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  • Les liaisons à risques du #CICR

    Les relations du Comité international de la Croix-Rouge avec le secteur privé et la double casquette de son président, #Peter_Maurer, également membre du conseil de fondation du #World_Economic_Forum, font courir le risque que le CICR soit perçu comme partial. La sécurité des délégués sur le terrain est en jeu.

    C’était le 9 octobre 2017. Sans tambour ni trompette, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) déclarait mettre fin avec effet immédiat au partenariat qu’il entretenait avec la multinationale LafargeHolcim. Cette dernière était l’une des douze sociétés appartenant au Corporate Support Group du CICR, un groupe de partenaires stratégiques du secteur privé. Motif : LafargeHolcim (LH), entreprise née de la fusion entre la société suisse Holcim et le français Lafarge lancée en 2014 et effective en 2015, est accusée d’avoir financé des groupes djihadistes en Syrie, dont l’organisation Etat islamique, à travers sa filiale Lafarge Cement Syria (LCS) et la cimenterie de Jalabiya.

    La justice française a depuis mis en examen sept cadres de la société soupçonnés de « financement du terrorisme ». Dans sa communication de l’automne dernier, le CICR est explicite : il « n’a pas travaillé avec LH ou avec Lafarge en Syrie, et n’a aucune connexion avec la situation complexe dans laquelle se trouve LH actuellement. »
    L’affaire LafargeHolcim

    L’exemple soulève la question des rapports du CICR avec ses partenaires privés. Pour l’organisation, fondée en 1863 par Henri Dunant et dont la mission est de rendre visite aux détenus, de fournir protection, assistance et aide humanitaire aux victimes de conflits armés et de promouvoir le respect du droit international humanitaire, l’alerte est chaude. Elle l’est d’autant plus que le CICR met du temps à réagir. Le Monde publie sa première enquête le 21 juin 2016 sous le titre : « Comment le cimentier Lafarge a travaillé avec l’Etat islamique en Syrie. »

    Face à ces révélations, le CICR réévalue ses procédures. Mais pas de remise en question immédiate du partenariat avec #LafargeHolcim. Selon un document interne envoyé au même moment aux délégations et que Le Temps s’est procuré, le CICR avance que « bien qu’à ce stade, la probabilité que les médias approchent le CICR au sujet du soutien qu’il reçoit de LH soit très faible, les lignes ci-dessous devraient aider à gérer de telles demandes ». Les collaborateurs sont censés mentionner des projets développés en commun par LH et le CICR, notamment au Nigeria. Le siège continue à relativiser : « Les accusations contre LH au sujet du comportement de son équipe en Syrie doivent encore être prouvées. »

    A Genève, on ne prend pas la mesure de l’urgence : le président du CICR Peter Maurer et le chef de la délégation du CICR au Nigeria signent le 21 octobre 2016 à Lagos un protocole d’accord avec Lafarge Africa Plc. Le partenariat prévoit notamment de « renforcer la position de Lafarge sur le marché du ciment dans le nord-est du Nigeria ». Une phrase qui provoque une vive discussion à l’interne. Quatre jours plus tard, pourtant, la rupture avec LH est annoncée : « La révision [du partenariat] a révélé que la controverse […] avait le potentiel d’impacter négativement les opérations, la réputation et la crédibilité du CICR avec des acteurs clés, y compris sur le terrain. » En dépit de la volte-face, le malaise persiste. Etait-il opportun d’avoir un partenariat avec Holcim, dont le président du conseil d’administration jusqu’en mai 2014 (après la fusion avec Lafarge), Rolf Soiron, siégeait dans le même temps au Conseil de l’Assemblée, l’organe suprême du CICR ?
    Les risques de conflit d’intérêts

    Le partenariat avec LafargeHolcim n’étant plus d’actualité, l’affaire pourrait s’arrêter là. C’est compter sans un groupe de 25 membres honoraires, d’anciens dirigeants, chefs des opérations et de délégation du CICR. Dans un document qu’ils envoient au siège du CICR en décembre 2017 intitulé « L’indépendance et la neutralité du CICR en péril », ils affirment vouloir nourrir un débat qu’ils jugent « existentiel ». Leur intention, précisent-ils au Temps, n’est pas de « casser » une organisation qu’ils continuent d’aimer.

    Le réflexe pourrait être de voir dans cette mobilisation un combat d’arrière-garde entre des anciens, dépassés, et des nouveaux, progressistes. Or l’inquiétude dépasse largement ce cercle et provient aussi des délégués actifs sur le terrain. Elle ne porte pas tant sur la collaboration avec le secteur privé que sur les conditions dans lesquelles celle-ci se matérialise. Cette inquiétude est exacerbée par plusieurs facteurs : face aux multiples crises humanitaires et à leur complexité croissante, face à l’irrespect crasse du droit international humanitaire, le CICR évolue dans un contexte extraordinairement difficile. Il est présent dans 86 pays et emploie 18 000 collaborateurs. Son travail, remarquable, est reconnu.

    Si nombre d’entreprises privées ont régulièrement soutenu l’auguste institution, elles l’ont surtout fait sous une forme philanthropique. « Aujourd’hui, c’est davantage du donnant-donnant », explique Marguerite Contat, ex-cheffe de délégation qui craint que l’indépendance et l’impartialité du CICR ne soient remises en question. Un vocabulaire qui fait écho au slogan « win-win » familier du World Economic Forum (#WEF), mais qui s’inscrit aussi dans la transformation en partie entamée à l’ONU au début des années 2000 par Kofi Annan sous le nom de « #Global_Compact », un concept de promotion du #partenariat_public-privé. Le document rédigé par le groupe des 25 met en garde : « L’institution ne peut se permettre de mettre en péril le formidable capital de confiance qu’elle a accumulé au cours de son siècle et demi d’existence […]. Il ne suffit pas, pour le CICR, de se proclamer neutre et indépendant, encore faut-il qu’il soit reconnu comme tel par toutes les parties concernées. »

    On l’aura compris : les craintes exprimées touchent à un aspect central de l’action du CICR : la perception qu’ont de lui les acteurs locaux, qu’il s’agisse de groupes armés non étatiques, d’Etats ou de groupes terroristes. Les principes ne sont pas gravés dans le marbre une fois pour toutes, déclarait pourtant Peter Maurer lors d’un symposium consacré en 2015 aux « principes fondamentaux dans une perspective historique critique ». Ils sont fonction de l’époque.

    Sous la présidence de Jakob Kellenberger (2000-2012), le CICR a institué un partenariat stratégique avec douze sociétés réunies dans ce qu’il appelle le Corporate Support Group (CSG). L’apport de chacune est d’un demi-million par an sur six ans. Leur contribution financière est marginale, soit moins de 4% du financement assuré par les Etats contributeurs. Mais pour le CICR, appelé à répondre à des besoins humanitaires qui explosent, ce soutien est nécessaire. Dans cette logique, le récent partenariat conclu avec la société danoise Novo Nordisk a du sens. Peter Maurer le justifiait récemment devant l’Association des correspondants du Palais des Nations (Acanu) : « Non, ce n’est pas de la philanthropie. Nous n’obtenons pas les médicaments [anti-diabète] de Novo Nordisk gratuitement. Mais ceux-ci peuvent être fournis à des populations vulnérables à des prix plus favorables. »
    Perception du CICR, un acquis fragile

    Difficile par ailleurs de demander au contribuable d’en faire davantage, la Confédération appuyant le CICR déjà à hauteur de 148 millions de francs (2017). Le financement par les Etats soulève aussi son lot de questions. Un ancien haut responsable de l’institution le souligne : « Les contributions versées par certains Etats relèvent plus de la stratégie de communication que d’un réel engagement humanitaire. » Un autre observateur ajoute : « Les Etats-Unis sont les premiers contributeurs étatiques du CICR. Or ils ont orchestré de la torture en Irak à partir de 2003. »

    Au CICR, on le martèle : le monde a changé. Gérer simplement l’urgence humanitaire ne suffit plus. Il faut « inscrire l’urgence dans la durée », dans le développement durable d’un Etat, d’une communauté. Le savoir-faire du secteur privé peut s’avérer utile pour améliorer des situations humanitaires catastrophiques lorsque les services de l’Etat se sont effondrés. Mais qu’obtiennent en contrepartie les entreprises stratégiques du CSG, hormis la possibilité d’utiliser le logo du CICR ? Membre du CSG depuis 2008, Credit Suisse y trouve son compte. Son porte-parole Jean-Paul Darbellay s’en explique : « Grâce à ce partenariat, nous bénéficions de nombreux échanges de connaissances et partageons notre expertise dans de plusieurs domaines d’activité : marketing, ressources humaines, collectes de fonds. »

    Credit Suisse apporte aussi son expertise au « WEF Humanitarian System Global Future Council présidé par Peter Maurer ». En aidant le CICR, la fondation néerlandaise Philips, membre du CSG, n’a pas d’objectifs commerciaux. Elle a développé avec lui un kit d’instruments pour la détection précoce des grossesses à haut risque dans des communautés fragiles ayant un accès limité à des services de santé. La société Roche n’attend pour sa part aucun « retour matériel sur investissement ».
    Un rôle flou

    « Notre intérêt, explique au Temps Yves Daccord, directeur général du CICR, réside surtout dans l’échange de compétences avec le secteur privé. Avec Swiss Re, nous avons un intérêt à coopérer avec le secteur de la réassurance. En Syrie, si on laisse le système s’effondrer, cela aura un énorme impact humanitaire. » Les critiques estiment toutefois que le CICR en fait trop en aidant ses partenaires à développer des activités économiques là où il est présent. Yves Daccord s’en défend : « Il est exclu que le CICR fournisse des renseignements situationnels à ses partenaires. Ce serait de la folie. » Devant l’Acanu, Peter Maurer précise : « Nous ne sommes pas impliqués dans la reconstruction. » Mais le président du CICR n’hésite pas à sensibiliser les partenaires stratégiques en les amenant sur le terrain. Lors d’une visite en Colombie en janvier 2017, lors de laquelle il rencontra le président Juan Manuel Santos, il avait « dans ses bagages » l’Avina Stiftung, Holcim Colombia ou encore Nespresso.

