city:tel-aviv

  • Combien de Français servent dans l’armée israélienne ?
    Libération - Par Fabien Leboucq 19 juillet 2018
    http://www.liberation.fr/checknews/2018/07/19/combien-de-francais-servent-dans-l-armee-israelienne_1661759

    (...) Il y a deux mois, quand nous commencions à traiter ce sujet, un connaisseur français de l’armée israélienne nous prévenait : « Vous aurez du mal à obtenir des infos, c’est hautement tabou des deux côtés. » Prédiction confirmée par le Ministère des affaires étrangères français, qui nous explique quelques jours plus tard « ne pas disposer d’informations sur le nombre de Français au sein de l’armée israélienne. » Les ambassades française en Israël, israélienne en France ainsi que le Quai d’Orsay, assurant ne pas avoir de chiffres, nous ont unanimement renvoyés vers Tsahal.

    2% au moins du total de l’armée

    À force de relances, nous avons obtenu réponse du porte-parolat des forces armées israéliennes : « 4185 soldats en service régulier ont la citoyenneté française. » Le nombre est peut-être minoré, car l’armée ne compte que les personnes qui ont déclaré leur nationalité française.

    La nationalité française est la deuxième nationalité étrangère la plus représentée dans les rangs de Tsahal, après la nationalité américaine. Les citoyens français ou franco-israéliens engagés dans les forces armées israéliennes représentent entre 1,7% et 3,5% des effectifs totaux.

    En 2011 ce total était estimé à 176 500 soldats, selon l’Institut national des études de sécurité, rattaché à l’université de Tel-Aviv. Un chiffre « inférieur à la réalité », assure la grande muette israélienne sans en dire plus.

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    Ces Français volontaires dans l’armée israélienne
    Droit international et occupation
    Orient XXI > Marc Cher-Leparrain > 18 mars 2014
    https://orientxxi.info/magazine/ces-francais-volontaires-dans-l-armee-israelienne,0546

  • معارض سوري يدعو الأمير بن سلمان من تل أبيب لزيارة الكنيست الإسرائيلي | رأي اليوم
    https://www.raialyoum.com/index.php/%d9%85%d8%b9%d8%a7%d8%b1%d8%b6-%d8%b3%d9%88%d8%b1%d9%8a-%d9%8a%d8%af%d8%b

    De Tel-Aviv un « opposant syrien » "représentant de l’armée [syrienne] libre" appelle le régent saoudien (MBS) à se rendre à la Knesset pour « mieux connaître la vérité de ce bon peuple »... Elle est pas belle la révolution ?

    #syrie

  • Israël : un ex-ministre mis en examen pour espionnage au profit de l’Iran
    http://www.europe1.fr/international/israel-un-ex-ministre-mis-en-examen-pour-espionnage-au-profit-de-liran-36862

    Gonen Segev est accusé d’intelligence avec l’ennemi en temps de guerre. Il aurait été recruté par les services de renseignements iraniens.

    Un ancien ministre israélien a été mis en examen vendredi pour espionnage présumé au profit de l’Iran, a indiqué lundi dans un communiqué le Shin Beth, le service de sécurité intérieure.

    Gonen Segev, ministre de l’Énergie et des Infrastructures entre 1995 et 1996, a été arrêté en mai à l’aéroport à Tel-Aviv, après avoir été refoulé de Guinée équatoriale du fait d’une précédente condamnation pour trafic de drogue.

    Il aurait été recruté par les services de renseignements iraniens en 2012. Résidant au Nigéria depuis quelques années, il est accusé d’intelligence avec l’ennemi en temps de guerre. Le Shin Beth le soupçonne d’avoir été recruté par les services de renseignements iraniens en 2012 à Lagos, la capitale nigériane.

    Gonen Segev aurait rencontré ses contacts iraniens à de multiples reprises dans différents pays et leur aurait transmis des informations sur la sécurité et les ressources énergétiques en Israël, précise le Shin Beth. Élu député en 1992 sur une liste d’extrême droite, Gonen Segev avait quitté son parti et voté en faveur des accords d’Oslo II en octobre 1995, permettant au Premier ministre Yitzhak Rabin de faire passer au Parlement la seconde phase de cet accord controversé qui était censé mener à la création d’un État palestinien. Il avait été nommé ministre de l’Énergie et des Infrastructures juste après.

    #israël #iran

  • Des bateaux pour Gaza interdits à Paris
    https://orientxxi.info/magazine/des-bateaux-pour-gaza-interdits-a-paris,2514
    https://orientxxi.info/local/cache-vignettes/L800xH398/4eeefc193378e062c0a619ace74ba0-5a88b.jpg?1529270001

    Deux bateaux pour Gaza ont été interdits d’accoster à Paris par la préfecture, dimanche 17 juin. « Ils font partie de la flottille internationale de la liberté qui tous les deux ans environ tente de briser le blocus illégal de Gaza », dit Claude Léostic, coordinatrice en France pour la flottille pour Gaza. « On est dans une dérive extrêmement grave de l’État français. Ici ils interdisent des bateaux qui ont une vocation pacifique. La politique française actuelle prend une tournure qui est extrêmement inquiétante. »
    Chris den Hond

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    Palestine. La flottille pour Gaza empêchée d’accoster à Paris

    https://www.humanite.fr/palestine-la-flottille-pour-gaza-empechee-daccoster-paris-656924
    Pierre Barbancey - Lundi, 18 Juin, 2018

    https://www.youtube.com/watch?v=jE4_WpJid94

    (...) Les bateaux encadrés de Zodiac de la police
    Les ordres de la préfecture ont d’abord été une interdiction pour les bateaux de traverser Paris avec des banderoles pour Gaza et des drapeaux palestiniens déployés. Puis, il a été notifié aux commandants des deux embarcations qu’ils ne pourraient pas accoster.

    Au même moment, sur le quai devant le jardin Tino-Rossi, en contrebas de l’Institut du monde arabe (IMA), des dizaines de personnes se rassemblaient pour accueillir comme il se doit les bateaux et apporter leur soutien à l’opération. Elles étaient pratiquement encerclées par des policiers style Robocop – si l’un d’entre eux, lourdement harnaché, tombait dans la Seine, il était fort à parier qu’il aurait coulé aussitôt. Surprise, quand enfin les bateaux étaient en vue, ils étaient encadrés de Zodiac de la police les poussant le plus possible vers le milieu du fleuve. Selon un des membres de l’équipage de la flottille, les policiers s’amusaient même à faire le plus de vagues possible pour les faire gîter un peu plus, voire les mouiller.

    Sur le quai, donc, les slogans ont commencé à jaillir. En soutien à Gaza et à la flottille, mais également pour dénoncer l’attitude du gouvernement français. L’ambassade d’Israël fait pression depuis des jours pour obtenir l’interdiction de cette traversée de Paris. Ce fut déjà le cas à La Rochelle, pour un bateau qui va rejoindre la Méditerranée via le détroit de Gibraltar. L’attitude d’Emmanuel Macron n’est guère étonnante, moins de deux semaines après avoir reçu Benyamin Netanyahou en grande pompe.

    Ce qu’a d’ailleurs dénoncé Camille Lainé, secrétaire générale des Jeunes communistes, qui a pris la parole et appelé à des sanctions de la part de la France contre Israël. Le député FI Éric Coquerel, tout comme la sénatrice Verts Esther Benbassa étaient également présents pour dénoncer la politique israélienne et l’attitude française.

    Tous les bateaux de la flottille doivent maintenant se retrouver en Méditerranée, comme l’a annoncé Bertrand Heilbronn, président de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS). « Cette flottille est là pour montrer aussi le côté monstrueux du blocus imposé par les Israéliens », a-t-il dit. Jack Lang, président de l’IMA, était également présent, avec Leïla Shahid, ancienne ambassadrice de Palestine en France et auprès de l’UE.

    #GAZA

  • 1938 : le monde ferme ses portes aux réfugiés

    Des réfugiés qui fuient en masse le nazisme, des gouvernements qui leur barrent l’accès à leur territoire, des exilés contraints d’embarquer clandestinement sur des bateaux de fortune, une diplomatie prête à donner des gages aux pires dictatures et néanmoins impuissante, comme l’atteste l’échec prévisible de la conférence d’Évian en 1938 : les analogies sont décidément troublantes entre l’attitude des États à l’égard des Juifs dans les années 1930 et celle qu’ils adoptent aujourd’hui à l’égard des réfugiés.

    Les États européens, obsédés par le « risque migratoire », mettent depuis de longues années toute leur énergie à tenir à distance les flux de migrants, demandeurs d’asile inclus, et à leur interdire l’accès à leurs territoires. Cette tendance a été poussée à son paroxysme au moment de la « crise migratoire » de 2015, face à l’afflux de réfugiés venus de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan ou d’Érythrée. Au point que plusieurs observateurs n’ont pu s’empêcher de faire le parallèle avec l’attitude qui fut celle des États, dans les années précédant la Seconde Guerre mondiale, à l’égard des Juifs fuyant le nazisme [1].

    Ce parallèle non seulement n’a rien de scabreux, mais il s’impose. Il n’a rien de scabreux car si les Juifs, à l’époque, sont persécutés, spoliés, humiliés, pourchassés, physiquement agressés, personne ne peut alors anticiper la « solution finale ». Il s’impose tant les analogies sont frappantes : la fermeture de plus en plus hermétique des frontières à mesure que la persécution s’aggrave et que les flux d’exilés augmentent ; des réfugiés contraints à embarquer clandestinement sur des bateaux de fortune avec l’espoir, souvent déçu, qu’on les laissera débarquer quelque part ; en guise de justification, la situation économique et le chômage, d’un côté, l’état de l’opinion dont il ne faut pas attiser les tendances xénophobes et antisémites, de l’autre ; le fantasme, hier, de la « cinquième colonne » – agitateurs communistes, espions nazis –, aujourd’hui de la menace terroriste ; et finalement une diplomatie qui n’hésite pas à pactiser avec les pires dictatures, hier pour tenter de sauver la paix (on sait ce qu’il en est advenu), aujourd’hui pour tenter d’endiguer les flux de réfugiés.

    L’évocation du passé donne, hélas, le sentiment que l’histoire bégaie : car la Realpolitik qui prenait hier le pas sur les préoccupations humanitaires continue aujourd’hui à dicter l’attitude des États, alors même qu’ils ont collectivement décidé d’accorder au droit d’asile une place éminente parmi les droits de l’Homme et se sont engagés à le respecter.

    Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la communauté internationale, inquiète des risques de déstabilisation engendrés par les masses de réfugiés qui, par centaines de milliers, fuient les guerres civiles, les dictatures, les persécutions, décide de se saisir du problème.

    Mais l’action diplomatique en faveur des réfugiés reste subordonnée à la défense par les États de leurs intérêts propres et de leurs prérogatives souveraines. Entre 1922 et 1928, une multitude d’« arrangements » sont passés sous l’égide de la Société des Nations, visant à accorder un minimum de protection aux réfugiés. C’est notamment le fameux « passeport Nansen » qui leur confère, à eux qui ne sont plus reconnus ni protégés par leur pays d’origine, un minimum d’existence juridique. Mais la portée de ces textes, applicables au départ aux réfugiés russes, puis aux Arméniens, puis aux Assyro-Chaldéens, est très limitée, tant par la faiblesse des garanties qu’ils confèrent que par leur absence de caractère obligatoire. Avec l’aggravation de la situation économique consécutive à la crise de 1929, les États n’hésitent pas à refouler ou expulser les réfugiés, considérés comme un fardeau. À l’approche de la guerre, viendront s’ajouter à ces considérations économiques des considérations de police et de sécurité.

    Des arrangements sans contrainte

    C’est dans ce contexte que les États vont être confrontés à la question des réfugiés provenant d’Allemagne puis, après l’Anschluss, d’Autriche. La diplomatie s’active timidement : un « arrangement provisoire intergouvernemental concernant le statut des réfugiés venant d’Allemagne » est signé le 4 juillet 1936, dont les dispositions sont reprises dans la convention du 10 février 1938 : les États s’engagent à délivrer aux réfugiés un titre de voyage ou un document tenant lieu de passeport ; lorsqu’ils les ont autorisés à séjourner, ils ne peuvent les expulser ou les refouler qu’en cas de risque pour la sécurité nationale ou l’ordre public, et, en aucun cas, vers l’Allemagne sauf « s’ils ont de mauvaise foi refusé de prendre les dispositions nécessaires pour se rendre dans un autre territoire ». Mais la convention n’est signée que par sept pays : la Belgique, la Grande-Bretagne, le Danemark, l’Espagne, la France, la Norvège et les Pays-Bas, et elle n’aura guère le temps, de toute façon, de produire des effets avant le déclenchement de la guerre.

