• #Journal du #Regard : Mars 2024
    https://liminaire.fr/journal/article/journal-du-regard-mars-2024

    https://www.youtube.com/watch?v=264yMXt_VTA

    Chaque mois, un film regroupant l’ensemble des images prises au fil des jours, le mois précédent, et le texte qui s’écrit en creux. « Une sorte de palimpseste, dans lequel doivent transparaître les traces - ténues mais non déchiffrables - de l’écriture “préalable” ». Jorge Luis Borges, Fictions Nous ne faisons qu’apparaître dans un monde soumis comme nous au pouvoir du temps. Dans le silence qui suit la fin du signal de départ. Dans un seul et unique instant. Non pas suites sans principe de (...) #Journal, #Vidéo, #Architecture, #Art, #Écriture, #Voix, #Sons, #Paris, #Mémoire, #Paysage, #Ville, #Journal_du_regard, #Regard, #Dérive, #Paris, #Canal, #Jardin, #Seine (...)

  • #Carte de #France des #fuites d’#eau_potable les plus importantes : Ardèche, Pyrénées-Orientales, Hautes-Alpes, Corse particulièrement touchées

    L’association Intercommunalités de France publie ce mercredi 20 mars une cartographie de 198 services d’eau potable dont le taux de fuites sur le réseau égale ou dépasse les 50 %. Il s’agit essentiellement de petites communes dites « isolées », solitaires dans leur gestion de l’or bleu, qui couvrent quelque 64 000 habitants.

    La sécheresse historique de 2022 a montré que l’or bleu devait être mieux géré en France. Cette année-là, plus de 1 000 communes ont eu des difficultés d’approvisionnement au robinet, un phénomène accentué par de nombreuses fuites dans les canalisations. En France, 20 % de l’eau potable est perdue lors de son acheminement. « C’est une situation aberrante qu’on doit corriger en urgence », avait tranché le président de la République fin mars 2023, en présentant un « plan eau », dont une partie était censée répondre à cet enjeu en mobilisant davantage d’aides. Le gouvernement avait alors identifié 170 communes prioritaires, victimes d’au moins 50 % de fuites, appelées « #points_noirs ».

    Mais il semblerait que le chiffre ait été sous-estimé. Ce mercredi 20 mars, #Intercommunalités_de_France, fédération nationale qui réunit métropoles, agglomérations, communautés urbaines et communautés de communes, dévoile une nouvelle carte, sur laquelle figurent 198 « points noirs » qui perdent donc plus de la moitié de leur eau. Cela représente 4 % des services d’eau en France et concerne un peu plus de 64 000 habitants. L’association a utilisé les données les plus récentes et les plus fiables de l’Observatoire national des services d’eau et d’assainissement, qui datent de 2022. La base, qui avait servi aux premières estimations officielles de 2023, s’est depuis étoffée sans toutefois devenir exhaustive car les communes les plus petites n’ont pas l’obligation de l’alimenter.

    Des petites villes dans le triste palmarès

    Parmi les « points noirs », tous ne sont pas pilotés de la même façon : 151 sont des régies municipales, 22 sont gérés en intercommunalité et 25 dépendent de syndicats des eaux. A travers cette cartographie inédite, Intercommunalités de France entend démontrer ce que le gouvernement avait déjà identifié : l’écrasante majorité des cas problématiques concerne de petites communes se débrouillant seules pour s’approvisionner en eau. Les #ressources_financières leur manquent pour entretenir les #réseaux et les subventions restent insuffisantes pour les inciter à réaliser des travaux réguliers. Ainsi, #Astet (Ardèche), une commune d’environ 40 habitants, se classe en tête de la liste des communes ayant le plus haut niveau de fuites en métropole : 91 %. Elle présente le même profil que les autres « fuyards » : un village de montagne solitaire dans sa gestion de l’eau. Rien de surprenant : en altitude, les réseaux sont les plus étendus et plus sujets aux fuites.

    « Refaire les #canalisations sur 1 km, c’est 1 million. Ça coûte très cher, précise à Libération Régis Banquet, vice-président en charge de l’eau d’Intercommunalités de France et président de Carcassonne agglomération. On a pris un retard phénoménal. Il faut renouveler les #tuyaux tous les cinquante ans pour qu’ils soient en bon état, or on les renouvelle tous les 120 à 140 ans. La prise de conscience qu’il faut porter attention à la moindre goutte d’eau est récente. »

    Si les services d’eau les plus en difficulté ne desservent en général que quelques dizaines ou centaines d’habitants, de petites villes figurent cependant dans le triste palmarès, comme #Scionzier, en Haute-Savoie, environ 9 000 habitants, ou #Contes, dans les Alpes-Maritimes, un peu plus de 7 500 habitants, qui fait partie d’un syndicat de quinze communes à proximité de Nice.

    « On doit agir vite et fort »

    Et une gestion mutualisée ne protège pas de tout. La communauté d’agglomération du Pays de Dreux, qui rassemble 78 communes à cheval entre Eure-et-Loir et Eure, connaît un taux de fuites de 74,7 %. La métropole de Perpignan, 36 communes, totalise, elle, près de 60 % de fuites. Dans ce type de cas, « ça n’est jamais l’ensemble de ses services qui présentent un rendement inférieur à 50 %, mais généralement quelques communes », précise Intercommunalités de France.

    La situation a peu de chances de s’être significativement améliorée depuis 2022, malgré le plan eau et les 53 millions débloqués récemment par l’Etat pour les fuites, car la réalisation de travaux ambitieux prend du temps. « C’est forcément un chantier de longue haleine », a reconnu le ministère de la Transition écologique mardi lors d’un point presse sur l’avancée du plan eau.

    « La situation est grave. Dans le contexte du changement climatique, on doit agir vite et fort. Une des solutions est le transfert vers l’intercommunalité pour toutes les communes gérant seules afin que la solidarité s’organise sur les territoires. Cette mise en commun des moyens permet de réaliser les #investissements colossaux nécessaires », plaide Régis Banquet. Il estime que 15 à 20 milliards d’euros devraient être exclusivement consacrés au renouvellement des #réseaux_d’eau dans les cinq ans à venir pour rattraper le retard accumulé.

    « Les petites communes isolées sont en difficulté »

    Il y a un an, Emmanuel Macron avait appelé à « mutualiser différemment » les ressources, en prenant en exemple « l’intercommunalité », un modèle à « consolider partout où c’est accepté ». La loi va dans ce sens. En 2026, plus aucune commune ne pourra gérer seule son eau. Mais certains maires s’y opposent. « Il reste un imaginaire un peu Manon des sources : “C’est le puits de mon village, je n’ai pas envie de le partager”. Ceux qui ont de l’eau ne sont pas toujours très enclins à en fournir à ceux qui n’en ont pas », explique Régis Taisne, chef du département « cycle de l’eau » à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies. Et d’ajouter : « Les maires ruraux ont le sentiment qu’ils sont petit à petit dépossédés de toutes leurs compétences, celle sur l’eau est une de leurs dernières attributions. »

    Les deux départements comptant le plus de « points noirs » font justement partie de ceux dans lesquels beaucoup de maires rechignent au #regroupement, fait remarquer Intercommunalités de France. En tête, les Pyrénées-Orientales, avec 17 communes qui perdent plus d’un litre sur deux, alors que la sécheresse y sévit depuis trois ans, suivis par les Hautes-Alpes, qui en comptent quinze.

    « Le constat est clair : les petites communes isolées sont en difficulté, acquiesce Régis Taisne, qui est cependant moins catégorique qu’Intercommunalités de France. Il faut regrouper, mutualiser pour atteindre une taille critique permettant de faire face aux enjeux. Et dans beaucoup de cas, l’échelle intercommunale est cohérente. Mais dans d’autres, un autre #découpage_territorial peut s’imposer. Il existe par exemple de grands syndicats des eaux à l’échelle de toute la Vendée ou encore de l’Alsace-Moselle. » Cet expert invite surtout à rassembler des communes de diverses natures pour améliorer la solidarité : urbaines, rurales, de plaine, d’altitude, riches en eau ou dépourvues de ressources.

    https://www.liberation.fr/environnement/eau-potable-ardeche-alpes-maritimes-haute-savoie-la-carte-de-france-des-f
    #infrastructure #coût

    #cartographie #visualisation

    • Ce pays se « tiers mondise » à vitesse grand V. A quoi bon payer des impôts si c’est pour se retrouver avec des réseaux pareils !

  • #Journal du #Regard : Février 2024
    https://liminaire.fr/journal/article/journal-du-regard-fevrier-2024

    https://youtu.be/28yB3hwxWpk?si=KfmRvnVBL24O8W9Y

    Chaque mois, un film regroupant l’ensemble des images prises au fil des jours, le mois précédent, et le texte qui s’écrit en creux. « Une sorte de palimpseste, dans lequel doivent transparaître les traces - ténues mais non déchiffrables - de l’écriture “préalable” ». Jorge Luis Borges, Fictions Nous ne faisons qu’apparaître dans un monde soumis comme nous au pouvoir du temps. Dans le silence qui suit la fin du signal de départ. Dans un seul et unique instant. Non pas suites sans principe de (...) #Journal, #Vidéo, #Architecture, #Art, #Écriture, #Voix, #Sons, #Paris, #Mémoire, #Paysage, #Ville, #Journal_du_regard, #Regard, #Dérive, #Paris, #Canal, #Louvre (...)

  • La mer Rouge sous la pression des houthistes yéménites
    https://archive.ph/2023.12.15-115002/https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/15/la-mer-rouge-sous-la-pression-des-houthistes-yemenites_6205987_3210.html

    La multiplication des assauts houthistes en mer Rouge affecte d’ores et déjà fortement le commerce maritime d’Israël, dont les bâtiments sont les premières cibles revendiquées des rebelles. Le 9 décembre, le groupe avait déclaré dans un communiqué qu’il « empêcherait le passage des navires à destination de l’entité sioniste » si la nourriture et les médicaments ne pouvaient pas entrer dans la bande de Gaza.

    Quels que soient le pavillon des navires ou la nationalité de leurs propriétaires, les bâtiments à destination d’Israël « deviendront une cible légitime pour nos forces armées », précisait la milice yéménite.

    Certaines compagnies maritimes ont donc décidé de détourner leurs navires et préfèrent désormais contourner l’Afrique pour rallier la Méditerranée, ajoutant quelque 13 000 kilomètres à leur itinéraire et de dix à quatorze jours de navigation. Près d’une vingtaine de navires israéliens empruntent ainsi actuellement cette longue route, dont des bâtiments de ZIM, le plus gros armateur israélien. L’allemand Hapag-Lloyd et le chinois Cosco ont aussi dérouté des navires. Mais pas le français CMA CGM, numéro trois mondial des porte-conteneurs, qui n’a pas renoncé au passage par la mer Rouge et le canal de Suez, même sans soutien de navires militaires.

    […]

    Les attaques des houthistes, principalement au moyen de drones bon marché (entre 10 000 et 50 000 euros pièce) mettent aussi au défi la soutenabilité des moyens engagés par les marines militaires pour les contrer. Ces dernières semaines, l’US Navy et la marine française ont dû tirer des missiles d’une valeur de plusieurs millions d’euros pour protéger leurs bâtiments ou des navires commerciaux. « Quand on “tue” un Shahed [un drone iranien low cost] avec un Aster [le missile français notamment utilisé en mer Rouge], en réalité c’est le Shahed qui a tué l’Aster », a ainsi estimé le chef d’état-major des armées françaises, le général Thierry Burkhard, lors d’un colloque le 7 décembre, à l’Institut Montaigne, à Paris.

  • https://www.humanite.fr/monde/bande-de-gaza/derriere-la-guerre-a-gaza-gaz-petrole-et-pipelines

    Se réserver les routes du gaz, de pétrole. Devenir un hub mondial des câbles sous-marins. Creuser un canal alternatif au canal de Suez : les véritables enjeux géo-économiques qui expliquent la détermination d’Israël à occuper Gaza.

    Cet article a fait l’objet d’une rare critique de la revue de presse de France Inter (plutôt consensuelle en général) hier matin. Un signe que l’Huma met le doigt là où ça coince.

    #gaza #moyen-orient #pétrole #gaz #cables_sous_marins #canal_de_suez #Israël #Palestine

  • Le canal de Panama frappé par la sécheresse, circulation restreinte pendant un an
    https://www.lemonde.fr/climat/article/2023/08/26/circulation-restreinte-pendant-un-an-dans-le-canal-de-panama-en-raison-de-la


    L’extrémité du canal de Panama sur la côte Pacifique, le 25 août 2023.
    IVAN PISARENKO / AFP

    L’eau de pluie est indispensable au bon fonctionnement des écluses qui permettent de franchir la chaîne de montagnes que traverse l’isthme.

    C’est une conséquence inattendue du changement climatique et du phénomène El Niño : l’accès au canal de Panama, voie de passage des navires marchands entre l’Atlantique et le Pacifique, sera réduit pendant un an en raison du manque de pluies.

    Depuis le 30 juillet, le nombre de navires autorisés chaque jour est passé de 40 à 32 et leur tirant d’eau, la hauteur de la partie immergée du bateau, a été réduit à 44 pieds (13,4 mètres). « Aujourd’hui, nous prévoyons [de prolonger ces mesures] pour un an, à moins qu’en septembre, octobre et novembre de fortes pluies ne tombent dans le bassin-versant du canal et remplissent les lacs », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Ilya Espino, administratrice adjointe du canal.

    Cette annonce doit permettre aux clients du canal de mieux « planifier » leurs passages, a-t-elle ajouté. Les restrictions ont en effet eu une conséquence spectaculaire : des embouteillages de navires, patientant, de part et d’autre du canal, pour pouvoir traverser. Il y en avait 130 jeudi et le total est monté à 160 courant août.

    Le temps d’attente a, lui, grimpé en flèche : auparavant de trois à cinq jours, il a atteint dix-neuf jours pour revenir à onze aujourd’hui. « Nous gérons facilement une file d’attente de 90 navires », mais « 130 ou 140, cela nous pose des problèmes et entraîne des retards », reconnaît Mme Espino.

  • Severe drought in Panama hits global shipping industry
    https://www.ft.com/content/86839bc7-1926-4bf6-b593-1720f7fbd8b4

    A severe drought in Panama is leading to unusually long delays and tough restrictions along one of the world’s most important trade routes, illustrating the challenge climate change poses to global commerce.

    High temperatures and one of the driest years on record have led authorities in the Central American country, which is usually one of the world’s wettest, to lower the number of crossings and bar ships with heavy loads from using the Panama Canal.

    The restrictions — rare during Panama’s wet season, which lasts from May to December — have led big carriers including German group Hapag-Lloyd to announce surcharges for routes that rely on the gateway between the Atlantic and Pacific. While lower demand for goods exports has lessened the impact, vessels with loads still light enough to use it are facing extended waits of more than two weeks.

    “The Panama Canal is really the wild card in the container shipping market right now,” said Peter Sand, chief analyst at Xeneta. “Shippers should consider their options and manage their risks as Panama congestion is on the rise.”

    More than 3 per cent of world trade by volume, including liquid gas from the US and soft fruits from South America, passes through the nearly 110-year-old canal, which also provides essential income for Central America’s richest country per head of population.

    Up to 29 per cent of container trade crossing the Pacific travels through the canal, according to data provider MDS Transmodal.

    #transports_maritime #porte-conteneurs #logistique #climat #sécheresse

  • Sécheresse : le manque d’eau menace le canal de Panamá et le trafic maritime mondial – Libération
    https://www.liberation.fr/environnement/climat/secheresse-le-manque-deau-menace-le-canal-de-panama-et-le-trafic-maritime

    Les deux lacs artificiels qui fournissent le canal en eau sont à sec, obligeant les autorités panaméennes à limiter l’accès à la voie reliant les océans Atlantique et Pacifique, où transite 6 % du trafic maritime mondial.

    (...)

    Déjà, en 2019, le canal ne disposait plus que de 3 milliards de mètres cubes d’eau douce alors qu’il lui en faut un peu plus de 5,2 milliards pour fonctionner.

    (...) à chaque passage de navire, ce sont environ 200 millions de litres d’eau douce qui sont déversés dans la mer.

    (...)

  • Macron : Le grand « plan eau » qui fait flop

    Face à une sécheresse historique et à la pénurie qui s’annonce pire que celle de l’été dernier, avec des nappes phréatiques très en dessous de leur niveau habituel, Emmanuel Macron sort son « plan eau » : 50 mesures censées prendre le problème à bras le corps, présentées la semaine dernière dans les Alpes. Blast a suivi pendant des semaines sa préparation sous... influence. Enquête et décryptage sur un catalogue de mesures ineffectives dicté par les lobbies.

    Ménager l’attente... Dans le domaine du teasing et des effets d’annonce, Emmanuel Macron est passé maître. Annoncé depuis des semaines et retardé à plusieurs reprises, d’abord prévu début 2023 à l’occasion des « Carrefours de l’eau » organisés chaque année à Rennes, le plan sécheresse du gouvernement avait été remis à plus tard à la demande de l’Elysée. On l’attendait encore le 22 mars dernier lors de la journée mondiale de l’eau, qui offrait une fenêtre de tir idéale. Crise politique oblige, l’affaire avait dû être encore décalée. Et finalement le voilà, présenté jeudi dernier par le chef de l’Etat sur les rives du lac de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes).

