• À propos de Stratégies anticapitalistes pour le XXIe siècle, d’Erik Olin Wright. Laurent Jeanpierre : « Former un engrenage socialiste »
    https://www.revue-ballast.fr/laurent-jeanpierre-former-un-engrenage-socialiste

    (...) Laurent Jeanpierre n’est pas le porte-parole de Wright, il s’avance toutefois comme l’un de ses introducteurs dans le champ francophone. Il publie et signe ainsi la postface de Stratégies anticapitalistes pour le XXIe siècle , dans la collection qu’il dirige aux éditions La Découverte. En prolongeant sa pensée, Jeanpierre invite à réinvestir la notion matricielle de « socialisme » en vue d’en finir avec la domination capitaliste. Le socialisme comme lieu de cohabitation, fût-elle houleuse, et de combinaison des trois courants historiques de l’émancipation : le communisme, l’anarchisme et la social-démocratie originelle.

    « Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux. » Cette célèbre phrase de Samuel Beckett résume, dites-vous, un certain état d’esprit de la gauche radicale. Erik Olin Wright n’y adhérait pas. Qu’est-ce qui l’en distingue ?

    Si j’ai employé cette phrase dans le commentaire que j’ai proposé en postface de son ouvrage, c’est en effet parce que les élaborations de Wright depuis 20 ans tranchent avec une constellation mentale ou affective qui me semble pesante dans la gauche anticapitaliste — et qui s’est, donc, parfois manifestée en empruntant à Cap au Pire de Samuel Beckett. Cette méditation sur l’échec est effectivement apparue ces dernières années sous diverses plumes, pourtant assez éloignées idéologiquement les unes des autres : aussi bien, par exemple, chez Slavoj Žižek qu’autour du Comité invisible. Wright ne part pas de ce fond commun partagé de la « mélancolie de gauche », qui entrave bien souvent, même si elle a aussi sa puissance, la possibilité d’une réflexion stratégique au sujet des conditions actuelles et réelles, et non pas idéales ou passées, d’un dépassement bénéfique du capitalisme.

    • Des utopies possibles aux utopies réelles. Entretien avec Erik Olin Wright
      https://journals.openedition.org/traces/5672

      Erik Olin Wright : Ce projet se situe au croisement de préoccupations intellectuelles anciennes et d’un moment historique bien particulier. Au départ de ma carrière universitaire au début des années 1970, mes recherches se sont focalisées sur la reconstruction du marxisme en tant que tradition théorique solide de recherche en sciences sociales. Au cours des deux premières décennies, je me suis particulièrement concentré sur l’analyse des classes sociales et la critique du capitalisme. Bien que j’aie écrit quelques essais sur le problème du socialisme et des alternatives au capitalisme, ces thématiques n’étaient pas la préoccupation centrale de mon travail. Ensuite, au début des années 1990, l’effondrement des économies autoritaires fondées sur le modèle de la planification semblait valider l’aphorisme de Margaret Thatcher selon lequel « il n’y a pas d’alternative ». Dans ce contexte historique, il m’a semblé impératif de déplacer mes efforts d’une recherche principalement tournée vers le diagnostic et la critique du capitalisme, vers le problème de la transformation et des alternatives. C’est ainsi que le projet Real Utopias est né.

      3Il fut à l’origine de toute une série d’ouvrages construits autour de propositions spécifiques d’alternatives aux institutions et aux structures sociales existantes. Parmi les thèmes qui ont (jusqu’à présent) été abordés, on compte le socialisme par le marché, la démocratie associative, l’allocation universelle, la gouvernance participative et l’égalité entre les genres. Dans chaque cas, l’enjeu est de clarifier les fondements normatifs et les principes centraux des dispositifs institutionnels de mise en œuvre de ces alternatives. Le livre le plus récent de ce projet, Envisioning Real Utopias (2010), tente de créer un cadre général reliant ces différentes propositions entre elles.

