• Le numéro 33-34 de la revue #Nunatak (version italophone)


    Sommaire :

    La revue est disponible en ligne :
    https://nunatak.noblogs.org/files/2020/05/n.33.34.inv_.prim2014.interni.pdf

    Je mettrai ci-dessous des mots-clés et citations des articles...

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    métaliste des numéros recensés sur seenthis :
    https://seenthis.net/messages/969908

  • Londres tente de survivre au coût de la vie Marco Fortier à Londres - Le Devoir
    https://www.ledevoir.com/monde/europe/671619/le-devoir-au-royaume-uni-londres-tente-de-survivre-au-cout-de-la-vie

    La banque alimentaire la plus improbable de Londres se trouve à deux pas de la City, le cœur financier de la ville. Il faut chercher longtemps pour repérer l’organisme Food For All (Nourriture pour tous), niché dans le stationnement souterrain d’un immeuble anonyme, dans une petite rue sans issue.

    En descendant la rampe conçue pour les camions de livraison, on arrive dans un entrepôt humide, faiblement éclairé par des guirlandes lumineuses, où semble régner un chaos indescriptible. Une immense sculpture de quatre mètres, figurant un humain à tête de lion, ornée de paillettes et de lumières colorées, accueille les visiteurs.


    Photo : Frank Augstein Associated Press Les pauvres et les gens de la classe moyenne n’ont plus les moyens de vivre à Londres, à moins d’avoir la chance rarissime de mettre la main sur un logement social.

    Les apparences sont toutefois trompeuses. On entre ici dans une véritable machine à distribuer des repas, qui nourrit 2000 personnes par jour dans 40 points de distribution. « La demande augmente sans cesse. L’explosion du coût de la vie est la plus grande urgence en ce moment », dit Peter O’Grady, fondateur de cette œuvre de bienfaisance hors norme.

    Ce « vieux punk » de 58 ans, adepte de Hare Krishna, nous accueille dans son antre où s’active une dizaine de bénévoles en ce samedi midi de février. La chaleur humaine et les odeurs d’épices indiennes compensent l’aspect austère de l’endroit : on a l’impression d’entrer dans un lieu interdit, « souterrain », qui se trouve littéralement dans le sous-sol de Londres. « Pourquoi on est ici ? Parce que ça ne nous coûte pas trop cher de loyer, on a un bon deal », dit en souriant Peter O’Grady.

    Lui et son équipe tiennent à bout de bras cette soupe populaire depuis 1988. Il a commencé par nourrir une poignée de sans-abri en allant recueillir les dons des restaurants en fin de soirée. Au fil des ans, l’organisme de charité s’est affilié aux grandes banques alimentaires de Londres. Des dons d’entreprises et d’illustres mécènes comme Chrissie Hynde, chanteuse des Pretenders, ou Liam Payne, du groupe One Direction, complètent le tableau financier.

    Les « clients » de Food For All ont changé de visage depuis trois décennies. Ce ne sont plus nécessairement des itinérants, mais plutôt des travailleurs à petit salaire, des étudiants, des réfugiés, des mères de famille monoparentale, des retraités qui peinent à payer la facture d’électricité. Des gens de la classe moyenne, parfois.

    « Avant, les étudiants avaient les moyens de manger à leur faim, de payer le loyer et leur carte mensuelle de transport en commun. Plus maintenant. Pour beaucoup de monde, c’est eat or heat [la nourriture ou le chauffage]. J’ai même un ami de 58 ans qui est retourné vivre chez sa mère ! » lance Peter O’Grady.

    L’explosion du coût de la vie est une des plus grandes préoccupations des Britanniques. Davantage que la crise politique qui secoue le gouvernement de Boris Johnson, les risques de guerre en Ukraine, les listes d’attente dans les hôpitaux ou même la pandémie, qui ne fait plus les manchettes au Royaume-Uni.

    Se nourrir et se loger n’a jamais été aussi cher. La facture d’électricité et de gaz naturel risque d’augmenter de 54 % à compter du mois d’avril. Les économistes prévoient une inflation de 7 % dans les mois à venir, du jamais vu depuis des décennies. Les taux d’intérêt ont aussi commencé à augmenter, ce qui laissera encore moins d’argent dans les poches des travailleurs.

    Comme ailleurs dans le monde, les perturbations des chaînes de production et d’approvisionnement dues à la pandémie sont en bonne partie responsables de la crise, selon les économistes.

    « C’est terrible. Au Canada, vous avez des camionneurs qui manifestent contre les mesures sanitaires. Je crois qu’ici, on s’en va plutôt vers des émeutes pour dénoncer le coût de la vie », dit Ralph Urban, un retraité venu faire du bénévolat chez Food For All.

    Il s’apprête à monter à bord de la camionnette qui sillonne la ville pour distribuer les repas à des groupes communautaires. Avant de partir, Ralph Urban fait le plein de carburant : il savoure un cari végétarien cuisiné dans la mythique marmite géante de son ami Peter. Les bénévoles mangent gratuitement chez Food For All. Il ne faut pas le dire trop fort, mais des lits sont aussi offerts de façon informelle à ceux qui en ont besoin. Les entrailles de la caverne d’Ali Baba regorgent de ressources.

    Ce midi-là, une dizaine de jeunes sont venus éplucher des patates, couper des carottes, émincer des oignons, ranger des sacs de farine, faire une tournée de livraison à vélo, passer le balai ou laver la vaisselle en échange d’un bol de cari indien. Des étudiants, des travailleurs, qui composent avec les hauts et les bas de la vie dans une des villes les plus chères du monde.

    Certains clients et bénévoles ont besoin de services sociaux. Êtes-vous aussi travailleur social, Peter ? « Tout ce qu’on peut offrir, ce sont des mots de réconfort et quelques blagues », dit-il entre deux appels sur son vieux téléphone pas du tout intelligent.

    Survie 101
    Après avoir dit au revoir à Peter O’Grady et à ses amis, qui continuent de besogner dans leur repaire souterrain, on est ébloui par la lumière du jour. Les trottoirs de la City sont bondés de promeneurs qui profitent de cette journée de congé.

    Près de là, dans le quartier Clerkenwell en plein embourgeoisement, un jeune couple observe les maisons à vendre affichées dans la vitrine d’un courtier immobilier. Un loft à 1,5 million de livres sterling (2,5 millions de dollars canadiens). Un mini-logement de 750 pieds carrés à 1,4 million de dollars. Une maison en rangée de brique brune à 2,7 millions de dollars. De biens jolies résidences, mais on ne parle quand même pas du château de Windsor, où logent Sa Majesté la reine et sa suite.

    « On regarde ce qu’on n’aura jamais les moyens de se payer. C’est comme si on n’était plus les bienvenus dans notre propre ville », dit l’homme en soupirant.

    Les pauvres et les gens de la classe moyenne n’ont plus les moyens de vivre à Londres, à moins d’avoir la chance rarissime de mettre la main sur un logement social. On dit aussi que des retraités ayant acheté une maison au siècle dernier, avant l’explosion des prix, sont forcés de vendre parce qu’ils n’ont pas les reins assez solides pour payer les taxes municipales.

    Une véritable industrie de la « survie au coût de la vie » est en train de prendre forme. Les experts proposent des conseils aux Londoniens qui veulent s’exiler en région, ou aux étudiants étrangers tentés par les universités britanniques.

    L’entreprise de services financiers Wise a publié dès le mois d’août 2021 un guide soulignant les avantages pour les expatriés de s’établir à Cardiff (pays de Galles), à Édimbourg (Écosse) ou à Belfast (Irlande du Nord) pour en avoir plus pour leur argent.

    Le coût mensuel de location d’un appartement d’une chambre au centre de Londres est estimé à 1662 livres sterling (2860 $). Pour trois chambres, le loyer grimpe à 3188 livres sterling (5490 $). À ces tarifs, il vaut peut-être mieux louer un logement situé près d’une soupe populaire pour pouvoir se nourrir.

    Ce reportage a été en partie financé grâce au soutien du Fonds de journalisme international Transat-Le Devoir.

    #pauvreté #classe_moyenne #inégalités #économie #précarité #richesse #pauvres #politique #logement #capitalisme #discrimination #racisme #guerre_aux_pauvres #gentrification #urbanisme #logement #ville #villes #inégalités

    • La classe moyenne imagine, depuis un demi siècle qu’elle a intérêt à soutenir les intérêts des trés riches. Elle en paye donc la facture. Elle a toujours pas compris. L’exclusion c’est aussi pour elle.

  • Hausse des prix de l’énergie et des carburants : ce que l’on sait de « l’indemnité classe moyenne » dévoilée par Jean Castex
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/10/22/ce-que-l-on-sait-de-l-indemnite-classe-moyenne-devoilee-par-jean-castex_6099

    Castex a dévoilé le versement d’une prime [de 100 balles] à quelque 38 millions de Français confrontés notamment à la hausse des prix de l’énergie et des carburants.

    #classe_moyenne :-)

  • La maire de Marseille, Michèle Rubirola, annonce démissionner pour raisons de santé
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/12/15/la-maire-de-marseille-michele-rubirola-annonce-sa-demission_6063475_823448.h

    Où l’on apprend que #Rubirola n’aime pas la tambouille électorale :

    « Benoît et moi, c’est un peu le yin et le yang. Il est très politique ; moi, je n’apprécie pas la tambouille électorale. Fonctionner en binôme, déléguer, faire confiance, c’est une vision écolo de la politique. J’aimerais porter une autre façon d’être maire »

    #Marseille

    • Sa démission était annoncé mi-octobre par le même journal
      « Tu es au courant que je ne reste que trois mois ? » : à Marseille, les débuts déroutants de Michèle Rubirola
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/10/14/tu-es-au-courant-que-je-ne-reste-que-trois-mois-a-marseille-les-debuts-derou

      Elue en juin, la maire écologiste s’interrogeait encore en octobre sur son rôle et laissait alors souvent la main à son premier adjoint, #Benoît_Payan.

      Qui est Benoit Payan, le futur plus jeune maire de Marseille ?
      https://www.challenges.fr/politique/benoit-payan-l-interi-maire_742197

      Depuis juillet dernier, Benoit Payan était maire officieux de Marseille. Il pourrait être, lundi prochain, maire officiel, ce qui aura le mérite de simplifier les choses. A 42 ans, il serait le plus jeune maire de Marseille, coiffant un autre socialiste, Gaston Deferre, au poteau d’une année – ce dernier ayant été élu à 43 ans.

      Benoît Payan
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Benoît_Payan

      Désolé, cette page a été récemment supprimée (dans les dernières 24 heures)

      15 décembre 2020 à 16:49 Cédric Boissière discuter contributions a protégé Benoît Payan [Créer=Autoriser uniquement les administrateurs] (expire le 18 décembre 2020 à 16:49) (Attendons son élection)

      15 décembre 2020 à 16:49 Cédric Boissière discuter contributions a supprimé la page Benoît Payan (Ne répond pas aux critères d’admissibilité)

      15 décembre 2020 à 16:33 Wikisud82 discuter contributions a créé la page Benoît Payan (Nouvelle page : ’’’Benoît Payan’’’ est un homme politique français. Premier adjoint à la maire de Marseille Michèle Rubirola de juillet à décembre 2020, il assure ces fonctions par…) Balises : Modification par mobile Modification par le web mobile Modification sur mobile avancée

      24 juillet 2020 à 15:11 Enrevseluj discuter contributions a supprimé la page Benoît Payan (Décision communautaire)

      24 juillet 2020 à 15:01 Axelcortes13 discuter contributions a créé la page Benoît Payan (Création de la Page et de 3 sections plus d’une Infobox) Balise : Éditeur visuel

      2 février 2020 à 14:59 OT38 discuter contributions a supprimé la page Benoît Payan (Page supprimée suite à une décision communautaire)

      [je vois pas plus d’historique, ndc]

      Pas du coin, sauf brèves incursions, je suis certain qu’on entendra du "Cochon de Payan", du " Payan ! Au bagne !" et d’autres compliments idoines dans la ville un de ces quatre. Mais peut-être en existe-t-il déjà ?
      #PS

    • Municipales à Marseille : les raisons du succès de l’écologiste Michèle Rubirola , Gilles Rof (Marseille, correspondant) et Solenn de Royer, 01 août 2020, Màj le 04 août 2020
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/08/01/municipales-marseille-les-raisons-du-succes-de-l-ecologiste-michele-rubirola

      Une note de la Fondation Jean-Jaurès, que dévoile « Le Monde », met en évidence le rôle joué par une « classe moyenne et supérieure éduquée » dans la victoire du Printemps marseillais.

