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  • L’envers des friches culturelles | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/231218/l-envers-des-friches-culturelles

    Terrains vagues, bâtiments désaffectés, rails à l’abandon… Un peu partout en France, ces espaces qui faisaient auparavant l’objet d’occupations illégales sont convertis en lieux culturels par une poignée d’entrepreneurs ambitieux. Ces sites, souvent éphémères, se présentent comme « engagés » et « créatifs » et participant à la revalorisation de quartiers dépréciés. Mais cette « valorisation » semble avant tout financière. Une enquête parue dans le numéro 11 du Crieur, toujours en librairie.

    • C’est que Ground Control s’inscrit plus largement dans une politique foncière en pleine expansion au sein de la SNCF : l’urbanisme transitoire. « Cette démarche dite d’“urbanisme temporaire” ou transitoire est un levier essentiel de valorisation, avance Fadia Karam, directrice du développement de SNCF Immobilier. Cela permet d’intensifier l’usage de nos sites parfois vides et d’éluder des coûts de gardiennage, d’entretien et de sécurité, en limitant la détérioration et l’obsolescence de notre patrimoine. En dotant nos sites de nouveaux usages, nous développons la valeur de nos actifs. »

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      La stratégie d’urbanisme transitoire du groupe ferroviaire prend naissance en 2013, quand une galerie de street art propose à ICF Habitat, filiale logement de la SNCF, d’investir provisoirement une de ses tours de logement destinée à la démolition. L’initiative, baptisée Tour Paris 13, est une telle réussite – trente mille visiteurs en un mois – que la SNCF entrevoit rapidement dans ce site culturel éphémère un formidable outil de communication sur la future HLM qui s’érigera en lieu et place de la tour. Et, par ricochet, d’augmentation de l’attractivité de ce quartier résidentiel grâce aux artistes graff les plus célèbres de la scène mondiale venus s’approprier l’immeuble en friche.

      Rapidement surnommée la « cathédrale du street art », la tour a été l’objet d’une grande attention médiatique, à l’image de Télérama, qui ira jusqu’à suivre en direct, avec trois caméras, la destruction du bâtiment en 2014. Trois ans plus tard, le même journal publiait un article élogieux sur le nouvel « immeuble HLM à l’architecture délirante » situé dans l’« eldorado parisien du street art ». Une opération de communication bénéficiant à la fois à l’acteur privé – la galerie Itinerrance – et à la SNCF, qui a pu aisément vendre ses logements flambant neufs à un prix lucratif.

      En 2015, deux ans après Tour Paris 13, l’occupation temporaire du dépôt de train de la Chapelle par Ground Control est appréhendée par SNCF Immobilier comme un projet pilote en vue de mieux formaliser sa démarche d’urbanisme transitoire. Après cette expérience concluante de friche culturelle éphémère, la filiale lance en fin d’année un appel à manifestation d’intérêt afin que seize de ses espaces désaffectés soient reconvertis provisoirement en « sites artistiques temporaires ».

      En réinvestissant une deuxième fois le dépôt de la Chapelle en 2016, puis la Halle Charolais de la gare de Lyon, Denis Legat devient, avec son concept Ground Control, le fer de lance de l’urbanisme transitoire prôné par la société nationale des chemins de fer. Au plus grand bonheur de Marie Jorio, cadre développement au sein de SNCF Immobilier qui, à propos du site de la Chapelle, déclare sans ambages : « Avec Ground Control, nous avons fait exister cette adresse plus rapidement et avons créé de l’attractivité : les opérateurs ont envie d’y aller et d’innover ! »

      Aux yeux de la SNCF, la friche culturelle Ground Control a en effet servi d’outil marketing pour mieux promouvoir l’aménagement urbain qui prévoit la construction de cinq cents logements dans ce coin morne du XVIIIe arrondissement. Quant aux visiteurs, ils ont été les cobayes de la future identité urbaine de ce quartier dévitalisé, Ground Control constituant un showroom hype au service du complexe immobilier en devenir. « L’ADN ferroviaire du site du dépôt Chapelle est ressorti très fortement dans l’appétence et le succès du concept, révèle ainsi SNCF Immobilier. Le projet urbain en cours de définition fera revivre cet ADN et cette identité ferroviaire très forte qui constituent un actif immatériel et un capital fort. »

      Le recours aux occupations temporaires pour accroître la valeur financière d’un projet immobilier et préfigurer ses futurs usages est de plus en plus systématique. En janvier 2018, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France avait recensé pas moins de soixante-dix-sept projets d’urbanisme transitoire en région francilienne depuis 2012 – dont plus de la moitié sont en cours. Quatre cinquièmes des propriétaires des sites sont des acteurs publics ( collectivités locales, établissements publics d’aménagement, SNCF, bailleurs sociaux ) et les occupations à dimension culturelle sont largement prédominantes.

      Les pouvoirs publics locaux ont par ailleurs décidé d’accompagner pleinement cette dynamique d’optimisation foncière. Le conseil municipal de Paris et le conseil métropolitain du Grand Paris ont tous deux récemment adopté le vœu qu’à l’avenir, tout projet d’aménagement urbain soit précédé d’une opération d’urbanisme transitoire. De plus, sur la quarantaine de projets d’urbanisme temporaire actuels, vingt-sept sont soutenus par la région Île-de-France dans le cadre de son appel à manifestations d’intérêt sur l’urbanisme transitoire lancé en 2016. Une enveloppe qui s’élève à 3,3 millions d’euros.

      Là encore, malgré les incantations à l’« innovation urbaine » et à la « transition écologique » de cet appel à projets, c’est avant tout l’argument économique qui fait mouche. « Il faut en moyenne douze ans pour qu’une ZAC [ zone d’aménagement concerté ] sorte de terre, avançait l’an dernier Chantal Jouanno, alors vice-présidente de la région. Durant ce laps de temps, les immeubles ne servent à personne, peuvent être squattés et perdre leur valeur. » La nature a horreur du vide. Les édiles parisiens également.
      Espace public, bénéfice privé

      Cultplace et La Lune rousse ne se contentent pas d’accaparer des friches. L’ensemble de leurs sites éphémères et établissements présentent en effet la particularité d’être des espaces hybrides, à la fois publics et privatisables, culturels et commerciaux. Des logiques tout autant artistico-festives que marchandes, qui ont permis aux entrepreneurs culturels de s’approprier une dénomination en vogue : celle de « tiers-lieu ».

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      Conceptualisé par le sociologue américain Ray Oldenburg dans un ouvrage intitulé The Great Good Place ( 1989 ), le tiers-lieu désigne à l’origine les espaces de sociabilité situés en dehors du domicile et du travail, comme les cafés ou les parcs publics. Cette expression aux contours flous a été employée afin de qualifier les premiers fablabs, les hackerspaces et autres jardins urbains partagés. Mais au grand dam des tenants de l’éthique open source et de l’esprit collectif de la débrouille, le terme de tiers-lieu s’est progressivement dénaturé jusqu’à qualifier de facto tout espace hébergeant des activités pluridisciplinaires, gratuites comme lucratives.

      « Je vois nos sites comme des écrins pour l’initiative, pour l’émergence d’envies, s’enflamme ainsi Renaud Barillet. Mais la réalité économique d’un tiers-lieu comme la friche 88 Ménilmontant fait qu’on a besoin de clients. Ce que l’on fabrique, ce sont des initiatives privées mais qui peuvent avoir une quote-part d’intérêt général. »

      Loïc Lorenzini, adjoint au maire du XVIIIe arrondissement chargé des entreprises culturelles, porte néanmoins un autre regard sur l’émergence de ces tiers-lieux. « Ground Control au dépôt de la Chapelle, cela n’a pas été évident avec eux au début, se souvient l’élu. Il y avait un service d’ordre avec des vigiles à l’entrée du lieu, ce qui n’a pas vraiment plu aux habitants du quartier. »

      Sa circonscription héberge actuellement deux sites artistiques temporaires de la SNCF : L’Aérosol – un hangar de fret reconverti en espace dédié au graffiti – et La Station-gare des mines – ancienne gare à charbon devenue salle de concert. Ces deux occupations de sites ferroviaires en friche préfigurent d’importants projets d’aménagement urbain comportant des logements, des bureaux ou encore l’Arena 2, une salle omnisports qui devrait être inaugurée en vue des Jeux olympiques de 2024.

      « Ces entreprises culturelles sont venues bousculer la vision classique de la culture, c’est-à-dire une vision subventionnée, avance Loïc Lorenzini. L’enjeu avec ces tiers-lieux, c’est qu’ils ne deviennent pas le cache-sexe de projets privés urbanistiques. Notre rôle est de rappeler que dans un arrondissement populaire comme le XVIIIe, il y a des enjeux locaux forts, telle la gentrification. »

    • Dernier avatar en date des tiers-lieux culturels qui foisonnent dans la capitale, La Recyclerie se présente comme « une start-up innovante qui réinvente le concept du tiers-lieu ( ni la maison ni le travail ) et fédère un large public sur le thème de l’écoresponsabilité ». Inauguré en 2014, cet établissement, composé d’un café-cantine, d’un atelier de réparation et d’une mini-ferme urbaine, est implanté au sein d’une station de train désaffectée de la Petite Ceinture, la gare Ornano, au nord du XVIIIe arrondissement.

      Les quais de la gare désaffectée du boulevard Ornano sur la ligne de Petite Ceinture. Les quais de la gare désaffectée du boulevard Ornano sur la ligne de Petite Ceinture.

      Un emplacement loin d’être anodin : la station à l’abandon se situe en effet porte de Clignancourt, à deux pas des échoppes discount des puces de Saint-Ouen, de la préfecture de police chargée des demandes d’asile de la capitale et d’un bidonville de Roms installé en contrebas de l’ancienne voie ferrée. Un carrefour où vendeurs à la sauvette, chiffonniers et migrants tentent de survivre par l’économie informelle.

      Malgré le fait qu’un tiers-lieu culturel ne soit pas de prime abord le projet urbain le plus pertinent en termes de besoins sociaux dans ce quartier populaire, « le maire de l’époque, Daniel Vaillant, a personnellement appuyé notre dossier, dévoile Marion Bocahut, présentée comme cheffe de projet écoculturel du lieu. La mairie du XVIIIe n’avait pas les moyens financiers d’acheter la gare Ornano, nous avons donc racheté l’intérieur du bâtiment ».

      La Recyclerie appartient à Sinny & Ooko, une société « créatrice de tiers-lieux et d’événements » dirigée par Stéphane Vatinel. Figure du milieu de la nuit, connu pour avoir fondé en 1992 le Glaz’art, un club électro emblématique installé dans un ancien dépôt de bus, l’entrepreneur a repris de 2003 à 2008 les rênes du Divan du monde, salle de spectacle historique de Pigalle.

      Par l’intermédiaire de son entreprise, ce quinquagénaire hyperactif est aujourd’hui l’exploitant de La Machine du Moulin rouge, l’incontournable discothèque techno du nord de la capitale, et du Pavillon des canaux, une bâtisse abandonnée sur les bords du bassin de la Villette réhabilitée en coffice – mi-café, mi-espace de travail.

      Quand il rachète la gare Ornano pour installer son tiers-lieu empreint « des valeurs collaboratives et du Do It Yoursef », Stéphane Vatinel fait appel à son ami Olivier Laffon, qui s’investit financièrement dans l’opération. Cet ancien magnat de l’immobilier devenu millionnaire a été le promoteur de mégacentres commerciaux, à l’instar de Bercy Village, Vélizy 2 ou Plan de campagne dans les Bouches-du-Rhône. Mais avec sa holding C Développement, Olivier Laffon s’est reconverti dans l’entreprenariat social.

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      Sa réalisation la plus célèbre demeure le Comptoir général, un ancien entrepôt au bord du canal Saint-Martin reconverti en 2009 en bar et « espace événementiel écosolidaire » à l’ambiance exotique. Devenu une référence quasi caricaturale du « Paris branché », le Comptoir général a fait appel jusqu’en 2013 aux services de Sinny & Ooko afin de développer et d’animer sa programmation. Une alliance pérenne entre les deux hommes d’affaires puisque C Développement avait précédemment investi dans le rachat du Divan du monde et dans La Machine du Moulin rouge, établissements gérés par Stéphane Vatinel…

      Pour les événements écoculturels de La Recyclerie, Sinny & Ooko a fait appel à un partenaire des plus édifiants : la fondation Veolia. L’entreprise du CAC 40, connue pour être le géant mondial de la privatisation de l’eau, finance en effet en grande partie la programmation du lieu et est partenaire de son cycle de conférences sur l’économie circulaire. La bibliothèque de La Recyclerie a de surcroît été ouverte avec des livres offerts par la multinationale. « Veolia nous accompagne aussi dans notre développement, notamment avec Scale up ( “changement d’échelle” ), un programme de l’Essec Business School qui nous a permis de savoir comment dupliquer un lieu comme La Recyclerie », détaille Marion Bocahut.

