• L’anthropologue #Didier_Fassin sur #Gaza : « La non-reconnaissance de la qualité d’êtres humains à ceux qu’on veut éliminer est le prélude aux pires violences »

    Le sociologue s’alarme, dans une tribune au « Monde », que l’Union européenne n’invoque pas, dans le cadre du conflit israélo-palestinien, la « responsabilité de protéger » votée par l’Assemblée des Nations unies, et qu’elle pratique le deux poids deux mesures dans ses relations internationales.

    L’incursion sanglante du #Hamas en #Israël a produit dans le pays un #choc sans précédent et a suscité des réactions d’horreur dans les sociétés occidentales. Les #représailles en cours à Gaza, d’autant plus violentes que le gouvernement israélien est tenu responsable par la population pour avoir favorisé l’essor du Hamas afin d’affaiblir le #Fatah [le parti politique du président palestinien, Mahmoud Abbas] et pour avoir négligé les enjeux de sécurité au profit d’une impopulaire réforme visant à faire reculer la démocratie, ne génèrent pas de semblables sentiments de la part des chancelleries occidentales, comme si le droit de se défendre impliquait un droit illimité à se venger. Certaines #victimes méritent-elles plus que d’autres la #compassion ? Faut-il considérer comme une nouvelle norme le ratio des tués côté palestinien et côté israélien de la guerre de 2014 à Gaza : 32 fois plus de morts, 228 fois plus parmi les civils et 548 fois plus parmi les enfants ?

    Lorsque le président français, #Emmanuel_Macron, a prononcé son allocution télévisée, le 12 octobre, on comptait 1 400 victimes parmi les Gazaouis, dont 447 enfants. Il a justement déploré la mort « de nourrissons, d’enfants, de femmes, d’hommes » israéliens, et dit « partager le chagrin d’Israël », mais n’a pas eu un mot pour les nourrissons, les enfants, les femmes et les hommes palestiniens tués et pour le deuil de leurs proches. Il a déclaré apporter son « soutien à la réponse légitime » d’Israël, tout en ajoutant que ce devait être en « préservant les populations civiles », formule purement rhétorique alors que #Tsahal avait déversé en six jours 6 000 bombes, presque autant que ne l’avaient fait les Etats-Unis en une année au plus fort de l’intervention en Afghanistan.

    La directrice exécutive de Jewish Voice for Peace a lancé un vibrant « #plaidoyer_juif », appelant à « se dresser contre l’acte de #génocide d’Israël ». Couper l’#eau, l’#électricité et le #gaz, interrompre l’approvisionnement en #nourriture et envoyer des missiles sur les marchés où les habitants tentent de se ravitailler, bombarder des ambulances et des hôpitaux déjà privés de tout ce qui leur permet de fonctionner, tuer des médecins et leur famille : la conjonction du siège total, des frappes aériennes et bientôt des troupes au sol condamne à mort un très grand nombre de #civils – par les #armes, la #faim et la #soif, le défaut de #soins aux malades et aux blessés.

    Des #crimes commis, on ne saura rien

    L’ordre donné au million d’habitants de la ville de Gaza de partir vers le sud va, selon le porte-parole des Nations unies, « provoquer des conséquences humanitaires dévastatrices ». Ailleurs dans le monde, lorsque éclatent des conflits meurtriers, les populations menacées fuient vers un pays voisin. Pour les Gazaouis, il n’y a pas d’issue, et l’armée israélienne bombarde les écoles des Nations unies où certains trouvent refuge. Ailleurs dans le monde, dans de telles situations, les organisations non gouvernementales apportent une assistance aux victimes. A Gaza, elles ne le peuvent plus. Mais des crimes commis, on ne saura rien. En coupant Internet, Israël prévient la diffusion d’images et de témoignages.

    Le ministre israélien de la défense, #Yoav_Gallant, a déclaré, le 9 octobre, que son pays combattait « des #animaux_humains » et qu’il « allait tout éliminer à Gaza ». En mars, son collègue des finances a, lui, affirmé qu’« il n’y a pas de Palestiniens, car il n’y a pas de peuple palestinien ».
    Du premier génocide du XXe siècle, celui des Herero, en 1904, mené par l’armée allemande en Afrique australe, qui, selon les estimations, a provoqué 100 000 morts de déshydratation et de dénutrition, au génocide des juifs d’Europe et à celui des Tutsi, la non-reconnaissance de la qualité d’êtres humains à ceux qu’on veut éliminer et leur assimilation à des #animaux a été le prélude aux pires #violences.

    Rhétorique guerrière

    Comme le dit en Israël la présidente de l’organisation de défense des droits de l’homme, B’Tselem, « Gaza risque d’être rayée de la carte, si la communauté internationale, en particulier les Etats-Unis et l’Europe, ne fait pas stopper – au lieu de laisser faire, voire d’encourager – les crimes de guerre qu’induit l’intensité de la riposte israélienne ». Ce n’est pas la première fois qu’Israël mène une #guerre à Gaza, mais c’est la première fois qu’il le fait avec un gouvernement aussi fortement orienté à l’#extrême-droite qui nie aux Palestiniens leur humanité et leur existence.
    Il existe une « responsabilité de protéger », votée en 2005 par l’Assemblée des Nations unies, obligeant les Etats à agir pour protéger une population « contre les génocides, les crimes de guerre, les nettoyages ethniques et les crimes contre l’humanité ». Cet engagement a été utilisé dans une dizaine de situations, presque toujours en Afrique. Que l’Union européenne ne l’invoque pas aujourd’hui, mais qu’au contraire la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, se rende, sans mandat, en Israël, pour y reprendre la #rhétorique_guerrière du gouvernement, montre combien le deux poids deux mesures régit les relations internationales.
    Quant à la #France, alors que se fait pressante l’urgence à agir, non seulement le gouvernement apporte son appui sans failles à l’#opération_punitive en cours, mais il interdit les #manifestations en faveur du peuple palestinien et pour une #paix juste et durable en Palestine. « Rien ne peut justifier le #terrorisme », affirmait avec raison le chef de l’Etat. Mais faut-il justifier les crimes de guerre et les #massacres_de_masse commis en #rétorsion contre les populations civiles ? S’agit-il une fois de plus de rappeler au monde que toutes les vies n’ont pas la même valeur et que certaines peuvent être éliminées sans conséquence ?

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/18/l-anthropologue-didier-fassin-sur-gaza-la-non-reconnaissance-de-la-qualite-d

    #à_lire #7_octobre_2023

    • Le spectre d’un génocide à Gaza

      L’annihilation du Hamas, que la plupart des experts jugent irréaliste, se traduit de fait par un massacre des civils gazaouis, ce que la Première ministre française appelle une « catastrophe humanitaire », mais dans lequel un nombre croissant d’organisations et d’analystes voient le spectre d’un génocide.

      Au début de l’année 1904, dans ce qui était alors le protectorat allemand du Sud-Ouest africain, les Hereros se rebellent contre les colons, tuant plus d’une centaine d’entre eux dans une attaque surprise.

      Au cours des deux décennies précédentes, ce peuple d’éleveurs a vu son territoire se réduire à mesure que de nouvelles colonies s’installent, s’emparant des meilleures terres et entravant la transhumance des troupeaux. Les colons traitent les Hereros comme des animaux, les réduisent à une forme d’esclavage et se saisissent de leurs biens. Le projet des autorités est de créer dans ce qui est aujourd’hui la Namibie une « Allemagne africaine » où les peuples autochtones seraient parqués dans des réserves.

      La révolte des Hereros est vécue comme un déshonneur à Berlin et l’empereur envoie un corps expéditionnaire avec pour objectif de les éradiquer. Son commandant annonce en effet qu’il va « annihiler » la nation herero, récompensant la capture des « chefs », mais n’épargnant « ni les femmes ni les enfants ». Si l’extermination n’est techniquement pas possible, ajoute-t-il, il faudra forcer les Hereros à quitter le pays, et « ce n’est qu’une fois ce nettoyage accompli que quelque chose de nouveau pourra émerger ».

      Dans les mois qui suivent, nombre de Hereros sans armes sont capturés et exécutés par les militaires, mais la plupart sont repoussés dans le désert où ils meurent de déshydratation et d’inanition, les puits ayant été empoisonnés. Selon l’état-major militaire, « le blocus impitoyable des zones désertiques paracheva l’œuvre d’élimination ». On estime que seuls 15 000 des 80 000 Hereros ont survécu. Ils sont mis au travail forcé dans des « camps de concentration » où beaucoup perdent la vie.

      Le massacre des Hereros, qualifié par les Allemands de « guerre raciale » est le premier génocide du XXe siècle, considéré par certains historiens comme la matrice de la Shoah quatre décennies plus tard. Dans Les Origines du totalitarisme, la philosophe Hannah Arendt elle-même a établi un lien entre l’entreprise coloniale et les pratiques génocidaires.

      Comparaison n’est pas raison, mais il y a de préoccupantes similitudes entre ce qui s’est joué dans le Sud-Ouest africain et ce qui se joue aujourd’hui à Gaza. Des décennies d’une colonisation qui réduit les territoires palestiniens à une multiplicité d’enclaves toujours plus petites où les habitants sont agressés, les champs d’olivier détruits, les déplacements restreints, les humiliations quotidiennes.

      Une déshumanisation qui conduisait il y a dix ans le futur ministre adjoint à la Défense à dire que les Palestiniens sont « comme des animaux ». Une négation de leur existence même par le ministre des Finances pour qui « il n’y a pas de Palestiniens car il n’y a pas de peuple palestinien », comme il l’affirmait au début de l’année. Un droit de tuer les Palestiniens qui, pour l’actuel ministre de la Sécurité nationale, fait du colon qui a assassiné vingt-neuf d’entre eux priant au tombeau des Patriarches à Hébron un héros. Le projet, pour certains, d’un « grand Israël », dont l’ancien président est lui-même partisan.

      Pendant les six premiers jours de l’intervention israélienne, 6 000 bombes ont été lâchées sur Gaza, presque autant que les États-Unis et ses alliés en ont utilisé en Afghanistan en une année entière

      Dans ce contexte, les attaques palestiniennes contre des Israéliens se sont produites au fil des ans, culminant dans l’incursion meurtrière du Hamas en territoire israélien le 7 octobre faisant 1 400 victimes civiles et militaires et aboutissant à la capture de plus de 200 otages, ce que le représentant permanent d’Israël aux Nations unies a qualifié de « crime de guerre ». La réponse du gouvernement, accusé de n’avoir pas su prévenir l’agression, s’est voulue à la mesure du traumatisme provoqué dans le pays. L’objectif est « l’annihilation du Hamas ».

      Pendant les trois premières semaines de la guerre à Gaza, les représailles ont pris deux formes. D’une part, infrastructures civiles et populations civiles ont fait l’objet d’un bombardement massif, causant 7 703 morts, dont 3 595 enfants, 1 863 femmes et 397 personnes âgées, et endommageant 183 000 unités résidentielles et 221 écoles, à la date du 28 octobre. Pendant les six premiers jours de l’intervention israélienne, 6 000 bombes ont été lâchées sur Gaza, presque autant que les États-Unis et ses alliés en ont utilisé en Afghanistan en une année entière, au plus fort de l’invasion du pays.

      Pour les plus de 20 000 blessés, dont un tiers d’enfants, ce sont des mutilations, des brûlures, des handicaps avec lesquels il leur faudra vivre. Et pour tous les survivants, ce sont les traumatismes d’avoir vécu sous les bombes, assisté aux destructions des maisons, vu des corps déchiquetés, perdu des proches, une étude britannique montrant que plus de la moitié des adolescents souffrent de stress post-traumatique.

      D’autre part, un siège total a été imposé, avec blocus de l’électricité, du carburant, de la nourriture et des médicaments, tandis que la plupart des stations de pompage ne fonctionnent plus, ne permettant plus l’accès à l’eau potable, politique que le ministre de la Défense justifie en déclarant : « Nous combattons des animaux et nous agissons comme tel ». Dans ces conditions, le tiers des hôpitaux ont dû interrompre leur activité, les chirurgiens opèrent parfois sans anesthésie, les habitants boivent une eau saumâtre, les pénuries alimentaires se font sentir, avec un risque important de décès des personnes les plus vulnérables, à commencer par les enfants.

      Dans le même temps, en Cisjordanie, plus d’une centaine de Palestiniens ont été tués par des colons et des militaires, tandis que plus de 500 éleveurs bédouins ont été chassés de leurs terres et de leur maison, « nettoyage ethnique » que dénoncent des associations de droits humains israéliennes. Croire que cette répression féroce permettra de garantir la sécurité à laquelle les Israéliens ont droit est une illusion dont les 75 dernières années ont fait la preuve.

      L’annihilation du Hamas, que la plupart des experts jugent irréaliste, se traduit de fait par un massacre des civils gazaouis, ce que la Première ministre française appelle une « catastrophe humanitaire », mais dans lequel un nombre croissant d’organisations et d’analystes voient le spectre d’un génocide.

      L’organisation états-unienne Jewish Voice for Peace implore « toutes les personnes de conscience d’arrêter le génocide imminent des Palestiniens ». Une déclaration signée par 880 universitaires du monde entier « alerte sur un potentiel génocide à Gaza ». Neuf Rapporteurs spéciaux des Nations unies en charge des droits humains, des personnes déplacées, de la lutte contre le racisme et les discriminations, l’accès à l’eau et à la nourriture parlent d’un « risque de génocide du peuple palestinien ». Pour la Directrice régionale de l’Unicef pour le Moyen Orient et l’Afrique du nord, « la situation dans la bande de Gaza entache de plus en plus notre conscience collective ». Quant au Secrétaire général des Nations unies, il affirme : « Nous sommes à un moment de vérité. L’histoire nous jugera ».

      Alors que la plupart des gouvernements occidentaux continuent de dire « le droit d’Israël à se défendre » sans y mettre de réserves autres que rhétoriques et sans même imaginer un droit semblable pour les Palestiniens, il y a en effet une responsabilité historique à prévenir ce qui pourrait devenir le premier génocide du XXIe siècle. Si celui des Hereros s’était produit dans le silence du désert du Kalahari, la tragédie de Gaza se déroule sous les yeux du monde entier.

      https://aoc.media/opinion/2023/10/31/le-spectre-dun-genocide-a-gaza

    • Cette réponse sur AOC est d’une mauvaise foi affligeante. Ils se piquent de faire du droit international, et ne se rendent pas compte que leurs conclusions vont à l’encontre de ce qui est déclamé par les instances multilatérales internationales depuis des dizaines d’années.

      Personnellement, les fachos qui s’ignorent et qui prennent leur plume pour te faire comprendre que tu n’es pas assez adulte pour comprendre la complexité du monde, ils commencent à me chauffer les oreilles. La tolérance c’est bien, mais le déni c’est pire. Et là, cette forme de déni, elle est factuelle. Elle n’est pas capillotractée comme lorsqu’on étudie les différentes formes d’un mot pour en déduire un supposé racisme pervers et masqué.

    • La réponse dans AOC mais fait vraiment penser à la sailli de Macron sur les violences policières : « dans un État de droit il est inadmissible de parler de violences policières » : autrement dit ce ne sont pas les violences elles-mêmes, concrète, prouvées, qui sont à condamner, mais c’est le fait d’en parler, de mettre des mots pour les décrire.

      Là c’est pareil, l’État israélien fait littéralement ces actions là : tuerie de masse par bombes sur civils, destruction des moyens de subsistance en brulant les champs (d’oliviers et autres), et en coupant tout accès à l’eau (base de la vie quand on est pas mort sous les bombes) ; ce qui correspond bien factuellement au même genre de stratégie militaire d’annihilation des Héréros par les allemands. Mais ce qui est à condamner c’est le fait de le décrire parce que ça serait antisémite, et non pas les actions elles-mêmes.

      Parce que l’accusation d’empoisonnement est un classique de l’antisémitisme depuis le moyen âge, alors si concrètement une armée et des colons de culture juive bloquent l’accès à la subsistance terre et eau, ça n’existe pas et il ne faut pas en parler.

      (Et c’est le même principe que de s’interdire de dire que le Hamas est un mouvement d’extrême droite, avec une politique autoritaire et ultra réactionnaire, et qu’ils promeuvent des crimes de guerre, parce qu’ils se battent contre l’État qui les colonise. Il fut un temps où beaucoup de mouvements de libération, de lutte contre le colonialisme et ou les impérialismes, faisaient attention aux vies civiles, comme le rappelait Joseph Andras il me semble.)

      #campisme clairement ("mon camp", « notre camp », ne peut pas faire ça, puisque c’est les méchants qui nous accusaient faussement de faire ça…)

  • Les épreuves de la frontière
    Cours du 05 avril 2023 : #Rencontres

    Les 3 rencontres, le récit avec une triple voix :

    - un exilé :
    Une famille de #réfugiés_afghans, dont Fassin retrace tout le parcours depuis l’#Afghanistan jusqu’à #Briançon, en passant par la Grèce et les Balkans

    - un policier : (à partir de la min 26’40)
    Fassin raconte l’habitude que les forces de l’ordre ont de demander aux chauffeurs du bus qui fait Oulx-Claviere combien de migrants sont descendus du bus à Claviere. Fassin raconte la militarisation de la frontière (2 escadrons de la #gendarmerie_mobile, 140 militaires + 30 hommes des forces armées sentinelles + 25 réservistes de l’#opération_limes —> presque 200 en plus des policiers). « A quoi sert ce qu’ils font ? » (dès min 29’45) Réponse : « tous les migrants finissent par passer. (...) Ce n’est pas un secret, tout le monde le sait » (min 30’04)... Quel intérêt donc ? (min. 30’28) : « faire du chiffre ». « C’est ce que leur demande le commandant, c’est ce que leur demande la préfète, parce que ce sont des #statistiques qu’on fait remonter au Ministre de l’Intérieur qui peut ensuite s’en féliciter publiquement. C’est beaucoup plus facile d’arrêter des migrants que des passeurs, alors comme son collègue il se satisfait des non-admissions. Quand leur nombre augmente, on les complimente et à la fin de l’année ils ont une meilleure prime ; quand il diminue on les convoque, on les réprimande, on exige de meilleurs résultats ». Fassin observe que pas tout le monde n’est pas satisfait de la situation, il évoque le #suicide d’un brigadier qui commandait une équipe de nuit (min 31’02) : « Un homme gentil, respectueux modeste, correct avec les migrants. La version officielle c’est qu’il avait des problèmes conjugaux, qu’il était séparé de sa femme, qu’il voyait moins ses enfants, qu’il faisait une dépression. C’est surement pas faux, mais il a vu comment son collègue était affecté par la dégradation de l’ambiance au sein de l’institution, les attentes de résultats quantifiés par leur hiérarchie ont généré une compétition entre les équipes à qui ferait le plus d’interpellations. Il avait entendu dire le brigadier que ’plus que la qualité du travail, c’était la quantité qui comptait désormais, quitte à tordre les données. Il n’ignore pas que les performances de l’autre équipe valaient sans cesse à son chef des brimades et des humiliations. D’ailleurs, il a entendu dire qu’avant de se suicider, le brigadier avait laissé une lettre dans laquelle il expliquait les raisons de son geste, évoquant les pressions de sa hiérarchie, qu’il ne supportait plus. Beaucoup le pense, au fond, c’est la #politique_du_chiffre qui l’a tué. La mort de son collègue lui a laissé un goût amer, un vague sentiment de culpabilité, ’n’aurait-il pas fallu se montrer plus solidaires entre eux au lieu d’exacerber la concurrence ?’ (...) N’aurait-il pas fallu comprendre quand il répétait qu’il ne trouvait plus de sens à son travail ? »
    Au poste-frontière de Montgenèvre, la scène d’un médecin (probablement de Médecins du Monde, qui entre pour demander de libérer au de reconduire à la frontière les deux adultes interpellés, car leurs enfants ont été entre temps déjà amenés à Briançon (35’28) : Le policier « accuse le médecin d’organiser comme les autres volontaires des opérations hasardeuses pour aider les migrants à franchir la frontière en les amenant à emprunter des chemins dangereux, ils ne font pas de la mise à l’abri, comme ils le disent, ils les exposent à des risques inconsidérés. Ce sont eux, les policiers et les gendarmes, qui protègent les migrants, déclare-t-il ».
    Min 37’50 : les policiers « pestent contre les maraudeurs » "qui sont en réalité des passeurs" —> la présence de maraudeurs et du refuge comme éléments de l’#appel_d'air

    - le maraudeur (à partir de la min 39’18)

    –—

    Deuxième partie de la conférence (à partir de la min 53’00), Fassin explique comment il a construit la narration avec les trois personnages :

    https://www.youtube.com/watch?v=rkOJJ9jYT8Y


    #conférence #vidéo #Didier_Fassin #frontière_sud-alpine #ethnographie #asile #migrations #réfugiés #parcours_migratoire #Briançonnais #Italie #France #Hautes-Alpes #forces_de_l'ordre #militarisation_des_frontières #opération_sentinelle #pression_des_résultats #refus_d'entrée #PAF #police_aux_frontières #solidarité

  • #Emeutes_urbaines : « Ce qu’elles révèlent, ce n’est pas tant l’échec de la #politique de la #ville que celui de toutes les #politiques_publiques »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/06/emeutes-urbaines-ce-qu-elles-relevent-ce-n-est-pas-tant-l-echec-de-la-politi

    Depuis le début des années 1980, les vagues émeutières embrasant les quartiers populaires s’accompagnent de controverses interprétatives enflammées dans les médias. Les explications proposées ont varié au fil du temps, mais un argument traverse les décennies qui semble faire consensus chez tous les commentateurs : l’émeute marquerait l’échec de la politique de la ville. La politique ainsi mise en cause a pourtant connu d’importantes évolutions au cours des quarante dernières années, le plus souvent à la suite d’épisodes émeutiers. Si échec de la politique de la ville il y a, ce n’est pas la même politique qui a échoué au début des années 1990, en 2005 ou aujourd’hui.

    Le jugement d’échec semble d’autant plus incontestable en 2023 que l’Etat aurait mobilisé, depuis une quinzaine d’années, des budgets considérables pour les quartiers populaires. Les annonces récurrentes d’un nouveau « plan banlieue » ont pu donner crédit à cette idée d’une politique de la ville richement dotée. Bien que ces annonces soient le plus souvent restées des annonces, elles ont ouvert la voie à la dénonciation des « milliards pour les banlieues », au profit de populations qui ne le mériteraient pas.

