company:hewlett-packard

  • *À travers des salles sans fin

    Wolfgang Streeck
    Behemoth : Une histoire de l’usine et de la construction du monde moderne de Joshua Freeman
    Norton, 448 pages, £ 12.99, mars, ISBN 978 0 393 35662 5
    LRB Vol 41 n°3 - 7 feb 2019

    C’était au début des années 1960, je pense que notre classe d’un gymnase d’une petite ville a fait un voyage dans le sud-ouest de l’Allemagne, accompagnée de plusieurs enseignants. Nous avons visité Heidelberg et Schwetzingen et des endroits similaires sans vraiment les voir ; Les garçons de 17 ans ont d’autres préoccupations. Mais nous sommes aussi allés à Rüsselsheim, près de Francfort, pour visiter l’usine de voitures Opel. Je n’avais jamais imaginé qu’un tel lieu puisse exister : le bruit assourdissant, la saleté, la chaleur et au milieu de tout cela, des personnes effectuant stoïquement de petites opérations prédéfinies sur les voitures en construction qui étaient lentement mais sans relâche passer devant leurs postes de travail. Le point culminant de la visite a été la fonderie du sous-sol - qui, comme je l’apprends maintenant du livre merveilleux de Joshua Freeman, était l’endroit habituel pour les fonderies dans les usines automobiles de cette époque. Ici, là où la chaleur semblait insupportable et qu’il n’y avait presque pas de lumière, des hommes à moitié nus transportaient le métal en fusion, chauffé au rouge, du four aux postes de coulée, dans de petits seaux remplis à la limite du poids. Formé aux classiques plutôt qu’au monde réel, j’ai eu le sentiment d’entrer dans l’atelier d’Héphaïstos. Avec le recul, je pense que c’est ce jour-là que j’ai décidé d’étudier la sociologie, ce qui, à mon avis, pouvait alors aider d’autres personnes à améliorer la vie de ceux qui étaient esclaves dans les sous-sols des usines du monde entier.

    Plus tard, quand j’étais jeune spécialiste en sciences sociales, l’industrie automobile est restée une obsession. Dans la mesure du possible, j’ai inclus la construction automobile dans mes travaux empiriques, et j’ai pris le soin de visiter les usines pour me rappeler comment elles étaient et reconstituer mon stock d’images imaginaires de ce que j’essayais, souvent en vain, de convaincre mes collègues. Cathédrales gothiques du 20ème siècle. C’était incroyable à quel point ils changeaient et à quelle vitesse. À chaque visite, il y avait moins de bruit, de saleté et de poussière ; beaucoup meilleur air ; pas de soudure à la main ou en hauteur ; ateliers de peinture automatique hermétiquement fermés ; soulever des objets lourds par des machines et plus tard par des robots. Et au stade de l’assemblage final, c’étaient maintenant les travailleurs qui étaient assis sur des plates-formes mobiles qui les transportaient avec les portes ou les sièges ou tout ce qui leur convenait. Ma dernière visite à l’usine Volkswagen de Wolfsburg, il y a plus de trente ans, s’est terminée comme à l’accoutumée lors du montage final, où les seuls sons entendus étaient de la musique douce et le premier tir des moteurs à la fin de la ligne lorsque les nouvelles voitures ont été chassés. Les ouvriers étaient principalement des femmes, vêtues de jeans et de t-shirts. Avec un grand sourire et le chauvinisme masculin qui fait peut-être toujours partie de la culture de la construction automobile, mon guide, issu du comité d’entreprise tout puissant, a déclaré que je regardais le « marché du mariage de Wolfsburg » : « Les gars passent ici quand ils ont une pause pour voir ce qui est proposé. habillé en jeans et t-shirts. Avec un grand sourire et le chauvinisme masculin qui fait peut-être toujours partie de la culture de la construction automobile, mon guide, issu du comité d’entreprise tout puissant, a déclaré que je regardais le « marché du mariage de Wolfsburg » : « Les gars passent ici quand ils ont une pause pour voir ce qui est proposé. habillé en jeans et t-shirts. Avec un grand sourire et le chauvinisme masculin qui fait peut-être toujours partie de la culture de la construction automobile, mon guide, issu du comité d’entreprise tout puissant, a déclaré que je regardais le « marché du mariage de Wolfsburg » : « Les gars passent ici quand ils ont une pause pour voir ce qui est proposé.

    Nombre des changements résultent des progrès technologiques, ainsi que des contraintes du marché du travail - en particulier de la nécessité de féminiser la main-d’œuvre. Mais la politique et les relations industrielles comptaient au moins autant. Dans les années 1970, après la vague de grèves de 1968 et 1969, les gouvernements, les directions et les syndicats des pays manufacturiers européens ont commencé à prendre au sérieux les demandes d’humanisation du travail industriel. En Allemagne, sous la direction de Brandt et Schmidt, une campagne nationale de recherche et développement, dirigée par un département spécial du ministère de la Recherche et de la Technologie, a largement financé des projets universitaires et industriels dans les domaines de l’ingénierie, du management et de la sociologie industrielle. L’objectif était de mettre fin au taylorisme et certains travailleurs et leurs représentants ont acquis le droit, et pas seulement d’être informés et consultés,

    Freeman, dont l’histoire est centrée sur le Royaume-Uni, les États-Unis, l’URSS et la Chine, contourne en grande partie le continent européen, ce qui est regrettable étant donné le succès durable de la fabrication dans des pays comme l’Allemagne et la Suède. Il est certain que la participation des travailleurs et l’antitorayisme avaient leurs inconvénients, de même que la cogestion des travailleurs. En Suède, les réformes ont abouti à des méthodes de production d’avant-garde chez Volvo et Saab, qui étaient non seulement chères, mais étaient également détestées par les travailleurs qu’elles étaient supposées bénéficier : un "travail de groupe" sur des "îlots de production", par exemple, où des voitures étaient placées. quasiment de rien par une équipe et les travailleurs ont été encouragés à signer le produit fini. Saabs et Volvos ont été pendant un temps les voitures préférées des intellectuels européens, car on les croyait fabriquées

    En Allemagne, dans l’intervalle, la coopération entre la direction et le comité d’entreprise chez Volkswagen s’est peu à peu transformée en collusion et en cooptation. Les scandales comprenaient des paiements de plusieurs millions d’euros au président du comité d’entreprise et à sa petite amie, autorisés par le directeur du personnel de l’entreprise, Peter Hartz. (En 2002, alors qu’il était chez VW, le chancelier Gerhard Schröder a nommé Hartz au poste de président d’une commission sur le marché du travail, ce qui a finalement débouché sur les réformes « Hartz-IV », qui ont réduit les prestations pour les chômeurs de longue durée.) Cela importait plus à la presse qu’au magasin et, quels que soient les programmes élaborés par la direction, les syndicats et les comités d’entreprise, les travailleurs appréciaient au moins leurs nouvelles conditions de travail.

    Le livre de Freeman raconte une histoire longue et élaborée qui commence en Angleterre à la fin du 18e siècle, puis aux États-Unis - du textile à l’acier, en passant par l’automobile - puis à la victoire mondiale du taylorisme et du fordisme dans la première moitié du 20e siècle . Cette victoire s’étendit à l’Union soviétique sous Staline et atteignit son apogée dans la production de masse de la Seconde Guerre mondiale. La guerre froide s’ensuit, puis la montée de la Chine et sa propre version du capitalisme. Tout au long de son récit, Freeman exprime une profonde ambivalence vis-à-vis de l’industrialisation moderne : d’une part, expulsion de la terre, prolétarisation, exploitation, répression et discipline cruelle ; d’autre part, émancipation par rapport aux modes de vie traditionnels, nouvelles solidarités, syndicats capables de lutter pour des salaires plus élevés et de meilleures conditions,

    Freeman ne prête pas attention à l’organisation interne des usines, mais également à leurs relations avec la société et à leurs effets. Le fait que les usines nécessitent des schémas d’établissement particuliers - nouvelles villes ou grands logements d’entreprise - ne figure pas toujours en bonne place dans les comptes de l’industrialisation. La planification de l’arrivée soudaine d’un grand nombre de personnes dans un espace auparavant peu peuplé était attrayante pour les urbanistes, avec leurs visions d’une nouvelle société et d’un nouvel ouvrier industriel ayant besoin de divertissement, d’éducation et de culture : un contraste frappant avec la vie dans les villages où la première génération de travailleurs industriels ont été recrutés. Les architectes ont souvent conçu de nouveaux bâtiments d’usines, non seulement pour répondre à des besoins utilitaires, mais également pour faire des déclarations esthétiques sur la valeur de ce qu’ils produisaient. Architecture d’usine,

    Le récit de Freeman sur « la construction du monde moderne » nous ouvre les yeux sur le degré de fertilisation croisée internationale, en particulier dans les années 1930 et 1940, lorsque la fabrication à grande échelle commençait à prendre toute son ampleur. Henry Ford était une icône mondiale qui comptait Hitler parmi ses admirateurs. Dès son arrivée au pouvoir, Hitler s’était efforcé, mais en vain, de faire abandonner aux constructeurs automobiles allemands leurs méthodes de production à petite échelle au profit de la production en série d’une voiture simple "pour le peuple" - une Volkswagen.L’exemple de Ford a inspiré Hitler à installer une usine automobile sur son modèle dans un endroit qui sera appelé plus tard Wolfsburg (il existait déjà deux usines beaucoup plus petites de Ford et de General Motors en Allemagne, à Cologne et à Rüsselsheim), qui auraient été importées de Dearborn, Michigan. En 1938, Hitler décerna à Ford la plus haute décoration du régime nazi réservée aux étrangers, la grande croix de l’ordre allemand de l’aigle.

    Un autre trait inhabituel de l’histoire de Freeman est l’espace qu’il consacre à la représentation artistique de l’usine, à commencer par le futurisme. La photographie et la cinématographie, les toutes dernières branches de la production artistique, reproductibles en tant que produits de masse, ont été particulièrement importantes. Photographes et cinéastes ont bien documenté la corvée de la production en série et la misère de l’exploitation, mais ils étaient également fascinés par la promesse de progrès que représentent les nouvelles voitures sortant du tapis roulant, les turbines et les moteurs d’avions polis, design avant-gardiste, comme le siège social Johnson Wax de Frank Lloyd Wright à Racine, Wisconsin.

    Une question récurrente dans la longue histoire de Freeman est de savoir si la souffrance des travailleurs au cours des premières années d’industrialisation était vraiment nécessaire. Ce débat commence par la discussion d’Adam Smith sur la division du travail, l’augmentation de la productivité et la négation de l’humanité qu’elle entraîne - de sorte que ses avantages sont annulés à un moment donné par les dommages causés aux capacités mentales humaines et à l’estime de soi. Les capitalistes ont insisté sur le fait que le gaspillage de quelques générations dans l’enfer des usines de Manchester était un sacrifice nécessaire pour assurer un meilleur avenir à tous. Mais où finit le sacrifice si l’impératif du capitalisme est l’accumulation infinie de capital ? Ce n’était pas vraiment un problème sous le socialisme : Staline et Trotsky considéraient tous les deux que l’utilisation de la force brute était indispensable à une version socialiste de l’accumulation primitive. une confiance sans faille dans le taylorisme et une discipline de type militaire pour faire avancer la création d’une classe ouvrière socialiste. L’avènement du communisme, disait-on dans le récit, signifierait la libération de la société du travail par le biais d’une combinaison de capital socialisé et de pouvoir soviétique. Les sociaux-démocrates européens, pour leur part, ont opté pour la libérationen ne de travail : ils se sont installés, en d’ autres termes, pour moins de contrôle de gestion, les possibilités pour les travailleurs à élargir leurs rôles, des chaînes plus courtes de commandement, et pour tirer profit de l’ augmentation de la productivité pour ralentir le rythme de travail.

    Sans surprise, le conflit entre le travail et le capital - ou la direction - sur l’organisation et la discipline des usines est un thème prédominant dans le récit de Freeman. Une attention particulière est accordée à la lutte pour la division du produit résultant de la productivité supérieure résultant de la coopération dans la production à grande échelle. Le travail en usine est un travail d’équipe : il est impossible de concevoir une formule simple pour diviser ses avantages, ouvrant ainsi la porte à la négociation entre des parties ayant des intérêts divergents. Ici, un paramètre crucial est le pouvoir relatif, tel qu’il est influencé par et affecté par les institutions nationales et locales chargées des relations professionnelles. Le pouvoir façonne fondamentalement l’organisation de la production. Par exemple, Freeman raconte qu’aux États-Unis après la guerre, les usines géantes ont commencé à se démoder et ont été remplacées par des sites de production beaucoup plus petits et très dispersés géographiquement. Les nouvelles technologies de transport et de coordination ont contribué à rendre cela possible, de même que la désintégration verticale et la livraison des pièces juste à temps. Selon Freeman, toutefois, la force motrice était la réaction de la direction face au pouvoir que les travailleurs organisés avaient été autorisés à exploiter dans le cadre du New Deal, le plus efficacement possible dans les grandes usines. Pour éviter des concessions coûteuses à leur main-d’œuvre nouvellement habilitée, les entreprises se sont réinstallées dans de nouvelles installations, là où il n’y avait pas de tradition de syndicalisation. Dans ce cas, la « gestion des ressources humaines » pourrait être en mesure d’examiner cent mille demandes d’emploi pour sélectionner 1 500 personnes. Elles pourraient ainsi s’assurer que les travailleurs qu’ils ont embauchés sont antisyndicaux,

    De son côté, Freeman note que l’abandon des grandes usines n’était pas universel. Cela n’a pas été le cas dans les pays et les entreprises dotés d’une démocratie industrielle efficace, où les représentants des travailleurs avaient le droit de veto sur la délocalisation des emplois, garantissant en retour la paix industrielle. Un exemple parfait est, encore une fois, l’usine principale de Volkswagen à Wolfsburg, où l’effectif déjà important de 44 000 personnes en 2007 est passé à 62 000 personnes dix ans plus tard (un peu moins que ce que prétend Freeman). Cela a été possible principalement parce que le syndicat a pu obtenir des garanties d’investissement et de maintien de l’emploi dans l’usine, en échange de ses services dans la gestion du mécontentement des travailleurs. Un autre facteur est que l’état de la Basse-Saxe, où se trouve Wolfsburg, est un actionnaire privilégié de Volkswagen et suffisamment puissant pour que des emplois y soient conservés.

    Bien sûr, il n’ya pas que la direction qui trouve effrayantes usines énormes ; les travailleurs peuvent aussi, surtout s’ils n’ont pas voix au chapitre. À la fin des années 1970, j’ai emmené un responsable syndical britannique visiter l’usine de Wolfsburg. Habitué aux petites usines Leyland britanniques de l’époque, condamnées, dispersées géographiquement et jamais vraiment intégrées, qui étaient ravagées par les conflits industriels et dépendaient de subventions publiques, le fonctionnaire devint de plus en plus déprimé alors que nous traversions les halls de fabrique apparemment sans fin commencé à se plaindre de l’inhumanité de serrer autant de travailleurs dans un même espace. Sa frustration a augmenté seulement après qu’il ait demandé combien de fois, en moyenne, l’usine atteignait ses objectifs de production : ses homologues allemands n’ont pas compris la question car ils ne pouvaient pas concevoir que les objectifs de production ne soient pas atteints. Le soir, autour d’une bière, il trouva un soulagement en violant leCommandement de Fawlty Towers et mention de la guerre ("À l’époque, ces hommes ne se comportaient pas") : en tant que membre d’une petite unité spéciale de marines, il avait atterri à Flensburg pour aider à arrêter Großadmiral Dönitz, un acte d’héroïsme pour lequel, À sa grande surprise, nous avons exprimé notre profonde gratitude.