      Et « l’inconcevable » se produisit à Marseille. Médecin et conseillère départementale écologiste, Michèle Rubirola, âgée de 63 ans, totalement inconnue du grand public il y a six mois, a été élue maire de la deuxième ville de France, le 4 juillet, après vingt-cinq ans de règne de Jean-Claude Gaudin. Comment ce basculement historique a-t-il pu se produire et pourquoi ? Dans une épaisse note dévoilée par Le Monde, intitulée « Comment la gauche néomarseillaise a éjecté la bourgeoisie locale ? » , la Fondation Jean-Jaurès – qui s’est penchée sur les résultats des deux tours des élections municipales – donne quelques clés.

      Le think tank progressiste [et youplaboum] analyse ainsi la montée en puissance de la « gauche culturelle » dans cette commune de 870 000 habitants, dont une partie s’est renouvelée au cours des dernières années. S’ils concèdent que la #gentrification reste un phénomène « homéopathique (…) peu susceptible de faire bouger les équilibres locaux » , et qu’il serait « absurde d’attribuer aux seuls #néo-Marseillais la victoire » de Michèle Rubirola, le géographe Sylvain Manternach et l’essayiste Jean-Laurent Cassely soulignent le « rôle moteur » joué par une « classe moyenne et supérieure éduquée » dans le succès du Printemps marseillais.

      Comme à Lyon ou à Bordeaux, qui ont vu le triomphe des écologistes, un électorat « rajeuni, culturellement favorisé et mobile » a eu raison d’un électorat de notables, plus âgés et installés dans les beaux quartiers, ou alors issus de la petite bourgeoisie. Le vote pour le Printemps marseillais a été ainsi d’autant plus fort dans les quartiers qui ont vu leur population changer depuis une quinzaine d’années, notent les auteurs de la note. Les trois arrondissements qui ont connu un renouvellement de plus de 30 % de leur électorat (le 1er, le 6e et le 2e) ont tous les trois donné au Printemps marseillais des scores supérieurs à 30 % au premier tour, soit 6 points au-dessus de sa moyenne (23,44 %).

      Elan de centre-ville, militant et dégagiste

      L’arrondissement le plus renouvelé, le 1er, est celui qui offre au Printemps marseillais son meilleur score, avec une majorité absolue de 54,7 % des voix dès le premier tour, écrivent Sylvain Manternach et Jean-Laurent Cassely. A l’inverse, poursuivent-ils, dans les arrondissements d’« autochtones », « là où une plus forte part des électeurs est restée stable par rapport à la précédente élection, le score du Printemps marseillais est de 7 à 9 points en dessous de sa moyenne de premier tour ».

      L’analyse de la Fondation Jean-Jaurès relève également avec justesse [oh ben dis donc] que le Printemps marseillais a obtenu ses meilleurs scores dans les quartiers les plus centraux de la ville – un territoire clairement défini qui chevauche les 1e, 5e et 6e arrondissements. Le 1er est « peuplé d’#étudiants et d’#intellectuels_précaires » , le 5e a été gagné par le processus de gentrification et le 6e est plus bourgeois. « C’est aussi dans ces quartiers et arrondissements que réside une #classe_moyenne alternative à la petite bourgeoisie traditionnelle votant à droite », observent les auteurs de la note.

      Dans l’hypercentre, l’émergence d’une force politique homogène traduit « un vote de militants de gauche, porté par les populations diplômées et d’intellos précaires du centre-ville, proches des nombreux collectifs et associations bâtis autour de l’écologie, de la mixité sociale, de l’aménagement urbain ». Un vote qui, dans un contexte d’#abstention « historiquement élevée » – 64 % au second tour à Marseille –, voit son poids électoral prendre « une importance stratégique jamais acquise dans un scrutin jusqu’à présent ».

      L’analyse des bureaux les plus favorables au Printemps marseillais fait clairement émerger un cercle d’un ou deux kilomètres de diamètre dont l’épicentre est le quartier de #la_Plaine. Dans cette zone d’habitat dense, où prédominent les immeubles typiques en « trois fenêtres marseillais » , prisés par les nouveaux arrivants, une dizaine de bureaux ont voté à près de 80 % pour les listes de Michèle Rubirola au second tour. De cet élan de centre-ville, militant et dégagiste, la Fondation Jean-Jaurès différencie un vote d’adhésion au Printemps marseillais plus centriste, dont une partie est « Macron-compatible » .

      Rejet de l’équipe sortante

      « Un vote émanant de quartiers préservés qui subissent de plein fouet l’urbanisation et la #bétonisation de Marseille, lié à une population nouvellement arrivée qui, installée dans les quartiers de bord de mer, se confronte géographiquement et socialement à la bourgeoisie locale historique dont elle ne partage ni les valeurs ni la vision de la ville », explique la Fondation. Une bourgeoisie de néo-Marseillais « plus moderne et plus mobile » qui rêve d’une ville enfin en phase avec ses attentes dans les domaines de la propreté, du transport et du confort urbain.

      Les quartiers qui donnent de très bons scores au Printemps marseillais sont aussi ceux où s’est cristallisé le rejet de l’équipe sortante, dont Martine Vassal, la candidate Les Républicains, est l’héritière. Les arrondissements du centre-ville ont vécu très directement deux des crises majeures du dernier mandat du maire sortant, Jean-Claude Gaudin. D’une part, les effondrements de la #rue_d’Aubagne, le 5 novembre 2018, qui ont fait huit morts et ouvert une crise du logement indigne frappant directement près de 4 000 délogés – et donc beaucoup d’électeurs –, notamment en centre-ville.

      Mais aussi la « bataille de la Plaine », affaire plus locale mais à la forte capacité de mobilisation. Une violente polémique autour d’un projet de rénovation de la place Jean-Jaurès (6e), brutalement imposé par la municipalité. Le chantier, débuté en octobre 2018, est toujours en cours. Il a transformé ce lieu de vie du centre-ville alternatif en un chaos de travaux à ciel ouvert qui n’a fait qu’accentuer la colère des habitants contre l’équipe en place. Le poids de cette opération d’aménagement controversée se lit dans les résultats du premier tour. Avec un électorat moins renouvelé que celui des quartiers voisins (26,73 % de nouveaux inscrits de plus de 24 ans), la Plaine a donné au Printemps marseillais un de ses meilleurs scores (41,7 %).

      L’étude du vote dans le 3e secteur, remporté par Michèle Rubirola en personne, est sûrement celle qui apporte le plus de valeur à l’analyse de la Fondation Jean-Jaurès. On y voit le poids du Printemps marseillais dans une trame de rues en complète transformation dont la colonne vertébrale est le boulevard Chave. Cette artère jusqu’alors somnolente voit éclore, depuis quelques années, bars et restaurants nocturnes, épiceries paysannes et commerces branchés.

      Basculement géographique inédit

      Le vote pour le sénateur Bruno Gilles (ex-Les Républicains, LR), vainqueur sans discontinuer des municipales dans ce secteur depuis 1995, apparaît comme repoussé vers une ceinture périphérique, par l’avancée de ce « nouveau Marseille ». Il illustre un « Marseille d’avant » qui s’appuie plus fortement sur des réseaux traditionnels, notamment à travers les comités d’intérêt de quartier, les clubs de boulistes ou de sport. Ce territoire prend naissance au-delà du Jarret, sorte de périphérique marseillais, et des voies de la gare Saint-Charles, et reste encore à l’écart du nouvel épicentre dynamique. L’étude observe ainsi « une ligne de séparation assez nette entre le Marseille dense des immeubles anciens, qui vote à gauche, et un Marseille périphérique, pavillonnaire et des immeubles plus récents, résidences ou grands ensembles, au nord et à l’est ».

      Les auteurs observent en revanche que « l’élan réformateur du Printemps marseillais » a rencontré moins d’écho dans le sud de la ville, « où s’est installée de longue date une #bourgeoisie plus économique que culturelle », ou à l’est, « où s’épanouit une version plus périurbaine de la vie marseillaise ». Même si certaines enclaves du sud, notamment autour du port de la Pointe-Rouge, que l’étude définit comme un « micromarché immobilier très prisé des nouveaux arrivants », se sont montrées plus favorables au changement. Il s’agit d’un basculement géographique inédit du centre de gravité de la gauche marseillaise.

      A l’échelle de la ville, outre la rupture entre nord et sud, encore clairement visible à travers le vote favorable à Martine Vassal au premier tour, concentré au sud d’une ligne prolongeant le Vieux-Port, c’est une opposition entre gauche de centre-ville et droite périphérique que dessine la victoire de Michèle Rubirola. Les quartiers qui votent LR sont « pour la plupart moins denses, peu mixtes socialement et ethniquement et adoptent un modèle périurbain » qui s’appuie sur l’utilisation de la voiture.
      Reflet de cette « gauche de centre-ville », le Printemps marseillais n’a d’ailleurs pas convaincu le gros de l’électorat populaire, notamment celui des #quartiers_nord de Marseille. A l’instar des autres métropoles, dans lesquelles les listes écologistes et citoyennes ont fait campagne, le discours des candidats du Printemps marseillais s’est principalement adressé aux habitants plutôt favorisés, en tout cas culturellement, et vivant dans le centre-ville. « Les militants des listes écologistes et citoyennes n’ont pas su appréhender les attentes des quartiers excentrés à forte composante immigrée », résument les auteurs.

    • Une brève histoire des hurluberlus Paul Laity
      http://www.entelekheia.fr/2016/11/20/une-breve-histoire-des-hurluberlus

      Paul Laity revisite sur le ton de l’humour la gauche britannique de l’époque de George Orwell et les rapports de ce dernier avec ceux qu’il avait appelé « les hurluberlus de la gauche ». Inutile de dire que nous avions exactement les mêmes en France.

      Pour reprendre le terme d’Orwell, les racines du #gauchisme « hurluberlu » sont similaires de chaque côté de la Manche, nommément l’Owenisme en Grande-Bretagne et en France, le socialisme utopique et ses dérivés. Différence culturelle oblige, les nôtres étaient moins épris de vélocipède, de végétarisme, de laine brute et de grand air que les Britanniques ; la version hexagonale les voulait laïcards, républicains, scientistes, athées et bouffeurs de curés, avec malgré tout parfois, comme chez leurs congénères anglo-saxons, des penchants mystiques qui les conduisaient volontiers au spiritisme. #Victor_Hugo est le chef de file des aînés de ce type « d’hurluberlus », mais d’autres noms connus du XIXe siècle l’ont rejoint au panthéon des exaltés du guéridon, par exemple #Camille_Flammarion, #Victorien_Sardou, #Delphine_de_Girardin, #Henri_Bergson qui s’adonnait à des recherches psychiques (hypnose, lucidité somnambulique, médiumnité) ou encore #Jules_Verne, etc. Cette tendance se perpétuera chez les #surréalistes, en particulier avec l’écriture automatique d’André Breton et au-delà, dans l’art moderne et contemporain, dans le « psychologisme » qui imprègne toute la gauche ainsi que dans le #pédagogisme actuel – Ainsi, malgré ce qu’écrit l’auteur dans sa conclusion, la question de l’héritage idéologique du socialisme utopique et de la gauche « hurluberlue » historique déborde très largement des seuls écologistes pour embrasser toute la gauche libérale moderne.

      « Le socialisme », a écrit #George_Orwell dans son célèbre Quai de Wigan (1936), attire à lui « avec une force magnétique tous les buveurs de jus de fruit, les nudistes, les porteurs de sandales, les obsédés sexuels, les quakers, les charlatans naturopathes, les pacifistes et les féministes d’Angleterre ». De façon mémorable, sa tirade contre ces « hurluberlus » s’étend dans d’autres passages du livre aux « végétariens à barbes flétries », aux « Jésus de banlieue » uniquement préoccupés de leurs exercices de yoga, et à « cette tribu lamentable de femmes de haute vertu, de porteurs de sandales, de buveurs de jus de fruits qui affluent vers l’odeur du ‘progrès’ comme des mouches à viande vers un chat mort. »


      Andrew Muir, architecte consultant de la ville-jardin de Letchworth, portant ce qui s’appelait à l’époque un « costume rationnel » et des sandales. Crédit photo, First Garden City Heritage Museum du Letchworth Garden City Heritage

      Les #stéréotypes et caricatures des hurluberlus de la #classe_moyenne s’inscrivent profondément dans la culture nationale anglaise. Pendant tout le XIXe siècle, Punch Magazine a brocardé les obsessionnels de la santé qui recherchaient une vie plus pure dans le chou bouilli et l’antialcoolisme. Une histoire d’Aldous Huxley, The Claxtons, qui anticipait la philippique d’Orwell, dresse le tableau d’une famille bourgeoise puritaine, radicale et aveuglée sur elle-même : « Dans leur petite maison sur le terrain communal, comme les Claxton vivaient une belle, une spirituelle vie ! Même le chat était végétarien » . Et plus tôt cette année, le Daily Mail, tabloïd de droite, a tourné le Guardian en dérision (pour la énième fois, sans aucun doute) en l’accusant d’être dirigé par, et pour, des « porteurs de sandales ». C’est une pique encore censée suggérer la même chose qu’à l’époque d’Orwell : une naïveté fumeuse, une pseudo-supériorité morale et une vie de bohème méritoire – certainement un monde bien éloigné des valeurs de pragmatisme et de décence de l’Angleterre censément « véritable ».

