• Le #capitalisme, ou l’humanité précipitée dans l’abîme.

    La Banque mondiale s’alarme de la dégradation de la conjoncture internationale et voit la #croissance mondiale ralentir à 2,1 % cette année.

    L’économiste en chef de la Banque mondiale est on ne peut plus explicite. Pour #Indermit_Gill, « l’économie mondiale est dans une position précaire ». La hausse généralisée des taux d’intérêt dans la foulée des resserrements monétaires de la Réserve fédérale américaine en est l’une des causes.

    Hormis dans les pays de l’Asie de l’Est et du Sud, la croissance ne sera pas assez forte pour éliminer la pauvreté et lutter contre les effets du #changement_climatique, avance la Banque mondiale

    .
    Comme si la croissance des profits de la classe capitaliste avait déjà servi à “éliminer la pauvreté et lutter contre les effets du changement climatique”…

    Aujourd’hui, les taux d’intérêt élevés ne freinent pas seulement la croissance des pays en développement, mais également l’investissement.

    Or les besoins de financement pour atteindre les objectifs de développement durable sont bien plus importants que même les projections les plus optimistes d’investissement privé, s’alarme la Banque.

    Pour ses nouvelles prévisions, l’institution multilatérale prévoit en effet un net ralentissement. La croissance mondiale devrait s’établir à seulement 2,1 % cette année contre 3,1 % en 2022.

    Bref, si vous attendez encore du système capitaliste des solutions contre le #réchauffement_climatique, c’est mort. Vous entendrez encore beaucoup de discours volontaristes, vous verrez encore des tas d’experts et de politiciens en conférence pour nous baratiner sur la #transition_écologique, mais sachez-le : cela ira de pire en pire, et bien pire que tout ce qu’on peut imaginer.

    Soit on carbonise le capitalisme, soit c’est lui qui nous incinèrera vivants.

    Récession étendue

    Il n’y a guère que la Chine dont le produit intérieur brut (PIB) devrait croître de 5,6 % cette année après 3 % l’an dernier qui voit un net rebond de son activité. Les Etats-Unis enregistreraient un maigre 1,1 % tandis que la zone euro parvient à peine à afficher une croissance de 0,4 %.

    Une solution pour Biden et sa classe sociale : une Troisième guerre mondiale.

    Pour les pays émergents, les déceptions sont à venir. Même l’Inde va ralentir avec une croissance de 6,3 % cette année après 7,2 % en 2022. L’Argentine (-2 %) comme la Russie (-0,2 %) seront en récession et le Brésil ne verra qu’une progression de 1,2 % de son PIB. « L’optimisme qui s’est manifesté avec la fin du confinement en Chine plus tôt cette année s’est avéré éphémère. Dans les pays émergents et en développement, en excluant la Chine, une récession prononcée est en cours. La croissance devrait ralentir à 2,9 % en 2023, contre 4,1 % en 2022 », avance Indermit Gill en préambule du rapport de la Banque.

    Pour cette dernière, jusqu’à présent, la plupart des pays émergents et en développement n’avaient subi que « des dommages limités » dus aux récentes turbulences bancaires dans les pays industrialisés (faillites bancaires aux Etats-Unis, chute de Credit Suisse). Mais « ils naviguent maintenant dans des eaux dangereuses ». La succession des crises depuis plusieurs années (pandémie de Covid-19, invasion russe de l’Ukraine, #hausse_des_taux_d'intérêt) a généré « des revers durables au développement des #pays_émergents et en développement. Cela persistera dans un avenir prévisible », écrit la Banque. Cette dernière observe en particulier une hausse des rendements payés par ces pays. Pis, environ un quart de ces pays ont perdu l’accès aux marchés obligataires internationaux.

    Le surendettement inquiète

    « D e nombreuses économies en #développement ont du mal à faire face à une faible croissance, à une #inflation constamment élevée et à des niveaux d’#endettement record », souligne Ayhan Kose, économiste en chef adjoint de la Banque mondiale.

    Pour les pays les plus fragiles, la situation est désespérée. La hausse des taux d’intérêt a détérioré leur situation budgétaire au cours de la dernière décennie. La dette publique s’y élève désormais en moyenne à environ 70 % du PIB. Les paiements d’intérêts engloutissent une part croissante des maigres recettes publiques. La #Banque_mondiale recense ainsi 14 pays en situation de surendettement ou présentant un risque élevé de #surendettement.

    (Les Échos)

  • Beitragsschulden bei der Sozialversicherung steigen immer mehr – neuer
    Schuldenerlass erforderlich
    https://harald-thome.de/newsletter/archiv/thome-newsletter-13-2023-vom-16-04-2023.html

    Les petits entrepreneurs et étudiants allemands amassent des milliards d’Euros de dettes impayées. L’obligation de verser au moins € 158,43 mensuels pour l’assurance maladie seulement et de passer par une procédure bureaucratique afin d’être exempté du paiement de cotisations plus élevées exclue un nombre croissant d’ayants droit. La souscription obligatoire à une assurance maladie a été introduite parce que l’ancien système en excluait pour toute la vie chacun ayant dépassé les délais.