    En août 2022, la France a chaud. Le soleil (de plomb) cogne, les Français suent et les terres s’assèchent - un phénomène inquiétant, sans revenir jusqu’au cauchemar des incendies dans les Landes. En pleine canicule, les alertes remontées par les élus et les préfets se multipliant, Elisabeth Borne annonce la mise sur orbite d’une « planification écologique » plaçant l’eau au cœur de ses priorités. On sait aujourd’hui que près de 700 villages ou petites villes ont souffert de pénuries d’eau potable, chiffre qui à l’époque avait été minoré. Pendant plusieurs semaines, certaines populations avaient dû être alimentées par des citernes ou de l’eau en bouteille livrée par packs.

    Diagnostics clairement tracés

    Le coup de chaud de l’été 2022 passé, le chantier est lancé opérationnellement le 29 septembre par Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, et sa secrétaire d’Etat Bérangère Couillard, avec une phase de consultation. Début janvier 2023, les contributions de ces groupes de travail, comme celles des comités de bassin (des instances de concertation à l’échelle locale rassemblant opérateurs, Etat, collectivités, ONG, industriels, agriculteurs et consommateurs), sont présentées à la secrétaire d’Etat dans le cadre du Comité national de l’eau (un organe consultatif placé sous l’autorité du ministère de la Transition).

    De ces travaux et de leurs conclusions remises à Bérangère Couillard se dégagent « des diagnostics clairs et des propositions de solutions », « notamment autour de la REUT (réutilisation des eaux usées traitées) et du développement de la télérelève », se félicite la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E) dans sa lettre publiée en mars dernier.

    La FP2E fédère 6 entreprises membres dont les multinationales Veolia, Suez et Saur. Ce lobby influent a participé activement à cinq des groupes de travail - sur la gestion des sécheresses, sur les usagers, la sobriété, le grand cycle de l’eau et les pollutions diffuses. L’occasion de pousser ses intérêts. A la sortie de la consultation, la FP2E pointe aussi « les blocages à lever », « relatifs notamment au financement, à la complexité des démarches administratives ou encore à la durée des autorisations ». Des freins « décourageants pour les porteurs de projet », note-t-elle.

    En réalité, cet investissement vient de loin. La FP2E, et avec elle les géants privés de l’eau, pousse ses pions depuis des mois : avant la présidentielle de 2022, ce syndical patronal avait présenté aux candidats son « programme ». Dès lors, tout était dit et la « feuille de route » tracée. Elle n’a pas changé depuis.
    Un gouvernement bien irrigué

    En France, la dernière grande loi sur l’eau date de 2006. Depuis, les effets du changement climatique sur le cycle hydrologique se font sentir, beaucoup plus puissamment et rapidement qu’on ne le pensait il y a encore quelques années. Résultat, l’édifice institutionnel de la gestion de l’eau à la française, qui a vu le jour à l’orée des années soixante, craque de toute part. Pourtant, personne ne veut ouvrir la boîte de Pandore que représenterait nécessairement l’élaboration d’une nouvelle loi. Celle-ci imposerait en effet de mettre au premier rang des discussions la question explosive de l’évolution du modèle agricole productiviste. Un sujet très actuel, le récent week-end de guerre civile dans un champ des Deux-Sèvres en étant une sidérante démonstration, autour de la question des méga-bassines. Et surtout un casus belli pour la FNSEA, très en cour à l’Elysée.

    Le plan présenté en grande pompe par Emmanuel Macron au lendemain de la pénible et interminable séquence sur les retraites a été bien irrigué. Pour parvenir aux 53 mesures qu’il exhibe, on a exhumé tout ce qui trainait au fond des placards depuis des lustres, afin de susciter un effet « waouh ». Ce catalogue ne fera pas illusion bien longtemps, comme on s’en apercevra rapidement, dès cet été. Il est le produit d’un véritable opéra-bouffe qui a vu tous les lobbies intéressés s’atteler dans l’urgence à la rédaction de rapports, de contributions et de propositions dont le contenu laisse dubitatif. Ils s’y sont mis, tous sans exception.

    Cet activisme n’est pas nouveau. C’est même un grand classique qui a débouché jusqu’à présent sur une série de grand-messes pour rien – des Assises en 2018-2019 au Varenne de l’eau du ministère de l’Agriculture en 2021-2022 (qui déroulait le tapis rouge à la FNSEA), avant que l’Académie des technologies ne s’y colle à son tour fin 2022. Une litanie sans rien changer qu’Emmanuel Macron n’a pourtant pas manqué de rappeler la semaine dernière, les énumérant pour s’en féliciter : « dès le mois de septembre, on a tiré les leçons, lancé les travaux, le ministre l’a rappelé, s’appuyant sur ce qui avait été fait dès il y a cinq ans ».
    Un plan « Copytop »

    Pour permettre au président de la République de sortir sa tête de l’eau et marcher sur le lac de Serre-Ponçon, une véritable usine à gaz s’est mise en branle à un train d’enfer. Depuis l’automne dernier, les contributions se sont ainsi empilées les unes sur les autres : mission d’information de la commission des affaires économiques du Sénat, copieux rapport du groupe prospective de la Chambre haute, propositions de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), du Comité national de l’eau - un organisme baroque, repaire de tous les lobbies, placé sous l’autorité du ministère chargé de la Transition écologique – ou encore, dernières en date, celles d’une autre commission sénatoriale. Sans oublier les 48 propositions du Comité de bassin Seine-Normandie le 3 février, avant l’audition organisée le 15 du même mois par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat (encore) !

    Au final, cette bataille d’experts s’est dénouée dans des réunions interministérielles (les « RIM ») opposant classiquement l’écologie, l’agriculture, Bercy, la DGCL du ministère de l’Intérieur, le tout sous la férule de Matignon - dont l’occupante connaît le sujet. « Béchu et Couillard n’y connaissent rien, c’est Borne qui pilote tout depuis le début », confirme une source proche du dossier.

    L’analyse de cette production frénétique de nos collèges d’experts, qui se sont copiés sans vergogne sous l’air du « y’a qu’à-faut qu’on », est édifiante. S’ouvre alors sous nos yeux l’étendue affolante de tout ce qui aurait dû être fait, ne l’a pas été et reste donc à faire - avec les remises en cause drastiques que cela implique.

    Depuis une quinzaine d’années, tous les organismes de recherche impliqués dans la question de l’eau, comme les inspections des administrations centrales, ont publié des centaines de rapports parfaitement informés, qui détaillent par le menu la montée des périls comme les mesures qui devraient être prises pour y faire face. En pure perte. Rien ne change, business as usual.

    Pollutions multiformes, pesticides, irrigation à outrance, imperméabilisation des sols, inondations, sécheresses, recul du trait de côte, chute dramatique de la biodiversité... La réalité est un cauchemar. Et l’élaboration aux forceps de ce nouveau « plan eau » illustre une nouvelle fois, jusqu’à la caricature, la « méthodologie » qui voit rituellement la montagne accoucher d’une souris.

    Que s’est-il passé, au juste ? Ce qui se passe en réalité depuis des lustres. L’affaire se joue en deux temps : l’état des lieux d’abord, puis les propositions. L’état des lieux, la phase 1, s’alimente des centaines de rapports disponibles. Rédigés par des fonctionnaires (IGEDD, CGEEAR, IGF, IGA…) ou par des collaborateurs du Parlement, très généralement compétents, ils renvoient les décisions à prendre au politique. C’est à cette étape, celle des propositions, que les choses se grippent. Pour s’en convaincre, il suffit de confronter pour chacun des rapports, et d’un rapport l’autre, l’état des lieux initial aux « propositions » d’actions élaborées. Le constat est accablant : l’intervention du politique neutralise tout espoir d’améliorer quoi que ce soit.

    Le sénateur et l’éléphant

    Sur le constat tout le monde s’accorde, globalement. A quelques nuances près : la France demeure un pays bien doté, avec des précipitations suffisantes pour répondre à de multiples usages - 32 à 35 milliards de m3 sont prélevés chaque année pour le refroidissement des centrales nucléaires, l’eau potable, l’agriculture, l’alimentation des canaux, l’industrie, etc. Mais les impacts du changement climatique sur le cycle de l’eau se font déjà sentir, y compris dans les bassins plus septentrionaux, provoquant l’eutrophisation des cours d’eau, l’évaporation à un rythme plus rapide et la diminution des pluies en été.

    Et puis, il y a « l’éléphant dans la pièce », selon l’expression du sénateur Renaissance Alain Richard... Co-rapporteur d’un rapport avec Christophe Jarretie (député Modem de Corrèze jusqu’en juin 2022), Alain Richard désigne ici la mobilisation de la ressource pour les besoins agricoles, qui explosent l’été quand il n’y a plus d’eau… D’où les conflits sur l’irrigation et les bassines, qui ont dépassé la côte d’alerte.

    Se prononçant en faveur de la multiplication des retenues, ce même rapport souligne pourtant « une autre limite aux stratégies d’économies d’eau pour l’irrigation agricole » : elle « réside dans la manière dont la marge de manœuvre permise par les économies se trouve redéployée. En améliorant le système d’irrigation, on peut mobiliser davantage d’eau pour les plantes à prélèvement égal. La tentation peut être alors de ne pas réduire les prélèvements mais d’augmenter la surface irriguée. Ce risque est d’autant plus fort qu’avec l’élévation des températures et la modification du régime des précipitations certaines cultures historiquement non irriguées qui n’avaient besoin que de l’eau de pluie, comme la vigne dans le Sud-Ouest, ne doivent désormais leur survie qu’à l’installation de dispositifs d’irrigation. »

    Le 5 février dernier, on a appris que la région Occitanie et six départements du Sud-ouest (Haute-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Tarn-et-Garonne, Lot et Landes) venaient de recapitaliser à hauteur de 24 millions d’euros la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne (CACG). Spécialisée dans les barrages et les bassines, cette société d’aménagement régional était en quasi faillite. L’an dernier, sa gestion désastreuse a été sévèrement étrillée par la chambre régionale des comptes. Objectif de cette opération de sauvetage de la CACG ? « S’armer face au manque d’eau », notamment en « augmentant la capacité des réserves existantes »…
    Les diktats de la FNSEA

    Dans les débats autour de la crise de l’eau, on parle aussi beaucoup des « solutions fondées sur la nature ». Ça fait écolo à tout crin. « Cela implique d’aller à l’encontre de la tendance à l’artificialisation des sols, de désimperméabiliser, en particulier en milieu urbain, pour favoriser l’infiltration de l’eau de pluie ou encore apporter de la fraîcheur dans les villes lors des pics de chaleur », édicte le rapport de la commission des affaires économiques du Sénat. Problème, on oublie de dire que le principe du « zéro artificialisation nette » a suscité sur le terrain une véritable bronca des élus, de toute obédience, qui ont engagé un bras de fer avec le gouvernement sur le sujet.

    Notre éléphant, celui du sénateur Richard, est lui aussi au cœur des débats. « L’agriculture est le principal consommateur d’eau, indispensable à la pousse des plantes et à l’abreuvement du bétail, relève le Sénat. Mais l’adaptation des pratiques au changement climatique est encore trop lente et la transition vers l’agro-écologie doit être accélérée à travers tous les leviers possibles : formation, aides apportées par le premier ou le deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC), recherche appliquée et expérimentation des nouvelles pratiques ».

    Des mesures et solutions de bon sens ? Probablement, sauf que le courant majoritaire de la profession agricole, incarné par la FNSEA, continue à s’opposer avec succès à toute évolution structurelle du modèle productiviste dominant et impose ses diktats à tous les gouvernements. L’actuel ministre de l’Agriculture Marc Fesneau l’a lui-même reconnu à mi-mots dans un récent article de Libération.

    Un autre sujet est lui aussi systématiquement évacué des « solutions ». Il mériterait qu’on y réfléchisse, pour reconsidérer le sujet dans son ensemble : chaque année, pour « équilibrer les fonds publics », l’Etat prélève 300 millions d’euros depuis quinze ans dans les caisses des agences de l’eau. « Les consommations domestiques d’eau potable, sur laquelle les redevances sont assises, sont sollicitées pour financer des domaines de plus en plus variés touchant de plus en plus au grand cycle de l’eau, et de moins en moins à la modernisation des stations d’épuration ou à la modernisation des réseaux de distribution d’eau potable, pourtant vieillissants », pointent ainsi les deux co-présidents du groupe de travail « Redevances des agences de l’eau et atteintes à la biodiversité ».

    En 2022, le duo Richard-Jarretie envisageait de compenser ce manque à gagner par la création d’une nouvelle taxe (assise sur la taxe d’aménagement départementale). Leur proposition de loi, qui aurait dû être adoptée en loi de finance rectificative, sera finalement sèchement rejetée par Bercy.

    La fuite politique

    Autrefois, « l’eau était gérée directement par les maires dans des syndicats intercommunaux à échelle humaine », mais « les regroupements de structures conduisent à dépolitiser l’eau », constate le rapport des deux parlementaires sur la question de la gouvernance. Résultat de cette évolution, « l’eau n’est plus que rarement une question politique débattue lors des campagnes électorales locales ».

    Désormais, « le pouvoir est passé du côté des techniciens. » « La politique de l’eau est dépolitisée et renvoyée à la recherche des meilleurs choix techniques possibles, constatent Jarretie et Richard. Les maires des grandes villes, les présidents des grandes intercommunalités ne siègent plus que rarement dans les organismes chargés de (sa) gestion. Ils y délèguent des élus, certes compétents, mais dont le poids politique propre est minime et qui n’ont pas tellement d’autre choix que de suivre les orientations de la technostructure de l’eau. »

    Parallèlement, cette dépossession d’une question éminemment politique s’accompagne d’une surenchère. Elle concerne la recherche et l’innovation, a priori louables sauf quand elles deviennent le paravent et le prétexte à l’inaction. Depuis une quinzaine d’années, les multinationales Veolia, Suez et Saur mènent avec succès un lobbying opiniâtre pour promouvoir une fuite en avant technologique. Censée apporter des solutions miracles, par exemple pour la réutilisation des eaux usées ou la recharge artificielle des nappes phréatiques, elle contribue en réalité au statu quo, pour ne rien changer aux pratiques délétères qui sont pourtant à l’origine de la dégradation croissante de la qualité de la ressource.

    Face à la production de ce discours et à cette fibre du tout technologique, difficile de résister. Pour deux raisons. « La compréhension des mécanismes de la politique de l’eau, tant dans ses aspects techniques qu’organisationnels est particulièrement ardue », soulignent Alain Richard et Christophe. Certes, « les SDAGE (schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, ndlr) et les SAGE (schéma d’aménagement et de gestion des eaux, ndlr) sont soumis à l’avis du public. Les dossiers d’autorisation au titre de la loi sur l’eau font l’objet d’enquêtes publiques dont les éléments sont mis à disposition de tous sur les sites Internet des préfectures. Mais seuls quelques « initiés » sont capables de maîtriser les nombreux paramètres en jeu ». Face à cette complexité et au jeu des lobbies, les administrés sont désarmés : « La transparence des procédures ne garantit pas la participation du public et l’appropriation des enjeux à une grande échelle. » Par ailleurs, en matière de gouvernance encore, l’équilibre et les relations national/local ne se soldent pas vraiment en faveur de l’implication des échelons au plus près des administrés.

    Doit-on réfléchir et envisager de décentraliser l’action publique, pour plus d’efficacité ? Un nouveau vœu pieu. La Macronie méprise les 570 000 élus locaux français. Dans la pratique, ce sont désormais les préfets, et surtout les préfets de région, qui ont la haute main sur des politiques publiques revues à l’aune du libéralisme le plus échevelé.

    Un déluge de com

    Le 23 février dernier, Christophe Béchu et Bérangère Couillard présidaient le premier comité d’anticipation et de suivi hydrologique (CASH) de l’année. Objectif affiché ? « Informer les représentants des usagers sur la situation hydrologique actuelle et projetée en anticipation de risques potentiellement significatifs de sécheresse »...

    Pareille langue de bois n’augurait rien de bon, ou plutôt admirablement ce qui allait suivre cet interlude comme quand les deux membres du gouvernement, 24 heures plus tard, expliqueront qu’ils vont décider avec les préfets de mesures de restrictions... « soft ». Le lendemain de cette pseudo-annonce, Le Monde consacre son éditorial aux périls qui menacent, appelant face à l’urgence à la sobriété des usages. Comme un coup de pied à l’âne.

    En ce début d’année 2023, le rouleau compresseur de la com gouvernementale s’emballe. A donner le tournis. La veille de la réunion du CASH, le 22 février sur France Info, le ministre Béchu déclare la France « en état d’alerte ». Le samedi 25 février, en visite au Salon de l’agriculture, Emmanuel Macron en appelle à un « plan de sobriété sur l’eau » et invente les « rétentions collinaires » jusque-là... inconnues.

    Le lundi 27 février, Christophe Béchu, à nouveau, réunit les préfets coordonnateurs de bassin. La semaine suivante, il est en visio avec les 100 préfets de département. Dix jours plus tôt, la troisième mission d’information sénatoriale mobilisée auditionnait des directeurs d’agences de l’eau. En outre, pour tirer les enseignements pratiques de la sécheresse historique de 2022, une mission est confiée aux inspections générales, charge à elles d’établir un retour d’expérience auprès de l’ensemble des acteurs et usagers et de formuler des propositions d’amélioration. La mission, en cours, devrait rendre ses conclusions au 1er trimestre 2023.

