• L’Europe doit mettre fin à la répression des défenseurs des droits humains qui aident les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants

    « Dans toute l’Europe, il est de plus en plus fréquent que des organisations et des individus soient harcelés, intimidés, victimes de violences ou considérés comme des délinquants simplement parce qu’ils contribuent à protéger les droits humains des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants. Les États européens doivent mettre fin à cette répression », a déclaré aujourd’hui la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, à l’occasion de la publication d’une Recommandation sur la situation des défenseurs des droits humains qui aident les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants en Europe.

    Cette Recommandation, intitulée Protéger les défenseurs : mettre fin à la répression des défenseurs des droits humains qui aident les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants en Europe, donne un aperçu des défis auxquels sont confrontés les défenseurs des droits humains et présente les mesures que les États membres du Conseil de l’Europe devraient prendre pour les protéger.

    Dans le contexte de politiques d’asile et de migration répressives, sécuritaires et militarisées, les États négligent de plus en plus leur obligation de veiller à ce que les défenseurs des droits humains puissent travailler dans un environnement sûr et favorable. En conséquence, de multiples formes de répression s’exercent sur les défenseurs qui participent à des opérations de sauvetage en mer, fournissent une aide humanitaire ou une assistance juridique, mènent des opérations de surveillance des frontières, assurent une couverture médiatique, mènent des activités de plaidoyer, engagent des procédures contentieuses, ou soutiennent par d’autres moyens encore les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants en Europe.

    La Recommandation examine les problèmes auxquels sont confrontés les défenseurs des droits humains, notamment :

    - des propos hostiles et stigmatisants tenus par des représentants gouvernementaux, des parlementaires et certains médias ;
    – des violences et des menaces, et le manque de réaction des autorités pour y répondre ;
    – la criminalisation du travail humanitaire ou de défense des droits humains mené auprès des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants, due à une application trop large des lois sur le trafic illicite de migrants ;
    – le refus d’accès à des lieux où il est essentiel d’assurer un suivi de la situation des droits humains ou de fournir une aide, tels que des centres de détention ou d’accueil ou des zones frontalières.

    « Les gouvernements européens devraient voir les défenseurs des droits humains comme des partenaires qui peuvent contribuer de manière déterminante à rendre les politiques d’asile et de migration plus efficaces et respectueuses des droits humains. Au lieu de cela, ils les traitent avec hostilité. Cette politique délibérée porte atteinte aux droits humains des acteurs de la société civile et des personnes auxquelles ils viennent en aide. Par extension, elle ronge le tissu démocratique des sociétés », a déclaré la Commissaire.

    Afin d’inverser cette tendance répressive, la Commissaire appelle à prendre d’urgence une série de mesures, dont les suivantes :

    - réformer les lois, politiques et pratiques qui entravent indûment les activités des défenseurs des droits humains ;
    – veiller à ce que les lois sur le trafic illicite de migrants ne confèrent le caractère d’infraction pénale à aucune activité de défense des droits humains ou d’aide humanitaire menée auprès des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants ;
    - lever les restrictions d’accès aux lieux et aux informations ;
    - mettre fin au discours stigmatisant et dénigrant ;
    - établir des procédures de sécurité efficaces pour les défenseurs confrontés à des violences ou à des menaces et veiller à ce que ces cas fassent l’objet d’enquêtes effectives.

    https://www.coe.int/en/web/commissioner/view/-/asset_publisher/ugj3i6qSEkhZ/content/id/264775174?_com_liferay_asset_publisher_web_portlet_AssetPublisherPortlet_INSTAN
    #criminalisation_de_la_solidarité #asile #migrations #réfugiés #solidarité #recommandation #conseil_de_l'Europe #répression #assistance_juridique #sauvetage #aide_humanitaire #violence #menaces #hostilité #droits_humains #rapport

  • #Naufrages de migrants: les règles entourant Frontex doivent changer (médiatrice)

    La #médiatrice_européenne a appelé mercredi à modifier les #règles rendant l’agence de l’UE chargée des frontières #Frontex dépendante des autorités nationales, afin d’éviter de nouveaux drames en mer.

    « Frontex a le devoir d’aider à secourir des vies en mer, mais il manque les outils pour cela », a déclaré la médiatrice européenne #Emily_O’Reilly lors de la présentation de son rapport.

    Elle a mené une enquête de sept mois sur le naufrage, les 13 et 14 juin 2023, de l’Adriana, un chalutier vétuste et surchargé qui était parti de Libye avec environ 750 personnes à bord.

    Seuls 104 survivants ont été secourus et 82 corps retrouvés après le naufrage.

    Cette enquête a montré que Frontex, qui apporte son aide aux autorités nationales, n’était pas en mesure de respecter pleinement les #obligations de l’UE en matière de #droits lors des opérations de #sauvetage_en_mer.

    Emily O’Reilly, dont le rôle est de demander des comptes aux institutions et agences de l’UE, a averti qu’à moins d’un changement, il est probable que « la tragédie d’Adriana se répétera ».

    Le drame s’est produit alors que la Grèce et l’Italie avaient renforcé leurs frontières pour éviter l’arrivée de migrants après d’importants flux en 2015-2016, et que l’UE travaillait à une refonte de ses règles concernant les demandeurs d’asile.

    Emily O’Reilly a exhorté Frontex à réfléchir à la question de « mettre fin, retirer ou suspendre ses activités » dans les Etats membres de l’UE où il existe des « craintes » que les autorités nationales limitent sa capacité à sauver des vies.

    « Il existe une tension évidente entre les obligations de Frontex en matière de #droits_fondamentaux et son devoir de soutenir les États membres dans le contrôle de la gestion des frontières », a-t-elle déclaré.

    Elle a également appelé le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil européen, qui représente les États membres de l’UE, à lancer une #commission_d’enquête indépendante sur la tragédie et le « grand nombre de morts en Méditerranée ».

    La Commission européenne a déclaré mercredi avoir « pris note » du rapport de la médiatrice. « Nous allons l’évaluer comme il se doit et y répondre de manière approfondie », a déclaré la porte-parole Anitta Hipper.

    Elle a souligné que les opérations de secours relevaient de la « compétence des États membres », c’est-à-dire que Frontex fonctionnait uniquement en soutien aux autorités nationales des pays de l’UE dans lesquels elle opère.

    https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/280224/naufrages-de-migrants-les-regles-entourant-frontex-doivent-changer-mediatr
    #mourir_en_mer #morts_en_mer

    • La Médiatrice appelle à modifier les règles de l’UE en matière de recherche et de sauvetage et à mener une enquête publique sur les décès en Méditerranée

      Une enquête du Médiateur européen sur le rôle de l’Agence de garde-frontières et de garde-côtes de l’UE (Frontex) dans les opérations de recherche et de sauvetage a montré que ses règles en vigueur la mettent dans l’incapacité de remplir pleinement ses obligations en matière de droits fondamentaux et la rendent trop dépendante des États membres pour intervenir lorsque des embarcations de migrants sont en détresse.

      L’enquête a été lancée par la Médiatrice européenne, Emily O’Reilly, à la suite de la tragédie de l’Adriana en juin 2023, provoquant la noyade de plus de 600 personnes au large des côtes grecques. Sur base des documents inspectés au cours de l’enquête, il a été noté que Frontex a proposé d’intervenir à quatre reprises auprès des autorités grecques pour assurer la surveillance aérienne de l’Adriana, mais n’a reçu aucune réponse. C’est l’application des règles en vigueur qui a empêché Frontex de se rendre sur le lieu du naufrage au moment le plus critique car elle n’avait pas encore obtenu l’autorisation des autorités grecques.

      En fait, Frontex s’est rendue deux fois sur le lieu du naufrage de l’Adriana : une première fois en le survolant rapidement en avion deux heures après que les autorités italiennes ont déclenché l’alerte, puis 18 heures plus tard avec un drone après que le bateau avait déjà coulé.

      L’enquête a également montré que Frontex ne dispose pas de directives internes en matière d’émission de signaux d’urgence (par exemple, les appels Mayday) et que les contrôleurs des droits fondamentaux de Frontex ne sont pas suffisamment impliqués dans la prise de décision en cas d’urgence maritime.

      La Médiatrice a demandé à Frontex de trouver des solutions à toutes ces défaillances. Elle a également indiqué que, compte tenu des préoccupations de plus en plus importantes concernant les violations des droits fondamentaux dans un État membre, Frontex devrait évaluer à partir de quel moment elle peut se permettre officiellement de mettre fin à ses activités auprès de l’État membre concerné.

      « Nous devons nous demander pourquoi un bateau qui avait tant besoin d’aide n’en a jamais obtenue alors que sa situation périlleuse était connue d’une agence de l’UE, des autorités de deux États membres, de la société civile et de navires privés. Pourquoi les mesures d’urgence de sauvetage – qui auraient permis de sauver des centaines de vies – n’ont pas été déclenchées alors que le bateau était bondé, qu’il n’y avait pas suffisamment de gilets de sauvetage, que des enfants étaient à bord et que le risque d’un drame était prévisible », a déclaré Emily O’Reilly.

      « L’intitulé de l’agence Frontex comporte la mention de “garde-côtes”, mais son mandat et sa mission actuels sont manifestement en deçà. Si Frontex a le devoir de sauver des vies en mer mais que les rouages pour y parvenir font défaut, c’est clairement un problème qui incombe aux législateurs de l’UE.

      Il existe des tensions évidentes entre les obligations de Frontex en matière de droits fondamentaux et son devoir de soutenir la gestion du contrôle aux frontières des États membres. »

      « Coopérer avec des autorités nationales, dont les obligations en matière de recherche et de sauvetage ne semblent pas être respectées, risque de rendre l’UE complice d’actions qui violent les droits fondamentaux et portent atteinte à des vies humaines. »

      Conclusions générales – enquête publique sur les décès en Méditerranée

      Au-delà de l’enquête et des recommandations concernant Frontex, la Médiatrice a tiré des conclusions sur des questions systémiques plus générales. Elle a indiqué que, bien que le Médiateur grec enquête sur les actions des garde-côtes, il n’existe pas de mécanisme de responsabilisation unique au niveau européen pour enquêter de manière indépendante sur le rôle respectif des autorités grecques, de Frontex et de la Commission européenne, qui est chargée de veiller au respect des dispositions relatives aux droits fondamentaux prévues par les traités de l’UE.

      Elle a demandé au Parlement européen, au Conseil de l’Union européenne et à la Commission européenne de créer une commission d’enquête indépendante chargée d’évaluer les raisons du nombre si important de décès en Méditerranée et de tirer les leçons du naufrage de l’Adriana.

      « Presque huit mois après cet événement tragique, aucun changement n’a été apporté pour empêcher qu’un tel drame ne se reproduise », a déclaré la Médiatrice.

      https://www.ombudsman.europa.eu/fr/press-release/fr/182676

    • Naufrage de #Pylos : la médiatrice de l’UE regrette que Frontex n’ait pas « joué un rôle plus actif » pour sauver les exilés

      Dans un rapport rendu mercredi, la médiatrice européenne Emily O’Reilly regrette que Frontex n’ait pas déclenché un appel d’urgence pour venir en aide aux 750 passagers de l’Adriana, ce bateau de pêche qui a fait naufrage le 14 juin 2023. Ce jour-là, plus de 500 exilés sont morts, faute d’une opération de sauvetage menée dans les temps.

      Huit mois après le terrible naufrage au large de Pylos, en Grèce, d’un bateau de pêche surchargé, Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières est à nouveau pointée du doigt. Le 14 juin 2023, une embarcation de plus de 750 exilés, l’Adriana, a fait naufrage dans les eaux grecques, entraînant la mort d’au moins 500 personnes. Seules 104 personnes ont survécu et 82 corps ont été retrouvés.

      Selon Emily O’reilly, la médiatrice européenne, qui a rendu son rapport mercredi 28 février, les garde-frontières de l’UE auraient dû agir pour aider les passagers en détresse. Pourtant aucun appel « Mayday », une procédure internationale d’alerte en cas d’urgence vitale, n’a été émis par Frontex. Et ce, alors qu’un de ses avions de reconnaissance avait survolé la zone et avait vu le bateau en grande difficulté et surchargé. L’agence a seulement signalé le bateau aux autorités grecques.

      Mais la médiatrice n’accable pas l’agence et assure que Frontex n’a commis aucune faute. Si elle regrette qu’aucun Mayday n’ait été lancé, elle reconnaît dans le même temps que l’avion de l’agence a observé un « bateau très surpeuplé (où) il n’y avait pas de gilets de sauvetage visibles, mais qui se déplaçait à une vitesse constante et sur une route régulière, et semblait être dans un état de navigabilité ».

      « Il est impossible de dire si l’émission d’un relais Mayday au moment de la surveillance initiale de Frontex sur l’Adriana aurait sauvé des vies, mais le bateau a finalement chaviré avec la perte totale de plus de 600 personnes », écrit la médiatrice.
      Frontex, trop dépendante des Etats membres pour sauver des vies

      Emily O’Reilly déplore surtout le manque de réactivité des Grecs face aux quatre offres répétées d’assistance de Frontex ce jour-là. Athènes n’a pas répondu aux messages de Frontex et a refusé l’offre de l’agence d’envoyer un avion supplémentaire dans la zone, indique le rapport.

      Les règles qui régissent Frontex « la rendent trop dépendante des États membres pour intervenir lorsque des embarcations de migrants sont en détresse », souligne encore le rapport. « La capacité de Frontex à sauver des vies en danger est encore limitée par le fait que ce sont les autorités des États membres qui dirigent et coordonnent les missions de recherche et de sauvetage ».

      Une semaine après le drame, une enquête avait été ouverte par la justice grecque. La Cour suprême grecque avait également ordonné de lancer des investigations pour définir les causes du drame qui a choqué le pays.

      Très vite, des questions quant au rôle des garde-côtes grecs avaient émergé. Selon plusieurs enquêtes journalistiques fouillées, ces derniers sont intervenus tardivement sur les lieux du naufrage. Une enquête de la BBC démontre aussi que le bateau bondé était à l’arrêt au large de la Grèce, contrairement à la version donnée par les garde-côtes grecs, selon laquelle les exilés faisaient route vers l’Italie à une vitesse régulière.
      Plus de 3 000 morts en 2023 en Méditerranée

      Dans un rapport publié en décembre 2023, Amnesty international et Human Rights Watch ont jugé que la nature des enquêtes judiciaires en cours en Grèce suscitait « des inquiétudes »."Les enquêtes officielles sur les allégations crédibles selon lesquelles les actions et les omissions des garde-côtes grecs ont contribué au naufrage [...] n’ont guère progressé de manière significative", estiment les deux organisations.

      En septembre 2023, 40 survivants avaient également porté plainte contre l’État grec et demandaient eux aussi une enquête approfondie. Trois mois après le naufrage, « aucun des survivants n’avait été appelé à témoigner ou fournir des preuves dans le cadre d’une enquête », déploraient déjà un collectif d’ONG dans un communiqué.

      Face à ce naufrage terrible, Emily O’Reilly recommande enfin à Frontex de faire mieux. « La tragédie d’Adriana a eu lieu lorsque Frontex était pleinement consciente de l’histoire récente de préoccupations concernant le respect, par les autorités grecques, des obligations en matière de droits fondamentaux. » L’Etat grec est en effet accusé de multiples pushbacks en mer Egée.

      En avril 2023, des garde-côtes grecs ont été filmés en train de placer sur un canot à la dérive un groupe de migrants, en majorité des enfants, dont un nourrisson. Ce refoulement, strictement interdit par le droit européen et international, a été révélé par le New York Times dans une vidéo.

      Enfin, Frontex devrait aussi « mettre fin, de se retirer ou de suspendre ses activités » si elle ne réussit pas à respecter ses obligations en matière de droits humains, conclut, cinglante, Emily O’Reilly.

      Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le nombre de décès et de disparitions de migrants en Méditerranée n’a cessé d’augmenter ces dernières années : 2 048 en 2021, 2 411 en 2022 et 3 129 en 2023.

      https://www.infomigrants.net/fr/post/55482/naufrage-de-pylos--la-mediatrice-de-lue-regrette-que-frontex-nait-pas-

    • Frontex : l’UE risque de devenir « complice » de la mort de migrants (rapport du médiateur européen)

      Frontex devrait se retirer des pays qui ne secourent pas les migrants en mer ou qui violent les droits fondamentaux. Sinon, l’UE risque de devenir « complice » des décès, a averti le médiatrice européenne dans un nouveau rapport.

      Les conclusions, publiées mercredi matin, offrent un regard plus approfondi sur la relation souvent tendue entre l’agence des frontières de l’UE et les 27 Etats membres.

      L’enquête de la médiatrice a été lancée en réponse au naufrage de l’Adriana en juin 2023, lorsqu’un navire surchargé a coulé au large des côtes de Messénie, en Grèce, et a laissé plus de 600 victimes confirmées ou présumées.

      L’organisme de surveillance ne conclut pas que Frontex a « enfreint les règles et procédures applicables », mais note que sa capacité à opérer en mer est gravement compromise par sa conception, qui rend l’agence dépendante du consentement et de la bonne volonté des autorités nationales. Par conséquent, Frontex n’a qu’une marge de manœuvre limitée pour agir de manière indépendante, même dans les cas extrêmes où la vie des personnes est en danger immédiat.

      « Il existe une tension évidente entre les obligations de Frontex en matière de droits fondamentaux et son devoir de soutenir les États membres dans le contrôle de la gestion des frontières », la médiatrice européenne Emily O’Reilly.

      « Coopérer avec les autorités nationales lorsque l’on craint qu’elles ne remplissent pas leurs obligations en matière de recherche et de sauvetage risque de rendre l’UE complice d’actions qui violent les droits fondamentaux et coûtent des vies. »

      En ce qui concerne le naufrage de l’Adriana, le rapport indique que Frontex était « parfaitement au courant » des préoccupations des autorités grecques et des accusations de refoulement systématique. Et pourtant, malgré cette connaissance, les règles « ont empêché Frontex de jouer un rôle plus actif dans l’incident de l’Adriana ».

      La médiatrice regrette l’absence de directives internes de l’agence pour émettre des appels à l’aide, une procédure internationale d’alerte en cas d’urgence vitale. Frontex n’a pas émis de relais d’appel à l’aide lorsqu’elle a détecté l’Adriana grâce à la surveillance aérienne.

      Les autorités grecques n’ont pas répondu au message de Frontex à « quatre occasions distinctes » pendant la tragédie et ont refusé l’offre de l’agence d’envoyer un avion supplémentaire dans la zone, indique le rapport. (Athènes a lancé plusieurs enquêtes pour faire la lumière sur les circonstances).

      Sur cette base et d’autres similaires, la médiatrice recommande que Frontex « mette fin, se retire ou suspende ses activités » avec les Etats membres qui persistent à ne pas respecter leurs obligations en matière de recherche et de sauvetage ou à violer les droits fondamentaux.

      La coopération de Frontex avec la Grèce est un sujet de conversation brûlant depuis le naufrage de l’Adriana. Au lendemain de la tragédie, le responsable des droits fondamentaux de l’agence a appelé à une suspension des activités, mais son directeur exécutif, Hans Leijtens, a par la suite atténué cette demande, affirmant que la décision devait être « équilibrée ».

      Dans son rapport, Emily O’Reilly prévient que si Frontex continue à travailler avec les pays en première ligne sans « changements significatifs », l’engagement de l’UE à protéger les vies humaines sera remis en question. Elle exhorte donc l’Union européenne à modifier le mandat légal de l’agence et à lui assurer un plus grand degré d’indépendance.

      « Si Frontex a le devoir d’aider à sauver des vies en mer, mais que les outils pour ce faire font défaut, il s’agit clairement d’une question pour les législateurs de l’UE ».

      De plus, la médiatrice demande la mise en place d’une commission d’enquête indépendante qui pourrait se pencher sur le grand nombre de décès en Méditerranée et sur la responsabilité des autorités nationales, de Frontex et des institutions de l’UE.

      Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le nombre de décès et de disparitions de migrants en Méditerranée n’a cessé d’augmenter ces dernières années : 2 048 en 2021, 2 411 en 2022 et 3 041 à la fin de 2023.

      En réaction au rapport, Frontex répond qu’elle « examine activement » les suggestions de la médiatrice et souligne que ses opérations s’inscrivent « dans le cadre des lois applicables ».

      « Notre agence s’en tient strictement à son mandat, qui n’inclut pas la coordination des efforts de sauvetage - une responsabilité qui incombe aux centres nationaux de coordination des secours », ajoute l’agence dans un communiqué. « Dans tous les cas où nos moyens détectent des situations de détresse potentielles, nous alertons rapidement les autorités compétentes ».

      Pour sa part, la Commission européenne, qui est également citée dans le rapport, annonce qu’elle répondrait à Emily O’Reilly en temps voulu, mais n’a pas confirmé si elle soutiendrait des changements dans le mandat de l’agence. Un porte-parole appelle les États membres à enquêter sur les décès de migrants de manière « rapide, indépendante et approfondie ».

      « Nous ne voulons pas que de telles tragédies se produisent », poursuit le porte-parole.