    Professeur émérite de l’Université du Nebraska et auteur du livre ICRC : A Unique Humanitarian Protagonist, David Forsythe connaît bien l’institution et salue son travail de terrain. Il questionne toutefois le rôle flou du CICR avec ses partenaires : « Personne ne remet en question la nécessité de travailler avec le secteur privé. Mais si cette coopération devait permettre aux entreprises partenaires de faire de l’argent, cela poserait un problème sérieux au vu de la mission strictement humanitaire du CICR. Et certaines multinationales pourraient chercher à redorer leur image en soutenant une telle organisation humanitaire. Il en va de même pour le choix par cooptation des membres de l’Assemblée du CICR. Il faut s’assurer qu’ils soient irréprochables et qu’ils ne soient pas sujets à des conflits d’intérêts. »
    La proximité avec le WEF critiquée

    L’autre aspect qui fait débat aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur du CICR, c’est la double casquette de Peter Maurer, président du CICR depuis 2012 et membre du conseil de fondation du World Economic Forum (WEF) depuis novembre 2014. Cette double appartenance interpelle même les actuels collaborateurs. Après un message envoyé le 12 avril 2017 par le siège pour sonder les délégations et que Le Temps a pu consulter, l’une de ces dernières relève que la double casquette « met automatiquement le CICR du côté des puissants et des riches ». Les délégués sur le terrain pourraient en subir les conséquences.

    Or, explique une seconde délégation, le CICR est une institution « qui se présente comme ontologiquement proche des victimes ». Une autre délégation déplore l’association formelle au WEF alors que « le CICR a déployé d’énormes efforts durant la dernière décennie pour se débarrasser de son étiquette occidentale ». Elle se pose une question rhétorique : que se passerait-il si les FARC, le mouvement révolutionnaire colombien d’obédience marxiste, négociant avec le CICR, apprenait que le président du CICR était aussi au conseil de fondation du WEF, une organisation qui défend le libéralisme économique ? Le sondage semble avoir eu peu d’effet. Le mandat de Peter Maurer au WEF a été renouvelé sans problème en 2017. « On ne tient pas compte de nos remarques, explique un responsable encore en fonction. Nous sommes mis devant un fait accompli. » La direction élude le débat. Le sujet est devenu tabou.

    Le double mandat de Peter Maurer peut cependant prêter à confusion. Le 11 mai 2017, le président du CICR se rend à Kigali pour une réunion du WEF Afrique. Il y est invité par la ministre rwandaise des Affaires étrangères. Après quelques hésitations, Peter Maurer accepte l’invitation. La délégation du CICR à Kigali essaie de lui arranger un rendez-vous avec le président du Rwanda. En vain. Il faudra l’appel de Klaus Schwab, président du WEF, pour inciter Paul Kagame à rencontrer le patron du CICR. « Pendant seize minutes, tous deux ne parlent que du CICR, explique au Temps une personne qui était sur place. Pour Paul Kagame, il n’y avait pas de confusion possible : Peter Maurer parlait au nom du CICR. »

    Jugeant le WEF complaisant à l’égard des Emirats arabes unis et de l’Arabie saoudite, un ex-haut responsable du CICR en convient : « Cela n’a pas eu d’effet mesurable pour l’instant. Mais un accident n’est pas exclu. Je rappelle qu’au Yémen, le CICR est la seule organisation capable de parler à tous les acteurs. » Or ce sont les deux pays précités qui ont orchestré le blocus économique du Yémen, aggravant la situation humanitaire. Par ailleurs, être formellement associé au WEF est « risqué pour les délégués, notamment en Syrie, poursuit-il. Au WEF, plusieurs acteurs ont expliqué comment éliminer l’Etat islamique. » Le professeur David Forsythe avertit : « Si des acteurs locaux venaient à apprendre le mandat de Peter Maurer au WEF, cela pourrait devenir un sérieux problème. »
    L’exemple douloureux du Biafra

    La question de sa perception n’est pas anodine pour une organisation qui souhaite avoir accès à tous les belligérants. Car son image est parfois fragile. Le CICR en a fait l’expérience au moment de la crise du Biafra à la fin des années 1960, quand des gardes en uniforme du président de la Guinée équatoriale montèrent avec leurs motos à bord d’avions de la Croix-Rouge suédoise marqués du sigle générique de la Croix-Rouge. La scène aurait été filmée par un Hollandais.

    En Afrique, il faudra des années au CICR pour se débarrasser de cette fausse nouvelle selon laquelle il aurait participé à un trafic d’armes… Or c’était il y a près de cinquante ans. Aujourd’hui, à l’heure des réseaux sociaux, le risque de dégât d’image est décuplé. Peter Maurer le reconnaît lui-même : « Mon organisation ne bénéficie pas d’une neutralité garantie. C’est quelque chose que vous obtenez en établissant des relations de confiance avec les parties au conflit. Gagner leur confiance est un combat quotidien. » A propos de la tragique mort récente d’un collaborateur du CICR au Yémen, des délégués le déplorent sur le réseau Alumni Networks du CICR. Il aurait été abattu « parce qu’il était du CICR ». Etait-ce déjà une question de perception de l’organisation ?

    Yves Daccord comprend les arguments critiques par rapport au WEF, mais les conteste. « Notre choix stratégique ne consiste pas à observer, mais à faire partie de la discussion. Depuis huit ans, notre engagement a considérablement augmenté. Nous avons désormais une présence diplomatique dans les capitales des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. Nous poursuivons une stratégie d’influence croisée pour renforcer notre discours humanitaire. » Dans cette logique, le WEF est une plateforme très utile où sont présents bon nombre d’acteurs (multi-stakeholders) auprès desquels le CICR peut exercer son influence pour renforcer son message humanitaire. « Quand le président chinois Xi Jinping est à Davos, qu’il rencontre le conseil de fondation du WEF et qu’il voit Peter Maurer, c’est important. Cela permet au CICR d’établir rapidement un lien avec le dirigeant chinois. Il faut nous juger sur nos objectifs, non sur une image arrêtée de la situation. »
    Changement de culture

    Au CICR, le choc des cultures est une réalité. Le monde a changé et l’institution genevoise aussi. Peter Maurer est beaucoup sur le terrain : en Libye, au Yémen, en Syrie. On reconnaît à cet ex-ambassadeur de Suisse auprès de l’ONU à New York un grand talent diplomatique qui lui a valu de rencontrer les grands de la planète : Xi Jinping, Vladimir Poutine, Barack Obama. En termes de budget, l’organisation atteint désormais les 2 milliards. Pour les uns, c’est une course à la croissance effrénée par laquelle le CICR s’éloigne de sa mission spécifique de protection des civils pour embrasser toute une série d’activités de développement propres à une « agence para-onusienne ».

    Pour d’autres, c’est le génie de Peter Maurer qui a su réaliser qu’il fallait voir l’humanitaire dans une dimension plus large. Yves Daccord l’admet : « Oui, la culture de la maison a changé. » Le professeur David Forsythe met toutefois en garde : « Attention au style de management vertical propre à une grande multinationale. Malgré son excellente image et sa réputation, voyons si le CICR est toujours capable, au vu de ce management, d’attirer des délégués aussi engagés, dont il ne faut pas oublier qu’ils risquent leur vie sur le terrain. » Le CICR, semble-t-il sous-entendre, ne peut être soumis à une culture managériale identique à celle d’une multinationale, car en fin de compte, ce sont les gens du terrain qui sont sa raison d’être.

    https://www.letemps.ch/monde/liaisons-risques-cicr
    https://www.letemps.ch/monde/liaisons-risques-cicr
    #Lafarge #Syrie #conflit_d'intérêts #Lafarge #Holcim

  • Les Américains enquêtent sur les liens entre Lafarge/GBL et les groupes terroristes en Syrie. Martin Buxant - 4 Mai 2018 - L’Echo
    https://www.lecho.be/tablet/newspaper/une/les-activites-syriennes-de-gbl-interessent-les-americains/10008983.html

    Cela commence à faire tache du côté de Gerpinnes, le QG de la famille Frère, actionnaire de référence de GBL. Depuis plusieurs mois, le holding financier du baron Albert Frère est dans le collimateur des enquêteurs belges et, singulièrement, du parquet fédéral, la plus haute autorité belge en matière d’antiterrorisme. Celui-ci a ouvert un dossier en novembre dernier et désigné un juge d’instruction pour enquêter sur des faits commis par le cimentier #Lafarge en Syrie – une entreprise dont #GBL est aujourd’hui actionnaire à 9,43% (20% jusqu’en 2015, date de la fusion avec le Suisse Hocim).


    680 millions de dollars
    Deux préventions sont, à ce stade, explorées par les enquêteurs. Financement d’un groupe #terroriste et participation aux activités d’un groupe terroriste. Lafarge a en effet travaillé entre autres avec l’organisation État islamique (EI) et le Front al Nosra (lié à Al-Qaïda) en vue de préserver les intérêts de son implantation de Jalabiya, une usine située à 90 kilomètres de Raqqa, capitale de l’EI. Cette implantation a représenté un investissement de 680 millions de dollars pour Lafarge en 2010.

    Entre 2011 et 2015, des dizaines millions de dollars auraient été versés via différents canaux (commissions, droits de passage, revente de matériel,…) aux groupes terroristes – ceci alors que la Belgique et les forces de la coalition étaient engagées en pleine guerre contre l’EI en Syrie et en Irak.

    D’après une source judiciaire, « les billets de banque retrouvés dans la poche d’un #Abaaoud ou d’un autre provenaient peut-être de Lafarge. C’est de cela qu’il s’agit. C’est ce cercle du financement du terrorisme que l’on doit casser ».