    Das Bundesamtes für Soziale Sicherung (BAS) hat seine aktuelle Statistik
    zu Beitragsschulden in der Sozialversicherung herausgegeben, Stand: 24.
    März 2023. Demnach sind die Beitragsschulden in der gesetzlichen
    Kranken-, Pflege-, Renten- und Arbeitslosenversicherung auf einen neuen
    Rekordwert von über 20 Milliarden EUR gestiegen. Ein ganzer Teil beläuft
    sich davon auf rückständige Beiträge für die Krankenkasse. Den größten
    Zuwachs gab es in der Krankenversicherung – und hier insbesondere bei der
    Personengruppe, zu der unter anderem Selbstständige und Studierende
    gehören: Hier stiegen die Schulden seit 2019 von 9 auf 11,4 Milliarden
    Euro.
    Weitere Infos im RND: https://t1p.de/7p7cn [https://t1p.de/7p7cn] und
    die Statistiken: https://t1p.de/qm2q5 [https://t1p.de/qm2q5]

    2013 gab es für die Krankenkassenschuldner*innen schon einmal einen
    Schuldenerlass. Ein solcher ist erneut erforderlich und zwar dringender
    denn je! Damit den verschuldeten Menschen die Rückkehr in die
    Krankenkasse ermöglicht wird.

    Le ministère de santé vous informe ...
    https://www.bundesgesundheitsministerium.de/beitraege.html

    Krankenversicherungsbeiträge für freiwillig Versicherte in der GKV pro Monat

    Über der Versicherungspflichtgrenze verdienende Arbeitnehmer/innen 728,18 €

    Mindestbeitrag allgemein (Mindestbemessungsgrundlage: 1.131,67 €) 158,43 €

    Il n’y a pas que l’assurance maladie ...
    https://www.tk.de/techniker/leistungen-und-mitgliedschaft/informationen-versicherte/veraenderung-berufliche-situation/freiwillige-krankenversicherung-tk/haeufige-fragen-zu-beitraegen-fuer-freiwillig-versicherte/beitragshoehe-freiwillig-versichert-nicht-erwerbstaetig-2006970?tkcm=ab

    Falls Sie keine laufenden Einkünfte haben, zahlen Sie den Mindestbeitrag. Dieser beträgt für die Kranken- und Pflegeversicherung zusammen 206,53 Euro. Wenn Sie über 23 Jahre alt und kinderlos sind, beträgt der Mindestbeitrag 210,49 Euro.

    #Allemagne #endettement #sécurité_sociale

  • Le capitalisme : un système économique à l’agonie, un ordre social à renverser

    Cercle Léon Trotsky n°159 (22 février 2019)

    Le texte : https://www.lutte-ouvriere.org/publications/brochures/le-capitalisme-un-systeme-economique-lagonie-un-ordre-social-renvers

    Sommaire :

    La dynamique du capitalisme… et ses contradictions
    – Le travail humain, source de la valeur ajoutée
    – Le secret du #capital
    – La #reproduction_du_capital et ses #contradictions
    – La baisse du #taux_de_profit
    – Le capital, un produit collectif
    – La révolution sociale, une nécessité
    – L’#accumulation_du_capital… et de ses contradictions
    – Sans révolution sociale, la putréfaction continue

    Le #capitalisme aujourd’hui
    – Une courte phase de reconstitution des forces productives
    – Un #taux_de_profit restauré au détriment des travailleurs
    – La financiarisation de l’économie
    – La politique des banques centrales
    – L’#endettement général de la société… et ses conséquences
    – La #finance draine la plus-value créée dans la production
    – La flambée de la bourse et les #Gafam
    – La faiblesse des #investissements productifs
    – Baisse de la #productivité du travail
    – L’#intelligence_artificielle (#IA) et la fin du travail ?
    – La #Chine, moteur de la croissance mondiale ?
    – L’#informatique, nouvelle révolution industrielle ?

    La #révolution_sociale, seule voie pour sortir de l’impasse
    – Les forces productives sont plus que mûres pour le #socialisme
    – Réimplanter une #conscience_de_classe, reconstruire des partis révolutionnaires

    #lutte_de_classe #parti_ouvrier #parti_révolutionnaire #communisme #classe_ouvrière

  • Le côté sombre de la frite

    Chaque année, la #Belgique exporte trois millions de tonnes de frites surgelées, selon la RTBF. Derrière ces chiffres énormes, il y a Aïcha, grièvement brûlée à l’huile de friteuse, Betty, agricultrice endettée face aux industriels patatiers, ou Philippe, riverain d’une usine de frites en souffrance.

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/le-cote-sombre-de-la-frite-4870850
    #patates #pommes_de_terre #frites #agriculture #industrie_agro-alimentaire #endettement #travail #conditions_de_travail

    –-

    sur les patates et les frites, voir aussi cet article paru dans La Revue Dessinée :
    https://seenthis.net/messages/972766

    • Les gros sur la patate

      Enquête sur l’industrie de la frite (et ceux qui les fabriquent) entre France et Belgique.
      Chips, frites, croquettes, purée… Des deux côtés de la frontière, la pomme de terre est au cœur de notre alimentation et de notre culture. Mais à quel prix ? Les journalistes d’Apache, Médor et Mediacités s’unissent pour vous faire découvrir une filière en surchauffe et ses conséquences économiques et environnementales.

      https://www.grossurlapatate.eu

    • Frites : l’industrie de la patate dévore les terres du Nord

      Haies coupées, prairies retournées... Dans le Nord, l’appétit des cultivateurs de pommes de terre gagne du terrain, et ravage le département. Les acteurs locaux tentent de résister à ce phénomène.