      Frontex estime avoir secouru 43 000 personnes en mer et renvoyé 39 000 migrants dans leur pays d’origine au cours de 24 opérations en 2023, année qui a vu « les niveaux les plus élevés de migration irrégulière depuis 2016. »

      https://fr.euronews.com/my-europe/2024/02/28/frontex-lue-risque-de-devenir-complice-de-la-mort-de-migrants-rapport-d

  • L’Italie ne fait pas assez pour aider les migrants victimes de traite, estime un rapport européen - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/55455/litalie-ne-fait-pas-assez-pour-aider-les-migrants-victimes-de-traite-e

    L’Italie ne fait pas assez pour aider les migrants victimes de traite, estime un rapport européen
    Par La rédaction Publié le : 27/02/2024
    En Italie, l’exploitation sexuelle et économique concernent un nombre croissant de migrants en situation irrégulière, souligne le Conseil de l’Europe dans un rapport. Et le gouvernement italien ne fait pas assez pour protéger les victimes de ces trafics. Les secteurs à haut risque touchent aussi l’agriculture, le textile, et les services domestiques.
    La politique anti-migrants menée par l’Italie tend à favoriser la traite d’êtres humains puisqu’elle dissuade les victimes de se montrer aux autorités et de porter plainte.C’est en substance ce que révèle le Conseil de l’Europe dans un rapport publié le 23 février 2024, rédigé par le Groupe d’experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (Greta). Ces spécialistes estiment qu’entre 2 100 et 3 800 personnes sont identifiées chaque année en Italie comme victimes potentielles de la traite, très souvent des personnes en situation irrégulière.
    Un chiffre important qui pourtant « ne reflète pas l’ampleur réelle du phénomène ». Selon le National Anti-Trafficking Helpline [une ligne d’assistance téléphonique confidentielle pour les victimes de la traite des êtres humains], cité dans le rapport, il y aurait plutôt entre 15 000 et 20 000 personnes menacées par le trafic d’êtres humains en Italie. Mais « en raison des insuffisances des procédures mises en place pour l’identification des victimes » et du « faible taux de signalement des victimes qui craignent d’être sanctionnées ou expulsées », le chiffre est sûrement sous-estimé, pointe encore l’institution européenne.
    L’exploitation sexuelle reste la forme prédominante d’exploitation des victimes détectées (84% en 2018, diminuant à 59 % en 2022), suivi de l’exploitation par le travail (10 % en 2018, augmentant à 38 % en 2022). La mendicité forcée, la servitude domestique, le mariage forcé et la criminalité forcée représentent chacun 1 à 2% des victimes.La baisse du nombre de victimes d’exploitation sexuelle est à prendre avec précaution : le chiffre a diminué avec la pandémie de Covid-19 qui a déplacé la prostitution de la rue à des lieux fermés, ce qui a rendu plus difficile l’identification des victimes.
    Le Nigeria reste le pays principal d’où sont originaires la plupart des victimes reconnues (68,4%), suivi de la Côte d’Ivoire (3,5%), du Pakistan (3%), du Bangladesh (2,9%) et du Maroc (2,2%).
    Selon les autorités italiennes, la mafia nigériane est largement implantée dans le pays et y développe un large réseau de prostitution. Une figure majeure d’un de ces réseaux, Omoruy Chrity, aussi surnommée « Mommy », a été arrêtée en 2023 et renvoyée au Nigéria. Elle-même ancienne prostituée, Mommy jouait un rôle prépondérant dans l’organisation d’un trafic visant à faire venir des jeunes femmes du Nigeria, selon la police italienne.
    Si le Greta souligne que des efforts ont été déployés pour améliorer la détection des victimes, les auteurs du rapport estiment aussi que « les mesures restrictives adoptées par l’Italie en matière d’immigration favorisent un climat de criminalisation des migrants ». Résultat : de nombreuses victimes potentielles de la traite ne se signalent pas aux autorités par crainte « d’être privées de liberté et expulsées ». Depuis la « crise de Lampedusa » en septembre 2023, en effet, le gouvernement italien a mis en place de nouvelles mesures pour lutter contre les arrivées de migrants sur son sol. Les autorités ont notamment allongé la durée maximale de détention des exilés à 18 mois et créé davantage de centres de rétention.
    Le Greta recommande donc « aux autorités italiennes de prendre des mesures supplémentaires pour garantir que les victimes reçoivent des informations sur leur situation dès qu’elles entrent en contact avec une autorité compétente ».L’exploitation par le travail reste profondément ancrée dans certains secteurs d’activité fortement dépendants de la main-d’œuvre étrangère : « Les secteurs à haut risque sont l’agriculture, le textile, le travail domestique, la construction, l’hôtellerie et la restauration », développe le Greta.
    Si la plupart des victimes sont des femmes, le nombre d’hommes et de personnes transgenres est en augmentation. En outre, le nombre d’enquêtes, de poursuites et de condamnations dans des affaires de traite d’êtres humains a diminué, déplorent les auteurs du rapport, qui appellent Rome à garantir « des sanctions effectives » contre les trafiquants d’êtres humains. Dans un autre rapport publié jeudi 22 février, Dunja Mijatovic, la commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe a aussi appelé les États membres à mettre fin à la « répression » envers les ONG et individus qui défendent les droits des migrants.

    #Covid-19#migrant#migration#italie#UE#traite#exploitation#maindoeuvre#economie#criminalisation#droitshumains#sante#nigeria

  • 52% de policiers et gendarmes interrogés dans une étude considèrent que le succès de la mission prime sur le respect de la loi

    Des policiers et gendarmes ont répondu de manière volontaire à un questionnaire de la Défenseure des droits concernant leur pratique en matière de maintien de l’ordre et de secours à la personne.

    Plus de la moitié des policiers ou gendarmes (51,8%) considèrent que mener à bien leur mission est prioritaire sur le respect de la loi, selon une étude dévoilée mardi 27 février par la Défenseure des droits. Il s’agit d’un questionnaire rempli de manière volontaire et anonyme par 976 gendarmes et 655 policiers répartis sur sept départements. L’institution met en avant les perceptions « contrastées » des pratiques professionnelles des forces de l’ordre au sein de ces dernières.

    Si l’usage de la force pour obtenir des aveux est réprouvé par plus de 9 répondants sur 10, près de 6 sur 10 considèrent que dans « certains cas » (non précisés), l’utilisation de plus de force que ce qui est prévu dans les textes devrait être tolérée. Cette opinion est encore plus fortement répandue chez les policiers (69,1%, contre 54,2% chez les gendarmes). Une vision répressive du métier confirmée par le fait que plus de la moitié d’entre eux, policiers et gendarmes confondus, estiment que leur mission première est de faire respecter la loi, et d’arrêter les « délinquants », plutôt que de secourir les personnes en danger (un sur quatre), ou encore protéger les institutions républicaines (4%). Par ailleurs, seul un gendarme sur trois et moins d’un policier sur quatre (23,3%) pense que l’on peut faire confiance aux citoyens pour se comporter comme il faut.

    Les forces de l’ordre se considèrent aussi insuffisamment formées

    Les membres des forces de l’ordre interrogés pointent également du doigt le manque de formation au sein de leurs rangs : un sur cinq affirme connaître « bien » ou « parfaitement » la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, tandis que près de la moitié d’entre eux (45,7%) s’estime insuffisamment formée en matière de droits des citoyens et de règles de déontologie.

    L’étude révèle enfin l’œil critique qu’exercent les professionnels sur les contrôles d’identité : près de 40% des policiers et des gendarmes jugent que les contrôles fréquents ne sont pas ou peu efficaces pour garantir la sécurité d’un territoire.

    https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/police/plus-d-un-policier-ou-gendarme-sur-deux-considere-que-le-succes-de-sa-m

    #France #police #gendarmes #forces_De_l'ordre #étude #Défenseur_des_droits #maintien_de_l'ordre #mission #respect_de_la_loi #secours_de_personne_en_danger #formation #droits_fondamentaux #droits_humains #déontologie #contrôles_d'identité

  • Succession : le musicien Jean-Michel Jarre débouté par la CEDH | Le Télégramme
    https://www.letelegramme.fr/france/succession-le-musicien-jean-michel-jarre-deboute-par-la-cedh-6526548.ph

    tiens, encore #droits_d'auteur et #succession à la #CEDH, cette fois
    on parle de #Docteur_Jivago

    Le musicien Jean-Michel Jarre et sa sœur Stéphanie ont été déboutés par la CEDH ce jeudi. Ils contestaient la décision de la justice française de les priver de l’héritage de leur père.

    Le musicien français Jean-Michel Jarre et sa sœur Stéphanie, qui contestaient devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) les décisions de la justice française les privant de l’héritage de leur père, le compositeur Maurice Jarre, ont été déboutés ce jeudi.

    « La Cour ne voit (…) aucune raison de se départir du raisonnement des juridictions (françaises) dans la mesure » notamment où la CEDH « n’a jamais reconnu l’existence d’un droit général et inconditionnel des enfants à hériter d’une partie des biens de leurs parents », indique la Cour dans son arrêt, rendu à l’unanimité des sept juges. Les tribunaux français ont « vérifié que les requérants ne se trouvaient pas dans une situation de précarité économique ou de besoin », poursuit la juridiction basée à Strasbourg, qui donne raison à la justice française.

    « Family trust »
    Celle-ci avait estimé que Maurice Jarre avait le droit de déshériter Jean-Michel Jarre, 75 ans, et sa sœur Stéphanie, 58 ans. Installé aux États-Unis au milieu des années 1960, lauréat de trois Oscars pour la composition des musiques des films « Lawrence d’Arabie », « Docteur Jivago » et « La route des Indes » et décédé en 2009, Maurice Jarre avait légué tous ses biens à sa dernière épouse, Fui Fong Khong, via un « family trust », structure juridique prévue par le droit californien, ce que les deux requérants avaient, en vain, contesté devant les tribunaux français.

    En droit français, on ne peut théoriquement pas déshériter un de ses enfants, en vertu du principe de « réserve héréditaire » qui n’existe pas dans le droit californien. Mais dans le cas Jarre, la Cour de cassation avait estimé en 2017 qu’ignorer cette « réserve héréditaire » n’était « pas en soi contraire à l’ordre public international français ». En clair : ce n’est pas un principe forcément incontournable selon la plus haute juridiction française. Celle-ci avait estimé que la loi hexagonale n’avait pas en l’espèce à s’imposer à celle de Californie.

    « La liberté testamentaire du défunt » respectée
    La CEDH estime que les juridictions françaises ont « respecté la liberté testamentaire du défunt » dont la volonté traduisait une démarche « “ continue et bien définie ” de faire bénéficier son conjoint survivant de l’intégralité de ses biens », sans « intention frauduleuse ». Par ailleurs, « la CEDH valide la “ liberté testamentaire du défunt ” qui a soustrait sa succession à la loi française. Est ainsi close la “ saga ” contentieuse de la succession internationale de Maurice Jarre (en écho à d’autres successions célèbres, dont celle de Johnny Hallyday…) », a commenté sur le réseau social X le juriste Nicolas Hervieu, spécialiste du droit européen.

    La succession contestée de Maurice Jarre était apparue au grand jour au début de la bataille judiciaire autour de l’héritage de Johnny Hallyday, entre sa veuve et les deux aînés de la rock-star qui contestent le testament américain de leur père les ayant déshérités en vertu de la loi californienne.

    Dans une affaire similaire à celle de la succession Jarre, la CEDH a également débouté ce jeudi trois enfants de Michel Colombier, arrangeur de Serge Gainsbourg ou Madonna, mort en 2004 et qui avait lui aussi organisé sa succession via un « family trust » américain, les excluant de son héritage. Les deux requêtes, introduites en 2018, constituaient un thème « inédit » pour la CEDH, avait alors précisé un porte-parole.

    • Ahlala, la cupidité des héritiers et le désamour de ces hommes célèbres, ça fait pitié.
      En france, si tu veux montrer à tes enfants qu’après toi le déluge ça va te faire vivre encore quelques dizaines d’années dans l’immortalité du chaos, tu peux te débrouiller avec les assurances vies (donne ta fortune à ton chien), ou encore la part réservataire (donne la moitié à ton chien) ou en te faisant conseiller par un notaire une donation partage de ton vivant en gardant la moitié en usufruit, part qui, à ta mort, sera repartagée en parts inégales, obligeant ainsi tes nombreux enfants à passer en procès pour sortir de l’indivision dans laquelle tu les as mis. C’est beaucoup plus marrant, ça permet de faire exploser les familles si tu n’as pas réussi avant.

      Au moins les notaires et les avocats sont contents.


  • https://standwithhumans.com
    Voilà le maximum de critique de la politique meurtrière en Israël et Gaza que tu peux te permettre en Allemagne sans te faire accuser d’antisemitisme.

    https://www.youtube.com/watch?v=HAyrW0klQkM

    On connaît Shahak Shapira comme auteur de vidéos assez marrantes. Là il exprime sa tristesse face aux victimes du conflit entre l’extrème droite d’Israël et le Hamas.

    #Allemagne #Israël #Palestine #droits_humains #politique #guerre

    • « Il est logique de reconnaître aux Maires la possibilité d’exiger des devoirs en contrepartie de droits, le respect de son pays et des morts pour la France en fait partie. »

      Le front de l’air est vraiment putride.
      Bientot le RSA conditionné à la présence lors des commemoration de Pétain et Maurras. La CAF à condition de dire notre fierté pour Depardieu....
      Bientôt tu pourra crever la dalle si t’es pas Charlie

    • Le tribunal administratif de Toulon a (...) validé le 26 janvier 2024, cette décision du maire, adoptée en septembre 2022, par la majorité des élus de #droite. Cette mesure avait été cependant contestée par la suite par la préfecture qui dénonçait : "une ingérence dans les libertés d’association et de conscience".

      Le tribunal administratif de Toulon a estimé que cette dernière favorisait "l’engagement des associations lors d’événements ayant un intérêt public local" sans enfreindre "le principe de neutralité".

      #Associations #subventions

      Droits et devoirs : la rupture Macron
      https://www.mediapart.fr/journal/france/250322/droits-et-devoirs-la-rupture-macron

      Pour le président-candidat, « les devoirs valent avant les droits ». Cette logique, qui va à l’encontre des principes fondamentaux de l’État social et l’#État_de_droit, irrigue l’ensemble de son projet de réélection. En distinguant les bons et les mauvais citoyens.
      Romaric Godin et Ellen Salvi
      25 mars 2022


      EmmanuelEmmanuel Macron a rarement parlé de « droits » sans y accoler le mot « devoirs ». En 2017 déjà, il présentait les contours de sa future réforme de l’assurance-chômage, en expliquant vouloir « un système exigeant de droits et de devoirs ». Deux ans plus tard, au démarrage du « grand débat national », pensé comme une campagne de mi-mandat pour endiguer la crise des « gilets jaunes », il déplorait l’usage de l’expression « cahier de doléances », lui préférant celle de « cahiers de droits et de devoirs » [le droit de se plaindre, et surtout le devoir de la fermer et d’obéir, ndc]..
      À l’époque, le chef de l’État prenait encore soin, au moins dans son expression, de maintenir un semblant d’équilibre. Mais celui-ci a volé en éclats au printemps 2021, en marge d’un déplacement à Nevers (Nièvre). Interpellé par un homme sans papiers, le président de la République avait déclaré : « Vous avez des devoirs, avant d’avoir des droits. On n’arrive pas en disant : “On doit être considéré, on a des droits.” » Avant d’ajouter, sans l’ombre d’une ambiguïté : « Les choses ne sont pas données. »

      Jeudi 17 mars, le président-candidat a de nouveau invoqué la question des devoirs en abordant le volet régalien de son projet. Rappelant son engagement à accueillir des familles ukrainiennes fuyant la guerre, il a immédiatement prévenu vouloir « changer les modes d’accès aux titres de séjour » et notamment les titres de séjour longs, qui seront désormais accordés « dans des conditions beaucoup plus restrictives ». Parce que non, définitivement, « les choses ne sont pas données ».
      Cette rhétorique du donnant-donnant irrigue aujourd’hui l’ensemble du programme d’Emmanuel Macron. Elle s’impose ainsi dans le volet économique de celui-ci. La mesure la plus représentative en la matière étant sans doute la mise sous condition de travail ou de formation du revenu de solidarité active (#RSA). Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a d’ailleurs explicitement indiqué que cette proposition s’inscrivait dans cette « logique de droits et devoirs » proposée par le candidat.
      Une logique, ou plus exactement une précédence, que le chef de l’État a lentement installée, l’étendant des sans-papiers à tous les citoyens et citoyennes. « Être #citoyen, ce n’est pas demander toujours des droits supplémentaires, c’est veiller d’abord à tenir ses devoirs à l’égard de la nation », avait-il lancé en août 2021. « Être un citoyen libre et toujours être un citoyen responsable pour soi et pour autrui ; les devoirs valent avant les droits », insistait-il en décembre, à destination des personnes non vaccinées.

      Une vision digne de l’Ancien Régime

      Emmanuel Macron a balayé, en l’espace de quelques mois, l’héritage émancipateur de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Pour les rédacteurs de cette dernière, rappelait l’avocat Henri Leclerc dans ce texte, « les droits qu’ils énoncent sont affaire de principe, ils découlent de la nature de l’homme, et c’est pourquoi ils sont imprescriptibles ; les devoirs eux sont les conséquences du contrat social qui détermine les bornes de la liberté, par la loi, expression de la volonté générale ».
      « Ce sont les sociétés totalitaires qui reposent d’abord sur l’#obéissance à des impératifs non négociables qui, en fait, ne sont pas des devoirs auxquels chacun devrait subordonner librement ses actes, écrivait-il en guise de conclusion. Les sociétés démocratiques reposent sur l’existence de droits égaux de citoyens libres qui constituent le peuple d’où émane la souveraineté. Chacun y a des devoirs qui, sans qu’il soit nécessaire de les préciser autrement, répondent à ses droits universels. »
      Début 2022, face aux critiques – Jean-Luc Mélenchon avait notamment tweeté : « Les devoirs avant les droits, c’est la monarchie féodale et ses sujets. Le respect des droits créant le devoir, c’est la République et la citoyenneté » –, Gabriel Attal avait assuré un nouveau service après-vente. Dans Le Parisien, le porte-parole du gouvernement avait expliqué vouloir « poursuivre la redéfinition de notre contrat social, avec des devoirs qui passent avant les droits, du respect de l’autorité aux prestations sociales ».

      La conception conservatrice du « bon sens »

      Cette « redéfinition de notre contrat social » se traduit par plusieurs mesures du projet présidentiel : le RSA donc, mais aussi l’augmentation des salaires du corps enseignant contre de nouvelles tâches – « C’est difficile de dire : on va mieux payer tout le monde, y compris celles et ceux qui ne sont pas prêts à davantage s’engager ou à faire plus d’efforts », a justifié Emmanuel Macron [avant d’introduire la notion de #salaire_au_mérite dans la fonction publique, ndc]–, ou même la réforme des retraites qui soumet ce droit devenu fondamental à des exigences économiques et financières.
      Cette vision s’appuie sur une conception conservatrice du « bon sens », qui conditionne l’accès aux droits liés aux prestations sociales à certains comportements méritants. Elle va à l’encontre total des principes qui fondent l’État social. Ce dernier, tel qu’il a été conçu en France par le Conseil national de la Résistance, repose en effet sur l’idée que le capitalisme fait porter sur les travailleurs et travailleuses un certain nombre de risques contre lesquels il faut se prémunir.

      Ce ne sont pas alors d’hypothétiques « devoirs » qui fondent les droits, c’est le statut même du salarié, qui est en première ligne de la production de valeur et qui en essuie les modalités par les conditions de travail, le chômage, la pénibilité, la faiblesse de la rémunération. Des conditions à l’accès aux droits furent toutefois posées d’emblée, l’État social relevant d’un compromis avec les forces économiques qui ne pouvaient accepter que le risque du chômage, et sa force disciplinaire centrale, ne disparaisse totalement.
      Mais ces conditions ne peuvent prendre la forme de devoirs économiques, qui relèvent, eux, d’une logique différente. Cette logique prévoit des contreparties concrètes aux aides sociales ou à la rémunération décente de certains fonctionnaires. Et ce, alors même que chacun, y compris Emmanuel Macron, convient de la dévalorisation du métier d’enseignant. Elle conduit à modifier profondément la conception de l’aide sociale et du traitement des fonctionnaires. À trois niveaux.
      Le premier est celui de la définition même des « devoirs ». Devoirs envers qui ou envers quoi ? Répondre à cette question, c’est révéler les fondements philosophiques conservateurs du macronisme. Un bénéficiaire du RSA aurait des devoirs envers un État et une société qui lui demandent de vivre avec un peu plus de 500 euros par mois ? Il aurait en quelque sorte des « contreparties » à payer à sa propre survie.
      Si ces contreparties prenaient la forme d’un travail pour le secteur privé, celui-ci deviendrait la source du paiement de l’allocation. C’est alors tout le centre de gravité de l’État social qui évoluerait, passant du travail au capital. En créant la richesse et en payant l’allocation, les entreprises seraient en droit de demander, en contrepartie, du travail aux allocataires au RSA, lesquels deviendraient forcément des « chômeurs volontaires » puisque le travail serait disponible.

      Les allocataires du RSA devront choisir leur camp

      Ce chômage volontaire serait une forme de comportement antisocial qui ferait perdre à la société sa seule véritable richesse : celle de produire du profit. On perçoit, dès lors, le retournement. La notion de « devoirs » place l’allocataire du RSA dans le rôle de #coupable, là où le RMI, certes imaginé par Michel Rocard dans une logique d’insertion assez ambiguë, avait été pensé pour compléter l’assurance-chômage, qui laissait de côté de plus en plus de personnes touchées par le chômage de longue durée.

      Ce retournement a une fonction simple : #discipliner le monde du travail par trois mouvements. Le premier, c’est celui qui veut lui faire croire qu’il doit tout au capital et qu’il doit donc accepter ses règles. Le second conduit à une forme de #criminalisation de la #pauvreté qui renforce la peur de cette dernière au sein du salariat – un usage central au XIXe siècle. Le dernier divise le monde du travail entre les « bons » citoyens qui seraient insérés et les « mauvais » qui seraient parasitaires.
      C’est le retour, déjà visible avec les « gilets jaunes », à l’idée que déployait Adolphe Thiers dans son discours du 24 mai 1850, en distinguant la « vile multitude » et le « vrai peuple », « le pauvre qui travaille » et le « vagabond ». Bientôt, les allocataires du RSA devront choisir leur camp. Ce qui mène à la deuxième rupture de cette logique de « devoirs ». Le devoir suprême, selon le projet d’Emmanuel Macron, est de travailler. Autrement dit de produire de la valeur pour le capital.

      Individualisation croissante

      C’est le non-dit de ces discours où se retrouvent la « valeur #travail », les « devoirs générateurs de droits » et le « #mérite ». Désormais, ce qui produit des droits, c’est une capacité concrète à produire cette valeur. Il y a, dans cette démarche, une logique marchande, là où l’État social traditionnel voyait dans la protection sociale une fenêtre de démarchandisation – c’est parce qu’on devenait improductif qu’on devait être protégé. À présent, chacun, y compris les plus fragiles, doit faire preuve de sa capacité constante de production pour justifier son droit à survivre.

