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  • RetroNews ou la logique du Premium appliquée au domaine public – – S.I.Lex –

    Ce texte est un « must read ». Déjà signalé par Silvae mais je le laisse quand même

    http://scinfolex.com/2016/04/03/retronews-ou-la-logique-du-premium-appliquee-au-domaine-public

    En ne publiant pas d’elle-même en ligne les accords signés avec la société Immanens, la BnF viole de surcroît ouvertement la loi Valter adoptée à la fin de l’année dernière, qui impose noir sur blanc cette obligation aux établissements culturels recourant aux partenariats Public-Privé de numérisation.

    La Bibliothèque Nationale de France (ou plus exactement sa filiale commerciale BnF-Partenariats) a lancé la semaine dernière un nouveau service intitulé RetroNews donnant accès à 50 titres de presse numérisés pour un total de 3 millions de pages. Les premiers journaux retenus correspondent à des titres d’information générale, publiés entre 1631 et 1945, et appartiennent donc tous au domaine public.

    Ce site, distinct de la bibliothèque numérique Gallica déjà très riche en matière de presse, s’inscrit dans le cadre d’un nouveau Partenariat Public-Privé, conclu cette fois avec la société Immanens, « société française [qui] développe des technologies innovantes dans les métiers de l’information électronique« . Pour rappel, la BnF s’est lancée depuis 2013 dans une politique de partenariats de numérisation avec des sociétés privées, dans le cadre d’un programme des Investissements d’Avenir. Le principe est que le partenaire privé participe au financement de la numérisation, en échange d’une exclusivité commerciale susceptible de varier dans sa nature et dans sa durée.

    Le partenariat avec Proquest notamment, impliquait que cette société obtiendrait une exclusivité de 10 ans pour commercialiser un corpus de 70 000 ouvrages sous la forme d’abonnements à une base de données, sans accès gratuit sur Internet. Nous avions été plusieurs à critiquer là une forme de « privatisation » ou « d’expropriation du domaine public« , à laquelle il était inacceptable qu’un établissement public comme la BnF se livre.

    #biens_publics #domaine_publique #archives #open_sources #bibliothèque #accès_gratuit #connaissance #savoir

  • Partenariat BnF/Apple : des questions en suspens, mais pas d’enclosure | SavoirsCom1
    http://www.savoirscom1.info/2015/12/partenariat-bnfapple-des-questions-en-suspens-mais-pas-denclosure

    BnF Partenariats, filiale de droit privé de la Bibliothèque nationale de France, a annoncé la semaine dernière la conclusion d’un partenariat avec Apple portant sur la commercialisation de 10 000 eBooks en exclusivité sur l’ibooks Store. Ces titres sont issus de la numérisation d’ouvrages du XIXème siècle et correspondent donc à des œuvres du domaine public.

  • Liber, libri, m. : livre : Pierre Ronsard
    http://liber-libri.blogspot.fr/2014/09/pierre-ronsard.html?m=1

    Vous le savez sans doute, la BnF a mis en vente un certain nombre de livres électroniques dans le cadre de sa filiale BnF-partenariats. Ceux-ci sont disponibles à moins de deux euros sur les grandes plate-formes d’achat, Fnac, Amazon, iTunes et j’en passe.

    J’ai beaucoup d’interrogations sur le fait qu’une bibliothèque, dont la mission première est de donner accès à l’information, vende des ouvrages, qui est plus est du domaine public. C’est une somme modique, me direz-vous, qu’importe, c’est une petite somme qui peut rebuter ceux qui sont les plus fragiles et à ce titre elle me pose problème. Relisez à ce sujet la remarquable tribune d’Hervé Le Crosnier et le billet d’Aldus, ainsi que le communiqué de Savoirs com1.

    Les ouvrages publiés par BnF-partenariats sont tous issus d’oeuvres du domaine public. En parcourant la liste, j’ai repéré un volume d’Oeuvres choisies de Ronsard, qui est l’auteur sur lequel j’ai travaillé dans mes jeunes années. Difficile pour moi de résister à une nouvelle édition du poète vendômois, j’ai donc acheté l’epub Oeuvres choisies.

    Le communiqué de la BnF s’ouvre ainsi "BnF-Partenariats, la filiale de la BnF, lance BnF collection ebooks, une collection de livres numériques de référence publiée en haute qualité éditoriale au format epub”. Il est dit aussi que les epub mis en ligne sont le "fruit d’un méticuleux travail de sélection".