      « Là c’est à lui, ici aussi, il y a aussi là-bas. » À Trélon et à Ohain, deux villages situés dans le parc naturel régional (PNR) de l’Avesnois, aux confins du département du Nord et à la lisière de la Belgique, on ne sait plus où donner de la tête face à l’expansion d’un agriculteur néerlandais. Comme si ce dernier se bâtissait un véritable empire. Le long de la départementale à la sortie de Trélon, un champ de pommes de terre est arrivé à maturation. « Vous voyez ce terrain ? Avant, c’était une belle prairie, avec des vaches, ça a bien changé », se désole Thierry Reghem, maire de Trélon.

      Le terrain appartient désormais à cet agriculteur néerlandais, qui n’a pas souhaité répondre à Reporterre et préfère l’anonymat. Il s’est installé en 2015, et s’est étendu progressivement sur les communes voisines. Le cas de cet exploitant illustre le bouleversement démarré voilà plus d’une décennie sur le territoire.

      Ces terres d’élevage, à l’origine dédiées au lait et à la viande bovine, cèdent progressivement la place aux grandes cultures, en particulier celle de la pomme de terre. Selon les chiffres de la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture, et de la forêt (Draaf) Hauts-de-France, communiqués spécialement à Reporterre, les surfaces agricoles dédiées au tubercule dans le parc naturel régional de l’Avesnois ont augmenté de 131 % entre 2010 et 2022.

      Un territoire à la merci des patatiers

      Un territoire jusque-là relativement préservé par la culture de pommes de terre, contrairement au reste de la région Hauts-de-France où elle est plus présente. Cette dernière concentre 64 % de la production nationale, et 8 % de la production en Europe en 2023, selon la Chambre d’agriculture. Avec son climat océanique ainsi que ses terres argileuses et limoneuses, le nord de la France est particulièrement propice à la culture du tubercule. L’essor des industries de la pomme de terre dans les années 80 marquées par un produit emblématique, la frite, offre également des débouchés prometteurs.

      La région Hauts-de-France se hisse aussi à la première place de la transformation de pomme de terre et représente 70 % des frites produites en France. Avec des entreprises surtout étrangères : le groupe canadien McCain, n°1 mondial sur ce secteur, y a installé deux usines. Au total, 1 frite industrielle sur 3 consommée dans l’Hexagone vient de chez McCain. Fin août, la société belge Agristo, spécialisée dans la fabrication de produits à base de pomme de terre surgelée, a aussi racheté le site de la sucrerie Tereos située à Escaudoeuvres, à une quarantaine de kilomètres des portes de l’Avesnois.

      Mais plus que la hausse des surfaces consacrées à la pomme de terre dans l’Avesnois, ce sont les pratiques agricoles inhérentes à cette culture, parfois intensives, et ses conséquences pour l’environnement qui inquiètent le territoire. La pomme de terre est une culture épuisante pour le sol, à cause de l’utilisation d’engins agricoles massifs qui tassent le sol. De plus, elle nécessite souvent l’usage de pesticides pour prévenir le mildiou. Enfin, certains exploitants n’hésitent pas aussi à modifier le paysage.

      Haies arrachées, prairies retournées... Des « exploitants sans scrupules »

      Dans un chemin cahoteux bordé d’arbres, un éleveur qui s’est installé dans le coin en 1996 montre le bouleversement du paysage que subit le territoire. « D’un côté vous avez une pâture intouchée, verdoyante, et de l’autre un champ de colza à perte de vue où les haies ont été arrachées, témoigne-t-il anonymement. Cette destruction est l’œuvre d’un Belge arrivé il y a quelques années. Les haies devaient certainement le limiter dans ses activités. »

      Selon Sylvain Oxoby, le maire d’Ohain, ce terrain appartient bien à un agriculteur belge, qui cultive entre autres de la pomme de terre. Selon nos informations, l’exploitant revend une partie de sa production à une industrie de pommes de terre belge. Contacté par Reporterre, il n’a pas souhaité nous répondre. « On est face à des exploitants sans scrupules pour obtenir un maximum de rendement, s’indigne l’édile. Ils n’hésitent pas à se livrer à des retournements de prairies et des arrachages de haies pour se faciliter le travail, sans se soucier de la préservation du paysage. »

      Composé à 42 % de prairies et de 11 000 km de haies bocagères, le PNR de l’Avesnois présente plusieurs facettes, selon Yvon Brunelle, directeur du parc. « Il y a toujours eu de la pomme de terre dans certaines poches du territoire, comme à l’est en direction de Valenciennes et Cambrai, explique-t-il. Mais c’est vrai que le Sud Avesnois, vers Trélon et Ohain, où la densité bocagère est plus forte, n’était pas concerné il y a quelques années encore par cette culture. C’est un phénomène nouveau pour la population locale qui, d’après ce qui m’a été rapporté, s’émeut de l’arrivée de pratiques agricoles intensives de personnes extérieures, en particulier les Belges et le fameux Néerlandais. »

      Parallèlement à l’extension de la culture de pommes de terre, l’Avesnois comme tout le département du Nord compose depuis des années avec l’installation d’agriculteurs belges et néerlandais. En Belgique et aux Pays-Bas, le foncier agricole est saturé. De plus, le prix à l’hectare peut être jusqu’à dix fois supérieur à la France.