    Le dernier chapitre de Freeman porte sur les « usines géantes » de l’Asie, en particulier les usines Foxconn appartenant à des Taiwanais et situées en Chine continentale. Ici aussi, les problèmes de taille sont minimisés - par le biais de la répression. En tant qu’historien, Freeman situe les relations de travail actuelles de la Chine dans le contexte de son histoire récente, en particulier la révolution culturelle, lorsque la direction était subordonnée à la volonté des masses et que la discipline d’usine était remplacée par une ardeur révolutionnaire. Il ne reste que peu de cela aujourd’hui, à moins que le régime sévère du secteur privé en forte croissance du secteur manufacturier chinois ne soit en partie compris comme une suite dialectique des catastrophes économiques et politiques des années 1960 et 1970.

    En Europe en particulier , il semble y avoir une connexion encore plus sinistre entre la politique de libération sinon de puis entravail et le nouveau « mode de production asiatique ». En tant que consommateurs satisfaits des jouets électroniques, des chaussures de course colorées et des t-shirts bon marché qui nous parviennent grâce à l’industrialisme asiatique moderne, nous avons tendance à oublier la manière dont ils sont fabriqués en Chine, au Vietnam, à Taiwan, en Indonésie, au Cambodge et au Myanmar - en usines non possédées mais utilisées par des entreprises comme Apple, Disney, Adidas et Walmart. Le Manchester infernal des débuts de l’industrialisation existe toujours, mais à la périphérie mondiale, trop loin pour les voyages scolaires. Après avoir externalisé en Asie la misère des longues heures de travail et des bas salaires, nous pouvons, en tant que consommateurs, récolter leurs bénéfices sans en supporter les coûts en tant que producteurs (en négligeant pour le moment ceux qui, dans une version ironique de la libération du travail, ont perdu leur emploi du fait ce processus).

    Une grande partie de ce que Freeman a à dire à propos de l’Asie est peut-être familière grâce aux reportages dans les médias, mais rassemblés dans un seul endroit, les informations sont vraiment bouleversantes. Une usine employant 350 000 personnes produisant des iPhones et rien d’autre ; permis de séjour pour les travailleurs migrants conçus pour les empêcher de s’organiser ; les dortoirs des travailleurs à la discipline quasi militaire quasi stricte. Ici, pas de villes du futur : seulement des barbelés, des gardes de sécurité en uniforme et des caméras de surveillance. Et les suicides : en 2010, 14 jeunes travailleurs ont été tués du toit d’une usine de Foxconn produisant des iPhones et des iPads. Freeman rapporte que Apple a réprimandé poliment Foxconn, et que Foxconn a réagi en prenant des mesures préventives pour éviter à son client le plus embarrassé,

    Pourquoi ces usines asiatiques sont-elles si grandes ? Les grandes usines impliquent que les patrons fassent de nombreux efforts pour contrôler leurs travailleurs. Selon Freeman, il ne s’agit pas d’économies d’échelle : les processus de production impliqués ne sont pas assez complexes pour cela. Plus vraisemblablement, ils répondent aux demandes de clients tels que Nike et Hewlett-Packard, pour lesquels la « flexibilité » est primordiale. Lorsque Apple a mis à disposition son iPhone 6 tant attendu disponible, il devait pouvoir vendre 13 millions d’unités au cours des trois premiers jours du téléphone sur le marché. Puisque la fraîcheur, selon Tim Cook, PDG d’Apple, est la propriété la plus importante d’un gadget moderne, il doit être possible d’apporter des modifications au design jusqu’à quelques semaines avant sa mise en vente. Ce type de production « juste à temps » nécessite d’énormes usines avec une énorme main-d’œuvre stockée, pour ainsi dire, dans des dortoirs appartenant à la société à proximité, prêt à être appelé à tout moment et à travailler 12 heures ou plus pendant plusieurs semaines d’affilée. Nulle part le sale secret de notre mode de vie prospère - la façon dont nous sommes épargnés de produire ce que nous avons été amenés à croire que nous avons besoin à des prix abordables - mis à nu plus clairement qu’ici.

    Ce n’est pas que Freeman laisse ses lecteurs sans espoir. Les salaires ont récemment augmenté en Asie, mais le taux de rotation du personnel reste extrêmement élevé, ce qui indique un degré d’insatisfaction des travailleurs qui pourrait devenir trop coûteux pour être maintenu par les employeurs. Le nombre et la taille des grèves dans les usines chinoises semblent considérables, ce qui dément l’idée du travailleur chinois soumis. Même la vie dans une usine Foxconn semble avoir eu certains des « effets civilisateurs » sur ses travailleurs qui, selon Freeman, ont toujours été associés à l’usine. En s’éloignant du village et en gagnant leur propre argent, même dans le pire des cas, les fils et les filles de paysans échappent à ce que Marx et Engels ont appelé « l’idiotie de la vie rurale ». La modernisation, malgré ses multiples mécontentements, pourrait-elle se propager de l’usine à la société chinoise,

    Freeman ne spécule pas sur ce qui pourrait suivre dans la longue histoire du travail organisé et de la production. Les « usines sataniques » de Foxconn créées à la demande, entre autres, de la plus grande entreprise capitaliste de tous les temps, constitueront une partie importante du tableau. Cependant, un type d’usine ou de quasi-usine tout à fait nouveau où le gros du capital productif n’est pas centralisé et où la discipline de l’usine est remplacée par la discipline du marché est tout aussi important. Dans le monde de la nouvelle entreprise de plate-forme - Uber, TaskRabbit, Deliveroo, ce genre de chose - ce n’est pas le capital capitaliste qui possède les moyens de production, mais l’ouvrier qualifié, une fois qu’ils ont remboursé le prêt qu’ils ont pris pour acheter leur équipement. La production est locale, proche du client, voire personnalisée. Il n’y a plus d’agglomération, pas de production, ou des travailleurs et de leurs espaces de vie. Seule la gestion est centralisée au niveau mondial. Mais, à l’instar des projets utopiques des années 1970 qui visaient à restaurer la dignité du travailleur d’usine, la direction émet désormais des conseils et non des commandes : cela aide les travailleurs à faire leur travail et sert les travailleurs au lieu de les pousser. Les travailleurs, à leur tour, travaillent quand ils veulent, et l ’« aliénation » de leur travail de leur vie, si caractéristique de l’usine de l’ère industrielle, est pour toujours une chose du passé.

    Ou alors c’est fait pour apparaître. En fait, la séparation taylorienne de la planification et de l’exécution n’est nulle part plus rigide que dans les nouvelles sociétés de plate-forme, où les outils de planification sont détenus exclusivement et incontestablement par la direction, souvent intégrée dans une société distincte. L’exécution, quant à elle, est laissée aux sous-traitants, qui sont contrôlés non seulement par des incitations matérielles, mais aussi par les dernières technologies comportementales, telles qu’incarnées par des algorithmes exclusifs stockés dans les derniers équipements, également propriétaires et télécommandés. des espaces dans la sphère de la production. Dans des cas extrêmes, la vie peut être transformée en travail sans que les travailleurs eux-mêmes en prennent conscience : les « utilisateurs » de Facebook, par exemple, produisent par inadvertance la ressource la plus importante de la plate-forme,

    Les catégories analytiques traditionnelles telles que le travail salarié ou le marché du travail atteignent ici les limites de leur utilité. Dans la gigantesque usine de services décentralisée, vous ne signez plus de contrat de travail mais bénéficiez d’une occasion de travailler en réseau social. Ce travail peut inclure ce que nous produisons pour Apple, Google, Facebook, Tinder, etc. Nous pensons que nous les « utilisons » alors qu’en réalité, nous sommes utilisés. Existe-t-il un rôle dans ce monde pour le droit du travail, pour la protection sociale, pour la protestation collective - en d’autres termes, pour la politique ? Pouvons-nous espérer le retour d’artisans indépendants, prêts à s’organiser en guildes modernes et en syndicats ressuscités, ou du système de gangs des quais ou de l’industrie aéronautique, tel qu’il existait encore il ya un demi-siècle en Grande-Bretagne et, dans une moindre mesure, les États Unis ? Ou le droit civil pourrait-il remplacer le droit du travail dans la réglementation des nouvelles usines ? Si nos sociétés considèrent toujours que leur tâche est de civiliser le monde de la production organisée, elles feraient mieux de continuer.

  • The Complicated Legacy of Stewart Brand’s “Whole Earth Catalog” | The New Yorker
    https://www.newyorker.com/news/letter-from-silicon-valley/the-complicated-legacy-of-stewart-brands-whole-earth-catalog

    At the height of the civil-rights movement and the war in Vietnam, the “Whole Earth Catalog” offered a vision for a new social order—one that eschewed institutions in favor of individual empowerment, achieved through the acquisition of skills and tools. The latter category included agricultural equipment, weaving kits, mechanical devices, books like “Kibbutz: Venture in Utopia,” and digital technologies and related theoretical texts, such as Norbert Wiener’s “Cybernetics” and the Hewlett-Packard 9100A, a programmable calculator. “We are as gods and might as well get used to it” read the first catalogue’s statement of purpose. “A realm of intimate, personal power is developing—power of the individual to conduct his own education, find his own inspiration, shape his own environment, and share his adventure with whoever is interested.”

    The communes eventually collapsed, for the usual reasons, which included poor resource management, factionalism, and financial limitations. But the “Whole Earth Catalog,” which published quarterly through 1971 and sporadically thereafter, garnered a cult following that included founders of Airbnb and Stripe and also early employees of Facebook.

    Last month, on a brisk and blindingly sunny Saturday, over a hundred alumni of the “Whole Earth Catalog” network—Merry Pranksters, communards, hippies, hackers, entrepreneurs, journalists, and futurists—gathered to celebrate the fiftieth anniversary of the publication, and, per the invitation, to come together “one last time.” The event was held at the San Francisco Art Institute, a renovated wharf warehouse with vaulted ceilings, views of Alcatraz, and the cool sterility of an empty art gallery. A number of early-Internet architects, including Larry Brilliant, Lee Felsenstein, and Ted Nelson, floated around the room. Several alumni had scribbled their well usernames onto their badges.

    A week after the reunion, Brand and I spoke over the phone, and he emphasized that he had little nostalgia for “Whole Earth.” “ ‘The Whole Earth Catalog’ is well and truly obsolete and extinct,” he said. “There’s this sort of abiding interest in it, or what it was involved in, back in the day, and so the reunion was a way for the perpetrators to get together and have a drink and piss on the grave.” Brand continued, “There’s pieces being written on the East Coast about how I’m to blame for everything,” from sexism in the back-to-the-land communes to the monopolies of Google, Amazon, and Apple. “The people who are using my name as a source of good or ill things going on in cyberspace, most of them don’t know me at all,” he said. “They’re just using a shorthand. You know, magical realism: Borges. You mention a few names so you don’t have to go down the whole list. It’s a cognitive shortcut.”

    Brand now describes himself as “post-libertarian,” a shift he attributes to a brief stint working with Jerry Brown, during his first term as California’s governor, in the nineteen-seventies, and to books like Michael Lewis’s “The Fifth Risk,” which describes the Trump Administration’s damage to vital federal agencies. “ ‘Whole Earth Catalog’ was very libertarian, but that’s because it was about people in their twenties, and everybody then was reading Robert Heinlein and asserting themselves and all that stuff,” Brand said. “We didn’t know what government did. The whole government apparatus is quite wonderful, and quite crucial. [It] makes me frantic, that it’s being taken away.” A few weeks after our conversation, Brand spoke at a conference, in Prague, hosted by the Ethereum Foundation, which supports an eponymous, open-source, blockchain-based computing platform and cryptocurrency. In his address, he apologized for over-valorizing hackers. “Frankly,” he said, “most of the real engineering was done by people with narrow ties who worked nine to five, often with federal money.”

    While antagonism between millennials and boomers is a Freudian trope, Brand’s generation will leave behind a frightening, if unintentional, inheritance. My generation, and those after us, are staring down a ravaged environment, eviscerated institutions, and the increasing erosion of democracy. In this context, the long-term view is as seductive as the apolitical, inward turn of the communards from the nineteen-sixties. What a luxury it is to be released from politics––to picture it all panning out.

    #Stewart_Brand #Utopie_numérique

  • Le conseil de la ville de Dublin (capitale de l’Irlande) a voté une motion BDS, de boycott de HP, et une demande au gouvernement irlandais d’expulser l’ambassadeur israélien !

    The Ireland-Palestine Solidarity Campaign (IPSC) tonight warmly welcomed the vote by Dublin City Council to formally support and endorse the Palestinian-led Boycott, Divestment and Sanctions (BDS) movement for freedom, justice and equality. The motion, voted for tonight by a majority of Councillors, also commits the council to discontinue all business contracts it has with Hewlett-Packard (HP) and its spin-off DXC Technology due to these companies’ provision and operation of “much of the technology infrastructure that Israel uses to maintain its system of apartheid and settler colonialism over the Palestinian people.” In a separate motion, the council voted to call on the Irish government to expel the Israeli Ambassador.

    http://www.ipsc.ie/bds/dublin-city-council-votes-to-support-palestinian-bds-movement-discontinue-hp-co

    Dublin devient la première capitale européenne à soutenir le BDS en faveur des droits des Palestiniens et rejette Hewlett Packard pour complicité avec l’apartheid israélien
    Palestinian Boycott, Divestment and Sanctions National Committee (BNC), le 11 avril 2018
    https://www.bdsfrance.org/dublin-devient-la-premiere-capitale-europeenne-a-soutenir-le-bds-en-faveu

    #Palestine #Irlande #Dublin #Sanctions #BDS #Boycott #HP

  • Emily Leproust, orfèvre de l’ADN

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2017/09/03/emily-leproust-orfevre-de-l-adn_5180342_1650684.html

    D’origine française et expatriée aux Etats-Unis, elle a révolutionné la fabrication d’ADN de synthèse, avec d’innombrables retombées.

    Ce sont de minces rectangles de silicium de quelques centimètres. Une fois sortis des laboratoires de Twist Bioscience, une start-up installée dans la banlieue de San Francisco, ils valent chacun plusieurs centaines de milliers de dollars. « Vous voyez ces petits points microscopiques, il y en a un million. C’est là que l’on empile, étage par étage, des molécules pour fabriquer de l’ADN », montre fièrement Emily Leproust, cofondatrice et dirigeante de l’entreprise, de passage en France le temps d’une ­conférence et d’une visite à sa famille tourangelle. En fin de processus, chacune de ces plaques porte un million de brins d’ADN, tous ­différents. Un ADN de synthèse qui sera ­ensuite livré aux clients, dont beaucoup sont eux-mêmes des jeunes pousses.

    « Avant, on utilisait cela », dit-elle en montrant une volumineuse plaque de plastique comportant une centaine de creux qui ne peuvent chacun contenir qu’un brin. « Notre ­métier consiste à concevoir des gènes sur ordinateur, précise Jason Kelly, patron de la firme Ginkgo, le plus important client de Twist Bioscience. Ensuite, nous les faisons fabriquer avant de les introduire dans des cellules, bactéries ou levures, pour qu’elles sécrètent des substances chimiques.Ce sont, par exemple, des ­molécules cosmétiques, des édulcorants ou des compléments alimentaires. Nous sommes un peu comme des programmeurs de logiciels, mais qui doivent payer pour chacune des lignes de code qu’ils utilisent et attendre que le fournisseur les livre. Twist Bioscience a révolutionné notre activité en termes de coûts et de réactivité. »

    Top 100 des « influenceurs »

    L’idée de fabriquer de l’ADN remonte à la fin des années 1970. Mais, depuis sa création en 2013, Twist Bioscience a propulsé cette activité de la paillasse aux salles blanches de l’industrie du silicium. Avec, à la clé, des progrès exponentiels – en termes de densité et de baisse de prix – ­dépassant même la fameuse loi de Moore qui a guidé les orfèvres de l’électronique depuis quarante ans. Des progrès tels que, dans quelques années, des éprouvettes contenant des brins d’ADN pourraient remplacer les bandes ­magnétiques pour stocker nos archives numériques à long terme. Des filaments assemblés à partir des quatre lettres de l’alphabet génétique, les quatre molécules de base de l’ADN, qui remplaceront les 0 et les 1 des textes, images, sons et vidéos de nos archives numériques.