      Cette #marchandisation va de pair avec une individualisation croissante. Dans le modèle traditionnel, la pensée est systémique : le capitalisme produit des risques sociaux globaux dont il faut protéger tous les travailleurs et travailleuses. Dans le modèle des contreparties, chacun est mis face à l’injonction de devoir justifier individuellement ses droits par une mise à l’épreuve du marché qui est le juge de paix final. On comprend dès lors pourquoi Christophe Castaner prétend que l’allocation sans contrepartie est « la réponse des lâches ».
      Car ce choix laisserait les individus sans obligations devant le marché. Or, pour les partisans d’Emmanuel Macron, comme pour Friedrich Hayek, la seule façon de reconnaître un mérite, c’est de se confronter au marché qui donne à chacun ce à quoi il a droit. La vraie justice est donc celle qui permet d’être compétitif. C’est la vision qu’a d’ailleurs défendue le président-candidat le 22 mars, sur France Bleu, en expliquant que la « vraie inégalité » résidait dans « les inégalités de départ ». L’inégalité de résultat, elle, n’est pas remise en cause. [voir L’égalité des chances contre l’égalité http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4443]

      Le dernier point d’inflexion concerne l’État. Dans la logique initiale de la Sécurité sociale, la protection contre les risques induits par le capitalisme excluait l’État. De 1946 à 1967, seuls les salariés géraient la Sécu. Pour une raison simple : toutes et tous étaient les victimes du système économique et les bénéficiaires de l’assurance contre ces risques. Le patronat cotisait en tant qu’origine des risques, mais ne pouvait décider des protections contre ceux qu’il causait. Ce système a été progressivement détruit, notamment en s’étatisant.
      Le phénomène fut loin d’être anecdotique puisqu’il a modifié le modèle initial et changé la nature profonde de l’État : désormais, le monde du travail est redevable à celui-ci et au patronat de ses allocations. Ces deux entités – qui en réalité n’en forment qu’une – exigent des contreparties aux allocataires pour compenser le prix de leur prise en charge. L’État étant lui-même soumis à des choix de rentabilité, l’allocataire doit devenir davantage rentable. Dans cet état d’esprit, cette « #rentabilité » est synonyme « d’#intérêt_général ».
      Les propositions sur le RSA et le corps enseignant entrent dans la même logique. Emmanuel Macron agit en capitaliste pur. Derrière sa rhétorique des droits et des devoirs se profilent les vieilles lunes néolibérales : marchandisation avancée de la société, discipline du monde du travail et, enfin, idée selon laquelle l’État serait une entreprise comme les autres. Le rideau de fumée de la morale, tiré par un candidat qui ose parler de « dignité », cache mal le conservatisme social de son système de pensée.

      Romaric Godin et Ellen Salvi

      #subventions #associations #contrepartie #droits #devoirs #égalité #inégalité

  • Oltre 28mila persone respinte alle frontiere europee nel 2023 : 8° rapporto #PRAB

    Di fronte all’emergenza umanitaria i respingimenti illegali e le violazioni dei diritti continuano ad essere diffusi e sono diventati uno strumento accettato per la gestione delle frontiere europee .

    L’ottavo rapporto di Protecting Rights at Borders (PRAB) “Respinti alle Frontiere dell’Europa: una crisi continuamente ignorata” documenta ancora una volta le continue violazioni dei diritti umani che si verificano lungo le frontiere europee.

    Il monitoraggio conferma violenze e numeri crescenti

    Secondo il rapporto, nel 2023 più di 28.609 migranti hanno subito respingimenti e violazioni dei diritti umani alle frontiere europee, di cui oltre 8.400 solo negli ultimi quattro mesi dell’anno. Tuttavia, tali numeri rappresentano solo una frazione degli effettivi respingimenti illegali.

    Questo rapporto copre il periodo dal 1 settembre al 31 dicembre 2023. I dati raccolti direttamente dai partner di PRAB o ottenuti dalle fonti governative documentano un totale di 8.403 casi di respingimento durante il periodo di rilevamento. Come parte della documentazione, 1.448 persone sono state intervistate dai partner di PRAB, fornendo dettagli sulle violazioni dei diritti alle quali hanno dichiarato di essere stati esposti.

    I numeri riportati dall’iniziativa PRAB rappresentano una frazione delle persone respinte alle frontiere dell’Europa. La natura delle aree di confine europee e i metodi utilizzati per attraversarle, uniti alla mancanza di accesso a alcune zone di frontiera, rendono difficile raggiungere tutte le persone che subiscono respingimenti e violazioni correlate. Inoltre, la registrazione dei respingimenti dipende dal momento dell’evento e dalla volontà delle vittime di segnalarlo. Come documentato dai partner di PRAB, molte vittime di respingimenti hanno paura di segnalare l’incidente, temendo che ciò possa influire negativamente sulla loro possibilità di entrare o rimanere in uno Stato membro dell’UE.

    I fatti principali che vengono riconfermati dal monitoraggio:

    Numeri allarmanti – Nel solo 2023, più di 28.609 migranti hanno subito respingimenti e violazioni dei diritti umani alle frontiere europee. Nel periodo settembre-dicembre 2023, sono stati documentati oltre 8.400 casi.

    Mancanza di vie legali sicure – Molti migranti, provenienti da regioni colpite da conflitti, persecuzioni o disastri naturali, intraprendono viaggi pericolosi verso l’Europa in cerca di sicurezza e opportunità.

    Respinti con violenza: I respingimenti illegali coinvolgono l’uso di metodi violenti e disumani, con migliaia di persone respinte forzatamente oltre il confine e sottoposte a violenze e abusi.

    Violazioni documentate: PRAB ha intervistato 1.448 persone, documentando i trattamenti disumani e degradanti subiti dall’83% degli arrivi al confine tra Croazia e Bosnia ed Erzegovina e dal 61% al confine tra Francia e Italia.

    Distruzione e confisca illegittima dei beni personali: Oltre alle violenze fisiche, i respingimenti forzati privano le persone dei loro beni, lasciandole vulnerabili e senza mezzi vitali.

    La situazione ai confini italiani

    L’ottavo rapporto di Protecting Rights at Borders (PRAB) rivela la dura realtà dei respingimenti che riguardano quanti arrivano alle frontiere italiane e tentano di attraversarle.

    In Italia, le organizzazioni della rete PRAB hanno documentato il respingimento di 3.180 persone nelle zone di Oulx e Ventimiglia, con particolare preoccupazione per i 737 bambini, di cui 519 erano minori non accompagnati. Un aspetto inquietante è la pratica di respingere minori registrati erroneamente come adulti.

    La maggior parte delle persone coinvolte nei respingimenti proveniva dall’Etiopia, Costa d’Avorio, Marocco e Sudan, con quasi il 40% di loro che ha dichiarato di essere arrivato in Italia via Tunisia.

    Oltre al persistere dei respingimenti , il rapporto registra anche nuovi peggioramenti per chi cerca asilo in Italia.

    Inoltre, l’Italia ha recentemente reintrodotto controlli alle frontiere con la Slovenia, giustificando tale misura con una presunta minaccia alla sicurezza con il conflitto in Medio Oriente. Il governo italiano ha dichiarato apertamente di avere l’intenzione di riprendere i respingimenti dei richiedenti asilo, in violazione della legge nazionale e internazionale.

    Il rapporto critica, infine, anche gli accordi con paesi terzi, tra cui il recente Accordo tra Italia e Albania, evidenziando le problematiche relative al trasferimento dei migranti e la detenzione in Albania.
    Dal patto europeo nuove violazioni

    Il rapporto dimostra come l’impiego sistematico di respingimenti alle frontiere e la mancanza di percorsi sicuri e legali per raggiungere l’UE spinga i rifugiati a mettere a rischio le proprie vite.

    La volontà politica, il coraggio e il realismo nel mettere i diritti delle persone prima della protezione delle frontiere sembrano assenti dagli accordi politici che si tengono a livello europeo e nazionale.

    Sia gli accordi, come il Memorandum tra Italia e Albania, sia il nuovo Patto UE su Asilo e Migrazione rischiano di compromettere ulteriormente i diritti delle persone in cerca di asilo, invece che mettere fine alle violazioni alle frontiere europee.

    Pour télécharger le rapport :
    https://www.asgi.it/asilo-e-protezione-internazionale/oltre-28mila-persone-respinte-alle-frontiere-europee-nel-2023-8-rapporto-prab/attachment/prab-report-september-to-december-2023-_-final

    https://www.asgi.it/asilo-e-protezione-internazionale/oltre-28mila-persone-respinte-alle-frontiere-europee-nel-2023-8-rapporto-prab
    #rapport #Protecting_Rights_at_Borders (#PRAB) #2023 #statistiques #chiffres #refoulements #push-backs #migrations #asile #réfugiés #frontières #droits_humains #violence #violences #Italie #Bosnie #Bosnie-Herzégovine #Grèce #Macédoine_du_Nord #Biélorussie #Pologne #Lithuanie

  • « J’entends respirer un monstre », Elfriede Jelinek

    Je l’avais déjà dit lors de la dernière manifestation contre l’extrême droite, et je me sens bizarre, comme un ventriloque – c’est ainsi que je le sens – qui fait entendre sa voix comme si elle était étrangère alors que c’était toujours lui qui parlait. Je l’ai déjà dit, je le répète, combien de fois faudra-t-il le répéter ? Aura-t-on le droit de le faire ? Walter Benjamin [philosophe et critique d’art allemand, 1892-1940] parle de cet automate joueur d’échecs, célèbre en son temps, qui gagnait chaque partie alors qu’un autre que lui jouait, une sorte d’automate camouflé, un homme de petite taille, un nain bossu, un maître aux échecs qui en réalité guidait l’automate censé gagner chaque partie.
    C’est comme cela que je me sens. Depuis tant d’années je suis assise sous la table, à jouer toujours la même partie d’échecs, parce que je suis obligée de la jouer, je la joue pour ainsi dire par peur que quelque chose d’affreux puisse se produire si je cessais de le faire. En même temps, bien sûr, je me surestime complètement. Mais voilà que cet automate sort de l’ombre d’une table couverte d’une nappe et prend la parole. En tant que moi. Oui, un automate parlant, c’est ce qu’ils diront avec mépris.

    Est-ce qu’il y a, comme le dit Benjamin, un rendez-vous secret entre les générations du passé et la nôtre ? Ce rendez-vous où l’on a expliqué, avec la plus grande fermeté, que le passé n’avait plus jamais le droit de se reproduire ? Ce « plus jamais » que nous avons si souvent entendu, prononcé par automatisme, dans des conversations, des conférences, lors de cérémonies solennelles ? Oui, les lèvres ont bougé docilement, chacun pouvait le voir. Plus jamais, ni d’une autre façon, ni de la même manière. Cela ne devait plus jamais arriver, c’était pour nous une constante de notre civilisation. Rien de ce qui s’est passé un jour n’est perdu pour l’histoire, dit Benjamin. Et j’ajoute : rien de ce dont nous voulons tirer des leçons. Pourtant, cela fait des décennies qu’on nous l’enseigne.

    Devenir nos maîtres

    Cette rencontre [de membres de l’#extrême_droite en novembre 2023, dans un hôtel près de Potsdam, dans le Brandenbourg, dont la révélation a suscité une vague de manifestations en #Allemagne et en #Autriche] devait rester secrète, cette rencontre à l’hôtel à laquelle participaient de vrais héros, pas les soi-disant petites gens qui espèrent de la politique qu’elle va améliorer leur vie, si seulement ils se débarrassaient pour toujours des pénibles demandeurs d’asile, des réfugiés, de ceux qui veulent prendre le beurre sur leur pain. Mais aucun d’entre eux n’est présent pour glisser des enveloppes bien garnies d’argent. Qui est là ? De riches entrepreneurs, des universitaires de droite sans leurs associations, ils n’en ont pas besoin de toute façon, ce sont d’autres qu’ils veulent laisser saigner à mort. Sont présents des membres de l’#AfD [le parti Alternative pour l’Allemagne] d’extrême droite, des dirigeants qui, avides de la grandeur d’autrefois, regardent en permanence en arrière pour mieux progresser, mieux se positionner pour le futur.

    C’était visiblement si bien du temps des nazis, qu’ils n’ont pas eu le temps de connaître mais dont ils ont une idée très nette. Ils veulent transformer cette société, promet ce militant si doué de l’extrême droite radicale, issu d’une ONG de droite, comme les appelle [Herbert] Kickl [le chef du parti d’extrême droite autrichien #FPÖ et ministre de l’intérieur sous le chancelier conservateur Sebastian Kurz, de décembre 2017 à mai 2019], qui hait les ONG, celles qui veulent améliorer les conditions de vie. Mais celle-là est une ONG d’un type nouveau, elle veut seulement améliorer sa propre situation et prendre le dessus, les autres elle s’en fiche, de toute façon ils sont censés disparaître. Car ces gens veulent devenir nos maîtres.

    L’arc républicain, que chacun aime tant, se voit donc étiré toujours plus, des hommes et des femmes y travaillent avec leurs masses et leurs marteaux pour que toujours plus de gens soient admis dessous, et les anciens comme les nouveaux nazis sont de nouveau fréquentables. Les autres peuvent partir, ou on les obligera à partir. « Dehors les étrangers » – un slogan vieux de plusieurs décennies –, et les autochtones n’auront qu’à la fermer, comme s’ils n’étaient déjà plus là. Le rendez-vous avec les générations du passé, celles qui ont tiré des leçons de l’histoire mais sont en train de mourir, va perdre toute valeur. Le rendez-vous avec la nôtre aussi, lentement mais sûrement.

    La devise sera : éliminer, nettoyer

    Il faut enfin que quelque chose aille dans la bonne direction, à droite. Ils ont des gens qui les soutiennent, avec de l’argent, et ils en collectent plus encore, comme on pouvait le voir [à l’hôtel de Potsdam], mais leurs votes, ils les prennent à ceux à qui ils ôtent leurs droits et qu’ils veulent appauvrir. C’est un champ de bataille idéologique où ceux qui tombent doivent être vite enlevés, pour que d’autres puissent tomber. Pour lesquels il faut faire de la place. Les étrangers dehors, ils ne veulent pas vivre comme nous, donc on ne leur donne pas la possibilité de le faire. Ainsi ils ne seront pas tentés de nous chasser. Oui, fermer les #frontières, resserrer les rangs, profiter indûment des #droits_sociaux deviendra impossible, car il n’y aura plus rien de social. En revanche, on est sûr d’avoir un grand nettoyage, et qui pourrait être contre la propreté ? La devise sera : éliminer, nettoyer, toujours plus de gens seront nettoyés par de vrais héros bien propres qui glissent des enveloppes [à l’hôtel]. Et bien sûr, parmi eux, il y a un Autrichien, au moins un ! Nous sommes toujours là, quand il s’agit d’exporter ce que les Allemands n’ont pas encore.

    Bientôt nous pourrons exporter une démocratie illibérale, comme les Hongrois en ont déjà une, nous en avons suffisamment, pour nous, une suffit. Même si cela ne nous suffit pas. [Viktor] Orban [premier ministre hongrois depuis 2010] a déjà congédié la démocratie, si légèrement que là-bas ils ne le remarquent même pas, sinon ils seraient tous les jours dans la rue contre lui. Et chez nous aussi ça se passera comme ça, presque sans que nous nous en rendions compte, presque à l’improviste, la société sera transformée, convaincue en plus qu’elle s’est transformée elle-même, pour que les gens vivent mieux, bien sûr, chez eux, c’est ce que l’on promet toujours.
    J’entends respirer un monstre, j’entends s’affaiblir le souffle de la démocratie. Je suis contente que vous soyez si nombreux et que vous vouliez lui insuffler une vie nouvelle. J’espère qu’il n’est pas trop tard.

    Traduit de l’allemand par Joëlle Stolz.

    Elfriede Jelinek est une écrivaine autrichienne. Autrice de La Pianiste (1983), de Lust (1989) et d’Enfants des morts (1995), elle a reçu le prix Nobel de littérature en 2004. Souffrant d’agoraphobie, l’écrivaine n’apparaît plus en public mais continue à prendre la parole. Ce texte a été lu par une comédienne lors de la manifestation contre l’extrême droite à Vienne, le 28 janvier.
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/06/l-autrichienne-elfriede-jelinek-prix-nobel-de-litterature-sur-la-montee-de-l

  • Congé de naissance : enfumage et complaisance médiatique - Par Élodie Safaris | Arrêt sur images
    https://www.arretsurimages.net/chroniques/calmos/conge-de-naissance-enfumage-et-complaisance-mediatique
    https://api.arretsurimages.net/api/public/media/congeparental/action/show?format=thumbnail&t=2024-01-27T13:14:04+01:00

    Comment l’annonce de la suppression d’un droit qui bénéficie très majoritairement aux femmes a été repeinte en un « progrès majeur » sans que grand monde ne s’en émeuve et comment les médias se contentent de reprendre les éléments de langage du gouvernement sans (trop) réfléchir.

    • Le congé parental

      Le congé parental est ce congé longue durée qu’un parent peut prendre APRÈS son congé maternité / paternité et qui lui permet de suspendre ou réduire son activité professionnelle jusqu’aux trois ans de l’enfant et son entrée à l’école. Il fait l’objet d’une aide financière faible : la prestation partagée d’éducation de l’enfant (Prepare), à hauteur d’environ 429 euros par mois. Et il est très majoritairement pris par les mères puisque 14% d’entre elles en bénéficient, contre moins de 1% des pères (chiffres de l’Observatoire Français des Conjonctures Économiques).

      Le lendemain matin, Aurore Bergé en SAV sur Sud Radio (glissant au passage quelque fake news) précisait que ce nouveau congé de six mois incluait le congé maternité / paternité. S’il est question de six mois par parent, c’est donc six mois EN TOUT, congé maternité (16 semaines, réparties en 6 semaines de congé prénatal et 10 de congé post-natal) et paternité (28 jours soit à peu près 4 semaines) compris. Pour faire simple, l’on est bel est bien en présence d’une régression et d’une perte de droit. Ce droit, c’est celui de pouvoir se mettre en congé avec la garantie de retrouver plus tard son poste puisque les employeurs ont obligation d’accepter les demandes de congé parental de leurs salariés. Ce que la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes qualifie de ""progrès formidable"" qui laisserait aux parents ""plus de liberté, plus de choix"" est en réalité un recul des droits qui ne dit pas son nom.

    • Seuls quelques médias mettent en perspective le peu que l’on sait à ce moment-là de ce nouveau congé. Le Figaro présente les annonces ainsi : ""La réforme ne permettra plus aux parents d’être rémunérés au-delà de six mois d’un congé parental incluant congé maternité et congé paternité"". On commence à voir un peu plus clairement ce que l’on perd. France Bleu, qui excelle aussi en maths, pointe la supercherie : ""Ce congé naissance pourra être de seulement deux mois pour les femmes, après leur congé maternité"."

    • Cette annonce est un recul social massif à plusieurs égards. C’est avant tout, une perte de droit substantiel puisque cette mesure supprime la garantie pour les parents qui s’arrêtent de retrouver leur job après le congé. C’est également un effet d’annonce. En réalité, ce n’est pas six mois de congé parental puisque cette durée comprend le congé maternité / paternité comme le relève une internaute : ""6 mois dont 4 mois sont déjà un acquis pour toutes les françaises, cela ne fait que 2 mois de plus !"". Cela revient d’ailleurs plus à une prolongation du congé maternité / paternité et à une suppression pure et simple du congé parental de longue durée. En bref, de la poudre de perlimpinpin.

  • Loi « immigration » : « Le Conseil a manqué l’occasion de se prononcer sur les limites constitutionnelles aux atteintes portées aux droits des étrangers »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/28/loi-immigration-le-conseil-a-manque-l-occasion-de-se-prononcer-sur-les-limit

    La décision du Conseil constitutionnel restera comme l’une des plus habiles qu’ait rendues l’institution de la rue de Montpensier : elle lui a permis de se sortir de la situation inextricable dans laquelle l’avait injustement placée la majorité présidentielle.

    Le juge constitutionnel n’a en principe vocation qu’à contrôler la constitutionnalité des dispositions d’une loi adoptée par la majorité et contestée par l’opposition. Or, il s’est trouvé saisi d’un texte, fruit d’un compromis entre le gouvernement et les parlementaires de droite, dont des ministres et des membres de la majorité ont pointé publiquement, de manière inédite, les potentiels vices de constitutionnalité.

    L’objet du contrôle de constitutionnalité a priori s’en trouvait dès lors détourné : la majorité présidentielle (relative) entendait en faire un mécanisme lui permettant de remporter juridiquement ce qu’elle n’avait pas su obtenir politiquement. Voilà pourquoi le gouvernement n’a pas pleinement exercé sa fonction de défenseur de la constitutionnalité de la loi devant le juge constitutionnel : il s’en est remis, de manière inhabituelle, « à la sagesse du Conseil constitutionnel » à propos du nombre de dispositions introduites par les sénateurs républicains avec lesquelles il était en désaccord.

    Le Conseil constitutionnel se trouvait dès lors placé dans une impasse présentant des risques significatifs pour sa légitimité. Une censure des dispositions les plus sensibles du texte au regard de leur contrariété à certains droits ou libertés aurait conduit à la vive mise en cause de l’institution et au retour de l’antienne sur le « gouvernement des juges » – un risque bien réel au vu des attaques dont il avait fait l’objet, en 1993, à la suite de sa décision de censure d’une loi relative à l’immigration. A l’inverse, une déclaration de conformité aurait provoqué des doutes sur sa capacité à être un véritable gardien des droits et libertés constitutionnels.

    Motifs procéduraux

    En choisissant de qualifier l’essentiel des dispositions les plus controversées de la loi de « cavaliers législatifs », le Conseil constitutionnel a privilégié une solution ingénieuse : tout en se fondant sur une jurisprudence bien établie et sur un raisonnement juridique en apparence imparable, il évite de se prononcer sur l’atteinte éventuelle de ces dispositions aux droits et libertés constitutionnels.
    Cette habileté du Conseil constitutionnel ne le préservera cependant pas de certaines critiques légitimes.