      Le concept de La Recyclerie a effectivement depuis peu changé d’échelle. Sinny & Ooko a inauguré en août dernier un nouveau tiers-lieu écoculturel baptisé la Cité fertile. Ici, comme pour Ground Control, SNCF Immobilier a fait signer à Sinny & Ooko, à l’aune de son appel à projets sur l’urbanisme transitoire, une convention d’occupation de trois ans de son ancienne gare de fret basée à Pantin. « Nous sommes là pour opérer une transition entre une gare de marchandises et le futur écoquartier de la ville de Pantin », assume Clémence Vazard, cheffe du projet de la Cité fertile.

      L’écoquartier prévoit mille cinq cents logements et près de cent mille mètres carrés de bureaux et de locaux commerciaux. Une opération foncière des plus rentables pour SNCF Immobilier et les promoteurs. Surnommée la « Brooklyn parisienne », Pantin constitue depuis peu un eldorado de la spéculation immobilière : l’ancienne cité industrielle a vu flamber de 15 % en cinq ans le prix du mètre carré, un record parmi les villes de la petite couronne parisienne.

      En attendant, sur près d’un hectare, la Cité fertile veut « explorer et imaginer la ville de demain » en attirant un million de curieux par an avec ses ateliers, ses conférences et sa cantine approvisionnée en circuits courts. Clémence Vazard explique que l’équipe a consulté la municipalité de Pantin afin d’« identifier les acteurs locaux et demander leurs contacts ». Parmi la cinquantaine de personnes salariées sur le site, une seule pourtant se consacre à cette ouverture sur les Pantinois. « En tout cas, si on a un partenariat comme Veolia qui peut se présenter, ce serait le meilleur pour nous », souligne la cheffe de projet. Avant de préciser : « Sinny & Ooko possède l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale ( Esus ), en aucun cas nous ne faisons du greenwashing. »

      L’originalité de cette friche éphémère réside cependant ailleurs. La Cité fertile héberge en effet depuis septembre le « campus des tiers-lieux », école de formation et incubateur d’entreprises dont le but est de développer les tiers-lieux culturels en tant que modèles économiques d’avenir. « Depuis l’an dernier, Sinny & Ooko est certifié comme organisme de formation. Nous proposons un module pour apprendre à être responsable de tiers-lieu culturel, détaille Clémence Vazard. Nous avons déjà formé une soixantaine de personnes, dont certaines ont récemment monté leur propre tiers-lieu à Montreuil – la Maison Montreau – ou à Niamey, au Niger – L’Oasis, un espace de coworking parrainé par Veolia. »

      Selon les formateurs Sinny & Ooko, le tiers-lieu culturel est un modèle démultipliable à souhait, telle une unité standardisée qui se résume, selon sa plaquette de présentation, à un « HCR [ hôtel café restaurant ] à portée culturelle », où une activité économique « socle » de bar-restauration permet de financer une programmation qui fait vivre le lieu.
      Friche partout, créativité nulle part

      En moins de cinq ans, Cultplace, La Lune rousse et Sinny & Ooko ont édifié un véritable petit empire économique en Île-de-France. Elles ont même l’ambition de s’implanter durablement à travers l’Hexagone en reproduisant des fac-similés de leurs tiers-lieux respectifs. Renaud Barillet a ainsi récemment remporté deux appels à projets à Bordeaux et un autre à Lyon afin d’édifier « des projets très proches en termes d’ADN et de ventilation des espaces de ce qu’est La Bellevilloise ».

      En Charente-Maritime, à Rochefort, Cultplace est en train de mettre sur pied Grand foin, « une déclinaison rurale de La Bellevilloise », aux dires de Renaud Barillet. Par ailleurs, depuis 2016, Denis Legat et son équipe débarquent chaque été aux Rencontres de la photographie d’Arles, où ils investissent un ancien hangar de la SNCF avec leur habituelle formule Ground Control.

      Stéphane Vatinel, quant à lui, doit ouvrir d’ici 2023 La Halle aux Cheminées, un tiers-lieu dans une ancienne friche militaire de Toulouse dont le concept n’est autre qu’un copier-coller de La Recyclerie. Autant de jalons d’une hégémonie économico-culturelle dont se défend du bout des lèvres Renaud Barillet : « C’est vrai que ceux qui ont commencé à réaliser des tiers-lieux arrivent aujourd’hui à se développer et je pense que pour un nouveau venu, ce n’est pas si simple. Les appels d’offres demeurent très économiques et orientés vers l’immobilier. »

      Ce business model des friches est si bien rodé et rencontre un tel succès qu’il en devient vecteur d’une certaine uniformisation. À Paris, en plus du Poinçon, la gare de Montrouge rénovée par Cultplace, et de La Recyclerie, ex-gare Ornano, la plupart des seize stations de la Petite Ceinture deviendront des tiers-lieux, à l’instar du Hasard ludique, « lieu culturel hybride » niché porte de Saint-Ouen, ou de La Gare-jazz à la Villette – en lieu et place de l’ancien squat artistique Gare aux gorilles.

      La gare Masséna vue depuis la rue Regnault. La gare Masséna vue depuis la rue Regnault.

      Dans le cadre de Réinventer Paris, l’ancienne gare Masséna sera quant à elle réhabilitée en « lieu de vie et de proximité » d’ici 2019 avec bar et cantine, ferme urbaine, boutiques bio, espaces artistico-culturels et bureaux. Enfin, Stéphane Vatinel a l’an dernier remporté l’exploitation de deux sites en friche grâce à Réinventer la Seine, un appel à projets visant à « la construction d’un territoire métropolitain évident et d’envergure internationale ». Une usine désaffectée à Ivry et l’ancien tribunal de Bobigny seront ainsi, à l’horizon 2022, reconvertis tous deux en tiers-lieux écoculturels estampillés Sinny & Ooko.

      À cette dynamique de duplication des tiers-lieux s’ajoutent les dizaines de terrasses temporaires qui essaiment chaque été dans les interstices urbains de la capitale, à l’image de la Base Filante, une friche éphémère de trois mille mètres carrés qui a ouvert ses portes en juillet dernier à deux pas du Père-Lachaise. L’initiative est portée par quatre collectifs, dont certains ont déjà pris part à la conception d’une autre terrasse temporaire, la friche Richard Lenoir, ou à l’aménagement de La Station-gare des mines.

      Au programme de la Base Filante, le sempiternel quatuor bières artisanales, cours de yoga, tables de ping-pong et musique électronique. « On assiste à une sorte de standardisation qui annihile toute créativité : tout espace en friche se voit devenir un lieu éphémère avec un bar et des transats, s’alarme Quentin, du collectif Droit à la ( Belle )ville. La créativité s’arrête dès qu’il y a une tireuse à bière artisanale… »

      Enfin, la mise en avant quasi généralisée de l’imaginaire « squat », via la scénographie récup’ et DIY, comme à travers la rhétorique de l’alternative et du collaboratif dans la communication de ces lieux festifs, participe également à cette uniformisation des sites culturels. « Ces friches font croire à une fausse occupation de l’espace alors qu’il y a des vigiles à l’entrée, fulmine Quentin. On vend de faux espaces de liberté où on dit aux gens ce qu’ils doivent consommer et où. »

      Pour les chercheuses Juliette Pinard et Elsa Vivant, « cette esthétique du squat […], donnant la part belle aux atmosphères brutes et industrielles, participe à la mise en scène de ces lieux temporaires en tant qu’“espaces alternatifs” et expérience singulière ». En institutionnalisant les occupations transitoires, les friches culturelles éphémères ont réussi le tour de force de neutraliser la portée subversive des squats artistiques, qui contestaient la propriété privée en privilégiant le droit d’usage, tout en s’appropriant leurs codes esthétiques.

      « Et le squat devient fréquentable », titrait ainsi Télérama en avril dernier à propos des occupations transitoires après que Libération eut publié sur son blog Enlarge Your Paris un entretien intitulé « Les friches font entrer les villes dans l’ère des squats légaux ».

      Dans le quartier Darwin. Dans le quartier Darwin.

      Le phénomène des friches culturelles se circonscrit de moins en moins à la région Île-de-France. À Bordeaux, les instigateurs du site culturel Darwin Écosystème, installé depuis 2009 dans l’ancienne caserne Niel et qui se présente comme un « lieu d’hybridation urbaine mêlant activités économiques et initiatives citoyennes », ne se sont jamais cachés de s’être inspirés directement de La Bellevilloise. Le promoteur immobilier Résiliance a de son côté mis à disposition un terrain vague de vingt hectares situé au nord de Marseille à Yes We Camp, un collectif de cinquante salariés spécialisé dans la création de friches culturelles éphémères, à Paris comme à Roubaix.

      Depuis cette année, la vaste parcelle en jachère accueille un « parc métropolitain d’un nouveau genre, à la fois lieu de vie, de mémoire, de pratiques culturelles et sportives ». Le site, baptisé Foresta, est inséré dans un projet d’aménagement porté par Résiliance et articulé autour d’un immense entrepôt commercial réservé aux grossistes du marché textile chinois.

      Quant aux anciens abattoirs de Rezé, dans l’agglomération nantaise, ils hébergent depuis juillet dernier Transfert, trois hectares de friche culturelle définie par ses concepteurs comme un « espace qui se mue en un lieu de transition où l’on imagine, invente et fabrique ensemble un lieu de vie qui questionne la ville de demain ». L’occupation provisoire durera cinq ans, le temps nécessaire à accroître l’attractivité et la valeur immobilière de ce no man’s land qui doit accueillir un gigantesque projet d’aménagement urbain prévoyant trois mille logements.

      Cette politique de l’éphémère à fin mercantile semble ainsi définitivement être sur les rails qui la conduiront à se pérenniser et à s’étendre à l’ensemble du territoire. « Nous avons désormais un vivier de porteurs de projets qui nous sollicitent, affirme Charlotte Girerd, de SNCF Immobilier. Depuis 2015, une vingtaine de projets d’urbanisme transitoire ont été mis en œuvre. Notre ambition est que d’ici 2019-2020, deux à trois sites répondant à la démarche d’urbanisme transitoire soient lancés chaque année, avec la volonté de travailler de plus en plus hors d’Île-de-France. »

      Une filiale de la SNCF à la manœuvre d’opérations immobilières spéculatives, des collectivités publiques au service du développement économique, des entreprises culturelles de plus en plus hégémoniques… Si les friches culturelles viennent « questionner la ville de demain », elles soulèvent aussi une tout autre question : comment faire exister une politique culturelle affranchie de toute logique économique ?

    • L’envers des friches culturelles | Mickaël Correia
      https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/231218/l-envers-des-friches-culturelles

      ( ai manqué publié un doublon ; j’ajoute ici pour mémoire l’ensemble de l’article et des #)

      MICKAËL CORREIA
      Terrains vagues, bâtiments désaffectés, rails à l’abandon… Un peu partout en France, ces espaces qui faisaient auparavant l’objet d’occupations illégales sont convertis en #lieux_culturels par une poignée d’#entrepreneurs ambitieux. Ces sites se présentent comme « engagés » et participant à la revalorisation de quartiers dépréciés. Mais cette « valorisation » semble avant tout financière. Une enquête parue dans le numéro 11 du Crieur, toujours en librairie.

      En haut de la rue de Ménilmontant, dans l’Est parisien, une palissade court le long du numéro 88. Pour les passants, impossible de deviner ce que cachent ces hautes planches de bois. Mais depuis l’an dernier, le 88 ouvre ses portes dès les prémices de l’été. Et il suffit de montrer patte blanche à un vigile nonchalant pour y découvrir une vaste friche réhabilitée en terrasse éphémère.