      Pour ces agriculteurs du Benelux, l’Avesnois présente un sérieux intérêt puisqu’il se situe à quelques kilomètres de la frontière. Pratique pour acheminer leur production jusqu’aux usines belges et néerlandaises de transformation de la pomme de terre, parmi les plus productives du monde. Ce serait le cas de l’agriculteur néerlandais de Trélon, selon Thierry Reghem. « Il m’a dit qu’il travaillait pour un industriel néerlandais et qu’il envoyait sa production là‐bas. Il ne s’en cache pas », assure le maire.
      « On ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque haie »

      Sylvain Oxoby est actuellement traversé par une autre inquiétude : l’agriculteur néerlandais, qui a déjà investi au moins 2 millions d’euros dans sa production depuis son arrivée, selon nos informations, pourrait s’étendre davantage. « Il cherche actuellement à reprendre près de 200 hectares de terrain sur ma commune, fait savoir le maire d’Ohain. Des terres appartenant à l’agriculteur belge évoqué précédemment. »

      La mine soucieuse derrière son bureau, l’édile poursuit : « La mairie ne peut en aucun cas jouer son droit de préemption. Si une offre de rachat était transmise par le Néerlandais, on espère que la Safer [1] bloquera la vente, au motif qu’il dispose de suffisamment de terres, en privilégiant un projet agricole en accord avec nos ambitions territoriales ». D’ici à 2025, le PNR Avesnois s’est donné pour objectif d’atteindre 30 % de surfaces destinées au bio.

      Face au bouleversement de leur terroir, les acteurs locaux paraissent dépassés. « Le pouvoir du maire est limité en la matière : nous nous limitons à une surveillance et à un dépôt de plainte en cas d’infractions environnementales », exprime, résigné Sylvain Oxoby. Deux agriculteurs sont convoqués par la gendarmerie prochainement pour des arrachages de haies. Ils risquent au maximum une amende et une injonction de les replanter. En accord avec le parquet, l’Office français de la biodiversité (OFB) se saisit uniquement des dossiers avec « un lourd impact sur la biodiversité », selon Alexis Pecqueur, chef d’enquête de l’OFB dans ce secteur. « Plusieurs procédures judiciaires sont en cours », assure l’agent de l’environnement. Impossible en revanche pour son équipe en sous-effectif d’intervenir à chaque signalement.

      « Le parc n’a pas de pouvoir de répression, ajoute Yvon Brunelle. Nous pouvons seulement mettre en place des garde-fous, en donnant des moyens d’alerte aux communes. » Dans un nouveau plan local d’urbanisme intercommunal (Plui), en cours d’approbation, 80 % des haies du PNR Avesnois doivent être classées comme espèces protégées. Les arracher constituerait dès lors un délit. « Est-ce que ce sera suffisant pour stopper les infractions, je n’en sais rien, remarque Yvon Brunelle. Malheureusement, on ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque haie. »

      https://reporterre.net/L-industrie-de-la-frite-devore-les-terres-du-Nord

  • The Origin of Student Debt: Reagan Adviser Warned Free College Would Create a Dangerous “Educated Proletariat”

    In 1970, #Roger_Freeman, who also worked for Nixon, revealed the right’s motivation for coming decades of attacks on higher education.

    With the vociferous debate over President Joe Biden’s announcement that the federal government will cancel a portion of outstanding student debt, it’s important to understand how Americans came to owe the current cumulative total of more than $1.6 trillion for higher education.

    In 1970, Ronald Reagan was running for reelection as governor of California. He had first won in 1966 with confrontational rhetoric toward the University of California public college system and executed confrontational policies when in office. In May 1970, Reagan had shut down all 28 UC and Cal State campuses in the midst of student protests against the Vietnam War and the U.S. bombing of Cambodia. On October 29, less than a week before the election, his education adviser Roger A. Freeman spoke at a press conference to defend him.

    reeman’s remarks were reported the next day in the San Francisco Chronicle under the headline “Professor Sees Peril in Education.” According to the Chronicle article, Freeman said, “We are in danger of producing an educated proletariat. … That’s dynamite! We have to be selective on who we allow [to go to college].”

    “If not,” Freeman continued, “we will have a large number of highly trained and unemployed people.” Freeman also said — taking a highly idiosyncratic perspective on the cause of fascism —“that’s what happened in Germany. I saw it happen.”

    Freeman was born in 1904 in Vienna, Austria, and emigrated to the United States after the rise of Hitler. An economist who became a longtime fixture in conservative politics, he served on the White House staff during both the Dwight Eisenhower and Richard Nixon administrations. In 1970 he was seconded from the Nixon administration to work on Reagan’s campaign. He was also a senior fellow at Stanford’s conservative Hoover Institution. In one of his books, he asked “can Western Civilization survive” what he believed to be excessive government spending on education, Social Security, etc.