    Le parquet fédéral a donc ouvert un dossier GBL. Dans un premier temps, les Belges se sont contentés d’épauler les autorités judiciaires françaises qui mènent le dossier Lafarge mais le volet belge a pris de l’ampleur, entre autres via des perquisitions et saisies chez GBL mais aussi via la mise sur écoute téléphonique de plusieurs responsables du holding financier.

    L’ampleur du dossier est devenue telle qu’il a aujourd’hui éveillé la curiosité des autorités américaines. Deux agences, le #FBI et le DOJ (Ministère de la Justice), ont demandé l’accès à toutes les pièces des dossiers « syriens » Lafarge/GBL.

    Interrogé, le parquet fédéral n’indique pas si les pièces ont été transmises. Étant donné le haut degré de collaboration antiterroriste entre Belges, Français et Américains, il apparaît peu probable que l’accès au dossier Lafarge/GBL soit refusé aux autorités américaines…
    Une seule question se pose désormais avec acuité aux enquêteurs dans ce dossier : est-il possible que les représentants de GBL au sein de Lafarge aient pu tout ignorer des agissements du cimentier en Syrie en vue de préserver les intérêts de leur usine ?

    Dommages collatéraux
    A ce stade, les documents saisis sont encore en cours d’analyse. « Le degré d’implication et de connaissance des dirigeants de GBL n’est pas arrêté, mais une chose est déjà certaine : on se trouve à tout le moins face à des comportements complètement #immoraux et #anti-éthiques. C’est très grave », selon une source.

    Plusieurs responsables du groupe, dont Gérald Frère, Gérard Lamarche, Thierry de Rudder, Victor Delloye et Albert Frère, ont été mis sur écoute, selon certains compte-rendus consultés par Le Monde.
    D’après plusieurs sources, l’intérêt américain pour le dossier n’est pas encore très clair mais Washington met en avant la théorie des effets, c’est-à-dire que potentiellement les activités de Lafarge en Syrie ont impacté son économie et sa sécurité nationale. Potentiellement, pour Lafarge/GBL, les dommages collatéraux peuvent être importants puisque les Etats-Unis, en vertu des législations antiterroristes, peuvent empêcher certains groupes qu’ils ont dans leur viseur judiciaire de travailler sur leur territoire.

    Autre effet potentiel, souligne un analyste, le Suisse #Holcim pourrait se retourner contre Lafarge/GBL pour ne pas avoir été mis au courant des déboires judiciaires de Lafarge.

    À ce stade, il est peu probable qu’un procès du groupe GBL se tienne en Belgique : la voie privilégiée par les autorités judiciaires belges est de fournir tous les éléments aux Français qui, eux, pilotent le dossier Lafarge.

    Les autorités belges ont fait de la lutte contre la #corruption internationale une priorité. Des trafics de faux passeports aux dossiers d’adoption bidouillés en République démocratique du Congo, jusqu’aux commissions payées en #Syrie. Une directive a été donnée aux enquêteurs de pousser leur travail le plus loin possible.

    « C’est notre enquête interne qui a permis de révéler ces faits »
    Chez GBL, on trouve la pilule judiciaire particulièrement amère et – pour tout dire – injuste. Le holding financier a engagé les services de #Linklaters, un important cabinet d’avocats bruxellois pour défendre ses intérêts. Les conseils du groupe préfèrent s’exprimer off the record mais la ligne de défense est claire : « Le groupe GBL et ses représentants n’avaient strictement aucune connaissance des activités et du mode opératoire de Lafarge en Syrie et actuellement le groupe GBL collabore pleinement et entièrement avec la justice belge. »

    Du côté de GBL, on met l’accent sur le fait que c’est un audit diligenté au sein de Lafarge à la demande expresse de GBL qui est à l’origine des révélations sur les agissements avec l’#État_islamique. Cet audit a été réalisé par le cabinet Baker & McKenzie et toutes les conclusions ont été transmises aux enquêteurs belges et français, insiste-t-on du côté de GBL. « C’est quand même à souligner : c’est nous-mêmes qui avons permis que ces faits soient mis au jour via un travail de bénédictin », dit-on.

    GBL pointe le fait que tous les documents nécessaires ont pu être saisis lors des perquisitions dans les bureaux du groupe. Et les conseils du groupe expliquent ceci : GBL est une holding financière détenant des participations dans une dizaine de sociétés. Le fonctionnement du groupe est celui-ci : GBL délègue des représentants dans les conseils et comités des structures où elle a investi, mais c’est d’abord et avant tout les aspects financiers qui sont scrutés. « Le profil des représentants le prouve, ce ne sont pas des opérationnels. Ils reçoivent des dossiers de la part du management, ils discutent des ordres du jour, mais ils sont actifs sur les points financiers. Nos représentants n’ont évidemment jamais entendu parler de #Daech ou quoi que ce soit et dès que ça a été le cas il y a eu audit interne et transmission des pièces à la justice. »

    La justice estime que certaines pièces et PV sont manquants : « Si des pièces sont manquantes, c’est chez Lafarge, nous n’avons jamais eu accès à ces pièces. » Sur le fait que les comptes rendus de certaines écoutes téléphoniques laissent entendre que des représentants de GBL auraient pu se douter des agissements de Lafarge en Syrie : l’instruction judiciaire est en cours et les avocats du groupe GBL n’ont pas encore eu accès au dossier judiciaire complet et ne peuvent donc prendre position. « Personne chez GBL n’était au courant. Ces informations ne sont pas remontées depuis Lafarge. À présent, c’est à la justice à déterminer qui savait quoi, comment et à quel moment. » Interrogé également, le CEO du groupe GBL Gérard Lamarche assure ne jamais avoir été mis au courant des agissements de Lafarge en Syrie.

    #grand_homme #grand_patron #javel #terrorisme #argent #LafargeHolcim #multinationales #influence #attentats #BNB

    Suite de https://seenthis.net/messages/652093

  • Ce que révèle l’enquête judiciaire sur les agissements du cimentier Lafarge en Syrie

    http://www.lemonde.fr/international/article/2017/09/20/ce-que-revele-l-enquete-judiciaire-sur-les-agissements-du-cimentier-lafarge-

    « Le Monde » a eu accès à l’enquête sur les activités de Lafarge qui tentait de préserver sa cimenterie en Syrie pendant la guerre civile. Des responsables ont reconnu le versement de sommes à l’EI.

    Une date suffit à condenser le parfum de soufre qui émane de ce dossier. Le 29 juin 2014, l’organisation Etat islamique (EI) proclame l’instauration du « califat » : un immense territoire à cheval entre l’Irak et la Syrie bascule « officiellement » sous le joug de l’organisation terroriste. Le même jour, à Rakka (Syrie), un cadre d’une usine du cimentier français Lafarge, située dans le nord du pays, informe par mail ses supérieurs qu’il a pris rendez-vous avec un « responsable de l’Etat islamique » pour négocier la sécurité des employés du site.

    Ce rendez-vous surréaliste marque le point culminant d’un engrenage commencé trois ans plus tôt. Depuis son implantation en Syrie, fin 2010, Lafarge n’a qu’une obsession : maintenir coûte que coûte l’activité de son usine de Jalabiya, à 87 kilomètres de Rakka, quitte à financer indirectement des organisations terroristes. Une aventure industrielle hasardeuse qui se conclura de façon dramatique, le 19 septembre 2014, par la prise de la cimenterie par les troupes de l’EI.

    Après la révélation de ce scandale par Le Monde, en juin 2016, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire, en octobre 2016, faisant suite à une plainte du ministère des finances pour « relations financières illicites entre la France et la Syrie ». Dans cette enquête confiée aux douanes judiciaires, que Le Monde et Le Canard enchaîné ont pu consulter, les neuf principaux responsables de Lafarge – fusionné en 2015 avec le suisse Holcim – et de sa filiale Lafarge Cement Syria (LCS) ont été entendus.

    Leurs auditions décrivent de l’intérieur les mécanismes qui ont entraîné l’entreprise dans ce naufrage judiciaire et moral. Elles racontent, mois par mois, l’entêtement d’un groupe aveuglé par une obsession : ne pas abandonner la cimenterie LCS, promise à l’appétit destructeur des belligérants, afin de conserver un avantage stratégique dans la perspective de la reconstruction du pays.

    Cette enquête révèle deux faits majeurs. Tout d’abord, la décision du leader mondial des matériaux de construction de rester en Syrie a reçu l’aval des autorités françaises, avec lesquelles le groupe était en relation régulière entre 2011 et 2014. Ensuite, les responsables de l’usine ont omis de préciser aux diplomates le prix de leur acharnement : plusieurs centaines de milliers d’euros versés à divers groupes armés, dont 5 millions de livres syriennes (20 000 euros) par mois à l’EI.

    La conclusion des douanes est sans appel : Lafarge a « indirectement » financé des groupes « terroristes », par le truchement d’un intermédiaire, produisant au besoin « de fausses pièces comptables ». Et si seuls trois responsables ont avoué avoir eu connaissance de ces pratiques, « il est tout à fait vraisemblable que d’autres protagonistes aient couvert ces agissements », dont l’ex-PDG du groupe, Bruno Lafont, le « directeur sûreté », Jean-Claude Veillard, et « certains actionnaires ».

    Aucun de ces responsables n’a été amené à s’expliquer devant un tribunal à l’issue de cette enquête. Mais les investigations suivent leur cours. Une information judiciaire, ouverte le 9 juin 2017 pour « financement du terrorisme » et « mise en danger d’autrui » après une plainte déposée par l’ONG Sherpa, a été élargie, le 23 juin, aux faits visés par le travail des douanes.

    2008-2010 : le pari de Lafarge en Syrie

    L’engrenage qui a conduit Lafarge à se compromettre dans le conflit syrien débute à la fin des années 2000. En 2008, le cimentier, qui vient de racheter la société égyptienne Orascom afin de renforcer son implantation dans la région, valide la construction d’une usine dans le nord de la Syrie, près de la frontière turque. Deux ans plus tard, la cimenterie LCS sort de terre. L’investissement s’élève à 680 millions de dollars, l’amortissement est prévu sur vingt ans. Mais l’histoire va quelque peu bousculer ces prévisions comptables.