    Avec la promesse d’une longévité exceptionnelle – on a pu lire de l’ADN de l’homme de Neandertal, vieux de 70 000 ans –, d’une économie considérable d’espace – toute la ­mémoire informatique du monde tiendrait en une dizaine de grammes d’ADN –, et sans crainte de perdre le savoir-faire nécessaire à la lecture de ces données : « Tant qu’il y aura des humains, il y aura des séquenceurs pour lire l’ADN », confiait récemment Nick Goldman (Institut européen de bio-informatique, Grande-Bretagne), l’un des pionniers du domaine, qui s’appuie, lui aussi, sur le savoir-faire de Twist Bioscience. Et ce ne sont pas les travaux publiés en juillet par l’équipe de George Church (Harvard) qui a enregistré – et relu – des données dans le génome de bactéries vivantes, qui entameront l’optimisme d’Emily Leproust.

    « CE QU’UBER A FAIT POUR LE TAXI, NOUS SOMMES EN TRAIN DE LE RÉALISER POUR LA SYNTHÈSE D’ADN »

    « C’est une expérience très élégante mais, sur le plan de la densité, du coût et de la longévité, le stockage sous forme de brins d’ADN est un bien meilleur support que des bactéries. » Reste qu’il faudra encore beaucoup d’efforts pour espérer détrôner les bandes magnétiques. « Le stockage par ADN sera compétitif quand nous aurons, entre autres, divisé par un million le prix de revient de l’ADN synthétique, avertit Emily Leproust. Mais nous savons que c’est possible. Par exemple, si les Français de DNA Script parviennent, avec leurs enzymes, à réduire d’un facteur 100 le prix de la chimie de synthèse de l’ADN, nous n’aurons plus qu’à diviser par 10 000 le coût de notre technologie silicium. Mais il faudra qu’ils fassent vite, car nous sommes très pressés ! » Malgré sa voix fluette, la quadragénaire affiche une grande assurance et une ­débordante ambition. « Pour imposer une idée en rupture, il faut s’attaquer à un marché important dont les clients sont insatisfaits. Ce qu’Uber a fait pour le taxi, nous sommes en train de le réaliser pour la synthèse d’ADN, qui était beaucoup trop lente et trop chère. »

    Rien ne prédisposait Emily Leproust à intégrer, en 2015, le Top 100 des « influenceurs » du magazine Foreign Policy, aux côtés de personnalités aussi diverses que Vladimir Poutine, Christiana Figueres ou Banksy. « Si on m’avait laissé le choix, à l’époque du bac, je serais allée en médecine, se souvient-elle. Mais comme j’étais une très bonne élève, je me suis retrouvée en classe préparatoire. »

    « LE ­DÉCODAGE DU PREMIER GÉNOME HUMAIN A PRIS DIX ANS ET 3 MILLIARDS DE DOLLARS. AUJOURD’HUI, ON ­SÉQUENCE UN GÉNOME EN UNE JOURNÉE POUR MOINS DE 1 000 DOLLARS »

    Elle intègre en 1993 l’Ecole supérieure de chimie industrielle de Lyon (rebaptisée depuis CPE Lyon), « une école que j’ai choisie parce qu’elle offrait la possibilité de faire sa dernière année à l’étranger, et que le cursus comportait deux stages de six mois en entreprise pour aider à l’insertion professionnelle ». En 1996, elle part donc achever son cycle d’études à l’université de Houston (Texas). « Je n’ai jamais passé l’examen de master en chimie organique à Houston, je suis directement allée en doctorat. » C’est là qu’elle rencontre Xiaoliang Gao, qui va diriger sa thèse. « Elle est arrivée au moment où nous commencions à faire de la synthèse d’ADN. Elle a réalisé de vraies prouesses. » A l’époque, Emily Leproust enchaîne les publications et les brevets qui sont, depuis, exploités par Xeotron, une start-up créée par Xiaoliang Gao.

    Après son doctorat, obtenu à Houston en 2000, la Française est repérée par Agilent, une firme de technologies biomédicales, émanation de Hewlett-Packard. Elle y restera treize ans. « Ils avaient beaucoup de difficultés dans la mise au point d’un procédé, son apport a été crucial », souligne Xiaoliang Gao. « Après plusieurs années à créer des technologies, je suis passée au développement de produits », explique Emily Leproust. Avec un outil servant non plus à la création d’ADN, mais à sa lecture, le ­séquençage, qui a fait la fortune d’Agilent. « Seul 1 % de l’ADN joue un rôle dans la fabrication d’une protéine. Nous avons mis au point un procédé pour lire non plus l’ensemble du ­génome, mais seulement ce 1 % d’informations utiles, les exons. » Et Emily Leproust de rappeler comment ce produit, comme d’autres imaginés depuis, a bouleversé la génomique : « Le ­décodage du premier génome humain a pris dix ans et 3 milliards de dollars. Aujourd’hui, on ­séquence un génome en une journée pour moins de 1 000 dollars. »

    « Avoir toujours un coup d’avance »

    Promise à une brillante carrière chez Agilent, Emily Leproust va néanmoins renverser la ­table, en 2013, et repartir de zéro. « J’ai toujours eu envie d’être entrepreneur, comme mes ­parents, qui avaient créé une petite affaire de vente d’électroménager et de bâtiment. Alors quand Bill Banyai et Bill Peck sont venus me trouver avec leur technologie de synthèse d’ADN sur silicium, je n’ai pas hésité. » Depuis, les relations avec son ex-employeur sont devenues orageuses : Agilent a assigné Twist Bioscience en justice l’an dernier, accusant notamment son ancienne protégée d’avoir volé une technologie pour fonder sa start-up. De quoi susciter un procès-fleuve entre anciens partenaires dont la Silicon Valley est coutumière. « Les affirmations d’Agilent sont sans fondement et nous nous défendrons vigoureusement. Typique de sociétés beaucoup plus grandes et moins innovantes, la démarche d’Agilent révèle une tentative évidente d’étouffer la concurrence », répond Emily Leproust.

    « Ma priorité n’est pas de faire fonctionner l’entreprise au jour le jour. Mon rôle est avant tout d’avoir toujours un coup d’avance pour préparer son avenir », insiste celle qui vient d’achever une nouvelle levée de fonds – 65 millions de dollars – pour financer, entre autres, son équipe de recherche sur le stockage par ADN. Au total, l’entreprise, qui compte désormais 200 employés, a reçu 196 millions de ­dollars d’investisseurs depuis sa création. « Aujourd’hui, nous sommes portés par le marché du gène, avec 35 000 gènes vendus en 2016, et plus de 31 000 au premier trimestre de cette année. Mais il arrivera forcément un jour où ce marché stagnera, pronostique la dirigeante. Nous travaillons dur pour que le stockage de données puisse prendre le relais et même pour préparer la suite, notamment pour l’utilisation d’ADN dans des thérapies avancées. Je me rends compte aujourd’hui qu’en conduisant Twist Bioscience je serai sans doute plus utile à l’humanité que si j’étais devenue médecin ».

  • Le solaire sort de l’ombre

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/01/30/le-solaire-sort-de-l-ombre_5071456_3234.html

    Chute des prix des panneaux solaires, afflux massif de capitaux et contraintes environnementales poussent les producteurs d’électricité, les industriels et de plus en plus de pays à jouer massivement la carte du soleil. La Chine fait pour le moment la course en tête.

    Sans bruit, le monde vient d’entrer dans une nouvelle ère énergétique, celle du solaire. Le photovoltaïque n’est plus une lubie d’écologiste. Face à la pollution du charbon et à l’envolée des coûts du nucléaire, investisseurs et industriels jouent désormais ouvertement et massivement la carte du soleil.

    En 2015, pour la première fois, les nouvelles capacités de production à partir des énergies renouvelables (hors grands barrages) ont représenté 53,6 % de l’ensemble des nouveaux moyens de production raccordés aux réseaux, indique le 10e rapport annuel du Programme des Nations unies pour l’environnement publié en mars 2016 : 62 gigawatts (GW) d’éolien et 56 GW de solaire.

    265,8 milliards de dollars

    Les capitaux mobilisés ont battu un nouveau record, à 265,8 milliards de dollars (247,5 milliards d’euros). On y investit désormais deux fois plus que dans les énergies fossiles (130 milliards) et le potentiel du solaire y est beaucoup plus important que celui des autres énergies renouvelables.



    « L’année 2016 marquera un point de bascule », assure Thierry Lepercq, directeur général adjoint d’Engie chargé de l’innovation et de la recherche. « Retenez trois chiffres : 70 gigawatts, la capacité solaire additionnelle en 2016 [après 50 GW en 2015], plus que l’éolien ; 26 dollars, le prix d’un mégawattheure du photovoltaïque sur un projet de 1 milliard de dollars à Abou Dhabi ; et zéro, le prix de l’électricité à certains moments au Chili. »

    Pourquoi les centrales solaires photovoltaïques sont-elles devenues compétitives dans de nombreux pays et se développent sans les subventions massives reçues en Europe au début de leur déploiement ? Le phénomène doit beaucoup à la domination chinoise sur les équipements. Un mal pour un bien. Si elle a tué une partie de l’industrie occidentale, notamment allemande, elle a provoqué une chute des prix spectaculaire.



    « Dans les usines, l’automatisation a fortement réduit le taux de casse, explique Antoine Cahuzac, directeur général d’EDF Energies nouvelles. De plus, tous les fabricants innovent et produisent des cellules plus efficaces. Ils ont aussi augmenté leur durée de vie, qui peut atteindre trente-cinq ans contre vingt-cinq il y a cinq ans grâce à une plus grande fiabilité des matériaux. » Les panneaux sont devenus un produit de base fabriqué en grande quantité, comme les écrans plats de téléviseur.

    Surcapacités et prix tirés vers le bas

    Les renouvelables sont ainsi passées « du statut de niche au statut de solution préférée », assurait récemment Adnan Amin, directeur de l’Agence internationale des énergies renouvelables, basée à Abou Dhabi, en présentant son dernier rapport. « Les panneaux solaires en sont le meilleur exemple, souligne ce document. Leur coût a baissé de moitié depuis 2010 et devrait baisser encore de 60 % dans les dix prochaines années. »

    Un phénomène plus conjoncturel s’est ajouté à cette tendance : la concurrence des producteurs de panneaux, qui a créé des surcapacités mondiales et tiré les prix vers le bas. M. Cahuzac s’attend, une fois ces stocks écoulés, à une remontée « marginale » des prix. Dans ce secteur très cyclique, la consolidation va se poursuivre et les nouvelles capacités installées devraient stagner en 2017 au niveau de 2016, prévoit le patron du chinois Trina Solar, premier fabricant mondial de panneaux, dans un entretien à l’agence Bloomberg.



    Un signe qui ne trompe pas sur la maturité de cette énergie : les tarifs de rachat pour soutenir la filière sont remplacés, partout dans le monde, par des appels d’offres. Début 2016, 64 pays en avaient lancés dans le solaire (et l’éolien), « suscitant des offres historiquement basses (prix modiques, volumes élevés) dans les pays émergents », note le réseau international REN21. « Nous faisons du solaire photovoltaïque à 30 dollars le MWh au Mexique », note M. Lepercq.
    On en est encore loin en France, mais les prix baissent aussi. Pour les centrales au sol, moins coûteuses que sur le bâti, le prix a été divisé par six entre 2007 et 2014, où il était encore dans une fourchette de 74 euros à 135 euros par MWh, note l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), qui escompte une nouvelle baisse de 35 % à l’horizon 2025.

    Les émergents en pointe

    L’Europe n’est pas le continent au potentiel le plus prometteur, même si l’Allemagne est un pays pionnier. Trois pays ont encore fourni en 2015 la majorité des capacités additionnelles : La Chine, le Japon et les Etats-Unis. Mais le boum est planétaire, particulièrement dans les pays émergents qui conjuguent fort ensoleillement, croissance soutenue de la demande d’électricité et cadre réglementaire sécurisé pour les investisseurs. « Cette révolution sert leur développement. Ils peuvent valoriser leur potentiel, et cela les affranchit de leur dépendance énergétique », se félicite Isabelle Kocher, directrice générale d’Engie, qui affiche notamment de grandes ambitions en Afrique.



    La Chine reste une locomotive. Le solaire y enregistrera un doublement de ses capacités entre 2015 et 2020 pour atteindre 110 GW, selon l’Agence nationale de l’énergie. Et si elle est désormais électrifiée à 100 %, c’est grâce au solaire domestique (hors réseau). L’Arabie saoudite a défini un vaste plan en faveur des énergies renouvelables et le fonds souverain d’Abou Dhabi y investit depuis la fin des années 2000, dans la production de panneaux, les centrales et la recherche. Au Chili, privé de toute ressource fossile, le solaire pèse déjà 4 % du « mix » énergétique alors qu’il en était absent en 2012. Y compris pour alimenter des utilisateurs d’électricité aussi gourmands que les mines de cuivre.


    Le solaire domestique a séduit le Bangladesh et les mini-réseaux se développent en Afrique de l’Est (Kenya, Ouganda…) pour les villages enclavés. L’Inde prévoit un ambitieux plan de 100 GW de solaire d’ici à 2022. A l’initiative de son premier ministre, Narendra Modi, une « alliance internationale » en faveur de cette énergie a été créée fin 2015, en marge de la COP21, à Paris. Les 121 pays qu’elle rassemble s’engagent à assurer des transferts de technologies et à faciliter les financements dans tous les pays à fort potentiel solaire.

    Les électriciens convertis

    Résultat de ce changement d’échelle, toutes les grandes compagnies européennes d’électricité ont pris le virage du solaire, du français Engie à l’italien Enel. Jusqu’au géant EDF, dont l’ADN nucléaire est en train de se modifier. Et toutes les grandes entreprises mondiales se tournent vers l’énergie solaire pour leur propre consommation, de la grande distribution Walmart, Procter & Gamble ou Ikea à Google pour refroidir ses énormes centres de données…

    Certains pétroliers eux-mêmes croient aux vertus du solaire. Aurait-on imaginé, il y a quelques années, que le patron de Total intervienne dans un cénacle des énergies vertes ? Patrick Pouyanné expliquera, lors du colloque annuel du Syndicat des énergies renouvelables réuni à Paris le 31 janvier, pourquoi et comment il entend se développer dans l’électricité solaire après les rachats du fabricant californien de panneaux SunPower en 2011 et du fabricant français de batteries Saft en 2016.

    Bien que le solaire ne représente encore que 1,5 % des capacités de production électrique installées, le « mix électrique mondial » encore dominé par les énergies fossiles est en train de se redessiner. Mme Kocher estime qu’en 2050, la moitié de l’électricité pourra être produite par des énergies renouvelables décentralisées, surtout le solaire, l’autre moitié sortant des grandes centrales traditionnelles.
    Et quand on dresse le bilan carbone du solaire, il est positif. Grâce à l’énergie propre et renouvelable que produisent depuis 1975 les panneaux solaires, ils auront compensé d’ici à 2018 les gaz à effet de serre émis pour les produire, révèle une étude néerlandaise (université d’Utrecht) publiée fin 2016 dans le journal en ligne Nature Communications.