      #Erik_Olin_Wright #sociologie #marxisme_analytique

    • Il est aussi un théoricien. Il a une formation de philosophie sociale et politique solide, bien qu’elle soit sans doute assez peu continentale. Certains s’étonneront peut-être, par exemple, que son programme autour des « utopies réelles » — qui a été pour moi le point d’accroche central avec son œuvre — fasse si peu référence au traitement de la question utopique dans la tradition critique européenne, et notamment à l’œuvre de Bloch, mais aussi aux développements de Mannheim, Lukács, Adorno, Horkheimer et de nombreux autres. Mais c’est aussi une force, car Wright s’épargne ainsi toutes les impasses théoricistes de ce que Perry Anderson a appelé le « marxisme occidental ». L’ancrage du sociologue étasunien dans le marxisme est, d’une certaine manière, opposé à cette tradition puisqu’il a pris part à partir des années 1980 au Groupe de Septembre, en quête de « non-bullshit marxism » : il rejetait l’idée de dialectique et est à l’origine de ce que l’on appelle aujourd’hui le « marxisme analytique ». Ce courant1 a été très peu reçu et discuté en France — ce qui a eu des effets sur la réception et la lecture de l’œuvre de Wright lui-même.

      Des courants dont je n’ai jamais entendu parlé effectivement.

      […]

      D’un point de vue politique ou scientifique actuel, il faut certainement poser la question des utopies fascistes et de leur essor. Mais, pour Wright, elles peuvent rester en dehors d’une enquête sur la sortie du capitalisme car il a forgé, pour orienter l’enquête, une définition normative de ce qu’il appelle « socialisme ». Elle renvoie à l’épanouissement de tous, à l’augmentation du bien vivre, aux valeurs d’égalité, d’autonomie et de solidarité. Mais il est vrai qu’une manière de prolonger et peut-être d’enrichir son programme de recherche consisterait à penser les « utopies réelles » en général, et les alternatives anticapitalistes en particulier : elles ne sont pas, il est vrai, sur le terrain de l’Histoire effective, uniquement « socialistes » — même au sens large où il entend ce qualificatif. Penser, aussi, qu’un travail sur ce qu’il identifie comme le mode de transformation « interstitiel » du capitalisme — c’est-à-dire sur ce changement graduel et de petite échelle en direction de certaines valeurs socialistes dans les interstices des institutions dominantes, notamment économiques — doit prendre en compte des utopies qui nous sembleraient indésirables : utopies pour d’autres, mais dystopies pour nous… Si l’on observe, comme je le fais depuis quelque temps, les utopies communautaires écologiques, il n’est pas impossible de « tomber » sur des propositions de type nativiste ou néofasciste. Comment interagissent-elles avec les communautés écologiques plus fidèles aux valeurs socialistes ? Espérons ne pas avoir à nous poser vraiment la question…

      […]

      La catastrophe écologique est déjà là. Les maux du capitalisme s’intensifient et le tournant autoritaire actuel du néolibéralisme, à l’échelle mondiale, ne devrait pas favoriser les résistances futures. Face à ça, l’alternative est peut-être la suivante : ou bien on dit que le temps court relève de la tactique et le temps long, de la stratégie (c’est une réponse classique et, d’une certaine manière, de facilité : les tactiques des socialismes s’élaborent dans l’horizon de l’urgence, mais ça laisse entier la question de leurs effets à plus long terme, dont la connaissance relève de la pensée stratégique) ; ou bien — mais c’est peut-être la même chose — on sépare l’horizon analytique proposé par Wright, qui implique, en effet, un travail de longue haleine et une réflexion difficile, collective, sur l’Histoire passée et présente, et l’horizon de l’engagement politique. Il faut souligner qu’il n’y a aucune prescription militante chez Wright, aucun appel à la conversion, aucune prédilection affichée entre les manières d’être socialiste. C’est comme ça que je le lis. Chacune et chacun de ses lecteurs déjà anticapitalistes peut rester dans son milieu ou sa « famille » politique tout en intégrant les vues que propose l’ouvrage. En définitive, le livre propose d’ajouter à l’expérience militante ou intellectuelle anticapitaliste une exigence supplémentaire de réflexivité et de tolérance vis-à-vis des autres traditions héritées du socialisme. Sans une telle évolution au sein des gauches, le risque de leur décomposition augmentera. Comme c’est le cas aujourd’hui, chacun brandit ses pratiques militantes, ses fétichismes politiques, comme une identité figée, il ou elle y trouve un confort subjectif et finit par faire de la morale plutôt que de la politique. Pour fréquentes qu’elles soient, de telles attitudes définissent ce que nous pourrions appeler un « demi-socialiste ».