    Des « solutions » ineptes

    Cette mise en scène à grand spectacle se distingue principalement... par son inanité : loin de répondre aux enjeux d’une crise systémique, il s’agit en s’appuyant sur des « évidences » (qui n’en sont pas) de « vendre » du vent en agitant des « solutions » (qui n’en sont pas) tout en promouvant une fuite en avant technologique qui elle va rapporter des milliards aux usual suspects du secteur...

    À Savines-le-Lac, dans ses mesures phare, Emmanuel Macron a notamment insisté jeudi dernier sur la nécessité de lutter contre les fuites pour atteindre les objectifs fixés - et « faire 10% d’économie d’eau ». En les réparant ?

    Édifié depuis la moitié du XIXème siècle, le linéaire du réseau français d’adduction d’eau atteint quelque 880 000 kilomètres. Estimé à 1 000 milliards d’euros, ce patrimoine national a été à l’origine largement financé sur fonds publics, avant l’invention de la facture d’eau. Propriété des collectivités locales, son taux de renouvellement est en deçà de ce qu’il devrait être idéalement (1% par an), calé logiquement sur la durée de vie des tuyaux.

    « Parce que tout ça, c’est le fruit de quoi ?, a fait mine de s’interroger Emmanuel Macron la semaine dernière. De sous-investissements historiques. Et pourquoi on se retrouve collectivement dans cette situation ? C’est que pendant très longtemps, on s’est habitué à ne plus investir dans nos réseaux d’eau ».

    Face à cette situation, la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 (dite loi « Grenelle II ») a introduit deux dispositions : l’obligation tant pour les services d’eau que d’assainissement d’établir pour fin 2013 un descriptif détaillé de leurs réseaux d’une part, et l’obligation pour les services de distribution de définir un plan d’actions dans les deux ans lorsque les pertes d’eau en réseaux sont supérieures au seuil fixé par décret (n° 2012-97 du 27 janvier 2012).

    En clair, si son réseau est excessivement percé, la collectivité sera pénalisée en se voyant imposer un doublement de la redevance « prélèvement » perçue par les agences de l’eau sur les factures des usagers. Par ailleurs, plus « incitatif », la Banque des territoires (Caisse des dépôts et consignations) a ouvert ces dernières années une ligne de crédit de 2 milliards d’euros « [d’]Aquaprêt ». Les collectivités sont donc invitées à s’endetter pour changer leurs tuyaux. Succès mitigé jusqu’à aujourd’hui.

    Pour donner la mesure du problème, il est utile de savoir que changer un kilomètre de tuyau coûte entre 50 000 et 200 000 euros. Depuis trois ans, regroupées sous la bannière « Canalisateurs de France », les entreprises du secteur ont augmenté leurs tarifs de 30 à 40%.

    Autrement dit, une fois ces éléments précisés, aucune progression sensible n’est à attendre sur la question des fuites. Il va donc falloir trouver ailleurs.

    D’autant que si Emmanuel Macron annonce des financements (180 millions d’euros par an « sur nos points noirs), il s’est bien gardé de préciser l’origine de ces fonds (en encadré).

    Les eaux usées, plan juteux des majors

    Devant les élus, face aux Alpes qui le toisaient, le chef de l’Etat a insisté sur une autre mesure forte : il faut « investir massivement dans la réutilisation des eaux usées », a-t-il asséné avec un air entendu.

    Réutiliser les eaux usées ? Encore une fausse bonne idée « frappée au coin du bon sens ». Pour le mesurer et se faire une idée de l’annonce présidentielle, il faut là aussi comprendre de quoi il s’agit. Cette idée est en réalité promue depuis une vingtaine d’années au fil d’un lobbying effréné de Veolia, Suez et de la Saur.

    Concrètement, il existe aujourd’hui à peine 80 unités de « réutilisation des eaux usées traitées » (REUT) dans l’hexagone, pour plus de 22 330 stations d’épuration, de la petite installation qui traite les rejets de quelques centaines d’usagers aux complexes géants implantés dans les métropoles.

    Le traitement des eaux usées n’a pas pour objectif de la rendre potable. Avant d’être traitée, cette eau usée reçoit un prétraitement afin d’éliminer le sable et les autres matières en suspension. Le process consiste ensuite à opérer des filtrations et traitements (mécanique, biologique, physico-chimique…) avant de la rejeter d’une qualité acceptable, fixée par la réglementation, dans le milieu naturel (les lacs, les rivières, la mer, etc).

    L’épuration classique, dite par boue activée, s’inspire du domaine naturel. Plus précisément des rivières, qui développent des boues au sol afin de supprimer la pollution - elle s’en nourrit. Dans une installation traditionnelle, on fournit de l’oxygène à la boue pour satisfaire ses besoins énergétiques et on la laisse se nourrir, avant de la séparer de l’eau traitée à l’aide d’un clarificateur. Les filières les plus modernes peuvent aujourd’hui compter jusqu’à 10 étapes de traitement successives, jusqu’aux ultra-violets (UV).

    Plus coûteux et bien moins répandu, le traitement membranaire repose sur le même principe, mais au lieu d’utiliser un clarificateur les membranes filtrent la liqueur mixte.

    Avec la REUT, il s’agit de mobiliser des traitements complémentaires pour améliorer la qualité de l’eau usée. L’objectif n’est plus de la rejeter dans le milieu naturel mais de l’utiliser pour l’irrigation, l’arrosage des espaces verts, des golfs ou la réalimentation des nappes phréatiques, des captages ou des réserves qui servent à produire de l’eau potable, comme Veolia l’expérimente à grande échelle en Vendée.

    Revers de la médaille, c’est... autant d’eau qui ne revient pas au milieu, qui en a pourtant besoin, les rivières comme les nappes phréatiques, pour le maintien du cycle naturel - sans négliger les inquiétudes suscitées par le contrôle sanitaire des eaux ainsi « réutilisées » par ses usagers. Sur ce terrain, les expérimentations citées en exemples par les défenseurs de l’usage de la REUT pour l’irrigation dans le sud de l’Espagne ou en Italie (jusqu’à 10% des eaux usées y sont retraitées) montrent plutôt le chemin à éviter : les systèmes hydrologiques concernés y ont été gravement dégradés par un recours intensif à la REUT…

    On retrouve ici encore les mêmes à la manœuvre. Car pour Veolia, Suez et Saur, nouveaux usages « non conventionnels » veut dire d’abord et surtout nouvelles filières, nouvelles technologies, donc nouveaux marchés… Ces lobbies ont déjà convaincu le gouvernement qu’il fallait « faire sauter les entraves règlementaires qui pénalisent le développement des projets ». Comme en atteste le décret publié le 11 mars 2022, censé encadrer cette pratique, réputée « incontournable » pour répondre aux tensions qui se font jour sur la disponibilité des ressources en eau.
    Construire des bassines ?

    La question de l’irrigation de l’agriculture est devenue sensible à l’aube des années 2000, dans plusieurs grandes régions françaises - la Charente, le Sud-Ouest, la Beauce, la Picardie, terres d’élection des grandes cultures irriguées. Alors que le changement climatique affecte déjà le cycle hydrologique, la fuite en avant d’un modèle agricole productiviste délétère va dès lors entrer en contradiction avec une gestion soutenable de la ressource en eau.

    L’impasse s’est faite jour dans le courant des années 80 quand l’Etat a considéré que tout prélèvement au-dessus d’un certain seuil devait faire l’objet d’une déclaration à ses services, après avoir délivré des autorisations au coup par coup, sans aucune limite, pendant des décennies. Une situation intenable.

    Chaque été, les préfets d’une vingtaine de départements prennent de manière récurrente des arrêtés sécheresse et 30% du territoire métropolitain est considéré en déficit structurel. « On a une quinzaine de départements, dont les Hautes-Alpes d’ailleurs, qui sont d’ores et déjà placés en vigilance », a rappelé le président de la République la semaine dernière. « On a ensuite une dizaine de départements qui sont d’ores et déjà en alerte ou alerte renforcée dans certaines zones », a-t-il encore ajouté.

    La récente actualité, avec le choc des images de Sainte-Soline, a définitivement popularisé le sujet des grandes bassines. Mais, au juste, qu’est-ce qu’une bassine ? Cet ouvrage de stockage d’eau pour l’irrigation est constitué de plusieurs hectares de bâches en plastique retenues par des remblais de 10 à 15 mètres. Mais il ne se remplit pas avec de l’eau de pluie en hiver : avec une pluviométrie moyenne de 800 mm par an, il faudrait... 15 ans pour la remplir. Elle n’est pas davantage alimentée par de l’eau de ruissellement, comme celle des crues - comme le sont les retenues collinaires. Les bassines sont donc remplies par l’eau des nappes phréatiques, ce à quoi s’opposent les militants mobilisés le 25 mars dernier dans les Deux-Sèvres. Il faut compter 2 mois pour remplir une bassine avec des pompes travaillant à 500m3/H.

    Une fois capturée, l’eau est exposée au soleil, à l’évaporation et à la prolifération bactérienne ou algale. Elle servira alors principalement à irriguer du maïs destiné à nourrir le bétail, dont une bonne partie sera exportée avant que nous réimportions le bétail qui s’en nourrit. On dénombre aujourd’hui une bonne quarantaine de sites avec des grandes bassines (ou des projets) sur le sol national.

    Depuis un demi-siècle, on se débarrassait au printemps de l’eau « excédentaire » pour pouvoir effectuer les semis. On a drainé prairies et zones humides, « rectifié » les rivières pour évacuer l’eau. Ces opérations ont eu pour résultat une diminution des prairies et une augmentation de l’assolement en céréales. Mais à force d’évacuer l’eau, on a commencé à subir les sécheresses et les irrigants ont commencé à pomper l’eau des nappes.

    La loi NOTRe à la poubelle ?

    Comme si ça ne suffisait pas, la loi NOTRe de 2015 - loi phare du mandat Hollande qui avait pour objectif de rationaliser l’organisation des 35 000 services d’eau et d’assainissement français jusqu’alors gérés par les communes, en transférant ces compétences aux intercommunalités - n’a cessé d’être détricotée par les élus locaux qui n’ont jamais accepté d’être privés de leurs prérogatives.

    Après trois premières lois rectificatives, une quatrième offensive est venue du Sénat : la chambre haute examinait le 15 mars une nouvelle proposition de loi qui prévoit que même si les compétences ont déjà été transférées il serait possible de revenir en arrière, même pour les interco ayant procédé à la prise de compétences ! « On ne pourrait rêver pire pour créer un bordel ingérable », soupire un haut responsable de la direction générale des collectivités locals du ministère de l’Intérieur.

    Dans son rapport annuel 2023, la Cour des comptes a posé le dernier clou au cercueil, dans le chapitre qu’elle consacre à la politique de l’eau en France. Conclusion d’une enquête d’ampleur menée avec les treize chambres régionales, le texte n’y va pas de main morte pour dénoncer cette mascarade : « Elle est incohérente [et ] inadaptée aux enjeux de la gestion quantitative de la ressource », fulmine-t-elle. Cette politique, telle qu’elle est menée, souffre de « la complexité et du manque de lisibilité de son organisation », constatent les sages.

    La Cour fustige, les lobbies dansent...

    Exemple ? Près de la moitié des sous-bassins hydrographiques ne sont pas couverts par un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage), dont l’élaboration... conditionne pourtant la mise en œuvre concrète des orientations du Sdage.

    « Lorsqu’ils existent, le contenu de ces schémas n’est pas toujours satisfaisant en raison de leur durée moyenne d’élaboration, proche d’une dizaine d’années, de l’ancienneté des données sur lesquelles ils s’appuient et de l’absence d’objectifs de réduction des consommations d’eau », pointent les magistrats financiers. Face à ces constats d’une sévérité sans précédent, la Cour des comptes demande donc de la « clarifier » en suivant mieux la géographie de l’eau et recommande de la (re)structurer autour du périmètre des sous-bassins versants.

    Mais qu’importent ces sombres augures et leurs appels... Le 22 mars, on se réjouissait, c’est bien là l’essentiel : Canalisateurs de France - les marchands de tuyaux qui réclament de 3 à 4 milliards d’euros d’investissements supplémentaires chaque année - organisaient un grand raout : une « matinée de l’eau » avec pour « grand témoin » l’incontournable Erik Orsenna, l’homme... qui se vantait de faire commerce de son entregent dans un portrait criant de vérité publié en 2016 par M le Monde. Le ton était donné.

    Dans ces conditions, après avoir observé pendant des mois ce qui se passait en coulisses, et constaté l’omniprésence de lobbies toujours plus offensifs, on ne pouvait s’attendre qu’au pire à l’annonce du fameux plan eau du gouvernement. A la lecture du document diffusé dans la foulée du discours d’Emmanuel Macron, on doit le dire, on n’a pas été déçu. Entre énièmes déclarations d’intention (jamais suivies d’effets), camouflage du réel, empilement de gadgets ineptes - le baromètre de ceci, le thermomètre de cela... -, le président de la République s’est fait le VRP d’un « plan waouh ». Présenté comme la « modernisation sans précédent de notre politique de l’eau », il tient en réalité du concours Lépine et du catalogue de la Redoute.

    À la sortie, une (seule) chose est acquise : l’été sera chaud. Et l’exercice d’esbroufe ne règlera rien.

    https://www.blast-info.fr/articles/2023/macron-le-grand-plan-eau-qui-fait-flop-lojNnq91RhyU46bCLV9S0w

    #eau #plan_eau #lobbies #Macron #plan #mesures #sécheresse #plan_sécheresse #REUT #réutilisation_des_eaux_usées_traitées #FP2E #télérelève #Veolia #Suez #Saur #lobby #FNCCR #Comité_national_de_l’eau #Comité_de_bassin_Seine-Normandie #RIM #irrigation #bassines #changement_climatique #irrigation_agricole #agriculture #Compagnie_d’aménagement_des_coteaux_de_Gascogne (#CACG) #zéro_artificialisation #dépolitisation #politique #politique_de_l'eau #technostructure #gouvernance #SDAGE #SAGE #schéma_d'aménagement_et_de_gestion_des_eaux #schéma_directeur_d'aménagement_et_de_gestion_des_eaux #politique_publique #libéralisme #comité_d’anticipation_et_de_suivi_hydrologique (#CASH) #inaction #réseau #investissements #sous-investissement #Aquaprêt #collectivités_locales #Canalisateurs_de_France #fuites #eaux_usées #épuration #bassines #nappes_phréatiques #industrie_agro-alimentaire #loi_NOTRe

    –—

    voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/997687

  • Ecologie et urbanisme

    A Toulouse, deux cours d’eau longeant la Garonne ont été asséchés (ils servaient de canals de fuite aux anciens moulins) : La Garonnette pour L’île de Tounis en 1954 et le chemin d’eau du Canalet vers 1960 pour les Amidonniers qui est devenu la promenade de la coulée verte .

    Toulouse fait peu de cas de ses cours d’eau ou de ces canaux comme le canal du midi, allant dans les années 70 jusqu’à vouloir les recouvrir pour y circuler en véhicules motorisés. Au niveau des ponts-jumeaux, à la croisée du canal du midi, du canal de Brienne et du canal latéral, c’est carrément un massacre monumental puisque c’est tout simplement la sortie du périphérique qui poursuit ensuite sa route en longeant au canal latéral. On peut toujours espérer que la stratégie actuelle médiatico électoraliste bouge, mais préserver l’environnement naturel est toujours un manque à gagner pour les promoteurs immobiliers et leur maire. Destruction de jardins, de vergers, de maisons d’architecte, quartiers entiers rasés et reconstruit sans arbres ni jardin, enfumage avec un écoquartier de béton face auquel les logement HLM d’Empalot des années 70 c’est bisounours avec bien plus d’espace verts, construction au raz des trottoirs, logement à prix inabordable etc. Toute une philosophie de droite macroniste de bas niveau qui considère la biodiversité comme d’extrême gauche, donc à éradiquer et à remplacer par des tulipes à arrosage automatique.

    J’alimenterai ce fil au fur et à mesure.

  • Où pomper l’eau ? Le dilemme des céréaliers de la plaine de l’#Ain

    Pour continuer d’irriguer leur #maïs même en période de #sécheresse, des agriculteurs prélèvent l’eau du Rhône. Une sécurité vitale aux yeux de beaucoup d’exploitants, une « fuite en avant » selon d’autres.

    Par la fenêtre de son pick-up, Éric Viollet balaie d’un geste ses épis de maïs. « Ils commencent à fleurir, pourtant cette année ils ont souffert ! » Au milieu de ses 170 hectares de céréales, dans la commune de Leyment (Ain), l’agriculteur est serein.

    Quelques jours plus tôt, au milieu du mois de juin, la température approchait ici les 35 degrés. Une canicule particulièrement précoce, doublée de tensions sur la ressource en eau, qui a conduit les services de l’État à placer le bassin de la plaine de l’Ain en alerte sécheresse. Une décision couperet pour les quelque 180 céréaliers de ce territoire situé au nord-est de Lyon, interdits d’arroser leurs cultures pendant les week-ends.

    Pas de quoi troubler Éric Viollet, posté devant un « enrouleur », sorte de grand tuyau d’arrosage. Sécheresse ou pas, cette année son maïs devrait être irrigué environ huit fois. « Les restrictions d’eau ne nous concernent pas », résume-t-il. Car les arrêtés préfectoraux s’appliquent uniquement aux agriculteurs qui prélèvent leur eau dans la nappe d’accompagnement de la rivière d’Ain. Mais depuis plusieurs années, des dizaines d’exploitants du secteur se sont tournés vers une autre source, beaucoup plus abondante : le Rhône, qui coule à quelques kilomètres du champ d’Éric Viollet.