    L’atome « ne répond pas aux mêmes besoins »

    En quarante ans, le nombre de panneaux solaires est passé de 10 000 à 1 milliard. Avec une durée de vie moyenne de trente ans, une ferme solaire remboursera « plusieurs fois » l’énergie nécessaire à la fabrication de ses équipements. Désormais, à chaque doublement de capacités solaires installées, l’énergie nécessaire pour produire les panneaux baisse de 12 % à 13 % et les gaz à effet de serre émis de 17 % à 24 %, ont calculé ses auteurs.

    Et si le solaire rendait le nucléaire obsolète à un horizon pas si lointain, sachant que le charbon est condamné à plus ou moins longue échéance ? L’envolée des coûts de construction des réacteurs pèse sur le prix du MWh produit : 109 euros pour les EPR anglais d’EDF. Tout un symbole, quarante entreprises ont déposé une demande auprès des autorités ukrainiennes pour construire 2 GW de panneaux solaires… à l’intérieur de la zone d’exclusion radioactive entourant la centrale de Tchernobyl, où eut lieu en 1986 la pire catastrophe de l’histoire du nucléaire civil.

    « Jusqu’à présent, le nucléaire était le seul moyen de produire une électricité compétitive et décarbonée à grande échelle ; ce n’est plus le cas, analyse Mme Kocher. Le nouveau nucléaire a un espace de développement plus restreint qu’avant. » Mais il est impossible de comparer deux énergies, l’une intermittente tant qu’elle n’est pas stockéee dans de puissantes batteries, l’autre mobilisable en permanence : un MW de solaire ne vaut pas un MW de nucléaire. Et M. Cahuzac voit au contraire un avenir à l’atome, qui « ne répond pas aux mêmes besoins ». Un réacteur fournit une énorme quantité d’électricité vingt-quatre heures sur vingt-quatre et l’on peut faire évoluer sa puissance en moins d’une heure, plaide-t-il.

    Il n’en reste pas moins que les énergies renouvelables s’imposent peu à peu comme une référence pour comparer les prix. Patron du nouveau nucléaire chez EDF, Xavier Ursat reconnaît qu’il faudra que l’« EPR nouveau modèle » en préparation chez EDF-Areva soit compétitif (autour de 5 milliards d’euros). Et même « qu’il coûte moins cher en euros par kilowattheure que la moins chère des énergies renouvelables installée au même endroit ».

    Donald Trump, fervent défenseur du charbon

    On n’en est pas encore là. Mais pour avoir une véritable estimation de la compétitivité du solaire (et des renouvelables en général), il faudrait supprimer toutes les subventions, qui sont beaucoup plus importantes en faveur des énergies fossiles.

    Reste une menace qui plane, aux Etats-Unis, sur ces brillantes perspectives : l’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump, fervent défenseur du charbon, du pétrole et du gaz. Le 10 janvier, 640 entreprises dont des multinationales comme Intel, Johnson & Johnson, Hewlett-Packard, Levi Strauss, Nike, Ikea, Adidas, Danone, Schneider Electric ou L’Oréal, ont adressé une mise en garde au nouveau président : « Echouer à construire une économie bas carbone mettrait en danger la prospérité américaine », écrivent-ils en réitérant leur soutien à l’accord de Paris. Un investisseur aussi avisé que Bill Gates vient d’annoncer la création d’un fonds de 1 milliard de dollars chargé d’investir dans la recherche sur l’énergie et la limitation des émissions de carbone.

    En quittant ses fonctions, Barack Obama soulignait, à l’adresse de son successeur, que « le secteur solaire emploie désormais plus d’Américains que les mines de charbon dans des emplois mieux payés que la moyenne et qui ne peuvent être délocalisés ». Au niveau mondial, il fait travailler 2,7 millions de personnes, sur un total de 8,1 million dans les énergies renouvelables.

    Soutenu par l’entrée en force du numérique dans le monde de l’énergie, le solaire est au cœur d’une « révolution » et le premier maillon d’une chaîne de valeur (stockage d’électricité, réseaux intelligents, Internet des objets de la maison, mobilité électrique, hydrogène…) qui , selon M. Lepercq, apportera « beaucoup plus d’énergie, beaucoup moins chère et pour beaucoup plus d’usages ».

  • LINKY OBJET PÉDAGOGIQUE POUR UNE LEÇON POLITIQUE
    Pour un inventaire des ravages de l’électrification

    L’imposition autoritaire du mouchard électronique Linky dans 35 millions de foyers par l’Etat, en l’occurrence les parlementaires et le Ministère de l’Ecologie – et par Enedis (ex-ERDF, ex-EDF), le monopole légal de la distribution d’électricité en France - a déclenché dans tout le pays refus et protestations, individuels et collectifs, organisés et spontanés. La presse locale chronique cette pléthore de réunions, de manifestations, de pétitions, soutenue des vœux et délibérations de 300 conseils municipaux.1 Félicitations aux promoteurs de Linky : à défaut d’avancer d’un pas dans la pseudo-« transition énergétique », ils auront au moins stimulé la vie associative qui s’est saisie du sujet.
    La presse nationale, c’est-à-dire parisienne, méprise et ignore de son mieux ce mouvement fondé, selon elle, sur des craintes irrationnelles de pollution électromagnétique et d’espionnage des foyers, et sourd aux « impératifs de maîtrise énergétique » notamment en vue de l’ouverture des marchés à la concurrence, généralement hostile aux projets techno-marchands célébrés dans ses pages sciences et économie : objets connectés (machins communicants), domotique (maison machine), smart city (ville machine), big data (mégadonnées).

    Ce n’est pas d’aujourd’hui que la technocratie a pris le réflexe de renvoyer à la préhistoire les réfractaires à l’emballement technologique et à l’effondrement écologique : « Vous êtes contre tout !... Les chemins de fer ! L’électricité !... Allez donc élever des chèvres en Ardèche, si vous voulez revenir aux grottes et à la bougie ! »
    Combien de fois avons-nous reçu cette injonction d’un forcené du Progrès ; scientifique, ingénieur, technicien, entrepreneur, cadre, politicien, universitaire ou journaliste. Nos élites, voyez-vous, s’imaginent l’Ardèche comme une réserve truffée de grottes, où reléguer ces obscurantistes exaspérants qui sapent la croissance et le moral des ménages.

    Ceux qui vivent contre leur temps, tel le géographe anarchiste Elisée Reclus, ont opposé au progrès des sciences et technologies le regrès social et humain. Vous pouvez vérifier le mot, c’est du bon et vieux français. Lisez Elisée, écologiste avant l’heure : Histoire d’un ruisseau, Histoire d’une montagne, L’homme et la Terre, Nouvelle Géographie Universelle. Non seulement le progrès industriel et technologique n’entraîne pas fatalement le progrès social et humain, mais il entraîne à rebours son regrès. Cette thèse sacrilège et mécanoclaste longtemps soutenue par des marginaux excentriques – et les victimes du progrès, bien sûr – a reçu depuis quelques années l’approbation officielle des autorités scientifiques, des états qu’elles avisent, et des entreprises converties au « capitalisme vert » et aux « technologies vertes ». D’où Linky.
    Voici donc où nous ont mené deux siècles de révolution industrielle et technologique, en accélération exponentielle. Au ravage du milieu (terre, air, mer), à l’extermination des espèces, au chaos des peuples, bouleversés, broyés, balayés dans une panique globale, d’un bout du monde à l’autre.

    Nous qui, dans nos emplois, nos activités et nos vies, faisons sans cesse l’objet de bilans, d’audits, d’évaluations, en fonction d’objectifs fixés « en commun », selon nos dirigeants, ou simplement décidés par ces derniers (après tout, c’est leur job), il nous revient de renverser les rôles et d’examiner à notre tour le bilan de ces deux siècles de société industrielle et technologique. Qu’elle soit privée, publique (étatique) ou mixte. De dire ce qu’elle nous a apporté et enlevé, si nous souhaitons sa prolongation ou sa disparition, et suivant quelles modalités.
    Il nous faut du même coup évaluer les évaluateurs, cette technocratie à la direction des sociétés industrielles et post-industrielles, en fonction de ses promesses et de ses résultats, et dire, suivant ses propres règles qu’elle nous applique, ce qu’elle mérite : primes et promotions, ou licenciement sans indemnité.

    Nous, Grenoblois, sommes idéalement placés pour engager cet examen. Grenoble se situe en effet au cœur et à l’avant-garde de la deuxième révolution industrielle : justement celle de l’électricité. C’est en 1869 qu’Aristide Bergès, ingénieur, chimiste, entrepreneur, équipe d’une turbine et d’une conduite forcée sa papeterie de la combe de Lancey, à dix kilomètres de la ville, pour transformer en électricité l’énergie du torrent. En 30 ans, Bergès métamorphose la vallée du Grésivaudan, la ville de Grenoble et la société industrielle. Les ingénieurs-patrons des entreprises voisines suivent son exemple. Bergès devient conseiller municipal à Grenoble, conseiller général du canton, maire de Villard-Bonnot où se trouve son usine. Il lance le slogan de la « Houille blanche » lors de l’exposition universelle de 1889, à Paris, qui lui est largement consacrée. Péchiney ouvre son premier laboratoire à Froges, dans la vallée, à côté de l’usine d’électrolyse. Il en sort par exemple le procédé de fabrication industrielle de l’aluminium, l’alu des barquettes alimentaires - si cher aux ouvriers d’Ecopla à Saint-Vincent-de-Mercuze, et si nocif aux vaches des alpages, à la santé des hommes et au milieu naturel. Il est vrai que nos emplois valent plus que nos vies, ce que de François Ruffin (Fakir) à Emmanuel Macron (En marche !), tous nos progressistes sont venus confirmer aux 77 victimes d’un naufrage financier.2 Lénine nous l’avait bien dit : « Le communisme, c’est l’électricité plus les soviets ! » Et les artistes futuristes de la Belle époque, fascistes comme Marinetti, communistes comme Maïakovski avaient rivalisé d’odes à la vie moderne, urbaine et industrielle, célébrant les machines, les avions, les trains, les autos, les paquebots, les stades, les gratte-ciels, le télégraphe – l’électricité - le cinéma, les masses, la vitesse, la violence, la guerre.3 Dieu que l’avenir était radieux au temps passé ! Au mépris d’un siècle de catastrophe, les ennemis du genre humain poursuivent aujourd’hui leur fuite en avant. Ainsi le théoricien « communiste » Toni Negri et ses disciples « accélérationnistes » de la revue Multitudes rejoignent aujourd’hui les transhumanistes « libertariens » dans l’apologie des robots et la haine de la vie vive, impulsive, élusive, irréductible à toute volonté de maîtrise machinale.4

    Bergès, et son fils Maurice qui lui succède comme maire et chef d’entreprise, créent également une société d’éclairage urbain et une compagnie de tramway. On voit que nos entrepreneurs et nos édiles n’avaient pas attendu le XXIe siècle, ni les directives européennes, pour se lancer dans les « énergies alternatives » et les modes de « déplacement alternatif ». Même si, à l’époque, il s’agissait simplement de créer un marché que nul ne disait « vert » ni « éco-responsable ». Ces lignes de tramway furent d’ailleurs démontées dès que le profit parut plus juteux dans les lignes de car et les voitures particulières.

    Les ingénieurs entrepreneurs de la cuvette grenobloise savent bien qu’au-delà de la « Houille blanche », c’est de la matière grise qu’ils exploitent. Aussi profitent-ils de leurs postes d’élus et de leurs positions d’influence pour obtenir la création en 1898 d’un Institut d’électrotechnique de Grenoble, auprès de la jeune université, afin de leur fournir les compétences nécessaires à leurs recherches-développements. De même en 2012, l’Institut national polytechnique de Grenoble crée-t-il spécialement une « chaire industrielle d’excellence » sur les smart grids, financée par ERDF.5
    C’est l’essor du « Mythe grenoblois »,6 maintes fois ressassé et tout aussi mythique qu’à sa première énonciation. De la turbine de Bergès sont issues en 150 ans, de manière télescopique, des centaines de laboratoires et d’entreprises, s’associant et se dissociant en arborescences incessantes, et envahissant tout le milieu physique et social de la technopole. Électrochimie, électromécanique, électromagnétisme, électronucléaire, informatique, micro et nanotechnologies, etc. C’est aussi ce que les progressistes des années soixante, ingénieurs et universitaires, socialistes et chrétiens, ont nommé « le laboratoire grenoblois » et propagé comme « modèle grenoblois » ou « développement endogène innovant ». Soit cette idée mythique d’un progrès indivisible où l’innovation technologique et la croissance économique tracteraient le progrès social et humain, mesuré statistiquement par l’augmentation de la consommation, du pouvoir d’achat et de l’espérance de vie. Les curieux liront Sous le soleil de l’innovation7 pour une histoire critique de ce modèle grenoblois, indissociable de la révolution électricienne et de ses prolongements.

    Sans doute cette idée du progrès répondait aux aspirations de la masse des campagnards fascinés par les lumières de la ville, comme elle répond aujourd’hui à celles des masses de migrants fascinés par les lumières des métropoles. Et c’est pourquoi les trois-quarts de l’humanité s’entasseront d’ici peu dans les mégapoles - le terme noble et technocratique pour dire ce qui n’est plus ville, ni cité, ni urbanisation, mais une populoire. La mondialisation est aussi un effet de l’électrification. L’habitat concentrationnaire de masse est aussi un effet de la mondialisation.

    Nul n’est meilleur que son temps. Quoique nous n’ayons aucun goût pour les procès anachroniques et rétrospectifs, il faut avouer qu’Aristide Bergès (1833-1904), au contraire d’Elisée Reclus (1830-1905), fit de son mieux pour vivre avec son temps dont il fut le plus zélé des serviteurs. Voici son adresse aux électeurs du canton de Domène, le 1er août 1880, dix ans après la Commune et la débâcle de l’Empire face à la Prusse :

    « Je suis au milieu de vous tous un travailleur dont vous avez vu les débuts et dont vous avez pu apprécier les constants efforts pour rechercher et augmenter les richesses de vos montagnes. Or, il reste dans cet ordre d’idées de grands avantages généraux à réaliser et j’ai la confiance que je pourrai y être de quelque utilité. Au point de vue politique, moral et matériel, de grandes choses restent à faire pour que les institutions républicaines répondent à toutes les espérances conçues.
    Améliorer les écoles et le sort des instituteurs, et rendre l’instruction laïque, gratuite et obligatoire. Créer dans nos villages, des rues convenables, des fontaines et des lavoirs, des promenades et des jardins publics. Y organiser un service médical. Rectifier et terminer les chemins vicinaux. Faciliter les rapports des conseillers municipaux avec l’administration forestière.

    Protéger l’agriculture et particulièrement étudier les moyens de remettre en valeur les terres basses de l’Isère. Tels sont les points les plus pressants du programme auquel je travaillerai ardemment. La République, qui, après son existence victorieusement assurée, s’imposera à tous, doit être SCIENTIFIQUE et non IMAGINATIVE ; (…)
    Aristide Bergès, Candidat républicain. Ingénieur et industriel à Lancey, Conseiller municipal à Grenoble »8

    À vrai dire, Elisée Reclus aurait pu signer bien des points de ce programme – et nous le pourrions aussi. Nous ne sommes pas hostiles à la création de fontaines, de lavoirs et de jardins publics dans nos villes et nos villages (on ne disait pas encore « espace vert »). Nous voudrions, nous aussi, remettre en valeur les terres basses de l’Isère et le « Graisivaudan étincelant » dont le géographe Paul Vidal de la Blache célébrait en 1903 la splendeur agonisante : « Paysage unique dans l’Europe Occidentale, qui fait pendant à la Brianza milanaise ; verger magnifique qu’on ne trouve plus vers le Sud (…) Le Graisivaudan en est sinon le type le plus achevé, du moins l’expression la plus ample et, pour l’histoire des hommes, la plus importante. (…) Sous les vignes courant en feston entre les arbres fruitiers, se succèdent de petits carrés de luzerne, blé, chanvre, maïs : une merveille de petite culture. »9
    Il faudrait bien sûr raser les entrepôts, lotissements, centres commerciaux, la Zone d’innovation et de recherche scientifique et technique (Zirst), les boîtes high tech (Soitec, Memscap, etc.), les laboratoires et salles blanches où STMicroelectronics produit les « puces » et les composants de Linky et autres « objets connectés ». Bref, il faudrait rendre la terre aux paysans, ou plutôt aux ouvriers d’Ecopla, de Tyco Electronics, d’Arkema, à Brignoud10 et des autres usines de la vallée, délocalisées ou automatisées. Tant pis pour l’industrie du cancer, ils pourraient ainsi « produire local pour consommer local », ce qui ferait plaisir à Eric Piolle, le maire Vert de Grenoble, ex- promoteur du TGV (Lyon-Turin) et ingénieur chez Hewlett-Packard.
    Osons le blasphème, il faudrait revenir en arrière, avant 1869.