      Tables et chaises de guingois, mobilier en palettes de chantier et buvette en pin, décoration de bric et de broc, fresques street art… Tout respire l’esthétique récup’ et Do It Yourself. Sous la chaleur écrasante, certains sont avachis sur une chaise longue et sirotent une bière. D’autres s’adonnent paresseusement à une partie de ping-pong sur fond de musique électro.
      Durant tout l’été, dans cette scénographie naviguant entre squat urbain et guinguette, la #friche dénommée sobrement 88 Ménilmontant propose pêle-mêle initiations au yoga, ateliers de sophrologie ou performances artistiques. Entre deux palmiers en pot et une « fresque végétale collaborative », quelques rares graffitis semblent avoir été tracés bien avant la réhabilitation de cet espace en jachère. « Ce sont de vieux graffs qu’on pourrait presque qualifier d’historiques, assure une habitante du quartier. Avant, il y avait un squat d’artistes ici et tout a été rasé ! »

      À peine quatre ans auparavant, en lieu et place du 88 Ménilmontant, se dressaient d’anciens ateliers d’artisans miroitiers. Occupé depuis 1999 par un collectif libertaire, le bâtiment, rebaptisé La Miroiterie, était au fil des ans devenu un #squat incontournable de la scène musicale underground parisienne. Ses concerts éclectiques – hip-hop francilien, punk suédois, rap libanais, sans compter les interminables jam-sessions jazz du dimanche – attiraient chaque semaine un public bigarré.

      Certes, le lieu commençait à être insalubre, la qualité sonore n’était pas toujours au rendez-vous et les murs tagués sentaient la bière éventée. Mais comme le soulignent Emy Rojas et Gaspard Le Quiniou, qui y ont organisé une trentaine de concerts sous l’étiquette Arrache-toi un œil, « en passant le portail du squat, il y avait une sensation de liberté difficile à retrouver dans des lieux plus institutionnels ». Avec ses soirées à prix modiques, ses ateliers d’artistes indépendants et ses stands proposant fanzines et autres disques autoproduits, cet espace autogéré incarnait un îlot de #contre-culture mythique bien au-delà des frontières de la capitale.

      En avril 2014, l’effondrement d’un mur vétuste lors d’un concert sonne le glas de cette aventure singulière. Menacés d’expulsion depuis 2009 par un promoteur immobilier ayant acquis la parcelle, les occupants de La Miroiterie sont évacués sans ménagement ni projet de relogement, et ce malgré quinze années d’animation du quartier et le soutien de nombreux habitants.

      À deux pas de l’ex-Miroiterie siège l’imposante Bellevilloise. Fort de ses deux mille mètres carrés de salle de concert, d’espace d’exposition et de restaurant, cet établissement culturel est aujourd’hui l’un des repaires incontournables du Paris branché. Chaque année, le site accueille près de deux cent mille visiteurs qui viennent clubber ou applaudir des groupes estampillés « musique du monde ». À ces activités festives s’ajoutent des débats publics, avec parfois des invités de prestige comme Edgar Morin ou Hubert Reeves, et des soirées privées de grandes entreprises telles que Chanel et BNP Paribas.

      La façade de La Bellevilloise à Paris.

      Plus qu’un temple dédié à la #culture et aux grands événements parisiens, La Bellevilloise est aussi la figure de proue des friches urbaines reconverties en sites culturels. Ancienne coopérative ouvrière de consommation créée peu de temps après la Commune, bastion militant où Jean Jaurès tenait ses rassemblements, l’immeuble à l’abandon, qui hébergea après guerre une caisse de retraites, a été racheté au début des années 2000. À la manœuvre de cette opération immobilière, un trio de jeunes entrepreneurs issus du monde du spectacle et de la publicité. « Nous étions assez pionniers à l’époque. Mobiliser une surface aussi importante sur Paris pour des activités culturelles, c’était novateur », reconnaît Renaud Barillet, l’un des trois fondateurs et directeur général associé de La Bellevilloise.

      Quand le site est inauguré en 2006, le chef d’entreprise est pleinement dans l’air du temps. Motrice de nombreuses occupations illégales de friches industrielles, la vague techno qui a submergé l’Europe à la fin des années 1980 est alors en train de progressivement s’éteindre. Les warehouses berlinoises, ces entrepôts désaffectés investis le temps d’une soirée clandestine, se transforment en clubs électros commerciaux. À Paris, l’organisation en 2001 d’une fête techno sauvage dans l’ancienne piscine désaffectée Molitor, en plein XVIe arrondissement, marque le chant du cygne des free parties urbaines.

      La façade de La Condition publique à Roubaix.

      Le tournant des années 2000 voit dès lors les débuts de la réhabilitation des lieux industriels en #espaces_culturels. L’ancien marché couvert Sainte-Marie à Bruxelles est reconverti en 1997 en complexe culturel baptisé Les Halles de Schaerbeek. De son côté, la manifestation Lille 2004 Capitale européenne de la culture fait émerger nombre d’établissements dans des usines abandonnées par l’industrie textile locale. « Nous nous sommes inspirés de La Condition publique, un lieu culturel installé dans un ancien entrepôt de laine à Roubaix depuis Lille 2004, mais aussi de ce que fabriquait Fazette Bordage, la créatrice du Confort moderne à Poitiers, première friche culturelle en France », détaille Renaud Barillet.

      Du point de vue de l’équipe de La Bellevilloise, se pencher sur le 88 de la rue de Ménilmontant était une démarche des plus évidente. « Nous avons toujours été préoccupés par ce que La Miroiterie allait devenir, car un squat, par définition, c’est éphémère, explique l’entrepreneur. Comme elle est située juste derrière La Bellevilloise, nous nous sommes dit que si une opération immobilière se préparait, il fallait être attentif à l’ensemble architectural, aux problèmes de nuisances sonores, etc. »

      Ayant eu vent de ce que le récent propriétaire du lieu voulait édifier un immeuble d’un seul tenant, les dirigeants de La Bellevilloise interpellent Bertrand Delanoë, à l’époque maire de la capitale. À peine quelques mois plus tard, #Paris_Habitat, bailleur social de la ville de Paris, rachète le lot immobilier et un projet de réhabilitation est ficelé avec Renaud Barillet et ses comparses : côté rue, des logements étudiants avec, au rez-de-chaussée, sept ateliers-boutiques d’artistes design. En fond de cour, l’entrepreneur a prévu « une fabrique d’image et de son [ un studio de production et une salle de concert – ndlr ], des espaces de coworking, des bureaux et un spa à dimension artistique ».

      Bertrand Delanoë en 2010.

      Partant, l’ancienne Miroiterie est démolie. Afin de rentabiliser cette friche et d’engranger des recettes qui serviront à la construction du nouvel établissement (dont l’ouverture est prévue en 2021), l’équipe a mis sur pied une terrasse éphémère dès le printemps 2017. Bien éloigné des visées culturelles à but non lucratif de La Miroiterie, le 88 Ménilmontant n’est pas sans susciter l’ire des riverains et des anciens occupants du squat.

      Figure historique de La Miroiterie, Michel Ktu déclare ainsi par voie de presse : « Ils montent des salles en piquant nos idées parce qu’eux n’en ont pas. Ils récupèrent un décor de squat, mettent des câbles électriques apparents, des trous dans le mur, des canapés défoncés et des graffs, mais ils ne savent pas accueillir les gens ni les artistes. » « Il y a une surface vide, autant qu’elle soit utilisée, se défend Renaud Barillet. Quant à la forme “transat et tireuses à bière”, on ne va pas réinventer l’eau chaude : c’est un modèle basique et provisoire. »

      Faire du blé sur les friches

      Renaud Barillet n’en est pas à son galop d’essai. Avec son acolyte, Fabrice Martinez, également cofondateur de La Bellevilloise et ancien chef de publicité chez Nike et Canal+, il a récemment créé le groupe Cultplace, qui s’affiche comme une « fabrique de lieux de vie à dimension culturelle ». Les ambitieux entrepreneurs ont ainsi reconverti en 2013 un coin des halles de La Villette, anciens abattoirs aux portes de la capitale rénovés au début des années 2000. Dans cet écrin de métal et de verre appartenant au patrimoine public, ils ont conçu un restaurant-scène de jazz baptisé La Petite Halle.

      La rotonde du bassin de la Villette.

      Au sud du bassin de la Villette, La Rotonde, ex-barrière d’octroi du nord de Paris datant du XVIIIe siècle, a quant à elle été réhabilitée par ces businessmen en Grand Marché Stalingrad, hébergeant des « comptoirs food », un concept-store design et un club. Le bâtiment, alors à l’abandon, avait été restauré à l’initiative de la ville de Paris en 2007.

      Durant la seule année 2018, deux friches industrielles reconverties en site culturel ont ouvert sous la houlette de #Cultplace. L’ancienne gare désaffectée de Montrouge-Ceinture a été confiée par Paris Habitat et la mairie du XIVe arrondissement à Renaud Barillet afin d’être rénovée en café-restaurant culturel. Sur les bords du canal de l’Ourcq, à Pantin, les gigantesques Magasins généraux ont été quant à eux réhabilités en 2016. Longtemps surnommés le « grenier de Paris », ces entrepôts stockaient auparavant les grains, farines et charbons qui approvisionnaient la capitale.

      Si l’immeuble de béton accueille depuis peu le siège du géant de la publicité BETC, Cultplace y a niché à ses pieds Dock B – le B faisant référence à La Bellevilloise –, mille deux cents mètres carrés de cafés-comptoirs, scène artistique et terrasse qui devraient être inaugurés à la rentrée 2018. « Tous nos lieux sont indépendants, car nous ne sommes pas sous tutelle publique ni même subventionnés, insiste Renaud Barillet. Nous ne dépendons pas d’un grand groupe ou d’un seul investisseur. »

      Logo de CultPlace.

      Cultplace n’est cependant pas la seule entreprise partie à la conquête des friches industrielles de la métropole parisienne. En vue de concevoir et d’animer le Dock B, Renaud Barillet s’est associé à l’agence Allo Floride. Avec La Lune rousse, une société organisatrice d’événementiels, cette dernière a été à l’initiative de Ground Control, un bar temporaire inauguré en 2014 à la Cité de la mode et du design. Depuis cette première expérience lucrative, La Lune rousse s’est fait une spécialité : l’occupation provisoire, sous l’étiquette Ground Control, de sites désaffectés appartenant à la SNCF.

      Ainsi, en 2015, quatre mille mètres carrés du dépôt ferroviaire de la Chapelle, dans le XVIIIe arrondissement, ont été mis à disposition de l’entreprise le temps d’un été afin de le reconvertir en « bar éphémère, libre et curieux ». La manifestation s’est révélée si fructueuse en termes d’affluence qu’elle a été renouvelée l’année suivante par la SNCF, attirant quatre cent mille personnes en cinq mois.

      Espace insolite chargé d’histoire industrielle, musique électro, transats, ateliers de yoga, comptoirs food et esthétique récup’, le concept Ground Control utilise exactement les mêmes ficelles que Cultplace pour produire ses friches culturelles. Quitte à réemployer les mêmes éléments de langage. Se définissant ainsi comme un « lieu de vie pluridisciplinaire » ou comme une « fabrique de ville, fabrique de vie », Ground Control, couronné de son succès, a pris place depuis 2017 au sein de la Halle Charolais, un centre de tri postal de la SNCF situé près de la gare de Lyon. Un million de visiteurs annuels sont cette fois-ci attendus dans le hangar à l’abandon.

      Ouvertes en février, la « Halle à manger », qui peut servir trois cents couverts par jour, les boutiques et les galeries-ateliers de Ground Control se réclament toutes d’un commerce équitable ou bio. Et si, sur la cinquantaine de #salariés sur le site, quarante-deux sont employés en tant que #saisonniers, ce « laboratoire vivant d’utopie concrète », aux dires de ses créateurs, n’hésite pas à s’afficher comme un « lieu engagé » accueillant tous ceux qui sont en « mal de solidarité ».

      Toutefois, Denis Legat, directeur de La Lune rousse, ne s’est pas seulement attelé à la réhabilitation d’une jachère urbaine en friche culturelle « alternative et indépendante ». Depuis plus de vingt ans, cet homme d’affaires s’est solidement implanté dans le business de l’organisation des soirées d’entreprise. Sa société compte à son actif la mise en œuvre de la Nuit électro SFR (si_ c)_ au Grand Palais, afin de « célébrer l’arrivée de la 4G à Paris », ou encore la privatisation de la salle Wagram lors d’une soirée Bouygues Bâtiment.

      Récemment, La Lune rousse a conçu un « bar à cocktail domestique et connecté » pour le groupe Pernod Ricard, présenté lors d’un salon high-tech à Las Vegas, et scénographié la summer party de Wavestone, un cabinet de conseil en entreprise coté en bourse. Des clients et des événements bien éloignés des « initiatives citoyennes, écologiques et solidaires » brandies par Ground Control…

      Malgré l’ambivalence éthique de La Lune rousse, la SNCF s’est très bien accommodée de cette entreprise acoquinée avec les fleurons du secteur privé français pour occuper plusieurs de ses friches. « Ce sont des lieux qui nous appartiennent et que nous ne pouvons pas valoriser immédiatement, justifie Benoît Quignon, directeur général de SNCF Immobilier, la branche foncière du groupe. Nous choisissons donc de les mettre à disposition d’acteurs qui se chargent de les rendre vivants. »

      En faisant signer à La Lune rousse une convention d’occupation temporaire de la Halle Charolais jusque début 2020, l’objectif de SNCF Immobilier est assurément de rentabiliser financièrement cet espace vacant sur lequel un programme urbain dénommé « Gare de Lyon-Daumesnil » prévoit la création de six cents logements, de bureaux et d’équipements publics d’ici 2025.