    Aujourd’hui, plus de la moitié des 8 000 hectares irrigués par les 250 kilomètres de canalisations de l’Association syndicale d’irrigation de l’Ain (Asia) le sont grâce à l’eau du fleuve. « C’est très sécurisant, ça nous enlève beaucoup de stress », résume Éric Viollet.

    La bascule s’est faite progressivement. Créée après la sécheresse historique de 1976, l’Asia a d’abord compté sur des dizaines de captages dans les nappes pour approvisionner ses adhérents. « Mon père n’arrosait pas ses maïs. J’ai créé trois forages après avoir repris l’exploitation en 1985 », raconte Éric Viollet.

    Une première station de pompage dans le Rhône voit le jour en 1992. Trois autres suivront. La dernière, inaugurée en 2018 à Lagnieu, est capable de prélever près de 4 millions de mètres cubes d’eau par an et approvisionne une vingtaine d’agriculteurs installés à proximité.

    Dans ce grand hangar en bordure du fleuve, Fabien Thomazet veille sur une dizaine de pompes, de gros tuyaux bleus et quelques voyants de contrôle. Salarié de la chambre d’agriculture de l’Ain mis à disposition de l’Asia, il est tranquille ce matin-là : de grosses averses battent le secteur depuis deux jours. « Pour nous, cette pluie vaut de l’or », déclare-t-il dans un sourire.

    En 48 heures, presque 100 millimètres d’eau sont tombés sur la plaine de l’Ain. Les agriculteurs n’auront pas besoin de ses services, pour quelques jours en tout cas. Mais les sols caillouteux du secteur ne permettent pas de stocker beaucoup d’eau. Si la chaleur revient, il faudra à nouveau irriguer.
    Réseau collectif

    L’Ain est fragile. En temps normal, la nappe joue un rôle de soutien d’étiage, en rendant de l’eau à la rivière lorsque son niveau est bas en été. Mais, depuis les années 2000, le bassin versant de la Basse-Vallée de l’Ain a été identifié comme étant en déficit quantitatif dans le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage), le document de référence en matière de gestion des eaux.

    En 2014, une étude a montré que les prélèvements dans la nappe réduisaient l’apport d’eau fraîche dans la rivière pendant l’été. Tous les usagers sont appelés à diminuer leur consommation. Les agriculteurs, qui représentent près de la moitié des prélèvements, sont en première ligne.

    « On a vite compris qu’on allait nous demander de moins taper dans la nappe, raconte Fabien Thomazet. Soit on acceptait de réduire nos capacités d’irrigation et donc nos rendements, soit on ne faisait rien et on allait au conflit permanent avec les instances de gestion de l’eau, soit on proposait une solution. » Rapidement émerge l’idée de concentrer les efforts sur une seule zone de quatre communes, en pompant dans le Rhône.

    Le chantier est colossal : il faut bâtir une station au bord du fleuve et poser 38 nouveaux kilomètres de canalisations pour amener l’eau jusqu’aux champs. Une vingtaine d’exploitants acceptent de reboucher une quarantaine de puits et de basculer sur le réseau collectif.

    Au total, le projet coûte près de 13 millions d’euros, financé à 80 % par l’Agence de l’eau et des subventions publiques. Il reste environ deux millions d’euros à la charge des agriculteurs. « Il a fallu les convaincre d’investir, alors que beaucoup avaient déjà amorti leurs équipements », se souvient Fabien Thomazet.

    Éric Viollet a fait le calcul. Entre ces nouveaux investissements et les volumes d’eau facturés, l’irrigation lui coûte près de 340 euros par hectare et par an. « En gros, sur 125 quintaux de maïs produits, 25 servent à payer l’arrosage. C’est cher mais c’est une assurance. C’est 100 quintaux que je suis sûr de faire chaque année. »

    Avec ce système, 4 millions de mètres cubes sont désormais prélevés dans le Rhône et non plus dans la nappe. Mais le fleuve lui-même ne sera pas épargné par le changement climatique. L’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, qui gère la ressource pour le quart sud-est de la France, mène actuellement une étude sur le sujet. Selon ses premières projections, le débit du Rhône pourrait diminuer de 25 à 30 % d’ici à 2050.

    Mais le fleuve reste « de très loin » celui qui a les débits d’étiage les plus élevés en France, grâce au « château d’eau des Alpes », nuance Laurent Roy, directeur général de l’agence. « Pendant l’été, la consommation nette liée aux prélèvements dans le Rhône représente 15 % de son débit. Ça laisse 85 % qu’on ne touche pas. On a encore une grosse marge », précise-t-il.

    Mais tous les agriculteurs de l’Ain ne partagent pas cet optimisme. « On ne peut pas utiliser toujours plus d’eau comme si c’était illimité », regrette Geoffrey Levrat, installé dans la commune de Sainte-Croix. Cet éleveur de 28 ans gère une trentaine d’hectares anciennement cultivés en maïs par son père, qu’il a convertis en prairies pour ses 150 brebis. « Dans la plaine de l’Ain, une grosse partie du maïs irrigué est utilisé pour nourrir le bétail. Pour moi, ce n’est pas tenable », estime-t-il. « Pomper de l’eau dans le Rhône, ça donne l’impression d’une fuite en avant. C’est comme les mégabassines, on cherche à prendre toujours plus d’eau, sans se poser de questions sur le modèle de départ », poursuit le jeune agriculteur.
    Accès inégal aux subventions publiques

    Dans ce secteur du sud de la Dombes, les sécheresses sont particulièrement intenses. Durant l’été 2020, le village voisin de Pizay a dû être réapprovisionné par un camion-citerne. Le puits qui assure l’alimentation en eau potable de la commune ne produisait plus assez d’eau pour remplir le réservoir. Cette année, Geoffrey Levrat a mis ses brebis au foin dès le mois de mai, faute d’herbe suffisante sur ses prairies. « Du jamais-vu. »

    En parallèle, le cycle naturel de l’eau s’est modifié. « Au fil des ans, on a supprimé beaucoup de zones humides qui permettaient à l’eau de s’infiltrer, en les drainant pour faire des céréales, c’est une approche qui ne fonctionne plus », décrit Geoffrey Levrat, qui suit le sujet de l’eau pour la Confédération paysanne de l’Ain. À ses yeux, la station de pompage de Lagnieu illustre aussi l’accès inégal aux subventions publiques.

    « Ici, j’ai fait un petit forage pour abreuver mes bêtes, explique-t-il. Je n’ai eu aucun financement. Si cela avait été pour irriguer des céréales, 40 % du coût auraient été pris en charge. » Selon lui, le système actuel « concentre les aides » sur un petit nombre d’agriculteurs. « La majorité des céréaliers du coin n’irriguent pas. Mais c’est sûr qu’ils n’ont pas les mêmes rendements ! »

    Sur ses terres, Geoffrey Levrat s’est lancé dans l’agroforesterie. Une technique qui consiste à planter des arbres au milieu de ses prairies. « L’ombre permet au sol de gagner en fraîcheur et en humidité », assure-t-il. Quant aux céréaliers, « ils pourraient peut-être passer à d’autres cultures moins gourmandes en eau que le maïs », suggère-t-il.

    « Certains ont essayé de planter du sorgho, qui demande beaucoup moins d’eau. Mais il n’y a pas de débouchés pour l’instant, pondère Fabien Thomazet. Beaucoup de gens voient les agriculteurs comme des curés au service des habitants, mais ce sont d’abord des chefs d’entreprise. Ils produisent ce qu’ils peuvent vendre ! » Au passage, le responsable de l’irrigation pointe la part de l’eau potable dans les prélèvements locaux, qui n’aurait pas diminué depuis plusieurs années. La faute à une croissance démographique synonyme de hausse de la consommation et d’imperméabilisation des sols, souligne-t-il. « Dans mon petit village, 50 maisons ont été construites en trois ans. On ne peut pas continuer comme ça. »

    En attendant un changement de cap, d’autres agriculteurs continuent de puiser dans la nappe. À l’image de l’EARL (Exploitation agricole à responsabilité limitée) de Lormet, plus au nord. L’exploitation peut prélever en théorie jusqu’à un million de mètres cubes d’eau par an dans ses six puits pour irriguer près de 700 hectares. Une énorme machine fragilisée par les sécheresses. Il y a quelques années, l’entreprise avait étudié la possibilité de pomper dans l’Ain mais les instances locales ont refusé le projet, raconte Mathieu Fournier, l’un des gérants. Le raccordement au réseau d’irrigation en provenance du Rhône serait trop coûteux.

    Depuis vingt ans, l’agriculteur assure avoir changé ses pratiques pour s’adapter aux restrictions d’eau. « On ne fait plus n’importe quoi, nous sommes sensibles au sujet », plaide Mathieu Fournier. « Mais on ne peut pas nous demander au dernier moment de nous restreindre », prévient-il. Mi-juin, il a décidé d’arroser le week-end, alors que l’alerte sécheresse avait été décrétée la veille par la préfecture. « On a préféré risquer l’amende plutôt que de ne pas irriguer à un moment aussi crucial pour nos cultures. »

    https://www.mediapart.fr/journal/france/060822/ou-pomper-l-eau-le-dilemme-des-cerealiers-de-la-plaine-de-l-ain

    #irrigation #France #agriculture #alerte_sécheresse #Rhône #pompage #fleuve #nappe_phréatique #canalisations #céréaliculture #subventions_publiques

    • Et le 2e épisode
      Petits #canaux contre « idéologie du #tuyau », une guerre de l’irrigation

      Très ancrés dans les territoires montagneux du sud de la France, prisés par les habitants, les #béals sont encore vitaux pour de nombreux agriculteurs. Mais cette gestion collective et traditionnelle de l’eau se heurte à la logique de #rationalisation de la ressource des services de l’État.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/080822/petits-canaux-contre-ideologie-du-tuyau-une-guerre-de-l-irrigation
      #tuyaux

      déjà signalé par @olaf :
      https://seenthis.net/messages/969561

    • Dans les #fontaines_publiques, l’eau ne coule plus à flots

      Faute de moyens pour passer à des systèmes moins consommateurs en eau en période de sécheresse, de plus en plus de fontaines publiques sont fermées. Des Vosges à la Bretagne en passant par les Alpes-Maritimes, leur disparition marque la fin de « l’illusion de la disponibilité infinie de l’eau ».

      Sur la place Stanislas, au cœur de Nancy, vendredi 1er juillet, les terrasses sont bien remplies. Les touristes défilent pour prendre des selfies devant les imposantes fontaines du XVIIIe siècle, sans se soucier de ce qui se joue à l’intérieur des somptueux édifices. Depuis longtemps, l’eau n’y coule plus en continu mais en circuit fermé. Autrement dit, elle est recyclée.

      « Depuis toujours, l’eau fédère les gens, apporte de la vie », commente Étienne Martin, docteur en géographie historique. Mais l’expert a des regrets : « On n’a gardé que les fontaines de patrimoine, beaucoup de petites ont été supprimées. » Dans son ouvrage Les fontaines de Nancy d’hier et d’aujourd’hui, le chercheur recense non seulement les fontaines encore en service, dont la plus ancienne a plus de cinq cents ans, mais aussi un grand nombre de fontaines aujourd’hui effacées de l’espace public.

      Une balade en ville suffit pour en retrouver les traces : ces grandes places quasiment vides, ces jeux d’eau laissés à l’abandon ou cette ancienne esplanade d’eau à moitié couverte de végétation. Martin avoue ne pas trop aimer le dernier modèle en date, une « fontaine sèche » (appelée ainsi à cause de l’absence d’un bassin extérieur) au parc de la Pépinière, un des grands parcs de la ville.

      « Je n’y vois que du ciment avec une grille », grince l’historien local. Il est vrai que l’équipement inauguré fin juin a moins de superbe que son prédécesseur. À la place d’une dizaine de jets d’eau montant jusqu’à douze mètres, ce « nouvel îlot de fraîcheur » est composé, certes, de soixante-dix jets, mais allant seulement « jusqu’à cinq mètres de hauteur de diffusion d’eau ». La ville explique ce choix par « une gestion raisonnée des besoins en eau » et un entretien plus facile.

      D’année en année, les deux tiers des Français sont désormais concernés par des restrictions d’eau. Les fontaines publiques n’y échappent pas. Si elles n’ont pas été transformées en cycle fermé, ce qui est souvent le cas dans les petites communes, le robinet doit rester fermé en cas de sécheresse. Ne disposant pas d’une trésorerie nécessaire pour mettre aux normes environnementales leurs fontaines, certaines communes les désactivent, au moins temporairement, ou les démontent complètement.

      En 2010 déjà, le Conseil d’État s’inquiétait de la disparition des fontaines publiques qui restreint l’accès à l’eau des personnes sans abri. La tendance semble s’accélérer avec le réchauffement climatique. L’été dernier, la démolition d’une vielle fontaine à Nice a fait polémique. Sur Wikipédia, une page est dédiée aux fontaines disparues de Paris, dont la liste ne cesse de croître.
      L’Est très concerné

      « Aujourd’hui, on croit que l’eau a toujours coulé partout », s’étonne Jean-Marie Chevrier, habitant de Valfroicourt, petite commune vosgienne, non loin de Vittel. « Quand j’étais gamin, on avait la chance d’avoir une source qui approvisionnait notre maison et notre ferme. Les gens du quartier allaient au seau pour chercher l’eau à la fontaine publique. » La plus grande fontaine du village, la fontaine du Lion, d’ailleurs encore existante, ravitaillait les gens du quartier en eau potable. Un bassin servait à la lessive, un autre à l’abreuvement des animaux.

      Comme dans le Sud, l’est de la France est désormais particulièrement touché par le manque d’eau. Lors de la sécheresse de 2018, rien que dans le département des Vosges, trente et une communes étaient concernées par une pénurie d’eau ou un risque de pénurie. En Lorraine, douze villages ont dû être alimentés par camion-citerne. En 2022, la situation semble encore pire. Les camions-citernes circulent un peu partout. La ville balnéaire de Gérardmer a fait les gros titres à cause de sa stratégie de pomper l’eau potable depuis son lac.

      Les fontaines, elles aussi, sont victimes de la sécheresse. Un « grand nombre » des fontaines-abreuvoirs des Vosges « n’est aujourd’hui plus en eau, sert de bac à fleurs, a été dénaturé, voire détruit car gênant la circulation », déplore la Région dans un inventaire général.

      « Ces fontaines ont été, pour la plupart, installées au début du XIXe siècle. Aujourd’hui, seulement une infime partie sont encore en service », explique Vanessa Varvenne, historienne du patrimoine responsable de ce recensement de quelque 2 500 fontaines, lavoirs et abreuvoirs, terminé en 2016. Selon l’experte, beaucoup de communes n’auraient pas « les reins assez solides » pour les entretenir.

      Dans la commune vosgienne d’Esley, la solution a été radicale : deux des quatre fontaines ont été récemment supprimées. À Médonville, dans le même secteur, la fontaine Jeanne-d’Arc, à cycle ouvert, coule à un « débit très limité », comme le précise Patricia Pech, la maire. « Financièrement, on ne peut pas réparer les fuites », explique-t-elle.

      Non loin de là, à Dombrot-le-Sec, l’une des communes desservies en 2018 par camion-citerne, la mairie décide régulièrement de fermer les robinets de la fontaine du village. Cette dernière doit encore être mise aux normes, explique le maire, Bernard Salquebre. Il insiste : « Non, l’eau n’est pas abandonnée à Dombrot-le-Sec. » La ville serait seulement « dans la phase de renouvellement de la quasi-totalité des conduites d’eau de distribution et bientôt en fin de mise en place ». La fontaine, elle, sera bientôt remise en service.
      Priorité à l’eau potable

      Dans quelques communes des Alpes-Maritimes, une action symbolique a fait beaucoup parler. Dans une décision jointe, dix-huit communes du pays de Grasse ont coupé en avril dernier l’eau de leurs fontaines. « Dans le Sud, nous avons connu un hiver particulièrement doux, avec peu de précipitations, si bien que la plupart de nos sources, dont la principale, la source de la Pare, n’ont pas bénéficié de recharges hivernales », explique Pierre Bornet, maire de Cabris. « Les giboulées de mars et d’avril n’étaient pas au rendez-vous », si bien que, début avril 2022, « cette source était à son plus bas niveau historique à cette période », explique-t-il.

      Une situation « inquiétante », poursuit le maire. « Partant d’un tel niveau, nous risquons, si la sécheresse continue, de ne plus avoir de ressources en eau dans l’été. Avec les élus des différentes communes, nous avons décidé d’alerter la population, par cette action symbolique de couper l’alimentation des fontaines des villages, qui sont desservies par le réseau d’eau potable. »

      Pour l’élu, certes « l’eau au niveau des fontaines est un élément patrimonial important en Provence, signe de fraîcheur et de vie, mais puisque ces fontaines sont alimentées en eau potable, en tant que responsables de la gestion de l’eau, nous avons aussi un devoir d’exemplarité ». Fin juin, un arrêté de sécheresse confirme cette voie, renforcée encore fin juillet.