      […]

      Mais il en a conclu, après plusieurs décennies d’observation, que la fragmentation des exploités est devenue trop grande pour qu’une telle subjectivation émerge, que les conditions sociales d’un partage de l’expérience vécue au travail ne sont pas ou plus remplies. Dès lors, se demande-t-il, quelles sont les autres conditions éventuelles de formation d’une force sociale anticapitaliste ? Pour lui, et c’est peut-être discutable, c’est dans l’ordre de l’imaginaire et surtout de l’éthique que cette unité peut apparaître. C’est-à-dire autour d’un système de valeurs et de dispositions partagé.

      => rejoint la #common_decency

      La sociologie du socialisme passe donc par une sociologique des dispositions éthiques. Ce serait, en tout cas, une manière de prolonger le programme de Wright en adjoignant à une enquête sur les utopies réelles, une recherche sur l’ethos socialiste.

      #Erik_Olin_Wright #Laurent_Jeanpierre #socialisme #révolution #transition #capitalisme #anti-capitalisme #œcuménisme #œcuménisme_socialiste #sociologie #marxisme #sociologie_marxiste #philosophie_analytique #marxisme_analytique

  • https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/george-orwell-what-else-24-apologie-de-la-decence-ordinaire

    « George Orwell, what else ? (2/4) Apologie de la décence ordinaire »

    Dans un foyer ouvrier – je ne parle pas ici des familles de chômeurs, mais de celles qui vivent dans une relative aisance – on respire une atmosphère de chaleur, de décence vraie, de profonde humanité qu’il n’est pas si facile de retrouver ailleurs. Je dirais même qu’un travailleur manuel, à condition qu’il ait un emploi stable et un bon salaire – condition qui se fait de plus en plus précaire – a beaucoup plus de chances d’être heureux qu’un homme qui a « fait des études ». La vie qu’il connaît parmi les siens semble plus naturellement encline à prendre une orientation saine et harmonieuse. J’ai souvent été frappé par l’impression de tranquille plénitude, de parfaite symétrie si vous préférez, que dégage un intérieur ouvrier quand tout va bien. En particulier l’hiver, après le thé du soir, à l’heure où le feu luit doucement dans le fourneau de cuisine et se reflète dans le garde-feu d’acier, à l’heure où le père, en manches de chemise, se balance dans son rocking-chair en lisant les résultats des courses, tandis que la mère, lui faisant pendant de l’autre côté de l’âtre, fait de la couture – les enfants qui se régalent de trois sous de bonbons à la menthe et le chien qui se rôtit doucement sur le tapis de chiffons… C’est un endroit où il fait bon vivre, à condition de n’être pas là juste physiquement, mais aussi moralement.

    #décence_ordinaire #orwell #audio #radio

  • Dans l’ambiance actuelle, l’intelligence collective, l’#auto-organisation et la #solidarité spontanée sont les seuls points d’accroche pour faire tomber les velléités vengeresses guerrières.
    La fenêtre pour faire entendre raison au gouvernement est toute petite, on va avoir besoin d’un grand mouvement pacifiste basé sur ces valeurs.
    (relevé sur twitter, https://twitter.com/feeskellepeut/status/665853548555583488 et suivants)
    #attentats