    #BNF #ebooks #domainepublic

  • Diffusion de la culture et valorisation du domaine public

    Hervé Le Crosnier
    Caen, le 12 septembre 2014

    Une nouvelle collection de livres numériques constituée à partir d’œuvres appartenant au domaine public vient de paraître sous l’intitulé « BnF collection ebooks ». Cette collection est le produit de la filiale de droit privé de la Bibliothèque nationale de France dénommée « BnF Partenariat » qui veut constituer des « offres numériques à partir des œuvres conservées par la BnF et leur valorisation commerciale ». Une confusion des rôles respectifs des bibliothèques et des éditeurs... qui affaiblit autant les missions des bibliothèques auprès du public que la place de l’édition dans la réhabilitation des œuvres du passé. En toile de fond une interprétation erronée de ce que signifie valoriser le domaine public.

    Les bibliothèques ont des missions qui les conduisent à privilégier le libre accès à tous les documents qu’elles possèdent, avec comme seule limite leurs budgets et la conservation des documents rares et précieux. Dans ce cadre, le numérique est un allié majeur pour la diffusion des ouvrages afin de répondre aux attentes des lecteurs d’aujourd’hui. Une autre de leurs missions consiste à organiser les œuvres de façon à ne pas trier, favoriser, modifier les classements pour quelque raison que ce soit, ni idéologique, ni financière, ni au nom d’un « bon goût » quelconque. Elles doivent offrir à chaque œuvre des chances égales de trouver un public intéressé en fonction de ses centres d’intérêt. Une valeur centrale quand les moteurs de recherche ou les médias sociaux privés organisent l’accès en fonction d’algorithmes opaques.

    Pour leur part, les éditeurs ont, notamment vis-à-vis du domaine public, une approche totalement différente. Ils doivent au contraire sélectionner quelques œuvres qu’ils seront en mesure de diffuser auprès de leur public, dont ils pourront gérer la promotion, et qu’ils vont adapter aux attentes actuelles en matière de présentation, de typographie, de format... La qualité des éditions ne se mesure pas au nombre de documents rendus disponibles, mais à l’appareil critique, aux illustrations, à la qualité ortho-typographique.

    Il s’agit là de deux missions, tout aussi importantes l’une que l’autre, mais différentes dans leurs objectifs, dans le type de travail et la relation au public. Une bibliothèque doit respecter les règles professionnelles d’équilibre entre les œuvres, les courants de pensée, les époques... quand l’éditeur peut à loisir privilégier une ligne éditoriale, sélectionner en fonction de ce qu’il espère être les attentes de son public. La question du prix est une conséquence de cette distinction fondamentale. Les bibliothèques ont une mission pour laquelle les contribuables payent déjà : offrir à tous un accès libre à tous les documents... dans la mesure de ce que leur budget peut leur permettre de proposer. La gratuité de l’accès pour le public adhérent à une bibliothèque est une conséquence de cette mission. L’éditeur pour sa part a un objectif économique. Il va donc adapter sa sélection, constituer des séries, organiser la promotion dans ce cadre. Car n’oublions pas que, même si l’œuvre appartient au domaine public, ce que nous attendons d’un éditeur, c’est qu’il nous la présente de façon la plus pertinente et agréable possible, avec l’appareil critique, les notes et les préfaces, la mise en page typographique et la mise en contexte culturelle. C’est pour cela que nous lui faisons confiance et sommes prêts à acheter les livres, imprimés ou numériques, qu’il met sur le marché.

    Qu’une collection éditoriale puisse se prévaloir de l’étiquette « Bibliothèque nationale de France » entraîne dès lors une grande confusion, qui est néfaste tout autant aux bibliothèques et à leurs missions de service public qu’aux éditeurs et leur travail de réhabilitation et de promotion.

    Pour les bibliothèques, cela va entraîner la confusion entre les opérations de numérisation, qui sont une manière de favoriser l’accès aux œuvres dans le cadre numérique qui est le nôtre, et l’édition/sélection en fonction d’un marché supposé. La formation de bibliothécaire insiste sur le fait que ce n’est pas au bibliothécaire de choisir, mais à l’éditeur. Le bibliothécaire enregistre les tendances d’une époque en suivant l’actualité de l’édition, et organise un équilibre parmi les œuvres qui forment cette tendance en fonction de son budget, forcément limité. Valider un travail culturel par un choix éditorial relève d’une autre fonction. Cette confusion va également affaiblir les bibliothèques, notamment dans les municipalités qui ne vont pas pouvoir consacrer les budgets équivalents à la BnF pour numériser des fonds locaux ou spécifiques. Faire croire qu’une opération de numérisation ne serait valorisée que par l’édition, qui plus est devant être rentable, met en danger les rapports des bibliothèques avec leurs bailleurs de fonds. Plus philosophiquement, quand une bibliothèque devient éditrice d’œuvres rangées dans ses collections (à la différence de ses catalogues ou expositions), elle passe de gestionnaire du domaine public au service de tous, vers une logique de « propriétaire » du domaine public dont elle décide l’usage. Si elle est en phase avec la logique managériale qui domine notre époque, cette approche n’est pas celle des bibliothécaires. La notion de réseau des bibliothèques, chacun participant à un travail collectif qui le dépasse pour offrir la collection la plus large et efficace (organisation, numérisation, transcodage et catalogage) est un des fondamentaux de la profession.