    A core theme of Reagan’s first gubernatorial campaign in 1966 was resentment toward California’s public colleges, in particular UC Berkeley, with Reagan repeatedly vowing “to clean up the mess” there. Berkeley, then nearly free to attend for California residents, had become a national center of organizing against the Vietnam War. Deep anxiety about this reached the highest levels of the U.S. government. John McCone, the head of the CIA, requested a meeting with J. Edgar Hoover, head of the FBI, to discuss “communist influence” at Berkeley, a situation that “definitely required some corrective action.”

    During the 1966 campaign, Reagan regularly communicated with the FBI about its concerns about Clark Kerr, the president of the entire University of California system. Despite requests from Hoover, Kerr had not cracked down on Berkeley protesters. Within weeks of Reagan taking office, Kerr was fired. A subsequent FBI memo stated that Reagan was “dedicated to the destruction of disruptive elements on California campuses.”

    Reagan pushed to cut state funding for California’s public colleges but did not reveal his ideological motivation. Rather, he said, the state simply needed to save money. To cover the funding shortfall, Reagan suggested that California public colleges could charge residents tuition for the first time. This, he complained, “resulted in the almost hysterical charge that this would deny educational opportunities to those of the most moderate means. This is obviously untrue. … We made it plain that tuition must be accompanied by adequate loans to be paid back after graduation.”

    The success of Reagan’s attacks on California public colleges inspired conservative politicians across the U.S. Nixon decried “campus revolt.” Spiro Agnew, his vice president, proclaimed that thanks to open admissions policies, “unqualified students are being swept into college on the wave of the new socialism.”

    Prominent conservative intellectuals also took up the charge. Privately one worried that free education “may be producing a positively dangerous class situation” by raising the expectations of working-class students. Another referred to college students as “a parasite feeding on the rest of society” who exhibited a “failure to understand and to appreciate the crucial role played [by] the reward-punishment structure of the market.” The answer was “to close off the parasitic option.”

    In practice, this meant to the National Review, a “system of full tuition charges supplemented by loans which students must pay out of their future income.”

    In retrospect, this period was the clear turning point in America’s policies toward higher education. For decades, there had been enthusiastic bipartisan agreement that states should fund high-quality public colleges so that their youth could receive higher education for free or nearly so. That has now vanished. In 1968, California residents paid a $300 yearly fee to attend Berkeley, the equivalent of about $2,000 now. Now tuition at Berkeley is $15,000, with total yearly student costs reaching almost $40,000.

    Student debt, which had played a minor role in American life through the 1960s, increased during the Reagan administration and then shot up after the 2007-2009 Great Recession as states made huge cuts to funding for their college systems.

    That brings us to today. Biden’s actions, while positive, are merely a Band-Aid on a crisis 50 years in the making. In 1822, founding father James Madison wrote to a friend that “the liberal appropriations made by the Legislature of Kentucky for a general system of Education cannot be too much applauded. … Enlightened patriotism … is now providing for the State a Plan of Education embracing every class of Citizens.”

    “Knowledge will forever govern ignorance,” Madison explained, “and a people who mean to be their own governors must arm themselves with the power which knowledge gives.” Freeman and Reagan and their compatriots agreed with Madison’s perspective but wanted to prevent Americans from gaining this power. If we want to take another path, the U.S. will have to recover a vision of a well-educated populace not as a terrible threat, but as a positive force that makes the nation better for everyone — and so should largely be paid for by all of us.

    https://theintercept.com/2022/08/25/student-loans-debt-reagan
    #Roland_Reagan #Reagan #USA #Etats-Unis #histoire #origine #université #étudiants #endettement #dette_étudiante #how_it_begun #ESR #prolétariat #prolétariat_éduqué #educated_proletariat #classes_sociales #ascension_sociale #éducation #péril #sélection

  • Grèce : l’Europe arrête la surveillance d’un pays toujours en #crise

    Ce samedi 20 août, la Grèce en a fini avec douze ans de surveillance européenne. Cette décennie, marquée par un choc d’austérité sans précédent, laisse le pays démoralisé et dévitalisé. PIB, #endettement, banques, emploi… aucun des problèmes de la crise grecque n’a été résolu. Mais l’Europe ne veut plus entendre parler de la Grèce.

    Martine Orange / Mediapart / 20 août 2022 à 10h49

    Ce 20 août, la #Grèce en aura fini avec douze ans de surveillance européenne. La #Commission_européenne a décidé fin juin que le contrôle étroit imposé à Athènes depuis 2010 n’était plus justifié, après le remboursement par anticipation de la dernière tranche d’emprunt (1,58 milliard de dollars) au FMI par le gouvernement grec fin avril. « Après douze ans […], un chapitre difficile pour notre pays s’achève, s’est félicité le ministre des finances grec, Chrístos Staïkoúras. La Grèce revient à une normalité européenne et ne sera plus une exception dans la zone #euro. »

    En dépit des assurances du premier ministre grec Kyriákos Mitsotákis (droite conservatrice), les Grec·ques peinent à croire à un retour à la normale. Ils n’arrivent pas à effacer cette décennie 2010, synonyme d’effondrement, d’appauvrissement, de régression et parfois d’humiliation. Et il faudra sans doute des dizaines d’années avant que le pays se relève de la stratégie de choc austéritaire qui lui a été imposée et qui a engendré des dégâts considérables.