    Ayant juridiquement toute latitude pour agir à leur guise, les États n’ont aucun scrupule à fermer leurs frontières. Les États-Unis s’en tiennent à la politique adoptée depuis l’Immigration Act de 1924 et à un quota annuel de 27 370 immigrants pour l’Allemagne et l’Autriche. Après l’Anschluss, le ministre de l’intérieur britannique, s’adressant à la Chambre de communes, affirme que le pays maintient sa tradition d’asile, mais qu’il faut « éviter de donner l’impression que la porte est ouverte aux immigrants de toutes sortes. Car alors de prétendus émigrants se présenteraient dans les ports en si grand nombre qu’il serait impossible de les admettre tous ; les services d’immigration auraient de grandes difficultés à décider qui devrait être admis et d’inutiles épreuves seraient imposées à ceux qui effectueraient un infructueux périple à travers l’Europe [2] ». Pour les Britanniques, au demeurant, la question centrale reste celle de la Palestine : depuis l’arrivée de Hitler au pouvoir, l’immigration est passée de 9 500 personnes par an à 30 000 en 1933 et à près de 62 000 en 1935. Alors que ce territoire apparaît comme le seul lieu de refuge potentiel pour les Juifs, la Grande-Bretagne, confrontée à l’hostilité des Arabes, remet en question son engagement en faveur de l’établissement d’un Foyer national juif : le Livre blanc du printemps 1939 limite le quota annuel d’immigrants vers la Palestine à 10 000 personnes par an pour les cinq années suivantes. Des navires de la Royal Navy patrouillent pour empêcher les réfugiés d’accoster. S’ils n’ont pas de certificat ils sont refoulés ou bien internés à Chypre, sur l’île Maurice ou en Palestine même.

    En France, en 1933, les premiers réfugiés passent facilement la frontière. Mais, très vite, les pouvoirs publics s’inquiètent de cet afflux des exilés et, dès la fin de l’année, l’attitude change : nombre de candidats à l’entrée sont refoulés et ceux qui, ayant réussi à entrer, ne sont pas en règle sont expulsés. L’arrivée au pouvoir du Front populaire marque une accalmie temporaire, mais la situation des réfugiés, considérés comme une menace pour la sécurité, voire comme une porte d’entrée pour les espions et les agitateurs, se dégrade à nouveau sous le gouvernement Daladier. En aucun cas, dit le ministre de l’intérieur de l’époque ,« la France ne saurait consentir à ouvrir ses frontières inconditionnellement et sans limitation à des individus par le fait seul qu’ils se prévaudraient de leur qualité de réfugiés. En effet l’état de saturation auquel nous sommes arrivés en matière d’immigration étrangère ne nous permet plus d’adopter une politique aussi libérale [3] ».

    La Suisse entrouvre sa porte aux réfugiés allemands en 1933 – mais ne peuvent se revendiquer de cette qualité que les personnes menacées pour leurs activités politiques. Une directive du Département fédéral de justice et police dit très explicitement que seuls les « hauts fonctionnaires, les dirigeants des partis de gauche et les écrivains célèbres » doivent être considérés comme réfugiés [4]. Les Juifs, eux, sont considérés comme de simples étrangers en transit et se voient reconnaître au mieux un droit de résidence temporaire, sans possibilité de travailler. Après l’Anschluss, le gouvernement décide la fermeture des frontières à tous ceux qui ne sont pas formellement habilités à entrer et l’expulsion de ceux qui sont en situation irrégulière. Pour faciliter le travail des autorités suisses amenées à faire le tri parmi les ressortissants du Reich, une négociation s’engage avec les autorités nazies pour que soit apposé un cachet spécial sur les passeports des Juifs – un grand J rouge de trois centimètres de hauteur – qui permet de repérer ceux qui doivent demander une autorisation spéciale pour entrer dans le pays [5].

    « Un seul serait déjà trop »

    Il n’est guère étonnant, dans ces conditions, que la #conférence_d’Évian, réunie en juillet 1938 pour chercher des solutions concrètes au problème des réfugiés juifs allemands et autrichiens, se solde par un échec [6]. Face à la détérioration de la situation et à la pression exercée par une partie de l’opinion publique, mais désireux aussi d’éviter un brusque afflux de réfugiés aux États-Unis, Roosevelt a en effet pris l’initiative de réunir une conférence internationale qui se tient à Évian du 6 au 15 juillet.

    Les représentants des 32 États présents, tout en affirmant leur implication dans le règlement de la question des réfugiés, se retranchent derrière des considérations économiques et politiques pour justifier la fermeture de leurs pays à l’immigration et le refus d’accueillir des réfugiés juifs.

    Les pays d’Europe occidentale se disent tous « saturés » : la Grande-Bretagne, la France, la Belgique, le Danemark, la Suède, la Suisse se déclarent les uns après les autres dans l’incapacité d’accueillir des réfugiés et n’envisagent d’accorder que des visas de transit. Le représentant de l’Australie déclare sans complexe que : « N’ayant aucun réel problème racial en Australie, nous ne sommes pas désireux d’en importer en encourageant une large immigration étrangère. » Et le délégué canadien, interrogé sur le nombre de réfugiés que son gouvernement pourrait envisager d’accueillir, répond : « Un seul serait déjà trop. »

    Même les pays d’Amérique du Sud, terres traditionnelles d’immigration, font part de leurs réserves : les uns invoquent la crise économique, les autres craignent de déplaire à l’Allemagne à laquelle les lient des accords commerciaux. La Colombie dit pouvoir accepter des travailleurs agricoles, l’Uruguay également, à condition qu’ils possèdent quelques ressources. Seule la République dominicaine de Trujillo offre d’accueillir 100 000 réfugiés juifs autrichiens et allemands, pour des raisons qui ont peu à voir avec la compassion humanitaire : c’est une occasion de « blanchir » une population jugée trop noire ; et cette offre généreuse vise aussi à redresser l’image d’un pays ternie par le massacre, en octobre 1937, à l’instigation des autorités, de milliers de Haïtiens travaillant dans les plantations.

    La conférence d’Évian se conclut donc sur un constat d’impuissance de la communauté internationale. Ce qui permet au journal allemand Reichswart d’ironiser : « Juifs à céder à bas prix – Qui en veut ? Personne !? » Hitler en effet peut triompher : personne ne veut accueillir ses Juifs.

    Impuissante, cette diplomatie est également sans scrupule, prête à toutes les concessions face à Hitler si tel est le prix à payer pour sauver la paix. Les orateurs à la tribune se bornent à exprimer le vœu d’« obtenir la collaboration du pays d’origine », pays jamais nommé et jamais stigmatisé pour ses agissements ; à aucun moment il n’est fait ouvertement mention du fait que ces réfugiés sont juifs, pour ne pas fournir un argument supplémentaire à la campagne fasciste contre les démocraties « enjuivées ». Dans la résolution finale, purgée de toute appréciation morale sur les persécutions, les termes « réfugiés politiques » sont remplacés par « immigrants involontaires » pour éviter de froisser le Troisième Reich.

    Le seul résultat concret de la conférence est la création d’un Comité intergouvernemental d’aide aux réfugiés allemands et autrichiens qui aura pour mission d’entreprendre « des négociations en vue d’améliorer l’état des choses actuel et de substituer à un exode une émigration ordonnée ». Aux yeux des pays occidentaux, en effet, de la même façon que la voie de la paix doit être recherchée en discutant avec Hitler, le problème des réfugiés ne peut être résolu qu’en accord avec les nazis.

    Les « petits bateaux de la mort »

    Visas refusés, frontières closes : les réfugiés sont acculés, en désespoir de cause, à prendre la mer, le plus souvent clandestinement. À la veille de la guerre, des dizaines, des centaines de bateaux, parfois des paquebots de ligne, souvent des bâtiments de fortune ou de contrebande qui ont pris leurs passagers en charge frauduleusement, naviguent sur les océans à la recherche d’un port où ils seront autorisés à débarquer : le Cairo part le 22 avril 1939 de Hambourg pour Alexandrie ; l’Usaramo pour Shanghai ; l’Orbita pour le Panama en juin 1939 ; l’Orinoco, vers Cuba [7]

    D’autres restent bloqués pendant des semaines ou des mois dans les ports roumains de la mer Noire ou sur le Danube. D’autres encore errent en Méditerranée, avec l’espoir vain de pouvoir accoster en Palestine. La presse française se fait l’écho de ces « vaisseaux fantômes » voguant de port en port sans qu’on laisse leurs passagers débarquer, ne serait-ce qu’en transit, transportant par milliers « ces hommes, ces femmes, ces enfants dont personne ne veut », qui sillonnent les mers en se heurtant à l’inhospitalité des côtes [8].

    Même ceux qui ont des papiers d’immigration en règle ne sont pas assurés d’être admis, comme le montre l’histoire cruelle du Saint-Louis. Ce paquebot transatlantique quitte Hambourg le 13 mai 1939 en direction de La Havane. Ses 937 passagers, presque tous des Juifs fuyant le Troisième Reich, sont en possession de certificats de débarquement émis par le directeur général de l’immigration de Cuba. Mais, dans l’intervalle, le président cubain a invalidé ces certificats. On interdit donc aux passagers de débarquer. Le bateau repart, et lorsqu’il passe le long des côtes de Floride une demande est adressée au président des États-Unis afin qu’il leur accorde l’asile – elle ne reçoit pas de réponse. Le 6 juin 1939, le Saint Louis reprend sa route vers l’Europe. In extremis, avant que le bateau ne soit contraint de revenir en Allemagne, le Jewish Joint Commitee réussit à négocier avec les gouvernements européens une répartition des passagers entre la Grande-Bretagne, la France, la Belgique et les Pays-Bas qui n’acceptèrent de les accueillir qu’à condition qu’il ne s’agisse que d’un transit dans l’attente d’une émigration définitive vers une autre destination. Temporairement sauvés, une majorité d’entre eux connaîtra le sort réservé aux Juifs dans les pays occupés par l’Allemagne.

    Les embarquements clandestins se poursuivent une fois la guerre déclenchée, les réfugiés prenant des risques croissants pour tenter de rejoindre clandestinement la Palestine depuis les ports de la mer Noire, à travers le Bosphore, les Dardanelles et la mer Égée. Un gigantesque marché noir s’organise, avec la bénédiction des nazis qui, avant la programmation de la « solution finale », y voient une façon de débarrasser l’Europe de ses Juifs. Beaucoup de ces « bateaux cercueils », comme on les a appelés, font naufrage, d’autres sont victimes des mines ou des sous-marins allemands, et les épidémies déciment ceux qui ont réussi à survivre [9]. Lorsque, ayant surmonté tous ces obstacles, y compris percé le blocus britannique, ils arrivent à Haïfa ou Tel-Aviv, ils sont, dans le meilleur des cas, arrêtés et incarcérés, sinon refoulés et contraints de reprendre la route vers la Bulgarie ou la Roumanie.

    On voit ici, comme un clin d’œil de l’histoire, la place géographiquement stratégique, déjà à l’époque, de la Turquie, qui contrôle la route empruntée par les réfugiés obligés de traverser les détroits du Bosphore et des Dardanelles. La Turquie interdit l’accès à son territoire aux réfugiés qui ne détiennent pas de visa pour la Palestine et, sous la pression de la Grande-Bretagne, ne laisse pas les bateaux faire escale dans ses ports, ce qui provoquera la catastrophe du #Struma (voir encadré). Décidément, on a parfois l’impression que l’histoire bégaie.
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    Le Struma

    Le 12 décembre 1941, 767 réfugiés juifs originaires de Bucovine et de Bessarabie – où sévissent les Einsatzgruppen – embarquent sur le Struma, un navire bulgare vétuste, prévu pour une centaine de passagers. Le navire part du port roumain de Constanza, sur la mer Noire, en direction d’Istanbul où les réfugiés espèrent pouvoir déposer des demandes de visa pour la Palestine. Le 16 décembre le bateau arrive dans un port turc au nord du Bosphore, mais la Grande-Bretagne fait pression sur la Turquie pour qu’elle l’empêche de poursuivre sa route. Le Struma reste ainsi bloqué 70 jours, pendant l’hiver 1941-1942, sur le Bosphore. Les réfugiés souffrent de la faim, de l’entassement. Ils finissent par être ravitaillés grâce aux dons des associations juives et avec l’aide de la Croix-Rouge. Les autorités turques décident de le refouler vers la mer Noire et le 23 février 1942 le bateau reçoit l’ordre d’appareiller : ce sont finalement les garde-côtes turcs qui doivent remorquer le Struma, hors d’état de naviguer. Quelques heures plus tard, il est touché par erreur par une torpille soviétique et coule rapidement. Il n’y aura qu’un seul survivant.)


    https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2016-4-p-39.htm
    #fermeture_des_frontières #asile #migrations #réfugiés #juifs #histoire #Evian

  • Le #cinéma israélien « a commencé à déranger » - Moyen-Orient - RFI
    http://www.rfi.fr/culture/20180612-cinema-israelien-commence-deranger-ariel-schweitzer-foxtrot

    Pour certains, le cinéma israélien est une forme de conscience morale de la société israélienne. Depuis les années 2000, ce que l’on a appelé le « nouveau cinéma israélien » a conquis les salles obscures aussi bien en Israël qu’à travers le monde. Une réussite due tout autant à la qualité des réalisateurs qu’aux thèmes choisis très éclectiques et souvent dérangeants. Une diversité qui lui vaut aujourd’hui une offensive du gouvernement qui menace de réduire l’attribution des financements lorsque les sujets sont trop critiques. Entretien avec Ariel Schweitzer, auteur du livre « Cinéma israélien de la modernité », historien, critique de cinéma, enseignant à l’université Paris VIII et à l’université de Tel-Aviv.