    Portée par des entrepreneurs de fracture sociale, cette critique a été d’autant plus ravageuse qu’elle s’est prolongée par une mise en concurrence des souffrances territoriales, opposant les quartiers défavorisés des métropoles et une « France périphérique » aux contours flous mais dont la couleur est claire. Les premiers bénéficieraient d’une discrimination positive, au détriment des villes moyennes, des espaces périurbains et des territoires ruraux, dont les populations sont pourtant durement affectées par les recompositions industrielles et la précarisation de l’emploi, les politiques d’austérité et les fermetures de services publics, ainsi que par l’augmentation du coût de la vie.

    La critique de l’inefficacité se mue alors en une mise en cause de la légitimité même de la politique de la ville, illustrée par cette formule qui fait florès à l’extrême droite : on déshabille la « France périphérique » pour habiller celle qui vit de l’autre côté du périph.

    Moins de 1 % du budget de l’Etat

    Il faut pourtant le répéter inlassablement : les quartiers qui cumulent toutes les difficultés sociales ne bénéficient pas d’un traitement de faveur. Les crédits de la politique de la ville ont toujours été limités, inférieurs à 1 % du budget de l’Etat. Comme l’ont montré de nombreux travaux de recherche et d’évaluation ainsi que plusieurs rapports de la Cour des comptes, les moyens alloués au titre de cette politique ne suffisent pas à compenser l’inégale allocation des budgets des autres politiques publiques (éducation, emploi, santé, sécurité…) qui s’opère systématiquement au détriment des quartiers dits « prioritaires » et de leurs habitants.

    Les seuls milliards dont ces quartiers ont vu la couleur sont ceux de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), qui ne proviennent que marginalement de l’Etat : sa contribution se limite à 10 % du budget de l’agence, loin derrière Action Logement (70 %) et l’Union sociale pour l’habitat (20 %). Ce sont donc les cotisations des employeurs pour le logement de leurs salariés et les contributions du monde HLM (habitation à loyer modéré) qui financent la rénovation urbaine et non les impôts des Français.

    Bien qu’infondée, la critique des « milliards pour la banlieue » n’a pas été sans effet, conduisant les gouvernants à désinvestir la politique de la ville par crainte de susciter le ressentiment d’une fraction importante de l’électorat populaire sensible aux discours du Rassemblement national sur l’abandon de la France périphérique. Cette crainte a été amplifiée par le mouvement des « gilets jaunes », à la suite duquel la politique de la ville et les quartiers qu’elle cible ont disparu de l’agenda politique.

    La « séquence banlieue » ouverte lundi 26 juin par Emmanuel Macron à Marseille visait à répondre aux maires de banlieue et aux acteurs de terrain qui, depuis l’enterrement du rapport Borloo (dont il n’est pas inutile de rappeler aujourd’hui le sous-titre : « pour une réconciliation nationale »), critiquent ce désintérêt de l’exécutif pour les quartiers populaires.

    Défiance généralisée

    Le grand débat organisé dans la cité de la Busserine devait mettre en scène un président à l’écoute, mobilisant des moyens exceptionnels pour l’égalité des chances dans des quartiers nord délaissés par les élus locaux. La séquence se prolongeait le lendemain à Grigny (Essonne), avec le lancement des célébrations des 20 ans de l’ANRU, dont les réalisations ont produit des transformations visibles du cadre de vie de centaines de quartiers, à défaut de leur situation sociale. Elle devait se conclure à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), avec un comité interministériel des villes (CIV) maintes fois repoussé, où allaient enfin être annoncées les mesures du plan Quartiers 2030 concocté par Olivier Klein.

    La séquence était bien préparée mais rien ne s’est passé comme prévu. S’il a permis au président de renouer avec un exercice qu’il affectionne, le grand débat a surtout révélé l’exaspération des habitants, l’épuisement des acteurs associatifs et la défiance généralisée à l’égard du pouvoir politique. L’explosion de colère qui a suivi la mort du jeune Nahel a éclipsé les images de vingt ans de rénovation urbaine, et contraint le gouvernement à rapatrier à Matignon un CIV dont les annonces ont été repoussées à une date indéterminée. Ce report peut être utile s’il amène le gouvernement à réviser sa copie, pour envisager des réformes structurelles plutôt qu’un catalogue de programmes exceptionnels et de mesures expérimentales.

    Car ce que révèlent les #émeutes, ce n’est pas tant l’échec de la #politique_de_la_ville que celui de toutes les politiques publiques qui laissent se déployer la #ségrégation, la #stigmatisation et les #discriminations, voire y contribuent. A cet égard, on ne peut que regretter l’abandon en mai dernier du plan de #mixité_scolaire envisagé par Pap Ndiaye. Mais ce que rappellent d’abord les émeutes, c’est l’état plus que dégradé des relations entre la #police et les #populations_racisées des #quartiers_populaires, et la nécessité d’une transformation profonde des #pratiques_policières. Même si elle est politiquement difficile, l’ouverture de ce chantier s’impose, tant elle conditionne la #réconciliation_nationale.

    by https://twitter.com/renaud_epstein

    • Fabien Jobard, politiste : « Le législateur a consacré l’ascendant de la police sur la jeunesse postcoloniale »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/05/fabien-jobard-politiste-le-legislateur-a-consacre-l-ascendant-de-la-police-s

      Le spécialiste des questions policières revient, dans un entretien au « Monde », sur les spécificités françaises dans les rapports entre les forces de l’ordre et la jeunesse des quartiers populaires issue de l’immigration. Il éclaire le contexte dans lequel prennent place les émeutes ayant suivi la mort de Nahel M. à Nanterre.

      Directeur de recherche au CNRS, Fabien Jobard est politiste, chercheur au Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales. Il est l’auteur, avec le sociologue Olivier Fillieule, de Politiques du désordre. La police des manifestations en France (Seuil, 2020), avec Daniel Schönpflug, de Politische Gewalt im urbanen Raum (« violence politique en milieu urbain », Gruyter, 2019, non traduit), avec Jérémie Gauthier, de Police : questions sensibles (Presses universitaires de France, 2018) et, avec Jacques de Maillard, de Sociologie de la police. Politiques, organisations, réformes (Presses universitaires de France, 2015). Directeur du Groupe européen de recherches sur les normativités (GERN), Fabien Jobard publie en septembre une bande dessinée réalisée avec Florent Calvez : de la création des bobbys anglais aux dystopies policières contemporaines, Global Police. La question policière à travers le monde et l’histoire (Delcourt/Encrage) interroge la nature et le devenir de nos polices.

      Les événements de Nanterre, qu’il s’agisse de la mort de Nahel M. ou des émeutes qui ont suivi, montrent à quel point les relations entre la police et les jeunes des quartiers populaires sont dégradées. S’agit-il d’une spécificité française ?

      Les événements auxquels nous avons assisté ces derniers jours ne sont pas propres à la France : on en observe de comparables aux Etats-Unis, en Belgique, aux Pays-Bas – parfois au Royaume-Uni ou en Suède. Or, Suède mise à part, ces pays ont en commun une histoire contemporaine marquée soit par la prégnance de l’esclavage des populations noires, soit par la présence d’une population issue des territoires coloniaux. Le contraste avec l’Allemagne est frappant : dans ce pays qui a été privé de ses colonies africaines par le traité de Versailles, en 1919, les tensions avec les populations minoritaires existent mais elles sont bien moins fréquentes et bien moins intenses...

      La suite #paywall

    • De quelle manière cette histoire coloniale française pèse-t-elle ?

      [Fabien Jobard ] La guerre d’Algérie et la colonisation sont à mille lieues des préoccupations des policières et policiers de notre pays : ce ne sont pas eux, individuellement, qui portent cette histoire et la font perdurer. Savoir si les policiers sont racistes ou non n’aide d’ailleurs pas vraiment à comprendre ce qui se joue. Ce qui fait que la police est un lieu de perpétuation du rapport colonial sur notre sol est la collision de deux phénomènes historiques.

      Le premier est le fait que les populations issues des territoires nord-africains ont été installées à la va-vite dans des grands ensembles de nos banlieues. Ces villes étaient sous-administrées – pas ou presque pas de police, quelques brigades de gendarmerie, des commissariats isolés. A cette époque, la police faisait avec ce qu’elle avait et, de surcroît, recrutait peu d’effectifs nouveaux. La doctrine et les chefs disponibles étaient donc ceux des années 1950-1960, ceux de la #guerre_en_métropole, lorsque la gestion des populations nord-africaines reposait sur la mise à distance, le contrôle, l’imposition d’une obligation de déférence permanente – bref, la subordination sous férule policière. Dans un tel schéma, le #contrôle_d’identité avec fouille est central : c’est l’instrument majeur d’imposition de l’autorité policière comme préalable non négociable.

      Une telle gestion des populations subalternes aurait pu s’éteindre peu à peu, silencieusement emportée par la croissance et le renouvellement des générations, tant du côté de la police que du côté de la jeunesse. Mais au milieu des années 1970, la France s’est engagée sur une voie économique singulière, celle de la #désindustrialisation – et c’est le second phénomène historique décisif. De 1975 à nos jours, plus de 2 millions d’emplois industriels se sont évaporés : la France est devenue un pays de services et cette mutation a pénalisé en tout premier lieu les jeunes hommes sortis du système scolaire sans qualification – les jeunes femmes s’en sortent mieux. Or, dans quels rangs se recrutent principalement ces jeunes hommes ? Dans ceux des familles les moins favorisées, les moins dotées – les familles immigrées.

      C’est un contraste marquant avec la trajectoire historique allemande : l’Allemagne a protégé son industrie. Lorsque les jeunes sortent du système scolaire sans qualification – le système allemand est bien plus soucieux de la formation aux métiers manuels –, une place les attend à l’usine, sur la chaîne, à l’atelier. Outre-Rhin, l’industrie parvient donc à absorber ces « jeunes à problèmes », comme on dit là-bas, comme autrefois [ces saloperies de, ndc] Renault et Citroën absorbaient nos blousons noirs.

      En France, dès le milieu des années 1970, une #population_oisive essentiellement formée des jeunes issus de l’immigration coloniale s’est constituée au pied des tours. Cette jeunesse est disponible aux tensions avec la police : de #Toumi_Djaidja, fils de harki victime, en 1983, un soir de ramadan, aux Minguettes, d’un tir policier dans le ventre alors qu’il tentait de venir en aide à un de ses amis aux prises avec un chien policier, à Nahel, à Nanterre, en 2023, les relations sont explosives. La dynamique socio-économique française a fourni à la police une clientèle, essentiellement issue des populations coloniales, qui est enfermée, avec elle, dans un face-à-face mortifère et sans issue. [une bien trop grande proximité, ndc]

      Les pratiques de la police sont encadrées par le droit. Quelle a été l’évolution des textes depuis les années 1970 ?

      Sur ce plan, il est frappant de constater que le droit, notre droit républicain, n’a pas corrigé les pratiques mais les a, au contraire, garanties. Je reprends les contrôles d’identité. Ces pratiques se développaient de manière assez sauvage : le droit positif ne les prévoyait pas. En février 1981, le gouvernement de Raymond Barre a fait adopter une loi décriée par la gauche qui a « créé » les contrôles d’identité (art. 78-2 du code de procédure pénale). En réalité, cette loi consacre ces contrôles : elle « couvre », en quelque sorte, des pratiques dont nos recherches ont démontré qu’elles visent essentiellement la jeunesse postcoloniale. Ce geste, que la gauche n’a pas abrogé, est significatif d’une dynamique qui s’est enclenchée dans d’autres domaines de l’action policière : les pratiques et les perceptions policières ont été relayées par les politiques publiques.

      Quelles étaient ces politiques publiques ?

      A partir des années 1990, une décennie marquée par des émeutes urbaines localisées engendrées par des faits policiers mortels (ou la rumeur de tels faits), deux choix ont été très explicitement arrêtés. Le premier, c’est le renforcement de l’arsenal pénal contre les #mineurs auteurs de faits de #délinquance_de_voie_publique : les circulaires de politique pénale, puis la loi elle-même, encouragent la fermeté à l’égard de ces jeunes délinquants qui se recrutent essentiellement parmi les jeunes de cité, ce qui vient rétrospectivement légitimer l’action policière à leur égard. La politique pénale est telle qu’aujourd’hui le législateur offre aux policiers la possibilité de sanctionner eux-mêmes des délits par une amende dite « délictuelle » . Or, ces délits étant ceux habituellement commis par les jeunes de cité, ce pouvoir de sanction exorbitant confié par le législateur à la police consacre son ascendant sur cette fraction de la jeunesse.

      La seconde trajectoire de politique publique est l’abandon de ce que l’on appelait, il n’y a pas si longtemps encore, les politiques d’accompagnement social de la délinquance. Pour des raisons à la fois idéologiques et budgétaires, les gouvernements successifs ont concentré la dépense publique sur les forces de l’ordre (15 milliards d’euros et 8 500 agents supplémentaires sont prévus dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur du 24 janvier 2023) et ont privé les communes et les départements de fonds permettant une action sociale portée par les éducateurs spécialisés, les éducateurs de rue, les travailleurs sociaux. Même les emplois précaires – les emplois-jeunes puis les emplois aidés – ont été supprimés, les premiers sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, les seconds sous celui d’Edouard Philippe. J’insiste sur la dimension budgétaire de ces choix : en Allemagne, les communes et l’Etat disposent encore de moyens financiers pour l’action sociale.

      La France pourrait-elle s’inspirer des politiques mises en place en Allemagne ?

      L’Allemagne a perdu ses colonies il y a un siècle, elle n’a pas fait le choix de se défaire de son industrie, elle n’a pas renoncé au social au profit du sécuritaire. Et le caractère décentralisé et régional de la police, qui était une des conditions de la sortie du nazisme en 1945-1949, a fait que « la » police existe à peine en tant qu’institution et, surtout, en tant que groupe d’intérêts. Les syndicats policiers n’y sont pas engagés dans un défi permanent lancé aux politiques et aux magistrats, facteur considérable d’apaisement des passions policières et de discipline dans les rangs. Plus qu’un modèle dont on importerait telle ou telle recette, l’Allemagne offre plutôt un horizon dans lequel s’inscrit la question policière.
      Cette question ne pourra pas être dénouée seule : libérer la police française de sa colonialité ne passe pas par je ne sais quelle réforme isolée – type « revenir-à-la-police-de-proximité » – mais par l’investissement massif dans la formation, l’emploi et l’accompagnement social d’une jeunesse que les gouvernements successifs ont bien lâchement confiée aux soins presque exclusifs de la police.

      heureusement qu’il y a une gauche qui veut libérer la police ah ah ah

    • #Didier_Fassin : en France, « la #police a gagné la #bataille_idéologique » | Mediapart
      https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/070723/didier-fassin-en-france-la-police-gagne-la-bataille-ideologique

      #post_colonialisme

      DidierDidier Fassin est professeur au Collège de France, directeur d’études à l’#EHESS, et enseigne également à l’Institute for Advanced Study de #Princeton.

      Il a publié aux éditions du Seuil La Force de l’ordre. Une anthropologie de la police des quartiers, dans lequel il étudiait des brigades anticriminalité (BAC) dont les insignes exhibaient les barres d’une cité prise dans la lunette de visée d’un fusil, des meutes de loups devant des tours d’habitation, une panthère déchirant de ses griffes un quartier plongé dans l’obscurité ou encore une araignée emprisonnant dans sa toile un ensemble d’immeubles. Il y observait des pratiques relevant souvent d’une logique « #postcoloniale ».

      Pour Mediapart, il revient sur les situations avant – et les mobilisations après – la mort de #George_Floyd aux États-Unis en 2020 et celle de #Nahel M. en 2023.

      Mediapart : Dans La Force de l’ordre. Une anthropologie de la police des quartiers, écrit à partir d’une enquête inédite menée pendant 15 mois, entre 2005 et 2007, avec une BAC de la région parisienne, vous dressiez un constat catastrophique de l’action des BAC dans les banlieues, qui relevait davantage d’un processus de chasse dans une « jungle » que d’une opération de maintien de l’ordre ou de lutte contre la délinquance. On a pu vous dire alors que cette unité n’était pas représentative de la police française : ce qui se passe aujourd’hui vous ferait-il dire qu’elle était plutôt préfigurative de tendances racistes de la police française ? 

      Didier Fassin : Je ne généraliserais pas de la sorte pour ce qui est de tous les policiers. Lorsque mon livre est sorti, on a dit en effet que j’avais dû étudier des unités très atypiques, car j’indiquais la sympathie que les agents avec lesquels je patrouillais manifestaient ouvertement à l’égard de Jean-Marie Le Pen. Six ans plus tard, en 2017, on découvrait que les deux tiers des policiers en activité avaient voté pour sa fille au premier tour de l’élection présidentielle, soit plus de trois fois plus que la population générale.

      Mais plutôt que le racisme individuel, ce qui m’intéresse, et m’inquiète, c’est le racisme institutionnel, qu’il soit celui de la police en général, dont on voit qu’elle ne sanctionne pas les pratiques violentes et discriminatoires de ses agents, ou de certains syndicats en particulier, dont on vient de lire qu’ils considéraient les jeunes des quartiers difficiles comme des « nuisibles » qu’il faut mettre « hors d’état de nuire ».

      Dans cette perspective, je pense que les choses se sont encore aggravées depuis que j’ai conduit mon enquête, et c’est largement la responsabilité des gouvernements successifs qui, d’une part, n’ont pas cessé de céder devant les exigences de l’institution et des syndicats, et, d’autre part, n’ont jamais tenté d’engager de réforme.

    • Nayra : « Vous leur avez craché dessus et vous leur demandez de se calmer ? »
      Après la mort de Nahel, tué à bout portant par un policier à Nanterre le 27 juin 2023, une partie des quartiers populaires s’embrase. Dans le fracas, des adolescents disent une réalité ancienne de ségrégation et de racisme. #Mediapart donne la parole aux #rappeuses et aux #rappeurs qui se tiennent du côté de ces #révoltes. Épisode 1 : #Nayra, rappeuse de #Saint-Denis.

    • super interview aussi d’un spécialiste (anthropologue, U. Saint-denis) qui recence les émeutes (dans une liste quasi exhaustive) partout ds le monde depuis 2007.

      #au_poste par l’excellent @davduf

      https://www.auposte.fr/le-soulevement-des-quartiers-ce-quil-dit-et-ce-quon-ne-dit-pas

      pas encore écouté ceux-là par contre :

      https://www.auposte.fr/soulevement-2023-leloge-de-lemeute-avec-jacques-deschamps-philosophe

      https://www.auposte.fr/soulevement-2023-vers-une-secession-des-quartiers-populaires-rencontre-avec-

    • De la répression coloniale aux violences policières. @survie
      https://survie.org/billets-d-afrique/2021/303-dec-2020-janv-2021/article/de-la-repression-coloniale-aux-violences-policieres

      Au moment où la France est traversée par une série de révoltes à la suite du meurtre de Nahel par la police, et pour alimenter les reflexions sur la colonialité de la police française, nous republions cet article de Florian Bobin, étudiant-chercheur en Histoire africaine, paru en janvier 2021 dans Billets d’Afrique. Il a été publié préalablement en anglais dans Africa is A Country puis dans Jacobin , et en français dans la revue Contretemps. Il retrace l’histoire de la structuration de la #police_française, au service des intérêts esclavagistes, colonialistes puis néocolonialistes. Il montre la continuité de cette histoire avec la culture et les pratiques actuelles des forces de l’ordre en France, notamment vis-à-vis des jeunes Africains et Afro-descendants, mais aussi de celles de ses anciennes colonies africaines.

    • Didier Fassin : en France, « la police a gagné la bataille idéologique »

      Pour George Floyd, toute la société s’était mobilisée, il y avait eu des manifestations dans tout le pays. Ça a été un choc majeur. Pour Nahel, seuls les quartiers populaires ont bougé. Le lendemain, on ne parlait plus que de désordres urbains et, le surlendemain, de l’incendie de la maison d’un maire.

      https://justpaste.it/9hjxo

      #police #quartiers_populaires

  • Pourquoi les #services_publics sont pris pour #cible

    Médiathèques, écoles ou centres sociaux ont été pris pour cibles dans la nuit du 28 au 29 juin dans différentes villes de France. À l’éternelle question de savoir pourquoi, les sciences sociales apportent des réponses de plus en plus précises depuis les émeutes de 2005.

    À chaque affrontement entre forces de l’ordre et jeunes des #quartiers_populaires, après chaque nuit de #soulèvement_urbain, une question revient parmi les observateurs mais aussi les habitant·es : pourquoi s’en prendre aux #équipements_publics qui offrent encore quelques #services sur des territoires le plus souvent déshérités en la matière ?

    Derrière cette interrogation se loge aussi une question plus souterraine : qu’y a-t-il dans la tête des #jeunes qui affrontent la police, mettent le feu ou défoncent des vitrines ? Les sciences sociales ont largement travaillé la question, particulièrement depuis les émeutes de 2005, et montrent qu’il est impossible de voir dans ces gestes le simple #nihilisme, voire le #banditisme auxquels certaines voix voudraient les réduire.

    Une réponse préliminaire à la question oblige à commencer par passer au tamis ce que signifient « #services » ou « #équipements » publics dans un contexte de #révoltes et de #tensions_urbaines. S’en prendre à un commissariat au lendemain du meurtre d’un adolescent par un policier, ou même à une mairie qui a autorité sur une partie des forces de l’ordre, n’a pas nécessairement la même signification que s’en prendre à une école, un CCAS (centre communal d’action sociale), une salle des fêtes ou une bibliothèque...

    Un second préliminaire contraint aussi de rester prudent, au-delà même de la nature des institutions visées, sur ce qu’elles peuvent représenter, et dont la signification peut rester opaque ou confuse. Un des jeunes ayant participé aux ateliers d’écriture organisés par l’écrivain et éducateur Joseph Ponthus dans une cité de Nanterre affirmait ainsi, à propos des émeutes de 2005 : « On a commencé par discuter de ce qu’il fallait pas brûler. Pas les voitures des gens, pas l’école, pas le centre commercial. On voulait s’attaquer à l’État. » De manière symptomatique, alors même que la volonté de s’en prendre à l’État est affirmée, l’école, pourtant l’institution publique qui maille l’ensemble du territoire, est mise de côté…

    Cela dit, et bien qu’il soit encore trop tôt pour mesurer l’ampleur du soulèvement actuel et répertorier ou cartographier précisément ce à quoi il s’attaque, il semble bien que les #équipements_publics soient particulièrement visés.