    Mars 2011 : le début des troubles

    L’usine vient à peine de commencer sa production de ciment quand d’importantes manifestations embrasent le sud du pays et se propagent rapidement aux principales agglomérations. En relation avec les autorités françaises, les responsables du groupe décident de rester.

    « On est informés, forcément. On avait vu ce qui s’était passé pour les “printemps arabes”, mais on était dans l’incapacité totale d’anticiper et de prévoir », explique l’ancien PDG de Lafarge Bruno Lafont, devant les enquêteurs des douanes judiciaires. « L’usine est au nord, près de la frontière turque, très isolée. Au début, et pendant toute l’année 2011, il ne se passe absolument rien », tempère Bruno Pescheux, PDG de LCS jusqu’en juin 2014.

    Tout au long de son aventure syrienne, Lafarge est resté en contact permanent avec l’ambassade de France à Damas – qui sera fermée par Nicolas Sarkozy en mars 2012 –, puis avec l’ambassade de France en Jordanie. Jean-Claude Veillard, un ancien fusilier marin dans les forces spéciales et les commandos, est également en relation avec la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).

    « Jean-Claude avait de bons contacts avec les services, notamment la DGSE », explique Eric Olsen, ancien DRH, puis directeur général de Lafarge. Il « me tenait informé des mouvements des Kurdes et de l’Armée syrienne libre, poursuit-il. Je comptais sur l’expertise et la protection de l’Etat français pour nous tenir au courant ».

    Chaque mois, au siège de Lafarge à Paris, un comité de sûreté réunissant les opérationnels, le département juridique, l’assurance, le directeur du siège et les ressources humaines fait le point sur les pays où le groupe est implanté, dont la Syrie.

    Mai 2011 : les premières sanctions

    Le 9 mai 2011, le Conseil de l’Union européenne (UE) adopte un embargo sur les armes et le pétrole syriens. Celui-ci sera étendu le 18 janvier 2012 pour un ensemble élargi de matériaux, notamment certains ciments. A cette époque, Lafarge, dont le marché est local, ne s’estime pas concerné par les sanctions. « D’après ce que j’avais compris, explique Bruno Pescheux, il s’agissait essentiellement de prohibition d’exportations depuis la Syrie vers l’UE. Or, nous étions dans l’autre sens, on importait. »

    Décembre 2011 : Total quitte la Syrie

    Le 1er décembre, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme déclare la Syrie en état de guerre civile. Quatre jours plus tard, le pétrolier Total annonce son départ du pays. Dans les mois qui suivent, Air liquide et les fromageries Bel plient bagages à leur tour. Fin 2012, Lafarge est le dernier groupe français présent en Syrie.

    « Pourquoi Lafarge reste en Syrie ?, demandent les enquêteurs aux responsables du cimentier.

    – On pouvait toujours fonctionner en sécurité et en conformité. Donc on a continué, répond laconiquement Bruno Lafont.

    – Mais en janvier 2012, la situation dégénérait…, intervient l’enquêteur.

    – Ce n’est pas ce que disait le Quai d’Orsay, insiste Christian Herrault, ancien directeur général adjoint opérationnel du groupe. Le Quai d’Orsay dit qu’il faut tenir, que ça va se régler. Et il faut voir qu’on ne peut pas faire des allers-retours, on est ancrés et, si on quitte, d’autres viendront à notre place… »

    Juillet 2012 : l’évacuation des expatriés
    A l’été 2012, l’armée du régime perd le contrôle de la frontière turque. A l’ouest, la zone passe sous l’emprise des Kurdes du Parti de l’union démocratique (PYD), à l’est, sous celle de l’Armée syrienne libre et de divers groupes islamistes. La ville de Kobané, à 55 kilomètres de l’usine, est tenue par les Kurdes, tandis que Manbij, à 66 kilomètres, est sous le contrôle des rebelles.

    « Cette nouvelle redistribution des cartes ne vous fait-elle pas craindre pour vos salariés et votre usine ?, s’enquiert l’agent des douanes.

    – Un peu, oui, répond M. Lafont. Mais, là encore, je me fie à ce que mes collaborateurs me disent. »

    Les « collaborateurs » de M. Lafont semblaient pourtant bien au fait des risques encourus par le personnel du site. « On a même interrompu l’usine à l’été 2012, faute de sûreté suffisante », relate M. Pescheux. Le directeur de la cimenterie demande alors aux employés chrétiens et alaouites de ne plus venir travailler, pour raison de sécurité. Les expatriés – une centaine de salariés sur plus de 300 – sont quant à eux exfiltrés du pays en juillet 2012.

    A partir de la fin de l’été, seuls les employés sunnites et kurdes sont autorisés à continuer à travailler sur le site. Afin de limiter les trajets, de plus en plus périlleux, leur patron leur demande de se domicilier à Manbij, ou d’emménager directement dans la cimenterie. M. Pescheux, lui, déménage ses bureaux de Damas au Caire, en Egypte, d’où il dirige l’usine à distance, en toute sécurité.

    Malgré la dégradation de la situation, le directeur de LCS justifie devant les enquêteurs la décision de maintenir l’activité du site avec le personnel local : « L’idée était de préserver l’intégrité de l’usine en la faisant fonctionner, même de manière discontinue. On voulait éviter la cannibalisation de l’usine, qui serait arrivée si elle avait été perçue comme à l’abandon. »

    Davantage que le profit immédiat – la production de ciment a rapidement chuté, passant de 2,3 millions de tonnes en 2011 à 800 000 tonnes en 2013 –, c’est la volonté acharnée d’occuper le site dans la perspective de la reconstruction du pays qui motivera les décisions du groupe. A cette date, personne, au sein de l’entreprise, pas plus qu’au Quai d’Orsay, ne semble anticiper la tragédie dans laquelle la Syrie est en train de sombrer.

    Septembre 2012 : une « économie de racket »

    A la fin de l’été 2012, la situation dégénère. « L’économie de racket a commencé en septembre ou octobre 2012 », se souvient M. Herrault. En septembre, deux responsables du groupe, Jean-Claude Veillard, le directeur de la sûreté, et Jacob Waerness, gestionnaire de risque sur le site de l’usine LCS, se rendent à Gaziantep, en Turquie, pour y rencontrer des milices de l’opposition syrienne.

    « Il était très clair qu’elles étaient indépendantes et ne voulaient pas se coordonner. Et il était très clair qu’elles voulaient taxer ce qui passait par les routes, poursuit M. Herrault. C’était clairement du racket, même si c’était les “bons” qui rackettaient. Tous les six mois, on allait voir le Quai d’Orsay, qui nous poussait à rester.

    – Vous vous souvenez du nom de ces milices ?, demande l’enquêteur.

    – Ah non, elles changent d’allégeance… Ce qui était un peu fou, c’est que toutes ces milices étaient alimentées en armes et argent par le Qatar et l’Arabie saoudite, sous le regard américain, sans aucun discernement. On aime bien mettre des noms sur les choses, mais là-bas rien n’est si simple… »

    A l’issue de la réunion de Gaziantep, LCS missionne un ancien actionnaire minoritaire de l’usine, Firas Tlass, pour monnayer la sécurité de ses employés sur les routes. Entre septembre 2012 et mai 2014, cet homme d’affaires – fils de l’ex-ministre de la défense du président Bachar Al-Assad, ayant fait défection au régime – se voit remettre entre 80 000 et 100 000 dollars par mois pour négocier avec les groupes armés qui tiennent les checkpoints autour de l’usine.

    A cette période, l’Etat islamique en Irak, ancêtre de l’EI, n’a pas encore fait irruption dans la guerre civile syrienne. L’usine est en revanche encerclée par les milices kurdes et des groupes islamistes, dont le Front Al-Nosra. Selon le directeur de l’usine, M. Pescheux, il n’existait pas de liste précise des destinataires des fonds versés par Firas Tlass : « Ceux qui gardaient un checkpoint pouvaient changer d’allégeance », assure-t-il.

    Octobre 2012 : neuf employés kidnappés

    En octobre 2012, neuf employés de l’usine sont pris en otage. Le directeur sûreté de Lafarge, M. Veillard, raconte : « Ces employés alaouites avaient été écartés de l’usine pour leur sécurité confessionnelle. Ils étaient au chômage technique, à Tartous [dans l’ouest de la Syrie]. Ils étaient payés jusqu’au jour où le DRH de l’usine leur a demandé de venir percevoir leur salaire à l’usine. Les neuf employés sont venus en bus, via Rakka, et se sont fait enlever par des Kurdes, puis [ont été] revendus à des milices locales. Lafarge a payé 200 000 euros, en livres syriennes. »

    Avril 2013 : Lafarge, « c’est le drapeau français »

    Début 2013, le pays bascule dans une nouvelle ère. Le 6 mars, Rakka est prise par différents groupes islamistes, dont le Front Al-Nosra, qui prête allégeance à Al-Qaida et tombe donc sous le coup des sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU. Un mois plus tard, le 9 avril, l’Etat islamique en Irak, qui s’est implanté en Syrie, se rebaptise « Etat islamique en Irak et Levant » (EIIL). Le groupe prend le contrôle de Rakka le 13 juin.

    « Comment Lafarge peut-elle conserver une usine dans cette guerre qui devient de plus en plus sale, qui dégénère ? demande un enquêteur aux dirigeants du groupe.

    – C’est là où on se pose la question si on reste ou pas, répond le PDG, Bruno Lafont. On commence à penser qu’on va se replier. On a eu des feedbacks de nos gars. On pouvait visiblement continuer.