    #israël

  • La carte des relations diplomatiques entre Israël et les pays africains
    Michael Pauron, Jeune Afrique, le 5 juillet 2016
    http://www.jeuneafrique.com/mag/338585/politique/carte-relations-diplomatiques-entre-israel-pays-africains

    Du 4 au 7 juillet 2016, Benyamin Netanyahou est en tournée en Afrique de l’Est. Le point sur les relations de Tel-Aviv avec les États du continent.

    Et un an plus tard :

    Israël est de retour en Afrique
    Didier Niewiadowski, Jeune Afrique, le 15 juin 2017
    http://www.jeuneafrique.com/448048/politique/israel-de-retour-afrique

    Cette offensive diplomatique a pris son véritable élan en juillet 2016, lorsque Benyamin Netanyaou s’est rendu au #Kenya, en #Ouganda, en #Éthiopie et au #Rwanda. Le slogan « Israël revient en Afrique, l’Afrique revient en Israël », lancé en février 2016, a été repris abondamment lors de ce premier périple africain d’un Premier ministre israélien, depuis la Guerre des six jours en 1967.

    En Afrique subsaharienne, le #Mali, le #Burkina_Faso, le #Niger, le #Nigeria, le #Cameroun et le #Tchad, frappés par le terrorisme islamiste, sont demandeurs d’une aide multiforme, à laquelle Israël peut répondre. Israël peut aussi compter sur le président #guinéen, Alpha Condé, président en exercice de l’#Union_africaine, et sur le président #togolais, Faure Gnassingbé, élu président de la #Cedeao, ce qui est un atout pour l’organisation du sommet Afrique-Israël, prévu à Lomé, en octobre 2017.

    Compile #Israfrique :
    https://seenthis.net/messages/685758

  • 120BPM au pays de l’apartheid.
    http://didierlestrade.blogspot.com/2018/06/120bpm-au-pays-de-lapartheid.html

    Tout ceci, je le garderais pour moi et mes intimes si 120BPM n’était pas programmé ce soir même au festival LGBT de Tel Aviv (TLVFest). Contacté ces derniers jours par Mohamed Paz (de LGBT pour la Palestine), BDS France et mon ami Jean Stern (auteur de « Mirage gay à Tel Aviv »), Robin Campillo a répondu par le biais de sa productrice Marie-Ange Luciani que les droits du film avaient étaient vendus en Israël, que la diffusion du film n’était plus de leur ressort, que Robin était fatigué de la couverture médiatique, qu’il ne serait pas présent lors de la projection (hors compétition du festival) et qu’aucune déclaration serait faite. Embarras. Source : Didier (...)

    • « 120BPM » n’est pas un film comme les autres. C’est pourquoi il a provoqué une telle passion - et aussi, un tel mépris de la part de ceux, très nombreux dans la communauté LGBT, qui se sentaient agressés par cet hommage à la lutte contre le sida. Je l’ai bien vu lors des attaques personnelles, la plupart venaient de personnes qui soit n’étaient pas actives contre le sida à l’époque et qui en ressentaient une honte cachée, soit des personnes qui n’ont jamais aimé Act Up de toute manière.
      Mais ce film raconte que la désobéissance civile est fondamentale pour obtenir des droits et il est projeté à Tel-Aviv alors que le mois de mai qui vient juste de se terminer a vu la plus grande opération de désobéissance civile à Gaza, soldée par des milliers de morts et de blessés, y compris des enfants, des femmes et des personnes âgées. N’importe qui avec un esprit sain y verrait une contradiction politique évidente. Face à tant de vies meurtries, face à la violence écœurante de ces snipers israéliens exécutant des manifestants comme des cibles amusantes, n’importe quel réalisateur politique ferait un geste. Qu’aurait-il fallu pour que Robin Campillo ou ses producteurs prennent la parole ? Shakira annule son concert en Israël et Campillo ne peut pas annuler une projection ? S’il ne veut pas boycotter l’événement, qu’il s’exprime au moins.

      #Didier_Lestrade #Robin_Campillon #LGBT #pinkwashing #Israël #Palestine #cinéma

  • #Paillassons de Washington, par Serge Halimi (Le Monde diplomatique, juin 2018)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2018/06/HALIMI/58731

    Les suppliques et les marques d’affection de trois dirigeants européens — M. Emmanuel Macron, Mme Angela Merkel et M. Boris Johnson — venus cajoler M. Donald Trump n’auront servi à rien : le président des #États-Unis a riposté en les humiliant. Il les menace de représailles commerciales et financières s’ils ne violent pas l’accord qu’ils ont eux-mêmes conclu il y a trois ans avec l’#Iran. Les États-Unis ayant radicalement changé de position sur le sujet, leurs alliés n’ont plus qu’à s’aligner. Aux yeux de M. Trump, Paris, Berlin et Londres ne pèsent pas lourd, beaucoup moins en tout cas que Riyad ou Tel-Aviv.

    [...]

    L’Union européenne ne cesse de durcir ses critères de convergence. Mais elle en oublie toujours un, que M. Trump vient de lui rappeler : la nécessité pour ses adhérents d’être indépendants et souverains.

    #comparses
    #ue

  • تل أبيب وواشنطن : صفقة القرن تتضمن نقل 10 بالمائة من الضفة بما فيها الخليل لإسرائيل بدون تبادل الأراضي والعاصمة ستكون بأحياءٍ بشرقي القدس والسعوديّة وافقت عليها | رأي اليوم
    https://www.raialyoum.com/index.php/%d8%aa%d9%84-%d8%a3%d8%a8%d9%8a%d8%a8-%d9%88%d9%88%d8%a7%d8%b4%d9%86%d8%b

    Long article du Yediot Aharonot à propos du « deal du siècle » préparée par l’administration israélo-étasunienne en Palestine. Parmi les infos, celle que reprend le titre de l’article dans sa version arabe en tout cas : « Tel-Aviv et Washington : l’accord du siècle garantira la cession de 10% de la Cisjordanie (dont Hébron) à Israël sans contre-parties territoriales. La capitale [palestinienne] sera dans la partie orientale de Jérusalem [on n’en sait pas plus] et les Saoudiens sont d’accord. »

    #palestine #deal_du_siècle

  • L’Autorité palestinienne demande une enquête de la Cour pénale internationale sur Israël
    LE MONDE | 22.05.2018 à 13h51 • Mis à jour le 23.05.2018 à 06h41 | Par Stéphanie Maupas (La Haye, correspondance)
    https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2018/05/22/gaza-les-palestiniens-demandent-une-enquete-de-la-cour-penale-internationale

    Le conflit israélo-palestinien portera dans les prochains jours un numéro de dossier devant la Cour pénale internationale (CPI). Mardi 22 mai au matin, le ministre palestinien des affaires étrangères, Riyad Al-Maliki, a officiellement référé à l’instance les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, dont l’apartheid, commis par « le gouvernement d’Israël ou ses agents », et il a demandé à la procureure, la Gambienne Fatou Bensouda, l’ouverture « immédiate » d’une enquête.

    Cette décision, dont Ramallah menaçait Tel-Aviv depuis plus de trois ans, a immédiatement été qualifiée de « cynique et sans validité juridique » par le ministère israélien des affaires étrangères. Israël n’a pas ratifié le traité de la CPI, et estime que cette dernière n’a dès lors « pas autorité sur la question israélo-palestinienne ». D’autant que, ajoute Tel-Aviv dans un communiqué, « l’Autorité palestinienne n’est pas un Etat ». (...)

  • Un ancien soldat israélien face aux manifestations à Gaza : « On place notre génération dans une situation insoluble », Piotr Smolar, Le Monde
    http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2018/05/14/un-ancien-soldat-israelien-face-aux-manifestations-a-gaza-on-place-notre-gen

    Ils ont fait une partie de leur service militaire le long de la bande de Gaza. Des années plus tard, deux jeunes Israéliens, conscients du défi auquel est confrontée l’armée face aux manifestants palestiniens, confient leur expérience au « Monde ».

    Ils ont presque le même âge et des convictions en commun. Ils ont tous deux effectué leur service militaire il y a quelques années, dont une partie a eu lieu le long de la frontière de la bande de Gaza. C’est là, mardi 15 mai, qu’aura lieu le final redouté de la « marche du grand retour », ce mouvement palestinien lancé le 30 mars, au cours duquel près de 45 personnes ont été tuées et 2 000 blessées par balles par l’armée israélienne. Les deux anciens soldats dont Le Monde a recueilli le témoignage narrent ce que fut leur quotidien, la banalité de leur mission.

    Shaï Iluk, 27 ans, est étudiant en troisième année de droit à l’Université de Tel-Aviv. Il se destine à devenir avocat, par passion de la justice. « Je cherche les façons les plus efficaces de lutter contre les discriminations et mettre fin à l’occupation », dit-il. Les parents de Shaï, originaires du Maroc, sont arrivés dans les années 1970.

    Lui est né à Jérusalem. « On n’a jamais parlé de politique à la maison. Mes parents ne se préoccupaient que de leur survie, c’était une réalité très minimaliste. Tout a changé quand j’ai rejoint les scouts israéliens. » Dans ce mouvement de jeunesse, Shaï découvre le patriotisme. Ses deux grandes sœurs travaillent dans le secteur de la mode et des relations publiques. Son grand frère a émigré aux Etats-Unis.

    Passionné par l’engagement civique, Shaï Iluk est une sorte d’anomalie dans sa famille. Après le lycée, il fait un an de service national volontaire auprès de jeunes en difficulté, tout en suivant une préparation sportive à l’armée. Il la rejoint le 24 novembre 2010. La carte militaire dans son portefeuille en témoigne : il a été dans une unité de combat, au sein de la brigade d’infanterie Nahal. Pendant seize mois, il suit une formation poussée en contre-terrorisme, en guerre urbaine. Puis il est déployé, pendant trois mois, le long de la frontière de Gaza.

    « On était basé près de Nahal Oz [le kibboutz le plus proche de la frontière Est de Gaza]. Notre relation avec la frontière n’avait rien à voir avec nos opinions, l’idéologie ou la politique. Dans la nuit, l’arme à la main, votre objectif est de rentrer à la base en un seul morceau. En gros, je savais qu’il y avait une frontière me séparant de gens hostiles, et j’avais des familles à défendre. On ne rencontrait jamais les gens en face, ils étaient à distance, séparés par une zone stérile le long de la clôture. C’était donc très différent de la Cisjordanie, où l’on voit les Palestiniens chaque jour, on est au milieu de leur routine.

    Mon équipe était composée de 22 personnes, dont plusieurs snipers. On recevait des coordonnées, on devait s’y rendre et rapporter ce qu’on avait vu. On se planquait, camouflés, parfois pendant trois jours, à surveiller cet endroit. On regardait si quelqu’un approchait pour déplacer quelque chose. Un des scénarios pour lesquels on s’est beaucoup entraîné prévoyait que des combattants du Hamas essayeraient de poser des engins explosifs artisanaux dans la zone tampon, pour qu’ils explosent si on entrait. J’étais un tireur de précision [sharpshooter]. Je voyais bien à 300 mètres. La nuit, j’avais une lunette de vision sur mon arme.

    Je ne sais pas si j’ai des critiques au sujet de nos règles d’engagement. Plutôt sur la latitude laissée sur le terrain pour les interpréter. En mai 2011, on a eu une opération spéciale pour la journée de la Nakba [commémoration de l’exode de près de 800 000 Palestiniens lors de la fondation d’Israël en 1948]. On nous a dit : “Des milliers de personnes vont venir vers la clôture, on doit les empêcher d’entrer en Israël”. C’était ça, le cadre général. Toutes les équipes étaient sur le terrain, les snipers disposés sur les points plus élevés, nous en bas, attendant de voir si les choses dérapaient.

    La mission consistait à identifier les principaux instigateurs. Après l’approbation de notre commandant, lui-même recevant une approbation au-dessus de lui, on pouvait agir. Pour chaque balle tirée, le travail du spotter [observateur] est de documenter où elle est partie. Lors du débriefing, on pose des questions. Si un manifestant est tué, pourquoi est-ce arrivé, alors qu’on doit viser les jambes.

    Ce jour-là, il y eut un mort, et je ne sais plus combien de blessés, j’ai dû consulter par la suite les sites d’information pour le savoir. Je n’ai atteint personne, je n’ai pas ouvert le feu, c’était le rôle des snipers, après l’utilisation du gaz lacrymogène et des balles en caoutchouc. Dans leur position, on ne pense pas aux conséquences. On se sent attaqué quand on voit un grand nombre de gens secouant la clôture. Le problème est que, face à tellement de monde, on ne peut viser que le premier rang. Or les principaux instigateurs sont au milieu de la foule. L’ordre est de les viser, mais comment ?

    C’est une situation très complexe. On nous demande de défendre notre pays, sous peine d’être considéré comme un traître. Mais on place notre génération dans une situation insoluble. La veille de cette journée, de façon informelle, sous la douche, j’ai demandé au commandant adjoint de l’unité : “Toi, comme être humain, t’as l’impression que ça sent bon de tirer sur des manifestants ?” Il n’a pas répondu.