    Le seul ministère de l’éducation nationale a ainsi dénombré jeudi « une cinquantaine de structures scolaires impactées à des degrés divers » par les incidents survenus après la mort de #Nahel, aboutissant à la fermeture d’une « dizaine » d’entre elles, principalement dans les académies de Versailles, de Créteil et de Lille.

    Pour le sociologue Sebastian Roché, il y aurait même une distinction à faire à ce sujet entre aujourd’hui et l’automne 2005. Interrogé sur France Info jeudi 29 juin, il jugeait en effet que la révolte actuelle « était beaucoup plus tournée vers les #institutions_publiques », tandis que les émeutes de 2005 auraient en priorité visé « beaucoup plus les voitures », même si des attaques contre des institutions publiques – gymnases, crèches, bibliothèques – s’étaient alors produites.

    Le #livre sans doute le plus précis sur le sujet a été publié aux éditions Presses de l’Enssib en 2013 par le sociologue Denis Merklen et s’intitule Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques ? (lire l’entretien que Mediapart avait conduit avec lui sur le sujet à l’occasion du dixième anniversaire des émeutes de 2005 : https://www.mediapart.fr/journal/france/021115/pourquoi-les-emeutiers-s-attaquent-aux-equipements-publics). Le chercheur y montrait qu’environ 70 bibliothèques avaient été incendiées en France entre 1996 et 2013, et que 2005 ne constituait pas une scène inédite ou inaugurale.

    Toutefois, soulignait #Denis_Merklen à propos de ces attaques commises envers les institutions publiques, « leur interprétation a changé après les émeutes qui ont eu lieu en France cette année-là, sûrement comme conséquence de l’ampleur de la mobilisation. Auparavant, elles étaient perçues comme des actes irrationnels, nihilistes, on parlait alors de “#violences_urbaines” et pas encore d’émeutes. Pourquoi s’attaquer à une école maternelle ou à un gymnase ? Pourquoi les bénéficiaires détruisaient-ils ce qui leur était destiné ? Ce n’était pas compréhensible. La plupart des lectures en faisaient la manifestation d’un déficit, voire d’une absence de #socialisation_politique. »

    Cette interprétation « nihiliste » demeure active dans certains secteurs de la société et du champ politique. Elle est propre à une manière de regarder les #marges de la ville-centre comme une zone peuplée de populations « ensauvagées », incapables de respecter le #bien_commun ou même de distinguer leur propre intérêt.

    Le sociologue et anthropologue #Jérôme_Beauchez, professeur à l’université de Strasbourg, a tout récemment retracé l’histoire longue de ce regard négatif dans un livre intitulé Les Sauvages de la civilisation. Regards sur la Zone, d’hier à aujourd’hui, publié par les éditions Amsterdam l’an dernier.

    Toutefois, même lorsque n’est pas entonné le refrain de la nécessaire remise en ordre d’un monde prétendument décivilisé à coups de renforts policiers, de couvre-feux ou d’états d’urgence, la dimension politique des attaques contre les institutions politiques demeure encore parfois déniée. Lorsque les institutions publiques visées sont des écoles ou des centres d’action sociale, mais aussi quand ceux qui les visent n’appartiennent pas à des organisations référencées et sont en outre le plus souvent cagoulés et racisés.

    À l’inverse, lorsque le mouvement poujadiste s’en était pris à des centres des impôts, lorsque des militants de la FNSEA ont attaqué manu militari des préfectures ou lorsque des marins-pêcheurs ont incendié le Parlement régional de Bretagne en février 1994, la dimension politique du geste a été immédiatement lue comme telle. Ce n’est donc pas la violence en elle-même qui distinguerait le bon grain politique de l’ivraie et de l’ivresse émeutières.

    Pour Denis Merklen, le ciblage des institutions publiques lors d’épisodes de #soulèvements_urbains est bien de nature politique, et même en quelque sorte au carré. « Aujourd’hui, affirme-t-il, les chercheurs en sciences sociales – sociologues, politistes, anthropologues – sont d’accord pour y voir au contraire un geste éminemment politique. Pourquoi cela ? Parce que les personnes vivant dans les quartiers populaires, plus que les autres, sont en contact permanent avec des institutions publiques pour résoudre les problèmes de leur vie quotidienne. S’en prendre à elles est une manière de signifier ce face-à-face. Ce n’est pas un déficit de #politisation, mais un changement dans la #politicité_populaire – c’est-à-dire de la manière de faire de la politique par les catégories populaires – par la #territorialisation des #conflits_sociaux. »

    Pour le sociologue, les émeutiers manifestent ainsi « le conflit dans lequel ils sont pris quotidiennement. Aux guichets des administrations, lieu principal des interactions, les #exclusions et les difficultés d’accès prennent la forme d’un #mépris fortement ressenti ».

    L’anthropologue #Alain_Bertho, professeur émérite à l’université Paris VIII, a consacré une grande partie de son travail aux #émeutes_urbaines, en France et à l’étranger, pour comprendre la mondialisation de ce vocabulaire de la protestation et en repérer les formes nationales ou locales. Il en a tiré deux ouvrages, Le Temps des émeutes, publié chez Bayard en 2009, puis Les Enfants du chaos, paru à La Découverte en 2016.

    Dans ces deux ouvrages, le chercheur insiste, lui aussi, pour prendre en compte la dimension politique des émeutes, précisément quand celle-ci est parfois occultée par le fait que ces soulèvements n’empruntent pas les voies de la politique institutionnelle, ni celles de la geste révolutionnaire qui vise les lieux incarnant le pouvoir en majesté, et non un gymnase ou l’antenne d’un centre de sécurité sociale.

    Il y a eu un débat en 2005, nous expliquait Alain Bertho au moment du soulèvement des « gilets jaunes », « sur la question de savoir si ces émeutes étaient un mouvement politique, proto-politique ou apolitique. La réponse que m’ont donnée ceux qui avaient alors brûlé des voitures est restée gravée dans ma tête : “Non, ce n’est pas politique, mais on voulait dire quelque chose à l’État.” Comment dire de façon plus claire que la politique partisane et parlementaire, à leurs yeux, ne servait à rien pour dire quelque chose à l’État ? ».

    Dans ce même entretien, Alain Bertho insistait également sur la nécessité d’être « attentif au répertoire d’action qu’est le langage de l’émeute », faisant une distinction notamment entre les émeutes avec et sans #pillage.

    Dans ce répertoire d’action en réalité pluriel de l’émeute, parfois masqué par les images répétitives des fumées et des affrontements, les attaques visant des équipements publics tiennent une place spécifique et paradoxale.

    Cependant, le #paradoxe n’est sans doute pas seulement celui qui se formule d’ores et déjà à large échelle, dans des micro-trottoirs se demandant pourquoi certains jeunes attaquent des institutions censées les et leur servir, ou même dans la bouche de chercheurs, à l’instar de #Sebastian_Roché jugeant, toujours sur France Info, qu’on assiste en ce moment à un « #désespoir que les populations retournent contre elles-mêmes ».

    Il réside aussi dans ce que souligne Denis Merklen, à savoir que, pour les personnes vivant dans les quartiers populaires, « les #services_publics sont leur seul recours pour leurs besoins les plus élémentaires, liés à l’éducation, à la santé, au transport, au logement, à l’énergie et à la culture. Quasiment tous les aspects de leur vie quotidienne sont entre les mains d’institutions publiques. C’est une situation paradoxale, car cela tient aussi à la solidité et à la pénétration de notre État social qui assure tant bien que mal des filets solides de protection ».

    Ces filets de protection sont certes moins nombreux et solides aujourd’hui qu’il y a dix ans, en raison du délitement des services publics, mais il n’en reste pas moins qu’une spécificité des soulèvements urbains en France, par rapport à d’autres pays, est de viser les institutions publiques, en partie parce qu’il existe – ou existait – encore un #espoir en leur effectivité et efficacité.

    C’est en tout cas ce qui ressortait de l’ouvrage codirigé par les sociologues #Hugues_Lagrange et #Marco_Oberti l’année suivant les émeutes de 2005, intitulé Émeutes urbaines et protestations et publié aux Presses de Sciences Po. Le livre collectif proposait notamment une comparaison entre les situations italienne et britannique en rappelant que la société française se « caractérise par un État centralisé, de puissants services publics, une référence forte à la laïcité, une immigration ancienne liée à une histoire coloniale et à une décolonisation douloureuses ».

    Pour les directeurs de cet ouvrage, la comparaison internationale des protestations urbaines conduisait à un « étrange paradoxe. La plus grande efficacité de la société française à lutter contre les inégalités sociales et à assurer une meilleure protection sociale produit simultanément un fort sentiment d’#exclusion, surtout dans les quartiers populaires et immigrés les plus ségrégués ».

    D’autant qu’à lire Hugues Lagrange et Marco Oberti, les Français, contrairement aux Britanniques, étaient « équipés de lunettes construites pour ne pas voir cette #ségrégation_ethnique ». Une situation largement liée à une pensée de la République et une #organisation_territoriale de ses services publics qui, à force de vouloir être « #colour_blind », s’avèrent aveugles aux #discriminations_ethnoraciales que leurs propres institutions publiques peuvent pourtant reproduire.

    C’est évidemment le cas avec cette institution particulière qu’est la #police, comme l’avait déjà montré le sociologue #Didier_Fassin dans son ouvrage La Force de l’ordre, qui explorait le #racisme présent à l’intérieur de certaines unités de la #BAC en particulier et l’éloignement croissant entre les #forces_de_l’ordre et les habitant·es des quartiers populaires de façon plus générale.


    Mais c’est aussi vrai d’institutions qui ont, au contraire, tenté de réduire la distance entre les institutions et les populations auxquelles elles s’adressent. Concernant le cas particulier des #bibliothèques, Denis Merklen notait ainsi qu’elles « ont fait un immense travail de réflexion autocritique. Elles ont renouvelé leurs approches ; elles se sont ouvertes ».

    Mais, poursuivait-il, elles ne peuvent, pas plus qu’aucun service public pris isolément, « résoudre les problèmes économiques et sociaux qui se posent dans ces quartiers », en raison « de la situation catastrophique du marché du travail » qui fait que « beaucoup d’habitants ne peuvent plus compter sur leur salaire » et n’ont plus que les services publics – et non plus les employeurs - comme interlocuteurs de leur situation sociale. Ce qui peut amener à détruire une salle des fêtes plutôt que séquestrer un patron…

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/290623/pourquoi-les-services-publics-sont-pris-pour-cible
    #quartiers_populaires #France #émeutes #sciences_sociales #SHS #ressources_pédagogiques #banlieues #violence
    ping @cede

    • « Pourquoi ont-ils brûlé les écoles ? »

      Pourquoi s’attaquer à l’école, laquelle est le plus grand symbole de l’égalité, un sanctuaire du savoir
      Et, c’est gratuit ! Ils se pénalisent eux-mêmes !
      Comme ils sont bêtes et barbares dans les quartiers !

      Si c’était plus compliqué  ?

      L’école est sans doute la première institution marquant les jeunesses populaires (des banlieues) en appliquant une domination, une ségrégation, une violence.
      Sûrement même avant celle de la police.
      Derrière un idéal et des valeurs théoriques, on ne peut nier l’effet de l’école.

      Quand l’école transforme l’inégalité sociale en inégalités scolaires, quand l’école humilie les familles et les élèves.
      Quand on forme des ghettos scolaires et que l’école n’offre pas de bonnes perspectives.

      La gauche quinoa ne comprend pas
      « il faut s’attaquer aux méchantes banques qui ont refusé mon deuxième crédit ! »
      Mais, l’école est aussi un lieu d’exclusion et de répression pour une partie de la population.

      Dans
      « Quand les banlieues brûlent Retour sur les émeutes de novembre 2005. »

      Laurent Ott écrit un texte assez intéressant.
      J’ai le pdf si besoin.

      Une école qui brûle ce n’est pas bien. Je le précise quand même.
      Mais, ce n’est sans doute pas un acte qui sort de nulle part et qui peut s’expliquer calmement.
      Sans l’encourager, je précise encore.

      https://www.cairn.info/quand-les-banlieues-brulent--9782707152176-page-126.htm

      https://twitter.com/Banlieuedeprof/status/1674813901874114560

    • Pourquoi les émeutiers s’en prennent-ils aux services publics ?

      À chaque émeute urbaine que la France connaît depuis maintenant près de quatre décennies, les symboles de l’État et les équipements collectifs semblent concentrer la colère d’une partie de la jeunesse des quartiers concernés. Cette situation suscite d’autant plus d’interrogations que des moyens significatifs ont été consacrés à la rénovation des banlieues françaises dans le cadre de la politique de la ville, en particulier depuis le début des années 2000. Cet article apporte des éléments de réponses à ce paradoxe apparent, en montrant que le besoin de participation et de reconnaissance des habitants reste peu pris en compte par les pouvoirs publics et explique largement le ressentiment d’une frange de la population.

      https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2017-3-page-631.html

    • Emeutes urbaines : « Ce qu’elles révèlent, ce n’est pas tant l’échec de la politique de la ville que celui de toutes les politiques publiques »

      Les crédits de la #politique_de_la_ville ont toujours été limités et ne compensent pas l’inégale allocation des budgets affectés au logement, à l’emploi, à la santé ou à la sécurité, qui s’opère au détriment des quartiers défavorisés, rappelle le sociologue #Renaud_Epstein, dans une tribune au « Monde ».

      Depuis le début des années 1980, les vagues émeutières embrasant les quartiers populaires s’accompagnent de controverses interprétatives enflammées dans les médias. Les explications proposées ont varié au fil du temps, mais un argument traverse les décennies qui semble faire consensus chez tous les commentateurs : l’émeute marquerait l’échec de la politique de la ville. La politique ainsi mise en cause a pourtant connu d’importantes évolutions au cours des quarante dernières années, le plus souvent à la suite d’épisodes émeutiers. Si échec de la politique de la ville il y a, ce n’est pas la même politique qui a échoué au début des années 1990, en 2005 ou aujourd’hui.

      Le jugement d’échec semble d’autant plus incontestable en 2023 que l’Etat aurait mobilisé, depuis une quinzaine d’années, des budgets considérables pour les quartiers populaires. Les annonces récurrentes d’un nouveau « plan banlieue » ont pu donner crédit à cette idée d’une politique de la ville richement dotée. Bien que ces annonces soient le plus souvent restées des annonces, elles ont ouvert la voie à la dénonciation des « milliards pour les banlieues », au profit de populations qui ne le mériteraient pas.

      Portée par des entrepreneurs de fracture sociale, cette critique a été d’autant plus ravageuse qu’elle s’est prolongée par une mise en concurrence des souffrances territoriales, opposant les quartiers défavorisés des métropoles et une « France périphérique » aux contours flous mais dont la couleur est claire. Les premiers bénéficieraient d’une discrimination positive, au détriment des villes moyennes, des espaces périurbains et des territoires ruraux, dont les populations sont pourtant durement affectées par les recompositions industrielles et la précarisation de l’emploi, les politiques d’austérité et les fermetures de services publics, ainsi que par l’augmentation du coût de la vie.

      La critique de l’inefficacité se mue alors en une mise en cause de la légitimité même de la politique de la ville, illustrée par cette formule qui fait florès à l’extrême droite : on déshabille la « France périphérique » pour habiller celle qui vit de l’autre côté du périph.

      (#paywall)

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/06/emeutes-urbaines-ce-qu-elles-relevent-ce-n-est-pas-tant-l-echec-de-la-politi

      déjà signalé sur seenthis :
      https://seenthis.net/messages/1008999

  • Nous, les exilés (sur Briançon et la situation dans les #Hautes-Alpes)

    –-> série : Là où se cristallisent les questions d’aujourd’hui

    #Didier_Fassin (interviewé aux Terrasses solidaires, où il exerce bénévolement en tant que médecin et est présent en tant que chercheur) :
    (à retranscrire :-))

    –-

    Didier Fassin :

    « Des visages fatigués, épuisés. Des regards qui contiennent presque toujours au moins une lueur d’espoir. Malgré les épreuves déjà traversées. Elles et ils … sont environ 80 millions. 80 millions, soit un peu plus d’1% de la population mondiale. Eux, ce sont les exilés d’aujourd’hui. Dans un monde sous haute tension, personne n’est à l’abri. Vous, moi, nous serons peut-être les exilés de demain. En attendant, là maintenant : comment accueillir ces personnes qui arrivent dans nos régions ? Quelle hospitalité sommes-nous prêts à leur réserver ? Quels dispositifs établir aux frontières ? Et faut-il craindre le fameux appel d’air ? Ces questions, nous allons les déplier en altitude, du côté de Briançon, là où des exilés traversent la montagne au péril de leur vie. »

    Avec Isabelle Lorre (la coordinatrice du programme « migrations frontière transalpine » à Médecins du Monde sur Briançon), Sylvain Eymard (gestionnaire de l’association « Les Terrasses solidaires »), Didier Fassin (anthropologue, sociologue et médecin français. Il est professeur à l’Institute for Advanced Study de Princeton et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris), Jean Gaboriau (l’un des responsables de « Refuges solidaires »), Stéphanie Besson (cofondatrice du mouvement citoyens « Tous migrants » et autrice de « Trouver refuge : histoires vécues par-delà les frontières » chez Glénat), Agnès Antoine ( membre de “Tous migrants”), deux gendarmes et quelques exilés.

    https://www.rtbf.be/auvio/detail_passe-montagne-la-ou-se-cristallisent-les-questions-d-aujourd-hui?id=291

    #podcast #audio #asile #migrations #réfugiés #montagne #Alpes #Briançon #hospitalité #Briançonnais #Hautes-Alpes #Terrasses_solidaires #militarisation_de_la_frontière #risques #chasse_à_l'homme #chutes #traque #tiers-lieu #santé #blessures #efficacité #non-efficacité #spectacle #Didier_Fassin #spectacularisation #performance #inhumanité #inhumanité_institutionnalisée #inhumanité_d'Etat

    ping @_kg_

  • « Le vrai scandale, ce n’est pas le karting, mais l’état lamentable de nos prisons », Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.

    C’est l’immense événement de la rentrée ! Non, pas la guerre en Ukraine, ni les feux de forêt, l’eau qui manque partout, ou les pauvres qui dorment à la rue, non, le vrai « scandale » de ces derniers jours est ce jeu organisé à la prison de Fresnes, une des plus vétustes de France, surpeuplée à 144 %. Un jeu nommé « KohLantess », en référence au programme télévisé « Koh Lanta ». Trois équipes – surveillants, détenus, jeunes voisins libres de la ville – s’affrontent autour d’un quiz de culture générale, dans une course en portant des bassines d’eau, puis, d’un côté et de l’autre d’un baquet, pompeusement nommé « piscine », ils tirent sur une corde jusqu’à faire tomber l’adversaire à l’eau.

    Enfin et c’est là tout l’objet du « débat », deux des 1 918 prisonniers de Fresnes (Val-de-Marne) participent dans la cour réaménagée de l’établissement à une course de kart.

    Le « team surveillant » a gagné, chaudement félicité par le « team détenus ». Et le directeur de la prison a distribué – c’était le but de la journée – des chèques venus de dons et de sponsors à trois associations caritatives œuvrant pour les enfants.

    Voilà le drame qui a déclenché une avalanche de déclarations indignées, furieuses, dénonçant des prisons « Club Med », « colonies de vacances », mettant en regard « les enfants qui ne partent pas à la mer » avec « des criminels » qui s’amusent en braillant, « sur le dos de nos impôts ». Une telle hypocrisie, c’est rare ! D’abord parce que cette journée n’a rien coûté aux contribuables, tous les frais ayant été réglés par la société de production. Ensuite, ces réquisitoires viennent d’élus et de responsables politiques qui, connaissant l’état honteux de nos prisons et leur surpopulation encore jamais atteinte dans notre histoire, osent, pour des raisons politiciennes, faire croire à nos concitoyens que la vie carcérale se résume à cette journée. Le vrai scandale, ce n’est pas le karting, mais l’état lamentable de nos prisons.

    Auraient-ils oublié le formidable rapport parlementaire « Prisons, une humiliation pour la République » [https://www.senat.fr/rap/l99-449/l99-4491.pdf], qui, en 2000, avait secoué la France, démontrant la vie affreuse du peuple des cellules. Un grand peuple de 72 000 habitants aujourd’hui entassés dans 60 700 places. Une partie d’entre eux, qui se trouvent dans des maisons d’arrêt (où sont détenus des condamnés à de courtes peines et des prévenus, donc présumés innocents), enfermés en cellule vingt-deux heures sur vingt-quatre, à deux, à trois, parfois même à six ou huit, voient cavaler des punaises de lit qui les piquent, des cafards qui leur galopent sur le corps.

    Les chantres de l’indignation

    Dans leur mauvaise foi, ces coryphées de la bien-pensance ignorent-ils que beaucoup parmi ces prisonniers renoncent à leur unique promenade quotidienne, laissant y partir leurs codétenus, pour se précipiter aux toilettes afin d’y être enfin tranquilles ? Ignorent-ils que 1 860 détenus dorment sur un matelas par terre, contraints de boucher leur nez avec du papier-toilette pour éviter d’aspirer les vermines ? Ignorent-ils qu’il faut attendre des mois pour voir un médecin, un psychiatre ? Des mois encore pour obtenir un travail ou ne jamais l’obtenir ? Et des mois encore pour accéder – ou ne jamais y accéder – à un atelier d’écriture, de théâtre, ou à toute autre activité donnant à apprendre, à savoir, à connaître, à vivre ensemble ? C’est-à-dire à préparer leur sortie, leur retour à la vie en société, afin que, comme le dit la loi, ils sortent meilleurs qu’ils n’y étaient entrés. Ignorent-ils, ces chantres de l’indignation calculée, que des prisonniers en viennent, faute de dentiste, à percer eux-mêmes leur abcès dentaire ?