    D’abord, si la jurisprudence relative aux « cavaliers législatifs » est ancienne, elle a en effet été appliquée avec un zèle particulier dans le cadre du contrôle de cette loi, et ce en dépit de la révision constitutionnelle de 2008 qui avait justement vocation à desserrer son contrôle. Rappelons qu’en l’état du droit, lorsqu’il contrôle une disposition qui a été ajoutée par voie d’amendement, le juge constitutionnel doit contrôler qu’elle présente un lien, même indirect, avec le contenu du projet de loi initialement déposé devant le Parlement.
    La décision sur la loi « immigration » montre que ce contrôle n’est pas toujours exercé avec la même vigilance ou cohérence : dans sa décision sur la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, il avait ainsi admis des dispositions relatives à la nationalité sans y voir de « cavalier » alors qu’il vient de faire le contraire sans qu’on puisse objectivement expliquer cette différence.

    Ensuite, ce choix de censurer une grande partie de la loi pour un motif procédural surprend d’autant plus quand on le met en parallèle avec sa décision du 14 avril 2023 sur la loi de réforme des retraites. Dans cette dernière, le Conseil constitutionnel avait refusé de voir un quelconque vice de constitutionnalité dans l’emploi, par le gouvernement, d’un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale et l’accumulation du recours aux mécanismes de rationalisation du parlementarisme, et ce alors même que cela avait largement tronqué les débats parlementaires.

    Deux poids, deux mesures

    La décision de censurer plus d’un tiers des articles de la loi « immigration » largement issus d’amendements parlementaires donne de ce fait l’impression d’un deux poids, deux mesures : le Conseil paraît appliquer les règles procédurales de manière plus pointilleuse à l’égard des parlementaires que du gouvernement.

    Enfin, cette décision laisse en suspens la question de la conformité aux droits et libertés constitutionnels de certaines dispositions particulièrement controversées, comme l’article 19, qui instaure une « #préférence_nationale » en restreignant l’accès à certaines prestations sociales non contributives pour nombre d’étrangers. Certes, il y a peu de chance que ces articles soient de nouveau discutés à court terme : on imagine mal la majorité présidentielle soutenir la réintroduction de dispositions qu’elle a contestées publiquement et que le gouvernement n’a pas défendues devant le Conseil constitutionnel.

    La question de la constitutionnalité de certains dispositifs va cependant inévitablement se reposer, au moins dans le cadre des campagnes électorales, dès lors que certains partis défendent cette « préférence nationale ». Le juge constitutionnel a manqué l’occasion de se prononcer au fond sur les limites constitutionnelles aux atteintes portées aux #droits des #étrangers. Une telle décision aurait pu informer les citoyens sur la compatibilité du programme politique de certains partis avec la Constitution, information qui apparaît d’autant plus nécessaire que la révision de la #Constitution n’est pas chose aisée.
    Ainsi, si la décision du #Conseil_constitutionnel a le mérite d’empêcher la promulgation de dispositions contestables, elle ne marque pas pour autant un progrès de l’Etat de droit.

    Samy Benzina est professeur de droit public à l’université de Poitiers

    #loi_immigration

  • De plus en plus de voix soulignent que les pays qui ont coupé leur financement à l’UNRWA le lendemain même de l’ordonnance de la cour internationale sont certainement en train de participer elles-mêmes au crime de génocide.

    J’aurais même tendance à penser que c’est là la réponse des amis d’Israël à l’ordonnance de la cour. C’est plus qu’un « contrefeu » destiné à détourner l’attention : au contraire, c’est ce qu’en anglais on nomme « power move » (An aggressive action taken to demonstrate power and dominance.) Montrer que la décision de la cour non seulement n’aura aucun effet pratique pour les Palestiniens (les médias ne cessent déjà de répéter que l’ordonnance est inutile, parce qu’elle sera sans effet), mais qu’au contraire plus on ira dans sur cette voie (de la justice internationale) et plus les Palestiniens souffriront.

  • « Le cimetière du droit international que représente Gaza marque la fin d’un monde »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/25/le-cimetiere-du-droit-international-que-represente-gaza-marque-la-fin-d-un-m

    Dans le conflit israélo-palestinien, qui est marqué par la violence et le poids de considérations historiques, religieuses et géopolitiques, la voix du droit demeure encore largement inaudible. Dans un monde qui renoue dangereusement avec la pure logique de puissance, la rationalité juridique est pourtant plus légitime et nécessaire que jamais.

    La requête de l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice (#CIJ) [à La Haye, qui rendra sa décision le vendredi 26 janvier], qui accuse Israël de violer la Convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide, représente, contrairement à ce qu’affirme le ministre des affaires étrangères français, Stéphane Séjourné, un rappel salutaire : ce conflit, en général, et la sécurité d’#Israël, en particulier, ne sauraient échapper aux prescriptions du droit international. L’exercice du droit à la légitime défense n’autorise pas la commission de crimes internationaux et Israël ne jouit pas de jure d’un quelconque régime d’exception.

    Plus largement, la plainte sud-africaine ouvre un chapitre exceptionnel dans le dossier juridique du #conflit_israélo-palestinien. Cette « exceptionnalité juridique » est liée à l’extrême gravité de l’accusation : dans sa requête de 84 pages et durant ses plaidoiries devant la Cour, l’Afrique du Sud démontre rigoureusement pourquoi, selon elle, Israël commet un « #génocide » – une notion particulièrement chargée qui revêt un sens juridique bien établi.

    Pretoria a notamment rappelé que plus de 23 000 #Palestiniens de #Gaza – dont une majorité de femmes et d’enfants – ont été tués, plus de 60 000 blessés, et que l’entièreté de la population gazaouie, privée d’eau, de nourriture, de médicaments et de logements, est soumise à des conditions d’existence susceptibles d’entraîner sa disparition – actes potentiellement constitutifs d’un génocide.

    Caractère plausible du risque

    Les avocats sud-africains ont en outre mis en exergue, à travers de nombreux discours de hauts responsables politiques et militaires israéliens déshumanisant la population gazaouie dans son ensemble, ce qu’ils considèrent être une intention génocidaire manifeste. Ces actes et ces discours doivent aussi, rappellent les avocats sud-africains, s’interpréter dans un continuum plus large d’exactions et de violations des droits des Palestiniens depuis plus de soixante-quinze ans – une période durant laquelle Israël a conduit une politique d’apartheid, a occupé et colonisé le territoire palestinien et a exercé un blocus total de la bande de Gaza en violation du droit international.

    Si Israël s’est efforcé de démontrer qu’il n’existe aucune intention génocidaire, et que ses opérations militaires à Gaza sont exclusivement destinées à défendre sa population contre la menace existentielle que représenterait le Hamas, l’insistance de ses dirigeants à nier l’existence d’un « peuple palestinien » et à vouloir poursuivre une guerre aux conséquences catastrophiques pour la population pourrait pousser la Cour à reconnaître le caractère plausible du risque de génocide et à ordonner des mesures conservatoires en accord avec sa jurisprudence récente concernant le Myanmar et l’Ukraine.

    A cette « exceptionnalité juridique », s’ajoute une « exceptionnalité politique » liée aux conséquences possibles de la décision de la CIJ. La reconnaissance d’un risque de génocide de la population gazaouie constituerait une onde de choc mondiale. Juridiquement, non seulement Israël pourrait être contraint de mettre un terme à ses opérations meurtrières dans la bande de Gaza, mais ses principaux alliés, notamment les Etats-Unis, devraient reconsidérer leur soutien inconditionnel à un Etat désormais suspecté de génocide. Le non-respect par Israël de la décision (obligatoire) de la Cour pourrait donner lieu à des sanctions internationales.

    Cette évolution marquerait un tournant politique majeur tant Israël bénéficie d’une impunité de facto, en dépit de sa violation manifeste du droit international. La colonisation de la Cisjordanie, le blocus total de la bande de Gaza et la privation du droit du peuple palestinien à disposer de lui-même ont été condamnés par de multiples résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale des Nations unies.

    Contestation de l’hégémonie occidentale

    Plusieurs rapports des commissions d’enquête des Nations unies ont en outre dénoncé les crimes internationaux commis par Israël à l’encontre de la population palestinienne, y compris des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. La décision de la CIJ, qui pourrait aussi inciter la Cour pénale internationale à agir avec plus de célérité, marquerait en ce sens un changement de paradigme majeur.
    Enfin, cette requête constitue une exceptionnalité « symbolique » et géopolitique en raison de l’identité des deux parties impliquées. Israël est censé offrir un Etat aux juifs victimes d’un antisémitisme séculaire dont la dimension criminelle a atteint un niveau paroxystique avec la Shoah, et l’Afrique du Sud de Nelson Mandela (1918-2013) a vaincu l’apartheid et son idéologie fondée sur le « suprémacisme blanc » et la ségrégation raciale.

    Aujourd’hui, la requête de l’Afrique du Sud porte en elle le bouleversement du monde en cours : le discours sur l’universalisme des #droits_humains et le respect du #droit_international n’est plus assumé et incarné par l’#Occident mais par une démocratie du Sud. En cela, la guerre à Gaza nourrit de manière décisive la contestation de l’hégémonie occidentale et de sa prétention au magistère moral.

    La duplicité de l’Occident dès lors qu’il s’agit de respect du droit international par Israël sape l’édifice rhétorique et juridique qu’il a lui-même forgé à la fin de la seconde guerre mondiale. Le cimetière du droit international que représente Gaza marque la fin d’un monde.

    Béligh Nabli est professeur des universités en droit public à l’UPEC-Paris XII, auteur de Relations internationales. Droit. Théorie. Pratique (Pedone, 2023).
    Johann Soufi est avocat spécialisé en droit international et chercheur associé au Centre Thucydide de l’université Paris-II-Panthéon-Assas.

  • La #France qui a #faim avec #Bénédicte_Bonzi et #Guillaume_Le_Blanc

    Rencontre d’une anthropologue spécialiste de la faim et d’un philosophe qui a beaucoup écrit sur la #précarité pour penser les erreurs d’un pays riche où 8 millions de Français doivent recourir à l’#aide_alimentaire tandis que 10 millions de tonnes de #nourriture sont jetées par an en France.

    Pour comprendre l’#absurdité de ce #paradoxe et la faillite de notre #agriculture_productiviste, nous recevons l’anthropologue Bénédicte Bonzi qui a mené une longue étude aux #Restos_du_coeur. Sur le terrain, elle mesure la #souffrance de #bénévoles qui constatent que leur action, loin d’aider à sortir de la #pauvreté, consiste surtout à maintenir une #paix_sociale en évitant des vols et des #émeutes_de_la_faim.

    Et si, dans une société démocratique, l’urgence consistait moins à donner de la nourriture que des #droits pleins et entiers ? Le regard du philosophe Guillaume Le Blanc nous permettra de questionner la #violence qui s’exerce contre les plus pauvres. Comment penser la #vulnérabilité au cœur de la cité ?

    https://audioblog.arteradio.com/blog/215851/podcast/219681/la-france-qui-a-faim-avec-benedicte-bonzi-et-guillaume-le-blanc

    #audio #podcast

  • Decoding #Balkandac : Navigating the EU’s Biometric Blueprint

    This report, authored by the Border Violence Monitoring Network with support from Privacy International, investigates the development of interoperable biometric databases, akin to Eurodac, in the Western Balkans, referred to as the “Balkandac” system. It highlights a lack of transparency in current regional data-sharing systems and underscores the significant role of EU institutions in their creation.

    The report employs a comprehensive methodology, combining grassroots observations, open-source research, and Freedom of Information Requests (FOI) submissions to address human rights violations.

    This report aims to contextualise recent developments towards the digitalisation of biometric data collection in the Western Balkans into wider shifts in migration policy and data-sharing frameworks at the EU level. In order to achieve this, the report first unpacks the key regulations envisioned under the EU’s New Pact on Migration and Asylum and how these are envisioned to operate within EU Member States. Collectively, they establish a system whereby people on the move are prevented from entering the territory of Member States, subjected to expedited procedures, and returned directly to “safe third countries”. This manifests as a legalisation of the pushback process; individual claims will undergo insufficient scrutiny within compressed timeframes and procedural rights, such as access to free legal aid and the suspensive effect of appeals against inadmissabiliy decisions, are not yet guaranteed at the time of writing. These legal shifts unequivocally obstruct access to the right to asylum within the new regulatory framework.

    A key ongoing development in this line is the development of biometric data collection systems that are modelled off the EURODAC system, allowing for seamless interoperability in the future. Funding from the EU’s Instruments for Pre-Accession Assistance and bilateral agreements with Member States have supported these data systems in the Western Balkans, mirroring Eurodac. Critiques arise from increased interoperability of EU databases, which blur immigration and criminal law purposes, lack anti-discrimination safeguards, and bypass key data protection principles.

    The core issue lies in the balance between personal data protection and fundamental rights, contrasted with the use of biometric systems for mass surveillance and data analysis. The report emphasizes the merging of migration and security discourses, underscoring the potential for unjust criminalisation of migrants, making it harder for them to seek asylum and international protection.

    https://borderviolence.eu/reports/balkandac
    #biométrie #Balkans #rapport #Border_Violence_Monitoring_Network (#BVMN) #interopérabilité #données #base_de_données #Balkans_occidentaux #données_biométriques #pacte_européen_sur_la_migration_et_l’asile #migrations #asile #réfugiés #frontières #pays-tiers_sûrs #accès_à_l'asile #eurodac #Instruments_for_Pre-Accession_Assistance #droits_fondamentaux

  • Le #règlement européen sur l’IA n’interdira pas la #surveillance_biométrique de masse

    Le 8 décembre 2023, les législateurs de l’#Union_européenne se sont félicités d’être parvenus à un accord sur la proposition de #règlement tant attendue relative l’intelligence artificielle (« #règlement_IA »). Les principaux parlementaires avaient alors assuré à leurs collègues qu’ils avaient réussi à inscrire de solides protections aux #droits_humains dans le texte, notamment en excluant la #surveillance_biométrique_de_masse (#SBM).

    Pourtant, malgré les annonces des décideurs européens faites alors, le règlement IA n’interdira pas la grande majorité des pratiques dangereuses liées à la surveillance biométrique de masse. Au contraire, elle définit, pour la première fois dans l’#UE, des conditions d’utilisation licites de ces systèmes. Les eurodéputés et les ministres des États membres de l’UE se prononceront sur l’acceptation de l’accord final au printemps 2024.

    L’UE entre dans l’histoire – pour de mauvaises raisons

    La coalition #Reclaim_Your_Face soutient depuis longtemps que les pratiques des SBM sont sujettes aux erreurs et risquées de par leur conception, et qu’elles n’ont pas leur place dans une société démocratique. La police et les autorités publiques disposent déjà d’un grand nombre de données sur chacun d’entre nous ; elles n’ont pas besoin de pouvoir nous identifier et nous profiler en permanence, en objectifiant nos #visages et nos #corps sur simple pression d’un bouton.

    Pourtant, malgré une position de négociation forte de la part du Parlement européen qui demandait l’interdiction de la plupart des pratiques de SBM, très peu de choses avaient survécu aux négociations du règlement relatif à l’IA. Sous la pression des représentants des #forces_de_l’ordre, le Parlement a été contraint d’accepter des limitations particulièrement faibles autour des pratiques intrusives en matière de SBM.

    L’une des rares garanties en la matière ayant apparemment survécu aux négociations – une restriction sur l’utilisation de la #reconnaissance_faciale a posteriori [par opposition à l’utilisation en temps réel] – a depuis été vidée de sa substance lors de discussions ultérieures dites « techniques » qui se sont tenues ces dernière semaines.

    Malgré les promesses des représentants espagnols en charge des négociations, qui juraient que rien de substantiel ne changerait après le 8 décembre, cette édulcoration des protections contre la reconnaissance faciale a posteriori est une nouvelle déception dans notre lutte contre la #société_de_surveillance.

    Quel est le contenu de l’accord ?

    D’après ce que nous avons pu voir du texte final, le règlement IA est une occasion manquée de protéger les #libertés_publiques. Nos droits de participer à une #manifestation, d’accéder à des soins de #santé_reproductive ou même de nous asseoir sur un #banc pourraient ainsi être menacés par une surveillance biométrique omniprésente de l’#espace_public. Les restrictions à l’utilisation de la reconnaissance faciale en temps réel et a posteriori prévues par la loi sur l’IA apparaissent minimes et ne s’appliqueront ni aux entreprises privées ni aux autorités administratives.

    Nous sommes également déçus de voir qu’en matière de « #reconnaissance_des_émotions » et les pratiques de #catégorisation_biométrique, seuls des cas d’utilisation très limités sont interdits dans le texte final, avec d’énormes lacunes.

    Cela signifie que le règlement IA autorisera de nombreuses formes de reconnaissance des émotions – telles que l’utilisation par la police de systèmes d’IA pour évaluer qui dit ou ne dit pas la #vérité – bien que ces systèmes ne reposent sur aucune base scientifique crédible. Si elle est adoptée sous cette forme, le règlement IA légitimera une pratique qui, tout au long de l’histoire, a partie liée à l’#eugénisme.

    Le texte final prévoit également d’autoriser la police à classer les personnes filmées par les caméras de #vidéosurveillance en fonction de leur #couleur_de_peau. Il est difficile de comprendre comment cela peut être autorisé étant donné que la législation européenne interdit normalement toute #discrimination. Il semble cependant que, lorsqu’elle est pratiquée par une machine, les législateurs considèrent de telles #discriminations comme acceptables.

    Une seule chose positive était ressorti des travaux techniques menés à la suite des négociations finales du mois de décembre : l’accord entendait limiter la reconnaissance faciale publique a posteriori aux cas ayant trait à la poursuite de crimes transfrontaliers graves. Bien que la campagne « Reclaim Your Face » ait réclamé des règles encore plus strictes en la matière, cela constituait un progrès significatif par rapport à la situation actuelle, caractérisée par un recours massif à ces pratiques par les États membres de l’UE.

    Il s’agissait d’une victoire pour le Parlement européen, dans un contexte où tant de largesses sont concédées à la surveillance biométrique. Or, les négociations menées ces derniers jours, sous la pression des gouvernements des États membres, ont conduit le Parlement à accepter de supprimer cette limitation aux #crimes_transfrontaliers graves tout en affaiblissant les garanties qui subsistent. Désormais, un vague lien avec la « #menace » d’un crime pourrait suffire à justifier l’utilisation de la #reconnaissance_faciale_rétrospective dans les espaces publics.

    Il semblerait que ce soit la #France qui ait mené l’offensive visant à faire passer au rouleau compresseur notre droit à être protégés contre les abus de nos données biométriques. À l’approche des #Jeux_olympiques et paralympiques qui se tiendront à Paris cet été, la France s’est battue pour préserver ou étendre les pouvoirs de l’État afin d’éradiquer notre anonymat dans les espaces publics et pour utiliser des systèmes d’intelligence artificielle opaques et peu fiables afin de tenter de savoir ce que nous pensons. Les gouvernements des autres États membres et les principaux négociateurs du Parlement n’ont pas réussi à la contrer dans cette démarche.

    En vertu du règlement IA, nous serons donc tous coupables par défaut et mis sous #surveillance_algorithmique, l’UE ayant accordé un blanc-seing à la surveillance biométrique de masse. Les pays de l’UE auront ainsi carte blanche pour renforcer la surveillance de nos visages et de nos corps, ce qui créera un précédent mondial à faire froid dans le dos.

    https://www.laquadrature.net/2024/01/19/le-reglement-europeen-sur-lia-ninterdira-pas-la-surveillance-biometriq
    #surveillance_de_masse #surveillance #intelligence_artificielle #AI #IA #algorithme

    voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/1037288

  • « Incompétence des “juges”, absence d’indépendance réelle : les entorses du Conseil constitutionnel à la démocratie »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/17/incompetence-des-juges-absence-d-independance-reelle-les-entorses-du-conseil

    Le fait que nous nous soyons habitués à vivre au rythme des décisions du Conseil constitutionnel (un rythme qui s’est pris avec les lois adoptées pendant la pandémie de Covid-19, prolongé par l’épisode des retraites, et aujourd’hui la #loi_sur_l’immigration) ne signifie pas que celui-ci soit digne de la mission qui lui est confiée : protéger les #droits et #libertés garantis par la #Constitution.

    Avant qu’il rende sa décision sur le projet de loi « contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » adopté par le Parlement le 19 décembre 2023, il importe de rappeler que des entorses de principe à la démocratie résultent de la composition et du fonctionnement du Conseil constitutionnel : partialité et incompétences des « juges », absence d’indépendance réelle vis-à-vis des pouvoirs qu’il contrôle, graves insuffisances dans la rédaction de ses décisions.

    Ces critiques ont déjà été portées, mais le constat demeure. Une affaire nous en donne l’occasion. La situation du Conseil se trouve actuellement examinée par un comité des Nations unies, le comité d’Aarhus, dont la mission est de suivre l’application de la convention du même nom. Cette convention porte notamment sur la question de l’accès à la justice à des fins de protection de l’environnement. Ce sont les trois associations France Nature Environnement, La Sphinx et Greenpeace France qui ont porté l’incurie du Conseil constitutionnel devant cette instance.

    Celui-ci avait en effet rendu une décision le 1er avril 2022 à propos de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (loi ELAN) sur une question prioritaire de constitutionnalité posée par l’association La Sphinx (décision n° 2022-986 #QPC). Le Conseil confirma alors la constitutionnalité de la disposition qui privait les associations de la possibilité d’exercer un recours contre les permis de construire, dès lors qu’elles étaient constituées depuis moins d’un an.

    Règles de procédure inadéquates

    Parmi les griefs adressés par les trois associations au Conseil constitutionnel devant le comité onusien figurent les conditions dans lesquelles il a rendu sa décision du 1er avril 2022 : est ainsi mise en avant l’absence d’impartialité de la cour, une absence aggravée par des règles de procédure inadéquates et une forme de dépendance aux pouvoirs contrôlés.