    Rencontre avec des villageois palestiniens

    On ne nous a jamais dit clairement : tirez sur toute personne franchissant la frontière. Mais mon sentiment était qu’un franchissement n’était même pas envisageable. Derrière vous, il y a toute l’armée, le gouvernement. Mon pote qui a tué le manifestant ce jour-là, personne n’est venu discuter avec lui, autant que je sache. Personne n’a été interrogé, n’est allé en prison.

    Par contre, un jour, j’ai perdu le coffret protégeant ma lunette de vision nocturne. Je suis passé devant le tribunal et j’ai reçu une amende de 1 200 shekels [285 euros]. Là, les mesures disciplinaires s’appliquaient. Sur le reste, on estime que les erreurs arrivent, dans la noble mission de protection d’Israël. »

    Après Gaza, Shaï Iluk a suivi une formation pour devenir infirmier et a été envoyé en Cisjordanie, dans les collines au sud d’Hébron. Le jeune homme est alors plein de doutes, il observe les mécanismes de l’occupation, au quotidien. Une des missions de son unité consiste à empêcher les travailleurs palestiniens d’entrer clandestinement en Israël, là où le mur de séparation n’est pas achevé.

    Certains soldats se contentent de renvoyer les Palestiniens chez eux ; d’autres non. « Un jour, les gars ont pris la voiture d’un Palestinien et l’ont précipité contre un mur, puis ils ont confisqué les pneus et la batterie, pour qu’il ne recommence pas. » Ils ont immortalisé la scène avec un portable et ont partagé la photo. Shaï se souvient, à la fin de son service, de la vision hallucinante d’un camion entier, à la base, plein de batteries et de pneus saisis.

    Après un « long processus de réflexion », et une rencontre en civil avec des villageois palestiniens, il réalise qu’il vit « dans une bulle ». Shaï Iluk annonce à son commandant qu’il refusera, dorénavant, de servir dans les territoires occupés. Une démarche exceptionnelle, au milieu de son service, qu’il a achevé comme infirmier dans une clinique. Le jeune homme est aujourd’hui un militant actif au sein de l’organisation Combattants pour la paix, qui regroupe à la fois des Israéliens et des Palestiniens.

    Hostile à l’occupation

    Le second témoin veut garder l’anonymat. Appelons-le Mordechaï. Il a 26 ans, il vit à Jérusalem, où il étudie le droit à l’Université hébraïque. Ce jeune homme est né dans un kibboutz, le long de la frontière de Gaza, avant d’emménager avec sa mère à Tel-Aviv. Mordechaï a beaucoup hésité avant de faire l’armée. Sa sœur y avait échappé, son grand frère avait servi.

    Lui se sentait déjà politiquement conscient, hostile à l’occupation, et cherchait « la meilleure façon de résister ». Poussé par ses copains au sein d’un mouvement de jeunes, il décide pourtant de servir sous les drapeaux. Nous sommes alors en 2011. Le jeune homme subit la période de formation les dents serrées, en raison des règles de vie très strictes. Puis il est déployé le long de la frontière de Gaza, où il passe trois mois.

    « On avait une vision très claire du bien et du mal, des bons et des méchants. Par groupe de trois véhicules, on faisait des inspections de routine le long de la frontière. Par exemple, quand la clôture électrique indiquait qu’on l’avait touchée, ou qu’un habitant nous alertait. Les Palestiniens ne pouvaient s’approcher à moins de 100 mètres de la clôture. Sinon, c’était pour attaquer, pour dissimuler des engins explosifs. On savait ce qu’on devait faire alors.

    Si quelqu’un approchait à moins de 100 mètres, on devait tirer en l’air ou dans une cible neutre, comme une pierre ou un mur. On tirait souvent ainsi, lors d’une mission sur deux. On a trouvé trois fois des engins explosifs artisanaux dissimulés. Si quelqu’un venait encore plus près et paraissait vouloir franchir la clôture, on pouvait le viser aux jambes. S’il réussissait à traverser, alors on revenait à une procédure d’arrestation classique : on ne pouvait le viser que s’il avait une arme et manifestait l’intention de s’en servir. S’il a un couteau et se trouve à distance, on ne tire pas. S’il a un pistolet et qu’il se rapproche, oui.

    On a vu des gens traverser la clôture, juste pour s’enfuir de Gaza, pas pour agresser quelqu’un. En trois mois, c’est arrivé une fois dans ma base : trois types de 15-16 ans, qui ne cherchaient pas d’ennuis. Au briefing qu’on recevait, on nous disait clairement que des gens essayaient de traverser pour aller en prison. Certains le font même aujourd’hui armés de couteaux, pour être sûrs d’aller au trou. Ils ne veulent pas que l’armée les renvoie chez eux à Gaza.

    Je ne sais pas quelles instructions précises ont reçu les soldats déployés en ce moment le long de Gaza. Mais je pense que les gens à Gaza comprennent l’incapacité de l’armée à gérer des civils en grand nombre. Il n’y a aucune bonne réponse pour empêcher la foule de franchir la frontière. Notre armée est dans la situation d’un homme qui saute du 10e étage et se demande, à hauteur du 5e, ce qu’il faut faire. Il n’y a pas de bonne façon d’agir : on ne peut pas les laisser passer, et on ne doit pas tirer sur eux. L’armée dans son ensemble, et les soldats comme individus, sont coincés. Le nombre de Palestiniens blessés par balles [près de 2 000] témoigne de la panique de notre système. »

    Après cette période de déploiement près de Gaza, Mordechaï a basculé dans la réalité quotidienne de l’occupation, dans le nord de la Cisjordanie, près de Naplouse. Pendant six mois, il procède à d’innombrables arrestations de jeunes, accusés de lancer des pierres. Lui et ses soldats essaient de minimiser la force employée. « La grande leçon, pour moi, est qu’il n’y a aucune façon de bien mener l’occupation. Sans l’armée, les colons sont en danger. Mais tant qu’il y a des colonies et que l’armée est là, on rend la vie des Palestiniens misérable. »

  • Israël hanté par la Nakba
    Thomas Vescovi, Monde diplomatique, mai 2018
    https://www.monde-diplomatique.fr/2018/05/VESCOVI/58636

    « La marche du grand retour » : c’est ainsi que les organisations politiques palestiniennes nomment les actions menées chaque année depuis 2009 entre le 30 mars et le 15 mai. Pour l’État d’Israël, le 14 mai marque le souvenir de ce jour de 1948 où David Ben Gourion déclara l’indépendance. La société palestinienne, elle, commémore le lendemain la Nakba (« catastrophe », en arabe) : l’expulsion des 805 000 Palestiniens dont les descendants attendent encore l’application de la résolution 194, votée le 11 décembre 1948 par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU). Ce texte fonde leur « droit au retour » : c’est-à-dire de pouvoir rentrer dans leurs foyers ou de recevoir une compensation. Enfin, c’est à cette date que l’administration de M. Donald Trump entend inaugurer la nouvelle ambassade des États-Unis à Jérusalem.

    Au terme de la première guerre israélo-arabe, des centaines de milliers de Palestiniens se retrouvent éparpillés aux quatre coins de la région. Des historiens enregistrent les événements, conscients que la version du vainqueur risque de s’imposer. Les écrits de Walid Khalidi ou Sami Hadawi sont sans ambiguïté : qu’il ait préféré fuir de lui-même pour se protéger ou qu’il y ait été forcé, le peuple palestinien a été chassé de sa terre (1). Mais, pour que cette version des événements de 1948 se diffuse au-delà du monde arabe, il a fallu attendre 1987 et la publication des premiers ouvrages des « nouveaux historiens » israéliens, parmi lesquels Benny Morris, Tom Segev, Ilan Pappé et Avi Shlaïm (2). En s’appuyant sur les archives de leur État, ces chercheurs ébranlèrent un à un les piliers de l’historiographie officielle.

    La temporalité de ces publications n’est pas anodine. Le premier ouvrage paraît lorsque se déclenche la première Intifada, près d’une décennie après l’arrivée au pouvoir de la droite et le début du mouvement refuznik, qui voit des objecteurs de conscience refuser de servir dans les territoires occupés tandis que des militaires israéliens s’interrogent à propos des pratiques de leur armée. Les pacifistes entrent dans une phase d’ouverture et d’interrogation sur leur société, leur État et leur rapport à l’autre. L’accession d’Itzhak Rabin au poste de premier ministre en 1992 et le début des négociations avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui conduisent à la signature des accords d’Oslo en septembre 1993, s’inscrivent dans ce cadre. C’est l’époque où la guerre froide se termine et où le soutien de nombreux pays arabes à la coalition anti-irakienne durant la guerre du Golfe de 1991 sonne le glas d’un panarabisme longtemps opposé à toute négociation avec Israël.

    Au cours de la première moitié des années 1990, les travaux des « nouveaux historiens » suscitent un réel intérêt au sein d’une partie de la société israélienne. Conférences, séminaires, débats dans les médias : sans être acceptées par tous, les thèses avancées dans ces ouvrages sont du moins discutées. Des projets d’écriture d’une histoire israélo-palestinienne surgissent, de même que des commissions visant à revoir les programmes d’histoire dans les écoles. Cependant, les discussions restent cantonnées aux milieux intellectuels. L’assassinat de Rabin par un extrémiste juif en 1995, puis l’arrivée au pouvoir de M. Benyamin Netanyahou en 1996 et le début des attentats-suicides sur le sol israélien mettent à mal ce processus d’ouverture, mais ne l’interrompent pas.

    Le déclenchement de la seconde Intifada, fin septembre 2000, referme néanmoins les derniers espaces d’échange et de dialogue entre Israéliens et Palestiniens au sujet de leurs récits historiques. Principaux promoteurs de ces relations, les mouvements pacifistes s’effondrent à la suite de l’échec, en juillet 2000, du sommet de Camp David ; un échec dont le premier ministre travailliste Ehoud Barak, par un tour de passe-passe masquant sa propre intransigeance (il reconnaîtra plus tard n’avoir rien proposé au dirigeant palestinien), impute la responsabilité au seul Yasser Arafat. Sans représenter l’avant-garde du mouvement, les militants de la gauche sioniste parvenaient à rassembler de larges secteurs de la société israélienne. Avec les déclarations de M. Barak et le déclenchement d’un second soulèvement palestinien bien plus meurtrier et militarisé que le premier, la majeure partie d’entre eux cessent toute activité pacifiste ; leurs organisations s’essoufflent.

    Pour la société juive, il n’y aurait alors « plus de partenaire » avec qui faire la paix. Les Israéliens perçoivent la seconde Intifada comme une attaque sans sommation des Palestiniens, qui plus est marquée par la mobilisation du Hamas, nouvelle force politique à tendance islamiste, ce qui fait écho à une actualité mondiale anxiogène. En 2001, Ariel Sharon, chef de file de la droite, remporte les élections en proposant une autre issue : puisque la cohabitation est impossible, la séparation amènera la paix. Conformément à cette logique unilatérale, un mur est construit en Cisjordanie entre Palestiniens et colons israéliens et l’armée se retire de la bande de Gaza.

    La mémoire de la Nakba est à nouveau profondément enfouie au profit de la vieille propagande : les Palestiniens auraient quitté leur terre pour ne pas vivre avec des Juifs ; Israël a droit à cette terre que Dieu aurait donnée à Abraham. Dès sa prise de fonctions, Sharon fait retirer des écoles le manuel d’histoire d’Eyal Naveh, qui introduisait une vision hétérodoxe de 1948. À l’université, les travaux des « nouveaux historiens » sont combattus avec virulence. Aujourd’hui, cette bataille est au cœur des actions d’Im Tirtzu, une organisation estudiantine proche du dirigeant d’extrême droite et actuel ministre de l’éducation Naftali Bennett, dont les militants ont mené ces dernières années une campagne baptisée « La Nakba est un mensonge » (3). Les Israéliens refusent de se considérer comme partie prenante de l’histoire palestinienne, et les institutions leur martèlent qu’ils sont les héritiers d’idées émancipatrices et progressistes.

    La création d’Israël a lieu au lendemain de la guerre la plus meurtrière de l’histoire, à l’issue de laquelle les idéaux de liberté ont triomphé du fascisme. Les Juifs incarnent les principales victimes de la terreur nazie, et la fondation d’un État-refuge au Proche-Orient doit venir réparer cette tragédie pourtant européenne. Dès lors, la défense d’Israël devient un enjeu à la fois politique et civilisationnel. La mémoire de la Nakba risque de ternir la totale innocence qu’affiche l’appareil d’État israélien. Accepter qu’à la création du pays ses combattants n’aient pas été des victimes, mais des bourreaux, ruinerait la « pureté des armes » dont se targue l’armée dite « de défense » d’Israël.

    La logique de séparation a entraîné dans la société juive israélienne un profond désintérêt pour la question palestinienne. Lors des élections législatives de mars 2015, seuls 9 % considéraient l’obtention d’un accord de paix avec les Palestiniens comme une priorité pour le prochain gouvernement (4). Ce sujet devenant invisible à leurs yeux, une forte proportion d’Israéliens se rallient aux idées les plus nationalistes. En 2001, lorsque la violence de la seconde Intifada était à son paroxysme, 35 % d’entre eux se disaient favorables à un « transfert » de la population arabe hors d’Israël vers la Cisjordanie ou la Jordanie (5). En 2015, 58 % soutiennent cette proposition, et 59 % la mise en place d’un régime d’apartheid privilégiant les Juifs en cas d’annexion de la Cisjordanie.