      C’est que #Ground_Control s’inscrit plus largement dans une politique foncière en pleine expansion au sein de la SNCF : l’#urbanisme_transitoire. « Cette démarche dite d’“urbanisme temporaire” ou transitoire est un levier essentiel de valorisation, avance Fadia Karam, directrice du développement de SNCF Immobilier. Cela permet d’intensifier l’usage de nos sites parfois vides et d’éluder des coûts de #gardiennage, d’entretien et de #sécurité, en limitant la détérioration et l’obsolescence de notre patrimoine. En dotant nos sites de nouveaux usages, nous développons la valeur de nos actifs. »

      La stratégie d’urbanisme transitoire du groupe ferroviaire prend naissance en 2013, quand une galerie de street art propose à ICF Habitat, filiale logement de la SNCF, d’investir provisoirement une de ses tours de logement destinée à la démolition. L’initiative, baptisée Tour Paris 13, est une telle réussite – trente mille visiteurs en un mois – que la SNCF entrevoit rapidement dans ce site culturel éphémère un formidable outil de #communication sur la future HLM qui s’érigera en lieu et place de la tour. Et, par ricochet, d’augmentation de l’attractivité de ce quartier résidentiel grâce aux artistes graff les plus célèbres de la scène mondiale venus s’approprier l’immeuble en friche.

      Rapidement surnommée la « cathédrale du #street_art », la tour a été l’objet d’une grande attention médiatique, à l’image de Télérama, qui ira jusqu’à suivre en direct, avec trois caméras, la destruction du bâtiment en 2014. Trois ans plus tard, le même journal publiait un article élogieux sur le nouvel « immeuble HLM à l’architecture délirante » situé dans l’« #eldorado parisien du street art ». Une opération de communication bénéficiant à la fois à l’acteur privé – la galerie Itinerrance – et à la SNCF, qui a pu aisément vendre ses logements flambant neufs à un prix lucratif.

      En 2015, deux ans après Tour Paris 13, l’occupation temporaire du dépôt de train de la Chapelle par Ground Control est appréhendée par SNCF Immobilier comme un projet pilote en vue de mieux formaliser sa démarche d’urbanisme transitoire. Après cette expérience concluante de friche culturelle éphémère, la filiale lance en fin d’année un appel à manifestation d’intérêt afin que seize de ses espaces désaffectés soient reconvertis provisoirement en « sites artistiques temporaires ».

      En réinvestissant une deuxième fois le dépôt de la Chapelle en 2016, puis la Halle Charolais de la gare de Lyon, Denis Legat devient, avec son concept Ground Control, le fer de lance de l’urbanisme transitoire prôné par la société nationale des chemins de fer. Au plus grand bonheur de Marie Jorio, cadre développement au sein de SNCF Immobilier qui, à propos du site de la Chapelle, déclare sans ambages : « Avec Ground Control, nous avons fait exister cette adresse plus rapidement et avons créé de l’attractivité : les opérateurs ont envie d’y aller et d’innover ! »

      Aux yeux de la SNCF, la friche culturelle Ground Control a en effet servi d’outil #marketing pour mieux promouvoir l’#aménagement_urbain qui prévoit la construction de cinq cents logements dans ce coin morne du XVIIIe arrondissement. Quant aux visiteurs, ils ont été les cobayes de la future identité urbaine de ce quartier dévitalisé, Ground Control constituant un showroom hype au service du complexe immobilier en devenir. « L’ADN ferroviaire du site du dépôt Chapelle est ressorti très fortement dans l’appétence et le succès du concept, révèle ainsi SNCF Immobilier. Le projet urbain en cours de définition fera revivre cet ADN et cette identité ferroviaire très forte qui constituent un actif immatériel et un capital fort. »

      Le recours aux occupations temporaires pour accroître la valeur financière d’un projet immobilier et préfigurer ses futurs usages est de plus en plus systématique. En janvier 2018, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France avait recensé pas moins de soixante-dix-sept projets d’urbanisme transitoire en région francilienne depuis 2012 – dont plus de la moitié sont en cours. Quatre cinquièmes des propriétaires des sites sont des acteurs publics ( collectivités locales, établissements publics d’aménagement, SNCF, bailleurs sociaux ) et les occupations à dimension culturelle sont largement prédominantes.

      Les pouvoirs publics locaux ont par ailleurs décidé d’accompagner pleinement cette dynamique d’optimisation foncière. Le conseil municipal de Paris et le conseil métropolitain du Grand Paris ont tous deux récemment adopté le vœu qu’à l’avenir, tout projet d’aménagement urbain soit précédé d’une opération d’urbanisme transitoire. De plus, sur la quarantaine de projets d’urbanisme temporaire actuels, vingt-sept sont soutenus par la région Île-de-France dans le cadre de son appel à manifestations d’intérêt sur l’urbanisme transitoire lancé en 2016. Une enveloppe qui s’élève à 3,3 millions d’euros.

      Là encore, malgré les incantations à l’« innovation urbaine » et à la « transition écologique » de cet appel à projets, c’est avant tout l’argument économique qui fait mouche. « Il faut en moyenne douze ans pour qu’une ZAC [ zone d’aménagement concerté ] sorte de terre, avançait l’an dernier Chantal Jouanno, alors vice-présidente de la région. Durant ce laps de temps, les immeubles ne servent à personne, peuvent être squattés et perdre leur valeur. » La nature a horreur du vide. Les édiles parisiens également.

      Espace public, bénéfice privé

      Cultplace et La Lune rousse ne se contentent pas d’accaparer des friches. L’ensemble de leurs sites éphémères et établissements présentent en effet la particularité d’être des espaces hybrides, à la fois publics et privatisables, culturels et commerciaux. Des logiques tout autant artistico-festives que marchandes, qui ont permis aux entrepreneurs culturels de s’approprier une dénomination en vogue : celle de « #tiers-lieu ».

      Conceptualisé par le sociologue américain Ray Oldenburg dans un ouvrage intitulé The Great Good Place ( 1989 ), le tiers-lieu désigne à l’origine les espaces de sociabilité situés en dehors du domicile et du travail, comme les cafés ou les parcs publics. Cette expression aux contours flous a été employée afin de qualifier les premiers fablabs, les hackerspaces et autres jardins urbains partagés. Mais au grand dam des tenants de l’éthique open source et de l’esprit collectif de la débrouille, le terme de tiers-lieu s’est progressivement dénaturé jusqu’à qualifier de facto tout espace hébergeant des activités pluridisciplinaires, gratuites comme lucratives.

      « Je vois nos sites comme des écrins pour l’initiative, pour l’émergence d’envies, s’enflamme ainsi Renaud Barillet. Mais la réalité économique d’un tiers-lieu comme la friche 88 Ménilmontant fait qu’on a besoin de clients. Ce que l’on fabrique, ce sont des initiatives privées mais qui peuvent avoir une quote-part d’intérêt général. »

      Loïc Lorenzini, adjoint au maire du XVIIIe arrondissement chargé des entreprises culturelles, porte néanmoins un autre regard sur l’émergence de ces tiers-lieux. « Ground Control au dépôt de la Chapelle, cela n’a pas été évident avec eux au début, se souvient l’élu. Il y avait un #service d’ordre avec des #vigiles à l’entrée du lieu, ce qui n’a pas vraiment plu aux habitants du quartier. »

      Sa circonscription héberge actuellement deux sites artistiques temporaires de la SNCF : L’Aérosol – un hangar de fret reconverti en espace dédié au graffiti – et La Station-gare des mines – ancienne gare à charbon devenue salle de concert. Ces deux occupations de sites ferroviaires en friche préfigurent d’importants projets d’aménagement urbain comportant des logements, des bureaux ou encore l’Arena 2, une salle omnisports qui devrait être inaugurée en vue des Jeux olympiques de 2024.

      « Ces entreprises culturelles sont venues bousculer la vision classique de la culture, c’est-à-dire une vision subventionnée, avance Loïc Lorenzini. L’enjeu avec ces tiers-lieux, c’est qu’ils ne deviennent pas le cache-sexe de projets privés urbanistiques. Notre rôle est de rappeler que dans un arrondissement populaire comme le XVIIIe, il y a des enjeux locaux forts, telle la gentrification. »

      Les friches culturelles, têtes de pont de la gentrification ? C’est justement ce que dénonce le collectif d’habitants Droit à la (Belle)ville, créé en 2015 dans l’est de Paris. « Ces tiers-lieux excluent symboliquement les #habitants les plus #précaires du quartier, fustige Claudio, l’un des membres de l’association. On autorise temporairement des occupations de friche par des acteurs privés mais en parallèle, dès qu’il y a une occupation informelle de l’espace public à Belleville, comme quand, encore récemment, des jeunes font un barbecue improvisé dans la rue ou des militants organisent un marché gratuit, la police est systématiquement envoyée. »
      Et Quentin, également du collectif, d’ajouter : « Pour ces entrepreneurs et pour les élus, les artistes ne sont que des créateurs de valeur. Les sites culturels qui les hébergent participent à changer l’image de notre quartier, à le rendre plus attractif pour les populations aisées. Ce sont des espaces qui sont pleinement inscrits dans la fabrication de la ville pilotée par le #Grand_Paris. »

      Ambitionnant de faire de la région Île-de-France une métropole compétitive et mondialisée, le projet d’aménagement territorial du Grand Paris entrevoit dans les tiers-lieux culturels un outil de promotion de son image de #ville_festive, innovante et écoresponsable à même d’attirer une « #classe_créative ». Une population de jeunes cadres qui serait, aux yeux des décideurs, vectrice de développement économique.

      Les futures friches estampillées La Bellevilloise sont ainsi pleinement ancrées dans la stratégie de développement urbain et de #marketing_territorial portée par les élus de la #métropole. Dans l’ancienne station électrique Voltaire, au cœur du XIe arrondissement, Renaud Barillet prévoit pour 2021 un cinéma et un « restaurant végétalisé et solidaire ». L’exploitation de ce bâtiment industriel a été remportée par l’entrepreneur dans le cadre de Réinventer Paris, un appel à projets urbains lancé fin 2014 par la mairie de Paris afin de développer « des modèles de la ville du futur en matière d’architecture, de nouveaux usages, d’innovation environnementale et d’écoconstruction ».

      Le dirigeant de La Bellevilloise vient même de réussir à faire main basse sur l’ancienne piscine municipale de Saint-Denis, via le concours Inventons la métropole du Grand Paris. Avec l’aide d’un investissement financier de la part de #Vinci Immobilier, la piscine dyonisienne à l’abandon sera « à la frontière entre l’hôtel, le gîte et l’auberge de jeunesse » et le relais d’« initiatives entrepreneuriales, culturelles, artistiques, sportives et citoyennes ».

      « On est conscient de notre impact dans un quartier mais la gentrification est un rouleau compresseur sociologique qui nous dépasse », assure pourtant Renaud Barillet. « Nous ne sommes pas dans un processus naturel mais bien dans un conflit de classes. À Paris, nous sommes dans une continuité d’expulsion des #classes_populaires qui a débuté depuis la Commune en 1871, analyse Chloé, du collectif Droit à la (Belle)ville. Dans ces friches, les entrepreneurs vont jusqu’à récupérer le nom, l’imaginaire politique, les anciens tags de ces espaces pour les transformer en valeur marchande. »

      La Bellevilloise n’hésite ainsi nullement à s’afficher sur ses supports de communication comme « Le Paris de la Liberté depuis 1877 » et, dans le futur projet du 88 de la rue Ménilmontant, le spa pourrait s’appeler « Les Thermes de La Miroiterie ». « Ils accaparent des ressources que les habitants ont créées, que ce soient les ouvriers qui ont mis sur pied La Bellevilloise à la fin du XIXe siècle ou les punks libertaires de La Miroiterie au début des années 2000, souligne Claudio. Ces tiers-lieux culturels transforment des valeurs d’usage en valeur d’échange… »

      Rien ne se perd, tout se transforme

      Dernier avatar en date des tiers-lieux culturels qui foisonnent dans la capitale, La Recyclerie se présente comme « une start-up innovante qui réinvente le concept du tiers-lieu ( ni la maison ni le travail ) et fédère un large public sur le thème de l’écoresponsabilité ». Inauguré en 2014, cet établissement, composé d’un café-cantine, d’un atelier de réparation et d’une mini-ferme urbaine, est implanté au sein d’une station de train désaffectée de la Petite Ceinture, la gare Ornano, au nord du XVIIIe arrondissement.

