Derrière un vernis scientifique, ou méritocratique, cette phrase est d’essence oligarchique. Cela fait bien longtemps, en ce qui me concerne, que j’ai compris que le discours transhumaniste, derrière une façade idéaliste ou utopique, cache un projet fondamentalement inégalitaire et antisocial. Quand j’ai essayé, il y a quelques années, de rassembler des « pistes de lecture » sur le thème du « transhumanisme », je suis arrivé à deux billets : d’abord, « Transhumanisme et utopie » ; ensuite « Transhumanisme et oligarchie » .
J’ai mis longtemps. Je viens d’un temps, d’une culture, d’une sensibilité, où le progrès technologique était vecteur de progrès social et facteur d’égalité. On n’en est plus là.
Derrière l’illusion technologique, ou l’hypothèse technologique, le projet contemporain est bien de rendre 50 % de la population, ou 80 %, ou 90 %, ou plus, juste inutiles. Ils ne serviront à rien. On pourra considérer qu’ils ne servent à rien. C’est du « salauds de pauvres » assisté par ordinateur.
Mais qu’est-ce que vous êtes venus faire sur Terre, nom de Dieu ? Vous n’avez pas honte d’exister ?
Certains croient encore que « l’intelligence » est indépendante de l’origine sociale. Je n’y crois plus. Je me suis toujours méfié de l’idée même de mesurer l’intelligence en valeur absolue, du QI et de ce genre de notions ; j’ai toujours considéré que l’intelligence est plurielle et contextuelle. Mais surtout, je pense que « l’intelligence » utile socialement est socialement construite. Pour faire court, les gosses de riches, même idiots, bornés, bêtes, auront accès aux outils et aux formations « d’élite », et finiront par passer pour « plus intelligents ». Les gosses de pauvres, même brillants, futés, doués, n’auront rien, et finiront par passer pour « moins intelligents ».