    Sur les ruines du grand mouvement pour la paix ont toutefois émergé de petites organisations agissant sur des questions plus ciblées. Ainsi Zochrot, fondée en 2001, se donne pour objectif d’enseigner la Nakba à la société israélienne. Elle a pris l’initiative de la première conférence sur le droit au retour des réfugiés palestiniens en Israël et organise depuis 2013 un festival annuel de films intitulé « De la Nakba au retour ». Elle propose également des visites de sites palestiniens « abandonnés » en 1948. La résidence d’un cheikh devenue cafétéria de l’université de Tel-Aviv, des maisons palestiniennes transformées en centre psychiatrique à Kfar Shaul : autant d’éléments du paysage israélien qui rappellent l’arabité de la terre. Pour les fondateurs du centre de recherche alternatif De-Colonizer (décoloniser), Éléonore Merza et Eitan Bronstein, la Nakba reste un tabou en Israël. En pratique, « la discussion se limite généralement à la question de savoir s’il est souhaitable ou même permis d’en discuter ». Cependant, ils notent que la situation a évolué, puisque le mot bénéficie d’un écho suffisant pour inquiéter les responsables politiques.

    Le 23 mars 2011, la Knesset, le Parlement israélien, adopte un amendement au budget prévoyant qu’aucune organisation commémorant le jour de la fête nationale comme un deuil ne reçoive plus de subventions. Naturellement, ces associations n’en bénéficiaient pas auparavant, mais il s’agit de les stigmatiser et de diffuser le sentiment que prendre part à ce type de manifestations vous place en dehors de la société. Par ailleurs, l’amendement dénie à la population arabe d’Israël, soit un habitant sur cinq, le droit d’honorer son histoire. D’ailleurs, depuis 2009, les écoles arabes n’ont officiellement plus le droit d’utiliser le terme « Nakba » dans leurs programmes.

    Pour la sociologue Ronit Lentin, il existe en Israël trois manières de considérer la Nakba (6). Une minorité ressasse la vision fantasmée de la Palestine comme « terre sans peuple pour un peuple sans terre ». D’autres reconnaissent partiellement la tragédie vécue par les Palestiniens, mais refusent d’admettre une quelconque responsabilité juive, voire répètent les arguments éculés sur les liens entre les Arabes et les nazis (7). Enfin, certains reconnaissent explicitement l’expulsion, mais refusent l’idée de présenter des excuses, ou regrettent même que le transfert n’ait pas été total — comme le « nouvel historien » repenti Benny Morris, qui a fini par affirmer : « Un État juif n’aurait pas pu être créé sans déraciner les Palestiniens (8). »

    Le Likoud, quant à lui, s’en tient à la version officielle niant toute expulsion, et par conséquent tout droit des Palestiniens sur la terre. La gauche sioniste reconnaît des massacres et des expulsions, mais en attribue la responsabilité aux milices nationalistes du Parti révisionniste, l’Irgoun et le Lehi.

    Pour certains militants anti-occupation, la découverte de la réalité de 1948 a marqué le début d’une remise en question plus générale de l’État d’Israël. D’où la réticence de beaucoup de leurs concitoyens à s’interroger sur cette période. Accepter de voir s’effondrer le récit inculqué depuis l’école les condamnerait à une marginalisation, voire à une stigmatisation ; on les accuserait d’accepter le discours de l’adversaire. Ainsi, certains parviennent à enfouir ces vérités au plus profond d’eux-mêmes afin de poursuivre normalement leur vie.

    Conformément à la théorie freudienne (9), Israël agit avec la Nakba comme un esprit traumatisé qui tente de refouler ce qui le hante. Une sorte d’« inquiétante étrangeté », à la source d’un sentiment de honte ressenti à l’égard d’actes passés, provoque un malaise qui pousse à vouloir les faire disparaître. Ce passé dérangeant revient, selon Freud, lorsque s’effacent les limites entre l’imagination et la réalité. La mémoire de la Nakba remonte à la surface par l’intermédiaire de divers acteurs qui détruisent les créations imaginaires pour montrer la réalité, et de Palestiniens qui saisissent toutes les occasions de resurgir dans l’espace public.

    La marche du 30 mars et celles qui ont suivi, avec leur lourd bilan humain, sont un cauchemar pour l’État d’Israël ; un rappel du fait que cinq millions de Palestiniens, les réfugiés et leurs descendants qui vivent à Gaza, en Cisjordanie ou dans d’autres pays de la région continuent de s’accrocher à leur droit au retour, ou à une indemnité à titre de compensation pour avoir été chassés de leur terre et de leurs demeures. Ils incarnent une injustice dont les Israéliens restent comptables.

    Thomas Vescovi Chercheur indépendant en histoire contemporaine, auteur de La Mémoire de la Nakba en Israël, L’Harmattan, coll. « Comprendre le Moyen-Orient », Paris, 2015.

    (1) Walid Khalidi, Nakba, 1947-1948, Sindbad - Actes sud - Institut des études palestiniennes, Arles, 2012.
    (2) Lire Dominique Vidal, « L’expulsion des Palestiniens revisitée par des historiens israéliens », Le Monde diplomatique, décembre 1997.
    (3) Lire Charles Enderlin, « Israël à l’heure de l’Inquisition », Le Monde diplomatique, mars 2016.
    (4) The Times of Israel, Jérusalem, 25 janvier 2015.
    (5) Gideon Levy, « Survey : Most Israeli Jews wouldn’t give Palestinians vote if West Bank was annexed », Haaretz, Tel-Aviv, 23 octobre 2012.
    (6) Ronit Lentin, Co-memory and Melancholia. Israelis memorialising the Palestinian Nakba, Manchester University Press, 2010.
    (7) Lire Gilbert Achcar, « Inusable grand mufti de Jérusalem », Le Monde diplomatique, mai 2010.
    (8) Haaretz, 9 janvier 2004.
    (9) Sigmund Freud, L’Inquiétante Étrangeté et autres essais, Gallimard, coll. « Folio essais », Paris, 1985 (1re éd. : 1919).

    #Palestine #Nakba #Histoire

  • Invitation de Pascal Boniface - Communiqué du Consul général - Consulat Général de France à Jérusalem
    Pierre Cochard, Consul général de France à Jérusalem
    20 avril 2018
    https://jerusalem.consulfrance.org/Invitation-de-Pascal-Boniface-Communique-du-Consul-general

    Les réseaux sociaux ont diffusé les images de l’agression inadmissible dont Pascal Boniface a été la cible à son arrivée à l’aéroport Ben Gourion à l’occasion de sa venue, à l’invitation du Consulat général et de l’institut français de Jérusalem, pour trois conférences dans le cadre d’un cycle de débats d’idées.

    Cette agression est bien sûr indissociable des messages souvent haineux diffusés contre le directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques et contre le Consulat général après l’annonce de ces conférences.

    Pascal Boniface, directeur de l’un des plus importants think tanks français en relations internationales, qui bénéficie du soutien de nos autorités, y a accueilli le 28 novembre dernier, l’ambassadrice d’Israël en France pour une conférence.(...)

  • J’ignorais que Tardi faisait des dessins militants : article d’août 2015 : Jacques Tardi Mon indignation | L’Humanité
    https://humanite.fr/jacques-tardi-mon-indignation-581251

    C’est mon indignation totale qui a motivé ce dessin. Un an après les massacres à Gaza, il faudrait que l’on fasse la fête sur les berges de la Seine. C’est de la provocation. C’est presque une insulte. C’est complètement obscène et irresponsable de la part de la Mairie de Paris. Il y a eu plus de 2 000 morts, et on fait comme si de rien n’était, comme si on voulait effacer les crimes de guerre. Cette commémoration festive des tueries est monstrueuse. On parle de culture, mais ce qu’il y a de culturel à Paris Plages, c’est surtout des recettes de cuisine et des raquettes… Tel-Aviv, ville de la tolérance ? Oui, au sens où elle tolère bien l’apartheid et l’occupation de la Palestine, même si je sais qu’il y a des Israéliens contre la colonisation. Quand au procès en antisémitisme, ça ne marche plus : on a le droit de s’exprimer sur la politique d’un état qui viole chaque jour le droit international. Ces accusations m’indiffèrent. Ce n’est pas le sujet.

    En rebond au dessin « On bosse ici, on vit ici, on reste ici » signalé ici :
    https://seenthis.net/messages/681955

  • Israël : la famille d’Ahed Tamimi victime d’une campagne de dénigrement
    RFI - Publié le 10-03-2018
    Avec notre correspondante à Tel-Aviv, Marine Vlahovic
    http://www.rfi.fr/moyen-orient/20180310-israel-famille-ahed-tamimi-victime-vaste-campagne-denigrement?ref=tw

    Héroïne pour les uns, provocatrice pour les autres, Ahed Tamimi est aussi considérée comme une actrice par certains responsables politiques israéliens. Ces derniers n’hésitent pas à affirmer que la famille Tamimi n’est pas réelle, mais a été créée à des fins de propagande palestinienne.

    Et cette théorie du complot rencontre un large écho dans la société israélienne, au grand regret d’Oren Persico, cofondateur du 7e œil, un observatoire des médias.

    « Le public israélien veut croire à cette version, donc les médias, les politiciens et l’armée font tout pour faire croire que les membres de cette famille sont des menteurs, ou laisser planer le doute sur l’existence réelle de cette famille, peut-être composée d’acteurs. C’est juste une autre manière pour les Israéliens de nier l’occupation et ce que l’armée israélienne fait tous les jours au nom des Israéliens », souligne-t-il. (...)

  • Moscou s’apprête à signer un énorme contrat avec le Liban – Site de la chaîne AlManar-Liban
    http://french.almanar.com.lb/809147

    L’accord à venir prévoit d’autres volets qui n’iront pas sans piétiner sur ce que le régime israélien voit comme un « butin gazier », et qui sont de vastes gisements gaziers libanais en Méditerranée repris de force, par Israël. L’appétit avec lequel le régime de Tel-Aviv procède à la spoliation des richesses gazières en Méditerranée ne peut laisser indifférents un géant gazier de la taille de la Russie qui projetterait, aidée par ses assises syriennes et ses alliances libanaises, faire son entrée sur la scène libanaise. L’accord précité prévoit ainsi de donner des droits de stationnement et de transit aux forces armées russes, mais il permettra aussi à Moscou de développer ses réserves énergétiques offshore dans la Méditerranée orientale. À cette aune le fameux bloc 9, que convoitent les Israéliens, pourrait ne pas être une proie facile à avaler, ainsi que semblent le croire les autorités de Tel-Aviv.

    En décembre 2017, le Russe Novatek a figuré parmi les trois gagnants étrangers de l’appel d’offres pour la production d’hydrocarbures au Liban. Ce choix est significatif : le Liban aurait pu bien se contenter des entreprises Total ou ENI, mais une présence russe devrait déjà jouer un rôle dissuasif à l’adresse d’Israël qui n’oserait pas attaquer le site de travaux de prospection dans les eaux libanaises.

    Voir aussi l’important discours de Nasrallah sur la question du gaz : https://blogs.mediapart.fr/le-cri-des-peuples/blog/280218/hassan-nasrallah-sur-les-guerres-du-petrole-et-du-gaz-au-moyen-orien

    Lointain écho à une discussion, sur Seenthis et ailleurs, autour des enjeux géopolitiques de la guerre en #Syrie et du rôle qu’y jouait le contrôle des ressources énergétiques.

  • Deux appareils israéliens abattus par la DCA syrienne. Tsahal achève « sa riposte » au plus vite. Faille dans la supériorité israélienne – Site de la chaîne AlManar-Liban
    http://french.almanar.com.lb/773947

    Un avion israélien et un hékicoptère de combat ont été abattus et d’autres auraient été touchés lorsque le système antiaérien syrien a riposté à une nouvelle attaque aérienne en Syrie.

    En plus du F16 peut-être un hélicoptère Apache également abattu.

    Avec ce lien (mais en arabe), la liste des agressions israéliennes en Syrie depuis 2013 : http://almanar.com.lb/3351071

  • La jeunesse palestinienne ne s’avoue pas vaincue
    Akram Belkaïd & Olivier Pironet (@opironet), Le Monde Diplo, février 2018
    https://www.monde-diplomatique.fr/2018/02/BELKAID/58401

    La décision de M. Donald Trump de reconnaître Jérusalem en tant que capitale d’Israël, le 6 décembre dernier, a aggravé l’échec du « processus de paix » et provoqué d’importantes manifestations en Cisjordanie et à Gaza. Une contestation durement réprimée par Israël, qui multiplie les incursions militaires et les arrestations. Les jeunes Palestiniens, y compris des mineurs, sont les premiers visés. Nombre d’entre eux rompent avec les formes de militantisme de leurs aînés.