    on a évité le pire. la souricière du stade contenait 80000 personnes, si ces gens avaient bougé ensemble
    on aurait eu un bilan trois fois plus lourd ne serait ce que par le mouvement de foule, sans mm parler du piège dehors.
    si ça ne s’est pas produit c’est pas parce qu’on a une super armée c’est parce que plein de gens dans ce stade ont pigé et pris sur eux.
    l’orga du stade a géré, les footeux (qui sont kamême pas assez cons pour pas piger qu’une extraction de président ça pue^^) ont continué, le public a pas fait le con (c’est pas les stadiers qui les auraient retenus vu le nombre), bref une sorte de « nous » a été au level.
    le même « nous » collectivement diffus a été au niveau aussi pour mettre des gens à l’abri, éviter un mvt de foule dans les rues. le même « nous » est encore actif aujourd’hui pour les recherches des victimes. c’est ça qui est rassurant et qu’on peut dire à nos enfants.
    moi ce que je dis à mes enfants c’est « personne n’a merdé. ce qui ne pouvait pas être évité a eu lieu mais personne n’a aggravé , c’est important ». au delà de la sécurité en uniforme il y a celle du groupe social qui s’est mise en place toute seule, spontanément. il y en a qui auraient voulu nous faire croire qu’en pareil cas on serait tous des chiens les uns pour les autres.
    un nombre considérable de personnes a démontré juste le contraire. les initiatives populaires ont été nombreuses.
    les jeunes ont organisé leurs réseaux sociaux, les taxis ont éteint les compteurs, les stadiers ont géré comme des oufs, les commerçants ont ouvert leurs portes et abrité au mieux, des blessés en ont évacué d’autres, et tout ça s’est fait sans aucun ordre ni aucune hiérarchie.
    c’est environ le seul point d’accroche pour faire tomber les velléités vengeresses guerrières blabla qui aggraveront juste les choses.

    #psychologie_sociale #entraide #décence #common_decency (en voilà une illustration)

  • Que pense #Podemos ? (2/4) ~ Revue Ballast
    http://www.revue-ballast.fr/que-pense-podemos-24

    Les commentateurs officiels peinent encore à définir Podemos, que l’on dit pourtant aux portes du pouvoir. Cet objet politique non identifié bouscule les petites cases de la clique médiatique : populistes, eurosceptiques, alter-mondialistes ? Et chacun d’y aller de son étiquette ou d’agiter le traditionnel chiffon rouge : communistes, marxistes-léninistes, chavistes, bolivariens, castristes, etc. Que pensent, au fond, ses fondateurs ? Quels sont leurs stratégies, leurs références, leurs leviers théoriques ? Qui est à la barre de ce mouvement qui ne cesse d’appeler à couper la société en deux : non plus entre la gauche et la droite, mais entre le peuple et les puissants. Nous les avons lus, et écoutés, en langue espagnole. Itinéraire d’un mouvement qui perturbe échiquiers et agendas politiques.

    #stratégie #politique #Espagne

    • Il questionne la stratégie classique de la gauche critique : se revendiquer d’une information alternative ou d’une contre-information reviendrait, selon lui, à se placer d’emblée comme minoritaire ou marginal.

      Ses initiateurs établissent que les discours de haine sociale des médias audiovisuels ont besoin d’un ensemble de conditions d’énonciation pour avoir un effet sur la pensée et le comportement des gens. Ils respectent un certains nombre de rites et de pratiques qui légitiment leur parole. Ainsi, les messages libéraux n’ont pas une efficacité supérieure à ceux des contestataires du fait de leur parfaite logique, mais parce qu’ils s’inscrivent dans une machinerie discursive bien huilée. Pour en donner un exemple simple, si le message « le privé est plus efficace que le public » est énoncé sur un plateau de télé d’une grande chaîne, à une heure à forte audience, juste après un magnéto sur un service public déficient, par un homme âgé, diplômé, en costard-cravate, avec une intonation assurée et qui reçoit l’assentiment des autres invités, il aura une dimension performative immensément supérieure aux envolées anticapitalistes d’un salarié dans un mégaphone, à la fin d’une manifestation.

    • Vraiment intéressant.

      Pablo Iglesias décèle une caractéristique commune à la droite conservatrice et aux militants et intellectuels critiques : ils partagent une forme d’élitisme face à ces nouveaux espaces de bataille idéologique, qui seraient illégitimes, propices au fast-thinking, à la « pensée-minute » (Gilles Deleuze), aux « penseurs pour caméras » (Pierre Bourdieu). Les formes de création de consciences politiques contre l’ordre dominant seraient incompatibles avec ces outils d’abrutissement généralisé, devant lesquels l’intelligence ne pourrait s’abaisser sans perdre la profondeur de l’analyse révolutionnaire.