    La Commission européenne feint d’ignorer le problème. Dans une lettre de son vice-président, Valdis Dombrovskis, et du commissaire à l’économie, Paolo Gentiloni, elle souligne que le gouvernement grec a respecté la plupart des engagements pris. C’est bien là l’essentiel, à ses yeux. Pour le reste, elle n’a aucune envie de s’étendre sur le sujet : depuis la fin du troisième plan de #sauvetage européen en 2018, tout est fait pour oublier la Grèce.

    Pas plus que les Grecs les Européens n’ont pourtant oublié la crise grecque. Elle reste un traumatisme dans la construction européenne. C’est le moment où l’Union a changé de nature. D’une réunion de pays librement associés, elle est devenue une assemblée de #créanciers et de débiteurs. #Bruxelles s’est alors arrogé, sans contrôle, des pouvoirs de coercition, pour imposer ses règles et ses vues, au nom de la défense de la monnaie unique et de l’intégrité de la zone euro. Le précédent a frappé tous les esprits. Une dynamique d’adhésion et de soutien s’est cassée, peut-être de façon irrémédiable.

    Lors de son dernier voyage à Athènes, en octobre 2021, l’ancienne chancelière allemande Angela #Merkel, considérée en Grèce comme la principale responsable de la gestion de la crise grecque, a tenté quelques mots d’excuse. Confessant que cela avait été « le moment le plus difficile de son mandat », elle a dit avoir conscience « des contraintes et des défis auxquels les Grecs avaient été confrontés » pendant les années d’austérité imposées au pays.

    Avant elle, le Fonds monétaire international (#FMI), embarqué dans cette affaire comme membre de la fameuse #troïka chargée de superviser les plans de rigueur imposés à la Grèce, avait rédigé plusieurs rapports sur le dossier. Ses conclusions étaient sans appel : les programmes, reposant sur des modèles erronés et faussés, ont été un échec pour la Grèce. Plus que redresser le pays, ils avaient surtout servi à sauver les #banques allemandes et françaises, qui s’étaient engagées sans discernement après la création de l’euro en 2000, relevaient les auteurs. Jamais l’institution n’aurait dû accepter d’y être associée, jamais plus elle ne devrait participer à pareil projet, concluaient-ils.

    La Banque centrale européenne, autre membre de la troïka, n’a jamais donné les conclusions de cette expérience. Elle a juste fait savoir qu’elle ne s’y prendrait plus de la même manière. Quant à la Commission européenne, elle n’a tiré aucune leçon, pas même sur le fonctionnement opaque et antidémocratique de l’Eurogroupe, dénoncé avec vigueur par l’ancien ministre des finances grec Yánis Varoufákis. Pour elle, la Grèce, c’est de l’histoire ancienne.

    Un bilan accablant

    Personne, il est vrai, n’a envie de revendiquer le bilan tant il est accablant. Le PIB du pays, qui s’élevait à 355,9 milliards de dollars en 2008, est tombé à 216, 2 milliards de dollars en 2021, soit une chute de 39 %. Du jamais-vu dans un pays appartenant à une zone économique développée. Loin d’avoir été résorbé, l’endettement public s’est encore aggravé : il représentait 110 % du PIB en 2012 ; il dépasse désormais les 200 %. Mais ce qui était un problème à l’époque pour l’Europe ne semble plus l’être : l’État dégage désormais un excédent budgétaire suffisant pour rembourser ses créanciers.

    Cela s’est fait au prix d’une destruction de tout l’État social. Les services publics, à commencer par les hôpitaux, l’école, l’université, ont été démantelés. Le droit du travail a été mis à sac, comme toutes les protections sociales. Le salaire minimum a été quasiment divisé par deux. Plus de quinze réformes des retraites se sont enchaînées pour faire baisser les pensions de plus de 30 %. Tout ce qui était intéressant à privatiser l’a été, sans regarder aux conséquences : avec retard, la Commission européenne se mord aujourd’hui les doigts d’avoir sous-estimé la stratégie d’expansion chinoise et d’avoir laissé le Chinois Cosco Shipping prendre le contrôle du port du Pirée.

    Dans le même temps, les réformes fiscales sont toujours sur la liste d’attente : les grandes fortunes, les armateurs, tout comme l’Église orthodoxe, grand propriétaire foncier, restent les champions de l’évasion fiscale. Mais le sujet, semble-t-il, ne fait pas partie des priorités européennes.

    Certes, le chômage a baissé. Alors qu’il avait atteint plus de 27 % dans les années 2015-2016, il n’est plus que de 12,5 %. Mais c’est au prix d’une précarisation de l’emploi et surtout d’un exode massif de la population. Démoralisé·es, ne se voyant aucun avenir, quelque 500 000 jeunes , surtout les mieux formé·es, ont quitté leur pays au cours de la dernière décennie. La Grèce est désormais le pays de la zone euro qui compte la proportion la plus élevée (22 %) de personnes âgées de plus de 65 ans.