    A ce sujet, nous avons formulé des observations devant le comité onusien, car nous sommes conscients de l’impérieuse nécessité démocratique de mettre un terme aux pratiques du Conseil constitutionnel, contraires aux standards d’une justice équitable, indépendante et impartiale. Cette occasion est importante, il ne faut pas la manquer.

    Nous avons d’abord fait observer que la plupart des neuf membres qui composent cette cour constitutionnelle sont d’anciennes personnalités politiques (premiers ministres, ministres ou parlementaires). Cette situation est quasiment inédite dans le monde. Le plus souvent, ces personnalités ont été concernées comme politiques par les textes législatifs qu’ils « jugent » ensuite au Conseil constitutionnel. C’était le cas dans l’affaire « La Sphinx », puisque deux anciens ministres, Jacques Mézard et Jacqueline Gourault, étaient concernés par la loi en cause et ont participé au jugement.

    Dans le cadre de ses fonctions antérieures, Jacques Mézard a été chargé de la déclaration relative à la loi contestée (une loi dont le gouvernement avait pris l’initiative) devant l’Assemblée nationale le 3 octobre 2018, déclaration à l’issue de laquelle il indique que « la loi ELAN va pouvoir devenir une réalité et je le crois améliorer le quotidien des Français, de tous les Français sur l’ensemble du territoire de la République ».

    Dans le cadre de ses fonctions gouvernementales, Jacqueline Gourault a eu la charge toute spécifique de rédiger la circulaire d’application de la loi contestée (circulaire du 21 décembre 2018), dont le contenu ne laisse pas de doute sur l’accord de son auteur avec le dispositif contesté : l’article 80 de la loi, indique la circulaire, « vise à sécuriser les autorisations de construire, accélérer les délais de jugement et mieux sanctionner les recours abusifs ».

    Jacques Mézard et Jacqueline Gourault ont ainsi tous deux exprimé une pensée en accord avec la loi contestée, mais, surtout, en ont défendu le principe dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions antérieures à celles de juges, et alors qu’ils n’étaient ni l’un ni l’autre soumis à des exigences d’indépendance et d’impartialité : l’un a défendu la loi devant l’Assemblée nationale qui devait voter la loi, et l’autre l’a défendue auprès des administrations qui devaient l’appliquer.

    Il s’agit là d’une situation de #partialité incompatible avec les standards de l’organisation de la justice en pays démocratique. Ces standards sont le fruit de l’histoire de la justice et de la démocratie et ont été également formulés par la Cour européenne des droits de l’homme. Pourtant, il existe un mécanisme destiné à l’éviter, celui du #déport, par lequel quelqu’un ne participe pas au jugement parce qu’il se trouve dans une situation « objective » de partialité. Mais la pratique du déport au sein du Conseil reste insuffisante, et cette affaire le rappelle.

    Obligation de quorum

    Nous avons également fait valoir que la composition problématique du Conseil constitutionnel était aggravée par certaines règles de procédure à suivre. Est d’abord visée l’obligation de quorum, une règle applicable à toute juridiction : pour juger valablement, sept au moins des neuf membres doivent être présents. Mais le nombre de personnalités susceptibles d’être en situation objective de conflit d’intérêts vis-à-vis de la loi jugée est fréquemment supérieur à deux.
    Cela fait que le Conseil est conduit à juger à six ou à cinq, ce qui n’est pas souhaitable pour un pays tel que le nôtre. Dans cette situation par exemple, la cour constitutionnelle d’Allemagne n’a tout simplement pas le droit de juger. Le Conseil français, lui, invoque l’idée de « force majeure », la vidant complètement de son sens puisque, en droit, la force majeure correspond à un événement imprévisible et irrésistible .
    Une autre règle de procédure, enfin, a spécifiquement posé problème dans cette affaire. Jacqueline Gourault est entrée en Conseil constitutionnel, et a participé à la décision du 1er avril 2022, après que le délai dont disposait La Sphinx pour demander la récusation de l’un des membres du Conseil constitutionnel avait expiré.

    Autrement dit, il n’était plus possible de demander que Jacqueline Gourault ne participe pas au jugement pour cause de situation de partialité, tout simplement parce qu’elle a intégré le Conseil alors que l’affaire était déjà en cours. Là encore, il y a une contrariété aux principes élémentaires de la justice, et la situation est systémique au Conseil constitutionnel.
    Tout le long de nos observations, nous avons donc essayé de montrer que ces manquements aux standards du fonctionnement des juridictions ne sont pas, hélas, le fait de la décision du 1er avril 2022, mais participent de la structure même de notre Conseil constitutionnel, une situation qui ne fait pas honneur à la prétention française à être leader dans le domaine des institutions démocratiques et de l’Etat de droit.

    Lauréline Fontaine est professeure de droit public à l’université Sorbonne-Nouvelle, autrice de La Constitution maltraitée (Ed. Amsterdam, 2023) ; Thomas Perroud est professeur de droit public à l’université Paris-II Panthéon-Assas (Cersa CNRS) ; Dominique Rousseau est professeur émérite de droit public à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne.

    https://seenthis.net/messages/1036314

  • Loi « immigration » : le risque d’une généralisation des droits différenciés pour les étudiants étrangers

    La loi sur l’immigration inscrit dans le #code_de_l’éducation des #droits_d’inscription plus élevés pour les étudiants non européens. Une mesure qui existe depuis 2019, mais qui était en pratique peu appliquée.

    C’était l’une des mesures les plus décriées du plan « #Bienvenue_en_France », présenté par l’ancienne ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal. Depuis 2019, les étudiants étrangers doivent s’acquitter de droits d’inscription plus élevés que les candidats européens. Plusieurs universités s’étaient jusqu’ici engagées à ne pas mettre en place ce principe, mais la récente loi « immigration », en inscrivant celui-ci dans le code de l’#éducation, rendrait obligatoire son application.

    En déplacement au salon d’orientation postbac de Paris-La Villette, vendredi 12 janvier, #Sylvie_Retailleau, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, reconduite au sein du nouveau gouvernement, a assuré avoir obtenu des engagements « forts » auprès du président de la République, Emmanuel Macron. Une manière de rassurer la communauté universitaire, qui avait fermement condamné les dispositions de la loi « immigration », dont la généralisation des #droits_différenciés. Ceux-ci ne sont pas une nouveauté. Depuis 2019, les étudiants extracommunautaires (hors Union européenne) qui souhaitent s’inscrire à un diplôme national de licence, de master ou de cycle d’ingénieur doivent débourser 2 270 euros pour une licence et 3 770 euros pour un master, contre 170 et 243 euros pour le reste des candidats.

    Le ministère avait cependant accordé, par décret, aux facultés la possibilité d’exonérer de droits d’inscription 10 % de leurs étudiants. Un dispositif que les présidents ont massivement choisi d’utiliser en faveur des candidats extracommunautaires. Ainsi en 2023, 57 % des universités (soit 42 d’entre elles) ont exonéré l’intégralité des étudiants étrangers, selon un décompte publié par l’agence de presse spécialisée AEF. Elles sont 16 (22 %) à en exonérer une partie, selon des critères académiques, de nationalités ou linguistiques. Seules 13 universités (18 %) appliquent complètement les frais majorés.
    Selon la vice-présidente de l’université Paris-II Panthéon-Assas, Emmanuelle Chevreau, à la rentrée 2023, ces frais majorés, mis en place par l’administration précédente, ont concerné 900 étudiants – sur les 3 000 candidats étrangers accueillis. Ces derniers peuvent ensuite faire une demande d’exonération partielle. « Ensuite, 50 % des demandes sont acceptées selon des critères économiques et sociaux. Cette année, seuls 10 % des étudiants en ont fait la demande », indique-t-elle.
    En pratique, rares sont les étudiants qui payent l’intégralité des frais : sur les 96 600 étudiants inscrits à la rentrée 2021, ils ne sont même que 6 %, indique une note du service statistique et analyse de l’enseignement supérieur parue en mars 2023. Près de 17 % en sont totalement exonérés, le reste bénéficiant d’exonérations partielles, décidées par l’établissement ou via des bourses du gouvernement et d’ambassade. A l’université de Limoges, jusqu’en 2021, la présidence avait refusé de faire payer davantage aux étudiants étrangers. Mais la nouvelle équipe, elle, a fait un autre choix. « Nous avons simplement décidé de respecter la loi », souligne le vice-président de l’établissement, Laurent Bourdier, qui réfute « toute considération idéologique ».
    « Nous avons essayé de faire quelque chose d’équilibré en mettant en place plusieurs garde-fous et surtout en jouant sur le jeu des exonérations par le biais d’attribution de bourses d’excellence », détaille-t-il. Sur les 2 000 étudiants étrangers accueillis sur le campus de Limoges, seuls 420 se sont bien acquittés des frais dans leur intégralité. « Le système reste imparfait, il y a eu quelques remous, ça a été difficile d’introduire les droits d’inscription différenciés auprès de nos équipes, reconnaît M. Bourdier. Je ne minimise pas le fait qu’il s’agit de frais importants qui peuvent freiner certains candidats. »
    Ces droits différenciés avaient été présentés par le ministère comme une manne financière devant permettre un meilleur accueil de ces étudiants. « Nous avons un devoir d’exemplarité envers tous ceux qui s’acquittent de ces frais », assure le responsable. A Limoges, ce sont donc 90 000 euros qui sont consacrés à l’accompagnement « individualisé » des étudiants étrangers. Entre 600 000 et 700 000 euros sont dévolus à l’agrandissement du campus international. En tout, les droits d’inscription différenciés rapporteraient environ 900 000 euros à l’établissement.
    D’autres universités arguent qu’elles n’ont pas d’autre choix que d’appliquer ces droits. C’est le cas à l’université de Strasbourg, où pour la première fois, en 2024, l’établissement appliquera les droits différenciés pour les étudiants étrangers puisque le seuil d’exonération de 10 % devrait être dépassé. Une règle a toutefois été décidée : exonérer complètement les étudiants en licence mais faire payer ceux arrivant en master. Certaines universités résistent pourtant tant bien que mal. A Rennes-II, les candidats étrangers représentent 15 % de la population étudiante (23 000) et 85 % d’entre eux sont des étudiants extracommunautaires. Vincent Gouëset, le président de l’université, s’était opposé, dès 2019, à la mise de cette mesure en pointant du doigt la « rupture d’égalité » pour les étudiants étrangers issus de milieux défavorisés. « Le choix de ne pas appliquer ces droits différenciés nous conduit à dépasser le seuil des 10 % autorisé, c’est un choix assumé qui répond aux valeurs d’inclusion et de justice sociale portées par l’établissement, le rectorat en est informé et ne nous a rien dit », déclare le président, conscient que l’adoption de la loi sur l’immigration pourrait pousser le rectorat à lui imposer une application plus stricte des textes.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/15/loi-immigration-le-risque-d-une-generalisation-des-droits-differencies-pour-
    #loi_immigration #étudiants_étrangers #migrations #université #étudiants #inégalités #discrimination

    –-

    ajouté à la métaliste sur les augmentations des #taxes_universitaires prévues en #France dès la rentrée 2019-2020

  • Blinne Ní Ghrálaigh: Lawyer’s closing statement in ICJ case against Israel praised

    This was the powerful closing statement in South Africa’s genocide case against Israel.

    Senior advocate #Blinne_Ní_Ghrálaigh addressed the International Court of Justice on day one of the hearing.

    ICJ: Blinne Ní Ghrálaigh’s powerful closing statement in South Africa case against Israel
    https://www.youtube.com/watch?v=ttrJd2aWF-Y&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.thenational.sco

    https://www.thenational.scot/news/24042943.blinne-ni-ghralaigh-lawyers-closing-statement-icj-case-israel

    #Cour_internationale_de_justice (#CIJ) #Israël #Palestine #Afrique_du_Sud #justice #génocide

    • Israël commet-il un génocide à #Gaza ? Le compte rendu d’une #audience historique

      Alors que les massacres israéliens à Gaza se poursuivent, l’Afrique du Sud a tenté de démontrer, jeudi 11 et vendredi 12 janvier devant la justice onusienne, qu’un génocide est en train d’être commis par Israël à Gaza.

      « Une #calomnie », selon l’État hébreu.

      Devant le palais de la Paix de #La_Haye (Pays-Bas), la bataille des #mots a commencé avant même l’audience. Jeudi 11 janvier au matin, devant la #Cour_de_justice_internationale_des_Nations_unies, des manifestants propalestiniens ont exigé un « cessez-le-feu immédiat » et dénoncé « l’#apartheid » en cours au Proche-Orient. Face à eux, des familles d’otages israélien·nes ont montré les photos de leurs proches kidnappés le 7 octobre par le Hamas.

      Pendant deux jours, devant 17 juges internationaux, alors que les massacres israéliens à Gaza continuent de tuer, de déplacer et de mutiler des civils palestiniens (à 70 % des femmes et des enfants, selon les agences onusiennes), le principal organe judiciaire des Nations unies a examiné la requête, précise et argumentée, de l’Afrique du Sud, destinée à imposer au gouvernement israélien des « #mesures
      _conservatoires » pour prévenir un génocide de la population palestinienne de Gaza.

      La première et plus urgente de ces demandes est l’arrêt immédiat des #opérations_militaires israéliennes à Gaza. Les autres exigent des mesures urgentes pour cesser les tueries, les déplacements de population, faciliter l’accès à l’eau et à la nourriture, et prévenir tout génocide.

      La cour a aussi entendu les arguments d’Israël, qui nie toute #intention_génocidaire et a martelé son « #droit_à_se_défendre, reconnu par le droit international ».

      L’affaire ne sera pas jugée sur le fond avant longtemps. La décision sur les « mesures conservatoires », elle, sera rendue « dès que possible », a indiqué la présidente de la cour, l’États-Unienne #Joan_Donoghue.

      Rien ne dit que les 17 juges (dont un Sud-Africain et un Israélien, Aharon Barak, ancien juge de la Cour suprême israélienne, de réputation progressiste mais qui n’a jamais critiqué la colonisation israélienne) donneront raison aux arguments de l’Afrique du Sud, soutenue dans sa requête par de nombreux États du Sud global. Et tout indique qu’une décision sanctionnant Israël serait rejetée par un ou plusieurs #vétos au sein du #Conseil_de_sécurité des Nations unies.

      Cette #audience solennelle, retransmise sur le site de l’ONU (revoir les débats du jeudi 11 et ceux du vendredi 12), et relayée par de nombreux médias internationaux, a pourtant revêtu un caractère extrêmement symbolique, où se sont affrontées deux lectures radicalement opposées de la tragédie en cours à Gaza.

      « Israël a franchi une limite »

      Premier à prendre la parole, l’ambassadeur sud-africain aux Pays-Bas, #Vusi_Madonsela, a d’emblée replacé « les actes et omissions génocidaires commis par l’État d’Israël » dans une « suite continue d’#actes_illicites perpétrés contre le peuple palestinien depuis 1948 ».

      Face aux juges internationaux, il a rappelé « la Nakba du peuple palestinien, conséquence de la #colonisation_israélienne qui a [...] entraîné la #dépossession, le #déplacement et la #fragmentation systématique et forcée du peuple palestinien ». Mais aussi une « #occupation qui perdure depuis cinquante-six ans, et le siège de seize ans imposé [par Israël] à la bande de Gaza ».

      Il a décrit un « régime institutionnalisé de lois, de politiques et de pratiques discriminatoires, mises en place [par Israël – ndlr] pour établir sa #domination et soumettre le peuple palestinien à un apartheid », dénonçant des « décennies de violations généralisées et systématiques des #droits_humains ».

      « En tendant la main aux Palestiniens, nous faisons partie d’une seule humanité », a renchéri le ministre de la justice sud-africain, #Ronald_Ozzy_Lamola, citant l’ancien président Nelson Mandela, figure de la lutte contre l’apartheid dans son pays.

      D’emblée, il a tenté de déminer le principal argument du gouvernement israélien, selon lequel la procédure devant la Cour internationale de justice est nulle et non avenue, car Israël mènerait une #guerre_défensive contre le #Hamas, au nom du #droit_à_la_légitime_défense garanti par l’article 51 de la charte des Nations unies – un droit qui, selon la Cour internationale de justice, ne s’applique pas aux #Territoires_occupés. « Gaza est occupée. Israël a gardé le contrôle de Gaza. [...] Ses actions renforcent son occupation : la légitime défense ne s’applique pas », insistera un peu plus tard l’avocat Vaughan Lowe.

      « L’Afrique du Sud, affirme le ministre sud-africain, condamne de manière catégorique la prise pour cibles de civils par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens le 7 octobre 2023. Cela étant dit, aucune attaque armée contre le territoire d’un État, aussi grave soit-elle, même marquée par la commission des #crimes atroces, ne saurait constituer la moindre justification ni le moindre prétexte, pour se rendre coupable d’une violation, ni sur le plan juridique ni sur le plan moral », de la #convention_des_Nations_unies_pour_la_prévention_et_la_répression_du_crime_de_génocide, dont est accusé l’État hébreu.

      « La réponse d’Israël à l’attaque du 7 octobre, a-t-il insisté, a franchi cette limite. »

      Un « génocide » au caractère « systématique »

      #Adila_Hassim, principale avocate de l’Afrique du Sud, s’est évertuée à démontrer méthodiquement comment Israël a « commis des actes relevant de la définition d’#actes_de_génocide », dont elle a martelé le caractère « systématique ».

      « Les Palestiniens sont tués, risquent la #famine, la #déshydratation, la #maladie, et ainsi la #mort, du fait du siège qu’Israël a organisé, de la #destruction des villes, d’une aide insuffisante autorisée à atteindre la population, et de l’impossibilité à distribuer cette maigre aide sous les #bombardements incessants, a-t-elle énuméré. Tout ceci rend impossible d’avoir accès aux éléments essentiels de la vie. »

      Adila Hassim s’est attelée à démontrer en quoi la #guerre israélienne cochait les cases du génocide, tel qu’il est défini à l’article 2 de la convention onusienne : « Des actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. »

      Le « meurtre des membres du groupe », premier élément du génocide ? Adila Hassim évoque le « meurtre de masse des Palestiniens », les « 23 000 victimes dont 70 % sont des femmes ou des enfants », et « les 7 000 disparus, présumés ensevelis sous les décombres ». « Il n’y a pas de lieu sûr à Gaza », dit-elle, une phrase empruntée aux responsables de l’ONU, répétée de nombreuses fois par la partie sud-africaine.

      Hasssim dénonce « une des campagnes de bombardement les plus lourdes dans l’histoire de la guerre moderne » : « 6 000 bombes par semaine dans les trois premières semaines », avec des « #bombes de 900 kilos, les plus lourdes et les plus destructrices », campagne qui vise habitations, abris, écoles, mosquées et églises, dans le nord et le sud de la bande de Gaza, camps de réfugié·es inclus.

      « Les Palestiniens sont tués quand ils cherchent à évacuer, quand ils n’ont pas évacué, quand ils ont pris la #fuite, même quand ils prennent les itinéraires présentés par Israël comme sécurisés. (...) Des centaines de familles plurigénérationelles ont été décimées, personne n’ayant survécu (...) Personne n’est épargné, pas même les nouveau-nés (...) Ces massacres ne sont rien de moins que la #destruction_de_la_vie_palestinienne, infligée de manière délibérée. » Selon l’avocate, il existe bien une #intention_de_tuer. « Israël, dit-elle, sait fort bien combien de civils perdent leur vie avec chacune de ces bombes. »

      L’« atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe », et la « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle », autres éléments constitutifs du génocide ? Adila Hassim évoque « la mort et la #mutilation de 60 000 Palestiniens », les « civils palestiniens arrêtés et emmenés dans une destination inconnue », et détaille le « #déplacement_forcé de 85 % des Palestiniens de Gaza » depuis le 13 octobre, sans retour possible pour la plupart, et qui « répète une longue #histoire de #déplacements_forcés de masse ».

      Elle accuse Israël de « vise[r] délibérément à provoquer la faim, la déshydratation et l’inanition à grande échelle » (93 % de la population souffrent d’un niveau critique de faim, selon l’Organisation mondiale de la santé), l’aide empêchée par les bombardements et qui « ne suffit tout simplement pas », l’absence « d’eau propre », le « taux d’épidémies et de maladies infectieuses qui s’envole », mais aussi « les attaques de l’armée israélienne prenant pour cible le système de santé », « déjà paralysé par des années de blocus, impuissant face au nombre de blessures ».

      Elle évoque de nombreuses « naissances entravées », un autre élément constitutif du génocide.

      « Les génocides ne sont jamais annoncés à l’avance, conclut-elle. Mais cette cour a devant elle 13 semaines de #preuves accumulées qui démontrent de manière irréfutable l’existence d’une #ligne_de_conduite, et d’#intentions qui s’y rapportent, justifiant une allégation plausible d’actes génocidaires. »

      Une « #déshumanisation_systématique » par les dirigeants israéliens

      Un autre avocat s’avance à la barre. Après avoir rappelé que « 1 % de la population palestinienne de Gaza a été systématiquement décimée, et qu’un Gazaoui sur 40 a été blessé depuis le 7 octobre », #Tembeka_Ngcukaitobi décortique les propos des autorités israéliennes.

      « Les dirigeants politiques, les commandants militaires et les représentants de l’État d’Israël ont systématiquement et explicitement exprimé cette intention génocidaire, accuse-t-il. Ces déclarations sont ensuite reprises par des soldats, sur place à Gaza, au moment où ils anéantissent la population palestinienne et l’infrastructure de Gaza. »

      « L’intention génocidaire spécifique d’Israël, résume-t-il, repose sur la conviction que l’ennemi n’est pas simplement le Hamas, mais qu’il est à rechercher au cœur même de la société palestinienne de Gaza. »

      L’avocat multiplie les exemples, encore plus détaillés dans les 84 pages de la requête sud-africaine, d’une « intention de détruire Gaza aux plus hauts rangs de l’État » : celle du premier ministre, #Benyamin_Nétanyahou, qui, à deux reprises, a fait une référence à #Amalek, ce peuple que, dans la Bible (I Samuel XV, 3), Dieu ordonne d’exterminer ; celle du ministre de la défense, qui a comparé les Palestiniens à des « #animaux_humains » ; le président israélien #Isaac_Herzog, qui a jugé « l’entièreté de la nation » palestinienne responsable ; celle du vice-président de la Knesset, qui a appelé à « l’anéantissement de la bande de Gaza » (des propos condamnés par #Nétanyahou) ; ou encore les propos de nombreux élus et députés de la Knesset appelant à la destruction de Gaza.

