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  • Présentation - dédicace de Diane Slëzkine : auteur de Zimnik, du Baïkal au Béring - Librairie du Globe
    http://www.librairieduglobe.com/events/event/presentation-dedicace-de-diane-slezkine-auteur-de-zimnik-du-baikal

    La librairie du Globe et les Carnets de l’Aléatoire sont heureux de vous inviter le samedi 20 janvier à partir de 17h00 à la Présentation – dédicace de Diane Slëzkine, auteur de Zimnik, du Baïkal au Béring.

    Sur les traces du Transalaska-sibérien, l’auteur a suivi le tracé du train qui devait relier Paris à New-York par le détroit de Béring, au départ d’Irkoutsk et du lac Baïkal, sur les routes de glace du fleuve Lena et de la Kolyma, à travers les monts Tchersky jusqu’en Tchoukotka.

    Plonger dans le rêve d’un mort n’est pas sans risques.
    Au début les images t’enivrent. Suivre des traces, ça aide à démarrer.
    L’histoire étrangère devient ta propre histoire.
    Mais imperceptiblement tu te dissous, le rêve n’a plus rien d’un songe, il est aux commandes.
    Il attendait juste un corps nouveau pour régler ce qui n’est pas fini.
    Et ça n’aboutit pas forcément à ce que tu croyais vivre.

    A cette occasion, la librairie du Globe présentera un accrochage de photos panoramiques de Patricia Chichmanova.

    Zimnik, du Baïkal au Béring
    Récit de route
    10×15
    196 pages
    16 illustrations et cartes N/B

  • Le dégel du permafrost, l’autre menace climatique qui inquiète les chercheurs

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2017/10/09/le-permafrost-l-autre-menace-climatique_5198486_1650684.html

    Le réchauffement climatique entraîne le dégel de ce permafrost, libérant des gaz à effet de serre qui accélèrent le phénomène.

    Naviguer entre les 1 500 îles disséminées dans le delta de la Léna requiert une concentration sans faille, un œil fixé sur le radar du bateau pour éviter les bancs de sable, un autre à l’affût des amers côtiers qui ponctuent cette immensité de terre et d’eau. Avant de se jeter dans la mer de Laptev, au nord de la Sibérie, le fleuve est si large que ses rives dessinent un trait flou sur la ligne d’horizon.

    L’île de Samoïlov est reconnaissable à la cabane en bois, construite près du rivage, où cohabitent quelques scientifiques et les gardes de la réserve naturelle qui couvre l’embouchure du fleuve et les contreforts des monts Karaoulakh. Or une lente et irréversible érosion menace de livrer le petit édifice aux flots de la Léna. A terme, c’est l’île elle-même qui pourrait disparaître. Les fortes crues qui suivent la fonte des glaces, au printemps, fragilisent les côtes de Samoïlov.

    Mais l’îlot de 5 km2 pâtit surtout de la dégradation du permafrost sous l’effet du réchauffement climatique. Appelés aussi pergélisol, ces sols dont la couche supérieure dégèle en saison chaude conservent en profondeur une température en dessous de zéro degré pendant au moins deux ans consécutifs.

    « L’écosystème de Samoïlov fait face à une potentielle extinction », conclut prudemment un article de la revue Biogeosciences consacré à l’étude du site. Pour l’Allemande Julia Boike, qui a coordonné l’étude, et ses collègues de l’Institut Alfred Wegener pour la recherche polaire et marine (AWI), pas question de se résoudre à cette perspective.

    Chaque année, d’avril à septembre, les chercheurs de l’AWI et leurs partenaires russes de l’Institut de recherche sur l’Arctique et l’Antarctique de Saint-Pétersbourg et de l’Institut Melnikov du permafrost de Iakoutsk se relaient sur Samoïlov afin d’y étudier l’altération des sols sédimentaires, les transformations du paysage et les interactions entre réchauffement du climat et dégel du permafrost.


    En mission en septembre sur Kouroungnakh, l’île voisine de Samoïlov, un groupe de scientifiques allemands examinent la dégradation d’un type de permafrost très riche en glace.

    Deux tiers de la superficie russe

    L’île, équipée d’une station de recherche moderne financée par l’Institut Trofimouk du pétrole, de géologie et de géophysique de Novossibirsk, est un poste d’observation privilégié : le pergélisol occupe 95 % du territoire sibérien et les deux tiers de la superficie russe. A plus large échelle, les sols gelés couvrent le quart de l’hémisphère Nord, principalement en Alaska, au Canada, au Groenland, en Russie et en Chine.