    Ignorent-ils que des grabataires, des détenus âgés, gravement handicapés, ont été découverts par l’équipe du contrôleur général des lieux de privation de liberté à l’abandon, faute d’aides-soignantes et d’infirmières, baignant dans leurs excréments, incapables de se relever quand ils tombent ? Ignorent-ils que le médecin de la prison appelait à l’aide depuis des années et a fini, écœuré, par démissionner ?

    Savent-ils que plus de cent détenus se suicident chaque année en prison ? Ont-ils vu les rats qui grouillent dans les cours de promenade ? Ignorent-ils que ces conditions lamentables rejaillissent sur la mission des surveillants, devenue épouvantable ? C’est donc cela que ces moralistes nomment « colonies de vacances » ou « Club Med » !

    Chut ! Ni vu ni connu

    Plus sérieusement, et au-delà de son but caritatif, cette journée de Fresnes avait un côté récréatif, certes, mais prévu par la loi selon laquelle « l’administration pénitentiaire doit offrir aux détenus des activités récréatives ». Pourquoi ? Parce que s’amuser quelques minutes, voire quelques heures, au milieu d’une détention si dégradée, participe de la réinsertion.

    Et puisqu’il faut bien répéter l’évidence, à l’exception de quelques-uns, les détenus sont destinés à sortir un jour. Toutes les études le montrent : une sortie préparée, puis accompagnée par les services pénitentiaires d’insertion et de probation, réduit considérablement la récidive. Et s’il est un coût qui doit nous ébranler, c’est celui de 110 euros par jour et par détenu, pour végéter dans les conditions décrites plus haut.

    Qu’avons-nous vu sur cette vidéo de vingt-cinq minutes aujourd’hui supprimée en raison du « scandale » ? Des détenus et des surveillants riant ensemble, heureux que, pour une fois, tout se passe dans une ambiance bon enfant, sans heurts, ni tension, ni violences qui sont, hélas, le lot des journées carcérales.

    En fait, ces images, pour bien faire, auraient dû ne jamais être diffusées. Quelle hypocrisie ! Ainsi ne sont ni filmés ni connus les matchs de boxe, de volley, de football entre surveillants et détenus, les concerts de rap, de rock, ni les sorties en VTT, à escalader, à parcourir la forêt. Mais chut ! Ni vu ni connu, ça n’existe pas… Hypocrisie encore.

    Enfin, comment expliquer que nos voisins allemands, entre autres, réussissent avec vingt millions d’habitants de plus que nous à compter 13 000 détenus de moins, selon Prison Insider ? Parce qu’eux croient en la réinsertion dans les murs, avec de nombreuses activités, festives ou pas, et surtout à la sanction hors les murs, grâce à un taux d’alternatives à l’enfermement largement supérieur au nôtre.
    Que retenir de ce faux scandale du karting à Fresnes ? Sinon qu’il sert à masquer le vrai scandale du ratage total de notre politique pénale et pénitentiaire, et de cette innommable surpopulation carcérale. Pour faire plaisir, il faut donc que les prisonniers souffrent dans leur chair, s’ennuient à crever, et subissent, pour finir, ce qu’il faut bien nommer une forme de châtiment corporel.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/24/dominique-simonnot-le-vrai-scandale-ce-n-est-pas-le-karting-mais-l-etat-lame

    jets privés et jet-skis pour les uns, pas de karting les autres

    #prison

    • @desdetenus, 9:09 PM · 24 août 2022
      https://twitter.com/desdetenus/status/1562517390105378816

      Pas d’eau courante à la prison de Nanterre depuis 11h ce matin. Pas d’eau du robinet, pas de possibilité de tirer la chasse d’eau …

      Update : à 23h38, toujours pas d’eau. Les matons ont distribués quelques bouteilles d’eau aux cellules qui réclamaient de l’eau via les interphones…
      La Fronseee en 2022 🤡

      Update bis : L’eau vient d’être rétablie à 13h10 à la maison d’arrêt de Nanterre.
      Durée de la coupure : 26h15 🤡

    • Derrière Kohlantess, la violence de la prison – L’envolée - 23 Août 2022
      https://lenvolee.net/derriere-kohlantess-la-violence-de-la-prison

      Le tsunami d’extrême droite qui s’est déversé dans les médias et sur les réseaux sociaux au prétexte d’une malheureuse animation à la prison de Fresnes achève de prouver que maintenant qu’il est ministre des prisons, l’ex-avocat Superdupont-Moretti n’assure plus la défense de grand-chose – si ce n’est celle de positions fascistes. Au-delà de cette drague éhontée, il est important de rappeler que les animations telles que « Kohlantess » – et les polémiques qu’elles suscitent – masquent avant tout la violence pénitentiaire et la nature mortifère de la prison.

    • « Le vrai scandale des prisons françaises », par #Didier_Fassin - 27 août 2022
      https://www.nouvelobs.com/societe/20220827.OBS62444/le-vrai-scandale-des-prisons-francaises-par-didier-fassin.html

      Dans ce futur imaginé où le ministre de la Justice bénéficierait de toutes ces informations, il trouverait peut-être des arguments à opposer à celles et ceux qui, par démagogie autant que par ignorance, considèrent qu’on en fait trop pour les prisonniers, plutôt que de les rejoindre dans leur feinte colère contre le supposé laxisme du monde pénitentiaire.

    • Commission des lois en visite à Fresnes : l’envers du décor
      https://oip.org/communique/commission-des-lois-en-visite-a-fresnes-lenvers-du-decor

      Mercredi 17 octobre, la commission des lois se réunira à la maison d’arrêt de Fresnes. Au moment où les députés sont appelés à adopter le projet de loi de finances 2019, ce déplacement inédit contraste avec la réalité des chiffres : la rénovation de cette prison, emblématique de conditions de détention particulièrement indignes, n’est toujours pas à l’ordre du jour.

      Cette visite se veut emblématique. La commission des lois réaffirme ici l’attention qu’elle porte à la question des prisons. Une initiative qui aurait de quoi réjouir si Fresnes n’était pas par ailleurs emblématique de l’inertie des politiques pénitentiaires successives : vétuste, insalubre, surpeuplé, cet établissement est pointé du doigt depuis des années pour ses conditions de détention particulièrement dégradées, a fait l’objet d’une récente décision de justice ordonnant des travaux de rénovation, est sous la menace d’une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme… sans qu’à aucun moment le changement demandé et attendu n’ait lieu. En 2000, la ministre de la Justice Elisabeth Guigou annonçait sa complète réhabilitation. Elle avait même « décidé et obtenu les crédits correspondants », selon ses déclarations. Et puis rien. Près de vingt ans plus tard, cette rénovation n’est même pas prévue dans le budget 2019 sur lequel les députés de la commission des lois auront bientôt à se prononcer. Certes, 0,5 million d’euros sont crédités pour des « études préalables ». Un montant qui fait pâle figure à côté des 678 millions d’euros prévus pour la construction de nouvelles prisons. Cette année comme chaque année, le budget pénitentiaire est englouti par les projets immobiliers au détriment de l’entretien et de la rénovation des établissements existants, contraignant les personnes qui y sont détenues à endurer des conditions de vie souvent inhumaines. À la maison d’arrêt de Fresnes, ce sont 2 575 prisonniers qui s’entassent dans un espace prévu pour 1 404 personnes, en présence de cafards, de punaises et de rats. Une situation intenable alors que, des années après l’annonce d’une rénovation complète, nous en sommes encore au stade des études.

      Fresnes - état des lieux (2017) #OIP
      https://seenthis.net/messages/648952
      Une caractéristique des prisons françaises est le manque d’activités hors cellule et l’oisiveté qui en découle.
      https://oip.org/en-bref/quelles-activites-sont-proposees-aux-personnes-detenues

    • Laélia Véron
      https://twitter.com/Laelia_Ve/status/1564668342958526464

      Les polémiques passent vite dans les médias mais elles ont des conséquences qui durent, elles. Suite à #Kohlantess dans la prison où je bosse (et sans doute ailleurs) la plupart des activité est sur pause. Par ex le Goncourt des détenus ou le module sur les violences familiale

      Ça fout en l’air un travail élaboré par beaucoup pendant des mois et des mois. Et tout ça pour une campagne entretenue par des personnes qui n’en ont sans doute pas grand chose à faire mais avaient juste besoin d’une polémique de fin d’été.

      Si on me demande pourquoi c’est sur pause : parce que tout le monde stresse, et tout le monde veut être sûr·e d’avoir 500 validations hiérarchiques avant de mettre en place lesdites activités.

      Il n’y a pas une grande autorité qui nous a demandé d’annuler ces activités ou de les mettre sur pause. C’est plus pernicieux que ça:la polémique a fait peur à tout le monde, et maintenant tt est bcp plus lent et compliqué à organiser (alors que ce n’était déjà pas facile avant !)

      Merci à toutes les personnes qui vont continuer à se battre pour maintenir ces activités par ex
      @LaFabOperaVDL qui vient présenter l’opéra en détention.
      Si vous voulez en savoir plus sur la prison il faut suivre l’
      @OIP_sectionfr et la revue Dedans/dehors

  • Immigration : Ia politique publique la plus coût-inefficace ?

    Le 24 novembre 2021, au lendemain du naufrage d’une embarcation ayant causé la mort de vingt-sept exilés dans la Manche, le président de la République, tout en disant sa « compassion » pour les victimes, appelait à « un renforcement immédiat des moyens de l’agence Frontex aux frontières extérieures ».

    Alors qu’il dénonçait les « passeurs » qui organisent les traversées vers l’Angleterre, les organisations de droits humains critiquaient au contraire une politique qui, en rendant le périple plus périlleux, favorise le développement des réseaux mafieux. Et, tandis qu’il invoquait la nécessité d’agir dans la « dignité », les associations humanitaires qui viennent en aide aux exilés dans le Calaisis pointaient le démantèlement quasi quotidien, par les forces de l’ordre, des campements où s’abritent ces derniers et la destruction de leurs tentes et de leurs maigres effets.

    De semblables logiques sont à l’œuvre en Méditerranée, autre cimetière marin, dont les victimes sont bien plus nombreuses, et même littéralement innombrables, puisque le total de 23 000 morts comptabilisées par l’Office international des migrations est une sous-estimation d’ampleur inconnue. Bien que Frontex y conduise des opérations visant à « sécuriser les frontières » et « traquer les passeurs », l’Union européenne a largement externalisé le contrôle des entrées sur son territoire.

    Le don par le ministère des Armées français de six navires aux garde-côtes libyens, afin qu’ils puissent intercepter et ramener dans leur pays les réfugiés et les migrants qui tentent de rejoindre l’Europe, donne la mesure de cette politique. On sait en effet que les exilés ainsi reconduits sont emprisonnés, torturés, exploités, à la merci de la violence de l’Etat libyen autant que de groupes armés et de bandes criminelles.

    Une répression qui coûte très cher

    Au-delà des violations des droits humains et des principes humanitaires, la question se pose de l’efficacité de cette répression au regard de son coût. Un cas exemplaire est celui de la frontière entre l’Italie et la France, dans les Alpes, où, depuis six ans, le col de l’Echelle, puis le col de Montgenèvre sont les principaux points de passage entre les deux pays. Chaque année, ce sont en moyenne 3 000 personnes sans titre de séjour qui franchissent la frontière, hommes seuls et familles, en provenance du Maghreb, d’Afrique subsaharienne et du Moyen Orient et pour lesquels la France n’est souvent qu’une étape vers l’Allemagne, l’Angleterre ou l’Europe du Nord.

    Jusqu’en 2015, le poste de la police aux frontières avait une activité réduite puisque l’espace Schengen permet la circulation libre des personnes. Mais le contrôle aux frontières est rétabli suite aux attentats du 13 novembre à Paris et Saint-Denis. Les effectifs s’accroissent alors avec l’adjonction de deux équipes de nuit. Il y a aujourd’hui une soixantaine d’agents.

    En 2018, à la suite d’une opération hostile aux exilés conduite par le groupe d’extrême droite Génération identitaire et d’une manifestation citoyenne en réaction, un escadron de gendarmes mobiles est ajouté au dispositif, puis un deuxième. Chacun d’eux compte 70 agents.

    Fin 2020, après une attaque au couteau ayant causé la mort de trois personnes à Nice, le président de la République annonce le doublement des forces de l’ordre aux frontières. Dans le Briançonnais, 30 militaires de l’opération Sentinelle sont envoyés.

    Début 2022, ce sont donc 230 agents, auxquels s’ajoutent un état-major sous les ordres d’un colonel et trois gendarmes réservistes, qui sont spécifiquement affectés au contrôle de la frontière.

    En novembre dernier, une commission d’enquête parlementaire présidée par le député LREM Sébastien Nadot avait fourni dans son rapport une évaluation des coûts, pour une année, des forces de l’ordre mobilisées dans le Calaisis pour y gérer la « présence de migrants ». Suivant la même méthode, on peut estimer à 60 millions d’euros, soit 256 000 euros par agent, les dépenses occasionnées par les efforts pour empêcher les exilés de pénétrer sur le territoire français dans le Briançonnais. C’est là une estimation basse, qui ne prend pas en compte certains frais spécifiques au contexte montagneux.
    Une politique inefficace

    Au regard de ce coût élevé, quelle est l’efficacité du dispositif mis en place ? Une manière de la mesurer est de compter les non-admissions, c’est-à-dire les reconduites à la frontière. Il y en a eu 3 594 en 2018, 1 576 en 2019 et 273 au premier semestre 2020. Mais, comme l’explique la préfecture des Hautes-Alpes, ces chiffres indiquent une activité, et non une efficacité, car de nombreux migrants et réfugiés tentent plusieurs fois de franchir la frontière, et sont comptabilisés à chaque arrestation et reconduite.

    Bien plus significatives sont les données recueillies à Oulx, en Italie, où le centre d’hébergement constate que presque toutes les personnes renvoyées tentent à nouveau de passer, quitte à emprunter des voies plus dangereuses, et à Briançon, où le refuge solidaire reçoit la quasi-totalité de celles qui ont réussi à franchir la frontière. Elles étaient 5 202 en 2018, 1 968 en 2019 et 2 280 en 2020. Les chiffres provisoires de 2021 montrent une augmentation des passages liée surtout à une arrivée de familles afghanes.

    Les policiers et les gendarmes en conviennent, non sans amertume : tous les exilés finissent par passer. On ne saurait s’en étonner. Beaucoup ont quitté plusieurs années auparavant leur pays pour échapper à la violence ou à la misère. Les uns ont parcouru le Sahara, vécu l’internement forcé en Libye, affronté au péril de leur vie la Méditerranée. Les autres ont été menacés en Afghanistan, enfermés dans un camp à Lesbos, battus et dépouillés à la frontière de la Croatie. Comment imaginer que le franchissement d’un col, même en hiver, pourrait les arrêter ?

    Le constat est donc le suivant. Malgré un coût considérable – auquel il faudrait ajouter celui, difficilement mesurable, de la souffrance, des blessures, des amputations et des décès causés par les risques pris dans la montagne – la politique visant à interdire à quelques milliers d’exilés l’entrée sur le territoire français a une efficacité proche de zéro. Elle est probablement la plus coût-inefficace des politiques publiques menées par l’Etat français, sans même parler des multiples irrégularités commises, à commencer par le refus fréquent d’enregistrer les demandes d’asile.

    Mais, peut-être l’efficacité n’est-elle pas à évaluer en matière de passages empêchés et de personnes non admises. Ce qui est recherché relève plutôt de la performance face à l’opinion. Il s’agit, pour l’Etat, de mettre en scène le problème de l’immigration irrégulière et de donner le spectacle de son action pour l’endiguer.

    Dans cette perspective, la militarisation de la frontière a bien alors une efficacité : elle est purement politique.

    https://www.alternatives-economiques.fr/didier-fassin/immigration-ia-politique-publique-plus-cout-inefficace/00102098

    #efficacité #migrations #inefficacité #Didier_Fassin #coût #budget #Briançon #frontières #Italie #France #Hautes-Alpes #frontière_sud-alpine #PAF #contrôles_frontaliers #militarisation_des_frontières #gendarmerie_mobile #opération_sentinelle #état-major #performance #spectacle #mise_en_scène

  • Exils précaires : la santé des migrants selon SPF et la médecine fr | Didier Fassin

    https://www.franceculture.fr/emissions/les-cours-du-college-de-france/exils-precaires-la-sante-des-migrants-par-didier-fassin

    Médecin, sociologue et anthropologue, Didier Fassin est professeur de sciences sociales à l’Institut d’étude avancée de Princeton et directeur d’études à l’EHESS.

    Cet épisode démarre sur une analyse [à charge] du traitement par le corps médical de la question de la “source” de la contamination au plomb (saturnisme) des enfants issus de l’immigration, très majoritairement originaires d’Afrique sub-saharienne. « On » à forcé mère Santé Publique à de multiples contorsions théoriques pour ne pas admettre qu’il s’agissait d’un problème social et donc politique.

    Fassin retrace ensuite un siècle et demi de « traitement différencié » de la santé des immigrants, classé en 4 paradigmes successifs [ou presque, vu qu’aucun n’a définitivement intégralement remplacé le précédent] : hygiéniste, tropicaliste, différencialiste, épidémiologique.

    merci @dowser
    ping @cdb_77

  • « Le médecin choisi par #Gérald-Bronner pour réfléchir sur la désinformation scientifique au sein de la mission que lui a confié le Président est Guy Vallancien.
    Ça montre à quel point les réseaux de pouvoir sont déconnectés des réalités. »

    https://www.la-croix.com/France/mission-contre-desinformation-conspirationnisme-2021-09-28-1201177842

    « Je rappelle que #Guy-Vallancien vient d’être condamné par l’Ordre des Médecins dans une affaire où il a désinformé et menti pour faire condamner injustement un confrère, et me nuire au passage parce que je le défendais. »

    https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/politique-de-sante/certificat-mensonger-le-pr-vallancien-ecope-dun-blame-ordinal-a

    « C’est un peu comme si on avait choisi Carlos Ghosn ou Vincent Bolloré pour une mission sur l’éthique entrepreneuriale !
    Quelqu’un pourrait-il éclairer Gérald Bronner ou alerter le Président ?
    Pour ceux qui veulent lire la décision ordinale, c’est là »

    https://atoute.org/n/breve96.html

    « Toujours dans le cadre de sa nomination par Gérald Bronner au sein de la Mission présidentielle de lutte contre la désinformation, voici les propos négationnistes de Vallancien sur les victimes du MEDIATOR.
    Depuis, plus de 2000 victimes ont été reconnues par le tribunal pénal. »

    https://twitter.com/DDupagne/status/1443118899009146882
    #mission-contre-desinformation-conspirationnisme

    • Merveilleux !

      On est sur un bon profil, c’est raccord avec le reste de la macronie.

      Et il préside un think tank pour accélérer les liens publics privés dans la santé, avec tous les lobbies en vogue.
      https://www.canalcham.fr (CHAM = Convention of Health Analysis and Management)

      Sa plus haute qualité, selon Marianne : « Le médecin qui soigna François Mitterrand, mais aussi tout ce que le Paris people compte de prostates… »

      #macronistan

    • « La pneumologue et lanceuse d’alerte de l’affaire du #Mediator regrette la nomination, au sein de la commission contre la #désinformation, de l’un des médecins qui, « depuis des années et sans vergogne », tente de nier le drame humain causé par le Mediator. » Anticor
      Irène Frachon : « La composition de la “commission Bronner” sur le complotisme laisse perplexe »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/09/30/irene-frachon-la-composition-de-la-commission-bronner-sur-le-complotisme-lai

      Le dévoilement de la composition de la « commission Bronner » du nom du sociologue très (trop ?) médiatique chargé, par l’Elysée, d’évaluer ce phénomène des fausses nouvelles laisse perplexe.

      La santé publique est au cœur de ces inquiétudes. A ce titre, le choix des personnalités médicales susceptibles d’éclairer cette question est particulièrement sensible. On ne peut qu’être surpris de la cooptation d’un professeur de médecine « médiatique » et impliqué publiquement dans plusieurs polémiques sensibles, notamment à propos du scandale du Mediator, la plus grave affaire de santé publique survenue en France au XXIe siècle et « marqueur » significatif de cette défiance.

      Le scandale du Mediator est la conséquence d’un délit industriel d’une gravité hors norme, récemment jugé devant le tribunal correctionnel de Paris et ayant donné lieu à des condamnations pénales, d’une part de la firme mise en cause (Servier), qui a fait appel, et d’autre part, de l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) qui a renoncé, pour sa part, à un appel. Des experts de l’agence, compromis par des arrangements illégaux avec la firme délinquante, ont également été condamnés.

      Par ailleurs, le rapport pénal d’expertise scientifique a conclu que le Mediator, consommé par environ cinq millions de Français pendant trente-trois ans, est la cause directe de la mort ou de l’invalidité de milliers de personnes. Enfin, à ce jour, près de 4 000 victimes, en majorité des « survivants » du Mediator, ont vu leur procédure d’indemnisation aboutir après examen par un collège d’experts adossé à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam).

    • Irène Frachon : « La composition de la “commission Bronner” sur le complotisme laisse perplexe », TRIBUNE, Irène Frachon, Pneumologue au CHU de Brest, lanceuse d’alerte de l’affaire du Mediator.

      S’il est incontestable que, parallèlement à la pandémie de Covid-19, se développe une « épidémie » de doutes profonds et de défiances multiples au sein de l’opinion publique avec un succès croissant de théories alternatives aux relents complotistes, les moyens mis en œuvre pour mieux appréhender et peut-être corriger, apaiser un tel phénomène de fond interrogent sérieusement.

      Le dévoilement de la composition de la « commission Bronner » [ le blabla élyséen : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/09/29/les-lumieres-a-lere-numerique-lancement-de-la-commission-bronner]du nom du sociologue très (trop ?) médiatique chargé, par l’Elysée, d’évaluer ce phénomène des fausses nouvelles laisse perplexe.
      La santé publique est au cœur de ces inquiétudes. A ce titre, le choix des personnalités médicales susceptibles d’éclairer cette question est particulièrement sensible. On ne peut qu’être surpris de la cooptation d’un professeur de médecine « médiatique » et impliqué publiquement dans plusieurs polémiques sensibles, notamment à propos du scandale du Mediator, la plus grave affaire de santé publique survenue en France au XXIe siècle et « marqueur » significatif de cette défiance.