      Une « déshumanisation systématique », dans laquelle les « civils sont condamnés au même titre que le Hamas », selon Tembeka Ngcukaitobi.

      « L’intention génocidaire qui anime ces déclarations n’est nullement ambiguë pour les soldats israéliens sur le terrain : elle guide leurs actes et leurs objectifs », poursuit l’avocat, qui diffuse devant les juges des vidéos où des soldats font eux aussi référence à Amalek, « se filment en train de commettre des atrocités contre les civils à Gaza à la manière des snuff movies », ou écoutent un réserviste de 95 ans les exhorter à « tirer une balle » sur leur « voisin arabe » et les encourager à une « destruction totale ».

      L’avocat dénonce le « manquement délibéré de la part du gouvernement à son obligation de condamner, de prévenir et de réprimer une telle incitation au génocide ».

      Après une plaidoirie technique sur la capacité à agir de l’Afrique du Sud, #John_Dugard insiste : « Gaza est devenu un #camp_de_concentration où un génocide est en cours. »

      L’avocat sud-africain #Max_du_Plessis exhorte la cour à agir face à Israël, qui « depuis des années (...) s’estime au-delà et au-dessus de la loi », une négligence du droit rendue possible par l’#indifférence de la communauté internationale, qui a su, dans d’autres conflits (Gambie, Bosnie, Ukraine) décider qu’il était urgent d’agir.

      « Gaza est devenu inhabitable », poursuit l’avocate irlandaise #Blinne_Ni_Ghralaigh. Elle énumère d’autres chiffres : « Au rythme actuel », égrène-t-elle, « 247 Palestiniens tués en moyenne chaque jour », dont « 48 mères » et « plus de 117 enfants », et « 629 blessés ». Elle évoque ces enfants dont toute la famille a été décimée, les secouristes, les enseignants, les universitaires et les journalistes tués dans des proportions historiques.

      « Il s’agit, dit-elle, du premier génocide de l’Histoire dont les victimes diffusent leur propre destruction en temps réel, dans l’espoir vain que le monde fasse quelque chose. » L’avocate dévoile à l’écran les derniers mots du docteur #Mahmoud_Abu_Najela (Médecins sans frontières), tué le 23 novembre à l’hôpital Al-Awda, écrits au feutre sur un tableau blanc : « À ceux qui survivront. Nous avons fait ce que nous pouvons. Souvenez-vous de nous. »

      « Le monde, conclut Blinne Ni Ghralaigh, devrait avoir #honte. »

      La réponse d’Israël : une « calomnie »

      Vendredi 12 janvier, les représentants d’Israël se sont avancés à la barre. Leur argumentation a reposé sur deux éléments principaux : un, la Cour internationale de justice n’a pas à exiger de « mesures conservatoires » car son armée ne commet aucun génocide ; deux, si génocide il y a, il a été commis par le Hamas le 7 octobre 2023.

      Premier à prendre la parole, #Tal_Becker, conseiller juridique du ministère des affaires étrangères israélien, invoque l’Histoire, et le génocide infligé aux juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, « le meurtre systématique de 6 millions de juifs dans le cadre d’une destruction totale ».

      « Israël, dit-il, a été un des premiers États à ratifier la convention contre le génocide. » « Pour Israël, insiste-t-il, “#jamais_plus” n’est pas un slogan, c’est une #obligation_morale suprême. »

      Dans « une époque où on fait bon marché des mots, à l’heure des politiques identitaires et des réseaux sociaux », il dénonce une « #instrumentalisation » de la notion de génocide contre Israël.

      Il attaque une présentation sud-africaine « totalement dénaturée des faits et du droit », « délibérément manipulée et décontextualisée du conflit actuel », qualifiée de « calomnie ».

      Alors que les avocats sud-africains avaient expliqué ne pas intégrer les massacres du Hamas dans leur requête devant la justice onusienne, car « le Hamas n’est pas un État », Tal Becker estime que l’Afrique du Sud « a pris le parti d’effacer l’histoire juive et tout acte ou responsabilité palestiniens », et que les arguments avancés « ne se distinguent guère de ceux opposés par le Hamas dans son rejet d’Israël ». « L’Afrique du Sud entretient des rapports étroits avec le Hamas » et le « soutient », accuse-t-il.

      « C’est une guerre qu’Israël n’a pas commencée », dit-il en revenant longuement, images et enregistrements à l’appui, sur les atrocités commises par le Hamas et d’autres groupes palestiniens le 7 octobre, « le plus important massacre de juifs en un jour depuis la #Shoah ».

      « S’il y a eu des actes que l’on pourrait qualifier de génocidaires, [ils ont été commis] contre Israël », dit-il, évoquant le « #programme_d’annihilation » des juifs par le Hamas. « Israël ne veut pas détruire un peuple, poursuit-il. Mais protéger un peuple : le sien. »

      Becker salue les familles d’otages israéliens présentes dans la salle d’audience, et montre certains visages des 130 personnes kidnappées dont le pays est toujours sans nouvelle. « Y a-t-il une raison de penser que les personnes que vous voyez à l’écran ne méritent pas d’être protégées ? », interroge-t-il.

      Pour ce représentant de l’État israélien, la demande sud-africaine de mesures conservatoires revient à priver le pays de son droit à se défendre.

      « Israël, poursuit-il, se défend contre le Hamas, le Djihad palestinien et d’autres organisations terroristes dont la brutalité est sans limite. Les souffrances sont tragiques, sont déchirantes. Les conséquences sont parfaitement atroces pour les civils du fait du comportement du Hamas, qui cherche à maximiser les pertes de civils alors qu’Israël cherche à les minorer. »

      Becker s’attarde sur la « #stratégie_méprisable » du Hamas, une « méthode de guerre intégrée, planifiée, de grande ampleur et odieuse ». Le Hamas, accuse-t-il, « a, de manière systématique, fondu ses opérations militaires au sein de zones civiles densément peuplées », citant écoles, mosquées et hôpitaux, des « milliers de bâtiments piégés » et « utilisés à des fins militaires ».

      Le Hamas « a fait entrer une quantité innombrable d’armes, a détourné l’aide humanitaire ». Remettant en cause le chiffre « non vérifié » de 23 000 victimes (pourtant confirmé par les Nations unies), Tal Becker estime que de nombreuses victimes palestiniennes sont des « militants » qui ont pu prendre « une part directe aux hostilités ». « Israël respecte le droit », martèle-t-il. « Si le Hamas abandonne cette stratégie, libère les otages, hostilités et violences prendront fin. »

      Ponte britannique du droit, spécialiste des questions juridiques liées aux génocides, #Malcom_Shaw embraie, toujours en défense d’Israël. Son discours, technique, est parfois interrompu. Il se perd une première fois dans ses notes, puis soupçonne un membre de son équipe d’avoir « pris [sa] #plaidoirie pour un jeu de cartes ».

      Shaw insiste : « Un conflit armé coûte des vies. » Mais Israël, dit-il, « a le droit de se défendre dans le respect du #droit_humanitaire », citant à l’audience les propos de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le 19 octobre 2023. Il poursuit : « L’#usage_de_la_force ne peut constituer en soi un acte génocidaire. » « Israël, jure-t-il, ne cible que les cibles militaires, et ceci de manière proportionnée dans chacun des cas. »

      « Peu d’éléments démontrent qu’Israël a eu, ou a, l’intention de détruire tout ou partie du peuple palestinien », plaide-t-il. Shaw estime que nombre de propos tenus par des politiciens israéliens ne doivent pas être pris en compte, car ils sont « pris au hasard et sont sortis de leur contexte », parce qu’ils témoignent d’une « #détresse » face aux massacres du 7 octobre, et que ceux qui les ont prononcés n’appartiennent pas aux « autorités pertinentes » qui prennent les décisions militaires, à savoir le « comité ministériel chargé de la sécurité nationale » et le « cabinet de guerre ».

      Pour étayer son argumentation, Shaw cite des directives (non publiques) de Benyamin Nétanyahou destinées, selon lui, à « éviter un désastre humanitaire », à proposer des « solutions pour l’approvisionnement en eau », « promouvoir la construction d’hôpitaux de campagne au sud de la bande de Gaza » ; les déclarations publiques de Benyamin Nétanyahou à la veille de l’audience (« Israël n’a pas l’intention d’occuper de façon permanente la bande de Gaza ou de déplacer sa population civile ») ; d’autres citations du ministre de la défense qui assure ne pas s’attaquer au peuple palestinien dans son ensemble.

      « La requête de l’Afrique du Sud brosse un tableau affreux, mais incomplet et profondément biaisé », renchérit #Galit_Rajuan, conseillère au ministère de la justice israélien, qui revient longuement sur les #responsabilités du Hamas, sa stratégie militaire au cœur de la population palestinienne. « Dans chacun des hôpitaux que les forces armées israéliennes ont fouillés à Gaza, elles ont trouvé des preuves d’utilisation militaire par le Hamas », avance-t-elle, des allégations contestées.

      « Certes, des dommages et dégâts ont été causés par les hostilités dans les hôpitaux, parfois par les forces armées israéliennes, parfois par le Hamas, reconnaît-elle, mais il s’agit des conséquences de l’utilisation odieuse de ces hôpitaux par le Hamas. »

      Rajuan martèle enfin qu’Israël cherche à « atténuer les dommages causés aux civils » et à « faciliter l’aide humanitaire ». Des arguments connus, que de très nombreuses ONG, agences des Nations unies et journalistes gazaouis présents sur place réfutent régulièrement, et que les journalistes étrangers ne peuvent pas vérifier, faute d’accès à la bande de Gaza.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/120124/israel-commet-il-un-genocide-gaza-le-compte-rendu-d-une-audience-historiqu

    • Gaza, l’accusa di genocidio a Israele e la credibilità del diritto internazionale

      Il Sudafrica ha chiesto l’intervento della Corte internazionale di giustizia dell’Aja per presunte violazioni di Israele della Convenzione sul genocidio del 1948. Triestino Mariniello, docente di Diritto penale internazionale alla John Moores University di Liverpool, presente alla storica udienza, aiuta a comprendere il merito e le prospettive

      “Quello che sta succedendo all’Aja ha un significato che va oltre gli eventi in corso nella Striscia di Gaza. Viviamo un momento storico in cui la Corte internazionale di giustizia (Icj) ha anche la responsabilità di confermare se il diritto internazionale esiste ancora e se vale alla stessa maniera per tutti i Paesi, del Nord e del Sud del mondo”. A parlare è Triestino Mariniello, docente di Diritto penale internazionale alla John Moores University di Liverpool, già nel team legale delle vittime di Gaza di fronte alla Corte penale internazionale (Icc), che ha sede sempre all’Aja.

      Non vanno confuse: l’aula di tribunale ripresa dalle tv di tutto il mondo l’11 e il 12 gennaio scorsi, infatti, con il team legale sudafricano schierato contro quello israeliano, è quella della Corte internazionale di giustizia, il massimo organo giudiziario delle Nazioni Unite, che si esprime sulle controversie tra Stati. L’Icc, invece, è indipendente e legifera sulle responsabilità penali individuali.

      Il 29 dicembre scorso il Sudafrica ha chiesto l’intervento della prima per presunte violazioni da parte di Israele della Convenzione sul genocidio del 1948, nei confronti dei palestinesi della Striscia di Gaza. Un’udienza storica a cui Mariniello era presente.

      Professore, qual era innanzi tutto l’atmosfera?
      TM A mia memoria mai uno strumento del diritto internazionale ha avuto tanto sostegno e popolarità. C’erano centinaia, probabilmente migliaia di persone all’esterno della Corte, emittenti di tutto il mondo e apparati di sicurezza, inclusi droni ed elicotteri. Sentire anche le tv più conservatrici, come quelle statunitensi, parlare di Palestina e genocidio faceva comprendere ancora di più l’importanza storica dell’evento.

      In estrema sintesi, quali sono gli elementi più importanti della tesi sudafricana?
      TM Il Sudafrica sostiene che Israele abbia commesso atti di genocidio contro la popolazione di Gaza, ciò significa una serie di azioni previste dall’articolo 2 della Convenzione sul genocidio, effettuate con l’intento di distruggere del tutto o in parte un gruppo protetto, in questo caso i palestinesi di Gaza. Questi atti, per il Sudafrica, sono omicidi di massa, gravi lesioni fisiche o mentali e l’imposizione di condizioni di vita volte a distruggere i palestinesi, come l’evacuazione forzata di circa due milioni di loro, la distruzione di quasi tutto il sistema sanitario della Striscia, l’assedio totale all’inizio della guerra e la privazione di beni essenziali per la sopravvivenza. Ciò che caratterizza un genocidio rispetto ad altri crimini internazionali è il cosiddetto “intento speciale”, la volontà cioè di voler distruggere del tutto o in parte un gruppo protetto. È l’elemento più difficile da provare, ma credo che il Sudafrica in questo sia riuscito in maniera solida e convincente. Sia in aula sia all’interno della memoria di 84 pagine presentata, vi sono, infatti, una serie di dichiarazioni dei leader politici e militari israeliani, che proverebbero tale intento. Come quella del premier Benjamin Netanyahu che, a inizio guerra, ha invocato la citazione biblica di Amalek, che sostanzialmente significa: “Uccidete tutti gli uomini, le donne, i bambini e gli animali”. O una dichiarazione del ministro della Difesa, Yoav Gallant, che ha detto che a Gaza sono tutti “animali umani”. Queste sono classiche dichiarazioni deumanizzanti e la deumanizzazione è un passaggio caratterizzante tutti i genocidi che abbiamo visto nella storia dell’umanità.

      Qual è stata invece la linea difensiva israeliana?
      TM Diciamo che l’impianto difensivo di Israele è basato su tre pilastri: il fatto che quello di cui lo si accusa è stato eseguito da Hamas il 7 ottobre; il concetto di autodifesa, cioè che quanto fatto a Gaza è avvenuto in risposta a tale attacco e, infine, che sono state adottate una serie di precauzioni per limitare l’impatto delle ostilità sulla popolazione civile. Israele, inoltre, ha sollevato il tema della giurisdizione della Corte, mettendola in discussione, in quanto non vi sarebbe una disputa in corso col Sudafrica. Su questo la Corte si dovrà pronunciare, ma a tal proposito è stato ricordato come Israele sia stato contattato dal Sudafrica in merito all’accusa di genocidio e non abbia risposto. Questo, per l’accusa, varrebbe come disputa in corso.

      Che cosa chiede il Sudafrica?
      TM In questo momento l’accusa non deve dimostrare che sia stato commesso un genocidio, ma che sia plausibile. Questa non è un’udienza nel merito, siamo in una fase d’urgenza, ma di richiesta di misure cautelari. Innanzitutto chiede il cessate fuoco, poi la rescissione di tutti gli ordini che possono costituire atti di genocidio. Si domanda alla Corte di imporre un ordine a Israele per preservare tutte le prove che potrebbero essere utili per indagini future e di porre fine a tutti gli atti di cui il Sudafrica lo ritiene responsabile.

      Come valuta le due memorie?
      TM La deposizione del Sudafrica è molto solida e convincente, sia in merito agli atti genocidi sia all’intento genocidiario. E credo che anche alla luce dei precedenti della Corte lasci veramente poco spazio di manovra. Uno dei punti di forza è che fornisce anche una serie di prove in merito a quello che è successo e che sta accadendo a Gaza: le dichiarazioni dei politici israeliani, cioè, hanno ricevuto un’implementazione sul campo. Sono stati mostrati dei video di militari, ad esempio, che invocavano Amalek, la citazione di Netanyahu.

      In realtà il Sudafrica non si limita allo scontro in atto, ma parla di una sorta Nakba (l’esodo forzato dei palestinesi) ininterrotto.
      TM Ogni giurista dovrebbe sempre analizzare qualsiasi ostilità all’interno di un contesto e per questo il Sudafrica fa riferimento a 75 anni di Nakba, a 56 di occupazione militare israeliana e a 16 anni di assedio della Striscia.

      Come valuta la difesa israeliana?
      TM Come detto, tutto viene ricondotto all’attacco di Hamas del 7 ottobre e a una risposta di autodifesa rispetto a tale attacco. Ma esiste sempre un contesto per il diritto penale internazionale e l’autodifesa -che per uno Stato occupante non può essere invocata- non può comunque giustificare un genocidio. L’altro elemento sottolineato dal team israeliano, delle misure messe in atto per ridurre l’impatto sui civili, è sembrato più retorico che altro: quanto avvenuto negli ultimi tre mesi smentisce tali dichiarazioni. Basti pensare alla privazione di beni essenziali e a tutte le informazioni raccolte dalle organizzazioni internazionali e dagli organismi delle Nazioni Unite. A Gaza non esistono zone sicure, ci sono stati casi in cui la popolazione evacuata, rifugiatasi nelle zone indicate da Israele, è stata comunque bombardata.

      Ora che cosa pensa succederà?
      TM La mia previsione è che la Corte si pronuncerà sulle misure cautelari entro la fine di gennaio e l’inizio di febbraio, quando alcuni giudici decadranno e saranno sostituiti. In alcuni casi ha impiegato anche solo otto giorni per pronunciarsi. Ora ci sono delle questioni procedurali, altri Stati stanno decidendo di costituirsi a sostegno di Israele o del Sudafrica.

      Che cosa implica tale sostegno?
      TM La possibilità di presentare delle memorie. La Germania sosterrà Israele, il Brasile, i Paesi della Lega Araba, molti Stati sudamericani, ma non solo, si stanno schierando con il Sudafrica.

      Il ministro degli Esteri italiano, Antonio Tajani, ha dichiarato che non si tratta di genocidio.
      TM L’Italia non appoggerà formalmente Israele dinnanzi all’Icj. La Francia sarà neutrale. I Paesi del Global South stanno costringendo quelli del Nord a verificare la credibilità del diritto internazionale: vale per tutti o è un diritto à la carte?

      Se la Corte decidesse per il cessate il fuoco, quali sarebbero le conseguenze, visto che non ha potere politico?
      TM Il parere della Corte è giuridicamente vincolante. Il problema è effettivamente di esecuzione: nel caso di un cessate il fuoco, se non fosse Israele ad attuarlo, dovrebbe intervenire il Consiglio di sicurezza.

      Con il rischio del veto statunitense.
      TM Siamo sul terreno delle speculazioni, ma se la Corte dovesse giungere alla conclusione che Israele è responsabile di un genocidio a Gaza, onestamente riterrei molto difficile un altro veto degli Stati Uniti. È difficile al momento prevedere gli effetti dirompenti di un’eventuale decisione positiva della Corte. Certo è che, quando si parla di Israele, la comunità internazionale, nel senso dei Paesi occidentali, ha creato uno stato di eccezione, che ha sempre posto Israele al di sopra del diritto internazionale, senza rendersi conto che le situazioni violente che viviamo in quel contesto sono il frutto di questo eccezionalismo anche a livello giuridico. Fino a quando si andrà avanti con questo contesto di impunità non finiranno le spirali di violenza.

      https://altreconomia.it/gaza-laccusa-di-genocidio-a-israele-e-la-credibilita-del-diritto-intern

    • La Cour internationale de justice ordonne à Israël d’empêcher un génocide à Gaza

      Selon la plus haute instance judiciaire internationale, « il existe un #risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé » aux Palestiniens de Gaza. La Cour demande à Israël de « prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission […] de tout acte » de génocide. Mais n’appelle pas au cessez-le-feu.

      Même si elle n’a aucune chance d’être appliquée sur le terrain, la #décision prise vendredi 26 janvier par la plus haute instance judiciaire des Nations unies marque incontestablement un tournant dans la guerre au Proche-Orient. Elle intervient après quatre mois de conflit déclenché par l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, qui a fait plus de 1 200 morts et des milliers de blessés, conduit à la prise en otage de 240 personnes, et entraîné l’offensive israélienne dans la bande de Gaza, dont le dernier bilan s’élève à plus de 25 000 morts.

      La Cour internationale de justice (CIJ), basée à La Haye (Pays-Bas), a expliqué, par la voix de sa présidente, la juge Joan Donoghue, « être pleinement consciente de l’ampleur de la #tragédie_humaine qui se joue dans la région et nourri[r] de fortes #inquiétudes quant aux victimes et aux #souffrances_humaines que l’on continue d’y déplorer ». Elle a ordonné à Israël de « prendre toutes les #mesures en son pouvoir pour prévenir la commission à l’encontre des Palestiniens de Gaza de tout acte » de génocide.

      « Israël doit veiller avec effet immédiat à ce que son armée ne commette aucun des actes » de génocide, affirme l’#ordonnance. Elle « considère également qu’Israël doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide à l’encontre des membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza ».

      La cour de La Haye, saisie à la suite d’une plainte de l’Afrique du Sud, demande « en outre » à l’État hébreu de « prendre sans délai des #mesures_effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’#aide_humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d’existence auxquelles sont soumis les Palestiniens de la bande de Gaza ».

      Enfin, l’ordonnance de la CIJ ordonne aux autorités israéliennes de « prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des #éléments_de_preuve relatifs aux allégations d’actes » de génocide.

      La juge #Joan_Donoghue, qui a donné lecture de la décision, a insisté sur son caractère provisoire, qui ne préjuge en rien de son futur jugement sur le fond des accusations d’actes de génocide. Celles-ci ne seront tranchées que dans plusieurs années, après instruction.

      La cour « ne peut, à ce stade, conclure de façon définitive sur les faits » et sa décision sur les #mesures_conservatoires « laisse intact le droit de chacune des parties de faire valoir à cet égard ses moyens » en vue des audiences sur le fond, a-t-elle poursuivi.

      Elle considère cependant que « les faits et circonstances » rapportés par les observateurs « suffisent pour conclure qu’au moins certains des droits » des Palestiniens sont mis en danger et qu’il existe « un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé ».