    – Ce qu’il faut comprendre, c’est que lorsque cette guerre a commencé, l’usine venait de démarrer, insiste le patron de l’usine, Bruno Pescheux. On pensait que quand tout serait fini, il y aurait au moins une cimenterie qui pourrait fournir du ciment pour reconstruire la Syrie…

    – On allait voir, tous les six mois, l’ambassadeur de France pour la Syrie [à Paris], et personne ne nous a dit : “Maintenant, il faut que vous partiez”, précise Christian Herrault. Le gouvernement français nous incite fortement à rester, c’est quand même le plus gros investissement français en Syrie et c’est le drapeau français. Donc oui, Bruno Lafont dit : “On reste.” »

    Octobre 2013 : « Daech s’inscrit dans le paysage »
    Le 11 octobre 2013, le Conseil européen confirme les sanctions à l’encontre de certaines entités terroristes, dont le Front Al-Nosra, Al-Qaida et l’EIIL. « Pourquoi Lafarge a pris le risque de rester en Syrie, où ces trois organisations sont présentes ? », demande l’enquêteur. La réponse du directeur général adjoint opérationnel est un pur modèle de rationalisation économique :

    « On gérait les risques par cette économie de racket, et il n’y a pas eu de phénomène marquant jusqu’à fin 2013 », explique Christian Herrault, oubliant au passage l’enlèvement de neuf employés alaouites de l’usine un an plus tôt.

    « Quel est ce phénomène marquant ?

    – Daech s’inscrit dans le paysage. Ils affichent la volonté de taxer les routes. Un des chefs se réclamant de Daech convoque Bruno [Pescheux] et Jacob [Waerness] à Rakka (…). C’est Firas [Tlass], ou un de ses hommes, qui y va et voit la situation. Daech vient dans la liste des racketteurs, ça fait 10 % des sommes, dont la moitié était pour les Kurdes.

    – A ce moment-là, que vous dit le Quai d’Orsay ?

    – Pas de changement de leur position. Encore une fois, pas de solution intermédiaire, soit on partait, soit on restait. Le rackettage de Daech, c’était l’équivalent de 500 tonnes… Sachant qu’on a trois silos de 20 000 tonnes… Est-ce qu’on va tout plier pour 500 tonnes ? »

    C’est l’ancien actionnaire minoritaire M. Tlass qui sera chargé de payer les groupes armés en utilisant le cash de l’usine. Pour entrer ces dépenses dans la comptabilité, « on utilisait des notes de frais que je signais “frais de représentation”, explique M. Herrault. Donc là, c’était les notes de Bruno [Pescheux], mais il n’y avait rien dessus, il n’y avait aucun nom de milice. »

    Bruno Pescheux, lui, se souvient avoir vu les noms de Daech et du Front Al-Nosra mentionnés sur des documents :

    « Avez-vous vu le nom de Daech ? demande l’enquêteur.

    – Oui, répond le directeur de l’usine.

    – Avez-vous une idée du montant prévu pour Daech ?

    – De l’ordre de 20 000 dollars par mois. »

    Juin 2014 : un rendez-vous avec l’organisation Etat islamique
    A l’été 2014, l’EIIL contrôle le nord-est de la Syrie et fait une percée vers l’ouest. Le 29 juin, l’organisation proclame le « califat » et se baptise « Etat islamique ». Au sud de l’usine, les combats font rage entre le Front Al-Nosra et l’EI, qui est aux prises avec les Kurdes au nord du site. L’étau se resserre : à 500 mètres de l’usine, un checkpoint marque la sortie de la zone kurde ; à 20 kilomètres, un barrage signale l’entrée de la zone contrôlée par l’EI.

    Ce 29 juin, le nouveau responsable sûreté de l’usine, un ancien des forces spéciales jordaniennes qui a remplacé M. Waerness, envoie un mail au DRH local, avec le directeur de LCS, M. Pescheux, en copie : « Je viens d’arriver de Rakka. Le responsable de l’Etat islamique est toujours là, il est à Mossoul en ce moment. Notre client de Rakka m’a arrangé un rendez-vous avec lui, concernant nos expatriés au Pakistan et en Egypte. Une fois que j’aurai l’autorisation, je vous informerai. »

    « Pourquoi aller voir cette personne de l’El ?, demande l’enquêteur au directeur de l’usine.

    – L’idée était de dire : pour faire fonctionner cette usine, les locaux ont beaucoup de mal. L’idée était de faire revenir des expats pour les épauler, mais il fallait garantir leur sûreté : pas de kidnapping ou de choses comme ça », répond M. Pescheux.

    Juillet 2014 : « La situation autour de l’usine a empiré »
    Début juillet, l’El attaque les Kurdes à Kobané, à 50 kilomètres de la cimenterie. Les combats font plusieurs centaines de morts. Le 8 juillet, le responsable jordanien de la sûreté de l’usine envoie un mail alarmiste à M. Pescheux, qui a été versé au dossier par la plainte de Sherpa :

    « La situation autour de l’usine a empiré après que le camion-suicide a explosé au checkpoint du PYD [parti kurde] hier, à minuit. C’était à 10 kilomètres à l’est de l’usine, les quatre passagers ont été tués. L’Etat islamique a commencé une campagne discrète contre le PYD dans notre région (…). Le PYD a établi de sérieuses mesures de sécurité autour de l’usine, et a demandé la fermeture et l’évacuation de l’usine. »

    « A ce moment-là, on me dit que la situation est de plus en plus difficile. Je sais, à ce moment-là, qu’on va partir », assure Bruno Lafont. Le directeur sûreté du groupe, M. Veillard, est moins alarmiste : « Pour moi, l’attentat à 10 kilomètres n’existe pas. Il n’y a rien autour de l’usine. Le premier village doit être à 30 kilomètres. Maintenant, c’est peut-être un type qui s’est fait sauter. En aucun cas, il n’y avait un risque pour les employés et l’usine. »

    Le 17 juillet, un responsable de l’usine envoie pourtant un nouveau mail sans équivoque au PDG de LCS : « Notre personnel à l’usine est très perturbé et inquiet. Ils se sentent comme des prisonniers au sein de l’usine (…). L’EI est en train de s’emparer du contrôle de l’entrée de l’usine et n’autorise personne à entrer ou sortir (…). Nous ne sommes pas capables de rassurer nos employés (…). Nous avons besoin de votre aide pour régler cette question avec nos voisins. »

    27 juillet 2014 : l’usine interrompt sa production

    A la fin du mois de juillet 2014, la dégradation de la situation militaire contraint la cimenterie à interrompre son activité. Malgré les injonctions du chef militaire kurde d’évacuer les lieux, LCS reprendra pourtant la production cinq semaines plus tard.

    15 août 2014 : « J’ai fait la recommandation de fermer l’usine »

    Le 15 août 2014, une résolution de l’ONU interdit toute relation financière avec les groupes terroristes présents en Syrie, pouvant être « considérée comme un appui financier à des organisations terroristes ». « Que s’est-il passé chez Lafarge à ce moment-là ? », s’enquiert un enquêteur des douanes.

    « Frédéric [Jolibois, qui a remplacé Bruno Pescheux à la tête de LCS] envoie un mail au service juridique pour la conduite à tenir. Il faut voir que Daech n’avait alors rien fait en dehors de la Syrie, il n’y avait pas eu Charlie, le Bataclan… C’était alors une affaire syrienne, relativise M. Herrault. Je précise au service juridique que Daech, vers le 16 août, est bel et bien une organisation terroriste. Ce que je sais, c’est que rien n’a été payé après le 15 août. »

    La directrice juridique de Lafarge est consultée. Elle explique aux douaniers : « J’ai été informée sur deux points (…). Le deuxième était : l’Etat islamique demande des taxes aux transporteurs. Peut-on traiter avec ces transporteurs ? C’était en août 2014. L’avis juridique a été rendu début septembre 2014 et était très clair : oui, il y a un risque juridique. J’ai fait la recommandation de fermer l’usine. »

    1er septembre 2014 : le laissez-passer de l’EI

    Malgré l’avis de la direction juridique, l’usine se prépare à reprendre ses activités. Un laissez-passer pour ses clients et transporteurs, daté du 1er septembre 2014 et tamponné par le gouverneur de l’El à Alep, a été versé au dossier. Son contenu laisse entendre que l’usine a passé un « accord » avec l’EI : « Au nom d’Allah le miséricordieux, les moudjahidine sont priés de laisser passer aux barrages ce véhicule transportant du ciment de l’usine Lafarge, après accord avec l’entreprise pour le commerce de cette matière. »

    9 septembre 2014 : reprise de l’activité

    Passant outre les injonctions du commandant kurde, l’usine reprend sa production le 9 septembre. Le lendemain, son nouveau directeur, M. Jolibois, se rend à l’ambassade de France en Jordanie. Selon le compte rendu qu’a fait l’ambassade de cet entretien, il réaffirme la volonté du groupe de se maintenir en Syrie pour « préserver ses actifs et ses activités futures ».

    Le directeur de LCS assure aux autorités françaises que Lafarge « ne verse rien au PYD ou à l’Etat islamique ». Il reconnaît seulement que les « transporteurs locaux » doivent obtenir des laissez-passer « sans impliquer l’usine ou Lafarge », ce qui semble contredit par l’exemplaire daté du 1er septembre qui a été retrouvé. Le compte rendu de l’ambassade conclut : « Jolibois ne semblait pas particulièrement inquiet des conséquences, pour la sécurité de l’usine et de son personnel, de la présence de l’Etat islamique à quelques kilomètres d’Aïn-Al-Arab [nom arabe de Kobané]. »

    « Nous sommes à cinq jours d’une attaque décisive de l’El dans la région. Comment pourrait-on caractériser ces déclarations : un manque de lucidité, la cupidité ou business as usual ?, s’enquiert l’agent des douanes.