      Puisqu’il le faut, rappelons les faits.

      Le scandale du Mediator est la conséquence d’un délit industriel d’une gravité hors norme, récemment jugé devant le tribunal correctionnel de Paris et ayant donné lieu à des condamnations pénales, d’une part de la firme mise en cause (Servier), qui a fait appel, et d’autre part, de l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) qui a renoncé, pour sa part, à un appel. Des experts de l’agence, compromis par des arrangements illégaux avec la firme délinquante, ont également été condamnés.

      Par ailleurs, le rapport pénal d’expertise scientifique a conclu que le Mediator, consommé par environ cinq millions de Français pendant trente-trois ans, est la cause directe de la mort ou de l’invalidité de milliers de personnes. Enfin, à ce jour, près de 4 000 victimes, en majorité des « survivants » du Mediator, ont vu leur procédure d’indemnisation aboutir après examen par un collège d’experts adossé à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam).

      Ainsi, alors que la justice a condamné une « tromperie » (de l’industriel), une « négligence » (des autorités de santé), des « prises illégales d’intérêts » (d’experts), l’addition de tous ces éléments permet d’employer le terme de « complot avéré », au sens où l’entend l’anthropologue #Didier_Fassin, auteur récent de remarquables leçons de santé publique données au sein du Collège de France en 2021 : « On peut donc parler de véritables conspirations conduites par des capitaines d’industrie sans scrupule, des politiciens corrompus et des chercheurs vénaux dont les actes ne sont pas seulement des violations de la loi mais aussi des pratiques criminelles puisqu’ils mettent cyniquement en jeu la vie d’individus. » Didier Fassin conclut : « Il faut donc nommer ces actes pour ce qu’ils sont : d’authentiques complots portant atteinte à la santé publique. » C’est sans aucun doute le cas du Mediator.
      L’affaire du Mediator a ainsi ébranlé profondément et, à juste titre, la confiance du grand public dans la capacité des autorités sanitaires, des laboratoires pharmaceutiques et du monde médical en général à garantir leur santé, y compris en s’opposant sans compromission à de rares mais possibles dérives criminelles autant que lucratives, des industries de santé. Cette défiance, d’essence complexe, participe à l’audience de plus en plus large de « théories du complot », truffées d’informations falsifiées, mais aussi plus simplement à l’expression d’inquiétudes légitimes.

      Mediator, devenu une métonymie du scandale sanitaire, a été détourné par de nombreux adeptes d’un complotisme délétère comme une sorte de caution les autorisant à rejeter sans nuance des propositions vitales pour la santé publique, comme c’est le cas de l’actuelle campagne de vaccination contre le Covid-19.

      Le professeur et urologue Guy Vallancien, dont la nomination est annoncée au sein d’une commission « resserrée », a été un des fers de lance d’une nébuleuse de médecins de haut rang, professeurs de médecine, parfois académiciens de médecine, qui, depuis des années et sans vergogne, tentent de discréditer, minimiser, voire nier la gravité du drame humain causé par le Mediator.

      Dans son ouvrage La Médecine sans médecin ? (Gallimard, 2015), le professeur Vallancien écrit ceci à propos du scandale du Mediator, tout en déplorant la défiance suscitée par l’affaire : « La violence de la charge unique contre l’industrie avait de quoi choquer (…). Rares sont les malades qui furent meurtris par les complications liées au produit (…). Parmi les dossiers de plaignants (…) seul un nombre infime est à ce jour reconnu comme en relation avec la prise du produit incriminé. » Plus tard, en 2016, Guy Vallancien s’insurgera publiquement contre le « Manifeste » de grands médecins et humanistes, Michel Serres, Axel Kahn, Rony Brauman, Claude Got et une trentaine d’autres signataires, alertant la communauté médicale du comportement ignominieux de la firme à l’égard de ses propres victimes.
      Il est à craindre qu’une telle commission, dont l’un des membres s’est abîmé, non seulement n’apporte aucune réponse raisonnable et raisonnée à la problématique soulevée, mais creuse un peu plus le fossé entre beaucoup de nos concitoyens et les élites qu’ils critiquent, à tort ou parfois à raison.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/09/30/irene-frachon-la-composition-de-la-commission-bronner-sur-le-complotisme-lai

      le Vallencien, c’est bête, mais à sa tronche de houellebecozemourozombie, je lui demanderais surtout pas l’heure

      #complotisme (qu’il faudrait écrire au pluriel)

      #santé_publique #industrie #chercheurs #mediator #Irène_Frachon

    • Deux ans après le départ de Vallancien [de son poste de directeur du Centre du don des corps de l’université Paris-Descartes de 2004 à 2014], son successeur, le Pr Richard Douard, chirurgien digestif à l’hôpital européen Georges-Pompidou, fait état de la situation à Frédéric Dardel, alors président de Paris-Descartes et aujourd’hui conseiller de la ministre de la Recherche, Frédérique Vidal. Il lui présente un document édifiant de 27 pages, dont sont issues les photos décrites plus haut. Le mémo liste « des installations vétustes, inadaptées, ne respectant pas les obligations légales », « des chambres froides non hermétiques, avec des pannes à répétition [...] une absence de ventilation dans les différents espaces de travail, des canalisations d’évacuation des eaux bouchées ». Mais, ce qui semble le plus tracasser les autorités, c’est le « risque de scandale avec le non-respect de règles d’éthique dues aux corps qui [leur] sont confiés ». Oui, le plus embêtant, c’est la peur « que ça se sache », « que ça sorte », comme nous l’ont confié plusieurs sources ayant travaillé au CDC.

      Don de corps à la science : un charnier au coeur de Paris
      https://www.lexpress.fr/actualite/sciences/don-de-corps-a-la-science-un-charnier-au-coeur-de-paris_2108389.html

      La peur que ça se sache ? C’est connu, et c’est promu.

    • Le danger sociologique ? Un feu de paille
      Arnaud Saint-Martin.
      À propos de Gérald Bronner et Étienne Géhin, Le danger sociologique, Paris, Presses universitaires de France, 2017, 242 pages
      https://www.cairn.info/revue-zilsel-2018-1-page-411.htm

      L’opération a été méthodiquement préparée. À la veille de la sortie en librairie début octobre 2017 du Danger sociologique, cosigné par Gérald Bronner et Étienne Géhin, l’« hebdomadaire d’information » Le Point en publiait quelques « bonnes feuilles », ainsi que plusieurs réactions « à chaud »

      Dans l’ordre : Philippe Meyer, Alain Touraine, Edgar Morin et…. Sur la couverture du magazine, un titre choc annonçait la couleur, crépusculaire : « Le livre noir des imposteurs de la pensée ». La quatrième de couverture de l’essai en résume la raison d’être : secouer une « discipline à vocation scientifique […] prise en otage par ceux qui veulent en faire un “sport de combat” » et « qui peuvent nous égarer dans des récits idéologiques et outranciers ». Les auteurs invitent ces collègues en déshérence à « sortir de leur sommeil dogmatique et [à] s’astreindre aux règles qui régissent la cité des sciences ». Le ton est donné, le scandale attendu. On se doute que l’éditeur nourrit de grands espoirs : outre l’impulsion en coulisses du service de presse et la campagne de promotion, un bandeau rouge « LE LIVRE ÉVÉNEMENT » annonce qu’il risque de se passer quelque chose cet automne-là [2]
      [2]
      Organiser une polémique médiatique est une chose, faire son…. Que les esprits vont s’échauffer et entretenir les coulées d’encre et les tirages.

      (...) il est prolixe en matière d’intervention normative dans l’espace public, via les chroniques dans Le Point, ses interventions dans les médias, mais aussi ses essais de « sociologie analytique » sur l’état du monde au nom de la Raison ; par exemple, le diagnostic, martelé avec Géhin dans L’inquiétant principe de précaution , d’une insinuation angoissante et technophobe d’une « idéologie précautionniste » dans la société française, laquelle s’expliquerait ultimement par le _« fonctionnement même de l’esprit humain » [Gérald Bronner, « Perceptions du risque et précautionnisme »,….

      Sociologue du Point, faire valoir académique de la dénonciation de la « culture de l’excuse », son dernier ouvrage paru se nomme « Apocalypse cognitive »

      Gérald Bronner : « L’avenir se joue dans nos cerveaux »
      https://www.lemonde.fr/livres/article/2021/01/24/gerald-bronner-l-avenir-se-joue-dans-nos-cerveaux_6067404_3260.html

      Notre « nature », qui est à la fois source de nos erreurs et des possibilités de les contrecarrer, Gérald Bronner la cherche principalement dans notre cerveau, dans les traits cognitifs qui nous sont communs, indépendamment de nos genre, milieu ou culture.

      [...] « Ce que je crains, confirme-t-il, c’est un affaissement de notre civilisation. Il se manifeste déjà, par exemple, par la mise entre parenthèses de la conquête spatiale, la mise en cause du progrès, les embarras des organisations internationales. Pour le surmonter, et parvenir à franchir le plafond de verre civilisationnel, il faut savoir nous regarder en face, prendre la mesure de nos addictions et de nos choix. En ce sens, l’avenir se joue dans nos cerveaux. C’est seulement en pouvant dire : “Voilà comme nous sommes” que nous pourrons construire le récit de nos prochaines aventures. »

      Le top en matière d’analyse du social : l’imagerie cérébrale.

      Autre penchant sympathique, après avoir larmoyé sur l’"abandon de la conquête spatiale" :

      « En quittant la Terre, il deviendrait évident que nous sommes humains avant d’être terriens. C’est là un rappel essentiel car l’idéologie précautionniste, en nous proposant un rapport empreint de sentimentalité à la planète qui a vu notre naissance, a tendance à rendre indissociable notre destin du sien. »
      https://seenthis.net/messages/820351#message902010
      #Gérald_Bronner #neuroscience #neutralité #cogniticien #contremaître_gradé

    • « Donc le responsable de la commission chargée de lutter contre les « fake news », Gérald Bronner, qualifie « d’esprits malveillants » des journalistes parce qu’ils font un papier sur les turpitudes d’un de ses membres (Guy Vallancien) … ça commence très fort cette commission. »
      https://twitter.com/l_peillon/status/1444762462486728714
      https://www.liberation.fr/checknews/quest-il-reproche-au-chirurgien-guy-vallancien-membre-de-la-commission-bronner-contre-les-fake-news-20211001_XDC2MA374NHGRLLFEM3VV3YAI4/?redirected=1&redirected=1

      Impliqué dans le scandale du charnier de l’université Paris-Descartes, l’urologue a aussi fait l’objet d’un blâme de la part de l’Ordre des médecins dans une autre affaire.

      Afin de lutter contre les fausses informations sur le web, Emmanuel Macron a mis en place, mercredi à l’Elysée, une commission chargée de « définir un consensus scientifique sur l’impact d’Internet », « formuler des propositions dans les champs de l’éducation, de la prévention, de la régulation, et de la judiciarisation des entrepreneurs de haine » ou encore de « développer une analyse historique et géopolitique de l’exposition de la France aux menaces internationales ». Intitulée « les lumières à l’heure du numérique », cette commission, présidée par le sociologue Gérald Bronner, devra rendre un rapport courant décembre.

      Outre Gérald Bronner, lui-même épinglé pour avoir véhiculé une fausse information dans l’un de ses ouvrages, un nom, au sein de cette commission, a particulièrement fait sursauter de nombreux internautes : Guy Vallancien. Agé de 75 ans, cet urologue renommé, membre de l’académie de médecine (comme Bronner), s’est en effet illustré, de façon polémique, dans différents dossiers au cours de sa carrière.

      « Charnier » de Descartes

      A commencer par son implication dans le « charnier » de l’université Paris Descartes...
      #paywall

    • Sachant par ailleurs que Bronner lui-même a été pris la main dans le sac en diffusant une fausse information dans l’un de ses bouquins :
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2014/10/13/le-chlore-au-temps-du-cholera_4505153_3244.html#xtor=AL-32280270-%5Bdefault%

      Guy Vallancien reste membre de la commission Bronner

      Ça promet cette commission fake news de la honte.

      La saison de la chasse aux sorcières est donc ouverte en macronie, sous les applaudissements du roi !

    • Guy Vallancien quitte la commission contre le complotisme en dénonçant un complot contre lui.
      Il apprend vite…

      « Je me retire de la commission Les lumières à l’ère numérique », a déclaré le Pr Vallancien, qui dénonce une « honteuse campagne de dénigrement ignoble et mensonger » après sa nomination à cette instance présidée par le sociologue Gérald Bronner #AFP

  • « La pandémie a montré que toutes les vies n’ont pas la même valeur  » | CNRS Le journal
    https://lejournal.cnrs.fr/articles/la-pandemie-a-montre-que-toutes-les-vies-nont-pas-la-meme-valeur

    Quelle leçon le sociologue que vous êtes tire-t-il de cette crise ?
    D. F. La crise sanitaire a permis de montrer de manière presque expérimentale cette simple vérité : toutes les vies n’ont pas la même valeur. C’est bien sûr vrai d’un pays à un autre, et ces inégalités sont plus grandes aux États-Unis qu’en France, mais aussi à l’intérieur d’un pays, où des hiérarchies s’établissent entre différentes catégories sociales, puisqu’on semble moins accorder de prix aux vies des étrangers dont la seule infraction est d’être en situation irrégulière qu’à celles des prisonniers auxquels on reproche des délits et des crimes. On le voit, cette réalité empirique contredit le principe affirmé haut et fort de la vie comme bien suprême, et par conséquent théoriquement de même valeur, quelle que soit la condition.

    Pourriez-vous citer un cas d’inégalité de vies révélé en France par la crise au Covid-19 ?
    D. F. L’Agence régionale de la santé et l’Observatoire régional de la santé d’Île-de-France ont alerté les autorités sur les données du département de la Seine-Saint-Denis. Les statistiques montraient que la population y était plus touchée par la maladie et le taux de mortalité plus élevé que sur le reste du territoire. Certaines raisons sont connues : des logements surpeuplés et des habitants exerçant des métiers considérés comme indispensables, souvent précaires, peu considérés, qui les exposaient au virus sur leur lieu de travail et lors de leur transport, à une époque où les masques n’étaient pas disponibles : caissières, éboueurs, facteurs, femmes de ménage, surveillants de prison. D’autres raisons doivent encore être analysées, comme l’accès aux soins et aux services d’urgence dans ces zones.

    • D’autres raisons doivent encore être analysées, comme l’accès aux soins et aux services d’urgence dans ces zones.

      Et donc en temps de pandémie, un gamin apprenti de 18 ans dans un garage qui se tranche le doigt en réparant la lame d’une tondeuse est recousu direct alors qu’il a une fracture de l’os et les chairs déchiquetées, et quand il va aux urgences une semaine après en disant qu’il a mal jusqu’à l’épaule et que sa main est bleue, il se fait jeter. A force, il finit par trouver un chirurgien horrifié de voir qu’on ait pu le maltraiter ainsi.
      Ah merde, j’ai oublié de te dire que sa peau est noire et un détail sur son courage : qu’il a traversé la méditerranée sur un radeau.

      Va falloir vite analyser les raisons, parce que si cela confirme ce que je suppute, j’ai vraiment honte de ce pays.

    • Cette politique peut être comparée à celle conduite aux États-Unis, où la population carcérale est trente fois plus importante et où la plupart des gouverneurs ont refusé de libérer des prisonniers, même à un âge avancé ou avec des pathologies graves, par peur des réactions de leur électorat. Résultat : alors qu’on a compté plus de 500 décès dus au Covid-19 dans les prisons états-uniennes, on n’a eu qu’un seul décès à déplorer dans les établissements pénitentiaires français.

      #prisons #in_retrospect #coronavirus #inégalités

  • Dans les Alpes, migrants et bénévoles face à une police aux frontières renforcée

    En novembre, Emmanuel Macron a doublé les effectifs de la police aux frontières "contre la menace terroriste". Des renforts auxquels se heurtent quotidiennement associations et exilés.

    C’est pour notre “protection commune”, assure Emmanuel Macron. Dans la foulée des attentats terroristes de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice, le président de la République annonçait le 5 novembre rien de moins qu’un doublement des effectifs de la police aux frontières.

    À Montgenèvre (Hautes-Alpes), par exemple, une soixantaine de policiers, de gendarmes réservistes et même de militaires de l’opération Sentinelle sont arrivés en renfort ces dernières semaines, selon la préfecture.

    Comme vous pouvez le voir dans notre reportage vidéo ci-dessus, cette forte présence policière n’est pas sans conséquence sur les dizaines d’exilés, dont de nombreux demandeurs d’asile, qui tentent chaque jour de franchir au péril de leur vie ce point montagneux de la frontière franco-italienne, ni sur les associations qui leur portent assistance.

    Samedi 5 décembre, notre caméra a pu suivre sur le terrain l’association Tous migrants, dont deux bénévoles ont récemment été interpellés lors d’une maraude et convoqués devant le tribunal de Gap pour “aide à l’entrée” d’un couple d’Afghans.

    "On sait que des policiers ont bien conscience que ce qu’on leur demande de faire est inhumain."
    #Michel_Rousseau, association Tous migrants

    Signe supplémentaire que ce “#délit_de_solidarité” persiste, deux bénévoles ont une fois de plus été interpellés lors de notre reportage, alors qu’ils portaient assistance à une dizaine de migrants afghans, iraniens et maliens côté français. Soupçonnés “d’aide à l’entrée sur le territoire de personne en situation irrégulière”, ils ont reçu une convocation pour une audition libre 48 heures plus tard.

    Selon nos informations, les deux maraudeurs n’ont finalement fait l’objet d’aucune poursuite, mais ont vu leurs empreintes et photos récoltées par les autorités. Depuis notre tournage, quatre autres maraudeurs ont encore été convoqués par la police, pour un total de six bénévoles auditionnés en à peine une semaine.
    Des rétentions au cadre légal flou

    Avant leur renvoi aux autorités italiennes, les migrants interpellés en montagne sont emmenés dans des bâtiments préfabriqués (type Algeco) situés derrière le poste-frontière de Montgenèvre, comme vous pouvez le voir également dans notre reportage en tête d’article.

    Utilisé aussi à Menton, ce type de lieu de rétention sans cadre légal précis est dénoncé en justice par des associations et ONG. Ces derniers y réclament le droit de pouvoir y accéder pour porter une assistance aux demandeurs d’asile, comme dans les centres de rétention ou les zones d’attente (ZA) des aéroports internationaux.

    “On est dans un État de droit. Quand il y a privation de libertés, il y a une base légale et les gens maintenus ont des droits prévus par la loi. Et là, il n’y a rien”, regrette Gérard Sadik, responsable de la commission Asile de La Cimade.

    En ce qui concerne Menton, le tribunal administratif de Nice a d’ailleurs suspendu le 30 novembre dernier une décision du préfet des Alpes-Maritimes “refusant l’accès aux constructions modulaires attenantes au poste de la police aux frontières aux représentantes de l’association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé) et de l’association Médecins du Monde”. En outre, la justice évoque plusieurs manquements aux droits des demandeurs d’asile :

    “Le juge relève que quotidiennement, de nombreuses personnes sont retenues dans ces locaux munis de système de fermeture et de surveillance vidéo, dans des conditions précaires, pour de nombreuses heures, notamment la nuit lorsque le poste de police italien est fermé, qu’elles sont mises dans l’impossibilité de partir librement de ces locaux et d’obtenir au cours de la période de ‘maintien’ une assistance médicale, juridique ou administrative des associations.”

    Une “fabrique des indésirables”

    Contactée par Le HuffPost, la préfecture des Hautes-Alpes évoque sobrement des “locaux de mise à l’abri proposés sans contrainte”, le temps de procéder à des “vérifications” et “aménagés dans l’unique objectif de préserver tant leur dignité, en proposant un lieu de repos (avec chauffage, couvertures, mobiliers, nourriture), que leur vie, afin de ne pas soumettre ces personnes non admises à un retour par leurs propres moyens”.

    À notre micro, Michel Rousseau, Briançonnais et bénévole de la première heure de Tous migrants, y voit plutôt une “fabrique des indésirables”. Tout en ajoutant : “Mais on ne veut pas être dans la caricature. On sait que des policiers ont bien conscience que ce qu’on leur demande de faire est inhumain. On compte sur eux pour que les droits fondamentaux triomphent”.

    https://www.huffingtonpost.fr/entry/dans-les-alpes-migrants-et-benevoles-face-a-une-police-aux-frontieres
    #vidéo #Tous_Migrants #maraudes #asile #migrations #réfugiés #Hautes-Alpes #Briançon #France #Italie #frontières #militarisation_des_frontières #solidarité #maraudes_solidaires #hiver #vidéo

    • (reportage de 2018, je mets ici pour archivage)

      Migrants, l’odyssée des marcheurs de l’extrême – Episode 1 : Mamadou

      Face à l’afflux des passages de la frontière, une solidarité montagnarde s’est installée dans le Briançonnais. Le but ? Secourir les migrants en difficulté. Radio Parleur vous propose une série de cinq reportages dédiés au passage des migrants à travers les Hautes-Alpes. Dans ce premier épisode, place à l’histoire de Mamadou, qui a traversé la frontière italo-française en passant par le col de l’Échelle, un soir de mars.

      Depuis le début de l’année, près de 2 000 réfugiés ou exilés, migrants, seraient arrivés en France, en traversant la frontière avec l’Italie. En passant par les Alpes, les cols alentours, et dans des conditions extrêmes, au péril de leur vie. Mamadou commence son odyssée en 2010, loin, très loin des Alpes. Fils d’un père boucher, il quitte son pays, le Mali, suite aux attaques menées par les touaregs qui combattent pour le contrôle du nord du pays.
      Du Mali à la Place des Fêtes, à Paris

      En 2011, alors que plusieurs de ses amis viennent de mourir dans un attentat sur un marché, il prend la décision de fuir. Passé par l’Algérie, il arrive finalement en Libye et monte dans un canot pneumatique à Tripoli. Sauvé de la noyade par les gardes-côtes italiens, on lui délivre à Naples un titre de séjour et un passeport Schengen.