    L’Europe occidentale se distingue par un permafrost de type alpin, présent dans plusieurs massifs montagneux. D’une composition et d’une géodynamique différentes de celles de son cousin des hautes latitudes, il est sensible, comme lui, aux variations climatiques. Le 23 août, un glissement de terrain provoqué par le dégel du pergélisol a emporté huit randonneurs près du village suisse de Bondo.

    « Le permafrost sibérien est à certains endroits très ancien, pouvant remonter au pléistocène [– 2,6 millions d’années à – 11 000 ans], avance Julia Boike. Il est très froid, à une température de – 9 °C environ, et il est très profond. On en a trouvé à près de 1 500 mètres de profondeur dans le nord de la Iakoutie. »


    Depuis 1998, des chercheurs allemands se relaient chaque année dans le delta de la Léna pour étudier les sols gelés.

    « A Samoïlov, il a pour autre caractéristique d’être relativement stable et très riche en matières organiques avec la présence de tourbières », ajoute l’enseignante-chercheuse avant d’enfiler d’épaisses bottes en plastique, indispensables pour progresser dans la toundra spongieuse qui domine à la surface de Samoïlov. Les jeunes doctorants qui l’accompagnent, ce matin de septembre, embarquent avec elle pour Kouroungnakh. L’île voisine présente d’imposants complexes de glace et un relief modelé par les thermokarsts, ces affaissements de terrains anciennement gelés.

    Les vallées arpentées six heures durant par les chercheurs de l’AWI ruissellent d’eau. « Nous voulons comprendre si l’eau qui irrigue le terrain provient des précipitations saisonnières ou si elle résulte des blocs de glace qui fondent avec la dégradation des sols », explique la géomorphologue Anne Morgenstern, sac à dos rempli d’échantillons d’eau prélevés tout au long du trajet et carnet de notes à portée de main.

    Une sorte d’immense congélateur

    Le réchauffement du permafrost, en Sibérie comme dans les autres régions où les scientifiques ont déployé leurs instruments de mesures, est avéré. Grâce aux capteurs disposés dans plusieurs puits, forés parfois jusqu’à 100 mètres de profondeur, l’équipe germano-russe de l’expédition Léna a enregistré une augmentation de température de 1,5 à 2 °C depuis 2006.

    « On assiste à une réelle tendance au réchauffement dans le sol et à une hausse des températures atmosphériques hivernales, confirme Julia Boike. Si le gradient thermique change, c’est toute la balance des flux d’énergie, d’eau, de gaz à effet de serre qui s’en trouve modifiée. » Un constat préoccupant alors que l’Arctique contribue à la régulation de toute la machine climatique terrestre.

    « Le permafrost est un immense congélateur, schématise Torsten Sachs, du Centre de recherche allemand pour les géosciences (GFZ), qui entame sa huitième mission sur l’île. Si vous laissez la porte du congélateur ouverte, votre pizza dégèle, votre crème glacée fond et les microbes se nourrissent de ces éléments organiques ! » A défaut de denrées consommables, le pergélisol libère des matières organiques qui, soumises à l’activité microbienne, produisent du CO2 en présence d’oxygène ou du méthane en milieu anaérobique, à l’instar des tourbières de Samoïloov.

    Ces deux gaz à effet de serre (GES) participent à l’élévation de la température qui entretient la destruction du permafrost et le largage de GES. La communauté de la recherche périglaciaire, qui nomme le phénomène « rétroaction liée au carbone du pergélisol », estime que les sols gelés stockeraient 1 500 gigatonnes de carbone, le double de la quantité de carbone dans l’atmosphère.


    Sur une des îles du delta de la Léna, ce forage, qui descend à 100 mètres de profondeur, permet d’étudier l’évolution des températures des sols gelés.

    Réchauffement supplémentaire

    Dans quelle proportion de dioxyde de carbone et de méthane le carbone relâché par les sols en dégel se fait-il ? Sachant que le méthane crée 25 fois plus d’effet de serre sur un siècle que le CO2. « C’est l’un des grands débats à venir », confesse Gerhard Krinner, chercheur CNRS à l’Institut des géosciences de l’environnement de Grenoble.

    L’inquiétude est d’autant plus forte que les modèles pris en compte dans les scénarios de réchauffement du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) n’intégraient pas, jusqu’à présent, ce mécanisme de rétroaction du pergélisol. « Le réchauffement supplémentaire attribuable au dégel du permafrost est de l’ordre de 10 % », avance Gerhard Krinner. Les émissions du permafrost pourraient ainsi faire grimper le thermomètre de 0,3 °C d’ici 2100.