      Ce manque d’eau potable commence à prendre de l’ampleur et touche désormais aussi des régions comme la Bretagne. « Dans les années 80, 90, beaucoup de nos fontaines ont fermé à cause de problèmes de qualité. À cela s’ajoute maintenant la sécheresse », explique Thierry Burlot, vice-président du Cercle de l’eau et président du Comité de bassin Loire-Bretagne.

      Dans certaines villes comme Dinard, des fontaines ont été coupées depuis le printemps, à la suite des arrêtés sécheresse. Sur l’île de Groix, où les fontaines publiques, entretenues par une association locale, ne sont plus alimentées depuis le mois de mai, les autorités demandent même aux habitants de « limiter leur consommation d’eau domestique » par crainte de devoir importer de l’eau depuis le continent. Finalement, début août, une solution d’installation d’une unité de dessalement a été privilégiée.
      En attendant, des bacs à fleurs

      Dans beaucoup de communes, des fontaines sont temporairement hors service, parfois pendant des années. À Walbach, dans le Haut-Rhin, la fontaine locale, le « Stockbrunna », a dû rester fermée à plusieurs reprises. La mairie a donc décidé, au printemps 2021, de la transformer en bac à fleurs.

      Malgré l’opposition de quelques conseillers et « plusieurs courriers émanant d’habitants du village qui expriment également leur désaccord », le Stockbrunna attend sa transformation en cycle fermé, annoncée pour le printemps prochain. Même image à Bavans, petite commune dans le Doubs, où un habitant a récolté plus de 400 signatures contre le « changement d’affectation de la fontaine ». N’estimant pas avoir les fonds nécessaires pour réparer les fuites, la municipalité avait rempli sa fontaine de gravier et de terre.

      Une solution a été trouvée à Oyonnax, dans l’Ain, au bout de quatre années de fontaine à sec. En réponse au cri d’alerte d’un collectif de citoyens dans la presse locale, des mécènes se sont occupés de sa réparation.
      Des fontaines à louer

      Faute de moyens, beaucoup de communes se tournent vers le privé, comme à Paris. La place Stravinsky avec sa fameuse fontaine peut être louée, tout comme celle du Trocadéro, pour 400 000 euros, ou le musée Maillol avec sa fontaine des Quatre-Saisons. Régulièrement, des appels à dons sont lancés, récemment pour le restaurant de la place de la Concorde et ses deux fontaines, apparemment une nécessité pour la ville lourdement endettée.

      À Bordeaux, le sujet des fontaines a même fait irruption dans la dernière campagne municipale. Les socialistes avaient réalisé une carte virtuelle pour montrer « la difficulté de trouver de l’eau potable à Bordeaux et pour pousser la ville à remettre en service les fontaines publiques ».

      Le message a été entendu par la nouvelle municipalité, écologiste. « Il y avait du vandalisme et de grosses fuites », se souvient Maxime Ghesquiere, conseiller municipal délégué à la gestion du cycle de l’eau. Une de ses premières décisions : mettre les fontaines en régie et investir dans les réparations.

      Refaire une fontaine ornementale coûterait « des dizaines, voire parfois des centaines de milliers d’euros », explique Régis Taisne, chef du département « cycle de l’eau » de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). À ses yeux, les petites fontaines en cycle fermé sont le compromis idéal : « Pour un coût limité, elles permettent un côté vivant et le maintien de l’illusion de la disponibilité infinie de l’eau. »

      https://www.mediapart.fr/journal/france/100822/dans-les-fontaines-publiques-l-eau-ne-coule-plus-flots

    • La sécheresse fait craquer de plus en plus de maisons

      Depuis 2015, les périodes de sécheresse s’enchaînent et affectent les sols argileux. Plus de 10 millions de maisons en France sont sur des zones à risque et peuvent se fissurer. Un enjeu à plusieurs dizaines de milliards d’euros pour les assurances.

      Même passé midi, en pleine canicule, des grappes de cyclistes pédalent à tout va en direction du mont Ventoux. Dans les villages des Baronnies provençales, on les retrouve assoiffés dans les bistrots bordés de platanes. Ce jour-là, au tout début de l’été, la Drôme est en alerte orange. Depuis des semaines, un vent sec balaye le domaine de Frédéric Alaïmo, 60 hectares de cultures, à La Penne-sur-l’Ouvèze. « Je fais du raisin de table mais les feuilles commencent à jaunir. Nos oliviers souffrent », montre le propriétaire.

      Sous les pieds, la terre a viré au gris et se fissure de jour en jour. Sa maison aussi.

      Comme des éponges, les sols argileux se rétractent en période de sécheresse et regonflent avec les pluies. La succession et l’intensité de ces phénomènes peuvent créer des mouvements de terrain, des tassements. La bâtisse de Frédéric Alaïmo fait partie des 10,4 millions de maisons moyennement ou fortement exposées à ce phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA), soit 54 % des maisons en France, selon les données du ministère de la transition écologique. Une victime de plus des risques climatiques.

      « J’ai connu la sécheresse de 2003. C’était une première alerte », se remémore-t-il, derrière ses lunettes rondes. Et puis, il y a eu 2019, la pire année pour la commune, reconnue comme catastrophe naturelle en 2020. « Parfois, je me demande ce que je suis venu faire ici », soupire-t-il. Depuis trois ans, cet homme de 60 ans se bat contre son assurance pour faire réparer sa maison, à l’entrée du domaine.

      Comme un bris de glace sur un pare-brise, les fissures se sont étendues à l’étage, aux embrasures des fenêtres. Le carrelage se fend, la porte de la véranda s’ouvre péniblement. Frédéric Alaïmo a fini par déménager chez sa compagne en catastrophe. Depuis, les habits sont restés dans les placards, les photos de famille plaquées aux murs.

      Le 8 décembre 2020, le Drômois a pu déclarer ce sinistre. « J’ai une perte en capital importante », explique-t-il. « Je n’avais jamais vu ça, la maison est disloquée », écrit un représentant de son assurance dans un mail daté du 31 mars 2021. Il reconnaît avoir eu « très peur de visiter cette maison sinistrée ». En juin 2021, le maire, Jérôme Bompard, 50 ans et entrepreneur en travaux publics, atteste que la maison de Frédéric Alaïmo est « devenue totalement inhabitable depuis la sécheresse de 2019 ».

      Le dossier paraissait simple mais depuis rien n’a bougé : les deux experts de l’assurance ne sont pas d’accord sur les zones touchées. Plus encore, l’assurance estime que les fissures ont commencé avant la sécheresse de 2019.

      « Le problème, c’est qu’on a deux sons de cloche des experts envoyés par la même assurance », s’emporte Frédéric. Il a dû payer de sa poche plus de cinq mille euros pour mener des investigations dans le sol et prouver la présence d’argile sensible à ces aléas climatiques. Il doit aussi payer un expert d’assuré pour régler ce conflit avec l’assurance.
      L’état de catastrophe naturelle difficile à obtenir

      De maison en maison, Franck Salaun, ingénieur et associé du cabinet Altaïs, parcourt la France, de la Drôme au Jura, au gré des arrêtés de catastrophe naturelle. Il intervient pour déterminer la pathologie du bâtiment. « Quand il y a des fractures, un médecin fait un diagnostic, un scanner ou un IRM. Nous, c’est pareil avec les investigations techniques », explique-t-il. « Dans le cas de M. Alaïmo, si l’assureur s’entête à ne pas ouvrir la garantie, ça ira au judiciaire », se prépare-t-il.

      Selon la carte d’exposition du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), la zone présente un risque fort. La rivière provençale l’Ouvèze est au plus bas. « On a des périodes de sécheresse depuis 2016, raconte le maire. On a déjà eu des refus pour les faire reconnaître comme catastrophes naturelles. » Selon le rapport de la Cour des comptes de février 2022, une commune sur deux n’a pas réussi à faire reconnaître l’état de catastrophe naturelle ces neuf dernières années. En 2019, le maire a pris le taureau par les cornes. « On a envoyé un dossier pour six maisons sinistrées à la préfecture. Tout le monde se bat avec les assurances maintenant », raconte-t-il.

      Deux kilomètres plus loin, un autre villageois va bientôt devoir quitter sa maison. « Les façades sont en train de tomber, la baie vitrée ne ferme plus, la dalle est descendue de 4 à 5 centimètres », énumère Eric D., fonctionnaire de 61 ans. Il espère que la sécheresse en 2022 n’aggravera pas les dégâts. Cette fois-ci, l’assurance a accepté la prise en charge. L’installation de micropieux sous la maison, solution pérenne pour renforcer les fondations en profondeur, devrait durer entre six mois et un an. « Le relogement pour la famille, c’est à nos frais. Le gardiennage des meubles aussi », s’inquiète-t-il.
      48 % du territoire exposé

      Tout le pays est concerné, les villes aussi. L’Occitanie fait partie des régions historiquement les plus exposées, avec l’Île-de-France, la PACA ou la Nouvelle Aquitaine. À Montpellier, Philippe subit le même phénomène. « J’ai acheté une maison dans Montpellier en 2001, près d’une rivière, le Lez », raconte-t-il. En 2019, la ville a vécu une sécheresse reconnue comme catastrophe naturelle. « Des morceaux de plafond sont tombés et il y a des fissures nettes sur les cloisons », poursuit-il, encore stupéfait. Après trois ans d’attente, ce cadre technique de 62 ans vient d’obtenir le feu vert de l’assurance pour lancer les travaux. Le devis s’élève à plus de 150 000 euros.

      « On remarque que certains secteurs sont plus touchés que d’autres, mais ça reste très localisé, explique Jeremy Chatal, ingénieur du bureau d’études Determinant, à Nîmes. Dans l’Hérault, à Villeneuve-lès-Maguelone, il y a un quartier où j’ai fait une quinzaine de maisons. Dans mon secteur, c’est généralisé à l’arc méditerranéen, les Pyrénées orientales, le Gard, l’Hérault, le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône. Mais nos collègues dans l’Ain et le Jura aussi sont débordés. »

      En France, 48 % du territoire a une exposition moyenne et forte au RGA. « Quand on regarde la carte d’exposition, on a un grand quart sud-ouest touché et tout l’arc méditerranéen qui va ensuite contourner le Massif central par le sud et remonter une partie de la vallée du Rhône. Depuis 2015-2016, ça se décale vers le Nord-Est. Des régions relativement épargnées jusqu’à présent sont touchées maintenant », confirme Sébastien Gourdier, géotechnicien du BRGM. « Les grandes villes du Sud-Ouest, comme Toulouse, sont exposées et ont dû mettre en place des plans de prévention des risques », poursuit-il. Depuis 2018 seulement, la loi Elan établit des règles de construction sur les zones à risque, en imposant une étude de sol pour les nouvelles habitations.

      Parmi les témoignages recueillis, ce ne sont que des récits de vie en pause, plombée par l’endettement ; de boule au ventre à chaque nouvelle fissure ; de dépressions lorsque l’on vit dans une maison où les pièces sont condamnées au fur et à mesure. Les associations de victimes croulent sous les demandes.

      Les Oubliés de la canicule ne compte même plus son nombre d’adhérents. Trente mille à la louche. Leur président a écrit au président Emmanuel Macron, en pleine campagne présidentielle, pour exiger de meilleures conditions d’indemnisation des sinistrés.
      Un coût estimé à 43 milliards d’euros d’ici 2050

      Le régime de catastrophe naturelle est un système d’assurance dit « mixte », mis en œuvre par les sociétés d’assurance et les pouvoirs publics. « On demande que les assureurs jouent le jeu et que les sinistrés puissent avoir des réparations pérennes », martèle Hélène Niktas, référente de l’association dans l’Ain. Elle-même a subi un sinistre dans sa maison de Meillonnas, lors de la sécheresse de 2018. « L’assurance a rétropédalé quand elle a vu le devis de micropieux. Elle a proposé de l’agrafage, mais ce n’est que le cachet d’aspirine qui fait tomber la fièvre, ça ne soigne pas. » Son dossier se réglera au niveau judiciaire.

      À leurs côtés, Me Gwenahel Thirel, avocat aux barreaux de Rouen et Montpellier, en a fait sa spécialité. « J’ai lu les 1 700 décisions de jurisprudence », s’amuse-t-il à rappeler. « Quand j’ai commencé, il y a huit ans, il y avait des arrêtés de catastrophe naturelle pour la sécheresse tous les trois ans. Aujourd’hui, c’est quasiment tous les ans », poursuit-il d’un ton plus grave. Il s’emporte contre l’opacité des assurances qui ne communiquent pas systématiquement les rapports ou les études de sol. « Sur 2018, on a eu un nombre de refus colossal par des experts d’assurance, avec des motifs fallacieux comme la présence de végétaux à proximité », tonne-t-il.

      « Ce que l’on craint, c’est que les assurances réduisent les indemnités pour les dégâts sur les maisons. Il y en a tellement… », souffle Daniela Rodier, présidente de l’Association gardoise d’assistance aux sinistrés des sécheresses, vers Nîmes. « Cette année, je suis débordée avec les sinistres de 2021 ». Le coût des sinistres liés à la sécheresse devrait passer à 43 milliards d’euros en cumulé sur les trente prochaines années, soit trois fois plus que sur la période 1989-2019, selon les projections à horizon 2050 de France Assureurs.

      « La sécheresse est un aléa climatique qui pèse beaucoup dans le régime catastrophe naturelle et qui risque de peser plus à l’avenir, notamment en raison du changement climatique » rajoute Franck Le Vallois, directeur général de France Assureurs, interrogé par Mediapart. « On pense que la sécheresse doit rester dans le régime de catastrophe naturelle », rassure-t-il, pour couper court au débat.

      Une réforme est amorcée depuis la loi du 28 décembre 2021 relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles. La fédération des assurances est toujours en discussion avec Bercy pour intégrer les frais de relogement des victimes dans ce régime. Franck Le Vallois prêche pour mettre en place plus d’innovations. « Il faudrait accélérer les expérimentations. Il y en a qui permettent de maintenir l’hydrométrie dans le sol, en l’humidifiant pour éviter la rétractation des sols ». Comprendre : remettre de l’eau sous la terre.


      https://www.mediapart.fr/journal/france/120822/la-secheresse-fait-craquer-de-plus-en-plus-de-maisons

      voir aussi :
      https://seenthis.net/messages/969896

    • Ne pas perdre une goutte d’eau, le combat de #Lyon et de sa région

      Dans le département du Rhône, parmi les plus touchés par les canicules, retenir et économiser l’eau devient urgent. La bataille se joue mètre cube après mètre cube, de la déconnexion des réseaux d’assainissement à la rénovation des trottoirs, de l’arrosage des jardins aux prélèvements par les gros industriels.

      En ce mercredi après-midi de la fin du mois de juin, la lourdeur d’un orage à venir écrase les passants qui s’aventurent dans la rue Garibaldi, artère de quatre kilomètres au cœur de Lyon. Sur trois voies, les voitures vrombissent tandis que les cyclistes accélèrent pour rentrer avant la pluie. Seul Hervé Caltran s’arrête pour admirer la longue rangée de buissons et d’arbres qui longent le boulevard.

      « Pour le grand public, l’eau qui passe dans nos villes est invisible, alors qu’elle est vitale », hoche ce cadre du service de la direction de l’eau à la Métropole de Lyon. S’il nous a donné rendez-vous ici, à deux pas du quartier de la Part-Dieu, ce n’est pas tant pour détailler la quarantaine de plantations – érables, althæas, chênes… – présentes sur ce site, mais plutôt pour ce qui se trouve en dessous.

      Cet espace vert est en réalité une #noue, sorte de fossé, dans le jargon des urbanistes, installée il y a trois ans. En cas de précipitation, l’eau s’écoule sur les trottoirs, est filtrée par un seuil, irrigue les plantes installées légèrement en contrebas, avant de s’enfoncer dans le sol. Un seul mot d’ordre : faire en sorte que l’eau s’infiltre là où elle tombe. En milieu urbain, seulement 5 % des eaux de pluie terminent dans les nappes, cinq fois moins qu’en zone rurale.

      « C’est du bon sens, mais avant les arbres étaient surélevés et ne bénéficiaient pas de la pluie, l’eau partait directement dans les bouches d’égout », explique Hervé Caltran. Il a fallu attendre les vastes travaux commencés depuis presque dix ans pour remodeler entièrement l’écoulement des eaux de la rue.

      D’apparence anodines pour les habitant·es, ces installations sont l’un des piliers de la « #ville_perméable », un modèle de développement urbain plus respectueux du #cycle_de_l’eau. Dans les pas d’Hervé Caltran, la ville se pare de noms mystérieux. Selon les contraintes urbaines, les noues peuvent laisser la place à des « #arbres_de_pluie », des espaces débitumés de la taille d’une place de parking, ou bien à des « #tranchées_de_Stockholm », l’équivalent d’une mininappe alluviale composée de graviers, construite sous les trottoirs.

      Aberration environnementale

      L’affaire se joue dans les détails. Ici des pavés entourant un arbre ont été installés avec des joints en sable et en terre. Un peu plus loin, une ancienne trémie où s’engouffraient hier les automobilistes a été recouverte et transformée en réservoir pour les espaces verts. Mais le principe reste le même : favoriser l’#infiltration et déconnecter les #eaux_de_pluie des #eaux_d’assainissement, qui terminent encore dans le même réseau dans 85 % du territoire de la Métropole de Lyon.

      « La plupart du temps, on prend de l’#eau_de_pluie propre, on la mélange à nos eaux polluées et on l’envoie dans nos stations d’épuration. On se retrouve à payer pour nettoyer une eau qu’on a nous-mêmes salie et déplacée ! », constate Hervé Caltran. Une #aberration environnementale, mais aussi économique. « Pour chaque mètre cube d’eau qu’on n’envoie pas en station, on économise 60 centimes d’euro », précise le fonctionnaire.