      Il décide alors de rejoindre son oncle, qui travaille à Paris. Les petits boulots s’enchainent : boucher durant deux ans, puis vendeur pendant un an sur les marchés de Place des Fêtes et de Daumesnil, dans les 20ème et 12ème arrondissements parisiens.
      Repasser par l’Italie pour faire renouveler son titre de séjour

      A l’hiver 2016, Mamadou est obligé de retourner en Italie pour faire renouveler ses titres de séjour. On lui en accorde un, d’une durée de cinq ans, mais son passeport, lui, n’est pas encore prêt. À cause de son travail, Mamadou doit pourtant rentrer à Paris et ne peut attendre. Il décide de prendre le train à Milan, avant de se faire contrôler en gare de Modane, dix kilomètres après la frontière.

      Là, les policiers français lui expliquent que, sans son passeport, ils sont obligés de lui refuser l’entrée en France. Mamadou a beau leur assurer que sa demande est en cours et qu’il doit retourner travailler à Paris, d’où il vient, les agents lui répondent que ce n’est pas leur problème. Il est arrêté, ainsi qu’Ousmane, un autre exilé de 17 ans qui l’accompagne. Les deux garçons, migrants à ce moment-là, sont reconduits, en traversant la frontière, en Italie.
      Migrants : l’odyssée dramatique des marcheurs de l’extrême – Episode 1

      « Je ne savais pas que la neige pouvait brûler »

      À la gare de Bardonecchia, les deux jeunes gens ne connaissent personne. Mais ils sont déterminés à passer la frontière, comme d’autres migrants. Mamadou se renseigne sur l’itinéraire à prendre pour rejoindre la France auprès d’un italien. Celui-ci lui indique une route qui passe par le col de l’Échelle. Celui-ci culmine à 1762 mètres d’altitude.

      Le col de l’Échelle est fermé à la circulation l’hiver. En fonction de l’enneigement, cette fermeture peut durer de décembre jusqu’à mai. Nous sommes le 5 mars, il est 16h : il fait froid et il neige. Bien que peu couverts, en jean et en baskets, les deux jeunes décident néanmoins de franchir la montagne à pied.

      https://radioparleur.net/2018/06/04/migrants-solidaires-frontiere-episode-1

      #audio #son #podcast

    • Migrants, l’odyssée des marcheurs de l’extrême – Épisode 2 : Une #solidarité en actes

      Des milliers de réfugié·es ou d’exilé·es arrivent en France en provenance d’Italie. Ils et elles traversent la frontière par les cols des Alpes, dans des conditions extrêmes, avec un risque mortel. Face à cet afflux et à ces dangers, une solidarité montagnarde s’est installée dans le Briançonnais dans le but de secourir les migrant·es en difficulté. Dans ce deuxième épisode, Radio Parleur vous propose de découvrir trois portraits d’accueillant·es : un membre d’association, un pisteur en montagne ou une simple habitante de la #vallée_de_la_Clarée.

      Face aux risques que courent les migrants pour traverser la frontière, des habitant·es du Briançonnais, de #Névache et de #Montgenèvre se mobilisent par solidarité. Tout·es craignent de retrouver des cadavres au printemps et de voir la montagne se transformer en un gigantesque cimetière à ciel ouvert avec la fonte des neiges. Le 25 mai 2019, du côté italien du col de l’Échelle, un promeneur a découvert le corps d’« un homme à la peau sombre » inanimé, près d’un torrent. Le corps, en état de décomposition avancée, n’a pas pu être identifié, selon le journal italien La Stampa.

      Secourir les migrant·es en difficulté, par solidarité

      Bravant le froid et les contrôles accrus de la PAF (Police Aux Frontières), les bénévoles continuent. Épuisé·es et en colère face à un État qui, selon elleux, les laisse seul·es gérer l’urgence. C’est une armée de volontaires : ancien·nes militant·es, syndicalistes, anarchistes et libertaires, catholiques à la fibre sociale, mais aussi simples habitant·es de la vallée. Certain·es ne s’étaient jamais engagé·es par solidarité jusque-là. Mais tous et toutes ont prit le relais d’un État jugé déficient.

      Bruno Jonnard habite à Névache, la plus haute commune de la vallée de la Clarée, depuis maintenant quinze ans. Artisan l’été, il travaille comme dameur et pisteur l’hiver. Il assure des interventions comme pompier volontaire. Avec ses 361 habitant·es, Névache est le village le plus proche du col de l’Échelle. Un col dangereux et difficile d’accès par où passent les migrant·es qui franchissent la frontière franco-italienne.

      Murielle* habite à Montgenèvre où elle dirige un commerce. A quelques centaines de mètre, le col du même nom, et surtout la frontière franco-italienne. Mais aussi le poste de la Police Aux Frontières (PAF) d’où partent les patrouilles qui surveillent ce second point de passage pour les migrant·es.

      Michel Rousseau habite à Briançon. Ancien syndicaliste aujourd’hui à la retraite, il est le porte-parole de l’association Tous Migrants. L’association, sans étiquette politique, religieuse ou institutionnelle, créée en 2015, exprime l’indignation collective face au drame humanitaire vécu par les migrants en Europe. C’est aussi dans le chef-lieu de la vallée de la Clarée, que se situe le refuge solidaire de l’association pour les migrant·es.

      https://radioparleur.net/2018/06/05/montagnes-solidarite-migrants-marcheurs-odyssee-episode-2

    • Migrants, l’odyssée des marcheurs de l’extrême – Episode 3 : #Maraude en montagne

      Face à l’afflux des passages de la frontière, une solidarité montagnarde s’est installée dans le Briançonnais. Le but ? Secourir les migrants en difficulté. Radio Parleur vous propose une série de cinq reportages dédiés au passage des migrants à travers les Hautes-Alpes. Dans ce troisième épisode, Radio Parleur vous propose de partir au cœur d’une maraude en haute-montagne, avec Vincent et Emily*, bénévoles à l’association #Tous_Migrants.

      Dans les Hautes-Alpes, les migrants qui souhaitent rejoindre la France traversent régulièrement la frontière franco-italienne par la montagne. Ils passent par les cols de l’Echelle, à 1762 mètres d’altitude, et de Montgenèvre, à 1850 mètres d’altitude. Les conditions y sont extrêmement difficiles : températures qui descendent parfois en dessous de moins 20 degrés, passages par des zones difficiles d’accès et le plus souvent de nuit, avec les patrouilles de la #Police_Aux_Frontières (#PAF) et de la #Police_Nationale.

      Secourir les migrants en difficulté dans la montagne

      C’est pourquoi des professionnels de la montagne, des bénévoles, ou parfois de simples habitants de la région, s’organisent. Ils effectuent chaque soir des maraudes en altitude pour secourir les migrants en difficulté. Commençant autour de 21h, elles finissent tard dans la nuit. « Ça fait partie de la culture montagnarde : on ne laisse personne en difficulté sur le côté du chemin, là-haut », assure Vincent, habitant et pizzaiolo qui participe à la maraude.

      Parfois, ce sont jusqu’à douze ou quinze personnes par soir, qui tentent de passer. Il faut ensuite redescendre et parvenir jusqu’au #Refuge_Solidaire installé à Briançon. Là, suite à un accord avec la communauté de communes et la gendarmerie nationale, les migrant·e·s ne sont pas inquiété·e·s tant qu’ils ne s’éloignent pas du refuge installé dans une ancienne caserne de #CRS.

      https://radioparleur.net/2018/06/08/episode-3-maraude-montagne-migrants-detresse-solidaires

      Pour écouter le #podcast :
      https://podcast.ausha.co/radio-parleur/migrants-l-odyssee-des-marcheurs-de-l-extreme-episode-3-maraude-en-mon

      #maraudes

    • Dans les Alpes, les associations d’aide aux migrants se disent « harcelées » par la Police aux frontières

      L’association Tous Migrants qui vient en aide aux exilés qui traversent les Alpes pour rejoindre la France, s’inquiète du #harcèlement_policier dont elle se dit victime. Arrêtés pendant les #maraudes en montagne, à Briançon, les membres de l’association se plaignent des très nombreuses #amendes qu’ils reçoivent, disent-ils, pour non-respect du couvre-feu. Et s’inquiètent du sort des migrants interceptés par la Police aux frontières.

      « La situation est ubuesque ». C’est avec ces mots qu’Agnès Antoine, membre de Tous migrants, dans la ville de Briançon, au pied des Alpes françaises, évoque les maraudes de son association. « Il fait -15 degrés, les exilés risquent leur vie pour traverser la montagne et arriver en France et au lieu de les aider, nous sommes harcelés ». L’association reproche aux forces de l’ordre et aux membres de la Police aux frontières (PAF) de les entraver dans leur #aide_humanitaire.

      « Depuis le 6 janvier, nous avons déjà récolté une trentaine d’amendes pendant nos maraudes de soirées pour non-respect du #couvre-feu », explique-t-elle. Les associations sont pourtant autorisées à prolonger leurs activités au-delà de 20h avec une #attestation. Les bénévoles assurent que les forces de l’ordre n’en ont que faire.


      https://twitter.com/LoupBureau/status/1351629698565103625
      « Respect des règles »

      « Les #contrôles_arbitraires, notifications d’amendes, #auditions_libres et autres pressions envers les citoyens et citoyennes qui chaque soir essaient de porter assistance aux exilé(e)s se sont multipliés », peut-on lire dans un communiqué publié par Tous Migrants et Médecins du monde. « La nuit du 8 janvier 2021, j’ai été contrôlé quatre fois par deux équipes de gendarmes alors que je maraudais dans Montgenèvre. Cette même soirée, j’ai été notifié de trois amendes alors que j’étais en possession de mon ordre de mission et de mon attestation dérogatoire de déplacement délivrés par l’association Tous Migrants », ajoutent les auteurs du texte.

      Contactée par InfoMigrants, la préfecture des Hautes-Alpes se défend de harcèlement et de contrôles abusifs. « Les services chargés du contrôle aux frontières agissent dans le respect des règles de droit et des personnes qu’elles contrôlent », explique-t-elle dans un communiqué. « Concernant les maraudes exercées pendant le couvre-feu, les salariés et bénévoles peuvent se déplacer entre 18h et 6h pour l’aide aux personnes précaires en présentant une attestation professionnelle fournie par l’association. Il appartient à l’autorité de police verbalisatrice d’apprécier la validité des documents qui lui sont présentés. »


      https://twitter.com/DamienCAREME/status/1337458498146222082

      « La PAF nous demande de venir chercher des migrants dans leurs locaux »

      Pour Agnès Antoine, le comportement de la police est surtout incompréhensible. « Ils nous harcèlent et dans le même temps, ils nous demandent de les aider, de venir chercher des migrants quand ils sont dans les locaux de la PAF. Parce qu’ils ne savent pas quoi faire d’eux. C’est vraiment dingue ».

      Dernier exemple en date, dans la nuit du vendredi 15 janvier au samedi 16 janvier. Vingt-deux migrants, Iraniens et Afghans, dont des enfants et un nouveau-né, sont interceptés par la police dans la montagne puis emmenés dans les locaux de la PAF. Selon Tous Migrants, « toutes les personnes arrêtées ont reçu des OQTF et des IRTF délivrées par la préfète ». Après les avoir interrogés, la PAF a appelé l’association. « Ils nous ont demandé de venir pour nous en occuper », soupire-t-elle.
      De plus en plus de familles parmi les exilés

      L’association reproche également aux forces de l’ordre de bafouer les droits des migrants. « L’État militarise la frontière, traque les exilé(e)s et les reconduit quasi systématiquement en Italie sans même vérifier s’ils souhaitent demander l’asile en France », écrivent-ils encore dans leur communiqué.

      Selon Tous Migrants, le profil des exilés traversant les Alpes a changé ces derniers mois. Auparavant, les personnes secourues étaient majoritairement des hommes, en provenance d’Afrique de l’Ouest « qui remontaient l’Italie depuis le sud avant de traverser les Alpes ». Aujourd’hui, les migrants sont davantage des familles venues du Moyen-Orient. « Elles arrivent de Slovénie, passent par Trieste (dans le nord de l’Italie), et arrivent aux Alpes », explique Agnès Antoine. « Ce sont beaucoup de familles avec des femmes enceintes, des enfants et même des bébés en bas âge ».

      Depuis le mois de septembre 2020, les maraudes ont permis de porter assistance à 196 personnes, écrivent les bénévoles de l’association.

      https://www.infomigrants.net/fr/post/29725/dans-les-alpes-les-associations-d-aide-aux-migrants-se-disent-harcelee

    • « A la frontière franco-italienne, l’Etat commet des violations quotidiennes des droits humains »

      Au nom de la lutte contre l’immigration irrégulière, la #militarisation_de_la_montagne n’est qu’un geste vain de l’Etat, alertent l’anthropologue #Didier_Fassin et le médecin #Alfred_Spira.

      Tribune. Toutes les #nuits, dans les Hautes-Alpes, au col de Montgenèvre, des hommes, des femmes et des enfants en provenance du Moyen-Orient, d’Afrique subsaharienne ou du Maghreb tentent de passer à pied d’Italie en France, dans la neige et le froid. Toutes les nuits, puissamment équipés, des agents de la police aux frontières et des gendarmes dépêchés sur place s’efforcent de les en empêcher et de les reconduire de l’autre côté de la frontière. Toutes les nuits, des bénévoles font des #maraudes pour porter assistance à ceux qui, une fois sur le territoire français, essaient d’échapper à leur arrestation.

      Cette étrange dramaturgie se reproduit depuis quatre ans, et, si les hivers sont particulièrement dangereux, certains des accidents les plus tragiques se sont produits en #été : il n’est pas de période sûre pour les exilés qui se perdent ou se blessent dans cette voie par laquelle ils espèrent obtenir la protection de la France ou poursuivre plus loin leur périple. Ajoutons à ce tableau la présence de deux compagnies de policiers et de gendarmes chargés du secours en haute montagne qui, en conformité avec leur noble mission, sont parfois paradoxalement conduits à intervenir pour aider des exilés qui fuient leurs collègues.

      Leur action se fait au nom du contrôle de l’immigration, et le président de la République a récemment ordonné un doublement des forces de l’ordre qui gardent les frontières.

      Mais cette impressionnante mobilisation se révèle à la fois disproportionnée et inefficace, comme le reconnaît un haut fonctionnaire préfectoral. Disproportionnée, car elle ne concerne que 2 000 à 3 000 passages par an. Inefficace, car celles et ceux qui sont reconduits retentent inlassablement leur chance jusqu’à ce qu’ils réussissent.

      La véritable conséquence du déploiement de ce dispositif est de contraindre les exilés à emprunter des chemins de plus en plus périlleux, sources de #chutes, de #blessures et de #gelures. Plusieurs #décès ont été enregistrés, des #amputations ont dû être réalisées. La militarisation de la montagne n’est ainsi qu’un geste vain de l’Etat, dont le principal résultat est la #mise_en_danger des exilés, souvent des familles.

      « #Délit_de_solidarité »

      Geste d’ailleurs d’autant plus vain qu’il est difficile d’imaginer que des personnes qui ont quitté un pays où ils n’étaient pas en sécurité pourraient y retourner. Les uns ont fait des milliers de kilomètres sur la route des Balkans, y ont été enfermés dans des camps infâmes sur des îles grecques ou ont subi les violences des policiers et des miliciens croates.

      Les autres ont franchi le Sahara où ils ont été dépouillés de leurs biens par des gangs avant d’arriver en Libye, où ils ont été détenus, torturés et libérés contre rançon, puis de traverser la Méditerranée sur des embarcations précaires et surchargées. Il est difficile d’imaginer que ces exilés puissent renoncer à cet ultime obstacle, fût-il rendu hasardeux par l’action de la police et de la gendarmerie.

      C’est pourquoi l’activité des maraudeurs est cruciale. Les premiers d’entre eux, il y a quatre ans, étaient des habitants de la région pour lesquels il était impensable de laisser des personnes mourir en montagne sans assistance. « #Pas_en_notre_nom » était leur cri de ralliement et l’intitulé de leur association, qui est devenue un peu plus tard Tous Migrants, récompensée en 2019 par un prix des droits de l’homme remis par la garde des sceaux. Très vite, ils ont été rejoints par des #bénévoles venus de toute la France et même de plus loin, certains étant des professionnels de santé intervenant au nom de #Médecins_du_monde.

      Ces maraudeurs qui essaient de mettre à l’#abri les exilés ayant franchi la frontière dans des conditions extrêmes ont à leur tour été réprimés. Bien que censuré par le Conseil constitutionnel en 2018, au nom du principe supérieur de fraternité, le « délit de solidarité » continue à donner lieu à des #interpellations et parfois à des #poursuites.

      Nous avons nous-mêmes récemment été, en tant que médecins, les témoins de ces pratiques. L’un de nous a fait l’objet, avec son accompagnateur, d’un long contrôle d’identité et de véhicule qui les a empêchés de porter secours, quelques mètres plus loin, à une dizaine de personnes transies, dont une femme âgée qui paraissait présenter des troubles cardiaques. Alors qu’ils insistaient devant le poste de police sur les risques encourus par cette personne et rappelaient la condamnation de la police aux frontières pour refus de laisser les organisations humanitaires pénétrer leurs locaux pour dispenser une assistance médicale et juridique, ils se sont fait vigoureusement éconduire.

      Double contradiction

      Un autre a pu, quelques jours plus tard, mettre à l’abri deux adultes avec quatre enfants qui venaient de franchir la frontière par − 15 °C ; il s’est alors rendu compte que deux fillettes étaient sans leurs parents qui avaient, eux, été interpellés ; revenu au poste-frontière pour solliciter la libération du père et de la mère au nom de l’#intérêt_supérieur_des_enfants de ne pas être séparés de leur famille, il n’a obtenu celle-ci qu’au prix d’une audition par un officier de police judiciaire, après avoir été fallacieusement accusé d’#aide_à_l’entrée_irrégulière_sur_le_territoire, #délit puni de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

      Dans les jours qui ont suivi ces deux épisodes, tous les maraudeurs ont fait l’objet d’un #harcèlement non justifié des #forces_de_l’ordre, avec jusqu’à six contrôles et trois #contraventions par personne certains soirs.

      Tous les policiers et les gendarmes n’adhèrent pas à ces pratiques. Certains vont jusqu’à féliciter les maraudeurs pour leurs actions. Ils sont d’autant plus légitimes à le faire qu’au nom de la lutte contre l’immigration irrégulière le gouvernement viole les #droits_humains, lorsque ses agents insultent, volent et frappent des exilés, comme des décisions judiciaires l’ont établi, et qu’il enfreint la législation lorsque les exilés ne sont pas autorisés à demander l’asile à la frontière. Parfois, les mineurs non accompagnés se voient refoulés, ce que condamne la justice.

      On aboutit à cette double contradiction : garant de la loi, l’Etat y contrevient au moment même où il sanctionne celles et ceux venus lui demander sa protection ; promoteur des valeurs de la République, il punit celles et ceux qui se réclament de la fraternité. Ces violations des droits humains et ces infractions à la législation contribuent à la crise humanitaire, sécuritaire et sanitaire, contre laquelle le devoir éthique de tout citoyen est d’agir, comme nous le faisons, pacifiquement et dans le strict respect de la loi.

      Didier Fassin est professeur à l’Institut d’études avancées de Princeton et titulaire de la chaire annuelle « santé publique » au Collège de France ; Alfred Spira est professeur honoraire de santé publique à la faculté de médecine de Paris-Saclay et membre de l’Académie nationale de médecine. Tous deux sont occasionnellement maraudeurs bénévoles pour l’association Médecins du monde.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/28/a-la-frontiere-franco-italienne-l-etat-commet-des-violations-quotidiennes-de
      #nuit #hiver #efficacité #proportionnalité #inefficacité

  • À quelques heures de l’allocution d’Emmanuel Macron – très attendue notamment sur le thème des violences policières et du racisme –, nous publions ici la lettre ouverte au président de la République du sociologue Éric Fassin.

    TRIBUNE. Le régime de la peur - regards.fr
    http://www.regards.fr/idees-culture/article/tribune-le-regime-de-la-peur

    Alors que, partout dans le monde, les mobilisations se multiplient contre le racisme et les violences policières, vous tenez à dire qu’en France « le monde universitaire a été coupable. Il a encouragé l’ethnicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon. Or, le débouché ne peut être que sécessionniste. Cela revient à casser la République en deux. » Vous désignez des coupables, mais vous n’avez pas l’honnêteté de les nommer, ni le courage d’assumer vos propos, tenus « en privé »… pour être publiés dans Le Monde.

    Je fais partie de ce petit nombre d’universitaires qui étudient « l’intersectionnalité », concept que vous dénoncez sans rien y comprendre. Mais qu’importe votre ignorance ? Votre mépris du travail universitaire, il nous est familier – à l’heure où vous jugez urgent de relancer la LPPR qui s’emploie à démanteler la recherche par une politique du court terme.

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    >> LPPR : le monde universitaire se mobilise contre la « privatisation progressive de la recherche »

    Ce qui est inquiétant, c’est que vous reprenez la rhétorique d’extrême droite, relayée par des médias comme Le Point qui a cru bon, par exemple, d’accoler mon nom à ceux d’Éric Zemmour et Alain Soral en tête de « ces idéologues qui poussent à la guerre civile » (sic). L’anti-intellectualisme n’est-il pas au cœur du projet néofasciste aujourd’hui incarné par Jair Bolsonaro au Brésil et Donald Trump aux États-Unis ?

    • Monsieur le Président,

      Alors que, partout dans le monde, les mobilisations se multiplient contre le racisme et les violences policières, vous tenez à dire qu’en France « le #monde_universitaire a été coupable. Il a encouragé l’ethnicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon. Or, le débouché ne peut être que sécessionniste. Cela revient à casser la République en deux. » Vous désignez des coupables, mais vous n’avez pas l’honnêteté de les nommer, ni le courage d’assumer vos propos, tenus « en privé »… pour être publiés dans Le Monde.

      Je fais partie de ce petit nombre d’universitaires qui étudient « l’#intersectionnalité », concept que vous dénoncez sans rien y comprendre. Mais qu’importe votre #ignorance ? Votre #mépris du travail universitaire, il nous est familier – à l’heure où vous jugez urgent de relancer la #LPPR qui s’emploie à démanteler la recherche par une politique du court terme.