      Ça me rappelle aussi certaines des critiques qui ont été formulées contre #Alternatiba

      En méconnaissant le fait que « les gens, les travailleurs préfèrent l’ennemi, ils le croient, ils comprennent ce qu’il dit », la critique se rendrait autant inaudible qu’impuissante. Puisque l’ennemi agrège des forces et obtient le consentement par un discours attractif, qui touche, séduit et se présente comme la norme, il est nécessaire de lui disputer cette hégémonie sur son terrain. À ses détracteurs, il répond : « Nous ne définissons pas les conditions de la bataille. »

      C’est vrai je trouve, et c’est rare de l’entendre.

  • BALLAST Paul Ariès : « La politique des grandes questions abstraites, c’est celle des dominants »
    http://www.revue-ballast.fr/paul-aries-politique

    Vous affirmez que les combats populaires sont souvent « conservateurs ». Vous risquez de heurter les rangs « progressistes », en prêtant à ce mot des vertus positives, non ?

    Cette affirmation est bien sûr une provocation… à penser ! Il serait facile, déjà, de dire qu’il s’agit bien de conserver une Terre-pour-l’humanité. Je crois que nous devons nous libérer de la foi béate dans le Progrès (économique, technique, etc.) pour apprendre à différencier ce qui relève de la conservation (des conditions de la vie) et ce qui relève de la réaction (notamment religieuse). J’avoue que ma fréquentation des milieux de la décroissance de droite a réveillé mon anticléricalisme, tant leurs postures de dames-patronnesses empuantissent. La réaction est tout ce qui défend les intérêts matériels et moraux des possédants/dominants. Je suis adepte du pachamamisme, car si le système soumet la nature aux lois de l’économie, il s’agit bien de soumettre l’économie aux lois du vivant – voilà ce qu’est pour moi la conservation. J’ai montré aussi dans mon dernier ouvrage, Écologie et milieux populaires, les modes de vie populaires au secours de la planète, que les gens ordinaires ont un bilan carbone bien meilleur que les riches et même que beaucoup d’écolos déclarés, car ils possèdent encore d’autres rapports au travail, à la consommation, à l’espace, au temps, aux loisirs, à la maladie, au vieillissement, à la mort, donc à la vie. C’est tout cela qu’il faut conserver/développer. Nous serons en droit de désespérer lorsque les modes de vie populaires se seront éteints totalement. Tant que les gens du commun ne sont pas que des riches auxquels ils ne manqueraient que l’argent, il y a de bonnes raisons d’espérer. Conserver c’est aussi bien sûr transformer. Il ne s’agit surtout pas d’idéaliser le passé : la télévision nous décérébralise, mais la religion hier, aussi.

  • Aux sources de l’antitotalitarisme de #gauche : #Albert_Camus, le #pouvoir, le nihilisme et la #révolte
    http://diffractions.info/2014-03-05-aux-sources-de-lantitotalitarisme-de-gauche-albert-camus-l

    L’antitotalitarisme est-il un combat dépassé ? Il se trouve aujourd’hui exploité comme une veine médiatique par quelques éditocrates

    #centenaire_Albert_Camus #philosophie #politique #antitotaliarisme #common_decency #George_Orwell #révolution #totalitarisme

  • Michea : le meilleur, le bizarre et le pire, par Frederic Lordon | RdL La Revue des Livres
    http://www.revuedeslivres.fr/michea-le-meilleur-le-bizarre-et-le-pire-par-frederic-lordon

    pour @rastapopoulos

    En accompagnement de l’excellent « Impasse Michéa » publié par Frédéric Lordon dans la RdL n° 13 (juillet-août 2013) à propos de publications récentes de Jean-Claude Michéa, voici quelques éléments de contextualisation supplémentaires et un florilège de citations.

    • Peut-on lire « Impasse Michéa » en ligne ? En passant évoquer Clouscard comme devancier de Michéa se justifie peut-être mais il ne me semble pas que celui-là se revendique de celui-ci (plutôt de Debord et de l’Encyclopédie des Nuisances pour les références modernes). Par contre, le renouveau d’attention portée à l’oeuvre de Clouscard vient au moins en partie de Soral, qui lui s’en revendique ouvertement.