    Une économie tombée dans une trappe de pauvreté

    Selon les modèles mis en avant, Athènes était censée renouer avec la croissance et combler ses retards à partir de 2019. L’arrêt de l’économie mondiale provoqué par la crise du Covid a bouleversé toutes les prévisions : faute d’entrées touristiques, l’économie grecque s’est à nouveau effondrée. Mais tout devait se rétablir cette année. À la fin de 2021, le FMI prévoyait une croissance autour de 6 % et la Commission européenne autour de 3-4 % pour 2022-2023 : la guerre en Ukraine, la flambée des prix de l’énergie viennent à nouveau perturber tous les plans.

    En juin, l’inflation a atteint 12,1 %, son plus haut niveau depuis novembre 1993. Essence, électricité, logements, transports , alimentation… les ménages grecs n’arrivent plus à suivre : leur salaires sont trop bas. La vie quotidienne devient de plus en plus difficile. Quant aux vacances, elles sont devenues un luxe presque inaccessible.

    En début d’année, le gouvernement avait fait adopter un programme d’aide de 6,5 milliards d’euros qui se révèle insuffisant. Début mai, il a approuvé une revalorisation du salaire minimum de 50 euros pour le porter à 713 euros brut par mois. Mais le compte n’y est toujours pas, selon les syndicats. Ils demandent que le salaire minimum atteigne au moins 825 euros par mois. Et même à ce niveau-là, il n’aura toujours pas retrouvé son niveau d’avant 2008.

    Pour de nombreux économistes, la Grèce est piégée dans une trappe de pauvreté, avec des emplois sous-qualifiés, précarisés et mal payés. La crise de la dette a encore amplifiée cette tendance. Encouragé par les experts de la Commission, les gouvernements successifs ont tout mis en œuvre pour favoriser le développement du tourisme : c’est la source la plus facile et rapide pour assurer des rentrées d’argent dans le pays. Le secteur est plus que jamais le principal moteur de l’économie grecque. Alors que les Européen·nes et les Américain·es se bousculent en Grèce cet été, le gouvernement s’attend à une année record, dépassant largement les 13 milliards d’euros de l’an dernier. Mais cet argent ne se reconvertit pas dans le reste de l’économie.

    Faiblement industrialisée avant la crise de la dette, la Grèce a accumulé encore plus de retard depuis. Le taux d’investissement y est un des plus bas d’Europe. À la différence des tous les membres de la zone euro, il a stagné pendant toute la dernière décennie. Faute de débouchés et de demande. Mais faute aussi de crédits. Le système bancaire grec est toujours malade des impayés et des crédits non remboursés. Le problème demeure à peu près au même stade qu’il y a dix ans : le volume des mauvaises créances n’a presque pas diminué et tourne autour de 30 %. Une majorité des petites et moyennes entreprises qui forment le tissu économique du pays sont considérées en faillite ou en quasi-faillite.

    Oublier la Grèce

    Les plans européens et les interventions de la #BCE étaient pourtant censés aider à l’assainissement des banques grecques. Dans les faits, la Banque centrale s’est contentée de les couper du système bancaire et financier européen, afin qu’elles ne contaminent pas l’ensemble. À charge pour elles de résoudre le problème comme elles l’entendaient.

    L’incapacité des banques grecques à assurer le financement de l’économie risque de peser durablement pour le développement du pays. D’autant que le gouvernement, même s’il en avait l’envie — ce qui est loin d’être acquis — n’est pas en mesure d’apporter son soutien. Bien qu’il se finance officiellement sur les marchés, son sort est lié au programme de rachats de titres de la BCE. C’est elle qui assure le financement indirect de l’État. Ce qui n’empêche pas la Grèce d’avoir les taux d’intérêt les plus élevés de la zone euro, à plus de 3 %.

    Dans le cadre des programmes de relance et de soutien lancés au moment de la crise sanitaire, la Grèce est devenue l’une des plus grands bénéficiaires de l’argent européen. Elle doit recevoir 17,8 milliards d’euros de garantie et 12 milliards de prêt. Elle est aussi une des premières allocataires des plans climat et de l’économie numérique. À grand renfort de publicité et de déclarations, le premier ministre annonçait à la mi-2021 le lancement du programme « Grèce 2.0 ». Grâce aux fonds européens, le pays allait changer de modèle et entrer de plain-pied dans l’économie de demain.

    La guerre en Ukraine, la montée de l’inflation, les tensions sociales paraissent avoir amené le gouvernement à réduire ses ambitions. Il ne parle plus de changer de modèle. Il semble au contraire chercher à perpétuer certaines pratiques de l’ancien : les modalités de distribution d’aides et de financements apportés par l’Europe ont été dessinées de telle sorte qu’elles ne bénéficient qu’aux grandes entreprises, y compris étrangères, qui ne représentent qu’une partie très faible de l’économie. Toutes les PME, elles, semblent tenues à l’écart.