      Un emplacement loin d’être anodin : la station à l’abandon se situe en effet porte de Clignancourt, à deux pas des échoppes discount des puces de Saint-Ouen, de la préfecture de police chargée des demandes d’asile de la capitale et d’un bidonville de Roms installé en contrebas de l’ancienne voie ferrée. Un carrefour où vendeurs à la sauvette, chiffonniers et migrants tentent de survivre par l’économie informelle.
      Malgré le fait qu’un tiers-lieu culturel ne soit pas de prime abord le projet urbain le plus pertinent en termes de besoins sociaux dans ce quartier populaire, « le maire de l’époque, Daniel Vaillant, a personnellement appuyé notre dossier, dévoile Marion Bocahut, présentée comme cheffe de projet écoculturel du lieu. La mairie du XVIIIe n’avait pas les moyens financiers d’acheter la gare Ornano, nous avons donc racheté l’intérieur du bâtiment ».

      La Recyclerie appartient à #Sinny_&_Ooko, une société « créatrice de tiers-lieux et d’événements » dirigée par Stéphane Vatinel. Figure du milieu de la nuit, connu pour avoir fondé en 1992 le Glaz’art, un club électro emblématique installé dans un ancien dépôt de bus, l’entrepreneur a repris de 2003 à 2008 les rênes du Divan du monde, salle de spectacle historique de Pigalle.

      Par l’intermédiaire de son entreprise, ce quinquagénaire hyperactif est aujourd’hui l’exploitant de La Machine du Moulin rouge, l’incontournable discothèque techno du nord de la capitale, et du Pavillon des canaux, une bâtisse abandonnée sur les bords du bassin de la Villette réhabilitée en coffice – mi-café, mi-espace de travail.

      Quand il rachète la gare Ornano pour installer son tiers-lieu empreint « des valeurs collaboratives et du Do It Yoursef », Stéphane Vatinel fait appel à son ami #Olivier_Laffon, qui s’investit financièrement dans l’opération. Cet ancien magnat de l’immobilier devenu millionnaire a été le promoteur de mégacentres commerciaux, à l’instar de Bercy Village, Vélizy 2 ou Plan de campagne dans les Bouches-du-Rhône. Mais avec sa holding C Développement, Olivier Laffon s’est reconverti dans l’#entreprenariat_social.

      Sa réalisation la plus célèbre demeure le Comptoir général, un ancien entrepôt au bord du canal Saint-Martin reconverti en 2009 en bar et « espace événementiel écosolidaire » à l’ambiance exotique. Devenu une référence quasi caricaturale du « Paris branché », le Comptoir général a fait appel jusqu’en 2013 aux services de Sinny & Ooko afin de développer et d’animer sa programmation. Une alliance pérenne entre les deux hommes d’affaires puisque C Développement avait précédemment investi dans le rachat du Divan du monde et dans La Machine du Moulin rouge, établissements gérés par Stéphane Vatinel…

      Pour les événements écoculturels de La Recyclerie, Sinny & Ooko a fait appel à un partenaire des plus édifiants : la fondation Veolia. L’entreprise du #CAC_40, connue pour être le géant mondial de la privatisation de l’eau, finance en effet en grande partie la programmation du lieu et est partenaire de son cycle de conférences sur l’économie circulaire. La bibliothèque de La Recyclerie a de surcroît été ouverte avec des livres offerts par la multinationale. « Veolia nous accompagne aussi dans notre développement, notamment avec Scale up ( “changement d’échelle” ), un programme de l’Essec Business School qui nous a permis de savoir comment dupliquer un lieu comme La Recyclerie », détaille Marion Bocahut.

      Le concept de La Recyclerie a effectivement depuis peu changé d’échelle. Sinny & Ooko a inauguré en août dernier un nouveau tiers-lieu écoculturel baptisé la Cité fertile. Ici, comme pour Ground Control, SNCF Immobilier a fait signer à Sinny & Ooko, à l’aune de son appel à projets sur l’urbanisme transitoire, une convention d’occupation de trois ans de son ancienne gare de fret basée à Pantin. « Nous sommes là pour opérer une transition entre une gare de marchandises et le futur #écoquartier de la ville de Pantin », assume Clémence Vazard, cheffe du projet de la Cité fertile.

      L’écoquartier prévoit mille cinq cents logements et près de cent mille mètres carrés de bureaux et de locaux commerciaux. Une opération foncière des plus rentables pour SNCF Immobilier et les promoteurs. Surnommée la « Brooklyn parisienne », Pantin constitue depuis peu un eldorado de la spéculation immobilière : l’ancienne cité industrielle a vu flamber de 15 % en cinq ans le prix du mètre carré, un record parmi les villes de la petite couronne parisienne.

      En attendant, sur près d’un hectare, la Cité fertile veut « explorer et imaginer la ville de demain » en attirant un million de curieux par an avec ses ateliers, ses conférences et sa cantine approvisionnée en circuits courts. Clémence Vazard explique que l’équipe a consulté la municipalité de Pantin afin d’« identifier les acteurs locaux et demander leurs contacts ». Parmi la cinquantaine de personnes salariées sur le site, une seule pourtant se consacre à cette ouverture sur les Pantinois. « En tout cas, si on a un partenariat comme Veolia qui peut se présenter, ce serait le meilleur pour nous », souligne la cheffe de projet. Avant de préciser : « Sinny & Ooko possède l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale ( Esus ), en aucun cas nous ne faisons du greenwashing. »

      L’originalité de cette friche éphémère réside cependant ailleurs. La Cité fertile héberge en effet depuis septembre le « campus des tiers-lieux », école de formation et incubateur d’entreprises dont le but est de développer les tiers-lieux culturels en tant que modèles économiques d’avenir. « Depuis l’an dernier, Sinny & Ooko est certifié comme organisme de formation. Nous proposons un module pour apprendre à être responsable de tiers-lieu culturel, détaille Clémence Vazard. Nous avons déjà formé une soixantaine de personnes, dont certaines ont récemment monté leur propre tiers-lieu à Montreuil – la Maison Montreau – ou à Niamey, au Niger – L’Oasis, un espace de coworking parrainé par Veolia. »

      Selon les formateurs Sinny & Ooko, le tiers-lieu culturel est un modèle démultipliable à souhait, telle une unité standardisée qui se résume, selon sa plaquette de présentation, à un « HCR [ hôtel café restaurant ] à portée culturelle », où une activité économique « socle » de bar-restauration permet de financer une programmation qui fait vivre le lieu.

      Friche partout, créativité nulle part

      En moins de cinq ans, Cultplace, La Lune rousse et Sinny & Ooko ont édifié un véritable petit empire économique en Île-de-France. Elles ont même l’ambition de s’implanter durablement à travers l’Hexagone en reproduisant des fac-similés de leurs tiers-lieux respectifs. Renaud Barillet a ainsi récemment remporté deux appels à projets à Bordeaux et un autre à Lyon afin d’édifier « des projets très proches en termes d’ADN et de ventilation des espaces de ce qu’est La Bellevilloise ».

      En Charente-Maritime, à Rochefort, Cultplace est en train de mettre sur pied Grand foin, « une déclinaison rurale de La Bellevilloise », aux dires de Renaud Barillet. Par ailleurs, depuis 2016, Denis Legat et son équipe débarquent chaque été aux Rencontres de la photographie d’Arles, où ils investissent un ancien hangar de la SNCF avec leur habituelle formule Ground Control.

      Stéphane Vatinel, quant à lui, doit ouvrir d’ici 2023 La Halle aux Cheminées, un tiers-lieu dans une ancienne friche militaire de Toulouse dont le concept n’est autre qu’un copier-coller de La Recyclerie. Autant de jalons d’une hégémonie économico-culturelle dont se défend du bout des lèvres Renaud Barillet : « C’est vrai que ceux qui ont commencé à réaliser des tiers-lieux arrivent aujourd’hui à se développer et je pense que pour un nouveau venu, ce n’est pas si simple. Les appels d’offres demeurent très économiques et orientés vers l’immobilier. »

      Ce business model des friches est si bien rodé et rencontre un tel succès qu’il en devient vecteur d’une certaine uniformisation. À Paris, en plus du Poinçon, la gare de Montrouge rénovée par Cultplace, et de La Recyclerie, ex-gare Ornano, la plupart des seize stations de la #Petite_Ceinture deviendront des tiers-lieux, à l’instar du Hasard ludique, « lieu culturel hybride » niché porte de Saint-Ouen, ou de La Gare-jazz à la Villette – en lieu et place de l’ancien squat artistique Gare aux gorilles.

      La gare Masséna vue depuis la rue Regnault.

      Dans le cadre de Réinventer Paris, l’ancienne gare Masséna sera quant à elle réhabilitée en « lieu de vie et de proximité » d’ici 2019 avec bar et cantine, ferme urbaine, boutiques bio, espaces artistico-culturels et bureaux. Enfin, Stéphane Vatinel a l’an dernier remporté l’exploitation de deux sites en friche grâce à Réinventer la Seine, un appel à projets visant à « la construction d’un territoire métropolitain évident et d’envergure internationale ». Une usine désaffectée à Ivry et l’ancien tribunal de Bobigny seront ainsi, à l’horizon 2022, reconvertis tous deux en tiers-lieux écoculturels estampillés Sinny & Ooko.

      À cette dynamique de duplication des tiers-lieux s’ajoutent les dizaines de #terrasses_temporaires qui essaiment chaque été dans les interstices urbains de la capitale, à l’image de la Base Filante, une friche éphémère de trois mille mètres carrés qui a ouvert ses portes en juillet dernier à deux pas du Père-Lachaise. L’initiative est portée par quatre collectifs, dont certains ont déjà pris part à la conception d’une autre terrasse temporaire, la friche Richard Lenoir, ou à l’aménagement de La Station-gare des mines.

      Au programme de la Base Filante, le sempiternel quatuor bières artisanales, cours de yoga, tables de ping-pong et musique électronique. « On assiste à une sorte de standardisation qui annihile toute créativité : tout espace en friche se voit devenir un lieu éphémère avec un bar et des transats, s’alarme Quentin, du collectif Droit à la ( Belle )ville. La créativité s’arrête dès qu’il y a une tireuse à bière artisanale… »

      Enfin, la mise en avant quasi généralisée de l’imaginaire « squat », via la scénographie récup’ et DIY, comme à travers la rhétorique de l’alternative et du collaboratif dans la communication de ces lieux festifs, participe également à cette uniformisation des sites culturels. « Ces friches font croire à une fausse occupation de l’espace alors qu’il y a des vigiles à l’entrée, fulmine Quentin. On vend de faux espaces de liberté où on dit aux gens ce qu’ils doivent consommer et où. »

      Pour les chercheuses Juliette Pinard et Elsa Vivant, « cette #esthétique_du_squat […], donnant la part belle aux atmosphères brutes et industrielles, participe à la #mise_en_scène de ces lieux temporaires en tant qu’“espaces alternatifs” et expérience singulière ». En institutionnalisant les occupations transitoires, les friches culturelles éphémères ont réussi le tour de force de neutraliser la portée subversive des squats artistiques, qui contestaient la propriété privée en privilégiant le droit d’usage, tout en s’appropriant leurs codes esthétiques.

      « Et le squat devient fréquentable », titrait ainsi Télérama en avril dernier à propos des occupations transitoires après que Libération eut publié sur son blog Enlarge Your Paris un entretien intitulé « Les friches font entrer les villes dans l’ère des squats légaux ».

      Dans le quartier Darwin.

      Le phénomène des friches culturelles se circonscrit de moins en moins à la région Île-de-France. À Bordeaux, les instigateurs du site culturel Darwin Écosystème, installé depuis 2009 dans l’ancienne caserne Niel et qui se présente comme un « lieu d’hybridation urbaine mêlant activités économiques et initiatives citoyennes », ne se sont jamais cachés de s’être inspirés directement de La Bellevilloise. Le promoteur immobilier Résiliance a de son côté mis à disposition un terrain vague de vingt hectares situé au nord de Marseille à Yes We Camp, un collectif de cinquante salariés spécialisé dans la création de friches culturelles éphémères, à Paris comme à Roubaix.
      Depuis cette année, la vaste parcelle en jachère accueille un « parc métropolitain d’un nouveau genre, à la fois lieu de vie, de mémoire, de pratiques culturelles et sportives ». Le site, baptisé Foresta, est inséré dans un projet d’aménagement porté par Résiliance et articulé autour d’un immense entrepôt commercial réservé aux grossistes du marché textile chinois.