      La férocité des caricatures « d’hurluberlus » d’Orwell trahissent une certaine anxiété sur la liberté sexuelle, mais vise en général directement leur travers le plus évident – leur sérieux. Les hurluberlus veulent que le monde devienne un endroit moins cruel, moins bassement commercial, plus beau. Leurs plaisirs sont sains, « naturels » et énergiques. (Quand j’étais enfant, mes parents dépeignaient certaines personnes comme très « riz complet et bicyclettes »). La mentalité de ces progressistes contre-culturels veut à tout prix que tout soit sain et aide à s’améliorer. L’un des objets de raillerie d’Orwell est donc une « gueule de bois de la période de #William_Morris » [1] qui propose de « niveler le prolétariat ‘par le haut’ (jusqu’à son niveau à lui) par la méthode de l’hygiène, des jus de fruit, du contrôle des naissances, de la poésie, etc. » Dans son roman Un peu d’air frais (1939), nous rencontrons « le professeur Woad, un chercheur psychique » : « Je connaissais le genre. Végétarisme, vie simple, poésie, culte de la nature, se roulant dans la rosée avant le petit-déjeuner… ce sont tous soit des maniaques de l’alimentation naturelle, ou alors ils ont quelque chose à voir avec les boy-scouts – dans les deux cas, ils sont toujours partants pour la Nature et le Grand air. »

      La satire d’Orwell dans le Quai de Wigan s’inscrivait dans le cadre d’une cause particulière et urgente : la formation d’une #politique radicale, populaire (non-hurluberlue) et réaliste pour faire front à la menace montante du fascisme. (Peu après avoir remis le manuscrit de son livre à son éditeur, Victor Gollancz, il entamait son voyage à Barcelone pour y rejoindre le camp républicain de la guerre civile d’Espagne). A ses yeux, les hurluberlus – avec les « marxistes chevelus mâchouillant des polysyllabes » – donnaient mauvaise allure au socialisme. Il impliquait aussi qu’ils étaient superficiellement dévoués à la cause socialiste mais au bout du compte, bien plus préoccupés par leur propre pureté morale que par l’exploitation de la classe ouvrière. Mais à qui exactement Orwell pensait-il quand il a lancé ses invectives ? Qui étaient les hurluberlus ?

      Il avait fait le choix de ne jamais mentionner par écrit qu’il s’était lui-même commis avec beaucoup de personnages de la #contre-culture, à commencer par sa tante, Nellie Limouzin, une bohème dont le mari, socialiste, soutenait fidèlement le mouvement espérantiste, et les Westrope, qui possédaient la librairie de Hampstead où il travaillait au milieu des années 30. Francis Westrope avait été objecteur de conscience pendant la guerre et adhérait au Parti travailliste indépendant ; son épouse, Myfanwy, militait pour les droits des femmes – et les deux étaient des espérantistes passionnés. Sa grande admiratrice et conseillère Mabel Fierz [2] également, vivait dans une grande maison de Hampstead Garden et penchait pour un socialisme mystique et spirituel.

      Les amis et membres de sa famille ont sans nul doute influencé les portraits d’Orwell dans une certaine mesure, mais il avait toute une tradition politico-culturelle en ligne de mire. Elle s’étendait aux sectes millénaristes socialistes des années 1830 et 1840 inspirées par le réformateur #Robert_Owen et son journal, le New Moral World (le Nouveau monde moral). Les « hurluberlus » étaient sur-représentés dans ces communautés modèles – Catherine et Goodwyn Barmby, par exemple, qui s’agacèrent du ton insuffisamment puriste du mouvement Owenite et formèrent l’Église Communiste (ses organisations-sœurs comprenaient les #White_Quakers de Dublin et le #Ham_Common_Concordium de Richmond.) [3] Ils prêchaient diverses prophéties #New_Age, ainsi que le végétarisme, l’#hydrothérapie, les cheveux longs et le port de sandales. Au fil des années, #Goodwyn_Barmby se mua en figure christique, avec de longs cheveux blonds flottant sur les épaules ; ensemble, le jeune couple arpentait les rues de Londres avec un chariot où il puisait des tracts qu’il distribuait en haranguant les passants.

      Le renouveau #socialiste de la fin du XIXe siècle était lourdement investi de croyances « hurluberlues ». Comme l’a écrit Michael Holroyd, c’était largement a partir « d’ #agnostiques, #anarchistes et #athées ; de #réformistes du costume [4] et du régime alimentaire ; d’#économistes, de #féministes, de #philanthropes, de #rationalistes et de #spirites tentant tous de détruire ou de remplacer le #christianisme » que le renouveau s’est opéré. L’activiste #Henry_Hyndman, un disciple d’Engels et le fondateur de la Social Democratic Federation (SDF, fédération socialiste démocratique) en 1881, désespérait comme Orwell de ce type de tocades morales. « Je ne veux pas que le mouvement » , martelait-il, « soit un dépotoir de vieux hurluberlus, d’humanitaires, de #végétariens, d’anti-vivisectionnistes, d’anti-vaccinationnistes, d’artistes du dimanche et toute cette espèce. »  Sans surprise, William Morris et ses amis au sein de la SDF décidèrent de s’en séparer et fondèrent leur propre groupe en 1884, la plus anarchique (et sexuellement radicale) Ligue socialiste. La #Fabian_Society , [5] qui débutait au même moment, était un groupe dissident de la #Fellowship_of_the_New_Life (Compagnons de la nouvelle vie), une communauté éthico-spirituelle (et végétarienne).

      C’était également l’époque de la #Vegetarian_Cycling_Society (Société des Cyclistes Végétariens) et des clubs nés autour de l’hebdomadaire socialiste #The_Clarion, qui visait à #« amener le citadin à entrer plus fréquemment en contact avec la beauté de la nature, et faire progresser l’idéal d’une vie plus simple, d’un mode de vie modéré et d’une élévation de la pensée. » #George_Bernard_Shaw qui, en tant que végétarien porteur de laine brute, naturelle et tricotée à la main, entretenait une relation de proximité avec les hurluberlus, a résumé les deux impulsions différentes du socialisme du temps : l’une tenait à « organiser les docks » , l’autre à « s’asseoir au milieu des pissenlits ».

      Le saint patron des pique-niqueurs au milieu des pissenlits était #Edward Carpenter, et Orwell l’avait clairement à l’esprit. Ancien vicaire anglican qui avait été l’invité de Thoreau, auteur d’un long poème whitmanesque, ‘Vers La Démocratie’ , Carpenter prônait un socialisme spirituel et le retour à la nature. A la suite d’une vision, il avait acheté une petite exploitation rurale à Millthorpe, près de Sheffield, où il faisait pousser ses propres légumes. Il était végétarien et prêchait le contrôle des naissances ainsi que le mysticisme oriental ; il avait écrit The Intermediate Sex (Le Sexe intermédiaire) , le premier livre qui présentait l’homosexualité sous un jour positif à être largement diffusé en Angleterre. Il avait pour habitude de se baigner nu à l’aube en compagnie de son domestique et amant, et sa vie était dénoncée comme scandaleuse et immorale.


      Edward Carpenter devant son cottage de Millthorpe, dans le Derbyshire, 1905. Il porte une paire des célèbres sandales de style indien qu’il fabriquait lui-même et une veste, un bermuda, une cravate et une large ceinture de sa propre conception. Crédits Sheffield Archives, Carpenter Collection, Box 8/31 a.

      Plus que n’importe qui d’autre, Carpenter a été responsable de l’introduction des sandales dans la vie britannique. Quand son ami Harold Cox partit pour l’Inde, Carpenter le chargea d’envoyer une paire de sandales du Cachemire à Millthorpe. La paire en question comprenait une lanière qui remontait de la semelle, passait par-dessus les orteils et s’accrochait à la cheville. « J’ai rapidement éprouvé une joie à les porter », écrivit Carpenter. « Et au bout de quelque temps, j’ai décidé d’en fabriquer. » Les chaussures, décida-t-il, étaient « des étouffoirs en cuir » . Il prit des leçons auprès d’un bottier de Sheffield et arriva « vite à fabriquer beaucoup de paires pour moi-même et plusieurs amis. » (Il en offrit une paire à Shaw, mais elles lui sciaient les pieds et il renonça à les porter en jurant de ne jamais y revenir.) Plusieurs disciples firent le pèlerinage à Millthorpe, y compris, dans les souvenirs de Carpenter, une réformiste du costume – « Son nom était Swanhilda quelque chose » , qui avait marché des kilomètres, sous une pluie battante, seulement vêtue d’une robe de serge bleue grossièrement coupée et de sandales qui s’enfonçaient dans la boue presque à chaque pas. Un des domestiques de Carpenter à Millthorpe, George Adams, entreprit aussi de fabriquer des sandales. Quand il se brouilla avec son maître, il déménagea dans la toute nouvelle ville-jardin de Letchworth, dans le Hertfordshire, et y ouvrit un petit commerce de sandales.

      Letchworth occupe une place spéciale dans l’histoire des hurluberlus. « Un jour cet été » , écrivait Orwell dans le Quai de Wigan, « je traversais Letchworth quand le bus s’est arrêté pour laisser monter deux hommes âgés d’allure affreuse. Tous deux très petits, roses, joufflus et tous deux tête nue, ils devaient avoir dans les soixante ans. Ils étaient habillés de chemises couleur pistache et de shorts kakis dans lesquels leurs énormes arrière-trains étaient si boudinés que vous auriez pu en étudier chaque fossette. Leur arrivée fit courir un léger frisson d’horreur sur l’impériale du bus. L’homme assis à côté de moi… murmura ‘des socialistes’. Il avait probablement raison », continue le passage. « Le Parti travailliste indépendant tenait son université d’été dans la ville. » (Orwell néglige de mentionner qu’il y assistait lui-même).

      La ville-jardin de #Letchworth, une expérience en urbanisme inaugurée en 1904 – une utopie d’air frais et de vie rationnelle – devint instantanément une Mecque pour les amoureux de la vie simple et acquit une réputation nationale de ville « hurluberlue » : sandales et scandales à foison. Un de ses deux architectes originels, Raymond Unwin, avait été l’un des associés de Carpenter au sein du socialisme de Sheffield (et un végétarien). Un ancien résident a offert une description du « citoyen typique de la ville-jardin » : il portait des sandales, ne mangeait pas de viande, lisait William Morris et Tolstoï, et possédait deux tortues « qu’il cirait périodiquement avec la meilleure des huiles de moteur Lucas. » Les végétariens de la ville ouvrirent le Simple Life Hotel (l’hôtel ‘Vie Simple’), qui comprenait un magasin de produits alimentaires naturels et un restaurant réformiste alimentaire. Un membre de la famille quaker Cadbury ouvrit un pub sans alcool, la Skittles Inn (l’Auberge des Quilles), où il faisait un fructueux commerce de chocolat chaud et de Cydrax, un vin de pomme sans alcool. (Ce qui inspira un commentaire sur une vie « toute en quilles et sans bière » [6] à G.K Chesterton, et plus tard une raillerie à John Betjeman dans son poème Huxley Hall, « Ni mon dîner végétarien, ni mon jus de citron sans gin/ ne peuvent noyer mon hésitante conviction selon laquelle nous pourrions bien être nés dans le péché ».)

      Les dimanches, les Londoniens faisaient des excursions en train pour étudier l’étrange collection d’espérantistes vêtus de blouses et de théosophistes de Letchworth ; une bande dessinée d’un journal local dressait même le tableau comique de visiteurs d’un zoo d’humains. « Papa, je veux voir comment on les nourrit ! » , y réclame un enfant. Les panneaux indicateurs pour les visiteurs y signalaient : « Direction Les Lutins Raisineux Porteurs de Sandales À Pointes Longues », « Par Ici Pour Le Pub Non-toxique » et « Direction Les Mangeurs de Bananes Hirsutes » . Annie Besant, une théosophiste militante du contrôle des naissances, y ouvrit l’école St. Christopher – où le Parti travailliste indépendant tenait sa réunion d’été – et qui aujourd’hui encore offre exclusivement de la nourriture végétarienne (ses élèves admettent se rabattre sur McDonald’s).