    Dans le laboratoire de la station de recherche, maintenue à une température constante grâce à la centrale thermique alimentée par trois gros générateurs au bruit assourdissant, les chercheurs scrutent les courbes de ces gaz à effet de serre rejetés dans l’atmosphère. Les pics de méthane se répètent en été, mais l’analyse des données reste un exercice délicat dans ces hautes latitudes. La première période de mesure (2002-2012) s’est faite sans les équipements automatisés dont dispose la base moderne, opérationnelle depuis 2013.

    Trois ans plus tôt, lors d’une visite à Samoïlov, le président russe Vladimir Poutine avait estimé que la coopération germano-russe sur le permafrost méritait des infrastructures plus performantes. Jusque-là, les chercheurs de l’AWI – dont la première mission sur l’île remonte à 1998 – devaient se contenter du strict minimum et se trouvaient contraints de dormir sous des tentes de toile, de se chauffer à partir du bois flotté charrié par la Léna et d’utiliser la cabane des gardes de la réserve comme quartier général.


    Le bâtiment principal de la base de recherche russe, sur l’île de Samoïlov, en septembre.

    A quel rythme ?

    L’hivernage était alors inenvisageable. « On ne pouvait tout simplement pas enregistrer de données en hiver, témoigne Torsten Sachs. Il aurait fallu alimenter le générateur extérieur de l’époque tous les trois jours, parfois par – 40 °C, en pleine nuit polaire. » Les autres limites à l’interprétation des données collectées sont plus classiques. Dix ans constitue une période d’étude trop courte pour dégager une tendance de l’évolution des flux gazeux sur le long terme. Il faudrait aussi multiplier les points d’observation, une gageure en Sibérie, dont la superficie équivaut à plus de vingt fois la France.

    A bonne distance de la nouvelle station, peinte aux couleurs du drapeau russe, l’équipe de l’AWI achève l’installation d’un « igloo » qui accueillera en 2018 le matériel informatique et électrique de la nouvelle tour météorologique. Le cocon de fibre de verre devrait offrir des conditions d’enregistrement stables, à l’abri des rafales du vent ou des tempêtes de neige qui sévissent pendant l’hiver sibérien. Comme les autres édifices bâtis sur l’île, l’igloo a un socle sur pilotis afin d’absorber les mouvements du terrain. En un an seulement, le terrain s’est affaissé de 10 cm autour des piliers de la première tour météo.


    A distance de la nouvelle station de recherche russe, opérationnelle depuis 2013, un igloo en fibre de verre est installé pour protéger les équipements des conditions extrêmes des hautes latitudes.

    « Qu’il existe une interaction entre réchauffement du climat et dégel du permafrost, cela ne fait plus aucun doute », affirme Peter Schreiber entre deux séances d’assemblage des panneaux de l’igloo. « La question, désormais, est d’évaluer à quel rythme le permafrost va continuer de se désagréger et comment la nature va réagir à ce processus », considère l’ingénieur chargé de la station météo.

    La nature reste la grande ordonnatrice face aux bouleversements que subit la Sibérie arctique, estime Fédor Selvakhov. Le chef de la station de recherche veut bien admettre certains changements dans l’environnement qui l’entoure : « Il y a vingt ans, par exemple, il n’y avait pas un seul arbre dans la région, juste la végétation rase de la toundra. En me déplaçant dans le delta l’année dernière, j’ai vu des arbres de 2 mètres de haut. »

    Mais ce Iakoute né au bord de la Viliouï, un affluent de la Léna, ne croit pas aux causes anthropiques du changement climatique. « C’est le cycle de la nature. Il faisait chaud ici il y a deux cents ans, puis il a fait plus froid, et on assiste aujourd’hui à une nouvelle période chaude », soutient-il, à son bureau décoré de fossiles découverts dans les environs.

    Défenses de mammouth

    Quant au pergélisol, « il se réchauffe peut-être, mais pas vite ». « Lorsque l’on extrait du sol une défense de mammouth, on se rend compte que l’autre extrémité, celle encore prise dans la terre, est toujours gelée. C’est bien le signe que le permafrost demeure très froid », argumente le responsable. Conséquence inattendue du dégel des sols du Grand Nord, la chasse aux ossements fossilisés prospère en Sibérie.