    Les drapeaux palestiniens claquent au vent sur l’allée principale de l’université de Birzeit, à la périphérie de Ramallah, ville où siège l’Autorité palestinienne. Non loin de la stèle qui honore les vingt-huit étudiants « martyrs » de l’établissement, tous tués par l’armée israélienne, un cortège se met en place. Un membre du service d’ordre va d’un carré à l’autre. Cagoulé sous son casque d’assaut et vêtu d’une tenue de camouflage avec grenades et ceinture d’explosif, il donne le tempo à de jeunes femmes et de jeunes hommes en treillis olive, le visage masqué par un keffieh. Tous scandent des slogans à la gloire de la résistance armée. Ils brandissent des bannières aux couleurs du Fatah rendant hommage au défunt président Yasser Arafat (1929-2004), et des banderoles saluant la mémoire de Cheikh Ahmed Yassine (1937-2004), le fondateur du Mouvement de la résistance islamique (Hamas). Les organisateurs de cette parade appartiennent au mouvement de la jeunesse du Fatah (Chabiba), le parti du président Mahmoud Abbas. Ils ont tenu à ce que le rassemblement célèbre les deux grandes factions politiques palestiniennes, qui peinent à mettre en œuvre leur accord de « réconciliation ». Signé en octobre 2017, celui-ci est censé tourner la page de plus de dix années de rivalité et d’affrontements fratricides.

    À l’écart, des étudiants en sociologie observent la scène d’un air sévère. « Ça n’est que du folklore, lâche Rami T. (1), 20 ans. Voilà ce que le Fatah et l’Autorité palestinienne proposent à la jeunesse : des gesticulations symboliques. C’est tout sauf de l’action politique sérieuse. Le régime n’entend pas impulser une mobilisation collective qui puisse réellement porter ses fruits. Il craint qu’une politisation des jeunes ne mène d’abord à une révolte contre lui. » Alors que 70 % de la population a moins de 30 ans, la politisation de la jeunesse constitue un sujet très délicat pour des dirigeants palestiniens à la légitimité de plus en plus contestée. Avant les accords d’Oslo, en 1993, et la création de l’Autorité, c’est le Haut-Conseil pour la jeunesse et les sports, une instance rattachée à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui assurait la formation idéologique, notamment à travers l’organisation de camps de vacances et de volontariat. En 1993, un ministère de la jeunesse et des sports a vu le jour pour « donner aux jeunes le pouvoir d’agir sur le plan économique, social et politique ». Au fil du temps, les actions d’encadrement ont été abandonnées, et le ministère a été suspendu en 2013, le Haut-Conseil ayant repris du service sous l’égide de M. Abbas.

    Pour Youssef M., 22 ans, lui aussi étudiant en sociologie, « l’Autorité palestinienne veut éloigner les jeunes d’un militantisme authentique, présent sur le terrain, et les empêcher d’élaborer de nouvelles manières d’agir sur le plan politique. Or, depuis le début des années 2000 et l’échec du processus d’Oslo, la jeunesse est en manque de repères. Nous sommes en colère. Il n’y a eu aucun gain politique pour notre peuple. La division entre le Fatah et le Hamas nous indigne. L’occupation [israélienne] est une réalité permanente. Nous en vivons la violence au quotidien. Notre situation sociale et économique demeure précaire. Toutes les conditions sont réunies pour que naisse une mobilisation à grande échelle ».

    Quand l’Autorité veut museler la contestation

    Les jeunes sont « les premières victimes de la lutte contre l’occupation en termes de morts, de blessés, d’arrestations et de détentions », montre une récente étude (2), et, sur les 95 Palestiniens tués par l’armée israélienne ou les colons en 2017, une cinquantaine avaient moins de 25 ans (3). Mais ils sont aussi touchés de plein fouet par les difficultés que connaît l’économie, avec un taux de chômage estimé à 27 % (18 % en Cisjordanie, 42 % à Gaza), soit l’un des « plus élevés du monde », « d’une ampleur rarement atteinte (…) depuis la Grande Dépression », selon les Nations unies (4). Environ un tiers des 15-29 ans sont sans emploi en Cisjordanie (56 % à Gaza), et cette proportion augmente à près de la moitié pour les femmes, qui constituent la majorité des jeunes diplômés. À l’échelle nationale, seuls 40 % des jeunes Palestiniens sont intégrés au marché du travail. Si le taux de scolarisation universitaire est l’un des plus importants du monde arabe (44 % selon l’Unesco), les étudiants n’ont que très peu de débouchés professionnels une fois leur diplôme en poche. Un très grand nombre d’entre eux doivent se tourner vers le marché informel, où ils perçoivent bien souvent une rémunération inférieure au salaire minimum établi par l’Autorité palestinienne (2,40 dollars l’heure, soit 2 euros) et ne disposent d’aucune couverture sociale.

    Houda A., 20 ans, étudie le journalisme à l’université de Bethléem, un écrin de verdure perché sur les hauteurs d’une ville encombrée où affluent les cars de touristes venant d’Israël pour une brève visite de l’église de la Nativité. Cet établissement catholique accueille 3 500 étudiants, dont trois quarts sont de confession musulmane et environ 80 % de sexe féminin. Originaire de Jérusalem-Est, où les établissements supérieurs palestiniens sont interdits par Israël, Houda met trois heures chaque jour pour effectuer le trajet aller-retour entre l’université et la Ville sainte, pourtant distante de six kilomètres, en raison des barrages israéliens. Elle décrit une situation qui ne cesse de se détériorer : « L’occupation pèse sur nos vies d’étudiants. C’est elle qui dicte nos choix, comme celui de l’université où nous souhaitons étudier. Si on habite Jérusalem, on y réfléchira à deux fois avant de s’inscrire à Birzeit ou à Naplouse, ne serait-ce qu’en raison des restrictions à la liberté de mouvement imposées par Israël (5). Mais l’université demeure un cocon qui ne nous forme pas sur le plan politique pour faire face à cette situation. Pour nos aînés, y entrer signifiait choisir un parti et s’engager dans le militantisme. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. » De nombreux étudiants et enseignants rencontrés déplorent que ni le Fatah ni le Hamas n’aient un projet politique susceptible de mobiliser la jeunesse et de favoriser l’émergence d’élites capables de prendre le relais à la tête d’un mouvement national essoufflé.

    Ce reproche, nous l’entendrons à plusieurs reprises. À l’université de Bethléem, par exemple, où assister à une matinée d’activités libres permet de prendre la mesure de l’ambiguïté de la situation. D’un côté, dans une cour ombragée, près de deux cents étudiants joviaux et bruyants participent à un jeu de questions-réponses scandées au son de chansons occidentales ou de pop libanaise. De l’autre, dans un amphithéâtre clairsemé à l’ambiance studieuse, une trentaine de personnes suivent un débat à propos de la loi controversée sur la criminalité électronique, adoptée par l’Autorité palestinienne en juin 2017. Destiné officiellement à réglementer l’usage d’Internet et des réseaux sociaux, ce texte permet d’emprisonner tout citoyen dont les écrits portent atteinte « à l’intégrité de l’État, à l’ordre public ainsi qu’à la sécurité intérieure ou extérieure du pays », ou menacent « l’unité nationale et la paix sociale » (6). Jugée contraire aux droits fondamentaux par une large partie de la société civile, cette loi vise à faire taire et à punir les journalistes contempteurs du régime, les opposants, mais aussi les militants et les jeunes, très actifs sur les réseaux sociaux, où les critiques contre le pouvoir pleuvent. En témoigne l’interpellation par les services de sécurité palestiniens, en septembre dernier, de M. Issa Amro, responsable de La Jeunesse contre les colonies, un mouvement établi à Hébron (Al-Khalil), qui avait dénoncé sur Facebook l’arrestation d’un journaliste ayant appelé à la démission de M. Abbas. M. Amro avait déjà été arrêté par l’armée israélienne en février 2016, après avoir organisé une manifestation pacifique contre la colonisation (7).

    Nabd, mouvement contre l’occupation et la colonisation

    Yassir D., 23 ans, inscrit en cursus de journalisme, est l’un des initiateurs de ce débat. Il ne s’étonne ni du manque d’intérêt des étudiants pour un sujet qui les concerne pourtant au premier chef ni de l’absence de mobilisation populaire contre ce texte. « Nos parents sont incités par le gouvernement à s’endetter pour consommer (8) et hésitent de ce fait à contester l’ordre établi. Quant aux jeunes, leurs conditions de vie sont telles qu’ils veulent aussi s’amuser.. Alors, on leur offre l’illusion qu’ils peuvent le faire comme n’importe où ailleurs. Cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas de conscience politique ; c’est juste qu’ils ne se reconnaissent dans aucune des forces existantes. » Selon une étude de référence, 73 % des Palestiniens de 15 à 29 ans affirment n’être affiliés à aucun parti et expriment une grande méfiance à l’égard des institutions (9).

    Manal J., 22 ans, étudiante en sciences de la communication, a suivi tout le débat. Elle applaudit l’écrivain et chroniqueur Hamdi Faraj quand il dénonce une « loi liberticide visant à réduire au silence les voix dissidentes » et ne cache pas son agacement lorsqu’un avocat proche du pouvoir affirme que « la situation difficile [des Palestiniens] exige de la retenue et un sens des responsabilités, une liberté totale d’expression n’étant ni possible ni souhaitable ». Se sent-elle prête pour autant à s’engager sur le plan politique ? Elle livre une réponse gênée : « Je suis décidée à le faire, mais ce n’est pas simple. Il y a une règle que tous les jeunes connaissent : faire de la politique, c’est, tôt ou tard, aller en prison, qu’elle soit israélienne ou palestinienne. Pour une femme, cela peut avoir des effets dramatiques. Au-delà des conséquences physiques et morales de l’incarcération, on risque de ne jamais pouvoir trouver de mari, car notre société reste très conservatrice, et toutes sortes de rumeurs peuvent nuire à la réputation d’une femme qui a fait de la prison. » Toutes ces femmes arrêtées ne bénéficient pas de la même attention médiatique internationale qu’Ahed Tamimi, 16 ans, emprisonnée en décembre dernier pour avoir bousculé deux soldats israéliens. Depuis 1967, près de 800 000 Palestiniens des territoires occupés ont été incarcérés par les Israéliens, soit deux hommes adultes sur cinq — souvent sous le régime de la détention administrative, sans inculpation ni procès. Sur ce total, on compte quinze mille femmes.

    Proche de l’extrême gauche, Wissam J., 26 ans, en faculté de sociologie à Birzeit, a connu lui aussi la prison, au même titre que de nombreux étudiants de l’université, considérée comme l’un des creusets du militantisme en Palestine (près d’une soixantaine d’entre eux sont actuellement détenus par Israël, et environ huit cents ont été arrêtés par l’armée depuis une dizaine d’années). Il a été libéré en 2015, après avoir passé trois ans dans les geôles israéliennes — ce qui lui vaut autant de retard dans ses études. Pour quel motif a-t-il été emprisonné ? « J’ai été arrêté et condamné pour “militantisme” », nous répond-il avec un sourire pudique, sans entrer dans les détails. Comme ses camarades de bancs Rami et Youssef, Wissam milite au sein de Nabd (« battement » en arabe), un mouvement de jeunes en lutte contre l’occupation et la colonisation israéliennes, « mais aussi contre l’Autorité, la division politique interpalestinienne et la “normalisation” avec Tel-Aviv promue par certaines ONG [organisations non gouvernementales] et par des pontes du régime », assène Youssef. Né à Ramallah en 2011, dans le sillage du mouvement de contestation populaire lancé par le Collectif du 15 mars pour appeler à l’unité nationale face à Israël, Nabd se veut « indépendant des grands partis », nous explique-t-il, avant d’ajouter : « Mais nous n’agissons pas contre eux, même si nous nous situons en dehors du cadre politique traditionnel, qui a montré ses limites. »

    Marqué « à gauche », comme nous le confie Rami, le mouvement, dont certains membres sont également issus du courant islamiste, a essaimé dans plusieurs villes de Cisjordanie et tente de tisser des liens avec les jeunes de Gaza. Il met aussi l’accent sur l’éducation populaire et œuvre à la « réappropriation de l’identité, de l’histoire et de la mémoire collective palestiniennes, menacées par l’atomisation de la société que favorise la politique néolibérale de l’Autorité, sous l’influence de la Banque mondiale et des Occidentaux ». Les militants de Nabd entendent par ailleurs lutter contre la fragmentation du territoire et éviter que la séparation entre les grandes villes de Cisjordanie — sans oublier l’isolement de Gaza — n’ancre définitivement l’image d’un « archipel de cités autonomes » dans l’imaginaire palestinien. « Nous proposons également des activités culturelles et artistiques. Par exemple, une troupe de théâtre itinérante se produit dans les camps de réfugiés, pour redonner vie à la culture populaire du pays », ajoute Wissam.

    Offrir un horizon collectif à la « génération d’Oslo »

    « Ces militants veulent faire de la politique “autrement”, analyse Sbeih Sbeih, sociologue palestinien et chercheur à l’université Aix-Marseille, qui suit de près l’évolution de ce mouvement. Au discours de nos dirigeants sur le “développement de l’économie”, la “construction étatique” et la “paix”, ils opposent un modèle de résistance — contre Israël, mais aussi sur le plan économique, politique, éducatif et culturel — au nom d’un objectif suprême, la libération de toute la Palestine. C’est la raison pour laquelle ils sont à la fois dans le viseur des autorités israéliennes et dans celui des services de sécurité de l’Autorité, comme tous ceux qui remettent en question l’ordre établi. » Les Israéliens ne s’y sont pas trompés : l’un des fondateurs de Nabd, arrêté l’année dernière, est toujours sous les verrous, avec le statut de « détenu administratif ». Bassel Al-Araj, proche du mouvement, a quant à lui été abattu par l’armée israélienne à Al-Bireh (Ramallah) le 6 mars 2017, au terme d’une longue traque. Ce pharmacien de 33 ans originaire d’Al-Walajah (Bethléem), très présent sur le terrain de la contestation, mais aussi dans les ateliers d’éducation populaire, avait été relâché peu de temps auparavant par les forces de sécurité palestiniennes, qui l’avaient accusé en avril 2016 de « préparation d’une action terroriste », puis incarcéré pendant six mois. Pour beaucoup, sa mort est le fruit de la coordination sécuritaire entre les services de renseignement palestiniens et leurs homologues israéliens, très décriée par la population des territoires (10).