    – Je ne suis pas au courant, élude le PDG, M. Lafont. Je pense qu’il faut poser la question à M. Jolibois. Je ne sais pas de quoi il était au courant. »

    Dans leur rapport de synthèse, les douanes s’étonnent des réponses systématiquement évasives du PDG de Lafarge : « Bruno Lafont disait tout ignorer des pratiques de son personnel en Syrie (…). Il serait tout à fait étonnant que M. Lafont n’ait pas demandé à son équipe de direction d’avoir un point précis de la situation d’une cimenterie dans un pays en guerre depuis plusieurs années. »

    Le jour de l’entretien de M. Jolibois à l’ambassade de France en Jordanie, ce dernier a en effet envoyé un mail à plusieurs responsables du groupe, à Paris, évoquant un plan d’évacuation de l’usine : « La semaine prochaine, Ahmad [le directeur sûreté de l’usine] partagera notre plan d’évacuation avec le département de sécurité de Lafarge, et il devrait être en mesure de nous envoyer la version à jour d’ici deux semaines. » L’usine sera attaquée dix jours plus tard…

    19 septembre 2014 : l’attaque de l’usine

    Le 18 septembre, un employé de l’usine est informé d’une attaque imminente de l’EI et en fait part à son patron. Le directeur de l’usine envoie par mail ses dernières consignes de sécurité. Il suggère de « préparer des matelas, de la nourriture, de l’eau, du sucre, dans les tunnels techniques de l’usine ». « Si les affrontements arrivent à l’usine, déplacer les équipes dans les tunnels et attendre », précise-t-il.

    Quelques heures plus tard, les troupes de l’EI sont aux portes de l’usine. La plupart des employés sont évacués en catastrophe par bus vers Manbij. Mais le plan d’évacuation est défaillant. Les bus ne reviennent pas à l’usine. Une trentaine d’employés bloqués sur place doivent s’enfuir par leurs propres moyens, entassés dans deux véhicules abandonnés sur le site. L’usine sera prise d’assaut dans la nuit.

    Quatre employés de Lafarge sont arrêtés par l’EI pendant l’évacuation, et retenus en otage une dizaine de jours. Parmi eux, deux chrétiens arrêtés dans un des bus affrétés par Lafarge sont contraints de se convertir à l’islam avant d’être relâchés.

    Le 21 septembre, un employé en colère écrit un mail au directeur de la cimenterie : « Nous vous demandons fermement de commencer une enquête afin de vérifier les faits suivants (…). Après plus de deux ans de réunions quotidiennes portant sur la sécurité, qui est responsable de l’absence de plan d’évacuation de l’usine de notre équipe, et qui a abandonné plus de trente de nos braves employés une heure avant l’attaque de l’El et l’explosion du réservoir de pétrole ? »

    Quelques jours plus tard, M. Jolibois se félicitera pourtant, dans un mail envoyé au groupe, du succès de l’évacuation : « Malgré la complexité de la situation et l’extrême urgence à laquelle nous avons été confrontés, nous avons réussi à sortir nos employés de l’usine sains et saufs. Les choses ne se sont probablement pas déroulées telles que nous les avions planifiées ; néanmoins, nous avons atteint le but principal. Lafarge Cement Syria n’est pas morte. Je suis convaincu que nous gagnerons la dernière bataille. »

  • Un candidat du FN a supervisé la collaboration de Lafarge avec Daech en Syrie | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/030517/un-candidat-du-fn-supervise-la-collaboration-de-lafarge-avec-daech-en-syri

    L’un des dirigeants du groupe Lafarge qui a supervisé le marchandage financier avec l’État islamique, permettant au géant du ciment de poursuivre son activité en Syrie en 2013 et 2014, est un fervent soutien de Marine Le Pen, dont il a défendu les couleurs lors des dernières municipales à Paris.

    C’est une information dont Marine Le Pen, qui a promis de lutter impitoyablement contre le terrorisme islamiste si elle était élue dimanche prochain à la tête de l’État, se serait sans doute passée dans l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle. L’un des dirigeants du groupe Lafarge qui a supervisé des négociations secrètes avec l’État islamique, afin que le géant mondial du ciment poursuive son business en pleine guerre syrienne, est un fervent soutien de la cheffe de file du Front national (FN). Il fut notamment l’un de ses candidats lors des dernières élections municipales à Paris.

    Son nom : Jean-Claude Veillard. Il est l’actuel directeur de la sûreté du groupe franco-suisse Lafarge/Holcim. Plusieurs documents et témoignages obtenus par Mediapart démontrent aujourd’hui son implication dans le dossier syrien et sa parfaite connaissance des tractations qui ont eu cours, en 2013 et 2014, entre la multinationale et l’État islamique (EI), auteur d’une vague d’attentats sans précédent en France en 2015.

    #Linfiltré #PhoneStories #FN #Fachosphere

  • C’est l’histoire d’une dérive, une histoire de « zone grise » comme les guerres en produisent. L’histoire d’une cimenterie en #Syrie, l’une des plus modernes et importantes du Proche-Orient, que sa direction a tenté de faire fonctionner coûte que coûte au milieu d’un pays à feu et à sang, au prix d’arrangements troubles et inavouables avec les groupes armés environnants, dont l’organisation Etat islamique (#EI). C’est, enfin, l’histoire d’une société française, #Lafarge, numéro un mondial du #ciment depuis sa fusion avec le suisse #Holcim et fleuron du #CAC_40, qui a indirectement – et peut-être à son insu – financé les djihadistes de l’EI pendant un peu plus d’un an, entre le printemps 2013 et la fin de l’été 2014.
    La cimenterie de #Jalabiya, dans le nord-est de la Syrie, a été acquise par Lafarge en 2007, lorsque le groupe français rachète l’usine encore en construction à l’égyptien Orascom. L’homme d’affaires syrien Firas Tlass, proche du régime mais aujourd’hui en exil, est le partenaire minoritaire de Lafarge Cement Syria (LCS). L’usine rénovée, dont la capacité annuelle de production est de 2,6 millions de tonnes de ciment par an, entre en activité en 2010. Estimé à 600 millions d’euros, il s’agit du plus important investissement étranger en Syrie hors secteur pétrolier.

    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/syrie/article/2016/06/21/syrie-les-troubles-arrangements-de-lafarge-avec-l-etat-islamique_4955023_161

  • Syrie : les troubles arrangements de Lafarge avec l’Etat islamique

    http://www.lemonde.fr/syrie/article/2016/06/21/syrie-les-troubles-arrangements-de-lafarge-avec-l-etat-islamique_4955023_161

    C’est l’histoire d’une dérive, une histoire de « zone grise » comme les guerres en produisent. L’histoire d’une cimenterie en Syrie, l’une des plus modernes et importantes du Proche-Orient, que sa direction a tenté de faire fonctionner coûte que coûte au milieu d’un pays à feu et à sang, au prix d’arrangements troubles et inavouables avec les groupes armés environnants, dont l’organisation Etat islamique (EI). C’est, enfin, l’histoire d’une société française, Lafarge, numéro un mondial du ciment depuis sa fusion avec le suisse Holcim et fleuron du CAC 40, qui a indirectement – et peut-être à son insu – financé les djihadistes de l’EI pendant un peu plus d’un an, entre le printemps 2013 et la fin de l’été 2014.

    La cimenterie de Jalabiya, dans le nord-est de la Syrie, a été acquise par Lafarge en 2007, lorsque le groupe français rachète l’usine encore en construction à l’égyptien Orascom. L’homme d’affaires syrien Firas Tlass, proche du régime mais aujourd’hui en exil, est le partenaire minoritaire de Lafarge Cement Syria (LCS). L’usine rénovée, dont la capacité annuelle de production est de 2,6 millions de tonnes de ciment par an, entre en activité en 2010. Estimé à 600 millions d’euros, il s’agit du plus important investissement étranger en Syrie hors secteur pétrolier.

    La Syrie de Bachar Al-Assad se convertit alors au capitalisme, et le marché du ciment, récemment ouvert à la concurrence, est en pleine expansion ; la production nationale ne suffit pas à répondre à la demande intérieure. « Un panneau placé à l’entrée de la cimenterie indiquait que la production quotidienne de clinker [constituant du ciment] était de 7 000 tonnes par jour », se souvient un employé syrien de l’entreprise Lafarge, réfugié en Turquie depuis 2014. « La direction Lafarge en Syrie s’en vantait. Nous produisions bien plus et bien mieux que les autres cimenteries en Syrie », ajoute-t-il.

    Jusqu’en 2013, la production se maintient malgré l’instabilité croissante dans la région due à la guerre civile qui a débuté en 2011. Selon nos sources, la sécurité autour de l’usine est d’abord assurée par l’armée syrienne, puis, à partir de l’été 2012, par le YPG, la branche militaire du Parti kurde de l’union démocratique (PYD, autonomiste). A partir de 2013, la situation se dégrade. La production de l’usine Lafarge ralentit. « De dix mille tonnes de ciment produit par jour, l’usine n’en fabrique plus que six mille en 2013 », se souvient un ancien employé. Mais l’envolée des prix de cette matière très demandée s’envole : le sac de 50 kg, vendu 250 à 300 livres syriennes avant la guerre, se négocie 550 livres…

    La direction était au courant

    A partir du printemps 2013, l’EI (à l’époque surnommé l’Etat islamique en Irak et au Levant) prend progressivement le contrôle des villes et des routes environnant l’usine de Lafarge. Des courriels envoyés par la direction de Lafarge en Syrie, publiés en partie par le site syrien proche de l’opposition Zaman Al-Wasl et que Le Monde a pu consulter, révèlent les arrangements de Lafarge avec le groupe djihadiste pour pouvoir poursuivre la production jusqu’au 19 septembre 2014, date à laquelle l’EI s’empare du site et Lafarge annonce l’arrêt de toute activité.

    Rakka, située à moins de 90 kilomètres de l’usine par la route, tombe aux mains de l’EI en juin 2013. En mars 2014, c’est au tour de Manbij, une ville située à 65 kilomètres à l’est du site et où la plupart des employés de Lafarge sont hébergés. Pendant cette période, Lafarge tente de garantir que les routes soient ouvertes pour ses ouvriers, comme pour sa marchandise, entrante comme sortante.