    • Halimi, Lordon et Corcuff contre Michéa : retour sur la controverse
      http://ragemag.fr/michea-retour-sur-la-controverse-37310

      on saura gré à l’auteur de recenser les occurrences de #common_decency dans les livres de Michéa. Sans que le concept en soit vraiment éclairé, sinon comme une sorte d’éthique/morale transcendantale. Il est bien question d’un ensemble de #valeurs pour une #vie bonne, mais tout se complique dès qu’il s’agit de le déterminer. A vrai dire ce n’est jamais le cas.

      Lordon avance en outre qu’il n’en existe aucune « définition tant soi peu consistante » dans l’œuvre de Michéa. Au risque d’être fastidieux, en voici quelques unes.

      Orwell, anarchiste tory (1995) : Michéa la caractérise comme suit : « Sens commun qui nous avertit qu’il y a des choses qui ne se font pas. »

      L’Enseignement de l’ignorance (1999) : « Ensemble de dispositions à la bienveillance et à la droiture qui constitue selon lui [Orwell] l’indispensable infrastructure morale de toute société juste. » Ou, plus loin : « Mixte, historiquement constitué, de civilités traditionnelles et de dispositions modernes qui ont jusqu’ici permis de neutraliser une grande partie de l’horreur économique. »

      Impasse Adam Smith (2002) : « L’une des ressources principales dont dispose encore le peuple d’en bas (comme le nommait déjà Jack London) pour avoir une chance d’abolir un jour les privilèges de classe […] et d’édifier une société d’individus libres et égaux, reposant autant qu’il est possible sur le don, l’entraide et la civilité. » Ou, plus loin : « Vertus quotidiennes des gens ordinaires. »

      Orwell éducateur (2003) : Michéa rapproche la common decency d’une sentence de Spinoza, visant à mettre en avant la « pratique effective de la « justice et de la charité » » — à condition d’entendre le terme de charité comme l’esprit du don.

      L’Empire du moindre mal (2007) : « Valeurs partagées et solidarité collective effectivement pratiquée. »

      La double pensée (2008) : « Vertus humaines élémentaires que sont, par exemple, la loyauté, l’honnêteté, la bienveillance ou la générosité. Or ces vertus, qui s’enracinent depuis des millénaires dans ce que Mauss nommait la logique du don, ne sauraient être confondues avec les constructions métaphysiques des fanatiques du « Bien » — que ces dernières trouvent leur principe officiel dans la volonté divine, l’ordre naturel ou le sens de l’Histoire. »

      Le Complexe d’Orphée (2011) : Michéa rappelle derechef qu’elle s’oppose aux idéologies morales et aux catéchismes moralisants et puritains en tous genres. La common decency « prend clairement appui, au contraire, sur ces vertus de base que l’humanité a toujours reconnues et valorisées, et qui ont acquis, à ce titre, un statut transversal par rapport à toute construction idéologique possible. »

    • Dans un autre entretien, donné en 2013, il confirme son analyse et réfute, par avance, le réquisitoire de Lordon (« la négligence conceptuelle » de Michéa conduisant à « l’essentialisation du peuple bon », sans prendre en considération les « conditions sociales extérieures ») :

      « Évidemment, même dans les classes populaires, les comportements égoïstes peuvent exister mais, globalement, […] les rapports d’entraide existent beaucoup plus […]. Ce n’est pas que l’homme des quartiers populaires serait par nature, au sens rousseauiste du terme, un être idéal — c’est un être complexe, capable du meilleur que comme du pire —, mais il reste dans les quartiers populaires des structures de vie commune, fondées sur l’anthropologie du don, qui, même si elles sont sérieusement attaqués par la société moderne, rendent encore possible, entre voisins, des rapports d’échanges symboliques. […] Tandis que quand vous devenez riche et puissant, ma grande théorie — qui est celle de tout l’anarchisme —, c’est que la richesse et le pouvoir nous coupent de nos semblables. […] Il est beaucoup plus difficile à un homme riche et à un homme puissant de conserver ce bon sens et cette common decency, qui sont encouragés, non pas par leur nature, mais par leurs conditions d’existence ».