      Ces installations jouent aussi un rôle d’#îlots_de_fraîcheur. Un enjeu majeur alors que l’agglomération lyonnaise est l’une de celles où le nombre de canicules augmente le plus. Grâce à la végétation et à la conservation de l’eau dans les sols, la température ressentie peut diminuer de 9 degrés dans certains secteurs, selon des mesures réalisées par la métropole. À la terrasse d’un café, un brumisateur géant asperge les clients assis en terrasse. « Nous, on essaie de le faire naturellement », s’amuse Hervé Caltran.

      « Depuis le XIXe siècle, l’eau a été considérée comme un déchet à évacuer le plus rapidement possible. On a imperméabilisé nos villes, avec des conséquences sur la recharge des nappes, des risques d’inondations et une végétation en souffrance », rappelle Anne Grosperrin, vice-présidente (EELV) de la Métropole de Lyon, déléguée au cycle de l’eau. « C’est toute une manière de construire la ville qu’il faut repenser », estime l’élue.

      D’autant que l’agglomération lyonnaise est en grande partie construite sur la nappe alluviale du Rhône, qui lui fournit 90 % de son eau potable par le captage de Crépieux-Charmy. Selon les projections disponibles, le débit du fleuve pourrait diminuer de 30 % d’ici à 2050.

      #Canalisations parfois vieilles de 70 ans

      En mars 2022, le Grand Lyon s’est donné pour objectif de désimperméabiliser et de déconnecter 400 hectares de son territoire d’ici à 2026, soit le double du précédent mandat. En comparaison, plus de 2 000 hectares ont été imperméabilisés en dix ans dans l’agglomération. « On cavale derrière ! Il faudrait aller trois fois plus vite », pointe Anne Grosperrin. « Quand on part de zéro pour créer un nouveau quartier, c’est facile. La vraie difficulté, c’est de désimperméabiliser la ville existante », estime Hervé Caltran.

      Un bout de trottoir par-ci, un morceau de route par-là. Sur le terrain, les agents chargés de la gestion de l’eau se heurtent parfois aux pratiques des entreprises de BTP, voire à celles des services de la #voirie, « qui gardent une culture très bitume et tuyaux », selon Anne Grosperrin. Derrière la gare de la Part-Dieu, une pelleteuse vient de défoncer un trottoir pour installer des canalisations, sous l’œil inquiet d’Hervé Caltran. « Parfois, ils cassent ce qu’on vient juste d’installer. »

      Pour les plus petites collectivités des environs, la question de l’eau se résume souvent à la gestion des réseaux d’eau potable. Au syndicat mixte des eaux des monts du Lyonnais, à la tête d’un réseau de 2 000 kilomètres desservant 75 communes, la priorité est de faire en sorte que l’eau « ne se perde pas » en renouvelant les canalisations, parfois vieilles de 70 ans. Actuellement, « seulement 72 % de l’eau pompée arrive dans nos maisons », précise l’organisme dans son bulletin d’information.

      Plus au sud, dans le massif du Pilat, la petite commune de Planfoy (Loire) cherche elle aussi à moderniser son réseau. L’approvisionnement du village dépend de trois sources qui ont tendance à faiblir à la fin de l’été. En septembre 2018, le réservoir a dû être rempli par un camion-citerne. Pour éviter de revivre cette crise, la commune mène cet été des travaux pour optimiser son champ de captage, vétuste.

      « La situation était ubuesque : on pataugeait dans l’eau dans le champ de captage mais le réservoir était vide », raconte le maire, Cédric Loubet. Des travaux coûteux : 180 000 euros l’année dernière, à nouveau 100 000 euros cette année. De quoi plomber le budget de la commune. « Et avec ça on refait juste les drains et quelques centaines de mètres de réseau, raconte l’élu. On essaie de faire petit à petit. On espère que ça suffira pour éviter le retour des camions-citernes. »

      Pour ces élus locaux, l’urgence est de garantir de l’eau dans les robinets des habitant·es. « Mais l’eau potable est la partie émergée de l’iceberg », met en garde l’hydrologue Emma Haziza, qui lance l’alerte depuis des années sur ce sujet. « Si on se focalise uniquement dessus, on se trompe de débat et on oublie toute la consommation cachée, les prélèvements agricoles et industriels. »

      Tour aéroréfrigérante

      À Lyon, certains industriels sont eux aussi amenés à réduire leurs prélèvements. À l’image de l’usine historique Renault Trucks de Vénissieux, filiale du groupe Volvo. Un vaste complexe de 170 hectares, « une petite ville de 5 000 habitants », qui possède ses propres captages dans la nappe de l’Est lyonnais, détaille Dominique Bono, référent environnement du site. Pour produire ses camions, l’usine consomme aujourd’hui 300 000 mètres cubes d’eau par an, contre 2,5 millions en 1999. « Nous avons presque divisé par dix », met en avant Dominique Bono.

      En 2021, l’entreprise a bénéficié d’un financement de 160 000 euros de l’Agence de l’eau pour moderniser une tour aéroréfrigérante, qui sert à refroidir les circuits d’air comprimé vitaux pour la chaîne de production. À la clef, une économie supplémentaire de 30 000 mètres cubes d’eau par an. « Ce serait mentir de dire que nous le faisons uniquement pour des raisons environnementales. Nous sommes fiers de diminuer notre consommation en eau, mais il y a aussi un intérêt industriel. En installant du matériel neuf, nous pourrons produire de manière plus sécurisée et moins coûteuse », admet le responsable de Renault Trucks, qui représente aussi les industriels de la région au sein de la commission locale de l’eau.

      Dans l’Ouest de Lyon, le syndicat intercommunal du bassin de l’Yzeron (le Sagyrc), un affluent du Rhône, cherche à réduire les prélèvements de 45 %. Les travaux de déconnexion des eaux pluviales et des eaux d’assainissement représentent le levier le plus important pour atteindre cet objectif. Le syndicat travaille aussi sur les 130 petites retenues collinaires recensées sur la vingtaine de communes, dont la moitié à usage agricole. « Une vingtaine sont en travers de petits cours d’eau, alors qu’elles doivent normalement laisser un débit réservé pour que le ruisseau s’écoule », détaille Katy Cottinet, chargée de mission au Sagyrc.

      Restent tous les particuliers qui puisent, plus ou moins officiellement, dans les nappes et la rivière. Avec près de 2 000 puits, forages ou pompes, « l’arrosage représente 16 % des prélèvements », précise Katy Cottinet. « Mais on a du mal à connaître tous les forages individuels, qui ne sont pas tous déclarés », regrette-t-elle.

      Le syndicat tente de sensibiliser les habitants pour qu’ils réduisent leurs prélèvements, par exemple en installant des goutte-à-goutte. Quitte à hausser le ton en cas d’abus. L’année dernière, un jardin partagé a ainsi écopé d’une amende après un contrôle de la police de l’eau pour avoir pompé dans la rivière pendant une alerte sécheresse. Chaque mètre cube compte.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/150822/ne-pas-perdre-une-goutte-d-eau-le-combat-de-lyon-et-de-sa-region

  • Anselm Jappe - Sous le soleil noir du capital - Canal Sud
    https://www.canalsud.net/anselm-jappe-sous-le-soleil-noir-du-capital

    Rencontre avec Anselm Jappe autour de son livre Sous le soleil noir du capital, Chroniques d’une ère de ténèbres, paru aux éditions Crise et critique. La rencontre est modérée par Clément Holms.

    Le 15 février 2022 à la libraire Terra Nova

    Le capitalisme, ce n’est pas uniquement « les capitalistes » : c’est avant tout une totalité sociale, l’ensemble des relations, déterminées par le capital et sa logique propre, qui structurent la vie moderne. Aussi doit-il être analysé et combattu dans sa totalité. La critique de la valeur, depuis plus de trente ans, s’emploie ainsi à montrer que le projet de l’émancipation sociale n’a rien à voir avec une gauche alter-capitaliste et alter-étatiste qui n’a finalement cherché aménager le désastre.
    Les essais réunis dans ce livre étayent cette critique radicale par l’examen d’un certain nombre de questions d’actualité : la littérature, la simplicité volontaire, le culte du Marquis de Sade, les musées, l’art contemporain, l’architecture, l’anticapitalisme tronqué, le romantisme révolutionnaire, l’importance de William Morris, le mythe du bandit de Lacenaire à Jacques Mesrine. Autant de thèmes qui permettent à Anselm Jappe de rappeler les fondements de la critique de la valeur, et de redéfinir des concepts essentiels tels que l’aliénation, la réification et le fétichisme en confrontant leur sens chez Marx, Lukács et Adorno.

    https://www.canalsud.net/IMG/mp3/radiolivres_jappes_150222_terranovatoulouse_radiodif.mp3

    #audio #radio #Canal_Sud #Anselm_Jappe #critique_de_la_valeur #wertkritik #capitalisme #travail

  • Eaux usées : cocktail toxique ou précieux ? - Regarder le documentaire complet | ARTE
    https://www.arte.tv/fr/videos/104835-000-A/eaux-usees-cocktail-toxique-ou-precieux

    Aujourd’hui, les entrailles des villes sont parcourues par un vaste réseau de canalisations contenant un cocktail douteux d’eaux usées. Mais dans ce bouillon nauséabond se cachent également des trésors. Au nord-ouest de Paris, la station d’épuration d’Achères traite environ 80 % des eaux usées de la capitale. Un échantillon y est prélevé par une équipe de scientifiques, avant d’être envoyé puis analysé en Allemagne. L’étude comparative des substances contenues dans les rejets parisiens et berlinois livre de précieux renseignements sur les médicaments et les drogues consommés par les habitants des deux villes, mais aussi sur les produits chimiques industriels auxquels ils sont exposés.

    @diala vers la fin, on y parle réusage du pipi et du caca pour l’agriculture

  • Dans l’herbe tendre : Le camarade Rachid Taha et une traduction mystérieuse
    https://radioherbetendre.blogspot.com/2022/02/le-camarade-rachid-taha-et-une.html

    On l’a déjà dit ici même, on avait une réelle affection pour #Rachid_Taha. Qui a toujours professé des opinions pour le moins sympathiques.
    Seulement voilà, ne causant pas l’arabe dans sa version algérienne dans le texte, on va quelques fois chercher des traductions sur forums ou sites dédiés. En évitant d’avoir recours à ces immondes traducteurs numériques plus artificiels qu’intelligents (essayez donc de leur faire traduire des expressions comme hell or black water ou comerse el marrón pour rire). Enfin, ces gadgets peuvent avoir une certaine utilité à l’occasion mais là n’est pas le problème.
    Dernièrement, on a cherché une traduction de Barra barra , premier titre de l’album Made in Medina en 2000 (utilisé par Ridley Scott dans Black hawk down, film de guerre léger comme un panzer).

    https://www.youtube.com/watch?v=jde6OjPtunw


    Brian Eno & Rachid Taha - Barra Barra

    #l'herbe_tendre #chansons #musique #Canal_Sud #radio

  • Le Bouffon au service de l’extrême droite !

    53 % du temps d’antenne politique de l’émission de Cyril Hanouna est consacré aux idées nationalistes et identitaires.
    https://www.humanite.fr/politique/cyril-hanouna/medias-cyril-hanouna-le-bouffon-au-service-de-lextreme-droite-736498

    Qu’on le veuille ou non, la présidentielle passe aussi par les plateaux de l’animateur star de C8. Claire Sécail étudie les contenus politiques de Touche pas à mon poste depuis la rentrée. Verdict : l’extrême droite y est comme à la maison.

    De son propre aveu, il s’est « fait manœuvrer ». Jean-Luc Mélenchon et ses équipes ont en travers de la gorge le passage du candidat FI chez Cyril Hanouna dans Face à Baba , le 27 janvier. Ils crient au traquenard, à cause entre autres d’un face-à-face avec Éric Zemmour taillé pour le polémiste, qui a duré une heure dix au lieu des vingt minutes prévues.

    Surprenant, sur la chaîne de #Vincent-Bolloré ? Pas vraiment, répond Claire Sécail. La chercheuse au CNRS scrute et répertorie les contenus des émissions de Cyril Hanouna depuis le mois d’août, et notamment le temps d’antenne consacré aux questions politiques (17 % en moyenne).

    Avec environ 1,5 million de téléspectateurs quotidiens, Touche pas à mon poste ( TPMP ) a bien grandi depuis sa création en 2010, où il occupait une obscure case horaire sur France 4. Douze ans plus tard, TPMP est devenu un espace fréquenté de la bataille culturelle, qui se décline avec les autres shows de Cyril Hanouna : l’hebdo Balance ton post et le plus événementiel Face à Baba .

    Or, selon l’universitaire, ces émissions, sous couvert d’un esprit cool, pluraliste et détendu revendiqué par l’animateur, déroulent le tapis rouge aux idées nationalistes et identitaires.

    D’après vos résultats, est-ce qu’on peut conclure que l’#extrême-droite joue « à domicile » chez #Hanouna, comme semble s’en rendre compte, un peu tard, la France insoumise ?

    53 % du temps d’antenne politique de TPMP est consacré à l’extrême droite. Je dis ça, mais il faut noter que sur C8, comme sur #CNews, on ne présente jamais les invités comme d’extrême droite, ce qui contribue à banaliser leurs idées. Éric Zemmour a la meilleure part. C’est autour de lui que se construisent les contenus, les débats, comme a pu l’apprendre à ses dépens Jean-Luc Mélenchon dans Face à Baba . Cela démontre d’ailleurs qu’il y a une #stratégie-idéologique au sein du #groupe-Bolloré dans son ensemble, et non pas seulement sur CNews. Non pas que Cyril Hanouna soit d’accord avec Éric Zemmour. Mais il est le loyal entrepreneur des idées de Vincent Bolloré, qui lui a signé un contrat à 250 millions d’euros sur cinq ans. Hanouna a par ailleurs de bonnes relations avec les insoumis, mais ils ne lui servent qu’à être des contradicteurs idéaux face à la parole d’extrême droite qui, elle, cadre le débat, dans la logique du clash. Cela permet ainsi de faire croire à un #pseudo-pluralisme.

  • Confessions Of A Garage Cat , l’histoire orale de Gildas Cospérec, fondateur de l’emblématique fanzine toulousain Dig It !
    https://www.musicophages.org/journees-du-patrimoine-le-18-et-19-septembre

    Gildas Cospérec fut pendant plus de vingt ans l’animateur-locomotive d’un #fanzine et d’un radio show devenus mythiques et qui portaient tous les deux le même nom : Dig It ! Il sut allier élégance et énergie, curiosité et bon esprit, bienveillance et exigence pour développer sa vision et créer un réseau d’amis et de collaborateurs extrêmement pointus et passionnés. Gildas est décédé en 2020. Peu avant sa mort il a livré son histoire et celle de Dig It ! au travers de rencontres et d’interviews consignées par Patrick Cazengler et Patrick Bainée. Gildas raconte ici cette aventure exceptionnelle au pays magique de l’underground et partage comme il l’a toujours fait ce festin avec une cinquantaine de témoins : Diggers renommés pour la plupart, comme Alain Feydri et Lo’Spider, mais aussi ceux que Kim Fowley appelait the International Heroes, Beat-Man, Ben Vaughn, JJ Rassler ou encore Mike Mariconda. Ce cercle d’amis inclut aussi des patrons de bars, des animateurs et des animatrices de #radio, des musiciens et des ratons laveurs, comme aimait à le dire lui-même Gildas. Vous trouverez à la suite de l’oral history un Best Of d’articles de #Dig_It !, choisis par Gildas et les Diggers.