    Nabd est loin d’être la seule organisation de jeunes active en Palestine. Sans compter les affiliations à des associations classiques (sport, culture, solidarité...), près de 40 % des 15-29 ans font partie d’un mouvement semblable, et ces dernières années ont vu apparaître de nombreux collectifs, comités et associations dont le maître-mot est « l’unité du peuple palestinien », comme Gaza Youth Breaks Out (GYBO) ou Jabal Al-Mukabir Local Youth Initiative. Créé en 2010 par des blogueurs gazaouis, le premier dénonce en même temps l’occupation israélienne, la corruption des responsables politiques et l’incurie des principaux partis. Le second, installé à Jérusalem-Est, s’est illustré en organisant, le 16 mars 2014, une chaîne humaine autour des remparts de la Ville sainte pour protester contre la colonisation juive et réaffirmer l’identité palestinienne. « Notre génération veut innover. Elle entend repenser le discours politique traditionnel et cela explique le foisonnement d’initiatives qui mélangent culture, social, engagement politique et arts », analyse Karim Kattan, chercheur et écrivain originaire de Bethléem. Membre du projet El-Atlal (« les ruines »), qui invite de jeunes artistes, chercheurs et écrivains, palestiniens ou étrangers, à travailler en résidence à Jéricho, il est persuadé que le recours à la création « fait partie des nouveaux modes de mobilisation ». Cela permet aussi, selon lui, de repenser les liens de solidarité entre Occidentaux et Palestiniens. « Le temps des ONG qui viennent passer trois mois chez nous et qui repartent avec le sentiment du devoir accompli est révolu. Les étrangers — notamment les Français — ne doivent plus venir “s’occuper” de nous, mais travailler avec nous. Et apprendre de nous comme nous apprenons d’eux.. »

    Mais quel est le rayonnement de ces mouvements, leur poids dans la société ? D’après Abaher El-Sakka, professeur de sociologie à Birzeit, « il ne faut pas surestimer leur influence, relativement limitée étant donné l’espace restreint dans lequel ils peuvent agir, les blocages liés aux structures du pouvoir et, bien sûr, la répression israélienne. Mais des mouvements comme Nabd peuvent créer une dynamique et préparer le terrain, à terme, à d’importants changements sur le plan sociopolitique. Ce qui est sûr, c’est qu’ils offrent une solution en matière d’engagement collectif aux jeunes Palestiniens, en proie au désenchantement devant l’absence de perspectives et l’impossibilité de jouer un rôle décisionnel dans la société.. Beaucoup de ces jeunes, se sentant laissés pour compte, rejettent tous les partis en bloc et se replient sur eux-mêmes, avec le risque que certains se tournent vers l’action violente ». Ce fut le cas, notamment, lors du soulèvement de 2015-2016, qui a vu se multiplier les attaques isolées, souvent avec un simple couteau, contre les soldats israéliens et les colons dans les territoires occupés. Ces attaques ont été essentiellement le fait de jeunes de moins de 25 ans, indépendants des partis et sans revendication (11). Elles ont entraîné une répression féroce, avec 174 Palestiniens tués entre octobre 2015 et février 2016.

    Ces actes désespérés, beaucoup de nos interlocuteurs disent les comprendre et refusent de les condamner. Anissa D., 25 ans, vit dans le camp de réfugiés de Jénine, où 70 % des treize mille habitants sont au chômage. Enfant, elle a connu l’offensive israélienne d’avril 2002 contre le camp, qui fit officiellement cinquante-deux morts parmi les Palestiniens (au moins deux cents selon les habitants). Sans qualification, elle travaille comme femme de ménage dans un complexe hôtelier du nord de la ville dont la clientèle est essentiellement composée de Palestiniens d’Israël. Elle avoue penser souvent à recourir à la violence. « Je me raisonne, parce que je sais que les Israéliens puniront toute ma famille et que chacune de nos révoltes a été payée au prix fort. Mais je ne supporte pas le sort de mon peuple. Je ne peux pas me résigner. J’admire ceux qui ont donné leur vie pour notre cause. » Pour Houda, l’étudiante en journalisme à Bethléem, « les attaques individuelles menées contre les soldats aux barrages sont un moyen comme un autre de résister à l’occupation, d’opposer la force à la violence exercée par Israël ». Youssef, de Birzeit, estime de son côté que « ces actions extrêmes sont le fruit d’une immense frustration face à la perpétuation de la colonisation, aux vexations subies quotidiennement aux postes de contrôle et à un horizon complètement bouché ». Un point de vue qu’exprimera devant nous, de manière plus abrupte, Mohsen B., un commis d’une vingtaine d’années employé dans une épicerie de la vieille ville de Naplouse : « Depuis que je suis né, les Israéliens ne m’ont autorisé qu’une seule fois à me rendre à Jérusalem, et je me sens comme asphyxié ici, enfermé dans mon propre pays. Je n’ai pas d’économies, pas de femme, et je n’ai pas fait d’études supérieures. Je me suis sacrifié pour la patrie en restant ici, mais maintenant je ne souhaite qu’une chose : partir à l’étranger. C’est ça ou me jeter sur un soldat à un barrage... » Comme la majorité de nos interlocuteurs, Mohsen n’éprouve aucune sympathie pour des mouvements armés, tels qu’Al-Qaida ou l’Organisation de l’État islamique (OEI).

    à Hébron, murs de béton et portiques de détection

    Pour Majdi A., 28 ans, une figure du camp de réfugiés de Dheisheh, à Bethléem, l’exil n’est pas une option. Ce camp, l’un des plus importants de Cisjordanie, où vivent quinze mille personnes, permet de prendre toute la mesure du désœuvrement de la jeunesse. « Dheisheh est dans le collimateur de l’armée israélienne, qui l’envahit très souvent, comme la plupart des camps de réfugiés, nous explique Majdi. La majorité des personnes arrêtées sont des jeunes, accusés d’appeler à la violence sur Facebook ou de lancer des pierres contre les soldats. Plus d’une centaine ont été blessés dans des heurts au cours des six derniers mois. On compte par ailleurs deux morts de 21 et 18 ans [en 2017], et environ quatre-vingts gamins handicapés, sciemment visés aux jambes. » Lorsque nous l’interrogeons sur les menaces pesant sur les jeunes qui s’opposent à l’occupation ou à la politique de l’Autorité, il nous répond sans détour : « Nous ne pouvons pas protester ni avoir d’activités politiques autres que celles qui sont contrôlées par le pouvoir ; nous subissons des pressions de part et d’autre. La seule solution, c’est de s’engager pacifiquement. Moi, par exemple, j’ai choisi de rester ici, de ne pas partir à l’étranger et d’œuvrer en faveur de la communauté au travers d’actions sociales et culturelles. Je resterai ici pour défendre nos droits, même si je dois y laisser ma vie. »

    Si demeurer en Palestine est un acte de résistance relevant du soumoud (« ténacité » en arabe), y revenir l’est tout autant. C’est l’avis de Maher L., 26 ans, commerçant dans la vieille ville d’Hébron, à quelques encablures du caveau des Patriarches (ou mosquée Ibrahim). La population palestinienne du centre historique a diminué de moitié depuis vingt ans. Les six mille habitants qui restent sont soumis à la pression permanente de huit cents colons particulièrement agressifs et de quelque trois mille soldats. Murs de béton, points de contrôle, tourniquets pour filtrer les passages, caméras de surveillance et portiques de détection de métaux installés par l’armée israélienne, filets grillagés placés par les commerçants pour protéger les rares boutiques encore ouvertes des objets et des immondices lancés des étages par les colons, maisons palestiniennes dégradées par ces derniers : vivre ici est un enfer. Le visage marqué, Maher le reconnaît, mais dit ne plus vouloir quitter son pays après être parti à l’étranger pendant trois ans. « Je me suis exilé en Allemagne, mais l’appel de ma terre natale a été plus fort. Je pourrais repartir. Les colons et les organisations qui les soutiennent nous incitent à le faire ; certains offrent même un pécule. Ce serait une aubaine : mon commerce est moribond, car rares sont les téméraires qui prennent le risque de venir faire leurs courses chez nous. Mais je ne vendrai jamais et je resterai ici, quoi qu’il advienne. J’attends. Le temps n’est pas notre ennemi. »

    Akram Belkaïd & Olivier Pironet

    (1) Tous les noms de nos interlocuteurs ont été modifiés, à l’exception de ceux des deux sociologues et de l’écrivain.

    (2) « Palestinian Youth » (PDF), Palestinian Academic Society for the Study of International Affairs (Passia), Jérusalem, avril 2017.

    (3) Cf. « Deaths in 2017 », Israel-Palestine Timeline.

    (4) « Rapport sur l’assistance de la Cnuced au peuple palestinien. Évolution de l’économie du territoire palestinien occupé » (PDF), Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), Genève, 10 juillet 2017.

    (5) Sur les atteintes à la liberté de mouvement des Palestiniens en Cisjordanie, cf. la carte-affiche insérée dans « Palestine. Un peuple, une colonisation », Manière de voir, n° 157, février-mars 2018 (en kiosques).

    (6) Presidential Decree N° 16 of 2017 Regarding Cybercrime, articles 20 et 51, Ramallah, 24 juin 2017. Le Parlement israélien a de son côté adopté en première lecture, début 2017, une loi permettant d’obliger Facebook à supprimer tout texte incitant à la « violence » ou au « terrorisme ».

    (7) Cf. « Farid Al-Atrash et Issa Amro », La Chronique d’Amnesty, Paris, novembre 2017.

    (8) M. Salam Fayyad, premier ministre de l’Autorité palestinienne de 2007 à 2013, a mis en place en 2008 des mesures facilitant les prêts à la consommation. On estime par exemple que deux tiers des foyers de Ramallah sont endettés. Cf. « Palestinian workers campaign for social justice », Middle East Report, Richmond (Virginie), vol. 46, n° 281, hiver 2016.

    (9) « The status of youth in Palestine 2013 », Sharek Youth Forum, Ramallah, 2013.

    (10) Cf. Shatha Hammad et Zena Tahhan, « “Basil Al-Araj was a beacon for palestinian youth” », Al-Jazira, 7 mars 2017. Sur la coopération sécuritaire israélo-palestinienne, lire « En Cisjordanie, le spectre de l’Intifada », Le Monde diplomatique, octobre 2014.

    (11) Cf. Sylvain Cypel, « Pourquoi l’“Intifada des couteaux” continue », Orient XXI, 24 février 2016.

    #Palestine

  • A rebours des Etats-Unis, les diplomates européens soulignent la dégradation de la situation à Jérusalem
    http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2018/01/31/a-rebours-des-etats-unis-les-diplomates-europeens-soulignent-la-degradation-

    Dans un rapport dont « Le Monde » a eu connaissance, les chefs de mission de l’UE insistent sur la vocation de la ville à devenir la capitale de deux Etats et préconisent des mesures plus sévères contre la colonisation et les violations des droits des Palestiniens.
    […]
    Ce document riche, précis, souvent cru, explore tous les volets de la vie quotidienne : transports, constructions, études, économie, violences, etc. Il dresse un tableau terrible de la « politique israélienne déjà ancienne de marginalisation économique, politique et sociale des Palestiniens à Jérusalem ». Cette dévitalisation se traduit en chiffres. La contribution de Jérusalem-Est au PIB palestinien est tombée de 15 % en 1993, avant la signature des accords d’Oslo, à 7 % aujourd’hui. « En raison de l’isolement physique et de la politique israélienne stricte de permis, la ville a largement cessé d’être le centre économique, urbain et commercial palestinien qu’il avait été », note-t-on.

    Et que fera l’UE et les gouvernements des 28 membres ? Rien, comme d’habitude ?

    #paywall

    • L’administration Trump a rompu avec le consensus international sur le conflit israélo-palestinien, fondé sur le droit et les résolutions de l’ONU, mais l’Union européenne veut continuer à en demeurer la solide gardienne. Telle est la ligne directrice défendue par les chefs de mission locaux de l’UE, dans un rapport annuel consacré à Jérusalem. Ce document confidentiel devait être présenté jeudi 1er février à Bruxelles aux Etats membres de l’UE. Selon sa dernière version, dont Le Monde a eu connaissance, il durcit le ton vis-à-vis des Israéliens, en dessinant des idées d’action, alors que les Vingt-Huit sont très divisés sur le degré de fermeté à adopter vis-à-vis de l’Etat hébreu.