      Ce qui est inquiétant, c’est que vous reprenez la #rhétorique d’#extrême_droite, relayée par des médias comme Le Point qui a cru bon, par exemple, d’accoler mon nom à ceux d’#Eric_Zemmour et #Alain_Soral en tête de « ces idéologues qui poussent à la guerre civile » (sic). L’#anti-intellectualisme n’est-il pas au cœur du projet néofasciste aujourd’hui incarné par Jair Bolsonaro au Brésil et Donald Trump aux États-Unis ?

      C’est pourquoi vos propos contre des universitaires sont le révélateur de toute une #logique_politique. Votre refus d’un #savoir_critique participe en effet d’un double #déni. D’une part, vous voulez empêcher que l’on nomme les #violences_policières. Le 7 mars 2019, en pleine crise des gilets jaunes, vous déclariez ainsi : « Ne parlez pas de répression ou de violences policières, ces mots sont inacceptables dans un État de droit. » Pour vous, ce qui est intolérable, ce ne sont pas ces morts, ces yeux crevés, ces mutilations ; c’est le fait de les nommer. D’autre part, vous prétendez être « aveugle à la race », alors que vous l’êtes seulement au #racisme (pour reprendre le titre de mon texte de 2006 dans l’ouvrage que j’ai co-dirigé : De la question sociale à la question raciale ?). Dans un cas comme dans l’autre, vous rejetez le mot pour ne pas reconnaître la chose.

      Or il se trouve qu’aujourd’hui, en France, les racistes évitent le plus souvent de parler « des races » (au pluriel) : blanche, noire, juive… À Marion Maréchal, qui « refuse de s’excuser en tant que blanche » (oubliant que ce sont d’abord des Noirs, et non des Blancs, qui ont mis un genou à terre), Marine Le Pen peut ainsi faire la leçon en se drapant dans une rhétorique universaliste : « Se mettre sur un plan racial, c’est tomber dans un double piège. Celui des indigénistes, des racialistes, alors qu’il faut rester sur un plan républicain. C’est aussi tomber dans le piège de l’américanisation, alors que rien ne se construit, en France, en fonction de communautés. » Désormais, ce sont des antiracistes, universitaires ou militants, qui parlent de « la race » (au singulier), pour rendre visible le mécanisme social d’assignation à une place inférieure.

      Votre double déni est aujourd’hui poussé à l’absurde : la #racialisation de la « #question_sociale », elle résulte des #discriminations_raciales, et d’autant plus qu’elles sont cautionnées, voire encouragées par les pouvoirs publics. À défaut de lire les travaux des universitaires, écoutez au moins le Défenseur des droits, dont l’enquête a établi que le risque de contrôle policier est 20 fois plus élevé pour les jeunes hommes arabes ou noirs. Et vous ne pouvez pas ignorer non plus une autre institution de la République : la #justice. En 2015, lorsque la cour d’appel, confirmant la réalité des #contrôles_au_faciès, a condamné la France pour « faute lourde », en vue de se pourvoir en cassation, l’État a dû les justifier : arrêter des étrangers supposerait de contrôler des gens qui… ont l’air étranger. Autrement dit, pour l’État, il y a des Français qui en ont l’apparence, d’autres non. La condamnation définitive date de 2016 : depuis votre élection en 2017, qu’avez-vous fait contre les contrôles au faciès ? Sans parler des sanctions, où sont les récépissés ? En laissant faire, vous encouragez. Vous êtes responsable de ces discriminations, et donc de la racialisation de la société.

      Ce choix de l’#aveuglement dessine une politique visant à faire passer à marche forcée vos réformes néolibérales. En premier lieu, vous jouez sur la peur des électeurs, et surtout des plus âgés, qu’il s’agisse d’immigration ou d’ordre public : avec cette politique qu’on peut dire « insécuritaire », tant elle produit le sentiment d’#insécurité qu’elle prétend combattre, vous faites concurrence à l’extrême droite ; mais c’est elle qui en récoltera les bénéfices, et non vous qui prétendez faire barrage contre elle. Deuxièmement, avec la #répression brutale contre les #mouvements_sociaux, vous tentez d’instiller la #peur ; décourager ainsi de manifester, c’est une #politique_d’intimidation.

      Ce #régime_de_la_peur, il dit d’abord votre peur. Monsieur le Président, vous avez peur de votre jeunesse. Celle-ci n’est pas gagnée par le cynisme désabusé des élites médiatico-politiques, qui finissent par s’accommoder de tout et par accepter n’importe quoi ; elle est prête à se mobiliser pour des causes comme le racisme – quelle que soit sa couleur ou son origine. Mais au lieu d’entendre sa protestation contre la dérive anti-démocratique de votre régime, vous n’y voulez voir qu’un symptôme d’angoisse. Bref, vous tentez de la psychologiser pour mieux la dépolitiser.

      Et ce n’est pas tout. Monsieur le Président, vous avez peur de votre police. C’est que vous en avez besoin pour imposer votre politique. Tout le monde l’a bien compris lorsqu’à la veille des mobilisations contre la réforme des retraites, les forces de l’ordre ont obtenu d’être épargnées : elles conservent leur « régime spécial » pour mieux réprimer dans la rue l’opposition à un projet prétendument universel. Votre peur est incarnée par le ministre de l’Intérieur qui recule à chaque fois que les syndicats de policiers élèvent le ton. Le contraste avec la campagne médiatique lancée par le ministre de l’Éducation contre les professeurs « décrocheurs » est frappante : Christophe Castaner est le ministre des policiers ; à l’évidence, Jean-Michel Blanquer n’est pas celui des enseignants.

      Or les idées d’extrême droite sont aujourd’hui majoritaires parmi les forces de l’ordre. Pour se faire entendre, des policiers n’hésitent pas à participer à des manifestations illégales. Si celles-ci se multiplient, c’est qu’elles ne sont jamais sanctionnées ; sont-elles même interdites ? Ils se sentent en position de force – quitte à endosser la posture de victimes. La ministre de la Justice elle-même s’abstient de condamner des consignes syndicales contraires à la loi : « Non, c’est pas légal ; mais la question n’est pas celle-là ! », s’agace Nicole Belloubet. Au contraire, elle réaffirme avoir « parfaitement confiance dans la #police_républicaine ». Autrement dit, la police est au-dessus des lois. On ne saurait être plus clair. Vous avez peur de la jeunesse, et vous la réprimez ; vous avez peur de la police, et vous capitulez. Votre régime de la peur fait peur pour la #démocratie ; c’est un régime inquiétant.

      Monsieur le Président, dans quelques heures, vous allez prendre la parole ; sans doute aborderez-vous ces questions. Pour ma part, je ne perdrai pourtant pas mon temps à vous écouter. En effet, ce qui m’importe, ce ne sont pas vos discours ; ce sont vos actes. Vous serez jugé sur les choses, et non sur les mots, tant par les électeurs que par l’Histoire. Prenez garde : à force d’acclimater politiquement ses idées et ses pratiques, sous prétexte d’y résister, vous pourriez bien rester comme le fourrier du #néofascisme.

      #Macron #peur #régime_de_la_peur #université #Didier_Fassin #intersectionnalité #culpabilité #France #ethnicisation #tribune #responsabilité

      –-

      voir aussi :
      https://seenthis.net/messages/860428

  • Les universitaires auraient brisé la France en deux. Ou comment le président-philosophe développe une thèse zemmouriste, Zemmour qui ne cesse de clamer combien « Paris 8 domine la France ! » Macron n’est pas resté 45 minutes au téléphone avec lui pour rien.
    https://www.lesinrocks.com/2020/06/11/actualite/societe/macron-juge-le-monde-universitaire-coupable-davoir-casse-la-republique-e

    Selon lui, “le monde universitaire a été coupable. Il a encouragé l’ethnicisation de la question sociale en pensant que c’était un bon filon. Or, le débouché ne peut être que sécessionniste. Cela revient à casser la République en deux”.

    Des propos qui ont rapidement suscité l’indignation auprès des premier·es concerné·es. Sur Twitter, beaucoup de sociologues notamment, ont exprimé leur colère face à ce discours, les accusant d’avoir pensé trouver “un bon filon” dans leurs analyses des manifestations actuelles et du racisme en France.

  • « Avec le coronavirus, notre vision du monde s’est rétrécie comme jamais » - Didier Fassin
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/24/didier-fassin-avec-le-coronavirus-notre-vision-du-monde-s-est-retrecie-comme

    Alors que la crise sanitaire est un phénomène qui touche l’ensemble de la planète, l’anthropologue pointe, dans un entretien au « Monde », la myopie des médias et des politiques qui ont focalisé leur attention sur notre relation à la pandémie.

    Anthropologue, sociologue et médecin, Didier Fassin est professeur à l’Institut d’étude avancée de Princeton et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il est titulaire de la chaire annuelle de santé publique au Collège de France. Ses recherches ont été conduites dans plusieurs pays, notamment en Equateur sur la mortalité maternelle, en Afrique du Sud sur le sida, récemment aux Etats-Unis et en France sur la police, la justice et la prison. Récipiendaire en 2016 de la médaille d’or de l’anthropologie à l’Académie royale des sciences de Suède, il a été, en 2018, le premier chercheur en sciences sociales à recevoir la Nomis Distinguished Scientist Award.
    Ancien vice-président de Médecins sans frontières, il préside aujourd’hui le Comité pour la santé des exilés (Comede). Il a codirigé l’ouvrage Santé publique. L’Etat des savoirs, à La Découverte, et il est aussil’auteur, aux éditions du Seuil, de La Vie. Mode d’emploi critique (2018) et de Mort d’un voyageur. Une contre-enquête (2020).

    La plupart des gouvernements du monde ont choisi de mettre en œuvre des mesures draconiennes sans précédent pour éviter la progression de l’infection. Quel sens donner à ce choix ?

    Il faut noter que les mesures ont été d’autant plus draconiennes que les pouvoirs publics n’étaient pas préparés et que leurs réponses ont été tardives. On a alors fait rattraper aux citoyens le temps perdu par leurs gouvernants, et on a remplacé la prévention défaillante par une forme de police sanitaire avec un confinement rigoureusement contrôlé. C’est dans ces pays que l’interruption de l’activité économique et sociale a, en général, été la plus brutale et la plus radicale. Mais même là où l’épidémie a été mieux gérée, il y a eu une cessation de cette activité.

    Le phénomène est sans précédent. Il se paie d’un double sacrifice. Il y a d’abord une suspension partielle, et variable selon les contextes, de l’Etat de droit, qui va bien plus loin que les restrictions à la circulation, puisqu’elle touche l’équilibre entre les pouvoirs, la possibilité de manifester ou même de protester, le simple droit à mourir dans la dignité. Il y a ensuite une crise économique et sociale, qui se traduit par une récession, une montée du chômage, une austérité à venir et un très probable accroissement des inégalités qui vont laisser des traces d’autant plus profondes que les économies étaient fragiles et que l’Etat social était réduit.

    Or ce double sacrifice n’a qu’une raison d’être : sauver des vies, ou ce qui revient au même ici, éviter des morts. C’est une politique humanitaire. Conduite à l’échelle de la planète avec un coût aussi élevé, elle n’a pas d’équivalent dans l’histoire. Elle révèle la valeur supérieure accordée par nos sociétés à la vie, entendue comme vie simplement physique, ou même biologique. Que nous soyons prêts à tant de renoncements, imposés du reste de façon très inégale, devrait questionner.

    Dans « La Vie Mode d’emploi critique », vous vous demandez justement si toutes les vies ont la même valeur. Est-ce le cas dans le contexte présent ?

    Il est évident que non. On l’a vu avec la lenteur à réagir et, dans certains pays, l’absence même de réaction par rapport aux populations carcérales qui, dans de nombreuses prisons surpeuplées, se sont trouvées directement exposées au virus, de même que les surveillants qui en étaient souvent les vecteurs. L’empressement à protéger les vies des communs des mortels n’incluait pas les personnes détenues, comme si elles étaient moralement dépréciées, alors même que celles qui étaient les plus à risque, dans les institutions de court séjour comme nos maisons d’arrêt, étaient soit prévenues, donc présumées innocentes dans l’attente de leur jugement, soit condamnées, mais à des peines courtes pour des délits mineurs. Pourtant, il a fallu des mobilisations et des interventions fortes pour vaincre l’immobilisme des administrations et la réticence des politiques, et obtenir, ici ou là, des libérations anticipées, souvent en nombre insuffisant.

    On pourrait aussi évoquer les étrangers sans titre de séjour, voire les demandeurs d’asile, qu’on enferme dans des centres ou des camps sur les territoires nationaux ou dans des no man’s lands aux frontières. Les conditions d’entassement et d’insalubrité de ces sites rendent leurs occupants particulièrement vulnérables aux infections. Là encore, certains pays ont réduit le nombre de ces confinés de force dont le seul délit est de n’avoir pas de papiers, ou simplement d’attendre une décision concernant leur statut, mais sans aller jusqu’à fermer temporairement ces lieux dangereux.

    Qu’on ne considère pas indispensable de préserver ces vies montre qu’elles sont de moindre valeur. Il en est de même de celles des travailleurs migrants, dont beaucoup ont dû assurer sans protection des fonctions vitales pendant le confinement, et parmi lesquels certains, sans papiers, craignent de se faire tester ou soigner et ne peuvent pas compter sur un geste de reconnaissance des gouvernants.

    Les médias et les politiques se sont-ils trop focalisés sur la pandémie ?

    Nous nous sommes collectivement laissés entraîner dans une sorte de maelström présentiste et autocentré. Nous avons vécu au jour le jour l’aventure du coronavirus, nous racontant nos expériences du confinement, nos difficultés à rester à la maison, nos manières de nous occuper, entre amis, sur les chaînes de radio et de télévision, avec des responsables de la santé venant chaque soir nous entonner l’antienne des données épidémiologiques et des mesures à respecter.
    Nous avons eu l’impression, entretenue par les médias et les politiques, que la seule chose digne d’intérêt dans le monde était notre relation à la pandémie. Nous nous sommes donné des héros, les soignants, que nous avons applaudis. Nous avons élevé des statues aux Anthony Fauci, immunologue aux Etats-Unis, ou Anders Tegnell, épidémiologiste en chef de l’Agence de la santé publique suédoise.
    Mais pendant deux mois, nous n’avons pas entendu parler des guerres en Syrie et au Yémen, des famines annoncées en Afghanistan et au Congo, des musulmans réprimés en Inde, des Palestiniens agressés par des colons israéliens en Cisjordanie, des Rohingyas qui se noient dans le golfe du Bengale et des Ouïghours qu’on rééduque en Chine. Même les Africains périssent en Méditerranée, non secourus, à l’abri des regards.

    De ce qui se passe sur la planète ne nous intéresse que ce qui nous parle du coronavirus, c’est-à-dire de nous. Toute l’économie de notre attention est absorbée. C’est là un remarquable paradoxe : au moment où un phénomène global touche l’ensemble de la planète, notre vision du monde s’est rétrécie comme jamais. Nous sommes devenus myopes.

    Cette myopie ne risque-t-elle pas de nous rendre le futur plus flou également, alors que l’on ne cesse d’imaginer « le monde d’après » ?

    On le constate sur un point précis : les conséquences délétères de la crise. Je pense aux vies perdues, c’est-à-dire aux morts, et aux vies gâchées, à cause des faillites d’entreprises, des pertes d’emploi, des expulsions de logement, des marques de la pauvreté. Des études récentes aux Etats-Unis ont montré que la récession de 2008 et 2009 s’était accompagnée d’un recul de l’espérance de vie, en grande partie due à une forte augmentation de la mortalité des adultes entre 25 et 64 ans.

    Dans les années qui viennent, les démographes et les épidémiologistes produiront des statistiques dans différents pays montrant des phénomènes comparables, peut-être plus intenses encore car la récession est plus profonde. Mais nous n’aurons pas le directeur général de la santé égrenant chaque soir les statistiques de l’excès de mortalité par suicide ou accident vasculaire cérébral, et nous n’aurons pas le président de la République déclarant à la télévision que nous sommes en guerre contre les inégalités et qu’il nous faut plus de justice sociale. Ces vies perdues et ces vies gâchées, personne, ou presque, ne les pleurera. Et nous ne verrons pas de statisticien mettre ces vies en regard de celles qu’on pensera avoir épargnées.

    Précisément, que savons-nous de ces vies épargnées ? Que disent les projections ?

    Nous ne savons pas et ne saurons jamais combien de vies ont été épargnées grâce aux mesures prises. Pas plus que nous n’avons et n’aurons jamais l’idée de combien de personnes sont décédées du fait de l’absence de préparation des autorités et de leurs erreurs dans la réponse initiale. La question des prédictions est cependant passionnante parce qu’elle ouvre sur la gestion de l’incertitude.
    Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), principale institution de santé publique aux Etats-Unis, dénombrent une douzaine de modèles principaux développés dans autant d’institutions de recherche nord-américaines et européennes. Leurs résultats, même à des échéances très courtes, sont extraordinairement différents, variant du simple au quadruple. Dans ces conditions, pour des décideurs et pour celles et ceux qui les conseillent, le choix entre ces modèles est crucial, mais opaque.

    La Maison Blanche s’est surtout appuyée sur l’Institute for Health Metrics and Evaluation, financé par la Fondation Bill and Melinda Gates, qui donnait les projections les plus optimistes (fin mars, il prévoyait 81 000 morts aux Etats-Unis d’ici à juillet). L’Elysée a suivi les avis de son Conseil scientifique qui s’est notamment servi des calculs de l’Imperial College, dont les prédictions étaient les plus sombres (mi-mars, un scénario évoquait jusqu’à 500 000 décès en France en l’absence de mesures).

    Il y aurait ainsi une épistémologie politique à faire pour comprendre la manière dont, dans ce contexte d’incertitude, certains modèles ont été adoptés plutôt que d’autres. Une fois le choix fait, on s’est tenu à une vérité, comme si la croyance devait l’emporter sur le doute scientifique, et cette vérité a servi à justifier les décisions prises : relâchement précoce pour les uns, discipline stricte pour les autres.

    Le débat, en France, n’a-t-il pas été principalement de nature médicale au détriment de la santé publique ?

    Les autorités sanitaires n’ont pas entendu l’avis de pandémie annoncée que leur donnaient depuis plusieurs années les experts. Lorsqu’elles ont réalisé la gravité du problème, elles se sont tournées vers les cliniciens et les biologistes, ce qui se comprend car il y avait urgence à prendre en charge les cas dont le nombre augmentait très vite. Mais pour utiliser un langage sociologique, le cadrage du problème a été médical.

    On a parlé lits de réanimation, on a fait la « une » des médias avec des transferts de malades en train ou avion, on a eu comme nulle part ailleurs un interminable débat sur l’hydroxychloroquine. En revanche, on a négligé le dépistage par les tests, la protection par les masques, l’isolement des malades, la recherche des contacts, et les responsables sanitaires ont même expliqué l’inutilité des tests et des masques, qui sont pourtant désormais nos principales armes de prévention.
    Les outils théoriques et pratiques de la santé publique n’ont guère été mobilisés. Ils avaient d’ailleurs été délaissés depuis plusieurs années, et le principe de précaution, qui supposait notamment une capacité de production nationale pour les tests et le maintien de stocks pour les masques, avait été remplacé par une logique managériale visant à faire des économies par les délocalisations et le flux tendu. La même chose s’est passée pour certains médicaments essentiels.

  • Didier Fassin : « Ce n’est pas d’en haut qu’il faut espérer du changement » - Page 1 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/220320/didier-fassin-ce-n-est-pas-d-en-haut-qu-il-faut-esperer-du-changement

    #Didier_Fassin, #médecin et #sociologue, professeur à Princeton et au Collège de France, compare la situation en France et aux États-Unis face à l’épidémie de coronavirus. La #crise actuelle peut-elle faire espérer un changement réel ?

    Didier Fassin est médecin, sociologue et anthropologue. Il est professeur à l’Institute for Advanced Study de Princeton et titulaire de la chaire annuelle de Santé publique du Collège de France, également directeur d’études à l’#EHESS. Il est notamment l’auteur de La Vie – Mode d’emploi critique et de Mort d’un voyageur – Une contre-enquête, tous deux publiés au Seuil. Entretien sur la #gouvernementalité par temps de crise, la situation comparée des deux côtés de l’Atlantique et ce que pourrait être le monde d’après.

    Comment le médecin et sociologue ayant étudié les manières de gouverner regarde la réaction gouvernementale à l’épidémie de coronavirus ?

    Didier Fassin : L’épidémie de Covid-19 n’a pas d’équivalent dans l’histoire mondiale depuis plus d’un siècle, et les récentes épidémies d’autres coronavirus, notamment le SRAS en 2002 et le MERS en 2012, avaient été très limitées, ne laissant pas entrevoir la diffusion actuelle du Covid-19. Dans ces conditions, il n’est pas complètement étonnant qu’on n’ait pas immédiatement pris la mesure du problème.

    Didier Fassin en 2016. © DR
    Néanmoins, de nombreux spécialistes des maladies émergentes avaient prévu qu’après les alertes des grippes aviaire et porcine et des infections aux virus Zika et Ebola, une pandémie de grande ampleur finirait par se produire, et les experts de santé publique travaillent depuis longtemps sur ce qu’on appelle en anglais « health preparedness », c’est-à-dire la réponse à une crise sanitaire majeure en contexte d’incertitude.
    Or, il faut se rendre à l’évidence avec le sociologue Andrew Lakoff, qui a étudié plusieurs crises de ce type aux États-Unis : ce qui caractérise les dispositifs en place pour faire face à ces menaces, c’est d’être, comme l’indique le titre de son livre, « unprepared ». Les réactions disparates et désordonnées de la plupart des gouvernements au niveau mondial, de même que l’absence de tests et de masques dans la quasi-totalité des pays, montrent qu’il y a une grande impréparation.

    De plus, les modèles mathématiques fournissent des projections tellement variées qu’elles ne sont que d’une aide limitée – on parlait d’un million de cas de fièvre Ebola, il y en a eu 29 000 – et les solutions proposées par la santé publique ne diffèrent guère de celles mises en œuvre contre la peste au XIVe siècle et contre le choléra au XIXe siècle. Au moins en attendant un éventuel traitement ou vaccin.