      Autrement dit c’est le mode de vie concret des gens (pas leur éducation « morale ») qui déterminerait en grande partie leur aptitude à cette décence. On est quand même loin de l’essentialisme.

      Et la réponse de Michéa à Corcuff (entre autre) :
      http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/020813/en-reponse-corcuff

    • Oui, dans ce même entretien il disait aussi En général quand quelqu’un vient vous demander de lui prêter votre échelle votre premier réflexe n’est pas lui dire « pour deux heures ça fera 20 euros », il y a encore cette structure.

      En février dernier dans le 19/20 de France 3 il y avait un reportage montrant un trentenaire qui utilisait le lave-linge de sa voisine, moyennant finance. Le reportage disait en substance que quantifier et monnayer l’entraide de voisinage ça devient un phénomène de société concernant la moitié des gens, et il y avait un sociologue qui qualifiait de « pratiques alternatives » "issues des militants de la décroissance" cette insertion de la valeur argent dans les rapports de voisinages, entre gens pourtant ni riches ni puissants.

      Les structures de vie commune dont parle Michéa, pour le coup elles étaient loin.
      J’avais même l’impression que cet aspect objectivé et monnayé de l’entraide ne choquait personne, que tout le monde autant dans les interviewés que dans l’équipe de journalistes trouvait ça normal, et n’envisageait même pas un autre mode de s’échanger des services, qui ne fasse pas l’objet d’une comptabilité.

    • Il est vrai que Frédéric Lordon a réussi le tour de force de dénoncer la « faiblesse conceptuelle » de ma théorie de la common decency tout en dissimulant constamment à ses lecteurs (et cela, pendant onze pages !) ce qui en constituait justement le pilier central, à savoir l’usage que je fais de l’œuvre de Marcel Mauss et de ses héritiers (Serge Latouche, Alain Caillé, Philippe Chanial, Paul Jorion, Jacques Godbout, etc.) afin d’en déduire une interprétation moderne et socialiste.

      Et tout à fait d’accord @koldobika, pour les liens non marchands, poussés à devenir de plus en plus comptables. Je me suis accroché là-dessus avec père et sœur pas plus tard qu’il y a deux jours, à propos du covoiturage et du stop.

    • Moi ça dépend des fois. Je suis pas fan de l’idéalisation du don contre-don. Mais concernant par ex. le co-voiturage, quand je vais loin avec une autre personne et qu’on a prévu a l’avance, on partage les frais, et ça me semble normal.
      D’autres fois, je fais un peu moins de trajet (mais quand même ça p.ê 1h), mais les personnes qui m’ammène savent que j’ai peu d’argent, et que elles, elles ont un salaire correct (pas gros, juste le smic ou au-dessus) et elle ne me font pas payer.

    • Je suis globalement d’accord avec toi. :)

      Je pense que moi aussi j’ai des choses à redire sur plusieurs points abordés par Michéa, mais pas ceux sur lesquels les critiques portent en ce moment.

      La seule critique vraiment intéressante (et bienveillante) que j’avais lu, c’était celle d’Anselm Jappe (que Michéa a remercié récemment, il me semble, pour lui avoir fait découvrir Robert Kurz).

      Pour la critique du DIY « à tout prix » je te suis à 100%, et pour ce qui est des SEL, ce que tu dis rejoins le numéro 2 de Sortir de l’économie (@bug_in y a participé je crois, je ne sais plus :D) où se trouve un article sur le même thème.

      Bref, c’est bien de temps en temps de trouver des gens avec lesquels on est d’accord. :)

    • @aude_v ça tombe le même weekend qu’Alternatiba http://www.bizimugi.eu/fr/alternatiba/programme-complet, dommage pour ceux qui auraient aimé être aux deux.
      Pour ce qui est des SEL, je pense que leur fonctionnement est plus lié à la culture des gens y prenant part qu’à leurs règles formelles. Dans celui que je connais un peu ça peut évoluer vite vers des spirales de don où personne ne fait strictement gaffe aux équivalences entre ce qui est donné et reçu, ni au fait de toujours recevoir quelque-chose en échange de ce qu’on laisse.