      Quant aux anciens abattoirs de Rezé, dans l’agglomération nantaise, ils hébergent depuis juillet dernier Transfert, trois hectares de friche culturelle définie par ses concepteurs comme un « espace qui se mue en un lieu de transition où l’on imagine, invente et fabrique ensemble un lieu de vie qui questionne la ville de demain ». L’occupation provisoire durera cinq ans, le temps nécessaire à accroître l’attractivité et la valeur immobilière de ce no man’s land qui doit accueillir un gigantesque projet d’aménagement urbain prévoyant trois mille logements.

      Cette politique de l’éphémère à fin mercantile semble ainsi définitivement être sur les rails qui la conduiront à se pérenniser et à s’étendre à l’ensemble du territoire. « Nous avons désormais un vivier de porteurs de projets qui nous sollicitent, affirme Charlotte Girerd, de SNCF Immobilier. Depuis 2015, une vingtaine de projets d’urbanisme transitoire ont été mis en œuvre. Notre ambition est que d’ici 2019-2020, deux à trois sites répondant à la démarche d’urbanisme transitoire soient lancés chaque année, avec la volonté de travailler de plus en plus hors d’Île-de-France. »

      Une filiale de la SNCF à la manœuvre d’opérations immobilières spéculatives, des collectivités publiques au service du développement économique, des entreprises culturelles de plus en plus hégémoniques… Si les friches culturelles viennent « questionner la ville de demain », elles soulèvent aussi une tout autre question : comment faire exister une politique culturelle affranchie de toute logique économique ?

  • Écoute publique
    http://www.acsr.be/ecoute-publique-je-parle-toutes-les-langues-mais-en-arabe

    Vendredi 26 octobre de 19h à 20h Halles de Schaerbeek — 22 rue Royale Sainte-Marie, 1030 Schaerbeek     À partir d’une même matière radiophonique enregistrée au Maroc, Myriam Pruvot a réalisé deux formes. Une installation sonore numérique « Safar » et un documentaire de création radiophonique, « Je parle toutes les langues, mais en[...]

    #Ecoutes_collectives

  • Elisabeth de Fontenay : « Le secret m’a à la fois détruite et construite »
    https://www.lemonde.fr/long-format/article/2018/10/21/elisabeth-de-fontenay-le-secret-m-a-a-la-fois-detruite-et-construite_5372457

    Philosophe, spécialiste de Diderot, attachée à la question juive et spécialiste de la cause animale – son ouvrage Le Silence des bêtes a ouvert toute la réflexion contemporaine sur les animaux –, Elisabeth de Fontenay a longtemps enseigné la philosophie à la Sorbonne.


    Elle vient de publier un livre très personnel – Gaspard de la nuit (Stock) – consacré à son frère déficient, dont elle scrute le mystère en « enquêteuse incompétente, impatiente et inconsolée ».

    Je ne serais pas arrivée là si…

    Si ma mère n’avait pas été juive, si ma famille maternelle n’avait pas été exterminée à Auschwitz et si le secret dont tout cela a été entouré ne m’avait à la fois détruite et construite. C’est la première chose.

    La deuxième : si cette longue catastrophe silencieuse qu’est mon frère Gaspard, handicapé mental, enfermé en lui-même et coupé du réel, n’avait influencé toute ma vie, y compris mes décisions philosophiques et politiques. En cela, je dis qu’il fut une sorte de maître intérieur.

    Enfin, si je n’avais pas eu le bonheur de rencontrer Vladimir Jankélévitch et d’être son assistante à la Sorbonne. Juif russe comme ma mère, résistant comme mon père, il fut en quelque sorte la conciliation entre les deux, conciliation si difficile pour moi…

    Mère, père, frère… Revenons donc à l’enfance. Ne décide-t-elle pas, selon le mot de Sartre ?

    Sans doute. L’enfant que j’étais vivait dans un trouble permanent sans en connaître la cause. Ma mère, donc, était juive, promise au pire, et je ne le savais pas. Elle était née à Odessa, avait fait des études scientifiques et s’était fait baptiser afin d’épouser mon père, avocat certes, mais aussi hobereau normand, de famille conservatrice et très catholique.

    Ils m’ont inscrite au collège Sainte-Marie de Neuilly en 1939 – j’avais 5 ans -, une école jésuite pour filles que j’ai beaucoup aimée et envers laquelle je ressens une dette immense, mais où j’étais tellement insupportable qu’on me renvoyait de temps en temps. Un symptôme évident de mon mal-être.

    Pourquoi ?

    J’ai souvenir d’une angoisse persistante. Mon père s’était engagé dans la Résistance dès la première heure et était donc très absent. Il n’avait guère de temps pour s’intéresser à ses enfants, si ce n’est ce jour où il nous a emmenés faire un tour sur sa bicyclette, mon petit frère installé sur le cadre, et moi, folle de joie, sur le porte-bagages.

    J’ai appris longtemps après que nous n’avions eu ce privilège que parce qu’il avait été averti que la Gestapo viendrait l’arrêter à la maison et qu’il attendait avec nous que le péril soit passé. Début 1944, il a d’ailleurs disparu pendant un an dans la clandestinité.

    Quant à ma mère, elle avait tenu à garder son cabinet dentaire bien que dénoncée et inscrite sur la liste des dentistes juifs à arrêter. Elle a alors commencé à passer la nuit hors de la maison et à se cacher. Car elle aurait dû mourir à Auschwitz. Vous entendez ? Ma mère aurait dû être assassinée à Auschwitz, comme sa famille et comme tant d’autres. Et ça, rien que d’y penser, je perds la tête.

    Mais que saviez-vous alors du danger qu’elle courait ?

    Rien. On cultivait le secret et on ne disait rien. Je n’ai donc rien su de la soudaine disparition de ma grand-mère, de ma tante, de son mari, et de nos deux cousins qui avaient notre âge, arrêtés par la police française en mars 1944, déportés et gazés à Auschwitz.

    Rien, même quand nous avons dû nous cacher après leur arrestation. Et même quand la guerre a été finie. Sa famille avait disparu, mais ma mère ne m’a rien dit. Elle ne pouvait rien me dire. C’était juste indicible.

    Posiez-vous des questions ?

    Je m’étonnais de ne plus voir mes cousins, mais je ne posais pas de questions. J’imaginais qu’ils étaient partis au Canada ou en Australie, ou que nous étions brouillés avec eux. A vrai dire, je ne savais rien. Je n’interrogeais pas mon père pour ne pas trahir ma mère, et je n’interrogeais pas ma mère parce que j’étais terrorisée à l’idée de lui faire du mal et qu’elle me réponde… Mais, vous savez, je peux comprendre. C’était effroyable pour elle de se dire que sa mère, sa sœur, ses neveux avaient été éliminés comme des déchets.

    Beaucoup de parents juifs de l’époque se sont murés dans le silence pour protéger leurs enfants, sans se rendre compte que ce silence détruisait leurs enfants.

    Les années passant, avez-vous pu parler ?

    Non. J’étais pourtant troublée par des interrogations et des doutes infinis. Je voyais bien que ma mère n’était pas comme les autres mères de mes amies de Sainte-Marie. Même si elle allait à la messe, il y avait quelque chose de différent… Difficile à expliquer. Elle était très russe. D’une blondeur inouïe. Et elle était née Hornstein, un nom qui sonnait étrangement.

    Mais je ne savais pas ce que ce que voulait dire être juif. Et son visage donnait le change. Et puis, à 17 ans, j’ai lu les Réflexions sur la question juive, de Sartre, il disait qu’il n’y avait pas de race juive, et que, du reste, certains juifs étaient blonds. Ce fut une révélation ! Ma mère, si blonde, était juive !

    N’était-ce pas le moment d’avoir la conversation attendue ?

    Impossible. Je n’ai déterré les secrets qu’un à un, au fil du temps, me construisant en fin de compte sans mes parents et contre eux. D’abord sur mon ascendance juive. Et sur Auschwitz. Car c’est un fait : je n’ai pas été déportée, mais je suis une « juive d’Auschwitz ».

    Un jour, constatant la tristesse que j’avais à n’avoir jamais pu m’entretenir avec ma mère de ces questions, une amie très proche l’a appelée : « Ecoutez Madame, Elisabeth voudrait parler avec vous de toutes sortes de choses, notamment de votre famille. Vous devriez… » Ma mère lui a dit : « Venez ce soir à 5 heures. » Quand je suis passée chez elle en fin de matinée pour lui apporter son déjeuner, elle était morte.

    C’était donc bien indicible…

    Oui. L’histoire est effrayante, n’est-ce pas ? Les secrets de famille qui cuirassaient mes parents m’ont donné, après leur mort, la force d’éclairer l’ombre.

    Parmi ces secrets, il y avait ce frère, de deux ans votre cadet. Ce frère… différent.

    On ne qualifiait pas son état. Du moins dans la famille. Et j’ignore le diagnostic posé à l’époque par les médecins sur cette fatale déficience. Là encore régnait comme un secret, et je me perdais en conjectures, perplexe et impatiente.

    C’était un très bel enfant mais coupé de la réalité, de la causalité, de la rationalité. Avec quelques accès de violence. Il avait certains symptômes caractéristiques de l’autisme, mais que l’on attribuait alors à la schizophrénie. Si ce mot a été prononcé – mais comment le savoir ? –, il a dû effrayer mes parents qui l’ont éloigné de moi lorsqu’il a eu 15 ans. Les médecins que j’ai interrogés me parlent de psychose infantile. Et ce mot me console, parce qu’il s’oppose à l’idée de nature, qu’il implique que Gaspard n’est pas simplement débile ou arriéré, et qu’il sous-entend une histoire. Quelque chose est bien arrivé à mon frère…

    Quelle était l’attitude de vos parents à son égard ?

    Celle de mon père exprimait à la fois une grande douleur et un vrai stoïcisme – il y avait forcément l’échec dans la transmission du nom. Mais après la guerre, il avait été nommé directeur de l’ENA et il avait une vie très remplie.

    C’est ma mère que j’ai vue à la fois espérer et se désespérer. Comme mon père avait exigé après la guerre qu’elle ferme son cabinet, elle a investi toute son énergie dans l’éducation de Gaspard. Je l’ai vue s’acharner à lui apprendre à lire, écrire, compter. S’obstiner à lui inculquer les bonnes manières, à table et en société. Il pratique encore merveilleusement le baisemain et conserve une orthographe parfaite.

    Aviez-vous avec lui une quelconque complicité ?

    Non. On jouait ensemble et je me distrayais en l’énervant, en le poussant à bout, en déclenchant sa colère. Ça se terminait par des jets de cubes ou de quilles contre la porte de ma chambre. J’avais un peu honte de sa bizarrerie et je n’osais pas faire venir des amies dans ma chambre de crainte qu’elles ne le croisent dans le couloir.

    Quand il a quitté la maison, je me suis sans doute sentie libérée. Mais je percevais la détresse de ma mère. En Suisse, où il a d’abord été hospitalisé, il a été assommé par les premiers neuroleptiques, alors qu’à Paris il avait commencé une psychothérapie analytique et qu’il s’était mis à parler, lui, le silencieux. Mais ça n’a pas duré. Qui sait ce qui aurait pu se passer, de dangereux et de vivant, s’il avait continué cette analyse ?

    Vous vous cognez toujours à son immense mystère ?

    Oui. Et son apathie comme son manque d’affect me font souffrir bien plus que son retard mental. Il n’y a jamais partage d’émotion, de tristesse, de pitié. Quand notre mère est morte et que je suis allée le lui annoncer dans l’institution où il vit, j’ai espéré, je crois, que cela lui fasse mal. Mais il n’a pas fait montre de la moindre émotion.

    Pas plus qu’il ne manifeste quoi que ce soit, quand nous nous quittons ou nous retrouvons trois fois par an. Lorsqu’il s’en va, il me demande seulement quand il reviendra.

    Le désarroi de votre père devant son fils lui a-t-il fait reporter sur vous ses espoirs ?

    Oui. J’ai pris la place du fils. Et j’en nourris toujours une culpabilité vis-à-vis de Gaspard. Je sauvais le couple de mes parents : ils n’avaient pas entièrement échoué. Si j’ai passé l’agrégation, c’est parce qu’ils m’ont harcelée. J’étais très paresseuse.