      Dessin de Louis Weirter, publié dans le journal local The Citizen, 1909. Crédits image, First Garden City Heritage Museum de la Letchworth Garden City Heritage Foundation

      Les années 1920 et 1930 offraient nombre de tendances contre-culturelles propres à faire frémir Orwell. Un pacifisme de type jusqu’au-boutiste s’était davantage généralisé au milieu des années 30 qu’à n’importe quelle autre époque de l’histoire britannique. Il y avait aussi une manie du grand air (associée à un développement des loisirs) et d’un mode de vie hygiénique et non raffiné. Les adhésions au club cycliste du Clarion atteignirent leur apogée au milieu des années 30, et un nombre sans précédent de citadins en bermudas et chemises à col ouvert s’entichèrent d’hôtels de jeunesse et de randonnées pédestres. « Le droit de vagabonder » à travers vallons, coteaux et landes devint une cause de gauche et la randonnée de masse, un acte politique parfois nuancé de mysticisme de la nature. En 1932, l’écrivain S. P. B. Mais conduisit seize mille personnes dans le parc naturel des South Downs pour y admirer le lever du soleil sur Chanctonbury Ring (malheureusement, le ciel était nuageux ce matin-là). Le mouvement de retour à la nature prenait d’autres formes aussi. À Marylebone en 1928, la Nature Cure Clinic (clinique de cure naturelle) ouvrait ses portes, avec des idées homéopathiques venues de l’Est via l’Allemagne. Les fruits crus et les jus de légumes y étaient considérés nécessaires à l’élimination des toxines. Et dans les mêmes années 30, le Dr Edward Bach vantait les vertus curatives des essences de fleurs qu’il avait découvertes en recueillant des gouttes de rosée sur des plantes, à l’aube.

      Le #nudisme organisé fit son apparition en Grande-Bretagne à la fin des années 1920. L’un de ses premiers centres à s’ouvrir a été Sun Lodge, à Upper Norwood au sud-est de Londres. A partir de 1928, les membres de la #Sun_Bathing_Society (société des bains de soleil) se retrouvaient les week-ends pour s’imprégner des rayons salutaires et revigorants et pour d’autres activités comme la « danse rythmique. » Les habitants locaux s’agglutinaient autour de la clôture pour tenter d’entrapercevoir les baigneurs en puris naturalibus. En 1929, la police dut intervenir au Welsh Harp Reservoir, à côté de Wembley, pour protéger les naturistes contre des émeutiers. En dépit de la controverse qu’il suscitait, le mouvement #nudiste prit de l’ampleur. En 1932, une lettre au Times en appela à la reconnaissance des bénéfices du culte du soleil - « en moins qu’un costume de bain. » - Ses signataires comprenaient George Bernard Shaw et C. E. M. Joad, philosophe populaire, socialiste, pacifiste, enthousiaste de la campagne (et peut-être le modèle du “Professeur Woad » d’Orwell). Joad était convaincu des vertus des siestes « nu au soleil », même seulement sur des criques désertes. Le ridicule n’était jamais loin. Dans le film I See Ice (1938), George Formby chantait - « Une photo d’un camp nudiste/ Dans mon petit album d’instantanés/ Très jovial mais un peu humide/ Dans mon petit album d’instantanés. » -

      #Leslie_Paul, fondateur des Woodcraft Folk, une alternative antimilitariste aux scouts ouverte aux garçons comme aux filles, se décrivait comme un « socialiste du style d’Edward Carpenter, épris d’une vision mystique de l’Angleterre. » En 1933, cinq cent jeunes membres des Woodcraft Folk campèrent autour d’une pierre levée de l’âge du bronze, dans le Herefordshire, pour y écouter un exposé sur les alignements de sites. [7] Deux garçons étaient accroupis dans une cage d’osier au sommet du monument. (Aujourd’hui, le propriétaire de la terre sur laquelle se dresse la Queen Stone préfère ne pas donner sa localisation exacte pour ne pas encourager la tenue de séances.) Paul, qui était écrivain et journaliste, passait le plus clair de son temps dans un cottage de la campagne du Devonshire. Un ami local, Joe, avec des poils sur la poitrine « épais et bouclés » comme un « matelas de fils de fer » aimait à s’allonger nu au soleil, à déclarer sa passion pour Tolstoï et à dénigrer les chaussures de cuir. « Le végétarisme était dans l’air du temps progressiste », écrivit plus tard Paul. « De nouveaux magasins de nourriture offraient de quoi satisfaire de fantastiques nouveaux goûts. … j’ai bu un mélange de lait malté, d’eau chaude et d’huile d’olive qui passait pour avoir les plus heureux effets sur le colon et les nerfs. » C’était un admirateur de l’Union Soviétique, un socialiste et un pacifiste. « Le #pacifisme avait une extraordinaire affinité avec le végétarisme », se souvenait-il, « de sorte que nous vivions d’énormes saladiers de bois emplis de salade aromatisée à l’ail, de lentilles et de pignons de pin garnis de poireaux. Nous respirions la santé. »

      Orwell a participé à deux universités d’été en 1936 : l’une à Letchworth et l’autre organisée par #The_Adelphi, un magazine pour qui il écrivait, dans une grande maison de Langham, près de Colchester. L’éditeur et fondateur du journal était le critique John Middleton Murry, un pacifiste et socialiste d’un type spirituel et poète qui avait acquis la maison dans l’espoir d’en faire le foyer d’une nouvelle forme de communauté égalitaire. (« Dans cette simple et belle maison, notre socialisme est devenu réalité » , écrivait-il. « Il me semblait que nous avions atteint une nouvelle sorte d’immunité contre l’illusion. ») Tous les invités étaient mis à contribution pour aider à la bonne marche du centre : Orwell était très demandé à la plonge, où il employait des talents cultivés lors de ses jours de pauvreté à Paris. Au cours d’une des discussions, il asséna apparemment à son auditoire, en majorité des gens de la classe moyenne, qu’ils ne « reconnaîtraient même pas un mineur ou un débardeur s’il en entrait un dans la pièce. » Murry finit par penser que le Centre Adelphi tenait trop de l’atelier d’idées : les socialistes qui y résidaient manquaient de la discipline qu’apporte le rude labeur physique.
Son projet suivant fut une ferme pacifiste.

      Il y a cent autres exemples de socialistes épris de ‘vie simple’ qui auraient suscité le mépris d’Orwell. Mais, malgré tous ses efforts, la longue et riche histoire des « hurluberlus » continua au-delà des années 1930 jusqu’aux éléments de la Campagne pour le Désarmement Nucléaire, les #hippies et les #Verts. (Et au-delà de l’Angleterre aussi, bien sûr.) Dans les années 1960, un restaurant végétarien a effacé un siècle de moqueries en adoptant fièrement le nom « Les Hurluberlus ». De bien des façons, la situation s’est retournée contre Orwell. Les personnages comme Edward Carpenter et Leslie Paul peuvent désormais être considérés comme les pionniers de l’anti-capitalisme écologiste moderne. L’environnementalisme est de plus en plus une cause et de moins en moins une distraction d’excentrique.

      Beaucoup de choses qu’Orwell considérait comme hurluberlues sont aujourd’hui à la mode. Il y a trois millions et demi de végétariens en #Grande-Bretagne, le yoga fait de plus en plus partie de la vie quotidienne des classes moyennes, et des pilules homéopathiques sont avalées par millions. (Malgré tout, ces tendances suggèrent, encore plus que du temps d’Orwell, une volonté d’auto-préservation et un style de vie égoïste, le contraire d’une volonté authentique de changer le monde.)

      Inévitablement, alors que des aspects hurluberlus ont été absorbés dans le courant dominant, d’autres pratiques et croyances étranges prennent leur place et sont ridiculisées par la majorité. Dans l’esprit du Quai de Wigan , on pourrait dire de l’anti-capitalisme d’aujourd’hui qu’il attire avec une force magnétique tous les écolos forcenés, les fruitariens organiques, les scooteristes à batterie solaire, les enthousiastes des naissances dans l’eau, les pratiquants de sexe tantrique, les fans de world music, ceux qui vivent dans des tipis, les porteurs de pantalons de chanvre et les accros aux massages ayurvédiques d’Angleterre. Quant aux sandales, les journalistes du Daily Mail _ peuvent bien conserver la mémoire de l’association entre hurluberlus d’antan et pieds quasi-nus, mais les longues queues devant les boutiques Birkenstock devraient les y faire réfléchir à deux fois. La vie simple est peut être aussi illusoire aujourd’hui qu’hier, mais nous sommes tous devenus des porteurs de sandales.

      Paul Laity est rédacteur littéraire au sein de la vénérable London Review of Books. En 2001, il a publié la Left Book Club Anthology (l’Anthologie du club du livre de gauche) , (Weidenfeld & Nicolson)
      Traduction Entelekheia
      [1] William Morris, peintre, dessinateur de papier peint, écrivain et l’une des figures de proue d’un mouvement conjuguant art et artisanat, l’Arts and Crafts.
      [2] La première à avoir reconnu le talent d’Orwell. Elle l’aida à faire publier son premier livre en le portant elle-même à un agent littéraire qui le transmit à un éditeur, Victor Gollancz. Le livre, Down and Out in Paris and London, parut en 1933.
      [3] Une communauté socialiste utopique également connue sous le nom « Alcott House ».
      [4] Les réformistes du costume militaient contre le corset, pour le pantalon féminin, pour que les femmes s’habillent de façon adaptée à la mode des vélocipèdes, pour le port de sous-vêtements hygiéniques en laine, et plus généralement pour le port de vêtements pratiques, dits « rationnels ».
      [5] Club politique de centre-gauche, socialiste et réformiste créé en 1884. Gorge Bernard Shaw et Herbert George Wells en faisaient partie. La Fabian Society , qui se décrit aujourd’hui comme progressiste, existe toujours au sein du Parti travailliste. Elle est aujourd’hui alignée sur le néolibéralisme européiste de Tony Blair.
      [6] Jeu de mots sur un proverbe anglais. Littéralement, « la vie n’est pas toute faite de bière et de quilles », signifiant « la vie n’est pas toujours facile ».
      [7] Théorie loufoque sur des lignes imaginaires (également appelées « ley lines ») censées relier des sites préhistoriques de façon occulte.

      #culpabilisation #Gauche #Histoire_des_idées #Libéralisme #Socialisme_utopique #espéranto #hurluberlu #hurluberlue

      Cet article est paru dans Cabinet Magazine http://www.cabinetmagazine.org/issues/20/laity.php sous le titre ‘A Brief History of Cranks’.

  • Les gouvernements doivent prendre des mesures pour aider la classe moyenne en difficulté - OCDE
    https://www.oecd.org/fr/presse/les-gouvernements-doivent-prendre-des-mesures-pour-aider-la-classe-moyenne-en-

    Le coût du mode de vie de la #classe_moyenne a augmenté plus vite que l’inflation. Le #logement, par exemple, représente le poste de dépense unique le plus important chez les ménages à revenu intermédiaire, correspondant à environ un tiers du revenu disponible, par rapport à un quart dans les années 90. Ces vingt dernières années, les prix du logement ont progressé trois fois plus vite que le revenu médian des ménages.

    #appauvrissement

  • En France, une classe moyenne sous tension selon l’OCDE (La Tribune)
    https://www.crashdebug.fr/actualites-france/15897-en-france-une-classe-moyenne-sous-tension-selon-l-ocde

    FRANCE :...classe moyenne s’appauvrit découvre l’OCDE... génération Tanguy par obligation

    https://www.latribune.fr/economie/france/en-france-une-classe-moyenne-sous-tension-selon-l-ocde-813806.html (ci-dessous)

    https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/le-niveau-de-vie-des-classes-moyennes-a-baisse-1008451

    https://www.francetvinfo.fr/culture/cinema/on-se-dit-qu-on-a-rate-sa-vie-le-difficile-retour-des-tanguy-chez-leurs

    Contributeur anonyme

    (Crédits : Reuters)

    Explosion des prix des logements, budget sous pression, automatisation. Dans son dernier rapport, l’OCDE brosse un portrait alarmant de la classe moyenne française.

    "Déclassés", "catégories sacrifiées","paupérisation". Les mots ne manquent pas pour (...)