      Environ 70 % de #victimes_civiles

      La CIJ avait été saisie le 29 décembre 2023 par l’Afrique du Sud qui, dans sa requête, accuse notamment Israël d’avoir violé l’article 2 de la Convention de 1948 sur le génocide, laquelle interdit, outre le meurtre, « l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe » visé par le génocide, l’imposition de « conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle » ou encore les « mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ».

      Le recours décrit longuement une opération militaire israélienne qualifiée d’« exceptionnellement brutale », « tuant des Palestiniens à Gaza, incluant une large proportion de femmes et d’enfants – pour un décompte estimé à environ 70 % des plus de 21 110 morts [au moment de la rédaction du recours par l’Afrique du Sud – ndlr] –, certains d’entre eux apparaissant avoir été exécutés sommairement ».

      Il soulignait également les conséquences humanitaires du déplacement massif des populations et de la destruction massive de logements et d’équipements publics, dont des écoles et des hôpitaux.

      Lors des deux demi-journées d’audience, jeudi 11 et vendredi 12 janvier, le conseiller juridique du ministère des affaires étrangères israélien, Tal Becker, avait dénoncé une « instrumentalisation » de la notion de génocide et qualifié l’accusation sud-africaine de « calomnie ».

      « C’est une guerre qu’Israël n’a pas commencée », avait poursuivi le représentant israélien, affirmant que « s’il y a eu des actes que l’on pourrait qualifier de génocidaires, [ils ont été commis] contre Israël ». « Israël ne veut pas détruire un peuple mais protéger un peuple : le sien. »
      Gaza, « lieu de mort et de désespoir »

      La CIJ, de son côté, a fondé sa décision sur les différents rapports et constatations fournis par des organisations internationales. Elle cite notamment la lettre du 5 janvier 2024 du secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths, décrivant la bande de Gaza comme un « lieu de mort et de désespoir ».

      L’ordonnance rappelle qu’un communiqué de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) du 21 décembre 2023 s’alarmait du fait que « 93 % de la population de Gaza, chiffre sans précédent, est confrontée à une situation de crise alimentaire ».

      Le 12 janvier 2024, c’est l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) qui lançait un cri d’alerte. « Cela fait maintenant 100 jours que cette guerre dévastatrice a commencé, que la population de Gaza est décimée et déplacée, suite aux horribles attaques perpétrées par le Hamas et d’autres groupes contre la population en Israël », s’alarmait-il.

      L’ordonnance souligne, en miroir, les multiples déclarations de responsables israéliens assumant une répression sans pitié dans la bande de Gaza, si nécessaire au prix de vies civiles. Elle souligne que des rapporteurs spéciaux des Nations unies ont même pu s’indigner de « la rhétorique manifestement génocidaire et déshumanisante de hauts responsables du gouvernement israélien ».

      La CIJ pointe par exemple les propos du ministre de la défense Yoav Gallant du 9 octobre 2023 annonçant « un siège complet de la ville de Gaza », avant d’affirmer : « Nous combattons des animaux humains. »

      Le 12 octobre, c’est le président israélien Isaac Herzog qui affirmait : « Tous ces beaux discours sur les civils qui ne savaient rien et qui n’étaient pas impliqués, ça n’existe pas. Ils auraient pu se soulever, ils auraient pu lutter contre ce régime maléfique qui a pris le contrôle de Gaza. »

      Et, à la vue des intentions affichées par les autorités israéliennes, les opérations militaires dans la bande de Gaza ne sont pas près de s’arrêter. « La Cour considère que la situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza risque fort de se détériorer encore avant qu’elle rende son arrêt définitif », affirme l’ordonnance.

      « À la lumière de ce qui précède, poursuivent les juges, la Cour considère qu’il y a urgence en ce sens qu’il existe un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits qu’elle a jugés plausibles avant qu’elle ne rende sa décision définitive. »

      Si la décision de la CIJ est juridiquement contraignante, la Cour n’a pas la capacité de la faire appliquer. Cependant, elle est incontestablement une défaite diplomatique pour Israël.

      Présente à La Haye, la ministre des relations internationales et de la coopération d’Afrique du Sud, Naledi Pandor, a pris la parole à la sortie de l’audience. Si elle a regretté que les juges n’aient pas appelé à un cessez-le-feu, elle s’est dite « satisfaite que les mesures provisoires » réclamées par son pays aient « fait l’objet d’une prise en compte » par la Cour, et qu’Israël doive fournir un rapport d’ici un mois. Pour l’Afrique du Sud, lancer cette plainte, a-t-elle expliqué, « était une façon de s’assurer que les organismes internationaux exercent leur responsabilité de nous protéger tous, en tant que citoyens du monde global ».

      Comme l’on pouvait s’y attendre, les autorités israéliennes ont vivement critiqué les ordonnances d’urgence réclamées par les juges de La Haye. Si le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, s’est réjoui de ce que ces derniers n’aient pas réclamé, comme le demandait l’Afrique du Sud, de cessez-le-feu – « Comme tout pays, Israël a le droit fondamental de se défendre. La CIJ de La Haye a rejeté à juste titre la demande scandaleuse visant à nous priver de ce droit », a-t-il dit –, il a eu des mots très durs envers l’instance : « La simple affirmation selon laquelle Israël commet un génocide contre les Palestiniens n’est pas seulement fausse, elle est scandaleuse, et la volonté de la Cour d’en discuter est une honte qui ne sera pas effacée pendant des générations. »

      Il a affirmé vouloir continuer « à défendre [ses] citoyens dans le respect du droit international ». « Nous poursuivrons cette guerre jusqu’à la victoire absolue, jusqu’à ce que tous les otages soient rendus et que Gaza ne soit plus une menace pour Israël », a ajouté Nétanyahou.

      Jeudi, à la veille de la décision de la CIJ, le New York Times avait révélé que les autorités israéliennes avaient fourni aux juges de La Haye une trentaine de documents déclassifiés, censés démonter l’accusation de génocide, parmi lesquels « des résumés de discussions ministérielles datant de la fin du mois d’octobre, au cours desquelles le premier ministre Benyamin Nétanyahou a ordonné l’envoi d’aide, de carburant et d’eau à Gaza ».

      Cependant, souligne le quotidien états-unien, les documents « ne comprennent pas les ordres des dix premiers jours de la guerre, lorsqu’Israël a bloqué l’aide à Gaza et coupé l’accès à l’électricité et à l’eau qu’il fournit normalement au territoire ».

      Nul doute que cette décision de la plus haute instance judiciaire des Nations unies va renforcer les appels en faveur d’un cessez-le-feu. Après plus de quatre mois de combats et un bilan lourd parmi la population civile gazaouie, Nétanyahou n’a pas atteint son objectif d’éradiquer le mouvement islamiste. Selon les Israéliens eux-mêmes, près de 70 % des forces militaires du Hamas sont intactes. De plus, les familles d’otages toujours aux mains du Hamas ou d’autres groupes islamistes de l’enclave maintiennent leurs pressions.

      Le ministre palestinien des affaires étrangères Riyad al-Maliki s’est réjoui d’une décision de la CIJ « en faveur de l’humanité et du droit international », ajoutant que la communauté international avait désormais « l’obligation juridique claire de mettre fin à la guerre génocidaire d’Israël contre le peuple palestinien de Gaza et de s’assurer qu’elle n’en est pas complice ». Le ministre de la justice sud-africain Ronald Lamola, cité par l’agence Reuters, a salué, lui, « une victoire pour le droit international ». « Israël ne peut être exempté du respect de ses obligations internationales », a-t-il ajouté.

      De son côté, la Commission européenne a appelé Israël et le Hamas à se conformer à la décision de la CIJ. L’Union européenne « attend leur mise en œuvre intégrale, immédiate et effective », a-t-elle souligné dans un communiqué.

      La France avait fait entendre pourtant il y a quelques jours une voix discordante. Le ministre des affaires étrangères Stéphane Séjourné avait déclaré, à l’Assemblée nationale, qu’« accuser l’État juif de génocide, c’est franchir un seuil moral ». Dans un communiqué publié après la décision de la CIJ, le ministère a annoncé son intention de déposer des observations sur l’interprétation de la Convention de 1948, comme le lui permet la procédure. « [La France] indiquera notamment l’importance qu’elle attache à ce que la Cour tienne compte de la gravité exceptionnelle du crime de génocide, qui nécessite l’établissement d’une intention. Comme le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a eu l’occasion de le noter, les mots doivent conserver leur sens », indique le texte.

      Les États-Unis ont estimé que la décision était conforme à la position états-unienne, exprimée à plusieurs reprises par Joe Biden à son allié israélien, de réduire les souffrances des civils de Gaza et d’accroître l’aide humanitaire. Cependant, a expliqué un porte-parole du département d’État, les États-Unis continuent « de penser que les allégations de génocide sont infondées » et notent « que la Cour n’a pas fait de constat de génocide, ni appelé à un cessez-le-feu dans sa décision, et qu’elle a appelé à la libération inconditionnelle et immédiate de tous les otages détenus par le Hamas ».

      C’est dans ce contexte que se déroulent des discussions pour obtenir une trêve prolongée, la deuxième après celle de novembre, qui avait duré une semaine et permis la libération de plusieurs dizaines d’otages.

      Selon les médias états-uniens, Israël a proposé une trêve de 60 jours et la libération progressive des otages encore retenu·es. Selon ce projet, a affirmé CNN, les dirigeants du Hamas pourraient quitter l’enclave. Selon la chaîne d’informations américaine, « des responsables américains et internationaux au fait des négociations ont déclaré que l’engagement récent d’Israël et du Hamas dans des pourparlers était encourageant, mais qu’un accord n’était pas imminent ».

      Le Washington Post a révélé jeudi que le président américain Joe Biden allait envoyer dans les prochains jours en Europe le directeur de la CIA, William Burns, pour tenter d’obtenir un accord. Il devrait rencontrer les chefs des services de renseignement israélien et égyptien, David Barnea et Abbas Kamel, et le premier ministre qatari Mohammed ben Abdulrahman al-Thani. Vendredi soir, l’Agence France-Presse (AFP) a affirmé qu’ils se retrouveraient « dans les tout prochains jours à Paris », citant « une source sécuritaire d’un État impliqué dans les négociations ».

      https://www.mediapart.fr/journal/international/260124/la-cour-internationale-de-justice-ordonne-israel-d-empecher-un-genocide-ga

  • Pour l’#agriculture_palestinienne, ce qui se passe depuis le 7 octobre est « un #désastre »

    À #Gaza sous les bombes comme en #Cisjordanie occupée, l’#eau est devenue un enjeu crucial, et le conflit met en évidence une #injustice majeure dans l’accès à cette ressource vitale. Entretien avec l’hydrologue Julie Trottier, chercheuse au CNRS.

    Des cultures gâchées, une population gazaouie sans eau potable… Et en toile de fond de la guerre à Gaza, une extrême dépendance des territoires palestiniens à l’eau fournie par #Israël. L’inégal accès à la ressource hydrique au Proche-Orient est aussi une histoire d’emprise sur les #ressources_naturelles.

    Entretien avec l’hydrologue Julie Trottier, chercheuse au CNRS, qui a fait sa thèse sur les enjeux politiques de l’eau dans les territoires palestiniens et a contribué à l’initiative de Genève, plan de paix alternatif pour le conflit israélo-palestinien signé en 2003, pour laquelle elle avait fait, avec son collègue David Brooks, une proposition de gestion de l’eau entre Israéliens et Palestiniens.

    Mediapart : L’#accès_à_l’eau est-il un enjeu dans le conflit qui oppose Israël au Hamas depuis le 7 octobre ?

    Julie Trottier : Oui, l’accès à l’eau est complètement entravé à Gaza aujourd’hui. En Cisjordanie, la problématique est différente, mais le secteur agricole y est important et se trouve mal en point.

    Il faut savoir que l’eau utilisée en Israël vient principalement du #dessalement d’eau de mer. C’est la société israélienne #Mekorot qui l’achemine, et elle alimente en principe la bande de Gaza en #eau_potable à travers trois points d’accès. Mais depuis le 7 octobre, deux d’entre eux ont été fermés, il n’y a plus qu’un point de livraison, au sud de la frontière est, à #Bani_Suhaila.

    Cependant, 90 % de l’eau consommée à Gaza était prélevée dans des #puits. Il y a des milliers de puits à Gaza, c’est une #eau_souterraine saumâtre et polluée, car elle est contaminée côté est par les composés chimiques issus des produits utilisés en agriculture, et infiltrée côté ouest par l’eau de mer.

    Comme l’#électricité a été coupée, cette eau ne peut plus être pompée ni désalinisée. En coupant l’électricité, Israël a supprimé l’accès à l’eau à une population civile. C’est d’une #violence extrême. On empêche 2,3 millions de personnes de boire et de cuisiner normalement, et de se laver.

    Les #stations_d’épuration ne fonctionnent plus non plus, et les #eaux_usées non traitées se répandent ; le risque d’épidémie est considérable.

    On parle moins de l’accès aux ressources vitales en Cisjordanie… Pourtant la situation s’aggrave également dans ces territoires.

    En effet. Le conflit a éclaté peu avant la saison de cueillette des #olives en Cisjordanie. Pour des raisons de sécurité, craignant de supposés mouvements de terroristes, de nombreux colons ont empêché des agriculteurs palestiniens d’aller récolter leurs fruits.

    La majorité des villages palestiniens se trouvent non loin d’une colonie. En raison des blocages sur les routes, les temps de trajet sont devenus extrêmement longs. Mais si l’on ne circule plus c’est aussi parce que la #peur domine. Des colons sont équipés de fusils automatiques, des témoignages ont fait état de menaces et de destruction d’arbres, de pillages de récoltes.

    Résultat : aujourd’hui, de nombreux agriculteurs palestiniens n’ont plus accès à leurs terres. Pour eux, c’est un désastre. Quand on ne peut pas aller sur sa terre, on ne peut plus récolter, on ne peut pas non plus faire fonctionner son système d’#irrigation.

    L’accès à l’eau n’est malheureusement pas un problème nouveau pour la Palestine.

    C’est vrai. En Cisjordanie, où l’eau utilisée en agriculture vient principalement des sources et des puits, des #colonies ont confisqué de nombreux accès depuis des années. Pour comprendre, il faut revenir un peu en arrière...

    Avant la création d’Israël, sur ces terres, l’accès à chaque source, à chaque puits, reposait sur des règles héritées de l’histoire locale et du droit musulman. Il y avait des « #tours_d’eau » : on distribuait l’abondance en temps d’abondance, la pénurie en temps de pénurie, chaque famille avait un moment dans la journée pendant lequel elle pouvait se servir. Il y avait certes des inégalités, la famille descendant de celui qui avait aménagé le premier conduit d’eau avait en général plus de droits, mais ce système avait localement sa légitimité.

    À l’issue de la guerre de 1948-1949, plus de 700 000 Palestiniens ont été expulsés de leurs terres. Celles et ceux qui sont arrivés à ce qui correspond aujourd’hui à la Cisjordanie n’avaient plus que le « #droit_de_la_soif » : ils pouvaient se servir en cruches d’eau, mais pas pour irriguer les champs. Les #droits_d’irrigation appartenaient aux familles palestiniennes qui étaient déjà là, et ce fut accepté comme tel. Plus tard, les autorités jordaniennes ont progressivement enregistré les différents droits d’accès à l’eau. Mais ce ne sera fait que pour la partie nord de la Cisjordanie.

    À l’intérieur du nouvel État d’#Israël, en revanche, la population palestinienne partie, c’est l’État qui s’est mis à gérer l’ensemble de l’eau sur le territoire. Dans les années 1950 et 1960, il aménage la dérivation du #lac_de_Tibériade, ce qui contribuera à l’#assèchement de la #mer_Morte.

    En 1967, après la guerre des Six Jours, l’État hébreu impose que tout nouveau forage de puits en Cisjordanie soit soumis à un permis accordé par l’administration israélienne. Les permis seront dès lors attribués au compte-gouttes.

    Après la première Intifida, en 1987, les difficultés augmentent. Comme cela devient de plus en plus difficile pour la population palestinienne d’aller travailler en Israël, de nombreux travailleurs reviennent vers l’activité agricole, et les quotas associés aux puits ne correspondent plus à la demande.

    Par la suite, les #accords_d’Oslo, en 1995, découpent la Cisjordanie, qui est un massif montagneux, en trois zones de ruissellement selon un partage quantitatif correspondant aux quantités prélevées en 1992 – lesquelles n’ont plus rien à voir avec aujourd’hui. La répartition est faite comme si l’eau ne coulait pas, comme si cette ressource était un simple gâteau à découper. 80 % des eaux souterraines sont alors attribuées aux Israéliens, et seulement 20 % aux Palestiniens.

    L’accaparement des ressources s’est donc exacerbé à la faveur de la #colonisation. Au-delà de l’injustice causée aux populations paysannes, l’impact du changement climatique au Proche-Orient ne devrait-il pas imposer de fonctionner autrement, d’aller vers un meilleur partage de l’eau ?

    Si, tout à fait. Avec le #changement_climatique, on va droit dans le mur dans cette région du monde où la pluviométrie va probablement continuer à baisser dans les prochaines années.

    C’est d’ailleurs pour cette raison qu’Israël a lancé le dessalement de l’eau de mer. Six stations de dessalement ont été construites. C’est le choix du #techno-solutionnisme, une perspective coûteuse en énergie. L’État hébreu a même créé une surcapacité de dessalement pour accompagner une politique démographique nataliste. Et pour rentabiliser, il cherche à vendre cette eau aux Palestiniens. De fait, l’Autorité palestinienne achète chaque année 59 % de l’eau distribuée par Mekorot. Elle a refusé toutefois une proposition d’exploitation d’une de ces usines de dessalement.

    Il faut le souligner : il y a dans les territoires palestiniens une #dépendance complète à l’égard d’Israël pour la ressource en eau.

    Quant à l’irrigation au goutte à goutte, telle qu’elle est pratiquée dans l’agriculture palestinienne, ce n’est pas non plus une solution d’avenir. Cela achemine toute l’eau vers les plantes cultivées, et transforme de ce fait le reste du sol en désert, alors qu’il faudrait un maximum de biodiversité sous nos pieds pour mieux entretenir la terre. Le secteur agricole est extrêmement consommateur d’eau : 70 à 80 % des #ressources_hydriques palestiniennes sont utilisées pour l’agriculture.

    Tout cela ne date pas du 7 octobre. Mais les événements font qu’on va vers le contraire de ce que l’on devrait faire pour préserver les écosystèmes et l’accès aux ressources. L’offensive à Gaza, outre qu’elle empêche l’accès aux #terres_agricoles le long du mur, va laisser des traces de #pollution très graves dans le sol… En plus de la tragédie humaine, il y a là une #catastrophe_environnementale.

    Cependant, c’est précisément la question de l’eau qui pourrait avoir un effet boomerang sur le pouvoir israélien et pousser à une sortie du conflit. Le reversement actuel des eaux usées, non traitées, dans la mer, va avoir un impact direct sur les plages israéliennes, car le courant marin va vers le nord. Cela ne pourra pas durer bien longtemps.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/040124/pour-l-agriculture-palestinienne-ce-qui-se-passe-depuis-le-7-octobre-est-u

    #agriculture #Palestine

    • Cependant, c’est précisément la question de l’eau qui pourrait avoir un effet boomerang sur le pouvoir israélien et pousser à une sortie du conflit. Le reversement actuel des eaux usées, non traitées, dans la mer, va avoir un impact direct sur les plages israéliennes, car le courant marin va vers le nord. Cela ne pourra pas durer bien longtemps.

  • #Loi_immigration : l’accueil des étrangers n’est pas un fardeau mais une nécessité économique

    Contrairement aux discours répétés ad nauseam, le #coût des aides accordées aux immigrés, dont la jeunesse permet de compenser le vieillissement des Français, est extrêmement faible. Le #poids_financier de l’#immigration n’est qu’un #faux_problème brandi pour flatter les plus bas instincts.

    Quand les paroles ne sont plus audibles, écrasées par trop de contre-vérités et de mauvaise foi, il est bon parfois de se référer aux #chiffres. Alors que le débat sur la loi immigration va rebondir dans les semaines à venir, l’idée d’entendre à nouveau les sempiternels discours sur l’étranger qui coûte cher et prend nos emplois nous monte déjà au cerveau. Si l’on regarde concrètement ce qu’il en est, le coût de l’immigration en France, que certains présentent comme bien trop élevé, serait en réalité extrêmement faible selon les économistes. Pour l’OCDE, il est contenu entre -0,5% et +0,5% du PIB selon les pays d’Europe, soit un montant parfaitement supportable. Certes, les immigrés reçoivent davantage d’#aides que les autres (et encore, beaucoup d’entre elles ne sont pas réclamées) car ils sont pour la plupart dans une situation précaire, mais leur #jeunesse permet de compenser le vieillissement de la population française, et donc de booster l’économie.

    Eh oui, il est bien loin ce temps de l’après-guerre où les naissances explosaient : les bébés de cette période ont tous pris leur retraite ou sont en passe de le faire et, bientôt, il n’y aura plus assez de jeunes pour abonder les caisses de #retraite et d’#assurance_sociale. Sans compter que, vu l’allongement de la durée de vie, la question de la dépendance va requérir énormément de main-d’œuvre et, pour le coup, devenir un véritable poids financier. L’immigration, loin d’être un fardeau, est bien une #nécessité si l’on ne veut pas voir imploser notre modèle de société. Les Allemands, eux, l’assument haut et fort : ils ont besoin d’immigrés pour faire tourner le pays, comme l’a clamé le chancelier Olaf Scholz au dernier sommet économique de Davos. Le poids financier de l’immigration est donc un faux problème brandi par des politiques qui ne pensent qu’à flatter les plus bas instincts d’une population qui craint que l’avenir soit pire encore que le présent. On peut la comprendre, mais elle se trompe d’ennemi.

    https://www.liberation.fr/idees-et-debats/editorial/loi-immigration-laccueil-des-etrangers-nest-pas-un-fardeau-mais-une-neces
    #économie #démographie #France #migrations

    –-

    voir aussi cette métaliste sur le lien entre #économie (et surtout l’#Etat_providence) et la #migration... des arguments pour détruire l’#idée_reçue : « Les migrants profitent (voire : viennent POUR profiter) du système social des pays européens »...
    https://seenthis.net/messages/971875

    ping @karine4

    • Sur les #prestations_sociales aux étrangers, la #contradiction d’#Emmanuel_Macron

      Le pouvoir exécutif vante une loi « immigration » qui concourt à une meilleure intégration des « travailleurs » et soutient « ceux qui travaillent ». Mais la restriction des droits sociaux pour les non-Européens fragilise le système de #protection_sociale.