    Pour les éditeurs, qu’une bibliothèque prestigieuse comme la BnF puisse se lancer sur leur marché, va dévaloriser leur travail de sélection et promotion. Au-delà du conflit d’intérêt, c’est la confusion entre la publication (mettre à disposition du public) et l’édition (travailler une œuvre pour que le public la demande et soit satisfait par les conditions de lecture qui lui sont proposées) qui va nuire à l’image globale de la profession. Un éditeur est libre de choisir son modèle économique, de fixer les prix. Dans le monde numérique il peut choisir les diffuseurs avec lesquels il va travailler. Il peut travailler avec le format propriétaire d’Amazon Kindle, ou s’y opposer pour des raisons commerciales ; il peut décider de ne pas répondre aux désirs des lecteurs et placer des DRM dans ses livres... La sanction éventuelle portera sur l’étendue de son marché et son équilibre budgétaire. Il peut même compenser ces freins à la lecture et au partage par une qualité qui incitera malgré tout le lecteur à passer outre.

    Il en va tout différemment des bibliothèques. L’interopérabilité, la capacité à être lu en dehors de toute affiliation à une plateforme, le respect de la liberté du lecteur sont dans la logique des missions définies plus haut. Or la collection de la BnF est diffusée avec des DRM (fnac, chapitre.com,...) ou uniquement en format Kindle sur Amazon. Ce faisant, la BnF, en tant que bibliothèque publique, se trouve participer à un jeu de tric-trac entre plateformes qui dépasse largement ses attributions. Peut-on, quand on est une bibliothèque publique, exiger du lecteur qu’il possède Adobe Digital Edition, ce qui exclut d’emblée tous les utilisateurs de Linux ? Pour acheter les livres numérique de la collection de la BnF, il faut offrir à la Fnac et aux autres plateformes choisies par BnF-Partenariat des données personnelles, notamment les très utiles adresse et date de naissance... Est-ce le rôle d’une bibliothèque, qui plus est nationale, de permettre à ces plateformes d’enregistrer toutes ces informations privées pour les revendre sur le grand marché des mégadonnées ? Au contraire, les bibliothèques, et toute leur histoire le démontre, ont devoir de protéger leurs lecteurs, de garantir l’anonymat des lectures.

    Une autre question, souvent soulevée par les commentateurs de cette opération de la BnF, est celle de la gratuité du domaine public. Soyons réalistes : heureusement que depuis des décennies les éditeurs vendent les œuvres du domaine public... sinon nous aurions perdu la connaissance de tous ces travaux essentiels. La question du prix est celle du marché, et pour la culture du consentement à payer des lecteurs. Une même œuvre du domaine public va être vendue peu cher en édition de poche, un peu plus avec un appareil critique et très cher quand elle est imprimée sur papier bible et reliée sous couverture pleine peau dorée à l’or fin. Chaque type d’édition a toujours trouvé son public. Ce n’est pas parce qu’il va exister des éditions gratuites en format numérique que cela va changer. Simplement, les éditeurs qui voudront faire payer des œuvres du domaine public vont devoir rivaliser en qualité, en appareil critique, en illustration, en interopérabilité... Au final, les éditeurs compétents vont tirer leur épingle du jeu, et la concurrence va faire baisser les prix, au grand bénéfice du public, de la lecture et de la réhabilitation des œuvres du passé.