    #En_vedette #Actualités_françaises

  • Cette colère des gilets jaunes est le résultat de vingt ans de politiques néolibérales - Libération

    https://www.liberation.fr/debats/2018/12/03/cette-colere-des-gilets-jaunes-est-le-resultat-de-vingt-ans-de-politiques

    La mobilisation des classes populaires et moyennes est due aux mesures d’austérité, incluant modération salariale et désengagement de l’Etat. La solution : changer de cap en conjuguant défi écologique et question sociale.

    Cette colère des gilets jaunes est le résultat de vingt ans de politiques néolibérales

  • Olivier Cahn : "Le #profil_social des interpellés du « Black bloc » n’a rien de nouveau"

    Alors que les premières comparutions immédiates après les affrontements du 1er-Mai ont lieu, beaucoup s’étonnent du profil social assez « bourgeois » des militants du « #Black_bloc ». Il se révèle en réalité plutôt classique.

    Qualifiés par la droite et l’extrême droite de « racailles de banlieues », les premiers militants « Black blocs » présentés en comparution immédiate après les violences du 1er-Mai présentent un tout autre profil social. Élèves à Centrale, fils et filles de chercheurs au CNRS, d’analystes financiers, etc... Il semble que ces militants appartiennent plus à la #classe_moyenne ou à la #petite_bourgeoisie qu’aux #classes_populaires. Un profil beaucoup moins étonnant qu’il n’y paraît. Olivier Cahn, enseignant-chercheur à l’Université de Cergy-Pontoise, spécialiste de l’anarchisme et du #militantisme_violent, nous livre son analyse sur les #militants du « Black bloc » et sa composition sociale.


    https://www.marianne.net/societe/olivier-cahn-le-profil-social-des-interpelles-du-black-bloc-n-rien-de-nouv
    #classe_sociale #pauvres #riches

    • Il y a eu 7 personnes mises en causes et les accusation sont « possession de sérum phy », « etre habillé en noire » (sur des photos en noire et blanc pour un blouson en fait vert...), « possession d’une écharpe ». Le seul condamné l’a été pour possession de fumigène.

      Comment affirmé des choses sur le profil sociale des black bloc à partir d’un échantillon si faible et si douteux ?

  • Des générations de gentrifieurs
    http://www.laviedesidees.fr/Des-generations-de-gentrifieurs.html

    À partir d’une enquête menée dans deux quartiers gentrifiés, les Pentes de la Croix-Rousse et le Bas-Montreuil, Anaïs Collet déconstruit la catégorie de « bobos » et contribue à l’analyse des recompositions des #classes_moyennes et supérieures.

    #Recensions

    / #ville, classes moyennes, #gentrification

    • Depuis son apparition en 2000 sous la plume de David Brooks [1], le terme de « bobos » a connu un succès certain. Dans son livre Rester bourgeois, la sociologue Anaïs Collet souligne le caractère flou et variable de sa signification, et lui préfère la catégorie de « #gentrifieurs » regroupant les habitants de classes moyennes-supérieures résidant dans d’anciens #quartiers_populaires en pleine revalorisation. Son livre se situe dans la lignée des travaux de #sociologie_urbaine des années 1970-80 [2] qui ont mis en évidence que des quartiers populaires anciens ont permis aux « nouvelles couches moyennes salariées » de l’époque (enseignants, chercheurs, formateurs, journalistes, cadres de la fonction publique et autres jeunes diplômés se trouvant dans des positions d’expertise, de conseil, ou de mise en œuvre des politiques publiques) de se rassembler autour d’un modèle culturel critique et militant, et de constituer ce que certains ont appelé la « classe d’alternative » [3]. À partir de l’étude de « gentrifieurs » plus récents et dans une démarche inspirée des travaux de Pierre Bourdieu, Anaïs Collet pose la question des transformations qui ont affecté, depuis une trentaine d’années, la région de l’espace social située à la frontière des classes moyennes et des classes supérieures, dont les membres sont dotés en #capital_culturel plus qu’économique et se caractérisent par des valeurs plutôt progressistes. L’ouvrage vise deux objectifs : d’une part, contribuer à décrire la variété des « gentrifieurs » et, d’autre part, analyser leur « travail » (p. 31) sur les lieux, c’est-à-dire les manières dont ils agissent sur leur logement et leur quartier pour le transformer et se l’approprier.

      L’auteure a choisi de centrer son étude sur deux quartiers : les Pentes de la Croix-Rousse à Lyon, lieu de révoltes ouvrières au XIXe siècle et investi par des intellectuels et des militants dans les années 1960, et le Bas-Montreuil, quartier plus populaire de la région parisienne, qui a connu un afflux de ménages #diplômés dans les années 1980 et surtout au début des années 2000. Entre 2005 et 2007, Anaïs Collet a mené une enquête par entretiens auprès d’une cinquantaine de ménages ayant participé à la « gentrification » de ces deux quartiers et appartenant à des générations différentes. Elle mobilise aussi, de manière plus ponctuelle, des données statistiques issues de recensements de l’Insee de 1968 à 2006 à l’échelle infracommunale et les bases de données notariales sur les transactions immobilières ayant été conclues dans les deux quartiers étudiés. Son enquête dans le Bas-Montreuil, qui a pris une dimension plus ethnographique que sur les Pentes de la Croix-Rousse, occupe une place plus importante dans l’ouvrage.

  • I pay for your story
    https://www.arte.tv/fr/videos/060199-000-A/i-pay-for-your-story


    A voir !

    À Utica, ville sinistrée du nord-est des États-Unis, le documentariste Lech Kowalski propose aux habitants de payer pour écouter leur histoire. Avant Trump, un portrait poignant de l’Amérique des marges, entre tragédie et survie.

    Lech Kowalski - Wikipedia
    https://en.wikipedia.org/wiki/Lech_Kowalski

    Lech Kowalski is an American film director of Polish descent. He was born in 1951 in London to Polish parents.

    His most notable film is the documentary, D.O.A., subtitled A Rite of Passage, which chronicled the burgeoning UK punk scene at the tail-end of the 1970s, and included footage of the Sex Pistols’ abortive 1978 American tour.

    #film #documentaire

  • Usul. La lutte des classes, parce que c’est notre projet
    https://www.mediapart.fr/journal/france/220118/usul-la-lutte-des-classes-parce-que-cest-notre-projet

    Les premiers à mener, aujourd’hui, une efficace lutte des classes sont les #bourgeois, aidés en cela par un gouvernement dont les politiques semblent alignées sur les intérêts des dominants. Quelles sont les formes contemporaines de cette violence de classe ? Et quels sont les discours qui la masquent ou la rendent acceptable ? © Mediapart

    #France #classe_moyenne #classe_ouvrière #Karl_Marx #Pinçon-Charlot

  • Au cœur des #inégalités, la fin des politiques publiques
    https://www.mediapart.fr/journal/economie/151217/au-coeur-des-inegalites-la-fin-des-politiques-publiques

    Réalisé par une centaine d’économistes, le Rapport sur les inégalités mondiales 2018 pointe la révolution capitaliste de ces quarante dernières années, qui a conduit à une concentration inégalée de richesse. L’abandon des politiques publiques de redistribution, la remise en cause de l’État sont au centre de ce creusement des inégalités.

    #Economie #1% #classe_moyenne #les_riches

  • Working class white Americans are now dying in middle age at faster rates than minority groups | Brookings Institution

    https://www.brookings.edu/blog/brookings-now/2017/03/23/working-class-white-americans-are-now-dying-in-middle-age-at-faster-rates

    Working class white Americans are now dying in middle age at faster rates than minority groups
    Alison Burke

    Thursday, March 23, 2017

    In 2015, Princeton Professors Anne Case and Angus Deaton made global headlines after documenting a shocking rise in the proportion of white non-Hispanic Americans dying in middle age.

    This year, as part of the Spring 2017 edition of the Brookings Papers on Economic Activity, Professors Case and Deaton are following up on that research to further investigate the rise and its causes, examining midlife mortality rates of white non-Hispanics in the U.S. by geography, education, birth cohort, and more. You can read the full paper here.

    #états-unis #classe_moyenne #santé

  • Bulles de filtrage : il y a 58 millions d’électeurs pro-Trump et je n’en ai vu aucun - Tech - Numerama
    http://www.numerama.com/tech/207428-bulles-de-filtrage-il-y-a-58-millions-delecteurs-pro-trump-et-je-ne


    Sur la mienne, y a des vieux qui vivent avec moins que le RSA comme retraite, des gens qui ne se chauffent pas l’hiver, ne se soignent pas les dents (ce qui permis aux gens de la planète dominante de se payer un bon mot sur leur dos !), ne partent pas en vacances, ne vont pas au théâtre, quittent l’école — cet endroit hostile — le plus tôt possible, n’ont pas de livres pleins la maison, n’ont pas d’ordinateur ou ne savent pas très bien s’en servir, n’ont pas internet ou ravitaillé par les corbeaux, pas de piscine, d’hôpitaux, presque plus de médecins généralistes et surtout pas beaucoup de perspectives d’améliorer leur condition…

    Sur ma planète, la plupart des gens vivent en ville, s’intéressent aux nouvelles technologies, à la science et aux jeux vidéo. Pour beaucoup, ils ont été à l’université ou dans de grandes écoles et on y croise souvent des journalistes, des développeurs, des designers, des professeurs ou des doctorants. Ma planète partage son avis sur des séries, va au cinéma, écoute de la musique contemporaine, rit aux blagues qui me font rire, pleure quand des tragédies me touchent.

  • Goodbye Middle Class: 51 Percent Of All American Workers Make Less Than 30,000 Dollars A Year

    We just got more evidence that the middle class in America is dying. According to brand new numbers that were just released by the Social Security Administration, 51 percent of all workers in the United States make less than $30,000 a year. Let that number sink in for a moment. You can’t support a middle class family in America today on just $2,500 a month – especially after taxes are taken out. And yet more than half of all workers in this country make less than that each month. In order to have a thriving middle class, you have got to have an economy that produces lots of middle class jobs, and that simply is not happening in America today.

    http://www.washingtonsblog.com/2015/10/goodbye-middle-class-51-percent-of-all-american-workers-make-less-t

    #inégalités #USA #Etats-Unis #pauvreté #travail #classe_moyenne

  • Qui est #riche et qui est #pauvre en France ? Ou, ce serait quoi la #classe_moyenne ? (avec le bon url #merci @rastapopoulos )
    http://www.inegalites.fr/spip.php?page=article&id_article=1432

    A quel niveau de revenu cesse-t-on d’être pauvre ou devient-on riche ? Délimiter des frontières de niveaux de vie est essentiel pour qui veut comprendre la société. Un travail subjectif, mais qui permet de lancer un débat. Nous publions des données détaillées de l’année 2013 par type de ménage (voir encadré méthodologique).

    Alors si « on définit les catégories #populaires comme les 30 % du bas de l’échelle des revenus », « les classes moyennes comprennent la moitié de la population », soit pour un « isolé » à partir de 1520 euros le mois ou pour une femme (parfois un homme) seule avec un enfant à 1995€/mois.

  • Que faire ? (II) : Répartir plus équitablement les richesses et les efforts, par Michel Leis
    Sur le blog de Paul Jorion, 20 Janvier 2016

    S’il est bien une question qui revient de manière récurrente, c’est le quoi faire. Cette série de billets propose quelques solutions et synthétise un projet de livre : « 2017, programme sans candidat » pour lequel je cherche un éditeur (à bon entendeur, salut !). Je tiens à préciser que ces propositions reflètent une analyse et une vision qui n’est pas forcément partagée par tous les intervenants du blog de Paul Jorion.

    La classe moyenne aura été un puissant vecteur de la cohésion sociale. Elle fut la classe des potentialités, celle qui disposait encore d’un peu d’argent après les dépenses contraintes et qui pouvait arbitrer entre épargne et consommation. Il lui était toutefois impossible de réaliser les deux simultanément, sauf à acheter son logement. Elle était un espace où pouvait s’exprimer une certaine qualité de vie, quand le plaisir et la sécurité s’ajoutaient à l’indispensable. Elle fut un lieu de transition, aspiration des classes populaires qui espéraient bénéficier de cette qualité de vie et étape intermédiaire dans la quête d’une meilleure position sociale.

    Ce billet s’ouvre par l’emploi du passé, les classes moyennes sont prises dans la nasse. L’arbitrage des revenus est de plus en plus contraint, sauf peut-être pour les ménages les plus âgés ayant accédé à la propriété et qui ont fini de payer leur logement.

