants réussissant la traversée de la frontière trouvaient un lit, un couvert et un médecin à Briançon, au sein du Refuge solidaire, structure militante ouverte il y a trois ans dans un bâtiment mis à disposition par la communauté de communes (à majorité de gauche). Grâce à une entente tacite, les forces de l’ordre n’y patrouillaient pas vraiment, un peu comme devant une « ambassade ». Le nouveau maire LR, Arnaud Murgia, vient de décider de boucler les lieux (lire notre reportage). Ce qui ne manquera pas de tendre, encore un peu plus, la situation.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/280920/hautes-alpes-un-policier-de-la-paf-renvoye-devant-le-tribunal