    Günter Stoof, alias « Molo », comprend la mentalité de ses amis russes. « C’est la nature qui décide, pas l’homme », soutient le technicien de l’AWI qui a séjourné le plus de temps sur Samoïlov. A 65 ans, il jure que cette saison sera la dernière d’une carrière riche de 48 expéditions en Arctique et en Antarctique. Originaire d’Allemagne de l’Est, il a été le plus jeune membre de l’expédition soviétique de près de deux ans (1975-1977) chargée de construire une base en Antarctique. Il a ensuite multiplié les séjours, seul ou en équipe, dans les régions polaires.


    Günter Stoof, spécialiste des régions polaires, est celui qui a séjourné le plus longtemps sur la station sibérienne.

    Au gré du parcours de Molo, une autre histoire s’esquisse, celle de la coopération entre la RDA et l’URSS pendant la guerre froide. Après la chute du mur de Berlin, un comité scientifique avait été chargé de réfléchir au fonctionnement de la recherche de l’Allemagne réunifiée.Il avait recommandé de maintenir cette expertise polaire et de la structurer autour de l’unité de recherche de l’AWI basée à Postdam. « On y a retrouvé des spécialistes comme Molo ou Christine Siegert, qui avaient vingt ans d’expérience sur le permafrost par leur travail en commun avec les Russes », retrace Anne Morgenstern.

    L’étude des sols gelés s’est propagée en Russie dès le début du XXe siècle, accompagnant les choix stratégiques de Moscou. La politique d’extension vers les territoires de l’Est et du Nord, riches en hydrocarbures et en ressources minières, ne pouvait se faire sans la construction du Transsibérien. Mais pour mener à bien ce projet titanesque, il fallait d’abord développer une science de l’ingénierie sur le permafrost, omniprésent dans ces régions.

    Un Institut du permafrost est créé à Moscou à la fin des années 1930, il est déplacé à Iakoutsk en 1960. La grande ville de l’Est sibérien repose intégralement sur des sols gelés. Deux galeries souterraines (à 4 et 12 m de profondeur), creusées sous les fondations de l’institut, offrent un accès « direct » au pergélisol. Les strates sableuses des parois témoignent de l’histoire géologique de la ville, construite sur une terrasse alluviale de la Léna.


    A 12 mètres de profondeur, une galerie a été creusée sous l’Institut Melnakov, à Iakoutsk, pour observer in situ le permafrost.
    Anthrax et vastes cratères

    De lourdes portes maintiennent la température des galeries sous zéro degré. « Le dégel du permafrost constitue un danger pour la planète, mais à l’échelle de la Iakoutie, pour le moment, il reste assez stable », relativise Mikhaïl Grigoriev, l’un des deux vice-présidents de l’institut, avant d’ajouter : « Dans d’autres régions, en revanche, les effets du dégel sont plus visibles, notamment à Iamal. »

    Après un été 2016 anormalement chaud, la péninsule de l’ouest de la Sibérie a subi une épidémie d’anthrax – pour la première fois en Russie depuis 1941, selon l’Institut d’épidémiologie de Moscou – provoquée par le dégel du permafrost dans lequel la bactérie était conservée. Le territoire de la Iamalo-Nénétsie a fait également la « une » des médias russes après la découverte de vastes cratères. Ils résulteraient là encore du réchauffement du permafrost. « La région est riche en gaz. En dégelant, les sols libèrent des bulles gazeuses qui expliquent ces explosions », analyse M. Grigoriev.

    Aucun phénomène de ce type n’a été, pour l’instant, observé à Samoïlov, ni même en Alaska ou dans le Nord canadien. Un réseau mondial, le Global Terrestrial Network for Permafrost (GTN-P), agrège aujourd’hui les informations de plus de 250 sites. Il a pour double objectif de « mutualiser les connaissances mais aussi valider les nouveaux modèles climatiques », résume Hugues Lantuit, chercheur à l’AWI, l’institution référente du réseau.

    Un nouveau pan de recherche se développe par ailleurs sur le permafrost alpin. La prochaine Conférence européenne du permafrost, en juin 2018, à Chamonix, devrait permettre un état des lieux de ces travaux, bien avancés en Suisse mais encore embryonnaires en France.

    L’érosion côtière et ses impacts économico-sociaux devient un autre sujet de préoccupation, le tiers des côtes du monde entier étant situé dans des zones de pergélisol. En mer de Laptev ou en mer de Beaufort (en Amérique du Nord), l’érosion du littoral atteint à certains endroits plus de huit mètres par an et conduit des communautés villageoises à planifier leur relocalisation. A Samoïlov, la cabane en bois construite près du rivage tient toujours debout. Mais pour combien de temps ?