    L’indexation des salaires a disparu, le partage de la Valeur ajoutée s’opère en faveur du capital. Les dépenses contraintes augmentent : hausses de l’immobilier, recours au crédit, consommation par abonnement. L’austérité qui gagne sournoisement du terrain depuis des décennies impacte fortement la classe moyenne qui ne bénéficie pas ou peu des avantages sociaux. On peut citer la santé, entre des traitements de plus en plus onéreux que les mutuelles répercutent sur leurs adhérents et le déremboursement partiel des médicaments. La part relative des dépenses de santé dans le budget des ménages a quasiment doublé en cinquante ans. Le coût de l’éducation tend aussi à mobiliser une part croissante du revenu, alors que les possibilités d’ascension sociale sont de plus en plus limitées. Les stratégies de dépassement des limites du système scolaire coûtent cher, les savoir-faire se banalisent, les études ne garantissent plus une progression sociale pour les générations suivantes. Toutes ces contraintes cumulées conduisent à cette lente réduction de la capacité à arbitrer. La classe moyenne se réduit, sans que le revenu n’ait besoin de baisser.

    Pour les classes populaires, la problématique est similaire, elles sont en première ligne pour les contraintes salariales, la raréfaction de l’emploi fait exploser le chômage, les ménages avec deux adultes en CDI deviennent rares. Les aides sociales sont insuffisantes, les contraintes budgétaires en matière de santé, d’éducation ou de dépenses pré-engagées sont les mêmes que pour la classe moyenne auquel il est de plus en plus difficile d’accéder. À la société en sablier pourrait bien succéder une société polarisée entre richesse et pauvreté.

    La concentration des richesses qui s’accélère en ce début de 21e Siècle s’accommode mal de cette masse d’individus qui souhaite préserver un bien-être et un confort matériel difficilement acquis. Le contexte qui a présidé au saupoudrage de la richesse change peu à peu : la valeur se crée sur d’autres formes de consommation, la rareté relative de la main-d’œuvre qualifiée n’est plus de mise. Dans ces conditions, pourquoi continuer à nourrir les rêves de cette classe intermédiaire quand sa capacité à consommer l’intégralité de son revenu est sa seule valeur ajoutée ? Pour la caste dominante, il est temps d’enterrer les classes moyennes et populaires et leurs aspirations devenues obsolètes.

    Ce constat est inacceptable. Il est indispensable de recréer des potentialités pour les classes moyennes et populaires, de lutter contre ce dissensus social croissant qui menace la cohésion de la société dans son ensemble. Plusieurs propositions permettent d’agir efficacement. En premier lieu, la refonte complète de l’impôt sur le revenu doit améliorer le pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires et mieux partager les efforts. Le deuxième point est de rétablir l’indexation automatique des salaires et favoriser un meilleur partage entre travail et capital. Ensuite, il faut agir sur les dépenses, à la fois pour faire baisser certains postes qui représentent une part croissante du budget des ménages, mais aussi pour orienter les achats vers une consommation plus responsable. Enfin, il faut remettre en marche l’ascenseur social et favoriser l’épanouissement dans et hors du travail.

    La refonte de l’impôt sur le revenu des personnes physiques est une condition préalable à la fiscalisation des cotisations sociales que nous avons déjà évoquée dans le billet consacré à l’emploi. La base de calcul serait constituée des revenus bruts, pour les salariés, c’est-à-dire le salaire brut en haut de la feuille de paie, avec prélèvement de l’impôt à la source. Les montants collectés sur tous les types de revenus seront en partie affectés au financement de la protection sociale. Pour les revenus les plus bas, le taux de prélèvement serait sensiblement inférieur aux anciennes cotisations sociales, ce qui permettrait d’améliorer le pouvoir d’achat, de rééquilibrer les efforts et de limiter l’impact des politiques de réduction du temps de travail. Les revenus du capital donneront lieu à un paiement d’acompte sur un précompte fiscal en fonction des gains. Dans tous les cas, un ajustement sera effectué en fin d‘année. Des simulations réalisées à partir des données de Thomas Piketty montrent qu’il est possible de collecter plus, c’est-à-dire de financer durablement la protection sociale, en partageant mieux les efforts.

    La disparition de l’indexation automatique des salaires a entraîné une lente érosion du pouvoir d’achat. Les mécanismes d’augmentation individuelle se sont substitués aux augmentations collectives, surtout dans les grandes entreprises. Au bas de l’échelle, les salaires tendent à s’aligner systématiquement sur le salaire minimum. Pour les classes moyennes, la dépendance à la contrainte hiérarchique s’accentue, la mesure des performances individuelles qui ouvrent droit aux primes et aux augmentations comporte une part d’interprétation. L’augmentation régulière du pouvoir d’achat mesuré par les statisticiens recouvre souvent une situation contrastée ou un nombre croissant d’individus rentrent dans une spirale de dégradation des salaires tandis que les cadres dirigeants augmentent leurs rémunérations de manière ahurissante.

    Rétablir l’indexation automatique des salaires est une condition nécessaire, mais elle n’est pas suffisante pour améliorer le partage des richesses créées. Dans les impôts et charges qui s’appliquent aux sociétés, il faut prendre en compte la politique sociale pratiquée au sein de l’entreprise. Le nouveau mode de calcul des charges sociales basé sur la valeur ajoutée doit s’appuyer sur un bilan social qui prendrait en compte la politique salariale : écart entre le premier et le dernier décile, écart au sein du dernier décile, politiques de bonus, égalité salariale homme femme… Des points seraient attribués, déterminant le barème appliqué, avec des exigences différentes en fonction de la taille des entreprises. Le barème de l’impôt sur les sociétés prendrait en compte le comportement sociétal, environnemental et énergétique. La part de la valeur ajoutée distribuée aux salariés sera l’un des critères appliqués à partir d’une certaine taille.

    L’un des premiers facteurs de la dégradation de la situation des classes moyennes et populaires est la montée des dépenses pré-engagées. Il est indispensable d’intervenir dans les domaines où celles-ci ont le plus augmenté ces dernières années, à savoir le logement, la santé et l’éducation.

    L’explosion des dépenses de logement est le résultat d’une combinaison explosive entre la bulle immobilière des années 90 et des déséquilibres territoriaux. La crise de 2007 n’a pas eu un impact uniforme sur le territoire. Les prix sont inabordables à Paris, élevés dans de grandes métropoles provinciales. Dans le reste du territoire, les prix à la location restent élevés alors que les prix de vente ont baissé. Ce sont des pertes latentes pour les propriétaires de leur logement qui ont acheté avec des taux d’intérêt élevés et des crédits longs. Ce sont plusieurs politiques qu’il faut mettre en place. Dans les grandes métropoles, il est nécessaire de faire baisser les coûts de l’habitat en proposant directement des biens en dessous du prix de marché, en location comme à l’achat. Sur le reste du territoire, il sera peut-être nécessaire d’intervenir ponctuellement pour ajuster les loyers à la baisse. Pour tous les propriétaires de leur logement qui sont encore en phase de remboursement de crédit, l’un des moyens serait d’obliger les banques à renégocier les crédits dépassant un certain taux d’intérêt. Nous reviendrons sur ces propositions dans la partie consacrée aux déséquilibres du territoire.

    Si les dépenses de santé restent faibles, c’est le domaine qui a le plus augmenté proportionnellement le plus dans le budget des ménages. Elles sont difficiles à arbitrer pour le citoyen, sauf pour quelques médicaments de confort et l’automédication. Beaucoup de facteurs expliquent cette envolée, à commencer par les progrès de la médecine, mais il faut y ajouter le puissant lobby de l’industrie pharmaceutique qui contribue fortement à l’envolée des coûts. Réduire les dépenses de santé nécessite une approche en amont. Il est nécessaire d’avoir un contrôle plus strict du prix des médicaments, même pour ceux qui ne sont pas remboursés. Il faut aussi des dotations plus importantes pour la recherche publique, afin qu’elle puisse travailler en toute autonomie et avec des priorités différentes des laboratoires privés. Le budget de la santé doit être augmenté avec un double objectif : minorer la contribution des ménages et avoir un service de proximité, ce qui rejoint les préoccupations territoriales.

    La hausse des dépenses d’éducation est constante alors que l’école est censée être gratuite et obligatoire. L’investissement dans l’éducation traduit la volonté de construire une mobilité sociale transgénérationnelle. Cette mobilité devait beaucoup par le passé aux études. Le développement de l’encadrement et des fonctions techniques ouvrait une voie royale pour progresser dans la hiérarchie sociale et salariale. Les savoir-faire se sont banalisés, les ordinateurs ont la capacité de réaliser des opérations complexes, les compétences sont disponibles à l’étranger. Dans ces conditions, les chemins de la promotion sociale deviennent de plus en plus étroits. Les ménages font des efforts importants pour assurer malgré tout le meilleur avenir possible à leurs enfants, entre autres en contournant l’Éducation nationale jugée peu performante. Je reviendrais sur cet aspect dans le billet consacré aux rapports de forces.
    Plus on avance dans les études, plus les coûts s’élèvent. Pour les lycées et l’enseignement supérieur, l’État doit prendre à sa charge les dépenses dans les livres et les outils numériques. Le logement étudiant est une contrainte lourde avec des universités souvent localisées dans les grandes métropoles : il faut investir massivement dans les résidences universitaires pour élargir leur accès et diminuer les loyers. D’autres points peuvent faire l’objet d’actions pour soulager le budget consacré à l’éducation : encadrement des soutiens extra-scolaires, gratuité totale de l’inscription à l’université et le montant des bourses doit dépasser le cadre d’un simple subside.

    D’autres postes budgétaires pèsent sur les dépenses des ménages. La (re)nationalisation d’un certain nombre d’entreprises permettrait de rétablir des tarifs de service public, en particulier dans le domaine des transports et des biens communs : eau, énergie. L’entrée dans une logique concurrentielle a souvent entraîné des disparités importantes dans les offres et dans les prix, il est de la responsabilité de l’État d’assurer un accès aux services publics partout et à des prix raisonnables.

    S’agissant ici des contraintes budgétaires qui pèsent sur les classes moyennes et populaires, un dernier point qu’il faut évoquer est celui de comportements de consommations qui ne sont pas toujours exempts de critiques. Deux axes de travail peuvent influencer le comportement des consommateurs : le premier est la modification des régimes de TVA. C’est un impôt considéré comme injuste : pour les classes les plus défavorisées, tout le revenu des ménages passe dans la consommation et est donc soumis à la TVA. Il est souhaitable de construire des taux de TVA différentiés permettant d’orienter les ménages vers une consommation plus responsable. Je reviendrais sur ce point dans le billet consacré au gaspillage. Le deuxième aspect est de limiter le développement du crédit et d’en diminuer le coût. Entre la bulle immobilière et le maintien de la norme de consommation, le crédit au particulier a pris un poids important dans les dépenses pré-engagées des individus. Il faut poser des limites, dépasser le cadre du curatif pour aller vers des mécanismes préventifs, comme la réforme du fichier positif, inachevée à ce jour. Dans le même temps, il est nécessaire de faire baisser le coût du crédit avec une définition beaucoup plus restrictive des taux usuraires et une vraie transparence entre ce qui est frais et risques. Enfin, la nationalisation d’une ou plusieurs banques permettrait d’entretenir réellement la concurrence et d’offrir à une clientèle solvable la possibilité de recourir au crédit dans des conditions qui n’obèrent pas durablement les revenus futurs.

    Cette partie consacrée aux classes moyennes et populaires est focalisée sur un meilleur partage des richesses et des efforts, ainsi que
    le maintien d’un budget arbitrable pour les ménages. Les actions ciblées portent sur la fiscalité et le pouvoir d’achat, l’intervention sur des postes de dépenses et les comportements de consommation. Cependant, la survie à long terme de la classe moyenne et le maintien d’une mobilité sociale passent par un ensemble de réformes beaucoup plus vaste, entre autres la reconstruction de rapports de force plus équilibrés au sein de la société. J’y reviendrai ultérieurement. Un autre point important doit être souligné : dans le budget arbitrable, un certain nombre de biens de consommation sont aujourd’hui à des prix artificiellement bas : la nourriture, l’habillement. Les rapports de forces imposés par la grande distribution lui ont permis de combiner marge et prix attractifs. La politique proposée cherche à lutter contre le gaspillage et le dumping social, elle aura un impact sur les prix d’un certain nombre de biens et sur les possibilités d’arbitrage des ménages.

