• Angoulême : les passants jettent des oeufs sur l’artiste, un massacre sociétal [Vidéo] - charentelibre.fr
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    Il s’en est pris plein la tête mais n’a pas bronché. Pendant une demi-heure mercredi, Jérémie Pujau s’est glissé dans la peau d’un condamné, d’un bouc émissaire, d’une minorité en danger.

    L’artiste angoumoisin s’est posté en cible vivante, droit comme un i, place Saint-Martial à Angoulême. Devant une caméra cachée et derrière des tréteaux sur lesquels il avait déposé 130 oeufs en libre-service.

    Il ne parlait pas, ne bougeait pas, ne sourcillait pas. Rien. Comme un ovni qui assume sa différence. Son but : « Voir la réaction des gens, dans une approche sociétale. » Elle n’a guère tardé. Après seulement cinq minutes d’indifférence générale, des jeunes filles curieuses se sont approchées. Ont tout de suite pensé à lui « envoyer un oeuf dans la gueule », dit l’une d’elles sur la vidéo projetée avant-hier soir à la Maison des peuples et de la paix (MPP) d’Angoulême. Elles se sont retenues un temps et ont voulu engager la conversation, vainement. Car Jérémie Pujau restait dans son monde, absolument imperturbable. Alors elles ont commencé à toucher les oeufs, à considérer l’artiste comme l’idiot du village, l’homme à abattre bientôt.

    #tristesse #passivité #bouc-émissaire #effet-troupeau

    • Une « réaction ordinaire » déplore le jeune homme. « Elle est toujours à peu près la même, dans toutes les villes où je fais ça », raconte celui qui entame une tournée qui devait le mener hier à Bordeaux avant de le conduire à Toulouse, Marseille, Lyon puis Lille. Inévitablement et plutôt tôt que tard, l’envie de tirer, la pulsion de rejeter violemment se fait sentir. « Heureusement que ce ne sont que des oeufs, imaginez si c’étaient des pierres ou autre chose », interpelle Jérémie Pujau.[...]

      Les performances ne démontrent pas autre chose que « la facilité avec laquelle on perd notre libre arbitre devant la pression du groupe », s’inquiète le jeune homme en rapprochant cette « humiliation presque volontaire » de ce qui s’est joué pendant « la guerre d’Algérie ou encore la seconde guerre mondiale ».

      Ce sont surtout les 15-30 ans qui attaquent les premiers, mais avec l’assentiment des adultes, leur complicité sourde et aveugle. Parce que ce public est le plus influençable, le « plus facilement endoctriné par tous les régimes totalitaires. »

      Mais de temps en temps se dresse un « héros », une voix qui va s’opposer, un geste qui vient protéger. « À Paris, un homme a tendu un carton devant mon visage pour limiter les dégâts », se souvient l’artiste. « Dans les faits, rares sont ceux qui osent sortir du groupe. Parce qu’un groupe qui perd un membre est moins fort et se sent plus en danger. Celui qui en part devient une menace, une autre personne à abattre. »

      Endosser le rôle de la cible est « psychologiquement très éprouvant », témoigne Jérémie Pujau. « À chaque fois, c’est un choc immense, même après douze performances de ce type dans différentes villes d’Europe. » Il faut alors un peu de temps pour reprendre ses esprits et passer à la phase finale du travail : interroger sur leurs motivations et leur ressenti ceux qui ont interagi. Les réponses sont souvent confuses, souvent teintées de culpabilité. Mais il est déjà trop tard : l’humanité est à terre.

    • pourquoi tu parles de peuple ? sous prétexte que c’est « le peuple » (on se demande d’ailleurs ce qu’englobe ce terme : on ne sait rien en l’occurence du milieu social des personnes autours, et on constate du reste qu’il y a diversité des comportements), on ne devrait pas critiquer la tendance à attaquer l’autre, à prendre pour bouc émissaire celui que l’on juge différent ?

      Que les attitudes du bouc émissaires viennent d’un ministre, des médias ou de passants, ils sont dans tous les cas condamnables. En quoi le fait de rester en silence, aussi étrange, et même dans une certaine mesure violente, soit cette attitude justifie-t-elle de lancer des œufs à une personne ?

      Ce qu’interroge cette action, c’est au contraire la capacité de manipuler les gens... elle est d’une certaine manière aussi une dénonciation des discours xénophobes que l’on entend.

    • que le dispositif ait permis cette scène, c’est évident. Pour autant en est-il la cause ?

      Que Pujau joue un rôle différente des personnes autours de lui, c’est évident. Pour autant, s’agit-il nécessairement d’un mépris des autres ? S’agit-il de souligner sa différence avec l’autre, ou de souligner le comportement commun dans lequel on peut tout à chacun s’inscrire, Pujau, moi, toi, compris. Une victime peut se révéler ultérieurement bourreau, et vice-versa.

    • Que des gens aient des attitudes qui provoquent des réactions de violences, c’est certes possibles. Mais cet argument sert tellement à justifier tout qu’il est inutilisable.

      L’evt n’a certes pas de valeur scientifique en terme de démonstration. Mais elle a de valeur en terme de communication, en terme de moyen d’interroger. Plus que tous discours théorique sur les boucs émissaires, il est interrogation, pour chacun-e d’entre nous. En ce sens il constitue une performance (dans la notion de performativité), pas forcément une performance artistique (au sens il se rattacherait à de l’art, concept pour moi trop vague pour être utilisable).

    • ca n’a aucune valeur scientifique on est d’accord. Ca n’a pas non plus de valeur artistique. Ca a en revanche une valeur de performativité, au même titre que mettre des fleurs aurait pu performer un autre aspect de l’humanité.