    Les Musicophages (2021) 448 pages de saine lecture pour moi qui ai découvert Dig It ! sur le tard. The Goodbye Show 16/01/2020 - 4 h 30 d’émission, un peu la bande son du bouquin. la liste des titres est dans le livre, fantastique !
    http://digitradio.unblog.fr/2020/01/17/dig-it-16-janvier-2020-the-goodbye-show
    http://www.musicophages.com/2020/03/17/dig-it-grand-esprit-rocknroll
    Gildas Cosperec 1956 - 2020 mais son esprit brûle encore.
    http://digitfanzine.chez.com/digit.html
    d’autres ressources sur #Canal_Sud
    https://www.canalsud.net/Dig-it
    https://www.canalsud.net/bebes-dinosaures-10-octobre-2021
    The Fabulous Furry Shoo Chain Brothers
    https://padlet.com/digitfanzinearchives/kb3mbwes405752g0
    Le Bandcamp d’une partie de la production de ces diggers
    https://swamplandrec.bandcamp.com
    #musique #rock'n'roll #garage #Toulouse #musicophages

  • En #Guadeloupe, l’#eau_courante, potable, est devenue un luxe

    En Guadeloupe, des milliers d’habitants vivent au rythme des « #tours_d’eau », des #coupures programmées, ou n’ont tout simplement pas d’eau au robinet depuis plusieurs années. Les habitants subissent des coupures prolongées, même en pleine pandémie de Covid-19. Face à la catastrophe sanitaire, les pouvoirs publics sont accusés d’#incurie. Premier volet de notre série.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/120721/en-guadeloupe-l-eau-courante-potable-est-devenue-un-luxe
    #eau_potable #eau_de_robinet #eau

    by @wereport photos @albertocampiphoto

  • La Malédiction du #pétrole

    Le pétrole est devenu indispensable à l’économie mondiale, c’est sa plus grande richesse, mais aussi sa plus grande malédiction. Retraçant l’histoire de ce paradoxe les auteurs se penchent avec acuité sur le sujet.
    Depuis près d’un siècle et demi, l’or noir a été le moteur de la croissance et la source des plus grands malheurs. Combien de temps cet état va-t-il durer alors que même la catastrophe écologique du réchauffement climatique ne semble pas peser dans la décision de s’en passer ? Mais à quand remonte cette course à l’abîme ? C’est ce que les auteurs entreprennent de raconter.

    https://www.editions-delcourt.fr/bd/series/serie-la-malediction-du-petrole/album-malediction-du-petrole

    #BD #bande_dessinée #livre

    #Caucase #Russie #Frères_Nobel #raffinerie #Branobel #Bakou #pipeline #steam-tanker #marée_noire #Rotschild #puits_de_pétrole #mer_Noire #Batoumi #Bnito #puits_de_Bibi-Heybat #histoire #compagnie_pétrolière #Mer_Caspienne #industrie_pétrolière #Pennsylvanie #Edwin_Drake #potion_Drake #Oil_Creek #Pithole #Devil_Bill #John_Davison_Rockfeller #Rockfeller #Standard_Oil_Company #7_soeurs #John_Rockfeller #Cleveland #raffinage #Massacre_de_Cleveland #Sumatra #Staline #Koba #grèves #Royal_Dutch_Shell #industrie_automobile #OPEP #moteur_à_explosion #Jamais_contente #Henry_Ford #Ford #Ford_Motor_Company #moteur_électrique #General_Motors #Ford_T #Detroit #USA #Etats-Unis #Indonésie #colonialisme #essence #énergie #progrès #Esso #Stocony #Socal #Gulf_oil #Texaco #Anglo-persian_oil #William_Knox_d'Arey #Perse #Plaine_du_Naphte #guerre #comité_des_vaisseaux_terrestres #tank #Irak #Compagnie_française_des_pétroles (#CFP) #Total #accords_Sykes-Picot #Moyen-Orient #simple_ligne_de_sable #désert_arabique #Rub_al-khali #Standard_oil_of_California #Ras_Tanura #Harry_St_John_Bridger_Philby #Sheikh_Abdullah #Quart_vide #Kim_Philby #Philby #Arabie_Saoudite #Saoud #WWI #WWII #première_guerre_mondiale #seconde_guerre_mondiale #Canal_de_Suez #Red_Bell_Express #Pacte_de_Quincy #Algérie #Sahara_algérien #extractivisme #CIA #Saddam_Hussein #Arabian_American_oil_company (#ARAMCO) #Ghawar #combine_en_or #Venezuela #optimisation_fiscale #Iran #ENI #Libye #Italie #Pier_Paolo_Pasolini #Enrico_Mattei #guerre_du_Kippour #choc_pétrolier #Conférence_de_Bagdad (1960) #Juan_Pablo_Pérez_Alfonzo #Abdullah_al-Tariki #King_Hubbert #Trente_Glorieuses #premier_choc_pétrolier #Exxon_Mobile #BP-Amoco #pétrole_de_schiste #plateformes_offshore #groupe_Carlyle #Carlyle #schiste #fisc

    #pétrole #BD #malédiction

  • #Pierre_Lescure, directeur-fondateur de #Canal_plus

    Journaliste curieux de tout, homme de #radio et de #télévision, enfant du #jazz et père des #Enfants_du_rock, Pierre Lescure naît en 1945. Issu d’une famille communiste, il grandit avec deux parents journalistes.

    Au lycée il fait des journaux, et admet lui-même qu’il n’a « jamais rêvé d’être pompier, mais journaliste. » Il découvre la radio avec #Jean-Michel_Desjeunes et entre à ce qui s’appellera bientôt #RTL. Il continue à naviguer dans les différents médias radio et télé : #Antenne_2, #Radio_Monte_Carlo, #Europe_1. Avec son équipe, il invente progressivement « l’#infotainement » : « tout était bon pour vendre le mieux possible l’info, dès lors que l’information dans son sérieux n’est jamais en dessous de 51% ».

    Lors de la création de Canal + au début des années 80, #André_Rousselet lui propose de rejoindre la chaîne en patron d’antenne. Voyant dans le projet une ambition de devenir le #HBO français, Lescure accepte en seulement 20 minutes d’entretien. Il a carte blanche pour créer ce qui sera appelé à postériori « l’#esprit_canal ». Il appelle #Alain_Chabat, #Antoine_de_Caunes, #Michel_Denisot et d’autres de ses amis pour le rejoindre. Il leur transmet son enthousiasme pour la création d’un nouveau ton. Il se définit lui-même comme un « accélérateur », ce qui donne en version non cryptée : « On accélérait la naissance et le déploiement des hommes et des femmes avec qui on avait envie de bosser, et c’était notre plus grand orgueil, notre plus grande fierté. »

    https://www.arteradio.com/son/61664888/pierre_lescure_directeur_fondateur_de_canal

    https://download.www.arte.tv/permanent/arteradio/sites/default/files/sons//04pierre_lescure_hq_fr.mp3

    • À 76 ans, il a son rond de serviette dans l’émission « des popotes » d’Anne-Elisabeth Lemoine sur France 5.
      https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/video-pierre-lescure-paye-8000-euros-dans-c-a-vous-il-parle-sans-tabou_449029

      « Vous gagnez combien quand vous faites C à vous, Pierre Lescure ? ». Le principal intéressé a alors répondu en toute transparence : « C à vous, je crois que c’est un contrat de 8 000 euros par mois ».

      8 000 boules par mois croit-il ! À la louche quoi ! l’argent n’est pas un problème pour ce petit vieux, il en a fait gagner, aussi, à beaucoup d’actionnaires.

      Je préfère les freaks, les losers magnifiques, les mecs héroïques et foireux en même temps.
      https://www.arteradio.com/son/61666149/jb_born_bad_guillot_la_revanche_des_perdants
      https://download.www.arte.tv/permanent/arteradio/sites/default/files/sons//07transmissionjbguillot_hq_fr.mp3


      https://shop.bornbadrecords.net

    • Tous les mois, « Transmission » propose un tête-à-tête d’une heure avec des parcours singuliers, défricheurs et inspirants (Brigitte Fontaine, Marsu (Bérurier Noir), Patrice Leconte, Pierre Lescure, Lio...) pour réconcilier boomers et millennials. Une production ARTE Radio.

      La programmation est pas antipathique mais le ratio de femmes (2 sur 10 pour les invité·es et 2 sur 7 pour les intervieweur·euses) ou de personnes racisées (0/10 et 0/7) est pas fameux si l’ambition est vraiment de réconcilier boomers et millennials.

    • « On veut la juste moitié du gâteau » : à Arte, mobilisation pour une parité pleine et entière
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/05/14/on-veut-la-juste-moitie-du-gateau-mobilisation-a-arte-pour-une-parite-pleine
      Une pétition lancée par un groupe anonyme de collaboratrices, et soutenue par bon nombre de salariés, réclame la nomination de deux femmes, sur quatre membres, au sein du comité de gérance de la chaîne.

      La revendication est amicale, mais ferme, voire sans appel. Alors que deux postes stratégiques se libèrent au sommet des instances du groupement économique d’intérêt européen (GEIE) d’Arte, le siège social de la chaîne franco-allemande installé à Strasbourg, il est hors de question que ces deux fonctions ne reviennent pas à deux femmes. C’est en tout cas ainsi qu’un groupe anonyme de collaboratrices de la chaîne voient les choses, de même qu’un nombre conséquent de salariés qui se sont ralliés à leur panache paritaire. Leur raisonnement est élémentaire : puisque le comité de gérance qui accueillera bientôt ces nouveaux membres, l’un à la direction de la gestion, l’autre à la direction des programmes, est composé de quatre personnes dont deux hommes déjà en poste, deux directrices doivent s’installer à leurs côtés. « On veut la juste moitié du gâteau », résume une pétitionnaire.

      Le sujet a commencé à monter en février, lorsque sept collègues (dont certaines investies de responsabilités, et qui ne réclament aucune promotion pour elles-mêmes) ont résumé la problématique dans une lettre ouverte largement distribuée en interne. Signée par 442 salariés, dont 110 hommes (le GEIE compte 470 équivalents temps plein, Arte France, 250), la missive a été approuvée par les élus au comité social et économique, qui s’en sont fait l’écho lors de réunions du CSE et en assemblée générale, avant d’être directement transmise aux dirigeants de la chaîne.62,5 % de l’effectif global.
      Un funambule sur son fil

      « Bruno Patino a répondu à plusieurs reprises qu’il trouvait notre démarche légitime », reconnaissent trois des initiatrices de la démarche. Heureuse nouvelle, puisque le président d’Arte France, également président du GEIE depuis janvier et, à ce titre, membre du comité de gérance, doit procéder à l’une des deux nominations, à la direction des programmes. L’Allemand Peter Weber, vice-président du GEIE, a, lui, la responsabilité de proposer un nom pour la direction de la gestion. « On sait que Peter Weber cherche une femme », assure l’une des autrices de la lettre, qui y voit un premier acquis. Reste l’autre poste, pour lequel Bruno Patino est scruté comme un funambule sur son fil. « Il risque de nommer un homme, et d’estimer atteindre la parité en nommant des femmes à des postes d’adjointes », croit savoir une revendicatrice. L’identité des personnes pressenties sera connue fin mai, soit quelques jours avant l’assemblée générale du 9 juin censée approuver les nominations, pour une prise de fonction au premier janvier 2022.

      #parité #boysclub

  • En Ethiopie, la France partagée entre business et défense des droits humains

    Pillages, possibles crimes de #guerre, destructions de sites historiques : les témoignages en provenance du #Tigré, province en guerre depuis le 4 novembre, sont très inquiétants. La France reste pourtant discrète, et espère préserver ses chances sur un marché prometteur.

    L’ambassadeur a un échange « constructif » avec le ministre de l’éducation, l’ambassadeur a un échange « productif » avec le conseiller spécial du premier ministre sur les questions économiques, l’ambassadeur est « très honoré » de recevoir le ministre de l’énergie pour évoquer la participation française à plusieurs grands projets… Sur les réseaux sociaux de l’ambassade de France à Addis-Abeba, c’est #business_as_usual.

    Pour qui suit au quotidien le calvaire des habitants du Tigré – région où l’armée éthiopienne et ses alliés sont en guerre depuis le 4 novembre –, les photos de ces rencontres policées dans la capitale, où l’on discute #qaffaires, lovés dans de confortables canapés, semblent prises dans un monde parallèle.

    Loin, très loin, d’un Tigré littéralement à feu et à sang, où plus de deux millions de personnes ont dû fuir leur habitation, où l’on manque d’eau, d’électricité, de nourriture et de médicaments, où il est probable que la famine soit utilisée comme arme de guerre par les belligérants et où les humanitaires peinent toujours à accéder alors que 2,3 millions de personnes auraient besoin d’aide, selon les évaluations des ONG.

    Les affrontements y opposent le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) à l’armée fédérale éthiopienne, soutenue par des milices nationalistes amhara et des troupes érythréennes.

    « Nous recevons des rapports concordants à propos de violences ciblant certains groupes ethniques, d’assassinats, de pillages massifs, de viols, de retours forcés de réfugiés et de possibles crimes de guerre », a indiqué le 15 janvier le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrell, qui a annoncé par la même occasion la suspension de 88 millions d’euros d’aide destinée au gouvernement éthiopien.

    Dès le 13 novembre, la haute-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Michelle Bachelet évoquait elle aussi de possibles crimes de guerre et appelait à la mise en place d’une commission d’enquête indépendante pour le vérifier. À la veille de sa prise de fonction, le nouveau secrétaire d’État américain Antony Blinken s’est lui aussi inquiété publiquement de la situation.

    Une voix manque cependant à ce concert d’alertes : celle de la France. Le Quai d’Orsay n’a produit qu’un seul communiqué concernant le Tigré, le 23 novembre 2020. Il tient en quatre phrases convenues sur la dégradation de la situation humanitaire et la condamnation des « violences à caractère ethnique ». Exploit diplomatique, le mot « guerre » n’y apparaît pas ; celui de « crimes de guerre » encore moins. Il ne comporte ni interpellation des belligérants – qui ne sont d’ailleurs même pas cités –, ni appel à une enquête indépendante sur d’éventuelles violations des droits humains. Les mêmes éléments de langage étaient repris trois jours plus tard à l’occasion de la visite en France du ministre des affaires étrangères éthiopien Demeke Mekonnen.

    « Gênant, au minimum »

    Cette étrange pudeur française commence à interroger, voire à agacer certains alliés européens ainsi que nombre de chercheurs spécialisés sur l’Éthiopie – qui s’emploient, depuis deux mois et demi, à récolter les bribes d’informations qui parviennent du Tigré malgré la coupure des communications par les autorités.

    « J’ai des échanges réguliers avec l’#ambassade_de_France à Addis-Abeba depuis novembre. Je les ai questionnés sur leur position vis-à-vis du gouvernement éthiopien, et je les ai sentis très embarrassés », raconte le chercheur indépendant René Lefort, pour qui la #complaisance française vis-à-vis du gouvernement d’Abiy Ahmed Ali est incompréhensible : « Je crois qu’ils ne comprennent pas ce qu’est ce pays et ce qui s’y passe. »

    Au-delà des questions morales posées par le fait d’apporter un soutien tacite à un gouvernement qui a couvert ou laissé faire des violations des droits humains au Tigré, le soutien à #Abiy_Ahmed est une erreur d’analyse politique selon René Lefort : « Les Français parient tout sur lui, alors que son autorité personnelle est faible et que sa ligne politique n’est soutenue que par une minorité d’Éthiopiens. »

    La réserve française est en tout cas interprétée par l’armée fédérale éthiopienne et ses alliés comme un soutien de Paris. Le sociologue Mehdi Labzae était au Tigré, dans la région d’Humera, jusqu’à la mi-décembre : « Dans les zones conquises par les nationalistes amhara, se présenter comme Français facilite les relations avec les combattants, qui considèrent le gouvernement français comme un allié. Les déclarations françaises, ou leur absence, laissent penser que la réciproque est vraie », relève le chercheur, post-doctorant à la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH). « Avec un ambassadeur à Addis qui fait comme si de rien n’était… Je trouve cela gênant, au minimum. »

    Selon une source diplomatique étrangère, la France ne se contente pas de rester discrète sur la situation au Tigré ; elle freine également les velléités des membres de l’Union européenne qui voudraient dénoncer plus ouvertement l’attitude des autorités éthiopiennes et de leurs alliés érythréens. Une attitude « parfois frustrante », déplore cette source.

    Interrogée par Mediapart sur cette « frustration » de certains alliés européens, l’ambassade de France à Addis-Abeba nous a renvoyé vers le Quai d’Orsay, qui n’a pas répondu sur ce point (voir boîte noire).

    Refus de répondre sur la création d’une commission d’enquête

    À ses partenaires européens, mais aussi aux chercheurs et humanitaires avec qui ils échangent, les services diplomatiques français expliquent que les accusations d’exactions visant l’armée éthiopienne et ses alliés ne « sont pas confirmées ». Il en va de même concernant la présence de troupes érythréennes sur place – cette présence a pourtant été confirmée à la fois par les autorités de transition du Tigré et par un général de l’armée éthiopienne.

    Une position difficilement tenable. D’abord parce que le gouvernement éthiopien empêche, en bloquant les communications avec le Tigré et en limitant l’accès des humanitaires, la récolte de telles preuves. Ensuite parce que, malgré ce blocus, les faisceaux d’indices s’accumulent : « Nous avons des informations qui nous viennent des ONG, d’équipes des Nations unies qui parlent off the record, de citoyens européens qui se trouvent toujours au Tigré ; nous avons aussi des listes de victimes, et de plus en plus de photos et vidéos », autant d’informations auxquelles l’ambassade de France a eu accès, explique un diplomate en poste à Addis-Abeba.

    La position française est difficilement tenable, enfin, parce que si elle tenait tant aux faits, la France ne se contenterait pas de refuser de condamner les crimes tant qu’ils ne sont pas « confirmés » : elle plaiderait pour la création d’une commission d’enquête indépendante qui permettrait, enfin, de les établir et de pointer les responsabilités respectives du TPLF, de l’armée éthiopienne et de ses alliés.

    Paris est dans une position idéale pour le faire, puisque la France vient d’être élue pour siéger au Conseil des droits de l’homme des Nations unies durant trois ans. Elle pourrait donc, aux côtés d’autres États membres, demander une session extraordinaire du Conseil sur l’Éthiopie (l’accord d’un tiers des 47 États qui composent le Conseil est nécessaire) qui déciderait de la création d’une commission d’enquête sur le Tigré.

    Or, interrogé par Mediapart sur son soutien à la création d’une telle commission, le Quai d’Orsay n’a pas souhaité répondre (voir boîte noire). Il assure avoir « appelé à plusieurs reprises les autorités éthiopiennes à faire la lumière sur les allégations de crimes et autres violations des droits de l’homme », sans toutefois préciser par quel canal.