    De quoi rendre nos progressistes fous furieux. Le correspondant local de Fakir, Fabrice Lallemand, est ingénieur chez Soitec.11 François Brottes, le député PS local, est fameux pour sa déclaration : « Ici les élus ont été vaccinés à la high tech, cela permet d’avancer plus vite et d’éviter de se poser des questions métaphysiques ».12 Il a d’ailleurs avancé si vite qu’il a bondi de la présidence de la commission des Affaires économiques, où il multipliait les pressions en faveur du compteur Linky, à la présidence de RTE (Réseau transport électricité), un poste à 398 000 €.13
    En fait, tout le souci des progressistes grenoblois (gauchistes, communistes, alternatifs, écologistes, etc.) est d’habiller d’une phraséologie « rebelle » leur soumission à l’idéologie du capitalisme le plus avancé de la Silicon Valley, afin de sauver la face. D’où les bredouillis où il est question de « se réapproprier les outils technologiques ». En clair, les « fablab », le « logiciel libre », et – si la machine à gouverner le veut bien – l’octroi plus ou moins généreux d’un « revenu de base universel » pour les hackers et les makers. L’aumône des robots à la main d’œuvre obsolète. Malgré toute la dévotion qu’ils affichent pour l’emploi, les progressistes soutiennent par-dessus tout le progrès technologique et le développement des forces productives, comme ils l’ont toujours fait. Aussi tiennent-ils pour quantité négligeable les 6000 suppressions de postes de releveurs que provoquera la mise en service du compteur Linky.

    Enfin parmi les points d’accord probables avec Aristide Bergès et Elisée Reclus, nous soutiendrions, en 2016, la restauration des services médicaux, tel l’hôpital de la Mure, en Matheysine, victime de la rationalisation financière et technocratique et celle de l’école publique, laïque et gratuite, sinon obligatoire.14
    Quand il n’écrivait pas à ses électeurs et à ses ouvriers, c’est aux clients de la Société d’éclairage électrique de la vallée du Grésivaudan que Bergès s’adressait. C’était d’ailleurs les mêmes. Voici son merveilleux prospectus sur les bienfaits de la lumière électrique :
    « L’usage de la lumière électrique, surtout dans les campagnes, est un des effectifs facteurs de la civilisation chez l’individu, dans la famille et dans la commune. Que faut-il à un homme qui veut s’élever dans la moralité et le bonheur ? Qu’il aime mieux la famille que le cabaret. Qu’il puisse augmenter sans fatigue et sans ennui le travail qui lui incombe, et qui seul peut l’enrichir. Qu’il voit plus de gaîté dans sa maison. Qu’il échappe à l’excessive économie, retombant en privation sur les siens.
    Or, la lumière électrique contribue puissamment à ce résultat, car elle exerce son influence, en hiver surtout, sur une période de temps qui est presque la moitié de la vie. C’est autour de la lampe électrique que, le soir, commencent le repos et la vie de famille. Avec cette lampe, la lumière est suffisante et agréable. Elle est égale d’intensité pour tous, pour le riche comme pour le pauvre, et ce n’est pas une mince satisfaction que cette égalité devant la lumière, qui perpétue sans discontinuité les dons du Soleil, qui sont aussi égaux pour tous.
    Les enfants sont plus incités à l’exécution de leurs devoirs scolaires. Les petits sont mieux surveillés et regardent avec des yeux brillants ce point lumineux si propre et si constant.
    Les adultes lisent, s’instruisent et pensent à quelque occupation intérieure qui, pendant ces longues heures, pourrait être rendue lucrative. Le père apprécie qu’il peut éventuellement terminer un travail commencé et gagner le prix de la lampe si bien utilisée déjà. Les mères vaquent avec plus de facilité à leurs soins de ménage et, débarrassées des inconvénients de la mauvaise odeur du pétrole, s’élèvent dans des idées de propreté, qui sont le desideratum de leurs aspirations intérieures. La cuisine est plus soignée, son odeur meilleure.
    Le petit globe brillant projette comme un rayon de joie qui se répercute et s’enfle en étant partagé par les êtres aimés. Il n’est pas jusqu’au vieillard qui philosophe sur les progrès auxquels il ne croyait qu’avec hésitation, et qui se dit que, si la nuit il a des insomnies, il peut éclairer sa lanterne et refouler les noires idées.

    Enfin la liberté individuelle s’insinue à cette occasion, et, si le chef de famille fatigué veut se reposer, il n’a pas à dire à tout le monde : allons tous nous coucher, il faut, pour économiser, éteindre la lampe. L’étable mieux éclairée sera aussi mieux tenue et le bétail se trouvera mieux soigné et plus observé. Au point de vue hygiénique, l’avantage est inappréciable ; plus d’atmosphère viciée, la lampe électrique n’empruntant rien et ne donnant rien au milieu ambiant. Si, des considérations individuelles ou de famille, nous passons aux avantages communaux, ces derniers se poursuivent. Les rues, éclairées comme dans les villes, changeront, le soir et la nuit, l’aspect des villages, et la vie des relations y prendront une plus grande importance. Il suffira de mettre une lampe dans un quartier malsain pour que la correction s’en suive.
    J’ai toujours été surpris de voir les quartiers indécis de moralité ne pas réclamer des lampes. Or, rien n’est plus facile que de les imposer. On aura moins envie d’aller à la ville, qu’on retrouvera chez soi, dans son village, et ce sera tout bénéfice pour la santé et pour la bourse. Et qui sait si le cruel problème de la dépopulation des campagnes ne sera pas influencé. Car il faut entrevoir que les petites forces motrices, permettant les petits ateliers à domicile, arriveront à leur tour et feront leur œuvre de civilisation et de bien-être, l’atelier dans le village et même dans la famille étant préférable à tout autre.
    Je ne dis rien de la diminution relative des chances d’accidents et d’incendie. L’agriculteur est trop bon juge de ses intérêts et de l’économie finale de toutes choses pour ne pas arriver à se rendre compte, en résumé, que la lampe électrique est non seulement le plus économique moyen d’éclairage, mais que réunissant ses autres avantages multiples, elle arrive à revaloir ce qu’elle coûte et que, par suite, elle est comme gratuite. L’éclairage électrique, dans le groupement des villages et des usines génératrices, constitue enfin une solidarité en quelque sorte vivante, que des téléphones rendent instantanée, et qui établit un nouveau lien de services réciproques.
    L’usine, on peut le croire, est encore plus impressionnée, dans le cas de force majeure, où quelques accidents très rares provoquent une interruption de lumière, par le ricochet du désagrément imposé aux abonnés, que par toutes autres pénalités commerciales. C’est pourquoi on peut compter sur toute la sollicitude possible pour assurer la continuité du service, qui sera de plus en plus acquise au fur et à mesure du fonctionnement. Du haut de mon plateau de Lancey, d’où j’aperçois la vallée lumineuse, j’envoie un salut fraternel et amical à tous les abonnés présents et futurs de la Société d’éclairage électrique de la vallée du Grésivaudan.
    Aristide Bergès »15

    Cher Monsieur Bergès & Cie,
    Nous, les abonnés futurs et présents de la Société d’éclairage électrique, nous avons des griefs à exprimer quant aux effets de vos progrès. Vos promesses ont mal tourné. C’est vrai, les hommes ne passent plus leurs soirées au cabaret, à boire, à jouer, à beugler, mais seuls et muets, collés devant leurs écrans. D’ailleurs, il y a de moins en moins d’estaminets, ces « parlements du peuple » où s’engueuler sur ce qu’il y a dans le journal, comme il y a de moins en moins de journaux et de marchands de journaux. Fini le café du Commerce, vos successeurs ont tout délocalisé sur Internet, dans des forums « virtuels ». Quant à la famille, elle est décomposée. Chacun son écran, sa chaîne et sa vie. C’est, paraît-il, un grand progrès sur la famille « nucléaire », même si, en réalité, on vivait tous dans le même village, voire dans la même maison ; les jeunes, les vieux, les frères, les soeurs, les cousins, des générations à porter le même nom au cimetière. Il y a bien des familles « recomposées », mais la maison n’est plus si gaie ni si fruste. C’est moins pesant et plus aseptisé, mais aussi moins chaud et plus indifférent.

    Et puis, vous avez beau dire, l’éclairage électrique ce n’est pas le soleil pour tout le monde. Ça coûte plus cher à chacun – plus cher que la chandelle ou le pétrole, ça se discute – mais infiniment plus cher pour tous, aucun doute là-dessus. La société électrique, c’est nous les sociétaires et contribuables qui en faisons les frais. Non seulement la facture d’abonnement et de consommation, mais les dettes colossales et les déficits abyssaux d’EDF et d’Areva, les 5 à 7 milliards de Linky, sans compter ce que nous payons en nature : les barrages, les centrales, les lignes haute tension, les eaux et forêts assassinées, les sols saccagés, les emprises sur le foncier, la flore et la faune exterminées, les brouillards de pollution, les rejets radioactifs, les mines de charbon et d’uranium, les déchets nucléaires, le matériel hydroélectrique et toutes les industries connexes qu’il a fallu créer pour que brille « ce petit globe, dans la cuisine, comme un rayon de joie projeté qui se répercute et s’enfle en étant partagé par les êtres aimés. »
    Tout ça pour ça.
    Les Alpes, les Andes, l’Himalaya dévastés pour y voir plus clair, le soir, dans l’étable et les mauvais quartiers ? Mais rasez-les, vingt dieux ! Et ne construisez que de beaux quartiers !... Ce n’était pas fatal, Monsieur Bergès. Votre triomphe n’induit pas que l’électrification du monde devait triompher. Un dépliant touristique trouvé dans le Vercors, nous apprend que le hameau de Tourtres « se distingue des autres par ses maisons construites en galets et en tufs, tandis que sur le reste des deux communes les maisons sont bâties de pierres plates (…) Les canaux toujours visibles, servaient à l’irrigation et apportaient l’énergie nécessaire aux machines (moulins, scieries, soieries). Tourtres fut longtemps un hameau prospère et industriel, plus important que son chef-lieu, dont l’activité s’éteignit avec l’arrivée de l’électricité. »
    On est toujours gêné de rappeler qu’il y avait une industrie au Moyen-Âge, bien avant la révolution du capitalisme industriel, motorisée par des milliers de moulins à eau et à vent, et que somme toute, l’apport de la vapeur, de l’électricité et du pétrole, n’ont permis qu’un gigantesque accroissement des forces productives et des populations, et une effroyable dégradation du milieu et des conditions de vie.16

    Et ça continue !
    Le Monde : « Dans le Tyrol, la houille blanche menace les hautes vallées : un projet hydroélectrique à 1, 2 milliards d’Euros. » (21 novembre 2013). On voit que, contrairement à ce que vous dîtes, la lampe électrique n’est pas « comme gratuite », ni même « le moyen d’éclairage le plus économique ». Quant à enrayer l’exode rural et à susciter une multitude d’ateliers dans les villages, l’électricité s’est révélée aussi efficace que le chemin de fer. Ce fut un aller simple pour la ville, ses usines, ses lumières, ses salaires, ses magasins, ses « produits blancs » (machines à laver, frigos, électroménager), ses « produits bruns » (télés, chaînes, radios, etc.) ; parce que, voyez-vous, il était plus facile, et plus nécessaire alors, d’amener les campagnards à la ville que d’amener la ville aux campagnards. Maintenant, c’est l’inverse. Nos villages déserts, fermés, sans bistrots, boutiques, ni paysans, deviennent des villages dortoirs pour les « pendulaires », ou des villages vacances pour les citadins. Grâce à Internet, au smartphone, au télétravail, aux deux voitures par foyer, et au TGV, 100 000 « rurbains », s’installent chaque année dans cette campagne qu’ils « rurbanisent ». Forcément, nos métropoles débordent. Une France à 67 millions d’habitants, c’est plus d’une moitié supplémentaire par rapport à celle de Bergès et de l’exode rural (40 millions). Ceux qui n’ont plus les moyens de vivre en ville et ceux qui ont les moyens de vivre hors des villes, fuient vers les campagnes résidentielles. Comptez sur eux pour noircir les « zones blanches », réduire les « fractures numériques », acheter les « objets connectés » et les voitures électriques « intelligentes » qui stimuleront à la fois la gabegie d’électricité, la nécessité d’en produire davantage et celle d’en maîtriser la répartition au plus juste, grâce au compteur Linky.
    Le Monde : « EDF amorce un virage vers la maison connectée. Lancement de Sowee, une filiale consacrée aux objets connectés et aux services associés. » (14 octobre 2016). Il s’agit, selon le Monde, de ne pas laisser le marché libre aux entreprises californiennes, Google, Amazon, Facebook, Apple, en matière de « domotique ».
    Philippe Monboulou, Président d’Enedis : « Les « smart grids » (réseaux électriques intelligents) représentent un nouvel espace à conquérir. L’autre enjeu, c’est le véhicule électrique et les sept millions de points de charge prévus à l’horizon 2030. Demain, les batteries des véhicules électriques pourront aussi servir de solutions de stockage pour l’électricité. » (Le Daubé, 25 novembre 2016)

    Mais l’Etat électronucléaire nous avait déjà imposé le chauffage électrique afin de nous rendre captifs et dépendants d’EDF et du corps des ingénieurs des Mines. Nous aurons donc toujours plus de logements électriques, de voitures électriques, de bus électriques, de vélos électriques, d’appareils électriques et communicants, censés contribuer aux économies d’énergie et à la réduction du chaos climatique, puisque l’hydraulique, le solaire, l’éolien font partie des « énergies renouvelables » et que « le nucléaire n’émet pas de CO2 ». Et ces myriades d’objets communicants fournissent l’or et le minerai de « l’économie de la connaissance », les mégadonnées (big data) entreposées à grands frais dans les banques informatiques qui consomment déjà 9 % de l’électricité en France, et qui rejetteront autant de CO2 que les avions en 2020 aux Etats-Unis.17 Si vous avez le sentiment que l’électrocratie se moque de vous, qu’elle vous ment, vous manipule, vous asservit, vous opprime, vous pille, vous exploite, vous détruit le monde, vous gâche la vie, vous rend malade et vous met en danger, c’est normal : c’est bien ce qu’elle fait. Et encore, n’habitez-vous pas Arlit, au Niger, d’où l’on tire l’uranium nécessaire au maintien de notre mode de vie et de notre « économie de l’immatériel ».