    #classe_moyenne #classe_populaire #cohésion_sociale #épargne #consommation #salaire #capital #TVA #Consommation #crédit #banques #société #gaspillage #dumping_social #dépenses_d_éducation #santé #enfants #logement #étudiant #indexation #Thomas_Piketty
    http://www.pauljorion.com/blog/2016/01/20/que-faire-ii-repartir-plus-equitablement-les-richesses-et-les-efforts-par-michel-leis/#more-81786

  • A propos des Dominants Robert Charvin Janvier 2016

    * En France et en Europe, l’idéologie dominante est le confusionnisme : on n’admet pas la structuration de classe, assimilée à une obscénité intellectuelle archaïque. Bourdieu a été l’objet de toutes les agressions pour avoir tenté d’établir une « anthropologie globale » de la classe dirigeante ! Il est en effet des sujets qu’il convient de ne pas aborder !


    
Les dominants entendent s’octroyer à eux-mêmes le droit de s’auto-analyser... avec l’indulgence qui s’impose. A défaut, la connaissance de ce phénomène essentiel qui est le consentement inconscient que les individus accordent au monde qui s’impose sans bénéfice pour eux, risque de conduire à la critique de la domination !

    

L’air du temps conduit à s’apitoyer (sans faire grand chose pour autant) sur la pauvreté extrême. Une « classe moyenne » sans frontière engloberait la grande majorité de la population ; au mieux, on la subdivise en une « upper middle class » et une « lower middle class ». Elle est idéalisée : la « moyennisation » d’ensemble permettrait l’épanouissement de la démocratie, en dépit du constat que la démonstration contraire a été faite dans les années 1930-1940 avec le ralliement aux divers fascismes des classes moyennes. Malgré aussi l’appui qu’elles apportent dans les pays du Sud où elles sont apparues aux régimes autoritaires qui leur offrent quelques privilèges (dans la Tunisie de Ben Ali, dans l’Égypte de Moubarak et dans les diverses dictatures que l’Amérique du Sud a connu, au Chili, par exemple). 



    Pour comprendre le fonctionnement et les contradiction de notre société, il est pourtant indispensable de savoir qui la dirige et qui en profite effectivement. L’approche de la classe dominante est prudente et discrète. Le simple fait de noter qu’elle est très restreinte et d’analyser ses composantes relève de la subversion ! Ce petit monde est constitué des milieux d’affaires, des hauts fonctionnaires et des politiciens des sommets de l’État et de quelques personnalités médiatisées de toutes disciplines. Ces dominants sont en osmose, proches d’une caste à la fois diverse et homogène. Cette petite communauté est opaque pour tout le reste de la population : on ne connaît pas ses revenus réels ; on n’imagine pas son mode de vie, on ignore les moyens qu’elle emploie pour se pérenniser. Vouloir la rendre transparente (ce qui est un désir rare, car on préfère ausculter avec moins de risque la pauvreté) est assimilé à une agression politique destructrice de l’ordre public et qualifié de populisme anti- élitiste ! Les relations public-privé, argent-pouvoir politique et médias, clés des « réussites » individuelles « doivent » échapper à la transparence et donc à tout contrôle. La corruption (de formes variées) qui y règne échappe souvent aux procédures judiciaires qui s’enlisent faute de détenir les clés probantes. Il est difficile d’en pénétrer la réalité profonde. 



    Ce petit « complexe politico-médiatico-affairiste » est en effet surarmé. Il a la maîtrise de l’argent, ce qui lui permet d’en acquérir toujours davantage (sauf accident) et d’acheter les hommes qui lui sont utiles ; il dirige les communications, ayant acquis les grands médias, ce qui lui permet de formater les esprits, de fabriquer les leaders, de fixer « l’ordre du jour » et le vocabulaire du débat politique et de faire pression sur leurs comparses au sein de leurs monde ; il produit le droit (sauf exception) et l’interprète à son gré, grâce à ses juristes de cour (les vrais « intellectuels de marché »), et malgré les juges qu’il ne cesse de dénoncer les qualifiant de « rouges », ce qu’ils sont pourtant si rarement ! 



    Tout en ayant pris ses distances vis-à-vis du catholicisme, il conserve des relations solides avec les institutions religieuses. Si la foi est tiède (le laxisme dans le domaine du sexe et de tous les plaisirs est sans borne), le respect affiché vis-à-vis du Pape et de l’Église reste « utilisable », notamment en période de crise. La caste dirigeante veut conserver la capacité de se couvrir de quelques oripeaux de spiritualité.

    

 On s’étonne que le parcours de nombreuses personnalités soit un cheminement de gauche à droite et pratiquement jamais l’inverse ; on ne saisit pas pourquoi toute victoire progressiste soit rapidement suivie d’un échec et d’une régression générale (Front Populaire, Libération, 1981, etc.) ; on assimile difficilement le fait que toute pensée critique est ultra minoritaire, sauf en d’exceptionnelles périodes. On est surpris de la faiblesse des opposants à ce système pourtant oligarchique. 



    Le plus surprenant est ailleurs. Il est dans l’existence permanente, malgré tout, d’une action contestataire et d’une réflexion anti-système vivante, alors qu’il est même difficile de savoir quel est le véritable adversaire des droits et du bien-être de la grande majorité ! Cette survie, évidemment insatisfaisante, a toutefois d’autant plus de mérite que les forces de droite et celles de la « gauche » social-démocrate créent une confusion croissante, mêlant leur programme et leur pratique au point qu’ils deviennent indistincts. Ce « mixage » délibéré, résultat de leur échec respectif, vise à la fois à satisfaire le monde des affaires et de séduire le « petit peuple ». Le grand écart et la dissimulation du réel ainsi provoqués ne dérangent aucunement les « partis de gouvernement », même s’ils perdent en route de nombreux adhérents (dont souvent ils n’ont que faire). Le résultat est un brouillard profond jeté sur la vie sociale et politique, conduisant à un discrédit du politique, à un abstentionnisme massif et croissant et à l’extension d’un esprit néo-fasciste dans la population, comme en témoignent les succès du F.N. La progression du F.N dérange davantage la droite (qui tente de lui ressembler) que la social-démocratie. Obsédés d’élections, les socialistes espèrent faire du F.N le principal adversaire au détriment de la droite classique. Ils ne se privent pas cependant d’envisager la possibilité d’une coalition « droite-gauche », qui est d’ailleurs en voie de réalisation locale.

    
 Ce qui caractérise la pratique constante des dominants, c’est la concentration de tous leurs efforts sur la seule tactique. Qu’il s’agisse de rivalités personnelles, de concurrences claniques, de luttes de partis, les dominants n’ont pas pour arme une stratégie ou un système de valeurs, quoiqu’ils disent. Ils ont simplement la maîtrise de toutes les procédures concevables : leur seule fin, qui est de se pérenniser, se trouve dans le meilleur usage possible des manipulations de toutes natures. A tous les récits, à toutes les idéologies, aux croyances, ils opposent la tactique !

    

 Cette classe dirigeante parce que dominante, vivant sur une autre planète que celle du reste de la population, a une haute considération pour elle-même et un grand mépris pour ceux qui n’appartiennent pas à cette « élite » autoproclamée. Tous ses membres se sentent les « meilleurs » et se considèrent « irremplaçables » : l’autorité leur appartient naturellement. Ces « Importants », de premier choix, se sont convaincus, comme l’était hier la noblesse d’Ancien Régime, qu’ils sont seuls à pouvoir manier le gouvernail dans tous les domaines, particulièrement dans l’économie. Mais ce ne sont pas tous des héritiers. Nombreux sont des aventuriers du système, style Tapie, qui ont « réussi » à se rapprocher des grands groupes, de type Bolloré ou Bouygues. Le petit monde politique néo-conservateur ou social-démocrate regorge de ces petits « prodiges » dont les sommets de la caste dirigeante ont besoin. Les « mal-nés » qui ont pour seule conviction de profiter à fond du système et qui ont le sens du vent dominant, s’ils savent donner des gages, sont distingués au milieu de la masse des dominés de la « France d’en-bas ». La politique professionnelle est aujourd’hui l’équivalent du rôle que jouaient l’armée et l’Église pour les cadets sans terre de l’aristocratie d’autrefois ! L’origine « populaire » peut être même un atout : ils peuvent « plaire » plus facilement, même s’ils font tout pour s’éloigner du peuple dont ils sont issus ! Ils ont le choix pour leur carrière d’opter pour les différentes droites ou pour la fausse gauche (ce qui n’engage à rien), en restant prêts à se reconvertir si nécessaire pour adhérer à la mouvance la plus rentable. L’opportunisme est leur boussole : elle indique les « valeurs » à la mode qu’il faut promouvoir et surtout les intérêts qu’il ne faut pas égratigner ! Demain, des éléments « frontistes » et « patriotes », évidemment, pourront aussi servir, s’ils n’ont pas d’exigences anti-néo-libérales !

    

L’aristocratie italienne, malgré son mépris pour les « chemises noires », a conclu un accord avec Mussolini ! Tout comme l’industrie lourde et l’essentiel de la bourgeoisie allemande se sont liées au nazisme hitlérien (après l’élimination du courant « national et socialiste » préoccupé réellement de social). Le patronat français n’était pas à Londres, durant les années 1940-1944, mais à Vichy : il ne s’est manifesté ni contre la Gestapo ni contre la Milice. Il faisait des affaires ! Rien n’exclut demain en France et ailleurs une « recomposition » politique, fédérant tous les courants encore divergents ayant pour trait commun de n’être pas contre le système, c’est-à-dire le capitalisme financier : les castes dirigeantes ont pour tradition de s’accommoder de tous les régimes pourvu qu’ils ne remettent pas en cause leurs privilèges et leur domination. Elles savent rendre la monnaie de la pièce ! 



    Les castes dominantes pour diriger ont aussi besoin d’ « experts » et d’ « intellectuels » qu’il s’agisse hier d’un « grand » comme Raymond Aron ou d’un « petit » style Zemour ! Aucun système ne peut en effet se passer de ces agents de légitimation. 



    La lecture de ce qui se produit dans la société ne peut être laissée à la spontanéité des consciences individuelles. Il convient de les « guider » vers les analyses ne remettant rien en cause, y compris en usant de la fausse monnaie intellectuelle sur le marché des idées ! C’est ainsi qu’il faut doctement expliquer que les Français ne sont ni racistes ni xénophobes, malgré les « apparences », à la différence de tous les autres peuples de la planète. Il faut persuader, par exemple encore, que la croissance permet de réduire le chômage quasi-mécaniquement et que la lourdeur du Code du Travail est un obstacle majeur à l’embauche, ce qui exige beaucoup de talent ! Il faut entretenir un « techno-optimisme » fondé sur la croyance que les nouvelles techniques règlent tous les problèmes, y compris sociaux, ce qui rend inutiles les révolutions. Il faut légitimer l’hostilité aux Russes qui sont mauvais par nature, communistes ou pas, incapables qu’ils sont de comprendre la bienfaisance de l’OTAN ! A la différence des États-Unis, champions du monde de la démocratie et de l’ingérence humanitaire, y compris en Irak, qu’il est convenable de toujours admirer, malgré Guantanamo et les trente mille crimes annuels (souvent racistes). 



    Nombre de journalistes, de juristes et surtout d’économistes (surtout ceux des organismes privés) se bousculent pour offrir une crédibilité au système moyennant leur médiatisation lorsqu’ils ont un peu de talent, donc un certain impact sur l’opinion.

    

La classe dirigeante n’a besoin en effet que d’une pensée « utile » à court terme, c’est-à-dire ajustée à la logique économique du système mais capable aussi de faire croire qu’il peut satisfaire tout le monde. 



    L’intellectuel de cour n’a qu’à se couler, en l’enrichissant, dans la pensée commune venant d’en-haut sans faire plus d’écart personnel qu’il n’en faut pour se démarquer des autres et manifester un « quant à soi », ayant la vertu de faire croire au pluralisme. Sa panoplie est standard dans le vide idéologique et l’infantilisme préfabriqués par les grands médias :
    Il doit toujours se placer à l’intérieur du système, évalué comme indépassable. Il doit écarter toute recherche des causes aux problèmes qui se posent et se satisfaire d’une analyse descriptive des faits, car toute cause profonde révélée est subversive. Par exemple, l’approche de la pauvreté et du sous-développement doit éviter la recherche de leurs origines.

    

En tant qu’ « expert », il n’a pas besoin de penser si ce n’est à ce qu’il a intérêt à penser s’il veut rester « expert ». Il n’est chargé que d’expliciter à posteriori les décisions prises « en haut », quitte à renouveler son argumentaire, compte tenu de « l’usure » des explications précédentes. C’est d’ailleurs ce savoir-faire qu’on lui enseigne essentiellement à l’ENA, dans les écoles de commerce et les facultés de droit, chargées de la reproduction de la pensée unique.