    Un certain Ahmad Jaloudi est envoyé par Lafarge à Manbij pour obtenir des autorisations de l’EI de laisser passer les employés aux checkpoints. On ne trouve aucune trace d’Ahmad Jaloudi dans l’organigramme de Lafarge Syrie. Il dispose pourtant d’une adresse électronique avec le nom de domaine Lafarge. Un ancien employé explique : « Il est entré illégalement en Syrie par la frontière syrienne avec la Turquie. Il est jordanien de nationalité mais parle l’arabe avec l’accent syrien de Deraa [une ville syrienne à la frontière avec la Jordanie]. Il était gestionnaire de risques pour Lafarge. » « Il se déplaçait sans cesse entre Gaziantep [en Turquie], Rakka, Manbij et l’usine où il dormait comme certains d’entre nous contraints de rester sur place », ajoute l’employé.

    Dans un courriel daté du 28 août 2014, Ahmad Jaloudi relate ses efforts à Frédéric Jolibois, PDG de la filiale de Lafarge en Syrie depuis juin 2014. « L’Etat islamique demande une liste de nos employés… j’ai essayé d’obtenir une autorisation pour quelques jours mais ils ont refusé », regrette-t-il. Il suggère d’organiser une « conférence téléphonique » en urgence avec « Frédéric [Jolibois, basé à Amman], Mamdouh [Al-Khaled, directeur de l’usine, basé à Damas], Hassan [As-Saleh, représentant de Mamdouh Al Khaled dans l’usine] » et lui-même.

    Frédéric Jolibois répond le lendemain et ajoute en copie Jean-Claude Veillard, directeur sûreté du groupe Lafarge à Paris. Les échanges ne révèlent pas quel fut le résultat de cette discussion. Ils permettent cependant de conclure que la direction de Lafarge à Paris était au courant de ces efforts. « Les points sur la sécurité avec Jean-Claude Veillard à Paris étaient quotidiens. Ils se tenaient par conférence téléphonique à 11 heures », confie un employé.

    « Taxes de passage de l’EI »

    Il ne s’agit pas là du seul contact avec l’EI. Deux mois plus tôt, le 29 juin 2014, Ahmad Jaloudi écrit à Mazen Shiekh Awad, directeur des ressources humaines à Lafarge Syrie. Il met en copie Bruno Pescheux, alors PDG de Lafarge Syrie depuis l’ouverture de l’usine en 2010. Ahmad Jaloudi explique qu’il vient juste de revenir de Rakka : « Le haut responsable de l’EI n’est pas encore rentré. Il est pour l’instant à Mossoul [la « capitale » du « califat » de l’EI en Irak depuis juin 2014]. Je le verrai dès son retour. Notre client [il ne précise pas lequel] à Rakka m’a organisé un rendez-vous avec lui. » Le motif de cette tentative de contact avec un haut responsable de l’EI reste obscur.

    « Lafarge continuait d’alimenter le marché syrien du ciment et, pour cela, avait besoin d’acheminer sa production par les routes », explique un ancien employé de Lafarge. D’après une carte qui date du printemps 2014 et dessinée à partir des informations collectées par Ahmad Jaloudi auprès des chauffeurs qui acheminaient le ciment pour Lafarge, les checkpoints alentour étaient à l’époque en majorité contrôlés par l’EI. La carte, que Le Monde a pu consulter, indique les routes empruntées par les camions Lafarge : Jalabiya-Manbij-Alep-Sarakeb et Jalabiya-Tal Abyad-Rakka-Deir ez-Zor-Albou Kamal. Autant de villes tenues entièrement ou partiellement par l’EI.

    Un laissez-passer estampillé du tampon de l’EI et visé par le directeur des finances de la « wilaya » (région) d’Alep, daté du 11 septembre 2014, atteste des accords passés avec l’EI pour permettre la libre circulation des matériaux. Le laissez-passer que le chauffeur de Lafarge devait présenter aux checkpoints de l’EI somme « les frères combattants de laisser passer ce véhicule aux checkpoints [qui transporte] du ciment de l’usine Lafarge après un accord passé avec l’usine pour le commerce de ce matériau ». « Tout document qui n’a pas été tamponné n’est pas valable pour passer les checkpoints », est-il précisé.

    Pourquoi ce laissez-passer a t-il été visé par le directeur des finances de l’EI et non par un responsable militaire ?

    « L’EI pratique des taxes de passage pour les convoyeurs de marchandises. Les revenus sont gérés par Bayt Al-Mal, le “ministère islamique des finances” qui gère les revenus collectés ou distribués dans les différentes wilayas de l’EI », explique Wassim Nasr, journaliste spécialiste des mouvements djihadistes à France 24 et auteur d’Etat islamique, le fait accompli (Plon, 192 p., 12 €).

    « Pas les faire tourner en bourrique »

    Pour fabriquer le ciment, Lafarge avait notamment besoin de se fournir en roches calcaires et en argile. « Les roches calcaires étaient extraites à l’aide d’explosifs dans les carrières à côté de l’usine et acheminées dans des chargeuses jusqu’à la cimenterie pour être concassées, explique un employé. Même pendant la guerre, Lafarge achetait une centaine de camions remplis de roches calcaires par jour. » Selon nos sources, à partir de 2012, l’entreprise égyptienne Silika, qui fournissait la cimenterie en roches calcaires, cesse ses activités. Lafarge se tourne alors vers des entrepreneurs locaux pour s’approvisionner. « Les carrières étaient dans une région contrôlée par les Kurdes. Tous ces entrepreneurs étaient kurdes », explique un ancien employé.

    Pour fabriquer du ciment, des matières actives comme le gypse et la pouzzolane sont mélangées au clinker, résultat du chauffage de la matière crue à 1 450 degrés dans un four rotatif. « Lafarge achetait en moyenne trois camions de pouzzolane et une dizaine de camions de mazout lourd par jour », précise un employé proche de la production.
    « Impossible, sans carburant, de faire chauffer le précalcinateur et le four rotatif à de telles températures. Lafarge n’avait pas d’autres choix que d’acheter du pétrole de l’EI, qui contrôlait alors toutes les sources de production à Rakka et à Deir ez-Zor », ajoute-t-il.
    Quant à la pouzzolane, elle venait d’une carrière située près de Rakka. Même si le propriétaire de la carrière n’est pas un membre de l’organisation djihadiste, il y a toutes les chances que ce dernier soit « taxé » par l’EI, comme c’est le cas de tous les entrepreneurs de la région.

    Un courriel daté du 9 septembre 2014 révèle le fonctionnement de Lafarge pour s’approvisionner en pétrole et en pouzzolane. Un certain Ahmad Jamal écrit dans un anglais approximatif à Frédéric Jolibois, le nouveau PDG de Lafarge Syrie. En copie du courriel, il ajoute la responsable des approvisionnements de Lafarge en Syrie, basée à Damas. « Cela fait plus de deux mois que vous ne nous avez pas versé la somme de 7 655 000 livres syriennes [l’équivalent aujourd’hui de plus de 30 000 euros]. » Ahmad Jamal met en garde Lafarge contre les dangers qu’il encourt à cause de ce retard de paiement. « Essayez s’il vous plaît de comprendre qu’il s’agit de l’argent de fournisseurs qui travaillent avec l’armée islamiste la plus forte sur le terrain. Lafarge ne doit pas les faire tourner en bourrique. »

    Lafarge passait donc par des intermédiaires et des négociants qui commercialisaient le pétrole raffiné par l’EI, contre le paiement d’une licence et le versement de taxes. Beaucoup décrivent Ahmad Jamal comme un profiteur de guerre. Originaire de Rakka, il avait d’étroites relations avec l’EI et différents fournisseurs.
    « Il assurait un approvisionnement continu en pétrole. Lafarge payait au prix fort, mais obtenait ainsi une sécurité relative pour la poursuite de ses activités », raconte un ancien employé.

    « Lafarge a dépassé les limites »

    Dans son courriel du 9 septembre 2014, Ahmad Jamal révèle le schéma de paiement des fournisseurs de l’usine. « Dr Taleb a fait tout son possible pour calmer l’ensemble des parties, les Kurdes y compris, mais Lafarge a dépassé les limites. » Ahmad Jamal demande que le paiement dû par Lafarge soit versé « en euros ou en dollars sur le compte de Dr Taleb au Liban ». Il fait pression pour qu’un échéancier soit respecté : « Pour preuve de bonne foi, nous avons besoin au moins de 24 000 dollars ou 18 000 euros d’ici à la fin de la semaine et la somme totale d’ici à la fin du mois. »

    Amro Taleb, présenté comme « le Dr », est un jeune homme d’affaires syrien canadien de 28 ans, qui présente bien. La faculté de droit de l’université de Harvard, celle où Barack Obama a étudié, l’a même invité à donner une conférence en janvier 2015 sur la « résolution des conflits ». Il se présente comme consultant en gestion de l’environnement pour le gouvernement syrien et pour Lafarge Syrie et propriétaire d’une société d’import-export basée en Turquie, près de la frontière syrienne.

    Selon le contrat signé en avril 2013 entre Bruno Pescheux et Amro Taleb, présenté comme consultant pour Lafarge Cement Syria (LCS) et chef de projet de la société Greenway Ecodevelopment, basée en Inde, Amro Taleb est chargé de représenter Lafarge pour des opérations en lien avec les crédits carbone. « Pourquoi Bruno Pescheux signe-t-il un tel contrat en 2013, alors que la situation sécuritaire est déjà très instable et que les conditions de production sont loin d’être idéales ? Etait-ce vraiment nécessaire à ce moment-là ? », se demande un ancien employé de Lafarge. Selon lui, il s’agissait surtout de dissimuler des transactions financières illicites.