    En résumé, il est finalement remarquable que la réponse des États à la crise du Covid-19 se résume aujourd’hui à une police sanitaire appliquée avec plus ou moins de rigueur dans un contexte de pénurie de moyens.

    En situation de crise et de peur, on voit une tension se développer entre sécurité et liberté. L’équilibre vous semble-t-il aujourd’hui respecté ? Et que vous inspire cette notion d’« état d’urgence sanitaire » ?

    Du point de vue du rapport entre sécurité et liberté, le vrai basculement est intervenu il y a quelques années avec l’état d’urgence mis en place après les attentats de Paris en 2015, puis sans cesse renouvelé pendant deux ans. Le basculement a eu deux composantes.

    La première dimension, émotionnelle, correspond à la phase initiale, en novembre 2015 : le peuple et ses représentants ont ressenti un profond désir d’état d’urgence en pensant qu’il était normal de sacrifier la liberté pour plus de sécurité. En fait, les enquêtes parlementaires ont montré que rien n’avait été gagné en sécurité, mais qu’on avait beaucoup perdu en liberté.

    La seconde dimension, légale, correspond paradoxalement à la fin de l’état d’urgence, le 1er novembre 2017 : deux jours avant, le président de la République a en effet fait voter une loi qui a inscrit dans le droit ordinaire les principales prérogatives de l’état d’urgence. Cette loi s’ajoute à d’autres votées avant et après elle qui donnent plus de pouvoirs et moins de limites aux forces de l’ordre, et on en a vu les conséquences avec la violence de la répression des manifestations depuis lors, notamment contre les « gilets jaunes ».

    L’état d’urgence sanitaire me semble, dans ces conditions, relever plutôt d’un geste performatif, destiné à montrer que le gouvernement veut se donner tous les moyens d’agir. Ce n’est évidemment pas exclusif d’abus de pouvoir et d’excès d’usage de la force par la police contre certains publics qui sont sa cible habituelle, mais je ne crois pas que cela change beaucoup la donne du point de vue de la santé publique. Cela étant, il importe de rester collectivement vigilants sur les atteintes possibles, voire durables, aux libertés publiques.

    Vous êtes professeur à l’Institute for Advanced Study de Princeton et au Collège de France. Comment regardez-vous les façons de réagir au coronavirus des deux côtés de l’Atlantique ?

    Si la France a réagi lentement à l’#épidémie, en ne tirant pas profit de ce qui s’était passé en Chine et de ce qui s’annonçait en Italie, elle a fini par prendre le problème à bras-le-corps, alors que les États-Unis n’ont toujours pas pris la mesure de la situation deux mois après leurs premiers cas. Il y a au moins deux grandes différences entre les deux pays.

    La première tient à la confiance dans la #science, qui est affirmée dans le cas français, même si cette affirmation vient après des années de coupes budgétaires dans le domaine de la recherche, alors qu’elle est contestée et dénigrée par le gouvernement états-unien, qui s’est illustré par un déni presque systématique des grands problèmes de notre temps, à commencer par le #réchauffement_climatique.

    Le président des États-Unis a d’abord affirmé que la gravité du Covid-19 était une invention des démocrates pour le déstabiliser, puis a déclaré que des cas existaient bien mais que l’infection était bénigne, que l’épidémie était sous contrôle et qu’elle allait même disparaître comme par miracle, selon ses termes. Il a ensuite répété que les tests et les masques étaient disponibles quand les médecins ne disposaient ni des uns pour confirmer les cas ni des autres pour se protéger, et il essaie maintenant de faire croire au public qu’un traitement efficace a été découvert et va être distribué, en référence à l’hydroxychloroquine, pour laquelle n’existe aucun essai clinique reconnu. Le chef de l’État français s’est au contraire maintes fois réclamé des scientifiques pour prendre ses décisions, y compris celle, très controversée, de maintenir le premier tour des élections municipales.
    Dans les deux pays, cependant, on observe les mêmes stratagèmes de dissimulation de la vérité. Ainsi, on prétend que les tests sont nécessaires seulement pour les patients les plus graves, alors qu’il serait essentiel de pouvoir tester tous les cas suspects pour d’évidentes raisons épidémiologiques et médicales, et on affirme que les masques doivent être réservés à certains professionnels, quand toutes celles et tous ceux qui sont en contact avec des malades devraient pouvoir en bénéficier.

    La seconde différence importante concerne l’organisation politique et administrative de chaque pays. Les États-Unis ont une multitude de niveaux de décision – État fédéral, États, comtés, municipalités –, sans autorité hiérarchique. Par exemple, le maire de Los Angeles a décrété il y a quelques jours le confinement non autoritaire de ses administrés. Puis le gouverneur de la Californie en a fait de même pour ses 40 millions de résidents. Il a été suivi le lendemain par le gouverneur de l’État de New York. Mais à la date du 20 mars, aucun autre État n’a pris cette décision. Quant au président, il continue de diffuser des nouvelles inexactes, de faire des déclarations sans lien avec la réalité et de s’abstenir de toute injonction forte. Dans une certaine mesure, compte tenu de l’impéritie catastrophique des autorités fédérales, il est probablement préférable qu’elles ne soient pas en charge, mais on comprend que ce système génère une hétérogénéité complète des décisions.

    À l’opposé, la France jacobine et centralisée peut mettre en place une réponse plus homogène sur l’ensemble du territoire, et ce que décide le gouvernement peut être appliqué partout. Cela ne garantit évidemment pas que cela le soit de la même façon sur l’ensemble du territoire. Les forces de l’ordre manifestent plus de zèle dans les quartiers populaires que dans les quartiers résidentiels. On peut faire son jogging ou promener son chien dans le centre de Paris où elles sont absentes, mais on se fait contrôler et sanctionner si on est dehors en Seine-Saint-Denis, où elles patrouillent régulièrement.

    Vous affirmez dans une récente tribune pour le site AOC que les États-Unis produisent les conditions de possibilité d’une progression massive de l’épidémie parmi les plus vulnérables. En quoi ?

    Il y a 2,2 millions de personnes dans l’ensemble du #système_carcéral, ce qui inclut les prisons fédérales, les prisons des 50 États et les prisons locales, qu’on appelle des jails. Dans ces dernières, qui regroupent des prévenus en attente de leur jugement qui n’ont pas pu payer leur caution et des condamnés à de courtes peines pour des délits mineurs, les détenus sont regroupés dans des dortoirs de taille variable, pouvant compter jusqu’à une soixantaine de prisonniers, avec des lits superposés séparés par moins d’un mètre. Sachant que plus de 10 millions de personnes entrent dans ces jails chaque année, il est facile d’imaginer combien le coronavirus peut y pénétrer facilement et se disséminer rapidement. Les prisonniers de longue peine sont bien sûr eux aussi exposés à ce risque.

    51dj-ppzsslIl y a également en moyenne, quotidiennement, 50 000 étrangers dans les centres de rétention. Le nombre de celles et ceux qui passent dans ces centres est de 500 000. Les conditions d’enfermement et d’entassement ont été maintes fois dénoncées par les organisations de droits humains. S’ajoutent à ces chiffres les milliers de demandeurs d’asile qui se trouvent dans des camps de fortune de l’autre côté de la frontière sud du pays, au Mexique, interdits d’entrer pour déposer leur dossier, en violation de la Convention de Genève de 1951.
    Quant aux 11 millions de personnes en situation irrégulière dans le pays, on devine aisément que les rafles qui se sont multipliées depuis trois ans ne les inciteront pas à se rendre à l’hôpital pour demander des tests ou des soins si elles sont malades, ce qui facilitera l’extension de l’épidémie.

    Il faudrait aussi considérer les 500 000 personnes sans domicile fixe, plus ou moins abritées dans des refuges où les risques de contamination sont élevés.

    Est-ce si différent en France quand on voit le sort aujourd’hui réservé aux détenus et aux retenus ?

    Évidemment, les ordres de grandeur sont totalement différents. Avec 70 000 personnes détenues, la France a 30 fois moins de prisonniers, qui sont à deux ou trois dans des cellules de neuf mètres carrés prévues pour une personne. Avec 45 000 étrangers passant dans des centres de rétention chaque année, elle enferme 11 fois moins de personnes considérées comme en situation irrégulière, mais dans des conditions souvent médiocres. Les chiffres sont donc différents, mais les risques sont identiques, quoique avec une gravité moindre. Et ces risques portent non seulement sur les détenus et les retenus, mais aussi sur les personnels.

    Une différence importante entre les deux pays est toutefois qu’en France une mobilisation s’est faite pour demander la libération des détenus en surnombre, puisque l’État ne respecte pas la loi concernant l’encellulement individuel, et exiger l’évacuation totale des centres de rétention, puisque l’arrêt des vols empêche les reconduites à la frontière. Des syndicats de magistrats et d’avocats, des organisations non gouvernementales, des chercheurs en sciences sociales, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et d’autres se sont manifestés par des tribunes, des pétitions et des communiqués de presse, que les médias ont relayés. Le résultat est que des mesures, certes encore limitées, ont été prises pour libérer des détenus et des retenus. Rien de tout cela aux États-Unis. C’est comme si ces millions de personnes ne comptaient pas, malgré le danger que les autorités leur font courir.

    À cet égard, le chef de l’État et le gouvernement français devront être tenus comptables de leur passivité dans ce domaine et de ses conséquences. Il est choquant d’entendre le ministre de l’intérieur s’indigner que certains Français sortent de leur domicile, en les traitant d’imbéciles, ce qui est au demeurant un langage indigne de sa fonction, et en les menaçant de poursuites, quand ni lui ni ses collègues ne font le nécessaire pour protéger les populations exposées. Le plus absurde étant de voir les forces de l’ordre verbaliser des sans domicile fixe parce qu’ils sont dans la rue. On ne peut pas en appeler à la responsabilité des Français alors que le chef de l’État et le gouvernement n’assument pas les leurs.

    Même si on a du mal à y penser alors que le pic n’est pas passé, le propre d’une épidémie est d’avoir une fin. Comment cela se passe-t-il après en général ? Y a-t-il retour à la normale, au business as usual ? Peut-on espérer des évolutions sociales allant dans le bon sens ou doit-on craindre de nouveaux raidissements politiques ou des fuites en avant économiques ?

    C’est le vrai défi de l’après-crise, mais la manière dont les États y feront face est vraiment difficile à prévoir. De nombreux pays, dont la France, ont montré des insuffisances dans leur réponse à la situation, même s’il faut reconnaître la difficulté à agir dans un tel contexte d’incertitude. Le manque de tests a fait prendre un retard important dans le contrôle de la progression. La déficience de protection pour les personnes exposées a favorisé les contaminations, y compris dans le personnel soignant. Les mesures de police sanitaire ont été mises en œuvre tardivement et contradictoirement.

    De manière plus structurelle, la réduction des lits dans les hôpitaux qui, tous les ans au moment de la grippe saisonnière, mais aussi à l’occasion de chaque situation critique comme les fortes canicules, met les urgences et les services de médecine en difficulté, s’avère particulièrement dommageable en raison de la gravité du Covid-19 chez certains malades. Quant aux restrictions imposées aux budgets de recherche, et surtout leur déplacement d’une logique de laboratoire vers une logique de projets, privant les chercheurs d’une continuité de leurs travaux, il est difficile de penser qu’ils ne retentissent pas sur la production des chercheurs.
    Le président de la République a juré qu’on ne l’y prendrait plus, qu’il avait compris que certains biens étaient communs, et qu’il donnerait dorénavant des moyens aux hôpitaux et à la recherche. Nous verrons si les leçons du Covid-19 ont été retenues. Ce qui s’est produit après la crise financière de 2008 au plan international ne rend pas très optimiste sur la manière dont les promesses faites au plus fort d’une crise sont tenues une fois qu’elle est passée.

    Mais il est possible que le caractère inattendu de la crise présente et ses conséquences sans précédent du point de vue de la vie en société aient un effet plus profond et plus durable que cela n’a été le cas pour d’autres, et ce bien au-delà de la seule dimension sanitaire. Dans cette hypothèse, ce n’est cependant pas d’en haut, c’est-à-dire du chef de l’État ou du gouvernement, qu’il faut espérer du changement, car on a déjà l’expérience des discours sans lendemain. C’est de la société elle-même, de toutes celles et de tous ceux qui se rendent compte que le monde qu’on leur fait n’est pas celui qu’elles et ils veulent laisser à leurs enfants.

  • Nommer la violence d’Etat - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2020/01/28/nommer-la-violence-d-etat_1775798
    #didier_fassin

    En refusant de reconnaître la #banalité et la #gravité des #violences_policières sur l’ensemble de la société, les #autorités de l’Etat se rendent de facto #complices des #exactions des #forces_de_l’ordre.

    Jusqu’à récemment, on avait pu ignorer cette #violence_d’Etat car elle frappait essentiellement les #quartiers_populaires et leurs habitants, pour la plupart d’origine immigrée, auxquels elle imposait un #traitement_d’exception. Désormais, on ne le peut plus guère, car elle s’abat sur l’ensemble de la société, ou tout au moins sur celles et ceux qui protestent contre la politique conduite par un #gouvernement qui, par faiblesse autant que par arrogance, croit que l’autoritarisme peut pallier sa perte d’#autorité. Hier atteinte aux droits de certains, elle est aujourd’hui atteinte aux droits de tous.

  • Le macronisme au pouvoir (3/3) : pouvoir fort ou pouvoir faible ?
    https://www.mediapart.fr/journal/france/150418/le-macronisme-au-pouvoir-33-pouvoir-fort-ou-pouvoir-faible

    Emmanuel Macron. © Reuters L’hyper-président Macron bombe le torse à l’international, ne craint pas d’affronter « en même temps » les étudiants, les cheminots et les écolos, et met en scène son pouvoir « jupitérien ». Mais après un an à l’Élysée, a-t-on affaire à nouveau type de chef d’État ou à un colosse aux pieds d’argile ? Dernier volet de notre enquête.

    #France #Culture-Idées #Alain_Garrigou #Antoine_Vauchez #Didier_Fassin #Dominique_Rousseau #Emmanuel_Macron #Frédéric_Sawicki #Gérard_Bras #Nicolas_Roussellier #Olivier_Mongin #Pierre_Birnbaum #Pierre_Rosanvallon #Sandra_Laugier

  • Le macronisme au pouvoir : une démocratie exsangue
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/130418/le-macronisme-au-pouvoir-une-democratie-exsangue

    Le constat de crise de la démocratie représentative est largement partagé. Mais plutôt que de l’affronter pour tenter de la résoudre, Macron pense pouvoir la contourner en misant sur un autoritarisme technocratique, passant outre l’esprit des lois et les réalités de la société. Deuxième volet de notre enquête.

    #Culture-Idées #Chantal_Mouffe #David_Van_Reybrouck #Didier_Fassin #Dominique_Rousseau #Emmanuel_Macron #Florent_Guénard #Frédéric_Sawicki #Gérard_Bras #Nicolas_Roussellier #Pierre_Rosanvallon #Sandra_Laugier

  • Le macronisme au pouvoir : anatomie d’une présidence
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/100418/le-macronisme-au-pouvoir-anatomie-d-une-presidence

    Emmanuel Macron, 15 mars 2018. © Reuters Le « macronisme » a déjà été maintes fois scruté dans ses influences et sa trajectoire. Mais quelle pratique du pouvoir la première année de Macron à l’Élysée dessine-t-elle ? Comment les chercheurs qui travaillent sur l’État, la démocratie et le politique s’en saisissent-ils ? Enquête en trois volets.

    #Culture-Idées #Alain_Garrigou #Antoine_Vauchez #Chantal_Mouffe #David_Graeber #David_Van_Reybrouck #Didier_Fassin #Dominique_Rousseau #Emmanuel_Macron #Frédéric_Sawicki #Gérard_Bras #Nicolas_Roussellier #Pierre_Birnbaum #Pierre_Rosanvallon #Sandra_Laugier

  • « La Vie : mode d’emploi critique » - entretien avec #Didier_Fassin - Nonfiction.fr le portail des livres et des idées

    https://www.nonfiction.fr/article-9244-la-vie-mode-demploi-critique-entretien-avec-didier-fassin.ht

    Didier Fassin vient de publier La Vie. Mode d’emploi critique, où il réfléchit à la manière de rendre compte du traitement inégal des vies humaines dans les sociétés contemporaines, à partir d’enquêtes de terrain qu’il a réalisées principalement en France et en Afrique du Sud et de concepts élaborés par des philosophes.

    Sa démarche, qui lie un travail sur les concepts et leur mise à l’épreuve à partir de situations vécues pour élaborer un cadre d’analyse qui permette d’en rendre compte, prend quelques libertés par rapport à ce en quoi consiste habituellement la discussion philosophique. En conséquence, sa pertinence doit s’évaluer en fonction de l’intérêt du cadre proposé pour décrire les situations évoquées ou d’autres situations comparables, mais également nous aider à nous positionner par rapport à celles-ci.

    Il a accepté de répondre aux questions de Nonfiction à l’occasion de la sortie de ce livre.

    #inégalités #société

  • #Didier_Fassin au chevet des « vies inégales »
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/100118/didier-fassin-au-chevet-des-vies-inegales

    Médecin devenu anthropologue, Didier Fassin se fait philosophe pour expliquer en quoi les inégalités sociales révèlent des « hiérarchies morales » donnant plus de valeur à certaines vies qu’à d’autres. Dans son ouvrage La #vie. Mode d’emploi critique, il montre que les formes de vies imposées à ceux qui ne comptent pour rien reflètent les « impasses » des démocraties contemporaines, « incapables de se hisser à la hauteur des principes qui fondent leur existence même ».

    #Culture-Idées #anthropologie #biopolitique #éthiques_de_la_vie #formes_de_vie #migrants #politiques_de_la_vie

    • Comment expliquer la dimension sexuelle des actes d’extrême violence subis par Théo ?

      Les violences exercées par les policiers dans les quartiers populaires à l’encontre notamment des jeunes d’origine immigrée sont de deux types. Physique : bousculades, coups, placages, étranglements. Et moral : vexations, propos abaissants, insultes dégradantes. L’agression sexuelle décrite par Théo associe les deux : il s’agit de meurtrir et d’humilier tout à la fois un jeune homme qui a osé protester contre un énième contrôle d’identité. C’est vouloir lui faire perdre sa virilité, ce que confirment les propos qui accompagnent les violences : on le traite de « salope » et de « fiotte », on plaisante sur son « anus qui saigne ». Les policiers croient affirmer leur masculinité en avilissant celle de Théo. Mais la dimension raciale et raciste est ici essentielle, comme le montre la qualification de « bamboula ». Car l’homme noir incarne la virilité. Qu’il réponde ou résiste, et il faut la lui faire perdre. Des actes de sadisme comme ceux d’Aulnay-sous-Bois sont rares, mais la volonté de blesser la masculinité de leur public est en revanche fréquente parmi les policiers(...)

      A l’évidence, le but des policiers dans ces quartiers n’est pas de maintenir l’ordre public mais d’imposer un ordre social. Il est de rappeler à chacun sa place, de signifier aux jeunes qu’ils peuvent se faire insulter, et de leur faire comprendre ce qu’il leur en coûterait s’ils répondaient. L’éducation civique qui leur est donnée vise à leur inculquer qu’ils résident dans des territoires de la République où l’état de droit n’existe que de façon très limitée. Comment pourraient-ils se rendre au commissariat pour déposer plainte pour insulte raciste ou traitement discriminatoire par des policiers ? Mais ce qui m’a frappé depuis l’épisode tragique d’Aulnay-sous-Bois, ce sont les courriers que j’ai reçus d’hommes et de femmes de ces quartiers.

      Les uns crient leur colère face aux exactions des policiers mais aussi face à l’impunité dont ils ne cessent de bénéficier de la part de leur institution et de la justice. Les autres disent leur désarroi, leur inquiétude et même leur peur, notamment pour leurs enfants. C’est que, depuis des décennies, aucun gouvernement n’a le courage de se confronter au problème d’une police dont les actes mettent quotidiennement en cause le contrat social et le pacte républicain. Au contraire, le pouvoir ne cesse de donner aux forces de l’ordre plus de prérogatives et moins de contrôle démocratique de leurs actions. La loi en préparation qui élargit les conditions d’utilisation de leur arme à feu même sans légitime défense en est la preuve la plus récente. Dans ce contexte, la dignité avec laquelle Théo a réagi à l’inqualifiable agression dont il a fait l’objet devrait faire réfléchir policiers et politiciens.

  • La passion de punir

    En #France et aux #Etats-Unis, jamais le taux d’#incarcération n’a été aussi élevé. Mais cela ne s’explique pas par une hausse de la #criminalité qui est en constant recul. Alors, pourquoi punit-on ? demande #Didier_Fassin dans un essai dérangeant

    https://www.letemps.ch/culture/2017/01/27/passion-punir
    #livre #prisons #punir

    Le livre :
    Punir. Une passion contemporaine

    Au cours des dernières décennies, la plupart des sociétés se sont faites plus répressives, leurs lois plus sévères, leurs juges plus inflexibles, et ceci sans lien direct avec l’évolution de la #délinquance et de la criminalité. Dans ce livre, qui met en œuvre une approche à la fois généalogique et ethnographique, Didier Fassin s’efforce de saisir les enjeux de ce moment punitif en repartant des fondements mêmes du #châtiment.
    Qu’est-ce que punir ? Pourquoi punit-on ? Qui punit-on ? À travers...


    http://www.seuil.com/ouvrage/punir-didier-fassin/9782021327083
    #répression

  • #Didier_Fassin : « L’usage excessif de la force policière traduit une perte d’autorité politique »
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/200716/didier-fassin-l-usage-excessif-de-la-force-policiere-traduit-une-perte-d-a

    Les manifestations contre la loi travail ou la mort d’un jeune homme interpellé à #Beaumont-sur-Oise ce mardi 19 juillet ont ravivé les critiques sur les pratiques policières. Aux #Etats-Unis, les assassinats de policiers, après les meurtres de jeunes hommes noirs, creusent les tensions ethniques. Entretien avec Didier Fassin, anthropologue spécialiste de la #Police, enseignant à Princeton.

    #Culture-Idées #Bâton-Rouge #Dallas #ordre_public #police_des_quartiers #sécurité_publique #violences_policières