    Vous nous trompez donc, Aristide Bergès, lorsque vous nous vantez la propreté et l’innocuité de l’électricité : « L’avantage est inappréciable ; plus d’atmosphère viciée, la lampe électrique n’apportant rien et ne donnant rien au milieu ambiant. » C’était sans compter la pollution chimique des lampadaires à vapeur de mercure et des nouvelles ampoules de « basse consommation » ; la pollution radioactive de Tchernobyl, Three Miles Island, Fukushima et celle des centaines de centrales nucléaires en activité.
    C’était sans compter la pollution lumineuse et sonore qui nous cache le chant des étoiles, dans les villes actives nuit et jour, sans temps mort, ni entraves. Cette merveilleuse traînée électrique qui, selon votre lointain successeur, Jean Therme, directeur du Commissariat à l’énergie atomique de Grenoble, signale les zones de prospérité : « Les métropoles économiques à grands potentiels de développement sont repérées de nuit par les investisseurs, grâce aux images fournies par les satellites, sinon en vue directe, depuis un avion. Plus ces villes sont lumineuses, éclairées, plus ils sont intéressés ! Lorsque le ruban technologique de l’arc alpin, entre ses barycentres constitués par Genève et Grenoble, s’illuminera d’une manière continue, lorsque les pointillés des pôles de compétences comme les biotechnologies de Lausanne, la physique et l’informatique du Cern à Genève, la mécatronique d’Annecy, l’énergie solaire de Chambéry ne formeront plus qu’une longue colonne vertébrale, nous aurons gagné. » (Le Daubé. 25/10/2004)
    Précisons que « l’énergie solaire de Chambéry » désigne l’Ines (Institut national de l’énergie solaire), un centre du Commissariat à l’énergie atomique qui a ajouté « et aux Energies alternatives » (EA) à son intitulé (CEA-EA). C’est dire que la production d’énergie solaire sur laquelle les écologistes des années 70 fondaient tant d’illusions, sera tout aussi centralisée, accaparée, industrialisée et destructrice que l’hydraulique, le charbon, le nucléaire et l’éolien.18. Quant à « l’arc alpin » de Genève à Valence, il s’agit du projet technocratique de « faire émerger une métropole d’excellence de dimension européenne » sous le nom de « Sillon alpin ».19
    Finalement, les paysans et les migrants ne sont pas les seules victimes des lumières de la ville ; les investisseurs aussi viennent y flamber. Mais ils n’y laissent pas leur sommeil, ni leur santé – cette fameuse espérance de vie, amputée d’un lustre pour ceux qui travaillent la nuit, ou en 3x8. Ou qui, simplement, sont électrisés par le rythme, le tapage et la frénésie citadine. Et nous en sommes, nous qui ne nous sommes pas encore réfugiés « dans une grotte, en Ardèche ». Il se trouve, en dépit de l’opinion reçue dans certains milieux (post-anarchistes, post-féministes, post- humains, cyborgs et nos excuses aux oubliés) que la nature existe, que l’homme est un animal, et même un animal diurne, au rythme circadien. Que la liberté et le bien-être pour cet animal, comme pour les autres, consistent à vivre à son rythme, dit naturel. Que si on l’en empêche ; que ce rythme est troublé, criblé de stimuli et asservi à tous les stress ; cet animal humain, fatigué, dispersé, dépressif devient vulnérable aux attaques du milieu. C’est ainsi.

    C’est ainsi que la fée Electricité de nos manuels scolaires est devenue l’affreuse sorcière de nos contes d’enfant. Mais les sorcières étaient en fait de très bonnes et très sages femmes, affreusement calomniées par les prêtres et les puritains.20 Et même, des écologistes naturelles (!) selon Françoise d’Eaubonne, théoricienne de l’écoféminisme (Ecologisme, féminisme : révolution ou mutation, 1978. Le sexocide des sorcières, 1999). Rassurez-vous, progressistes de droite et de gauche (libéraux, étatistes, libertariens, sociétaux- libéraux, libéraux-libertaires, post-libertaires, etc.) on ne reviendra pas en arrière, au temps des fées et des sorcières, ni à la bougie. Il faut de la cire pour faire des bougies, et des abeilles pour faire de la cire. La politique de la terre brûlée pratiquée par l’industrie agrochimique et les exploitants agricoles – pesticides, herbicides, homicides - nous met à l’abri de pareilles régressions, de tout retour à la ruralité, rance et réactionnaire.
    Et ce qu’on en dit vaut pour les soi-disant « défenseurs de l’environnement », c’est-à-dire les écotechniciens qui se sont accaparés le « label Vert » avec le soutien des media, à la fois pour se procurer des « opportunités de carrière » et pour empêcher l’émergence de toute véritable défense du milieu naturel et humain. À Tulle, à Sens, à Saint-Étienne, on nous interroge du bout des lèvres : « Mais vous, à Grenoble, vous avez Eric Piolle, un maire écologiste, alors qu’est-ce qu’il dit sur le Linky ? » Pardi. Il dit ce que disent Monboulou, patron d’Enedis, Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie ainsi que les élus Rouges, Roses, Verts à l’Assemblée nationale et à la Métro locale, que le Vert Eric Piolle co-dirige avec le Rose Christophe Ferrari, maire de Pont-de-Claix et président en titre : Linky est nécessaire à la (pseudo) transition énergétique. Aussi, en réponse aux opposants, la Métro a-t-elle voté à l’unanimité un vœu en faveur du compteur Linky (Le Daubé, 3 avril 2016).
    C’est qu’Eric Piolle n’est pas seulement Vert, mais (ex) ingénieur chez Hewlett-Packard ; comme Michel Destot et Hubert Dubedout, les précédents maires de Grenoble, étaient ingénieurs au Commissariat à l’énergie atomique de Grenoble ; comme Vincent Fristot, l’actuel président de Gaz et électricité de Grenoble (GEG) est à la fois Vert et ingénieur. Les ingénieurs Verts étant les meilleurs techniciens de la société électrique et son véritable service de maintenance et d’innovation, GEG travaille à l’installation de ses propres modèles de compteurs communicants, pour le gaz (40 000 appareils) et pour l’électricité (100 000 appareils), d’ici 2024 (Le Daubé, 8 mai 2016). Cependant, c’est dès aujourd’hui qu’Eaux de Grenoble Alpes envoie aux usagers des courriers comminatoires afin d’installer des compteurs à tête radio, Aquadis ou Flodis, fonctionnant sur 433 mégahertz : « Conformément à l’article 30 du Règlement du Service de l’eau potable : “L’usager… doit permettre aux préposés du service de l’eau, l’accès à tout moment au compteur,… pour le remplacer”. Nous vous précisons que cette intervention est gratuite mais obligatoire. » Suivis d’un premier rappel. « Ce remplacement est impératif au regard de la réglementation, le compteur pouvant induire également un risque de défaillance et/ou de fuite inopinée. »

    C’est connu. Les fuites de compteur provoquent de terribles dégâts des eaux que votre assurance ne prendra pas en charge, si votre installation n’est pas aux normes. En tant qu’ingénieur-chef d’une entreprise de fabrication et de distribution d’un fluide, Aristide Bergès aurait apprécié ce chantage subtil pour contraindre les « usagers » à la soumission envers ses exigences technologiques et commerciales., On ne détaillera pas ici comment des entreprises privées et publiques se sont approprié l’eau qui coule pour tous, afin de nous la vendre au robinet et en bouteille. C’était encore une des horreurs de la barbarie pré-industrielle que cette eau gratuite, en « libre service », puisée au puits ou à la rivière par tout un chacun. Une véritable provocation au gaspillage. Heureusement, l’hypertrophie des villes et des populations, les souillures des égouts et des usines ont imposé le traitement et la distribution industriels de l’eau, sa « mise en valeur » et la création d’un marché captif. À quelque chose malheur est bon.

    C’est parce que le contrôle et l’espionnage électroniques à distance menacent également les réseaux d’eau et de gaz que nous participons, à Grenoble, à l’Association de défense contre les compteurs communicants.21 Cet intitulé signifie :
    1) Qu’au-delà du Linky, nous nous opposons à tous les compteurs communicants, au contrôle et à l’espionnage électroniques de nos domiciles.
    2) Qu’au-delà des pollutions électromagnétiques, du gaspillage matériel et de la déshumanisation des services de distribution, nous refusons la société cybernétique qui est le nouveau stade de la société industrielle et technologique.

    Nous refusons de cogérer les diverses nuisances des compteurs communicants avec les pouvoirs publics et privés. Nous ne sommes pas là pour comptabiliser, négocier, « encadrer », « aménager » les taux de rayonnement électromagnétique qu’on nous inflige, mais pour les supprimer à la source, avec le système économique qui les engendre. Pas plus qu’ayant dénoncé le gadget de destruction massive que représentait le téléphone portable (notamment en Afrique) et l’instrument de désocialisation qu’était ici le smartphone (notamment dans la jeunesse) nous ne luttons pour déplacer les antennes de téléphonie (chez les voisins) ou diminuer leur rayonnement.22
    Nous refusons le pilotage automatique de nos maisons, de nos villes, de nos vies, de nos personnes, par des machines en réseaux dits « intelligents », « smart », « communicants », au moyen du marquage électronique de tout et de tous et des banques de traitement des mégadonnées (big data). Nous ne sommes pas des insectes sociaux, nous sommes des animaux politiques.

    Les progressistes nous disent qu’il y a du bon dans le chemin de fer, l’électricité, la société industrielle (capitaliste privée ou d’état, ou mixte) et, désormais, dans la société cybernétique. D’ailleurs les chiffres le prouvent. Nous sommes dix fois plus nombreux sur terre, qu’il y a deux siècles et nous y vivons plus vieux, dans de meilleures conditions – au moins dans les métropoles « avancées ». Ce qui justifie d’étendre au reste de la planète l’American way of life de la Silicon valley. Bref, croissez et multipliez. Mieux vaut le confort sous dépendance informatique que les hasards de la liberté.
    Les mêmes, qui n’en sont pas à une contradiction près, déclarent impossible tout « retour en arrière’ . Précisément parce que nous sommes si nombreux sur un îlot si dévasté, Il nous faudrait confier le calcul et la répartition de nos rations de survie aux calculateurs les plus rationnels. Bref, les coupables de la catastrophe nous imposent la poursuite de la fuite en avant technologique, sous prétexte de gérer les conséquences de deux siècles de révolution industrielle et technologique. Il s’agit d’instaurer un état d’urgence écologique, perpétuel, sous dictature informatique – c’est-à-dire des technocrates qui vampirisent nos données pour en nourrir leurs machines.23

    Nous disons que plus il y a d’humains dans un monde toujours appauvri et réduit, moins il y a d’humanité. La quantité s’obtient en raison inverse de la qualité. On le vit déjà à l’époque du néolithique, quand les petites bandes éparses de chasseurs-cueilleurs, une cinquantaine de nomades par territoire, cédèrent la place aux éleveurs cultivateurs sédentarisés. Les squelettes de chasseurs-cueilleurs exhumés par les préhistoriens sont ceux d’individus grands, minces, robustes, exempts de caries et de carences osseuses, au contraire des éleveurs cultivateurs affaiblis par leur nouvelle alimentation (monotone) et leur nouveau mode de vie (travail, stratification sociale, habitat populeux, épidémies). Mais la production des agriculteurs leur permit de nourrir cent fois plus de population sur un même territoire et de repousser les chasseurs-cueilleurs vers les forêts et les déserts. Ou de les exterminer. Dix paysans mal nourris étant plus forts qu’un seul chasseur-cueilleur en bonne santé. Entre limiter la croissance de leur population ou accroître la production alimentaire, ils choisirent – suivant quelles modalités ? - la deuxième option.
    Puis ils ne cessèrent d’étendre leurs champs, de défricher, de dévaster les milieux naturels, leur faune et leur flore, et d’épuiser les sols. En somme l’agriculture change la Qualité de vie des chasseurs-cueilleurs en Quantité de vies des éleveurs agriculteurs. Quel intérêt y a-t-il à avoir plus de vies, plutôt que des vies meilleures ? Un gain de puissance du groupe sur les autres, essentiellement au profit de la chefferie. En Chine, en Mésopotamie, en Egypte, les agro-empires de l’Antiquité instaurent sur une échelle colossale, ce règne de la quantité qui nous écrase plus que jamais.24
    De même si « l’humanité » adopte l’agro-industrie (engrais chimiques) et les machines, c’est, selon Engels, dans sa polémique contre Malthus, parce qu’elle permet de nourrir – mal – une plus grande population.25 Cent ouvriers mal nourris sont néanmoins plus forts que dix paysans en bonne santé. Cette force multipliée par celle des machines permit aux armées industrielles de vaincre les armées paysannes et de transformer les campagnes – de les détruire. En somme l’industrie change la Qualité de vie des campagnards en Quantité de vies des citadins. Le même principe d’efficacité permit aux « nouvelles classes moyennes » d’ITC (ingénieurs, techniciens, cadres) et d’employés du « secteur tertiaire », alliées aux drones, robots, ordinateurs, d’évincer les anciennes classes d’agriculteurs et d’ouvriers. Mille employés, même nourris de malbouffe industrielle, sont néanmoins plus forts que cent ouvriers – encore plus mal nourris, d’ailleurs.

    On sait la suite qui nous est promise par le secteur le plus progressiste du capitalisme technocratique, celui des technologies convergentes (NBIC)26 et par ses idéologues : la production consciente et planifiée de « l’homme bionique » (bio-électronique), du cyborg (cyber- organisme), du cybernanthrope comme raillait Henri Lefèvre. Le concepteur de la cybernétique, Norbert Wiener, nous l’a annoncé dès 1945 : « Nous avons modifié si radicalement notre milieu que nous devons nous modifier nous-mêmes pour vivre à l’échelle de ce nouvel environnement. »27
    Nos lecteurs auront rectifié d’eux-mêmes : ils ont modifié si radicalement notre milieu que nous devrions maintenant nous modifier pour y survivre. Et si nous ne voulons pas ? Eh bien, nous disparaîtrons comme tant de peuples et d’espèces avant nous, cédant notre « niche écologique » à la nouvelle espèce supérieure. C’est qu’il lui en faudra de la matière et de l’énergie pour accomplir son projet d’Übermensch. En somme, la technologie change la Qualité de vie des humains en Quantité de vie des inhumains. Ou l’inverse. Il faudra peut-être se débarrasser de toute l’humanité superflue pour que vive l’élite nécessaire. Les présidents Bush (père & fils) nous l’avaient bien dit quand l’évidence de l’effondrement écologique et du chaos climatique est devenue inévitable, notre mode vie, l’American way of life, n’est pas négociable – et nous sommes tous américains. Des battants. Des vainqueurs. À l’esprit positif et à la foi indéfectible dans la Science et le Progrès.

    Et c’est nous, les « ennemis du Progrès », que l’on traite d’utopistes ! L’utopie, ou plutôt la dystopie, consiste à croire que nous pouvons poursuivre à l’infini l’effroyable transformation du monde et de l’espèce humaine que les déments progressistes nous infligent de gré ou de force. Ce que nous ont permis les chemins de fer, l’électricité et l’emballement technologique des deux derniers siècles, ce sont l’accélération, l’intensification et l’accroissement de tous les processus. Production, population, consommation. L’allongement et l’accélération de l’activité quotidienne, la multiplication des moyens de communication nous ont permis de mener de plus en plus de vies séparées, successives ou simultanées à une vitesse toujours plus frénétique.
    Nos aïeux menaient dans leurs villages et leurs quartiers des vies de famille et de voisinage, lentes et lourdes, des vies rassemblées, où tout avait lieu à distance de marche : le travail, le commerce, l’habitat, le repos, les fêtes, les échanges, les amours, les querelles, etc. C’était donc aussi des vies directement vécues et collectivement vécues, mais naturellement vécues. Si l’on met de côté les ordres monastiques qui relèvent d’un autre registre, il fallut attendre les premiers phalanstères pour voir des tentatives, d’ailleurs suivies d’échecs, de reconstituer des communautés artificielles. Cette vie d’avant, toute prise dans la société la plus immédiate pouvait être affreusement étouffante et mutilante. Elle a suscité en réaction de multiples voies d’évasion, de refuges et de vagabondages.