    Dans une interview accordée au Stanford Daily le 12 janvier 2015, Amro Taleb soulignait le « pragmatisme » dont beaucoup de tribus et d’hommes d’affaires syriens savent faire preuve dans leur relation avec l’Etat islamique… Il insistait même sur les « compétences » de certains membres de l’EI dans la gestion des affaires courantes.

    Cet environnement trouble inquiète certains cadres de Lafarge. Ainsi, à la réception du courriel d’Ahmad Jamal, la responsable des approvisionnements avoue à son directeur, Frédéric Jolibois, prendre des risques en communiquant avec ce fournisseur dans l’intérêt de Lafarge : « J’ai reçu ce mail d’Ahmad Jamal. Comme je vous l’ai expliqué auparavant, ce fournisseur nous fournit en carburant et en pouzzolane. » « D’ordinaire, tous les accords et négociations passaient par lui [Ahmad Jamal] et Bruno Pescheux [le précédent directeur] », précise-t-elle à l’attention du nouveau directeur. En réponse, Frédéric Jolibois lui demande, après vérification du dernier ordre d’achat, de procéder au virement. « Plus besoin pour vous d’être en communication avec ce fournisseur. Renvoyez-le vers moi en cas de problèmes. »

    Jeu trouble et dangereux

    Dans les faits, Frédéric Jolibois, qui venait de remplacer Bruno Pescheux, entre-temps muté au Kenya, a hérité d’un système dirigé par trois hommes, qui avaient pris le contrôle de l’usine, aux dires de plusieurs anciens employés : Mamdouh Al-Khaled, avec le titre officieux de « responsable de la production », Amro Taleb, « coordinateur financier », et Ahmad Jamal, « fournisseur principal ». Selon plusieurs témoignages, les trois hommes agissaient de concert, quitte à ne pas forcément tenir au courant la direction française de leurs arrangements et à se partager les bénéfices des surfacturations liées aux difficultés d’approvisionnement et taxes instaurées par les groupes armés.

    Dans ce jeu trouble et dangereux, chacun cherche à se « couvrir » au cas où un scandale éclaterait. Ainsi, le 13 juillet 2014, Mamdouh Al-Khaled, que beaucoup décrivent comme un membre du parti Baath proche du gouvernement syrien, s’inquiète des discussions qui ont cours « à tous les niveaux » sur l’achat illégal de pétrole à des « organisations non gouvernementales », c’est-à-dire des milices armées. Il craint que des « mesures » ne soient prises par le gouvernement syrien « contre les personnes ou entreprises » impliquées. Il invite Bruno Pescheux à développer un argumentaire pour répondre aux questions éventuelles des autorités. Ce dernier développe dans sa réponse une défense point par point et prend soin de mettre en copie Frédéric Jolibois, son successeur.

    En substance, il explique d’abord que les mazouts lourds sont « absolument nécessaires » au fonctionnement de l’usine. En outre, l’entreprise n’achète que de petites quantités par rapport au pétrole qui transite clandestinement depuis la Turquie. Il ajoute qu’il est très difficile d’acheminer du carburant de Tartous (port sous contrôle du gouvernement syrien). Enfin, il explique que la poursuite des activités de Lafarge sert les intérêts du gouvernement : la vente du ciment est une source de revenus pour l’Etat syrien, qui perçoit des impôts dessus.

    Une partie de l’usine démontée et revendue

    Le 19 septembre, l’EI s’empare de l’usine, évacuée la veille par une partie des employés. Lafarge abandonne le site. Les silos, remplis de ciment, ont été vidés de leur contenu vendu au détail. Nul ne sait qui a donné les codes ouvrant les silos : d’anciens employés ou le directeur de l’usine, qui aurait voulu éviter que le ciment ne prenne ?

    Quelque temps plus tard, Amro Taleb prend contact avec la direction de Lafarge, selon le site Intelligence Online : il propose de reprendre la production sous la protection des nouveaux occupants du site – « des hommes d’affaires de Rakka », en fait les chefs locaux de l’Etat islamique – en échange de 15 % de la production. Lafarge décline.
    Amro Taleb serait revenu à la charge en se présentant directement au siège parisien de l’entreprise, rue des Belles-Feuilles dans le 16e arrondissement, en janvier 2015, le même jour que l’attentat contre Charlie Hebdo. Lafarge prend peur et veut couper tout contact, même indirect, avec l’EI. Selon un ancien cadre syrien, une partie de l’usine a été démontée et revendue, les voitures volées. En février 2015, l’EI a quitté la zone, chassé par les combattants kurdes des YPG.

    Jointe par téléphone, la chargée de la communication du groupe Lafarge à Paris, Sabine Wacquez, a expliqué au Monde : « La situation en Syrie était très compliquée et évolutive en 2013-2014. Les personnes ayant travaillé sur place ne sont pas toutes joignables. Il nous est difficile de réagir à des courriels sans avoir tout vérifié, l’usine est fermée depuis septembre 2014. »

  • Des enfants alimentent les cimenteries de #Lafarge en #Ouganda
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    C’est une nouvelle illustration de la réalité parfois sordide des chaînes d’approvisionnement des multinationales dans les pays africains, et de la faiblesse des moyens mis en oeuvre par ces dernières pour prévenir réellement les abus. #Le_Monde a enquêté sur le #travail_des_enfants dans les carrières de Harugongo, à l’ouest de l’Ouganda. Des carrières qui alimentent directement les usines d’une filiale de Lafarge, le cimentier français désormais fusionné avec Holcim. La pouzzolane extraite dans les (...)

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    https://www.mediapart.fr/journal/international/101215/lafarge-une-entreprise-francaise-au-top-en-matiere-de-pollution

    Alors que la #Cop21 tire à sa fin, l’impact des #multinationales a été une fois de plus glissé sous le tapis. En France, le palmarès des dix multinationales les plus polluantes du point de vue climatique comporte trois cimentiers. Lafarge est le numéro 1 mondial du #Ciment, un matériau à l’origine de 5 % des émissions mondiales de #Gaz_à_effet_de_serre.

    #International #Economie #environnement #Holcim #LafargeHolcim

  • Une prime de 2,5 millions pour le PDG de #Lafarge, des suppressions de postes pour les salariés
    http://multinationales.org/Une-prime-de-2-5-millions-pour-le-PDG-de-Lafarge-des-suppressions-d

    2,5 millions d’euros : c’est la prime que va recevoir le PDG de Lafarge, Bruno Lafont, pour son rôle dans la fusion avec le suisse #Holcim. Les deux plus grandes entreprises de ciment du monde pèseront ensemble 35 milliards d’euros de chiffre d’affaires et plus de 130 000 salariés. Dans le même temps, une première série de suppressions de postes - 380 en tout dans le monde, et 166 en #France - était annoncée. Plusieurs milliers d’emplois pourraient disparaître du fait de la fusion. L’ « indemnité (...)

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    #LAFONT_Bruno

  • http://www.lesechos.fr/industrie-services/industrie-lourde/0204241067742-lafarge-holcim-un-accord-a-ete-trouve-1103873.php
    La fusion Lafarge-Holcim repart sur des bases solides

    Fusion des deux géants du ciment

    L’accord conclut cette nuit entre les deux groupes prévoit une nouvelle parité d’échange et une nouvelle gouvernance. En Bourse, les deux entreprises étaient en hausse à l’ouverture.

    #industrie

  • Les travailleurs, grands absents du projet de fusion entre #Lafarge et #Holcim
    http://multinationales.org/Les-travailleurs-grands-absents-du

    Les deux plus grandes entreprises de ciment du monde, la française Lafarge et la suisse Holcim, se préparent à fusionner. Leurs dirigeants ont passé ces derniers mois à négocier avec les autorités de contrôle de la concurrence et à se répartir les places au comité exécutif du futur groupe. En revanche, aucune véritable consultation des salariés n’a encore eu lieu, alors qu’ils risquent fort d’être les premières victimes de la fusion. Les #syndicats des deux groupes organisaient le 15 janvier une journée (...)

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    / Lafarge, Holcim, #Libertés_syndicales, #BTP, syndicats, #droits_des_travailleurs, #accord_cadre_international, #mouvement_social, #impact_social, #financiarisation, institutions représentatives du (...)

    #institutions_représentatives_du_personnel
    « http://allafrica.com/stories/201501170203.html »
    « http://www.industriall-union.org/fr/les-syndicats-de-holcim-et-lafarge-protestent-contre-la-fusion-de »
    « http://www.romandie.com/news/HolcimLafarge-les-salaries-attendent-toujours-des-garanties-suite-a_ROM/547906.rom »
    « http://www.industriall-union.org/global-unions-renew-agreement-with-lafarge »
    « http://www.labourstart.org/go/nomerger »

  • Fête sauvage à Brunnen (SZ)
    https://www.lereveil.ch/contrib/fete-sauvage-a-brunnen-sz
    "Samedi dernier 19 novembre, une fête sauvage a eu lieu à #Brunnen dans le canton de #Schwytz. Les médias bourgeois n’y ont visiblement pas compris grand-chose : « Ainsi, on ne sait pour l’instant pas qui a organisé la fête et combien de personnes ont été présentes sur le site. » (Schwyzer Zeitung du 22 novembre 2011) Peu étonnant puisque les flics n’osaient pas entrer...Et nous étions beaucoup : entre 300 et 500 personnes de partout ont fait la fête avec de la minimal et de la tech-house dans un bâtiment de l’ancienne cimenterie, l’ambiance faisait penser aux débuts de la culture techno quand celle-ci n’avaient pas encore été récupérée et commercialisée. Le site sur lequel le bâtiment se trouve est inutilisé, appartient à la Holcim SA et est géré par la gestion immobilière de la banque cantonale de Schwytz. Dans quelques années, un nouveau ghetto pour riches y sera créé : Brunnen Nova, un quartier plein de lofts de luxe et de magasins chics. Dans la région de Schwytz, il reste toutefois assez de jolis immeubles pour faire une fête, et nous reviendrons sûrement..."
    #squat