    

Il doit être aussi « moralisateur » : à défaut de pouvoir invoquer la légalité et le droit « trop objectifs » (sauf le droit des affaires concocté par les intéressés eux-mêmes). L’intellectuel de service doit user à fond de « l’humanitarisme-mode ». Il permet de tout justifier, y compris la guerre (« juste », évidemment) et la politique de force, selon les opportunités. Cela offre de la « dignité » aux pratiques les plus « voyous » !

    

Il doit convaincre que la démocratie se résume à la désignation élective des dirigeants soigneusement pré-sélectionnés par « l’élite » et que toute autre interprétation de ce système politique est d’inspiration marxiste, ce qui est jugé évidemment totalement dépassé. 



    Enfin et surtout, il doit pratiquer le culte de l’Entreprise, « source de toutes les richesses », agent vertueux de la concurrence « libre et non faussée », au service de l’intérêt général, en particulier des salariés. 



    Le discours dominant est ainsi globalement affabulateur ; il n’a qu’une visée tactique : séduire, faire diversion, faire patienter, diviser, rassembler, selon les circonstances. Il n’aide pas à comprendre. Il manipule. Il y réussit. Grâce à ses capacités à rebondir sans cesse en sachant prendre le vent. 



    Dans l’histoire contemporaine, la « pensée » conservatrice a été anti-républicaine avant d’être éminemment républicaine ; elle a été belliciste avant d’être pacifiste et collaborationniste (avec les nazis) puis interventionniste aujourd’hui ; elle a été férocement antisémite avant de devenir pro-israélienne et anti-arabe ; elle a été colonialiste puis promotrice du droit des peuples (contre l’URSS) mais anti-souverainiste (avec l’Europe). 



    Les néo-conservateurs et la social-démocratie d’aujourd’hui font mieux encore. Ils révèrent les États-Unis (surtout les « Sarkozistes » et les « Hollandais »), comme puissances tutélaires, championnes du renseignement contre leurs alliés ; ils dénoncent Daech, mais pactisent avec ses financiers (argent et pétrole obligent !) et ses inspirateurs (Arabie Saoudite, Qatar) ; ils transfigurent l’Europe des affaires en un vaste projet de paix et de prospérité (malgré ses 20 millions de chômeurs). Dans l’ordre interne, ils applaudissent Charlie et dans le même temps, licencient des humoristes et les journalistes « dangereux » de leurs médias ; ils donnent toujours raison au Médef et toujours tort à la CGT. Ils dénoncent le FN mais lui font une publicité constante. Ils sont pour la démocratie et les libertés, mais tout autant pour un « État fort », comme l’écrit Juppée, capable de les réduire ! Grâce au terrorisme imbécile, ils peuvent instrumentaliser la peur pour leur seul profit ! 



    En dépit du simplisme chaotique de ces positions, les victoires idéologiques s’accumulent. Les dominants subissent parfois des défaites (comme celle du référendum sur le projet de « Constitution » européenne de 2005), mais elles sont rares. Pour les néo-socialo-conservateurs, perdre la guerre contre les dominés est impensable. Tout le jeu est de « s’arranger » entre soi et tous les moyens sont bons ! 



    Le « modèle » étasunien s’impose, qui combine conformisme et diversité, esprit libéral (à New-York) et autoritarisme raciste (au Texas), laxisme et rigorisme, obscurantisme (avec les sectes) et culte de l’innovation, etc.

    

Les dominants, à quelques cas particuliers près, en réalité, ne font pas de politique ; ils font des affaires et ils font carrière. Il peuvent être tout à la fois, parce que tout ce qui ne relève pas de leur petit monde leur est indifférent : ils peuvent faire dans le « démocratisme » ou dans la violence et la torture (comme durant la guerre d’Algérie). Indifféremment.

    

Neuilly et le « tout Paris », mobilisés par la course à l’argent, par l’auto-congratulation permanente et les « renvois d’ascenseur » nécessaires, sont loin de toute réalité concrète qui fait le quotidien du plus grand nombre. Comme l’écrit Tomaso de Lampedusa, ils sont prêts à tout, la liberté ou le fascisme, afin que « tout change pour que rien ne change » d’essentiel : leur propre fortune et leur place dans la société. 



    Ils mêlent dans la société tous les archaïsmes mâtinés de pseudo-modernité : ils font la promotion du « risque » qu’ils ne courent pas, de la peur dont ils ont les moyens de se protéger, du refuge identitaire, dont ils se moquent par esprit cosmopolite, du repli sur la vie privée et l’individualisme, dont ils sont les seuls à pouvoir réellement jouir. 



    Nul ne sait l’heure et les modalités de « l’atterrissage » de cette « France d’en-haut ». La prise de conscience de l’échec global de cette oligarchie est une perspective très vraisemblable, tant leur système est à la fois absurde, inéquitable et intellectuellement pitoyable. Mais, disposant de tous les moyens face à ceux qui n’ont pratiquement rien, les dominants peuvent encore prospérer un temps indéterminé, mais en usant de plus en plus de la force brutale. Dans l’attente active que les peuples tournent la page en se mettant au clair sur leur propre volonté, Victor Hugo revient en mémoire : «  l’Histoire a pour égout des temps comme les nôtres  ».
    

Janvier 2016
    Robert Charvin
    http://www.michelcollon.info/A-propos-des-Dominants.html?lang=fr
    #confusionnisme #Bourdieu #pauvreté #classe_moyenne #élite #ingérence_humanitaire #Charlie #censure #démocratie #risque #concurrence #entreprise #gauche #social-démocratie
    experts

  • La classe moyenne disparaît
    Michel Leis

    L’hebdomadaire Marianne a cru bon de dénoncer dans son édition électronique une possible fraude de la ministre Christiane Taubira qui aurait loué un appartement social de 96 m2 plus terrasse et parking dans le XVIIe arrondissement de Paris au prix extraordinairement avantageux de 2.196 € par mois, charges comprises, soit en dessous des prix réels du marché qui se situeraient aux alentours de 2.600 € par mois, charges comprises. Libération nous rappelle utilement que ce n’est pas un immeuble social, mais un immeuble à loyer plafonné compte tenu d’avantages fiscaux (loi Borloo), construit pour loger la « classe moyenne »… Et c’est bien là que le sujet devient vraiment intéressant.

    Pour bénéficier de cette offre exceptionnelle, dans un quartier qui est loin d’être un quartier chic de Paris (proche de la porte de Clichy), il est nécessaire de se trouver dans une marge étroite, entre des revenus suffisants pour prétendre à la location et un plafond de ressources prévu par la loi. Pour la contrainte de revenus suffisants, tenons-nous en au ratio de 3 fois le loyer charges comprises (certains bailleurs exigent 4 fois) : il est donc nécessaire de pouvoir justifier d’un revenu mensuel de 6.588 € pour louer ce logement à destination des « classes moyennes ». En ce qui concerne le plafond de ressources, il est de 86.479 € pour un couple avec deux enfants, soit 7.206 € par mois. Si l’on se réfère aux travaux de Thomas Piketty, la contrainte de revenu suffisant comme celle du plafond de ressource nous place dans le 97e percentile, soit les 3 % des Français les plus riches.
    Si le plafond de ressource augmente sensiblement avec le 3ème enfant, un couple qui n’aurait qu’un enfant à charge n’a pas la possibilité de satisfaire la double contrainte d’un revenu suffisant et du plafond de ressource.

    Si l’on se place dans la perspective du marché libre, sans plafond de loyer ni avantages fiscaux, une location de 96 m2 nécessite un revenu mensuel de 7.800 € (et probablement de sérieuses garanties), ce qui nous place d’après les études de Thomas Piketty dans le 98e percentile, soit les 2 % des Français les plus riches. Reste enfin la possibilité d’acheter, un bref calcul financier nous montre qu’il faut pouvoir débourser au minimum 750.000 € pour un appartement d’une surface équivalente (après négociation), frais de notaires inclus. Cela représente une mensualité de 2.018,78 € sur 25 ans (hors charges) au taux de 2,5 % avec un apport de 300.000 €. Au passage, je suis au regret de dire à madame la ministre qu’un tel investissement lui est inaccessible, compte tenu d’un apport initial insuffisant si l’on se réfère à sa déclaration de patrimoine, ainsi que de son âge qui ne lui permet pas un endettement sur 25 ans.

    Bien entendu, la grande majorité des Franciliens ne rentrent pas dans ce cadre. Il leur reste donc à considérer un double arbitrage : sortir des limites de Paris intra-muros et ajouter du temps de transport ou réduire la surface louée. La situation la plus fréquente étant une combinaison des deux stratégies. Dans tous les cas de figure, il y aura un impact négatif sur leur qualité de vie. Par manque de logements sociaux, les classes populaires sont soumises aux mêmes arbitrages, entre éloignement, réduction des surfaces, auquel il faut ajouter la perspective de cités concentrant les problèmes de sécurité, de propreté et de respect.

    J’avais défini dans un précédent billet la classe moyenne par le revenu disponible après les dépenses pré-engagées, suffisant pour faire de l’épargne ou engager des dépenses guidées par la quête d’une satisfaction personnelle, mais insuffisant pour mener les deux de front.

    À Paris et dans les grandes villes, compte tenu des coûts de l’immobilier, la classe moyenne (telle que je l’ai définie) recouvre une part importante de la population. Ses conditions de vie se sont largement dégradées et la part du revenu arbitrable diminue. C’est d’autant plus vrai que le développement de la classe moyenne patrimoniale (l’achat immobilier) n’est plus accessible dans les grandes métropoles sauf à être issue de famille très riche.

    Dans la situation actuelle, la dimension territoriale se combine avec la dimension sociale. Les opportunités de travail se trouvent à Paris et dans ces grandes métropoles. Dans le même temps, les villes moyennes perdent dans leur grande majorité des emplois alors que le logement (et le patrimoine pour ceux qui en ont) a déjà connu un sévère ajustement à la baisse. Compte tenu des tendances actuelles, les perspectives des classes moyennes et populaires se résument donc à avoir un travail et vivre de plus en plus mal dans les grandes métropoles, ou être dans une situation de plus en plus précaire dans les villes moyennes ou à la campagne, même si l’environnement est meilleur. Comment s’étonner dans ces conditions que la pression et le ressentiment grandissent ?

    Devant les risques d’attaques médiatiques, Mme Taubira a résilié le contrat de location, ce qui est tout à son honneur, elle devra donc trouver un logement à des prix plus élevés. J’espère que cette mésaventure lui fera prendre conscience des quelques réalités évoquées dans ce billet. La couverture médiatique de cette affaire et les lois votées par de précédentes majorités illustrent une fois de plus la déconnexion des élites avec la réalité. Voter des mesures applicables aux 3 % des Français les plus riches et les qualifier de « classe moyenne » montre l’ampleur du décalage (au mieux) ou du cynisme.

    Voir les liens sur l’article d’origine, et les commentaires trés intéressants.

    http://www.pauljorion.com/blog/2016/01/08/la-classe-moyenne-disparait-illustration-par-michel-leis/#more-81487

    #Marianne #Christiane_Taubira #Loyers #Clichy #Thomas Piketty #classe_moyenne

  • La classe moyenne disparaît : illustration, par Michel Leis – Blog de Paul Jorion
    http://www.pauljorion.com/blog/2016/01/08/la-classe-moyenne-disparait-illustration-par-michel-leis

    J’avais défini dans un précédent billet la classe moyenne par le revenu disponible après les dépenses pré-engagées, suffisant pour faire de l’épargne ou engager des dépenses guidées par la quête d’une satisfaction personnelle, mais insuffisant pour mener les deux de front. À Paris et dans les grandes villes, compte tenu des coûts de l’immobilier, la classe moyenne (telle que je l’ai définie) recouvre une part importante de la population. Ses conditions de vie se sont largement dégradées et la part du revenu arbitrable diminue. C’est d’autant plus vrai que le développement de la classe moyenne patrimoniale (l’achat immobilier) n’est plus accessible dans les grandes métropoles sauf à être issue de famille très riche.

    Dans la situation actuelle, la dimension territoriale se combine avec la dimension sociale. Les opportunités de travail se trouvent à Paris et dans ces grandes métropoles. Dans le même temps, les villes moyennes perdent dans leur grande majorité des emplois alors que le logement (et le patrimoine pour ceux qui en ont) a déjà connu un sévère ajustement à la baisse. Compte tenu des tendances actuelles, les perspectives des classes moyennes et populaires se résument donc à avoir un travail et vivre de plus en plus mal dans les grandes métropoles, ou être dans une situation de plus en plus précaire dans les villes moyennes ou à la campagne, même si l’environnement est meilleur. Comment s’étonner dans ces conditions que la pression et le ressentiment grandissent ?

    #classe_moyenne #territoire #logement