    Nos contemporains mènent dans leurs agglomérations des vies dispersées, souvent solitaires, séparées et virtuelles. Grâce aux moyens de communication, ils éloignent leur lieu de travail de leur(s) lieu(x) de résidence et celui-ci (ceux-ci), de la zone de chalandise et/ou de loisirs. Leurs horaires ne sont pas moins éclatés et irréguliers que leurs espaces. Ils sont toujours en transit, en voiture, dans le train, le bus, l’avion, sur leurs écrans, vivant à distance et par intermittence, entre leurs familles décomposées, leurs « amis » sur les « réseaux sociaux » et sur les « forums Internet ». Ils sont donc contraints pour maintenir leurs liens et pour se retrouver, à une énorme dépense d’énergie et de matière achetée à force d’argent, c’est-à-dire de travail. Autrement dit, ils passent leur vie à gagner les moyens de se rassembler. Que ne font-ils pas un court-circuit pour vivre d’abord ensemble, avec ceux qui sont ici, au lieu de vivre ailleurs, avec ceux qui sont au loin ? À quoi bon ce détour, sinon à stupidement alimenter la machine économique ?

    C’est Illich, peut-être, qui dans La convivialité (1973), avait relevé ce paradoxe. L’abondance des embouteillages empêche qu’on aille plus vite en voiture, à Paris de nos jours, qu’en calèche à la Belle époque. Mais pour se payer cette voiture censée lui permettre d’aller plus vite – achat, assurance, entretien, essence, stationnement et garage - le conducteur perd une si grande partie de sa vie qu’il irait plus vite à pied ou en vélo. Plus le coût social, écologique, économique de l’industrie automobile. Faut-il enfoncer les portes ouvertes ? Le temps n’est pas de l’argent. Ma vie n’a pas de prix. Aucun emploi, aucun salaire, ne vaut que je lui sacrifie mon seul bien, offert une fois pour toutes par mes père et mère, et que personne ne peut augmenter ni me rembourser. L’électrification du monde ne nous fait pas gagner de temps. Elle nous en fait perdre par les multiples détours économiques et sociaux qu’elle rend d’abord possibles, puis obligatoires. Elle ne nous fait pas vivre mieux, ni plus heureux. Sans compter le ravage de notre milieu naturel. Et croyez bien que c’est dit à regret par des gens qui ne peuvent s’empêcher de lire la nuit.
    Il en est de même des chemins de fer et de l’ensemble de la société industrielle et technologique, dont le bilan est non moins effroyable. Ce constat de faillite que ses auteurs ne songent plus à nier, mais qu’ils cherchent à tourner à leur avantage, en nous réclamant de nouveaux crédits (d’argent, de temps, de destructions et de peine) et en faisant miroiter de nouveaux mirages d’abondance doit entraîner de notre part, sociétaires de la société, deux décisions :
    Le licenciement de la technocratie dirigeante.
    Le démantèlement de la société électrique & industrielle.

    Laissez-nous vivre et rendez-nous la terre, les abeilles et les bougies !

    Pièces et main d’œuvre
    Grenoble, décembre 2016

    --
    1 http://refus.linky.gazpar.free.fr
    2 cf. Le Postillon n°37, octobre 2016
    3 cf. Antifascisme radical ? Sur la nature industrielle du fascisme. Sebastian Cortes. Editions CNT-RP, 2015
    4 cf. Multitudes n°58, printemps 2015
    5 cf. Linky, la filière grenobloise, sur www.piecesetmaindoeuvre.com
    6 Pierre Frappat. 1979, Ed. Alain Moreau
    7 Pièces et main d’œuvre. 2013, Editions L’Echappée
    8 cf. Sous le soleil de l’innovation. Pièces et main d’œuvre. Ed L’Echappée, 2013
    9 cf. Tableau de la géographie de la France (la Table ronde, 2000) ; Planification urbaine et croissance à la grenobloise sur www.piecesetmaindoeuvre.com
    10 cf Métro, boulot, chimio (éd. Le Monde à l’envers) et “Réindustrialisons” : quand “Là-bas si j’y suis” défend le cancer français sur www.piecesetmaindoeuvre.com
    11 cf Fakir n°69, mars-avril 2015
    12 cf. In their own words. Le parallèle entre le Grésivaudan et la Silicon Valley par ceux-là même qui l’ont commis : www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php ?page=resume&id_article=117
    13 cf. Linky : la filière grenobloise, op. cité
    14 Mais il est vrai que nous préférons Elisée Reclus, George Orwell et Victor Serge, combattants sans dieu ni maîtres de l’union libre et de la libre pensée, aux cagots anti-anarchistes qui défilent aux cris de « Dieu est grand ! », consentent au voilage des femmes et attaquent les réunions où l’on ose critiquer leur islamolâtrie (cf. communiqué de Mille Babords : www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php ?page=resume&id_article=885)
    15 cf. Sous le soleil de l’innovation. Pièces et main d’œuvre. Ed L’Echappée, 2013
    18 cf. Frédéric Gaillard. Le Soleil en face. Rapport sur les calamités de l’industrie solaire et des prétendues énergies alternatives. Ed. L’Echappée, 2012
    19 cf. Isère Magazine, novembre 2004
    20 cf. Caliban et la sorcière, Silvia Federici. Ed. Entremonde 2014
    21 cf. http://grenoble-anti-linky.eklablog.com
    22 cf. Le téléphone portable, gadget de destruction massive. Pièces et main d’œuvre (L’Echappée, 2008) ; Adresse à tous ceux qui ne veulent pas gérer les nuisances, mais les supprimer, juin 1990, par L’Encyclopédie des nuisances. www.piecesetmaindoeuvre.com
    23 cf. L’Enfer vert, un projet pavé de bonnes intentions. Tomjo. L’Echappée
    24 cf. De la Popullulation, sur www.piecesetmaindoeuvre.com
    25 cf. Esquisse d’une critique de l’économie politique. 1843-1844
    26 Nanotechnologies, biotechnologies, informatique, sciences cognitives
    27 cf. Norbert Wiener. Cybernétique et société.

  • Menaces sur l’informatique mondiale

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/11/20/menaces-sur-l-informatique-mondiale_5034720_3234.html

    La stratégie de survie des anciennes gloires du secteur passe par des diversifications et des acquisitions qui mettront du temps à porter leurs fruits. Et toutes ne survivront pas.

    Le numérique a-t-il tué l’infor­matique ? Alors que les Apple, ­Google, Amazon ou Facebook caracolent dans les classements boursiers mondiaux et qu’ils engrangent des dizaines de milliards de dollars de bénéfices chaque trimestre, les entreprises qui ont donné à l’informatique ses lettres de noblesse ne cessent de se « recentrer », de se « redimensionner », cherchant la formule qui leur redonnera croissance et promesses d’avenir.
    Certes, elles gagnent encore de l’argent et possèdent même pour certaines de beaux trésors de guerre, mais la créativité, l’inventivité et ­l’attractivité ne sont plus dans leur camp. Ni la croissance ni, donc, l’avenir.

    Il y a un an, Hewlett-Packard se scindait en deux sociétés : HP Inc pour les imprimantes et les PC, et HP Enterprise (HPE) pour l’infrastructure, les services et les logiciels. Meg Whitman, PDG de HP, avait pris cette décision pour redonner plus d’« agilité » au doyen de la Silicon Valley, malmené sur ses marchés. Après avoir fusionné ses activités dans les services avec celles de l’américain CSC, puis revendu ses logiciels à l’anglais Micro Focus, HPE a vu son chiffre d’affaires fondre de 52,7 milliards de dollars (49,2 milliards d’euros) à quelque 28 milliards de dollars.

    Le marché porteur du cloud

    La plus que centenaire IBM vient, pour sa part, d’enregistrer un dix-huitième trimestre consécutif de baisse de son chiffre d’affaires. En cinq ans, son revenu global a diminué de plus de 23 %, passant de 107 milliards de dollars en 2011 à 81,7 milliards de dollars en 2015.
    Le géant américain de l’électronique, Intel, a, lui, affiché en 2015 un chiffre d’affaires en baisse de 1 % par rapport à 2014. Le spécialiste des réseaux Cisco a clos son exercice 2016 fin juillet sur un chiffre d’affaires de 49,2 milliards de dollars, stable par rapport à 2015.
    Pas mieux du côté des grands éditeurs de logiciels. Le chiffre d’affaires d’Oracle a baissé de 3 % entre les exercices 2015 (38,2 milliards de dollars) et 2016 (37 milliards). L’allemand SAP parvient à maintenir plusieurs points de croissance, en partie grâce aux acquisitions qu’il a réalisées au cours des dernières années sur le marché plus porteur du cloud.


    La fin des beaux jours

    De même, Microsoft retrouve les faveurs de la croissance – et, donc, de la Bourse – à la suite d’un virage sérieux et de lourds investissements vers le cloud, mais son bénéfice a été quasiment réduit de moitié entre 2011 et 2015.

    En l’espace de quelques années à peine, les stars de l’informatique des années 1990 et 2000, qui affichaient des taux de croissance à deux chiffres et faisaient les beaux jours des actionnaires, se retrouvent à la peine, voire menacées d’être rachetées ou même de disparaître. L’informatique serait-elle passée de mode ? Non, bien au contraire.
    Nos activités reposent plus que jamais sur le numérique, mais c’est justement cette numérisation massive dans tous les domaines qui a changé la donne. L’offre matérielle et logicielle sur laquelle ces géants se sont construits est soudain devenue trop lente, trop lourde, trop rigide et trop chère.

    Une nouvelle ère

    Jusqu’au milieu des années 1990, l’infor­matique servait à l’activité économique des entreprises et des administrations, qui achetaient ou louaient chacune leurs ordinateurs. Les logiciels étaient vendus sous forme de licences, immanquablement accompagnées d’un contrat annuel de maintenance qui représentait environ 20 % du coût de la licence. Le tout nécessitait force développements de logiciels et services d’accompagnement qui faisaient vivre un grand nombre de prestataires de conseil et de services. Jusqu’à ce que des technologies nouvelles viennent bousculer ce monde de l’informatique en imposant des règles elles aussi nouvelles.

    Première cause de cette rupture, le réseau Internet. Sa capacité à donner accès à tous les détenteurs d’un terminal connecté à toutes sortes d’informations et de données a profondément bouleversé l’usage du numérique et l’a mis à portée du grand public.
    La mobilité ensuite. Les téléphones mobiles, rebaptisés smartphones, offrent aujour­d’hui, dans un format compact, plus de fonctionnalités et de puissance qu’un micro-ordinateur. Et aucune de ces « vieilles » entreprises, hormis Apple, n’en produit. En 2007, année du lancement de l’iPhone, le chiffre d’affaires de la firme à la pomme était trois fois plus petit que celui d’IBM. Moins de dix ans après, il est de plus du double.



    Redistribution totale des cartes

    Le cloud enfin. En mettant à disposition de toutes les entreprises, mais aussi de tous les particuliers, de la puissance de traitement informatique à la demande et des espaces de stockage payés à l’usage, le cloud a fait basculer l’informatique dans une nouvelle ère. « On est passé du logiciel de comptabilité dans un bureau au numérique présent ­partout dans nos vies, dans tous les objets et dans toutes nos activités », résume Michael Dell, PDG fondateur de l’entreprise du même nom. Et les grands bénéficiaires de ces mutations s’appellent Google, Apple, Amazon et Facebook.

    Ces nouvelles technologies, auxquelles on peut ajouter les objets connectés, le big data, les nouveaux modes de développement de logiciels dits « agiles », l’intelligence artificielle, l’impression 3D, etc., ont fait entrer le numérique dans nos maisons, dans nos poches, à nos poignets, dans nos voitures… ­Elles ont relégué l’ordinateur au rang d’accessoire avec lequel il faut composer en attendant que le nouveau remplace progressivement l’ancien. Et elles ont totalement redistribué les cartes.

    C’est le schéma classique de la destruction créatrice, chère à Schum­peter. Le grand public a pris le pas sur les ­entreprises et est devenu le moteur de l’industrie. « Le cloud permet à de nouveaux acteurs comme Uber ou Airbnb d’aller très vite, de créer leur marque et d’atteindre le vaste marché du grand public rapidement en ­contournant les acteurs traditionnels de ­l’informatique », remarque Benoît Flamant, directeur de la gestion numérique chez Fourpoints ­Investment Managers.



    « Une guerre à mort »
    De nouveaux venus peuvent en quelques jours mettre au point une application très innovante ou un nouveau service en louant, sur Amazon, la puissance informatique dont ils ont besoin. Jamais ils ne s’équiperont d’un système d’information comme le faisait la génération précédente. Les maîtres mots de ce nouveau monde numérique sont la rapidité, la souplesse, l’expérience client, le grand public et la désintermédiation.

    « C’est une guerre à mort qui se joue là, une guerre à la fois de vitesse, des prix et des ­talents. Il faut innover et générer de la croissance toujours plus et toujours plus vite. Des acteurs comme Yahoo !, Nokia ou BlackBerry n’ont pas survécu à cette course effrénée », ­affirme Patrick Rouvillois, directeur au ­Boston Consulting Group (BCG), expert des ruptures numériques.

    S’ils veulent survivre, les acteurs historiques de l’informatique n’ont d’autre choix que de se réinventer et de trouver de nouveaux terrains fertiles à la croissance. Le matériel, serveurs, PC et portables, est devenu une « commodité », un support aux applications et aux services proposés. Sur le marché des PC, les marges faiblissent de jour en jour. La consolidation permet de réaliser des économies d’échelle.
    C’est l’option prise par le chinois Lenovo, qui a successivement repris les PC puis les serveurs d’IBM, l’activité PC de NEC, la branche téléphonie mobile de Motorola et, tout récemment, a signé un « accord de coopération » avec l’un des derniers japonais du domaine, Fujitsu. Seuls HP, Dell et les taïwanais Asus et Acer parviennent à se maintenir sur ce marché. Du côté des serveurs, la menace vient des géants de l’Internet.

    Plutôt que d’acheter les matériels du marché, les Google, Facebook et autres Amazon développent eux-mêmes leurs équipements selon leurs propres spécifi­cations. Là encore, les acteurs traditionnels seront de plus en plus souvent contournés.
    Certes, le matériel informatique ne disparaîtra pas. Les objets connectés, les smartphones, l’analyse des données, l’utilisation croissante de la vidéo nécessitent des équipements toujours plus nombreux dans les centres de données (datacenters).

    Le logiciel, un objet vivant

    Ainsi, chaque smartphone vendu nécessite un nouveau serveur dans un centre de données. « Mais le matériel n’existe pas tout seul, il est forcément lié à une intelligence. On n’achète pas un téléphone ou une montre connectée pour l’objet lui-même mais pour les fonctions qu’il offre », remarque Philippe Herbert, ­general partner chez Banexi Ventures. Et, là aussi, les acteurs historiques sont menacés.

    Le logiciel devient à son tour une commodité. On ne développe plus de logiciels de gestion des ressources humaines, de la ­production ou de la finance, écrits une fois pour toutes. Depuis l’émergence des ­DevOps, ces méthodes de développement agile, le logiciel est devenu un objet vivant, dynamique, composé de modules du ­marché, souvent en accès libre (open source), que des développeurs assemblent pour l’adapter aux besoins d’une application ou d’une entreprise et qu’ils font ­évoluer au fur et à mesure des besoins. C’est l’avènement du code et des codeurs.

