« Féminité », par André Comte-Sponville
▻http://www.philomag.com/les-idees/feminite-par-andre-comte-sponville-8068
C’est moi, ou c’est un gros enfilage de #clichtons_masculinistes ?
« Cela se passait rue d’Ulm, dans les années 1970. Je bavardais avec un ami, dans un couloir de l’École normale supérieure. Soudain, je vois arriver trois jeunes femmes, bottées, casquées, la cigarette au bec, qui me demandent d’un ton rogue : « C’est où, les chiottes ? » Elles devaient descendre de moto, et je n’ai évidemment rien contre. Elles avaient bien sûr le droit de fumer et de dire des gros mots. Mais elles étaient étonnamment masculines, au pire sens du terme : sans douceur, sans finesse, sans poésie. Cela suggère, au moins par différence, ce qu’est la féminité. Non une essence ou un absolu (les trois motardes, aussi peu féminines qu’elles m’aient paru, n’en étaient pas moins femmes pour autant), mais un certain nombre de traits ou de caractères qu’on trouve plus souvent chez les femmes, sans lesquels l’humanité se réduirait à la masculinité, avec tout ce qu’elle comporte de violence, de lourdeur, de prosaïsme – ce que Rilke appelait « le mâle prétentieux et impatient ».