    En quoi ce petit frère déficient a-t-il influencé votre vie ?

    Il a fait de moi une femme de gauche. Il m’a fait détester tout ce qui est de l’ordre de la compétition, de la rivalité, de la performance, j’ajouterais même des grandes écoles, moi qui aurais pourtant rêvé d’être normalienne. Entendre des parents se vanter de ce que leur enfant est le meilleur en classe m’est odieux.

    Mon orientation politique vient donc de lui. Un rejet du libéralisme et la volonté d’un Etat protecteur pour les plus faibles, pour ceux qui boitent et peuvent tomber sur le bas-côté de la route. Je ne peux pas dire que ce fut mon maître spirituel ou mon ange gardien, mais il a veillé sur mon parcours, m’a empêchée d’écrire des bêtises, de m’égarer dans une croyance en la toute-puissance des idées et m’a protégée de tout excès politique.

    Sans doute est-il aussi à l’origine de mon intérêt et de mon combat pour les animaux, leur vulnérabilité et leur sensibilité. Je comprends aujourd’hui que c’est à son mystère que je dois d’avoir réfléchi plus avant. Il est à la source, avec mon origine juive, de mon choix de la philosophie.

    Pourquoi écrire sur lui, maintenant ?

    Avant, ce n’était pas possible. Maintenant, il le fallait. Il a atrocement et subitement vieilli, cela m’a frappée très récemment. Et j’en ai une peine infinie. Nous atteignons tous deux le grand âge. Alors, par l’écriture, j’ai voulu sceller nos histoires. Pour le sauver. Pour nous sauver. Sauver notre minuscule fratrie qui disparaîtra sans descendance.

    Je ne pouvais pas laisser se terminer nos deux vies sans essayer d’en simuler l’achèvement. Faire en sorte que notre nom et nos deux prénoms imprimés dans un livre survivent dans le clair-obscur de bibliothèques. Cela vaut mieux qu’une tombe.

    La sérénité est-elle enfin possible ?

    Non. Le livre a retiré de ma chair l’épine qu’a été Gaspard ma vie durant. Car ce fut un bonheur d’écrire sur lui. Mais je ne connais pas la fameuse résilience. Je ne suis pas réconciliée avec l’humanité qui fut capable de la Shoah. Ma révolte est intacte. Et j’ai en moi une volonté inassouvie et inassouvissable de justice.

    Vous arrive-t-il de vous demander ce qu’aurait été votre vie si Gaspard avait été « normal » et si…

    Et si ma famille n’était pas morte à Auschwitz ? Ah ! C’est la grande et vertigineuse question que je me pose ! Et c’est avec effroi que je me demande ce que je serais devenue – sans doute pas grand-chose si je n’avais pas eu ces deux gouffres qui m’ont construite.

    Effroi ? Quel mot étrange !

    C’est effrayant de penser que de cette double négativité absolue a pu naître quelque chose de positif. J’en suis arrivée là… grâce à ces deux réalités irréversibles et inassumables.

    #Elisabeth_de_Fontenay

  • Trois ex-enseignants, dont un prêtre, d’une école privée hors contrat de la région de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) ont été condamnés en correctionnelle à quatre mois de prison avec sursis pour des châtiments corporels sur des élèves âgés de 8 à 12 ans.
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/ille-et-vilaine/saint-malo/saint-malo-trois-ex-enseignants-condamnes-chatiments-co

    Le tribunal correctionnel de #Saint-Malo a suivi les réquisitions du procureur. L’enquête a débuté en 2011 après un appel anonyme au numéro d’urgence 119 dénonçant des gifles, coups de bâton, nuits à même le sol, lavages de la bouche au savon dans l’école Sainte-Marie à Saint-Père. Ces faits auraient commencé en 2008, d’après le témoignage.

    Un établissement hors contrat
    L’école Sainte-Marie à Saint-Père Marc en Poulet, située à 10 km de Saint-Malo, regroupe des classes allant de la maternelle à la terminale, est un établissement catholique hors contrat dirigé par des #prêtres_intégristes de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X fondée par Mgr Marcel Lefebvre.

    Sept victimes
    Sept victimes ont été identifiées mais une seule famille s’est portée partie civile. « Ce n’est pas surprenant car en dépit des châtiments décrits par les enfants, les parents n’ont pas forcément remis en question l’attitude des enseignants et la plupart n’ont pas retiré leurs enfants de cette école », a précisé l’avocat des parties civiles Pierre Stichelbaut à une correspondante de l’AFP.

    Ni les prévenus, ni les victimes n’étaient présents à l’audience, qui s’est tenue mardi 4 septembre. « Nous n’avons pas demandé d’interdiction d’exercer car les trois personnes ont depuis été licenciées et n’exercent plus », a précisé l’avocat. Les parties civiles ont également obtenu 2 800 euros de dommages et intérêts.

    #châtiments_corporels

  • Le dernier numéro de la Revue Confins (revue franco brésilienne dirigée par H Théry et son épouse) vient de sortir.
    Editorial du numéro 34
    http://journals.openedition.org/confins/12748

    « Que d’eau, que d’eau ! ». C’est ce que Patrice de Mac Mahon (1808-1893), alors Président de la République aurait dit, à la vue des inondations catastrophiques de Toulouse, le 26 juin 1875. Ce à quoi le Préfet aurait répondu « Et encore, vous ne voyez que le dessus ! ». Anecdote probablement apocryphe, mais qui pourrait s’appliquer à ce numéro 34 de Confins, où le thème de l’#eau, douce ou salée, est très présent dans toutes les sections. Principalement, bien sûr, dans le dossier central sur les cartographies environnementales du Rio Grande do Norte, mais aussi dans les autres articles, depuis les champs de dunes de Jericoacoara jusqu’aux comptes-rendus de livres sur l’eau au Moyen-Orient et sur la navigation sur le Rio Grajaú, en passant par la deuxième partie de l’article de synthèse « L’embouchure de l’#Amazone, macro-frontière géomorphologique » qui tire les « enseignements de 30 années de recherches franco-brésiliennes sur les systèmes côtiers amazoniens ».

    Le thème de l’inondation, qui atterrait Mac Mahon pourrait s’appliquer à l’’arrivée de propositions d’articles à notre revue, mais cette fois non pas un flux catastrophique mais bénéfique, bien qu’il nous pose quelques problèmes. À ce jour la liste des textes en cours d’évaluation, de réécriture après évaluation et en attente de publication compte 107 titres. Si bien que nous avons décidé, pour que les délais de publication ne s’allongent pas trop, de publier cette année un cinquième numéro, qui devrait paraître en avril ou mai, avant le numéro de juin. Nous ne plaindrons évidemment pas d’être – pour reprendre une autre formule cliché – « victimes de notre succès » et au contraire remercions les candidats-auteurs de la confiance qu’il nous font.

    La première partie de ce numéro 34 s’ouvre sur deux articles qui vont de l’histoire à l’actualité de São Paulo avec les « Aspects de la représentation du territoire de #São-Paulo dans sa cartographie imprimée : une analyse carto-bibliographique (1833-1932) » de José Rogério Beier et Daniel Marhtin et « Utilisation et occupation du sol à São Paulo, changements climatiques et risques environnementaux contemporains », de Jane Zilda dos Santos Ramires et Neli Aparecida de Mello-Théry. Elle se poursuit – en espagnol – par un texte de deux collègues argentins, Silvina Carrizo et Guillermina Jacinto, qui nous ont confié leur article sur « Co-construcciones de redes energéticas. Acciones colectivas territoriales en Argentina, siglo XXI (Co-constructions de réseaux d’énergie » (Actions collectives territoriales en Argentine, au 21ème siècle).


    Les « Images commentées » associent cette fois un exercice scolaire, « Lyon, ville brésilienne ? » ,


    coordonné par Catherine Didier-Fèvre dans la #Khâgne Sainte-Marie-Lyon 2017-2018, qui se demande, en analysant plusieurs villes brésiliennes, si Lyon en fait désormais partie.


    Et un remarquable ensemble de cartes est rassemblé par Bruno de Oliveira Lemos, Antonio Paulo Cargnin, Suzana Beatriz de Oliveira et Ana Maria de Aveline Bertê dans leur « Analyse cartographique #transfrontalière de la démographie à la #frontière sud du Brésil » .

  • La face cachée des cartes - Sciencesconf.org

    https://cartocachee2017.sciencesconf.org

    La thématique de « La face cachée des cartes » n’a guère été abordée si ce n’est par le biais des « mensonges » (Monmonier, 1991), de la propagande (Bord, 2003) ou du pouvoir des cartes (Harley, 1995).

    Mais il s’agit ici d’aller plus loin dans la réflexion. La carte est d’abord un objet à voir (Bertin, 1967), un instrument de communication (Jacob, 1992), une interprétation du monde qui témoigne de (des) vision(s) de son (ses) auteur(s), mais nombre d’opérations et de gestes participent à sa réalisation.

    Cette succession d’ajustements et de bricolages est bien souvent de l’ordre du « caché », volontairement ou non, c’est-à-dire de boîtes noires qui sont indispensables, certes, inévitables dans les étapes de la construction avec des choix multiples à opérer, mais qui restent encore peu explorées. C’est cette « partie cachée » de la représentation cartographique que l’on se propose de mettre à jour, d’expliciter et d’interroger. Il s’agira de mettre en lumière et contextualiser les choix cartographiques, conscients ou non, revendiqués, assumés ou occultés.

    A l’heure où le rôle des cartes ne cesse de croître dans un monde de communication et d’échanges instantanés, une approche critique de la cartographie et de ses usages, à travers ses acteurs, leurs relations passées et actuelles, le poids des héritages, peut s’avérer utile. Les inévitables distorsions entre réalités, faits géographiques et les cartes réalisées pour rendre compte de ces faits peuvent-elles être analysées comme des opérations de « traduction » et les cartes comme des « artefacts », voire comme des « acteurs » dans le sens donné à ces termes par Akrich, Callon, Latour (2006) ?

    Ces distorsions, matérialisées et territorialisées dans les cartes, peuvent répondre à des objectifs précis qui orientent alors les choix cartographiques en amont de la réalisation des cartes. Elles peuvent être liées à des contraintes techniques et matérielles ou se construire peu à peu en fonction des jeux d’acteurs et des contextes scientifiques, politiques, sociétaux. Mais ces distorsions, liées aux choix cartographiques, peuvent également en retour influencer les représentations que les différents acteurs (scientifiques, gestionnaires, élus, décideurs, grands organismes internationaux, ONG, opinions publiques…) se font du monde ou de tel ou tel phénomène cartographié. En cela, elles peuvent être amenées à peser sur des décisions scientifiques, politiques, sociétales ; accélérer ou ralentir des prises de conscience, faciliter ou non des processus d’instrumentalisation…

    Au-delà de la carte « traditionnelle » (sur supports papier ou numérique), on souhaite intégrer à la réflexion les représentations visuelles utilisées aujourd’hui couramment : Géoportails, images satellites avec Google par exemple, Système d’Information Géographique, etc. On peut ainsi interroger le développement de nouveaux outils ou interfaces cartographiques liés à de nouveaux usages (cartographies en temps réel pour gestionnaires de crise, cartographies inédites de certains territoires vécus, perçus…). Les nouvelles formes de cartes sont à relier aux nouvelles formes d’échanges (mondialisés, en temps réel, etc.) entre ceux qui les font, ceux qui les lisent et les voient, ceux qui les utilisent. Quelle articulation entre ces nouveaux outils, ces nouvelles pratiques et des difficultés anciennes toujours d’actualité, comme le passage d’une échelle à une autre, l’intégration et la structuration des données-source et des métadonnées, la qualité des données, la gestion de l’incertitude ?

    Akrich Madeleine, Callon Michel, Latour Bruno, « Sociologie de la traduction », Ed. Mines-ParisTech, 2006, 304 p.

    Bailly Antoine et Gould Peter, textes édités par, « Le pouvoir des cartes – Brian Harley et la cartographie », Paris : Economica, 1995, 120p.

    Bertin Jacques, « Sémiologie graphique : les diagrammes, les réseaux, les cartes », Paris/La Haye, Éd. Gauthier-Villars/Mouton, 1967, 431p. (La Sémiologie graphique a été écrite en 1965, publiée en 1967, rééditée en 1973, 3e édition en 1999, Paris, Les réimpressions des Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 444 p. Ouvrage traduit en allemand, 1974, en anglais, 1983).

    Bord Jean-Paul, « Cartographie, géographie et propagande. De quelques cas dans l’Europe de l’après-guerre », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 4/2003 (no 80), p. 15-24.