  • Les bouteilles à la mer de Patricia Chichmanov
    http://www.lecourrierderussie.com/2014/11/les-bouteilles-la-mer-de-patricia-chichmanov

    « Le fleuve Amour est la vraie frontière de la culture européenne : sur la rive asiatique, Balzac ne signifie plus rien pour personne » : en attendant sa conférence sur le Transalaska sibérien dans les locaux du Courrier de Russie, Patricia Chichmanov s’est prêtée au jeu de la grenouille (dans la vodka).

    • Au tout début du 20ème siècle, un ingénieur français, Loicq de Lobel, a passé des années à lancer un projet improbable : relier par rail l’Europe et la Russie à l’Amérique, en passant par le détroit de Béring. J’ai obtenu une carte avec le tracé du chemin de fer, de Iakoutsk à la Tchoukotka et décidé d’aller voir comment vivaient ceux qui attendaient ce train depuis cent ans, en compagnie d’une amie iakoute, la chercheuse Lena Fedorova. Nous allons d’école en école sur le tracé du train en racontant le projet : l’hiver dernier, nous avons suivi le Baïkal-Amour-Magistral, puis la ligne tracée par le fleuve Lena, de Iakoutsk à Zyryanka [en Iakoutie, ndlr]. Il me reste la partie jusqu’en Tchoukotka, que je dois faire cet hiver. Parallèlement, nous organisons un concours de dessins, voué à être exposé à Iakoutsk, Moscou et Paris : les enfants dessinent cette ligne de chemin de fer telle qu’ils se l’imaginent. Dans un pays où il est extrêmement difficile de se déplacer, ce n’est pas rien.
      (…)
      LCDR : Comment la Russie vous a-t-elle changée ?
      P. C : J’ai pris trente kilos, je ressemble à une baboulia (rires) !
      (…)
      LCDR : La Russie évolue dans le bon sens, selon vous ?
      P. C : Je ne juge pas : les Russes sont chez eux, ils font ce qu’ils veulent. Je garde mes opinions personnelles pour moi. La seule chose que je peux dire, c’est que quand votre nounou était professeur de physique et chercheur à l’Institut, vous vous disiez quand même qu’il y avait un problème. C’est la survie qui est la plus dure. La Russie – l’URSS – s’est décomposée en l’espace d’un an, les gens étaient dans un état de souffrance, de désarroi inimaginables. On savait que c’était fragile, mais l’URSS est tombée comme un immeuble qui s’écroule. Les truands, eux, étaient bien préparés, mais la majeure partie de la population vivait dans un équilibre de combines qui s’est complètement écroulé. Les gens ont perdu plusieurs fois leurs économies, leurs valeurs. Nous, on était là, on regardait ça – comme un livre d’Histoire dont les pages se mettraient à tourner à toute vitesse. C’était le chaos – tout était possible, mais aussi douloureux. J’ai compris qu’un État, une civilisation pouvaient s’écrouler en un claquement de doigts.

    • LCDR : Et la Sibérie ?
      P.C. : (…) Lors d’un de ces déplacements, en 2006, j’ai retrouvé à Tomsk un ami français qui avait acheté aux enchères une planche de vieilles photographies et souhaitait les légender. Manifestement, elles avaient été prises entre la Chine et la Russie, à la fin du 19ème siècle-début du 20ème. Il m’a confié les tirages avec pour mission d’en retrouver l’auteur. C’était une transmission quasiment spirituelle ! Je me suis imprégnée des visages qui y figuraient, je m’étais même inventé une histoire… Un jour, au Musée d’Histoire naturelle de Moscou, je suis tombée sur une reproduction où j’ai reconnu l’un des personnages et, en faisant des recherches, j’ai trouvé le photographe : #Charles_Vapereau. Il avait voyagé de Pékin à Paris en 1892. J’ai passé les deux années suivantes à parler de lui, j’ai organisé des expositions – à Paris, Pékin, et dans 18 villes de Russie.

      Par exemple, l’exposition à Samara

      Exposition Charles Vapereau « Pékin Amour Paris » | Alliance française Samara
      http://afrus.ru/samara/fr/2010/01/exposition-charles-vapereau-pekin-amour-paris-74

      L’exposition [a eu lieu du 19/02 au 14/03/2010] à la bibliothèque régionale de Samara