      Depuis son adoption au Parlement, la loi relative à l’immigration est présentée par Emmanuel Macron et par le gouvernement comme fidèle à la doctrine du « #en_même_temps ». D’un côté, le texte prétend lutter « contre les #passeurs » et l’entrée illicite d’étrangers dans l’Hexagone. De l’autre, il viserait à « mieux intégrer ceux qui ont vocation à demeurer sur notre sol » : les « réfugiés, étudiants, chercheurs, travailleurs ». En s’exprimant ainsi dans ses vœux à la nation, le 31 décembre 2023, le président de la République a cherché à montrer que la #réforme, fruit d’un compromis avec les élus Les Républicains, et inspirée par endroits du logiciel du Rassemblement national, conciliait #fermeté et #humanisme.

      Mais cette volonté d’#équilibre est contredite par les mesures concernant les prestations sociales. En réalité, le texte pose de nouvelles règles qui durcissent les conditions d’accès à plusieurs droits pour les étrangers non ressortissants de l’Union européenne, en situation régulière, ce qui risque de plonger ces personnes dans le dénuement.

      Un premier régime est créé, qui prévoit que l’étranger devra soit avoir résidé en France depuis au moins cinq ans, soit « justifier d’une durée d’affiliation d’au moins trente mois au titre d’une activité professionnelle » – sachant que cela peut aussi inclure des périodes non travaillées (chômage, arrêt-maladie). Ce « #délai_de_carence » est une nouveauté pour les aides visées : #allocations_familiales, prestation d’accueil du jeune enfant, allocation de rentrée scolaire, complément familial, allocation personnalisée d’autonomie, etc.

      « #Régression considérable »

      Un deuxième régime est mis en place pour les #aides_personnelles_au_logement (#APL) : pour les toucher, l’étranger devra soit être titulaire d’un visa étudiant, soit être établi sur le territoire depuis au moins cinq ans, soit justifier d’une « durée d’affiliation d’au moins trois mois au titre d’une activité professionnelle ». Là aussi, il s’agit d’une innovation. Ces critères plus stricts, précise la loi, ne jouent cependant pas pour ceux qui ont obtenu le statut de réfugié ou détiennent la carte de résident.

      Le 19 décembre 2023, Olivier Dussopt, le ministre du travail, a réfuté la logique d’une #discrimination entre nationaux et étrangers, et fait valoir que le texte établissait une « #différence » entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas, « qu’on soit français ou qu’on soit étranger ». « Nous voulons que celles et ceux qui travaillent soient mieux accompagnés », a-t-il ajouté, en faisant allusion au délai de carence moins long pour les étrangers en emploi que pour les autres. Une présentation qui omet que le nouveau régime ne s’applique qu’aux résidents non européens, et laisse penser que certains étrangers mériteraient plus que d’autres d’être couverts par notre #Etat-providence.

      Alors que la loi est censée faciliter – sous certaines conditions – l’#intégration de ressortissants d’autres pays, des spécialistes de la protection sociale considèrent que les mesures sur les prestations tournent le dos à cet objectif. « Les délais de carence vont totalement à l’encontre de l’intégration que l’on prétend viser », estime Michel Borgetto, professeur émérite de l’université Paris Panthéon-Assas. Ils risquent, d’une part, de « précipiter dans la #précarité des personnes confrontées déjà à des #conditions_de_vie difficiles, ce qui aura pour effet d’accroître le nombre de #travailleurs_pauvres et de #mal-logés, voire de #sans-abri, relève-t-il. Ils sont, d’autre part, susceptibles de se révéler largement contre-productifs et terriblement néfastes, poursuit le spécialiste du droit de la #sécurité_sociale, dans la mesure où les étrangers en situation régulière se voient privés des aides et accompagnements nécessaires à leur insertion durable dans la société, dans les premiers mois ou années de leur vie en France. C’est-à-dire, en fait, au moment même où ils en ont précisément le plus besoin… »

      Maîtresse de conférences en droit social à l’université Lyon-II, Laure Camaji tient à rappeler que les prestations visées constituent des « #droits_universels, attribués depuis des décennies en raison de la résidence sur le territoire ». « Cela fait bien longtemps – depuis une loi de 1975 – que le droit aux #prestations_familiales n’est plus lié à l’exercice d’une #activité_professionnelle, souligne-t-elle. C’est un principe fondamental de notre système de sécurité sociale, un #acquis majeur qui forme le socle de notre #pacte_social, tout comme l’est l’#universalité de la #couverture_maladie, de la prise en charge du #handicap et de la #dépendance, du droit au logement et à l’#hébergement_d’urgence. »

      A ses yeux, le texte entraîne une « régression considérable » en instaurant une « #dualité de régimes entre les Français et les Européens d’un côté, les personnes non ressortissantes de l’Union de l’autre ». L’intégralité du système de protection sociale est fragilisée, « pour tous, quelle que soit la nationalité, l’origine, la situation familiale, puisque l’universalité n’est plus le principe », analyse-t-elle.

      Motivation « idéologique »

      Francis Kessler, maître de conférences à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, ne comprend pas « la logique à l’œuvre dans cette loi, sauf à considérer qu’il est illégitime de verser certaines prestations à une catégorie de la population, au motif qu’elle n’a pas la nationalité française, ou que les étrangers viennent en France pour toucher des aides – ce qu’aucune étude n’a démontré ». En réalité, complète-t-il, la seule motivation de cette loi est « idéologique » : « Elle repose très clairement sur une idée de “#préférence_nationale” et place notre pays sur une pente extrêmement dangereuse. »

      Toute la question, maintenant, est de savoir si les dispositions en cause seront validées par le #Conseil_constitutionnel. L’institution de la rue de Montpensier a été saisie par la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, ainsi que par des députés et sénateurs de gauche, notamment sur les restrictions des #aides_financières aux étrangers. Les parlementaires d’opposition ont mis en avant le fait que les délais de carence violaient – entre autres – le #principe_d’égalité. Plusieurs membres du gouvernement, dont la première ministre, Elisabeth Borne, ont reconnu que des articles du texte, comme celui sur les APL, pouvaient être jugés contraires à la Loi fondamentale. Le Conseil constitutionnel rendra sa décision avant la fin du mois de janvier.

      https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/01/05/sur-les-prestations-sociales-aux-etrangers-la-contradiction-d-emmanuel-macro
      #Macron #loi_immigration #accès_aux_droits

  • Au niveau européen, un pacte migratoire « dangereux » et « déconnecté de la réalité »

    Sara Prestianni, du réseau EuroMed Droits, et Tania Racho, chercheuse spécialiste du droit européen et de l’asile, alertent, dans un entretien à deux voix, sur les #risques de l’accord trouvé au niveau européen et qui sera voté au printemps prochain.

    Après trois années de discussions, un accord a été trouvé par les États membres sur le #pacte_européen_sur_la_migration_et_l’asile la semaine dernière. En France, cet événement n’a trouvé que peu d’écho, émoussé par la loi immigration votée au même moment et dont les effets sur les étrangers pourraient être dramatiques.

    Pourtant, le pacte migratoire européen comporte lui aussi son lot de mesures dangereuses pour les migrant·es, entre renforcement des contrôles aux frontières, tri express des demandeurs d’asile, expulsions facilitées des « indésirables » et sous-traitance de la gestion des frontières à des pays tiers. Sara Prestianni, responsable du plaidoyer au sein du réseau EuroMed Droits, estime que des violations de #droits_humains seront inévitables et invite à la création de voies légales qui permettraient de protéger les demandeurs d’asile.

    La chercheuse Tania Racho, spécialiste du droit européen et de l’asile et membre du réseau Désinfox-Migrations, répond qu’à aucun moment les institutions européennes « ne prennent en compte les personnes exilées », préférant répondre à des « objectifs de gestion des migrations ». Dans un entretien croisé, elles alertent sur les risques d’une approche purement « sécuritaire », qui renforcera la vulnérabilité des concernés et les mettra « à l’écart ».

    Mediapart : Le pacte migratoire avait été annoncé par la Commission européenne en septembre 2020. Il aura fait l’objet de longues tergiversations et de blocages. Était-ce si difficile de se mettre d’accord à 27 ?

    Tania Racho : Dans l’état d’esprit de l’Union européenne (UE), il fallait impérativement démontrer qu’il y a une gestion des migrations aux #frontières_extérieures pour rassurer les États membres. Mais il a été difficile d’aboutir à un accord. Au départ, il y avait des mesures pour des voies sécurisées d’accès à l’Union avec plus de titres économiques : ils ont disparu au bénéfice d’une crispation autour des personnes en situation irrégulière.

    Sara Prestianni : La complexité pour aboutir à un accord n’est pas due à la réalité des migrations mais à l’#instrumentalisation du dossier par beaucoup d’États. On l’a bien vu durant ces trois années de négociations autour du pacte : bien que les chiffres ne le justifiaient pas, le sujet a été fortement instrumentalisé. Le résultat, qui à nos yeux est très négatif, est le reflet de ces stratégies : cette réforme ne donne pas de réponse au phénomène en soi, mais répond aux luttes intestines des différents États.

    La répartition des demandeurs d’asile sur le sol européen a beaucoup clivé lors des débats. Pourquoi ?

    Sara Prestianni : D’abord, parce qu’il y a la fameuse réforme du #règlement_Dublin [qui impose aux exilés de demander l’asile dans le pays par lequel ils sont entrés dans l’UE - ndlr]. Ursula von der Leyen [présidente de la Commission – ndlr] avait promis de « #dépasser_Dublin ». Il est aujourd’hui renforcé. Ensuite, il y a la question de la #solidarité. La #redistribution va finalement se faire à la carte, alors que le Parlement avait tenté de revenir là-dessus. On laisse le choix du paiement, du support des murs et des barbelés aux frontières internes, et du financement de la dimension externe. On est bien loin du concept même de solidarité.

    Tania Racho : L’idée de Dublin est à mettre à la poubelle. Pour les Ukrainiens, ce règlement n’a pas été appliqué et la répartition s’est faite naturellement. La logique de Dublin, c’est qu’une personne qui trouve refuge dans un État membre ne peut pas circuler dans l’UE (sans autorisation en tout cas). Et si elle n’obtient pas l’asile, elle n’est pas censée pouvoir le demander ailleurs. Mais dans les faits, quelqu’un qui voit sa demande d’asile rejetée dans un pays peut déposer une demande en France, et même obtenir une protection, parce que les considérations ne sont pas les mêmes selon les pays. On s’interroge donc sur l’utilité de faire subir des transferts, d’enfermer les gens et de les priver de leurs droits, de faire peser le coût de ces transferts sur les États… Financièrement, ce n’est pas intéressant pour les États, et ça n’a pas de sens pour les demandeurs d’asile.

    D’ailleurs, faut-il les répartir ou leur laisser le libre #choix dans leur installation ?

    Tania Racho : Cela n’a jamais été évoqué sous cet angle. Cela a du sens de pouvoir les laisser choisir, parce que quand il y a un pays de destination, des attaches, une communauté, l’#intégration se fait mieux. Du point de vue des États, c’est avant tout une question d’#efficacité. Mais là encore on ne la voit pas. La Cour européenne des droits de l’homme a constaté, de manière régulière, que l’Italie ou la Grèce étaient des États défaillants concernant les demandeurs d’asile, et c’est vers ces pays qu’on persiste à vouloir renvoyer les personnes dublinées.

    Sara Prestianni : Le règlement de Dublin ne fonctionne pas, il est très coûteux et produit une #errance continue. On a à nouveau un #échec total sur ce sujet, puisqu’on reproduit Dublin avec la responsabilité des pays de première entrée, qui dans certaines situations va se prolonger à vingt mois. Même les #liens_familiaux (un frère, une sœur), qui devaient permettre d’échapper à ce règlement, sont finalement tombés dans les négociations.

    En quoi consiste le pacte pour lequel un accord a été trouvé la semaine dernière ?

    Sara Prestianni : Il comporte plusieurs documents législatifs, c’est donc une #réforme importante. On peut évoquer l’approche renforcée des #hotspots aux #frontières, qui a pourtant déjà démontré toutes ses limites, l’#enfermement à ciel ouvert, l’ouverture de #centres_de_détention, la #procédure_d’asile_accélérée, le concept de #pays-tiers_sûr que nous rejetons (la Tunisie étant l’exemple cruel des conséquences que cela peut avoir), la solidarité à la carte ou encore la directive sur l’« instrumentalisation » des migrants et le concept de #force_majeure en cas d’« #arrivées_massives », qui permet de déroger au respect des droits. L’ensemble de cette logique, qui vise à l’utilisation massive de la #détention, à l’#expulsion et au #tri des êtres humains, va engendrer des violations de droits, l’#exclusion et la #mise_à_l’écart des personnes.

    Tania Racho : On met en place des #centres_de_tri des gens aux frontières. C’est d’une #violence sans nom, et cette violence est passée sous silence. La justification du tri se fait par ailleurs sur la nationalité, en fonction du taux de protection moyen de l’UE, ce qui est absurde car le taux moyen de protection varie d’un pays à l’autre sur ce critère. Cela porte aussi une idée fausse selon laquelle seule la nationalité prévaudrait pour obtenir l’asile, alors qu’il y a un paquet de motifs, comme l’orientation sexuelle, le mariage forcé ou les mutilations génitales féminines. Difficile de livrer son récit sur de tels aspects après un parcours migratoire long de plusieurs mois dans le cadre d’une #procédure_accélérée.

    Comment peut-on opérer un #tri_aux_frontières tout en garantissant le respect des droits des personnes, du droit international et de la Convention de Genève relative aux réfugiés ?

    Tania Racho : Aucune idée. La Commission européenne parle d’arrivées mixtes et veut pouvoir distinguer réfugiés et migrants économiques. Les premiers pourraient être accueillis dignement, les seconds devraient être expulsés. Le rush dans le traitement des demandes n’aidera pas à clarifier la situation des personnes.

    Sara Prestianni : Ils veulent accélérer les procédures, quitte à les appliquer en détention, avec l’argument de dire « Plus jamais Moria » [un camp de migrants en Grèce incendié – ndlr]. Mais, ce qui est reproduit ici, c’est du pur Moria. En septembre, quand Lampedusa a connu 12 000 arrivées en quelques jours, ce pacte a été vendu comme la solution. Or tel qu’il est proposé aujourd’hui, il ne présente aucune garantie quant au respect du droit européen et de la Convention de Genève.

    Quels sont les dangers de l’#externalisation, qui consiste à sous-traiter la gestion des frontières ?

    Sara Prestianni : Alors que se négociait le pacte, on a observé une accélération des accords signés avec la #Tunisie, l’#Égypte ou le #Maroc. Il y a donc un lien très fort avec l’externalisation, même si le concept n’apparaît pas toujours dans le pacte. Là où il est très présent, c’est dans la notion de pays tiers sûr, qui facilite l’expulsion vers des pays où les migrants pourraient avoir des liens.

    On a tout de même l’impression que ceux qui ont façonné ce pacte ne sont pas très proches du terrain. Prenons l’exemple des Ivoiriens qui, à la suite des discours de haine en Tunisie, ont fui pour l’Europe. Les États membres seront en mesure de les y renvoyer car ils auront a priori un lien avec ce pays, alors même qu’ils risquent d’y subir des violences. L’Italie négocie avec l’#Albanie, le Royaume-Uni tente coûte que coûte de maintenir son accord avec le #Rwanda… Le risque, c’est que l’externalisation soit un jour intégrée à la procédure l’asile.

    Tania Racho : J’ai appris récemment que le pacte avait été rédigé par des communicants, pas par des juristes. Cela explique combien il est déconnecté de la réalité. Sur l’externalisation, le #non-refoulement est prévu par le traité sur le fonctionnement de l’UE, noir sur blanc. La Commission peut poursuivre l’Italie, qui refoule des personnes en mer ou signe ce type d’accord, mais elle ne le fait pas.

    Quel a été le rôle de l’Italie dans les discussions ?

    Sara Prestianni : L’Italie a joué un rôle central, menaçant de faire blocage pour l’accord, et en faisant passer d’autres dossiers importants à ses yeux. Cette question permet de souligner combien le pacte n’est pas une solution aux enjeux migratoires, mais le fruit d’un #rapport_de_force entre les États membres. L’#Italie a su instrumentaliser le pacte, en faisant du #chantage.

    Le pacte n’est pas dans son intérêt, ni dans celui des pays de premier accueil, qui vont devoir multiplier les enfermements et continuer à composer avec le règlement Dublin. Mais d’une certaine manière, elle l’a accepté avec la condition que la Commission et le Conseil la suivent, ou en tout cas gardent le silence, sur l’accord formulé avec la Tunisie, et plus récemment avec l’Albanie, alors même que ce dernier viole le droit européen.

    Tania Racho : Tout cela va aussi avoir un #coût – les centres de tri, leur construction, leur fonctionnement –, y compris pour l’Italie. Il y a dans ce pays une forme de #double_discours, où on veut d’un côté dérouter des bateaux avec une centaine de personnes à bord, et de l’autre délivrer près de 450 000 visas pour des travailleurs d’ici à 2025. Il y a une forme illogique à mettre autant d’énergie et d’argent à combattre autant les migrations irrégulières tout en distribuant des visas parce qu’il y a besoin de #travailleurs_étrangers.

    Le texte avait été présenté, au départ, comme une réponse à la « crise migratoire » de 2015 et devait permettre aux États membres d’être prêts en cas de situation similaire à l’avenir. Pensez-vous qu’il tient cet objectif ?

    Tania Racho : Pas du tout. Et puisqu’on parle des Syriens, rappelons que le nombre de personnes accueillies est ridicule (un million depuis 2011 à l’échelle de l’UE), surtout lorsqu’on le compare aux Ukrainiens (10 millions accueillis à ce jour). Il est assez étonnant que la comparaison ne soit pas audible pour certains. Le pacte ne résoudra rien, si ce n’est dans le narratif de la Commission européenne, qui pense pouvoir faire face à des arrivées mixtes.

    On a les bons et mauvais exilés, on ne prend pas du tout en compte les personnes exilées, on s’arrête à des objectifs de #gestion alors que d’autres solutions existent, comme la délivrance de #visas_humanitaires. Elles sont totalement ignorées. On s’enfonce dans des situations dramatiques qui ne feront qu’augmenter le tarif des passeurs et le nombre de morts en mer.

    Sara Prestianni : Si une telle situation se présente de nouveau, le règlement « crise » sera appliqué et permettra aux États membres de tout passer en procédure accélérée. On sera donc dans un cas de figure bien pire, car les entraves à l’accès aux droits seront institutionnalisées. C’est en cela que le pacte est dangereux. Il légitime toute une série de violations, déjà commises par la Grèce ou l’Italie, et normalise des pratiques illégales. Il occulte les mesures harmonisées d’asile, d’accueil et d’intégration. Et au lieu de pousser les États à négocier avec les pays de la rive sud, non pas pour renvoyer des migrants ou financer des barbelés mais pour ouvrir des voies légales et sûres, il mise sur une logique sécuritaire et excluante.

    Cela résonne fortement avec la loi immigration votée en France, supposée concilier « #humanité » et « #fermeté » (le pacte européen, lui, prétend concilier « #responsabilité » et « #solidarité »), et qui mise finalement tout sur le répressif. Un accord a été trouvé sur les deux textes au même moment, peut-on lier les deux ?

    Tania Racho : Dans les deux cas, la seule satisfaction a été d’avoir un accord, dans la précipitation et dans une forme assez particulière, entre la commission mixte paritaire en France et le trilogue au niveau européen. Ce qui est intéressant, c’est que l’adoption du pacte va probablement nécessiter des adaptations françaises. On peut lier les deux sur le fond : l’idée est de devoir gérer les personnes, dans le cas français avec un accent particulier sur la #criminalisation_des_étrangers, qu’on retrouve aussi dans le pacte, où de nombreux outils visent à lutter contre le terrorisme et l’immigration irrégulière. Il y a donc une même direction, une même teinte criminalisant la migration et allant dans le sens d’une fermeture.

    Sara Prestianni : Les États membres ont présenté l’adoption du pacte comme une grande victoire, alors que dans le détail ce n’est pas tout à fait évident. Paradoxalement, il y a eu une forme d’unanimité pour dire que c’était la solution. La loi immigration en France a créé plus de clivages au sein de la classe politique. Le pacte pas tellement, parce qu’après tant d’années à la recherche d’un accord sur le sujet, le simple fait d’avoir trouvé un deal a été perçu comme une victoire, y compris par des groupes plus progressistes. Mais plus de cinquante ONG, toutes présentes sur le terrain depuis des années, sont unanimes pour en dénoncer le fond.

    Le vote du pacte aura lieu au printemps 2024, dans le contexte des élections européennes. Risque-t-il de déteindre sur les débats sur l’immigration ?

    Tania Racho : Il y aura sans doute des débats sur les migrations durant les élections. Tout risque d’être mélangé, entre la loi immigration en France, le pacte européen, et le fait de dire qu’il faut débattre des migrations parce que c’est un sujet important. En réalité, on n’en débat jamais correctement. Et à chaque élection européenne, on voit que le fonctionnement de l’UE n’est pas compris.

    Sara Prestianni : Le pacte sera voté avant les élections, mais il ne sera pas un sujet du débat. Il y aura en revanche une instrumentalisation des migrations et de l’asile, comme un outil de #propagande, loin de la réalité du terrain. Notre bataille, au sein de la société civile, est de continuer notre travail de veille et de dénoncer les violations des #droits_fondamentaux que cette réforme, comme d’autres par le passé, va engendrer.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/281223/au-niveau-europeen-un-pacte-migratoire-dangereux-et-deconnecte-de-la-reali
    #pacte #Europe #pacte_migratoire #asile #migrations #réfugiés