    Hypothétique médiation

    Lors d’entrevues en privé, des diplomates de l’ambassade et du Quai d’Orsay assurent que cette absence de #dénonciation publique est volontaire et stratégique. Elle viserait à ne pas froisser le gouvernement éthiopien publiquement afin de « maintenir un canal de communication » pour mieux le convaincre en privé et, éventuellement, jouer un rôle de médiateur pour trouver une issue au conflit.

    « Des diplomates français m’ont dit, en résumé : “On reste discrets parce que si un jour il y a une #médiation à faire, le gouvernement pourrait se tourner vers nous” », indique René Lefort. Une analyse « totalement erronée », selon le chercheur : « Non seulement [le premier ministre] Abiy Ahmed Ali ne veut absolument pas d’une médiation, mais surtout, même s’il en acceptait le principe, je ne vois pas pourquoi il irait chercher la France plutôt que les États-Unis, l’Union européenne ou encore l’ONU. » Accessoirement, même si le gouvernement éthiopien souhaitait que la France soit médiatrice, il n’est pas dit que son principal adversaire, le TPLF, accepte le principe d’une médiation par un État qui a passé les derniers mois à multiplier les signes d’amitié envers Addis-Abeba et pourrait donc difficilement prétendre à la neutralité.

    Un (quasi-) #silence public pour mieux faire avancer les dossiers en privé : l’hypothèse est également avancée par l’ancien ambassadeur français en Éthiopie Stéphane Gompertz. « Il est possible que nous privilégions l’action en coulisses, qui peut être parfois plus efficace que de grandes déclarations. C’est d’ailleurs généralement l’option privilégiée par la #diplomatie française. » À l’appui de cette idée, l’ancien ambassadeur – qui fut aussi directeur Afrique au Quai d’Orsay – évoque des tractations discrètes mais couronnées de succès menées en 2005 afin de faire libérer des figures d’opposition.

    Si telle est la stratégie française actuellement, ses résultats sont pour l’instant peu concrets. Le quasi-silence français semble en réalité avoir d’autres explications : ne pas gâcher l’#amitié entre Emmanuel Macron et le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed Ali et, surtout, ne pas compromettre les #intérêts_commerciaux français dans un pays vu comme économiquement prometteur et politiquement stratégique.

    Lune de miel

    Lors de sa nomination en 2018, le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed Ali fait figure d’homme de paix et de chantre de la démocratie. Ses efforts de réconciliation avec l’Érythrée voisine lui valent le prix Nobel de la paix ; ses réformes sur la liberté de la presse ou la libération de prisonniers politiques lui attirent l’estime de nombreux chefs d’État étrangers.

    Est-ce une affaire de style ? Le fait qu’ils soient tous les deux jeunes, étiquetés comme libéraux, revendiquant une certaine manière de casser les codes ? Emmanuel Macron et Abiy Ahmed semblent en tout cas particulièrement s’apprécier. L’anecdote veut que lors d’une visite de #Macron à Addis-Abeba en 2019, Abiy Ahmed ait tenu à conduire lui-même la voiture amenant le président français à un dîner officiel.

    Lorsque le premier ministre éthiopien a pris ses fonctions, « les Allemands, les Français, l’UE, tout le monde a mis le paquet sur les aides, tout le monde s’est aligné sur lui. Sauf que, le temps passant, le malaise a grandi et la lune de miel a tourné au vinaigre, analyse une source dans les milieux économiques à Addis-Abeba. Les autres États ont rapidement déchanté. Pas les Français, pour qui la lune de miel a continué. »

    De fait, la transformation du Prix Nobel en chef de guerre ne semble pas avoir altéré sa belle entente avec le président français. Deux semaines après le début des hostilités au Tigré, et alors qu’Abiy Ahmed s’apprêtait à lancer un assaut « sans pitié » sur la ville de Mekele et ses 400 000 habitants, #Emmanuel_Macron qualifiait le premier ministre éthiopien de « role model ». Quelques semaines plus tard, toujours engagé dans ce conflit, Abiy Ahmed Ali trouvait le temps de souhaiter un prompt rétablissement à son « bon ami » Macron, atteint du Covid.

    Pour cette source, le facteur économique et commercial est essentiel : « Les Français sont restés très positifs parce qu’ils se positionnent clairement sur le secteur économique en Éthiopie : ils n’ont pas d’intérêt politique fort, ça n’est pas leur zone d’influence. Mais les #intérêts_économiques, eux, sont importants et sont grandissants. C’est potentiellement un #marché énorme. »

    Marché jugé prometteur

    Pour le conquérir, Paris a employé les grands moyens. En mars 2019, Emmanuel Macron s’est rendu en Éthiopie avec le ministère des affaires étrangères #Jean-Yves_le_Drian et sept patrons français pour y signer une flopée d’#accords visant à « promouvoir l’#attractivité de l’Éthiopie auprès des #investisseurs_français ».

    Les entreprises françaises intéressées par ce marché en voie de #libéralisation ne sont pas des moindres : #Orange (qui compte bien profiter de la privatisation de la compagnie nationale #Ethio_Telecom), le groupe #Castel (qui à travers sa filiale #BGI détient déjà 55 % des parts du marché de la #bière), #Bollore_Logistics ou encore #Canal+, qui compte développer une offre de #télévision locale.

    Les #intérêts_commerciaux français sont nombreux et variés. La #modernisation du #réseau_électrique éthiopien ? #Alstom (36 millions d’euros en 2011). La fabrication des #turbines de l’immense #barrage_hydroélectrique de la Renaissance ? Alstom encore (250 millions d’euros en 2013), qui désormais lorgne sur des projets ferroviaires. Le #bus « à haut niveau de service » qui desservira la capitale éthiopienne ? Les Français de #Razel-Bec (la filiale travaux publics du groupe #Fayat), qui ont remporté le marché en 2020.

    Peu après sa prise de poste, en octobre, l’ambassadeur français #Rémi_Maréchaux se félicitait : « Le nombre d’#entreprises_françaises en Éthiopie a doublé en cinq ans. Nous sommes prêts à travailler ensemble pour davantage d’investissements français. »

    #Contrats_militaires

    Dernier domaine stratégique pour les Français : la #coopération_militaire et les ventes d’#armes. Le dossier était en haut de la pile lors de la visite d’Emmanuel Macron en 2019. La ministre #Florence_Parly, qui était également du voyage, a signé un #accord_de_défense avec son homologue éthiopienne ainsi qu’une lettre d’intention « pour la mise en place d’une composante navale éthiopienne avec l’accompagnement de la France ».

    Une aubaine pour les fabricants d’armes et d’#équipements_militaires français, qui n’ont pas tardé, selon la presse spécialisée, à se manifester pour décrocher des contrats. Parmi eux, #Airbus, qui aimerait vendre des #hélicoptères de combat à l’Éthiopie. Le groupe a pu compter pour défendre ses intérêts sur l’attaché de défense de l’ambassade française à Addis-Abeba (jusque septembre 2020) #Stéphane_Richou, lui-même ancien commandant d’un régiment d’hélicoptères de combat.

    L’#armée de l’air éthiopienne a validé l’offre d’Airbus pour l’acquisition de 18 #hélicoptères_militaires et deux avions-cargos en octobre 2020, mais cherchait toujours des financements. Le déclenchement de la guerre au Tigré – où ces hélicoptères pourraient être utilisés – a-t-il conduit Airbus ainsi que le ministère des armées à reporter, voire annuler cette vente ?

    Ni Airbus ni le ministère n’ont souhaité nous répondre à ce sujet.

    Les affaires se poursuivent en tout cas entre la filiale civile d’Airbus et le gouvernement éthiopien : le 9 novembre, #Ethiopian_Airlines réceptionnait deux Airbus A350-900 pour sa flotte. Le 20 novembre encore, l’ambassadeur français à Addis-Abeba se félicitait d’une rencontre avec le PDG de la compagnie aérienne éthiopienne et ajoutait « Airbus » en hashtag.

    https://twitter.com/RemiMarechaux/status/1329829800031252481

    Quant à la coopération militaire France-Éthiopie, elle semble se poursuivre normalement si l’on en juge cette offre d’emploi de professeur de français à destination de militaires et policiers éthiopiens émise en décembre par la Direction de la coopération de sécurité et de défense du Quai d’Orsay (un contrat d’un an à pourvoir au 1er octobre 2021).

    Interrogé le 19 janvier sur le projet de création d’une #marine_éthiopienne, sur d’éventuelles livraisons d’armes récentes à l’Éthiopie et, plus généralement, sur la coopération militaire avec l’Éthiopie et le fait de savoir si l’évolution de la situation au Tigré était susceptible de la remettre en question, le ministère des armées a fait savoir 48 heures plus tard qu’il ne pourrait pas répondre « étant donné [les] délais ». Mediapart a proposé au ministère de lui accorder un délai supplémentaire pour fournir ses réponses. Le ministère n’a plus donné suite.

    Trop tard ?

    Le ministère des affaires étrangères, lui, n’a répondu à aucune des cinq questions précises que lui avait soumises Mediapart sur la présence de troupes érythréennes, les possibles crimes de guerres commis au Tigré et la coopération militaire avec l’Éthiopie notamment (voir boîte noire).

    Sa réponse condamne toutefois en des termes plus précis que par le passé les exactions commises au Tigré. La France est « profondément préoccupée » par la situation humanitaire sur place, « ainsi que par les allégations de violations des droits de l’homme », indique le Quai d’Orsay, avant d’appeler à la cessation des hostilités et au respect du droit international humanitaire par « toutes les parties au conflit ». Mais est-ce suffisant, et surtout n’est-ce pas trop tard ?

    Les dernières informations en provenance du Tigré évoquent des massacres qui auraient fait plusieurs centaines de morts. Plusieurs vidéos portent sur de possibles tueries dans la ville et l’église d’Aksoum, de la fin novembre à début décembre. Selon l’organisation belge Europe External Programme with Africa (EEPA) ainsi qu’un témoin interrogé par Le Monde, les troupes érythréennes y auraient tué plus de 750 personnes. Dans une interview mise en ligne le 17 janvier, une femme qui se dit témoin direct de ces tueries explique en amharique que « la ville entière, du dépôt de bus au parc, était recouverte de corps ».

    Les attaques et destructions concernent également des sites historiques inestimables ou jugés sacrés. La mosquée de Negash (site d’établissement des premiers musulmans éthiopiens, du temps du prophète Mahomet), datant du VIIe siècle, a été partiellement détruite et pillée. Le plus vieux monastère d’Éthiopie, le monastère orthodoxe de Debre Damo (VIe siècle), a également été attaqué.

    Enfin, Mediapart a pu consulter un témoignage de première main concernant un massacre commis dans l’église Maryam Dengelat – creusée dans la roche entre le VIe et le XIVe siècle par les premiers chrétiens d’Éthiopie –, qui estime que 80 personnes ont été tuées par l’armée érythréenne, parmi lesquelles des prêtres, des personnes âgées et des enfants. Ce témoignage fournit une liste comportant les noms de 35 victimes.

    « Si ces informations étaient confirmées, cela commencerait à ressembler à une stratégie d’anéantissement, non seulement du TPLF, mais du Tigré en tant qu’identité historique et territoriale », commente le chercheur Éloi Ficquet, de l’EHESS.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/210121/en-ethiopie-la-france-partagee-entre-business-et-defense-des-droits-humain
    #Ethiopie #France #armement #commerce_d'armes #vente_d'armes

  • Canal+ devra-t-il renoncer au monopole du mot "planète” ?
    https://www.telerama.fr/ecrans/canal-devra-t-il-renoncer-au-monopole-du-mot-planete-6805634.php

    Propriétaire de la chaîne Planète+, le groupe audiovisuel s’oppose régulièrement aux associations de protection de l’environnement qui souhaitent faire usage dans leur nom du mot “planète”. Une situation kafkaïenne que le collectif Notre planète à tous vient contester auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi). Non, le groupe audiovisuel Canal+ ne peut pas empêcher l’association « Run for planet, 15 millions trees for Siberia » de distribuer des prospectus, de publier des livres ou (...)

    #Canal+ #écologie #copyright

    ##Canal+

  • À Canal+, la terreur en interne après les affaires Sébastien Thoen et Stéphane Guy | Le HuffPost
    https://www.huffingtonpost.fr/entry/a-canal-la-terreur-en-interne-apres-les-affaires-stephane-guy-et-seba

    TÉLÉVISION - “On ne peut rien faire, car on sait que sinon on est le prochain à se faire couper la tête !” Après les licenciements de Sébastien Thoen et Stéphane Guy, Le HuffPost a cherché à comprendre ce qui se passait en interne à Canal + et s’est (presque) heurté à un mur. Un silence de la plupart des salariés qui en dit long sur leurs craintes de perdre leur emploi comme les deux figures des antennes de Canal+ éjectées manu militari ces dernières semaines. [...]

    “On se dit c’est qui le prochain ? Si on se met à critiquer un président de club, il suffit qu’il ait le 06 de Bolloré, qu’il aille se plaindre et derrière il a notre tête”, poursuit un autre salarié. Certains disent du milliardaire breton qu’il est “l’ennemi invisible”, celui qui prend les décisions, mais “qu’on ne voit jamais”.

    Une terreur menée en interne que Vincent Bolloré lui-même semble assumer, comme lors d’un comité d’entreprise en septembre 2015 déjà, peu après son arrivée à la tête du groupe. “La haute direction d’une grande maison mérite un peu de terreur, un peu de crainte,” pouvait-on lire dans le procès-verbal de ce CE que “Les Jours” s’étaient procuré. “La terreur fait bouger les gens”. [...]

    “Les places sont chères dans le climat actuel et on sent que la direction de Canal est prête potentiellement à laisser partir la moitié des journalistes sportifs car derrière, ils savent qu’ils peuvent constituer un vivier avec de nouveaux talents facilement”, avance une source syndicale. 

    D’autant que Canal+ a entamé une partie de poker avec la ligue de football pour tenter de redevenir (potentiellement) le diffuseur principal du football français. Et si le groupe Bolloré y parvenait, il aurait alors besoin de petites mains pour confectionner encore plus de programmes de Ligue 1 et de Ligue 2. Autant de raisons de marcher dans le rang pour les soldats de Canal+. “J’ai l’impression que ça ne dérangerait pas la direction de baisser en qualité si en échange ils gagnaient une équipe plus docile et qui respecterait sagement la ligne Bolloré en restant dans le rang”, ajoute d’ailleurs un journaliste. 

    ″Ça commence à atteindre ma santé mentale”

    Parmi les témoignages recueillis par Le HuffPost, celui de cette ancienne salariée de l’entreprise, partie comme 319 autres de ses collègues avec le plan de départ volontaire en décembre 2020 est particulièrement frappant.

    “Il fallait que je parte, je sentais que ça commençait à atteindre ma santé mentale”, confie-t-elle. “Notre maison est en train d’être taillée à la hache et finalement l’affaire Thoen/Guy ça n’a fait que conforter mon choix. J’en avais marre de venir travailler avec la boule au ventre tous les jours dans une entreprise que j’ai aimée et où la culture d’entreprise a radicalement changé en quelques années. Dans tous les étages, il n’y a pas une personne qui adhère aux nouvelles valeurs de l’entreprise”. 

    “Les employés qui ont une cinquantaine d’années et ont connu les heures glorieuses de Canal ont une sorte d’épée de Damoclès au-dessus de la tête”, ajoute un quinqua partagé entre l’envie de quitter le navire et la peur de ne pas être en mesure de trouver du travail ailleurs.

    #Canal+ #CNews #Bolloré

  • Canal+ veut garder le mot « planète » pour lui tout seul
    https://reporterre.net/Canal-plus-veut-garder-le-mot-planete-pour-lui-seul

    Le groupe Canal+ a déposé les mots « planète » et « planet » à l’Institut national de la propriété intellectuelle. Depuis, il menace de poursuites judiciaires quasi systématiquement les revues, associations et sociétés qui utilisent le terme dans leur dénomination. Depuis quelques années, le groupe Canal+, qui a déposé la propriété intellectuelle du mot « planète », s’oppose systématiquement à chaque entreprise ou association qui l’utiliserait. Aujourd’hui, les exemples se comptent par dizaines. Ainsi, Laure (...)

    #Canal+ #écologie #copyright

    ##Canal+

  • Bolloré et le parti des porcs
    https://lundi.am/Bollore-et-le-parti-des-porcs

    Quelques anecdotes récentes du management par la terreur des chaînes TV du groupe Canal+ ont amené quelques médias, ainsi que pléthore d’intervenants sur les réseaux sociaux, à questionner le rôle de Bolloré dans le paysage médiatique français. Cette séquence s’est déroulée en deux actes, avec le licenciement d’un humoriste de Canal+ pour faire la satire d’un commentateur vedette du groupe, suivi de celui d’un journaliste sportif pour avoir montrer sa solidarité au premier ; un peu comme si tous deux avaient cru travailler pour un média indépendant où ils eussent leur mot à dire. Curieusement, en réaction, “l’esprit Charlie” n’a pas déferlé sur la France, avec son lot de caricatures de Vincent Bolloré, casque colonial vissé sur la tête et ministres lui léchant les parties intimes.

    L’épisode vient rappeler au grand-public que le management à la schlague est la marque de fabrique de Vincent Bolloré. Ce dernier montre ainsi une belle cohérence avec les idées qu’il promeut à travers ses employés, ces commentateurs de plateau dont l’avancement semble indexé sur leur degré de droitisation. Le souhait de voir un monde organisé comme une caserne est ainsi exprimée, chaque jour, chaque heure, chaque minute, par une entreprise régie comme une caserne.