    Jacob Christian, « L’empire des cartes – Approche théorique de la cartographie à travers l’histoire », Paris : Albin Michel, 1992, 537p.

    Monmonier Mark, « Comment faire mentir les cartes – Du mauvais usage de la géographie », University of Chicago Press, 1991 [Traduction française Paris : Flammarion, 1993, 233p.]

    #cartographie #propragande #manipulation

    • Montpellier, 18-19/12/2017 …

      il y a des choses alléchantes !
      extraits perso :

      l’intitulé de la 2ème session

      La carte dans l’illusion de scientificité et l’emprise de la technique

      et au hasard :-) dans les sujets de communication

      • Le triple jeu de l’officier-cartographe. Pricot de Sainte-Marie et la carte de la Régence de Tunis au XIXe siècle
      • La toponymie cartographique : une autre face cachée des cartes ? Le monde arabe en exemple
      • Découpages et recomposition(s) de l’espace au Moyen-Orient : quelles convergences entre les représentations cartographiques, les discours et les textes ?
      • La carte des aléas littoraux : Risque (naturel) de perte de sens d’une politique publique

      https://cartocachee2017.sciencesconf.org/data/pages/Programme_colloque_La_face_cachee_des_cartes.pdf

  • Bonus-rencontre_du_tonnerre - Balade autour de la chaussée de #Haecht
    http://www.radiopanik.org/emissions/radio-maritime/balade-autour-de-la-chaussee-de-haecht

    Malika nous guide dans la « petite anatolie », de la chaussée de Haecht où l’on se goinfre à volonté pour 9 euros jusqu’à l’église Royale Sainte-Marie et l’association Cultures-elles. On glisse ensuite jusqu’au Quartier nord pour rencontrer Partenariat de Quartier ASBL.

    Dans sa chronique de musico-thérapie Patrick fait l’éloge de Thibault pour son anniversaire.

    Comme d’habitude agenda et bonne humeur pour l’émission du quartier maritime.

    En bonus podcast, une superbe rencontre sur le vif d’une personne dont la vie a changé grâce au #gaffi Asbl.

    #cultur'elles
    http://www.radiopanik.org/media/sounds/radio-maritime/balade-autour-de-la-chaussee-de-haecht_03634__0.mp3

  • LA CHANSON EN 2005 Radio Campus Lille - L’Arsène - lundi 24 avril 2017

    Agnès Bihl (https://fr.wikipedia.org/wiki/Agnès_Bihl) est une chantauteure française née à Neuilly-sur-Seine en 1974. De famille intellectuelle, son grand-père est une des fondateur de l’Illustration, ses parents avocat et peintre, elle vivra son enfance dans un milieu artistique. Elle fréquentera la chanson sur son phono : Brel, Brassens, Renaud ; mais ce monde lui paraît inaccessible. A 23 ans alors étudiante, un copain qui chante et joue de l’accordéon l’entraîne au cabaret libertaire parisien « La Folie en Tête » pour voir un certain Allain Leprest. C’est la révélation, le coup de foudre : la chanson vit autrepment qu’en disque. La nuit même Agnès écrit sa première chanson. Vient sa première scène au Limonaire, sa griffe verbale et son tempérament scénique font qu’on l’invite en première partie : Leprest, Dikès, Anne Sylvestre...) Son premier disque en 2001 « La terre est blonde » est très apprécié par les amateurs de chanson. En 2005 paraît son 2ème album « Merci maman, merci papa »

    Dans cette 1ère partie seront diffusés :

    01’28 Olivier Brousseau : Les Gaulois : J’ai mon voyage, 2005
    
04’48 Oaï star : Bravo mon papa : Va à Lourdes, 2005
    
08’41 Agnès Bihl : Merci maman, merci papa : idem, 2005
    
12’11 Xavier Merlet : Bangkok : Du point d’vue d’la mouette, 2005

    Baaziz est un chantauteur et compositeur algérien né à 1963 d’un père marin musicien de chaâbi et d’une mère kabyle. Dans sa jeunesse il s’intéresse à Nass El Ghiwane (groupe parfois qualifié de Rolling Stone de l’Afrique), Bob Dylan, Brassens, Brel, Renaud...En 1988 Baaziz participe aux événements estudiantins qui secouent l’Algérie. dans son 1er album, il utilise la tradition du Maâkous (détournement de chanson) et détourne « Hexagone » de Renaud qui devient « Je m’en fous ». Chanson qu’il réenregistrera dans son album « 10 ans de Chaâbi Rock’n Bled » de 2005.

    Dans cette 2ème partie seront diffusés :

    16’38 Lioubè : Bat’ka Makhno : Atas, 2005

    19’31 Prince (groupe russe) : Postoj !! : Love Negodyaya, 2005

    22’23 Marianne Farouch’ : Bei Mir Bistu Sheyn : Le nombril du monde, 2005

    25’14 Baaziz : Annaya el youm je m’en fous : 10 ans de Chaabi rock’n’bled, 2005

    Nicolas Bacchus, de son vrai nom Nicolas Bages est un chantauteur français, né en Auvergne de parents enseignants. A la maison, la discussion est ouverte, Nicolas fréquente une école Freinet où la pédagogie , matérialiste est fondée sur l’expression libre des enfants. Après un bac scientifique, il s’oriente vers des études de droit et de psycho pour travailler dans le social. Il y travaille pendant 5 ans comme éducateur spécialisé tout en s’essayant à la chanson dans les bistrots. Il reprend alors du Font et Val et du Renaud. Il s’installe à Toulouse puis démisionne de son poste d’éduc. pour se consacrer à la chanson. En 1999 Nicolas fait paraître un album autoproduit. En 2005 paraît « A table » son deuxième album studio.

    Dans cette 3ème partie seront diffusés :

    32’26 Lola Lafon : Complètement à l’ouest : Grandir à l’envers de rien, 2005

    36’37 Nicolas Bacchus : Etrange : A Table, 2005
    
39’08 Allain Leprest & O Ruiz : Etes-vous là : Donne-moi de mes nouvelles, 2005
    
42’58 Chloé Sainte-Marie : Faire terre : Parle-moi, 2005

    Didier Awadi est un rappeur sénégalais né à Dakar en 1969. Pionnier du mouvement rap en Afrique de l’Ouest, il commence sa carrière en 1989 avec le groupe Positive Black Soul. Dans les années 1990, où le Sénégal est soumis à des politiques d’ajustements structurels par le FMI, le groupe appelle la jeunesse à la prise de conscience, à la prise en main de son destin ainsi qu’à l’optimisme. 
Didier entame une carrière solo à l’aube des années 2000, fait paraître un premier album « Kaddu Gor » en 2002 puis « Un autre monde est possible » en 2005

    Dans cette 4ème partie seront diffusés :

    47’09 Couleur Garba : La libérale : Ambules, 2005
    
49’38 Didier Awadi : Cri du peuple : Un autre monde est possible, 2005
    
54’13 Claude Antonini : Eté : La cuvée du cigalier, 2005

    57’56 Bruno Ruiz : Des forces : Si, 2005

    Liens et informations sur les ACMI, chantauteur sur : http://www.campuslille.com/index.php/entry/la-chanson-en-2005-1
    #Audio #Radio #Radios_Libres #Radio_Campus_Lille #Musique_et_politique #Chanson_et_politique

  • #madagascar - Le faux trésor du capitaine Kidd
    http://www.lemonde.fr/archeologie/article/2015/07/14/le-faux-tresor-du-capitaine-kidd_4682173_1650751.html

    d’après une expertise réalisée fin juin par une équipe de l’Unesco que nous avons pu consulter, tout serait faux. Le lingot d’argent ? Du plomb à 95 %. L’épave de l’Adventure-Galley ? Un bout de l’ancien port de l’île Sainte-Marie. Un verdict tranchant qui, pour l’Unesco comme pour Barry Clifford, a un air de déjà-vu : en 2014, l’Américain annonçait avoir trouvé en Haïti le navire de Christophe Colomb, la Santa-Maria, ce que des experts de l’Unesco ont infirmé quelques mois plus tard. L’épave correspondait à un navire bien plus récent, datant du XVIIIe siècle.

  • Sainte-Marie – Deux cents collégiennes ensorcelées
    http://www.lexpressmada.com/blog/actualites/sainte-marie-deux-cents-collegiennes-ensorcelees-33731

    L’horreur saisit six établissements scolaires de l’île Sainte Marie. Depuis le début du mois, des crises inquiétantes frappent près de deux cents adolescentes, âgées de quatorze à seize ans, dont la plupart sont actuellement internées dans le centre de la mission catholique de Sainte Marie. Les victimes sont scolarisées dans les écoles publiques, privées, mais aussi, confessionnelles, touchées par ce fléau, qui relèverait d’un acte de sorcellerie, selon les rumeurs.
    Montré du doigt de se trouver derrière ce phénomène qui continue à semer la terreur dans l’île, un vieil homme a payé le prix fort. Lundi vers 3 heures du matin, une horde d’individus en furie a mis le feu à sa maison à Vohilava, après y avoir mis la main sur une poupée vaudou décapitée et démembrée, accrochée à une corde avec des grigris. Deux curieux rubans de couleur rouge et noire traversent par ailleurs le tronc de la poupée.
    « On ne sait plus à quel saint se vouer. Ce qui s’est passé au centre au moment de la capture de l’individu soupçonné de tirer les ficelles dans cette histoire, fut un véritable cauchemar. Au beau milieu de la nuit, les victimes se sont toutes levées. Telles des zombies, elles se sont ruées vers la sortie comme si leur subconscient avait capté les détresses de celui qui semble les avoir envoûtées. Les contenir n’était pas tâche aisée », confie une soeur de l’école Saint Joseph, laquelle n’est d’ailleurs pas épargnée par ce phénomène. En saisissant la balle au bond, elle explique que les souffrantes semblaient pourtant avoir réussi à briser les chaînes qui les retiennent prisonnières, après une séance de délivrance organisée samedi.

    #madagascar #wtf #hysterie_collective

  • Historique d’un #internement abusif, sur fond de racisme anti-noirs, au CH Sainte-Marie de Nice
    http://blogs.mediapart.fr/edition/contes-de-la-folie-ordinaire/article/110714/historique-dun-internement-abusif-sur-fond-de-racisme-anti-noirs-au-
    C’est une longue histoire de #harcèlement et de #xénophobie à laquelle l’#université contribue

    Roland, né en 1988 au Gabon, vient en France en 2009 poursuivre ses études et obtient en juin 2011 un DUT de mesures physiques à l’université de Lille, où il donne entière satisfaction. Puis il intègre l’école Polytech Nice Sophia pour préparer un diplôme d’ingénieur en électronique et informatique industrielle, l’admission se faisant après sélection de dossiers, examen de contrôle des connaissances et entretien d’évaluation psychologique et technique. Sélectionné, mais seul étranger de sa promotion, Roland entame donc ses études d’ingénieur à Nice Sophia, tout en étant stagiaire dans une entreprise niçoise spécialisée dans ce domaine.
    Mais, tout au long de l’année 2011, Roland dénonce un #harcèlement_moral, ainsi que des attitudes de #discrimination et d’incitation à la haine raciale perpétrées à son encontre par quelques-uns des étudiants de sa promotion. Alors qu’il n’avait rien connu de ce genre à Lille, Roland se trouve confronté à des attitudes racistes dès son arrivée à Nice, cité dans laquelle le racisme semble faire partie du patrimoine culturel, et ses déclarations ne feront donc l’objet d’aucun traitement de la part des responsables de l’institut.

    Excédé par les quolibets racistes dont il est l’objet (« singe, monkey, esclave, macaque, fais chier, nègre trapu, poumba, des bruits de singe quand il prend la parole, etc. »), il adresse finalement une lettre en septembre 2012 à l’un des camarades le harcelant. Cette lettre est transmise à deux responsables pédagogiques, qui lui suggèrent de relativiser les comportements de camarades décrits comme « immatures ».

  • Le choeur « Via lyrica » en concert à l’église
    http://www.midilibre.fr/2011/08/12/le-choeur-via-lyrica-en-concert-a-l-eglise,370368.php

    "Lundi 15 août, à 17 h, en l’église Sainte-Marie, aura lieu un concert donné par le chœur « Via lyrica », sous la direction de Sylvie Vilaceque, avec Catherine Mouly au piano.

    Au programme : Charles Gounod (1818-1890), « messe n°4 en ut majeur » et « Ave Maria », Léo Delibes (1836-1891) « Messe brève », Georges Bizet (1836-1875) « Agnus Dei et Te ergo » (extrait du Te Deum). "

    J’y serai en tant que choriste :-)
    #musique #chants #concert