    Le software as a service (SAAS) simplifie l’usage en donnant accès à un logiciel qui est actualisé en permanence. L’utilisateur paie à la consommation, il n’a plus besoin d’investir dans du matériel et dans des équipes ­d’informaticiens. Pour les éditeurs historiques, le SAAS impose la refonte des logiciels, afin de les rendre utilisables dans le cloud en toute sécurité. Il entraîne surtout une baisse de leurs revenus à court terme. Là où il encaissait 100 en une fois puis 20 chaque année pour la maintenance, l’éditeur doit maintenant patienter cinq ou six ans au moins pour encaisser une somme équivalente. Ce changement de modèle n’a pas fini de faire des dégâts.

    « Nous sommes mortels »

    Pour survivre, les acteurs historiques rachètent des sociétés nées dans le cloud et l’Internet. En juin 2013, IBM a acquis l’hébergeur SoftLayer et ses 13 centres de données pour 2 milliards de dollars. Depuis 2011, l’allemand SAP a racheté des éditeurs spécialisés dans le SAAS, SuccessFactors (RH), Ariba (achats), Fieldglass (RH), Concur (frais de déplacements) pour un total de près de 17 milliards de dollars. HPE est en négociation pour le rachat de SimpliVity, un acteur de l’hyperconvergence, une technologie-clé pour les datacenters, pour près de 4 milliards de dollars. Oracle vient de boucler l’acquisition de NetSuite (logiciels de gestion dans le cloud) pour 9,3 milliards de dollars.

    Toutes ces acquisitions vont doter les acheteurs des compétences qui leur faisaient défaut, mais il faudra des années avant que leur apport ne soit visible dans le chiffre d’affaires. « Notre avantage est que nous savons que nous sommes mortels et que la transformation est nécessaire », affirme sereinement ­Nicolas Sekkaki, le président d’IBM France. IBM mise désormais sur le cloud et l’intelligence artificielle (programme Watson), qui devraient représenter la moitié de son ­chiffre d’affaires d’ici à cinq ans.

    « Il y a vingt ans, IBM était numéro un, et HP numéro dix. Aujourd’hui, les 8 autres du top 10 ont disparu ou ont été rachetés », précise Gérald Karsenti, le président de HPE France. « Tous les acteurs peuvent disparaître ­demain. Le secteur bouge, se réinvente en permanence. Le tout est de ne pas se laisser distancer. » Alors, ils tentent de retrouver plus de souplesse et de créativité en collaborant avec des start-up et en multipliant les projets d’innovation ouverte. Mais, s’ils espèrent tous avoir trouvé la martingale qui leur assurera des lendemains radieux, aucun ne peut affirmer que sa stratégie est la bonne.

  • HP et les cartouches non-officielles : des imprimantes bloquées, une mise à jour arrive
    http://www.nextinpact.com/news/101447-hp-et-cartouches-non-officielles-imprimantes-bloquees-mise-a-jour

    Des utilisateurs d’imprimantes HP ont eu la désagréable surprise de voir leur appareil subitement refuser de fonctionner, car leurs cartouches non-officielles n’étaient pas reconnues. Le constructeur a tourné autour du pot pendant plusieurs jours, avant de faire machine arrière et de promettre la mise en ligne d’un nouveau firmware. L’actualité de HP est très chargée ces dernières semaines en ce qui concerne le secteur de l’impression. Le mois dernier, le fabricant annonçait des résultats très mitigés (...)

    #Hewlett-Packard_(HP) #imprimante #domination

    ##Hewlett-Packard__HP_

  • Nine charged in $100m insider trading case tied to Ukraine hackers
    http://www.cnbc.com/2015/08/12/nine-charged-in-100m-insider-trading-case-tied-to-ukraine-hackers.html

    It was a symbiotic relationship that brought together the underbelly of Wall Street and the dark reaches of the online world.

    From their suburban homes in the United States, dozens of rogue stock traders would send overseas hackers a shopping list of corporate news releases they wanted to get a sneak peek at before they were made public. The hackers, working from Ukraine, would then deliver how-to videos by email with instructions for gaining access to the pilfered earnings releases.

    In all, 32 traders and hackers reaped more than $100 million in illegal proceeds in a sophisticated and brazen scheme that is the biggest to marry the wizardry of computer hacking to old-fashioned insider trading, according to court filings made public on Tuesday. One of the men, Vitaly Korchevsky, a hedge fund manager and former Morgan Stanley employee living in a Philadelphia suburb, made $17 million in illegal profits, the indictment said.

  • Encore deux jours : System Administrator Appreciation Day
    https://en.wikipedia.org/wiki/System_Administrator_Appreciation_Day

    The first System Administrator Appreciation Day was celebrated on July 28, 2000. Kekatos was inspired to create the special day by a Hewlett-Packard magazine advertisement in which a system administrator is presented with flowers and fruit-baskets by grateful co-workers as thanks for installing new printers. Kekatos had just installed several of the same model printer at his workplace.

    2015 : July 31
    2016 : July 29
    2017 : July 28

    #merci_seenthis

  • Le #système_Poutine (1/6) : argent sale et effondrement de l’État

    De l’argent sale en provenance de l’entreprise américaine #Hewlett-Packard a aidé l’autocrate russe Vladimir #Poutine à consolider son pouvoir, révèlent dans une enquête au long cours David Crawford et Marcus Bensmann, journalistes pour notre partenaire allemand CORRECT !V. La cour de justice régionale de Leipzig devrait bientôt statuer sur cette vaste affaire de #corruption.

    http://www.mediapart.fr/journal/international/250715/le-systeme-poutine-16-argent-sale-et-effondrement-de-l-etat?onglet=full
    #Russie

  • Why Silicon Valley Will Continue to Rule, by Leslie Berlin — Medium
    https://medium.com/backchannel/why-silicon-valley-will-continue-to-rule-c0cbb441e22f

    The skills learned through building and commercializing one layer of the pearl underpinned and supported the development of the next layer or developments in related industries. Apple, for instance, is a company that people often speak of as sui generis, but Apple Computer’s early key employees had worked at Intel, Atari, or Hewlett-Packard. Apple’s venture capital backers had either backed Fairchild or Intel or worked there.

    (...) Stanford, meanwhile, was actively trying to build up its physics and engineering departments. Professor (and Provost from 1955 to 1965) Frederick Terman worried about a “brain drain” of Stanford graduates to the East Coast, where jobs were plentiful. So he worked with President J.E. Wallace Sterling to create what Terman called “a community of technical scholars” in which the links between industry and academia were fluid. This meant that as the new transistor-cum-microchip companies began to grow, technically knowledgeable engineers were already there. These trends only accelerated as the population exploded.

    (...) Historian Richard White says that the modern American West was “born modern” because the population followed, rather than preceded, connections to national and international markets. Silicon Valley was born post-modern, with those connections not only in place but so taken for granted that people were comfortable experimenting with new types of business structures and approaches strikingly different from the traditional East Coast business practices with roots nearly two centuries old.

    (...) timing was crucial. Silicon Valley was kick-started by federal dollars. Whether it was the Department of Defense buying 100% of the earliest microchips, Hewlett-Packard and Lockheed selling products to military customers, or federal research money pouring into Stanford, Silicon Valley was the beneficiary of Cold War fears that translated to the Department of Defense being willing to spend almost anything on advanced electronics and electronic systems. The government, in effect, served as the Valley’s first venture capitalist.

    (...) 2/3 of people in working in sci-tech Valley industries who have completed their college education are foreign born. Silicon Valley, now, as in the past, is built and sustained by immigrants.

    (...) Venture capital is important for developing products into companies, but the federal government still funds the great majority of basic research in this country. Silicon Valley is highly dependent on that basic research — “No Basic Research, No iPhone” is my favorite title from a recently released report on research and development in the United States.

    #disruption #silicon_valley #histoire #silicon_army cc @thibnton

  • Une tribune de Jean Peyrelevade dans « Les Echos » sur Clinatec et les luddites
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=717

    Le banquier Jean Peyrelevade est très inquiet. L’influence de Pièces et main d’oeuvre sur Eric Piolle, maire Vert de Grenoble et ancien cadre de Hewlett-Packard, lui fait craindre que la municipalité rouge-verte ne soutienne plus financièrement les laboratoires NBIC, et en particulier Clinatec, la clinique expérimentale du cerveau du CEA. Sa démonstration sur l’importance de la recherche pour la croissance et la qualité de vie devrait être étudiée par tous les révolutionnaires qui doutent du primat de la technologie dans le capitalisme contemporain. Nous ne saurions mieux dire. Peyrelevade nous écrit dans « Les Echos » du 18 mars 2015. On vous fait suivre. Sur Clinatec, lire : Clinatec, le laboratoire de la contrainte Clinatec : lettre ouverte aux médecins et professionnels de santé Clinatec (...)

    #Service_compris
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/Les_Verts_et_le_progre_s_Peyrelevade-2.pdf

  • Hewlett-Packard présente son rôle aux check-points israéliens comme réduisant les « frictions » avec les Palestiniens -
    18 novembre | Adri Nieuwhof pour The Electronic Intifada |Traduction JPP pour l’AURDIP
    http://www.aurdip.fr/hewlett-packard-presente-son-role.html

    Pendant des années, le géant à base américaine de la technologie de l’information, Hewlett-Packard, a été ciblé avec succès par le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) pour son soutien matériel à l’occupation israélienne de la Palestine.

    La société fournit des matériels et services au « ministère de la Défense » et à la marine de guerre israéliens, et elle maintient sa présence dans une colonie illégale de Cisjordanie.

    Elle fournit également et entretient un système haute technologie de contrôles des pièces d’identité sur le réseau, brutal et sadique, des check-points racistes de Cisjordanie.

    La coalition américaine Stop Hewlett-Packard et la Campagne pour le boycott d’HP ont tenu la société comme responsable en appelant à son désinvestissement et à son boycott. En mai par exemple, les étudiants de l’université DePaul de Chicago ont voté en faveur de son désinvestissement de HP, avec d’autres entreprises qui profitent de l’occupation israélienne.

    En juin, l’Église presbytérienne américaine a voté lors de son assemblée générale le retrait de ses titres de certaines sociétés, dont HP, en raison de leur rôle dans l’occupation israélienne.

    Même si l’ambassade israélienne a écarté cette initiative comme une « mesure symbolique », il était apparu que la société s’inquiétait suffisamment, avant l’assemblée générale de juin, pour adresser une lettre apparemment désespérée à la Commission de l’Église qui traite des questions du Moyen-Orient.

    The Electronic Intifada a obtenu une copie de la lettre et la publie intégralement ci-dessous.

    Malgré les tentatives de relations publiques pour faire illusion sur son rôle, Zoe McMahon, directeur de « Responsabilité sociale et environnementale mondiale et droits de l’homme » de HP, confirme ses relations intimes avec l’occupation israélienne de la Cisjordanie.

    #BDS

  • Elections de Grenoble : De quelle victoire Eric Piolle est-il le héros ?
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=487

    Après 18 ans de municipalité CEA-PS, Grenoble est désormais équipée d’un maire HP-EELV. Eric Piolle est un ancien ingénieur de Hewlett-Packard membre d’Europe-Ecologie-Les Verts. Cette élection ne constitue ni une surprise, ni un « coup de tonnerre » (Le Daubé, 24/03/14), mais la mise à jour du personnel technocratique, dans le droit-fil de l’histoire de la technopole. Les écotechniciens Verts représentent la technocaste au pouvoir ici depuis bientôt 50 ans, et la version 2.0 de son éternel programme : innovation, recherche & développement, gestion du désastre via le « Green New Deal » et la rationalisation éco-responsable de nos vies. (...) Pour lire le texte intégral, ouvrir le document ci-dessous. (...)

    #Nécrotechnologies
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/Victoire_d_Eric_Piolle.pdf

  • Reaching for Silicon Valley [At the Georgia Institute of Technology in Atlanta — sur fond de contentieux et de chips]
    NYTimes.com - Nick Wingfield 16/11/13
    http://www.nytimes.com/2013/11/17/technology/reaching-for-silicon-valley.html?pagewanted=all

    At Stanford, in the heart of #Silicon_Valley, academic research with an eye toward private industry — that “quasi-Wild West way” — is a way of life.

    No other university has been associated with so many big tech giants created by former students and faculty members— companies including Google, Cisco Systems, Sun Microsystems and Hewlett-Packard. A study conducted last year by two Stanford professors estimated that nearly 40,000 active companies generating annual revenue of $2.7 trillion can trace their roots in some way to #Stanford.
    http://engineering.stanford.edu/sites/default/files/Stanford_Innovation_Survey_Executive_Summary_Oct2012_3.pdf

    The university’s affiliation with so many of these spin-outs, as they are known, is lucrative as well as legendary. Stanford has earned about $337 million just from licensing to Google its search algorithm, which was developed while the company’s co-founders were in graduate school.

    One of Stanford’s closest rivals in creating spin-outs has been the Massachusetts Institute of Technology, which played a role in the creation of Akamai, iRobot and the E Ink Corporation. Many other schools with respected computer engineering programs, including Cornell and the University of Washington, are all doing more to copy Stanford’s success in commercializing technologies, which can benefit the schools through #patent licensing fees, alumni donations and the cachet that attracts future generations of students.

    Aux #Etats-Unis, les liens entre #université et #startups sont étroits. Une certaine culture de l’#entreprenariat qui fait naître des #tech_companies, ce qui ne va pas sans #conflits_d'intérêts. De là à la #silicon_army...

  • At Waldorf School in Silicon Valley, Technology Can Wait - NYTimes.com
    http://www.nytimes.com/2011/10/23/technology/at-waldorf-school-in-silicon-valley-technology-can-wait.html?pagewanted=all

    LOS ALTOS, Calif. — The chief technology officer of eBay sends his children to a nine-classroom school here. So do employees of Silicon Valley giants like Google, Apple, Yahoo and Hewlett-Packard.

    But the school’s chief teaching tools are anything but high-tech: pens and paper, knitting needles and, occasionally, mud. Not a computer to be found. No screens at all. They are not allowed in the classroom, and the school even frowns on their use at home.

    #éducation #silicon_valley

  • Le Blog de Yves Ollivier : Faute avouée...
    http://ollyves.blogspot.com/2011/09/faute-avouee.html

    Faute avouée...

    Ce n’est pas de l’« obsolescence programmée », mais on n’en est pas très loin...
    Panne de cartouches hier sur mon imprimante.
    Ce n’est pas que je sois un utilisateur forcené de mon imprimante, mais il m’arrive d’en avoir quelquefois besoin : ne serait-ce que pour imprimer les parcours des visites de quartier par exemple !
    La multiplicité des modèles Hewlett-Packard, l’âge de mon imprimante et la difficulté de trouver du bio dans le domaine m’amènent donc à fréquenter une grande surface de la zone nord de notre ville.
    La rayon des cartouches d’encre y occupe un mur et il est bien difficile d’y trouver la fameuse référence 363 des cartouches de mon imprimante. Ouf... il y a une partie cartouches recyclées. Mais de la HP 363, nenni !
    On y vend bien des kits de recharge, mais pour avoir essayé une fois et avoir « destroyé » une chemise toute neuve, j’y renonce...
    Je trouve enfin mes cartouches et il en faut 6 : du noir, du magenta, du cyan, du jaune, etc... et mon imprimante refuse de fonctionner si elle n’a pas les six ! Erreur fondamentale de choix lors de son achat ! Je cherche donc à voir s’il n’y aurait pas une promotion sur un kit de six cartouches. Que nenni !
    Je me résous à faire la multiplication du prix de la cartouche par 6 et me rendre compte assez vite que j’ai dépassé le prix de l’imprimante neuve dans le rayon d’à-côté ! Imprimante plus performante, fonctionnant avec 4 cartouches à un prix nettement inférieur

    #rhaaa, #obsolescence, #imprimantes, #recyclage, #consommation