    Dans ce cadre, les bibliothèques ont une nouvelle mission pour favoriser cette démocratisation de l’accès aux œuvres du domaine public : fournir les sources qui vont permettre à la fois les diffusions gratuites et les travaux éditoriaux de qualité. La numérisation, puis la reconnaissance optique de caractère permettent d’obtenir, par l’usage d’un système informatique (qui ne produit donc pas de « droits d’auteur » nouveaux), un texte source fiable environ à 95%, voire plus. Ce texte source permet la recherche documentaire, mais pourrait également servir de base au travail de relecture ortho-typographique et aux corrections qui sont le propre du métier d’éditeur. Il convient pour les bibliothèques de rendre ces textes source disponibles à tous, sans restriction ni négociation. Ces textes source sont une nécessité pour les bibliothèques, car ils permettent de réaliser leur mission première qui est d’organiser les ouvrages dont elles ont la garde et d’en offrir l’accès le plus adapté à l’époque (aujourd’hui, accès en réseau, recherche documentaire, accès au texte et accès à la copie image de l’original). Or malheureusement, de nombreuses bibliothèques, et au premier chef la BnF, ajoutent des négociations de droit pour celui qui veut utiliser ces textes source. Ce qui va limiter la possibilité des éditeurs à choisir les œuvres, et faire leur travail spécifique... mais aussi ce qui va limiter, et c’est plus grave encore, la capacité des lecteurs actifs à travailler ces sources pour offrir aux autres les œuvres qui leur plaisent. Or nous avons bien vu, au travers du projet Gutenberg ou de Wikipédia, que les lecteurs altruistes sont prêts à passer une partie de leur temps et de leur énergie à construire ces ensembles de connaissance et de culture et à les offrir en partage. Cette énergie des communs de la connaissance devrait trouver dans les bibliothèques leurs meilleurs alliés... or c’est le contraire que vient montrer cette collection de la BnF. Cela lance un très mauvais signal envers les lecteurs avides de partage, de réhabilitation, désireux de promouvoir des livres qu’ils ont aimé. Au final, cette limitation de l’usage d’un travail financé par la puissance publique est contraire à la véritable valorisation du domaine public. Si l’on en croit le rapport de Bruno Ory-Lavollée publié par le Ministère de la Culture, la valorisation du patrimoine passe avant tout par l’usage multiplié des œuvres gérées par les bibliothèques ou les musées. Or nous avons là des bibliothèques publiques qui mènent une politique contraire.

    Face à ces constats, ils convient de proposer des solutions qui puissent à la fois favoriser les bibliothèques (toutes les bibliothèques), les éditeurs et cette pulsion contributive des individus dont on peut constater chaque jour l’existence.

    La première nécessité est de dissoudre BnF-Partenariat, la filiale de la BnF chargée de la valorisation marchande. Le CNRS a longtemps cru qu’une structure marchande comme INIST-Diffusion allait pouvoir valoriser la recherche... jusqu’à ce que l’an passé un audit et une mobilisation montrent qu’il n’en était rien, que les revenus de ce genre de filiale étaient dérisoires en regard des missions des organismes concernés. La décision la plus sage a été prise de recentrer l’INIST comme appui à la recherche du CNRS et d’abandonner la filiale privée. C’est fort de cette expérience que le Ministère de la Culture devrait se prononcer pour que la BnF se recentre sur ses missions et abandonne cet outil de confusion qu’est BnF-Partenariat. Ajoutons, qu’au même titre que ce qui s’est passé au CNRS, avoir une direction unique pour l’organisme public et la filiale privée n’est pas sain.

    Ensuite, il convient de faire comprendre que le nombre ne fait rien à l’affaire. Les bibliothèques vont numériser en fonction des ressources allouées, mais ce n’est qu’une première étape de la revalorisation du domaine public. Il faut que parmi cette masse on puisse sélectionner et promouvoir certains travaux. Ce rôle peut être celui d’éditeur, d’acteurs individuels, ou d’autres structures... L’accès libre aux données source (notamment la version texte OCR) est un principe qui va favoriser l’usage culturel des ressources. Et c’est bien cela qui est l’objectif. Changer les licences d’usage, faire que les travaux techniques sur les œuvres du domaine public n’ajoutent aucune nouvelle couche de restriction est essentiel pour étendre la culture et la langue française dans le monde entier.

    Enfin, rappeler avec force et inscrire dans la loi que les institutions publiques en charge de la conservation du patrimoine et du domaine public en sont simplement les gestionnaires au profit de tous. Le fonctionnement coopératif des bibliothèques, et dans ce cadre le rôle d’animation et d’entraînement des plus grandes d’entre-elles, est une valeur centrale des missions de l’accès universel aux publications. Ces valeurs doivent être rappelées en ce moment de passage au numérique, pour ne pas nous laisser aveugler par la technique ou par les promesses des industries du numériques qui calculent en données et oublient la valeur collective du domaine public et du partage de la culture.

    Hervé Le Crosnier
    Caen, le 12 septembre 2014
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