      Ce document riche, précis, souvent cru, explore tous les volets de la vie quotidienne : transports, constructions, études, économie, violences, etc. Il dresse un tableau terrible de la « politique israélienne déjà ancienne de marginalisation économique, politique et sociale des Palestiniens à Jérusalem ». Cette dévitalisation se traduit en chiffres. La contribution de Jérusalem-Est au PIB palestinien est tombée de 15 % en 1993, avant la signature des accords d’Oslo, à 7 % aujourd’hui. « En raison de l’isolement physique et de la politique israélienne stricte de permis, la ville a largement cessé d’être le centre économique, urbain et commercial palestinien qu’il avait été », note-t-on.

      Jérusalem, capitale des deux Etats

      La décision de Donald Trump de reconnaître la ville comme capitale d’Israël, le 6 décembre 2017, représente un « tournant fondamental dans la politique américaine », dit le rapport. La nouveauté de ce rapport se situe dans la diversité des recommandations politiques adressées aux Etats membres de l’UE, qui se lisent en creux comme une réponse à la complaisance sans précédent de Washington à l’égard d’Israël. Toute initiative régionale ou internationale, précise le document, devra inclure l’objectif d’une définition de Jérusalem comme capitale des deux Etats. Dans cette perspective, les chefs de mission suggèrent, au nom du respect du « consensus international sur Jérusalem », de s’assurer que l’emplacement des représentations diplomatiques demeure inchangé. Les Etats-Unis, eux, prévoient de déménager leur ambassade, actuellement à Tel-Aviv, d’ici à la fin 2019.

      Le rapport préconise aussi, pour défendre l’identité plurielle de la ville, de s’élever contre les projets touristiques et archéologiques israéliens à Jérusalem-Est, lors des forums internationaux et dans les réunions bilatérales. De même, il faudrait apporter un soutien aux « défenseurs des droits de l’homme à Jérusalem-Est », pour mieux les protéger. Le texte note que, depuis les années 2000, Israël maintient « une répression constante sur l’organisation d’une vie politique palestinienne à Jérusalem-Est ». Concernant la police israélienne, le rapport souligne « l’usage excessif de la force », notamment de tirs à balles réelles, lors des manifestations. « En outre, certains auteurs palestiniens d’attaques individuelles ont été apparemment visés et tués dans des situations où ils ne représentaient plus une menace », mentionne le rapport.

      Concernant les colonies, là aussi, de plus grandes vigilance et sévérité sont réclamées, tandis que les plans pour 3 000 nouveaux logements ont été avancés en 2017. Aujourd’hui, 217 000 juifs israéliens vivent à Jérusalem-Est, dans onze vastes communautés menaçant la continuité territoriale avec la Cisjordanie. Les auteurs aimeraient que l’UE parvienne à établir « un mécanisme plus efficace (…) pour s’assurer que les produits des colonies ne bénéficient pas de traitement préférentiel dans le cadre de l’accord d’association UE-Israël ». L’étiquetage des produits israéliens fabriqués dans les colonies a été décidé par l’Union européenne fin 2015, suscitant une réaction outrée d’Israël. Chaque Etat membre devait ensuite appliquer cette mesure.

      Sanctions contre les « colons violents »

      Dans cette logique, les auteurs du rapport préconisent aussi l’établissement de directives pour mieux distinguer le territoire israélien des territoires occupés depuis 1967. Et cela en incitant d’autres puissances étrangères à faire de même, un point qui risque d’exaspérer l’Etat hébreu. Quant aux « colons violents » et ceux qui font l’apologie de la violence, les Etats membres de l’UE devraient envisager des sanctions ciblées en matière d’entrées sur le continent.

      Enfin, l’UE devrait s’opposer à toutes les initiatives législatives à la Knesset (Parlement) qui changeraient de façon unilatérale les frontières de la ville. Le rapport fait ainsi référence à plusieurs projets de loi, qui envisagent de détacher certains quartiers palestiniens de Jérusalem, situés au-delà du mur de séparation, ou bien d’intégrer dans la municipalité des colonies limitrophes.

      Les Palestiniens représentent 37 % de la population totale, soit 316 000 personnes. Si ces projets étaient menés à terme, cette part tomberait à 20 %. Entre 1967 et 2016, poursuit le rapport, Israël a conduit à Jérusalem une « politique de “déportation silencieuse” », en révoquant les permis de 14 595 résidents palestiniens, en violation de ses obligations comme puissance occupante, telles que définies par les conventions de Genève. Le texte rappelle que cet outil administratif de la révocation s’inscrit dans le plan de développement de la mairie, qui vise à préserver « une majorité juive substantielle » à Jérusalem.

      Les chefs de mission soulignent enfin l’importance de la crise suscitée, en juillet 2017, par l’installation de portiques électroniques – retirés depuis – à l’entrée de l’esplanade des Mosquées (mont du Temple pour les juifs). Les croyants musulmans avaient boycotté le lieu saint et organisé des prières de rue. Le rapport note la « mobilisation sans précédent des Palestiniens », caractérisée par « l’unité, la non-violence et un fort sens de la solidarité », et cela en dehors de tout mot d’ordre institutionnel et de toute faction politique.

  • Netanyahu : Previously unimaginable Israeli-Arab alliances now growing
    https://www.cnbc.com/2018/01/25/netanyahu-previously-unimaginable-israeli-arab-alliances-now-growing.html

    Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu admitted to creating stronger strategic alliances with Arab countries in the wake of an emboldened Iran, calling it “an extraordinary thing” that he has not seen in his country’s entire history.

    “There is an alliance between Israel and other countries in the Middle East that would have been unimaginable years ago. I’ve never seen anything like it in my lifetime,” he said Thursday on panel at the World Economic Forum in Davos, Switzerland.

    En français dans le texte :
    https://www.algeriepatriotique.com/2018/01/27/benyamin-netanyahou-beaucoup-de-pays-arabes-se-rapprochent-disra
    Le Premier ministre israélien a confirmé, lors du Forum de Davos qui se tient en Suisse, que « beaucoup de pays arabes » ont changé de cap et commencent à lâcher la cause palestinienne. « Ce qui était impensable il y a dix ans est en train de se réaliser », a confié Benyamin Netanyahou, qui n’a pas cité ces pays. « L’extrémisme islamiste et l’Iran, notre ennemi commun, a encouragé ces Etats à nouer des alliances stratégiques avec Israël », a-t-il révélé, notant que « Tel-Aviv commence à entrevoir des prémices de changement dans les positions de certains peuples arabes envers Israël ».

    #grand_jeu

    • c’est la politique de Nétanyahou, de Trump de forger une alliance anti-iranienne avec les pays arabes « modérés ». C’était la politique de Reagan dans les années 1980 de forger une alliance avec les pays arabes « modérés » contre l’URSS ; elle s’était heurté à la question palestinienne. Est-il possible aujourd’hui aux dirigeants saoudiens ou autres de forger une alliance ouverte avec Israël, alors que la question de Jérusalem reste posée ?

  • Le neveu du Premier ministre Edouard Philippe aurait été poignardé en Israël —
    RT en français – 9 janv. 2018
    https://francais.rt.com/france/47126-neveu-premier-ministre-edouard-philippe-aurait-ete-poignarde-isra

    Les trois touristes auraient été agressés le 3 janvier dernier par « trois Israéliens » selon la télévision israélienne i24 News. Le consul de France à Tel-Aviv a été « dépêché sur place de toute urgence », selon Yediot Aharonot. Deux d’entre eux auraient été légèrement blessés. Le troisième plus grièvement – on ignore cependant s’il s’agit du neveu du Premier ministre français.

    Selon le Times of Israel, les trois Français auraient été retrouvés « gisant sur la promenade » du bord de mer avant d’être hospitalisés à l’hôpital Yosseftal d’Eilat. Ils auraient rejoint la France deux jours plus tard grâce à l’aide du consul de France qui les aurait « assisté dans leurs démarches », toujours selon i24 News.

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    Le neveu d’Edouard Philippe parmi les touristes français poignardés à Eilat
    Par Sue Surkes Aujourd’hui, 11:30
    https://fr.timesofisrael.com/le-neveu-dedouard-philippe-parmi-les-touristes-francais-poignardes

    Les vacanciers ont été retrouvés gisant sur le sol après qu’un gang les aurait provoqués puis attaqués avant de prendre la fuite

  • Le Guatemala, très encombrant allié d’Israël
    Par René Backmann

    Médiapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/291217/le-guatemala-tres-encombrant-allie-d-israel

    L’amitié historique qui expliquerait la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par le Guatemala cache une relation moins avouable : les armes fournies par Israël et les conseillers israéliens ont joué un rôle majeur dans les opérations antiguérilla des dictateurs guatémaltèques qui ont coûté la vie, dans les années 1980, à près de 200 000 membres des communautés autochtones.

    Pourquoi le Guatemala a-t-il été le seul pays – à ce jour – à imiter les États-Unis en reconnaissant Jérusalem comme capitale d’Israël et en annonçant le prochain transfert de son ambassade de Tel-Aviv à la Ville sainte ? Selon le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, cette décision est intervenue à la suite d’une conversation avec son « ami », le nouveau président guatémaltèque, Jimmy Morales, ancien comique de télévision, élu chef de l’État en 2015 sur un programme d’extrême droite qui interdit l’avortement et défend la peine de mort.

    Au cours de cet échange, le chef du gouvernement israélien aurait remercié son « ami » pour son vote favorable à Israël, le 21 décembre dernier, à l’Assemblée générale des Nations unies. Un vote sans surprise compte tenu des relations amicales nouées entre les deux pays depuis près de 70 ans. L’État d’Israël n’existait pas encore lorsque le Guatemala manifesta pour la première fois, en 1947, son soutien à ses créateurs. Leurs successeurs ne l’ont pas oublié.

    Ambassadeur du Guatemala aux Nations unies, Jorge Garcia Granados appartenait alors à la commission ad hoc créée par l’ONU pour régler la question de la Palestine. Il y déploya un zèle remarqué, notamment auprès des délégations latino-américaines, en faveur du partage de la Palestine mandataire et de la création d’un État pour le peuple juif. Après l’adoption du plan de partage et la naissance d’Israël, il fut d’ailleurs, en 1954, le premier ambassadeur du Guatemala dans le nouvel État juif.

  • C’est à Nabi Saleh que j’ai abandonné le sionisme
    Lisa Goldman | Publié le 24/12/2017 sur +972 | Traduction : Jean-Marie Flémal
    http://www.pourlapalestine.be/cest-a-nabi-saleh-que-jai-abandonne-le-sionisme

    (...) J’ai vu des soldats attraper des enfants qui pleuraient et les traîner vers des véhicules militaires tout en repoussant violemment leurs mères qui hurlaient.

    J’ai vu des soldats attraper une jeune femme par les bras et la traîner comme un sac de patates sur plusieurs mètres le long d’une route à l’asphalte si chaud qu’il faisait fondre les semelles en caoutchouc de mes chaussures de jogging, avant de la jeter dans un véhicule militaire qui a démarré aussitôt.

    J’ai eu les chevilles meurtries à en devenir noires quand un agent de la sécurité m’a regardé droit dans les yeux et m’a balancé une grenade assourdissante dans les jambes.

    Régulièrement, les snipers de l’armée israélienne tirent aussi bien à balles réelles qu’à balles enrobées de caoutchouc sur les manifestants sans armes de Nabi Saleh. Ils font irruption dans les maisons et en sortent les habitants pour les arrêter ensuite sous le prétexte qu’ils ont permis aux manifestants de se cacher dans leur jardin.

    Et, quand je rentre à Tel-Aviv, mes amis m’affirment que je ne puis avoir vu ce que j’ai vu, puisque « nos soldats » ne se conduisent pas de la sorte. Il m’a fallu sans tarder prendre mes distances vis-à-vis de ces amis, afin de garder mes émotions sous contrôle.(...)

  • Boycott d’Israël : la chanteuse néo-zélandaise Lorde annule un concert en juin à Tel-Aviv
    Belga Publié le lundi 25 décembre 2017
    http://www.lalibre.be/actu/international/boycott-d-israel-la-chanteuse-neo-zelandaise-lorde-annule-un-concert-en-juin

    La jeune chanteuse néo-zélandaise Lorde a indiqué avoir décidé d’annuler un concert à Tel-Aviv après avoir reçu des appels en ce sens de la part des partisans d’un boycott d’Israël. L’artiste pop de 21 ans avait annoncé la semaine passée qu’elle ferait étape dans la capitale culturelle et économique d’Israël en juin, dans le cadre d’une tournée.

    Mais elle s’est retrouvée confrontée aux critiques de militants néo-zélandais et internationaux favorables au boycott d’Israël pour obtenir la fin de l’occupation des Territoires palestiniens. Elle a finalement annoncé rayer Tel-Aviv de son agenda.

    « J’ai reçu un nombre énorme de messages et de lettres, et j’ai beaucoup discuté avec plein de gens aux opinions différentes, et je crois que la bonne décision à ce stade, c’est d’annuler le show », a-t-elle écrit dans un communiqué publié par Naranjah, les promoteurs israéliens du spectacle.

    « Je suis trop fière pour admettre que je me suis trompée », a-t-elle ajouté. « Je suis vraiment désolée d’être revenue sur mon engagement envers vous. J’espère qu’un jour, nous pourrons tous danser », a-t-elle dit à ses fans.(...)

    #BDS