    À ce stade, la Commission européenne, censée contrôler le bon déroulement de ses programmes, n’a pas réagi. Mais cela paraît désormais une habitude quand il s’agit de la Grèce, quel que soit le sujet. Bruxelles n’a rien à dire sur les conditions d’accueil et les traitements réservés aux réfugié·es qui arrivent sur les côtes grecques. Pas plus qu’elle ne semble se soucier des pratiques d’espionnage contre des député·es et des eurodéputé·es d’opposition réalisées par les services de sécurité intérieure. Le même silence entoure toutes les mesures adoptées par ce gouvernement très à droite qui porte atteinte à la liberté des universités, à la liberté d’expression et des médias. La Grèce figure maintenant en queue de peloton des pays démocratiques en matière de liberté de la presse.

    Cet effondrement démocratique, qui a accompagné le choc d’austérité, semble laisser indifférente l’Europe. Officiellement, la Grèce fait toujours partie de la zone euro : l’intégrité de l’Union et de sa monnaie a été maintenue. Mais hormis la monnaie, c’est comme si Athènes était sortie.

    Martine Orange

    https://www.mediapart.fr/journal/international/200822/grece-l-europe-arrete-la-surveillance-d-un-pays-toujours-en-crise

    #dette #zone_euro
    #austérité #Europe #économie

    • Le sociologue Rudolf el Kareh, spécialiste du #Moyen-Orient et fin connaisseur des rouages de l’État libanais, a répondu à nos questions.

      Ce carburant iranien va-t-il contribuer à régler la pénurie ?

      Le fuel et l’essence acheminés par camions de #Syrie au #Liban seront distribués dans tous le pays. D’abord sous la forme de donations, en priorité pour alimenter les générateurs des hôpitaux, maisons de repos, orphelinats et municipalités. Ensuite, ces carburants seront distribués au maximum au prix coûtant dans les chaînes de stations-service. L’objectif n’est pas de faire du bénéfice mais de favoriser le retour à la normale du quotidien de la population et de remettre en marche les circuits de distribution et d’importation.

      Comment est-on arrivé à cette crise ?

      La crise est due à des facteurs internes : c’est le résultat de trente années de « #haririsme », d’#endettement, d’#enrichissement_illicite et de #corruption. On a découvert que des spéculateurs avaient anticipé la situation depuis plus d’un an et demi et organisé des pénuries à grande échelle. Et ce n’est pas dû uniquement à des profiteurs de crise. Il y a aussi des facteurs externes venus se greffer sur la situation et les problèmes structurels internes : sous l’ère Trump, il y a eu dès 2019 une stratégie du secrétaire d’État Mike Pompeo pour faire pression sur l’État libanais et obtenir des concessions politiques. L’objectif était de mettre le #Hezbollah et tous ses alliés hors-jeu. Cette stratégie, gérée par l’ambassade des #États-Unis au Liban, consistait en résumé à entretenir les pénuries de produits de première nécessité, de carburant, de médicaments. Sans compter les manipulations financières qui ont eu pour effet de paupériser la majeure partie du peuple libanais. Ce plan a été repris par l’administration Biden, en particulier ceux qui gravitent autour du nouveau secrétaire d’État Antony Blinken, puisqu’in fine le but est de protéger les intérêts d’#Israël. La stratégie est de parvenir à affaiblir et désarmer l’axe de la résistance.

      Y a-t-il, selon vous, une intention de déstabiliser le Liban ?

      Oui. Il s’agit d’une stratégie de la tension qui a pour but de tenter de déstabiliser l’État et de provoquer un blocage du fonctionnement des institutions. Il n’est pas du tout étonnant que, dans cette atmosphère-là, certains camps politiques comme d’anciennes milices transformées en partis politiques, l’ex-Courant du 14-Mars ainsi que Saad Hariri aient affirmé que la solution passait par la démission du Président de la République et celle du Parlement. Ce qui aurait signié la paralysie totale des institutions.
      Cela me rappelle le plan mis en place par Henry Kissinger au Chili avant le coup d’état de Pinochet. Washington y a délibérément organisé une énorme pénurie pour créer un climat de tension. Dans un pays montagneux comme le Chili où la grande majorité des transports se fait par trafic routier, une grève des camionneurs a été financée. Elle a duré plusieurs mois, ce qui a complètement désorganisé la vie quotidienne. Les campagnes médiatiques ont fait le reste en faisant assumer la responsabilité de la situation à Salvador Allende. Pinochet n’avait plus qu’à cueillir le pouvoir.

      Sous quelle forme cette stratégie s’est-elle manifestée ?

      Il y a d’abord eu des mécanismes mis en œuvre par le gouverneur de la Banque centrale du Liban, lequel est d’ailleurs poursuivi en justice au Liban, en France et en Suisse, et qui a permis une évasion massive de capitaux doublée de l’enrichissement illicite de quelques-uns au détriment de l’écrasante majorité des déposants. Ce personnage continue hélas de bénécier d’une protection curieuse de la part de certaines parties libanaises et de parties étrangères, dont les États-Unis. Ensuite, il y a eu la mise en place d’un système surréaliste inédit où coexistent quatre taux de change pour le dollar, qui régit toute l’économie libanaise. Le taux officiel de 1507 livres libanaises pour un dollar, le taux des banques décidé arbitrairement de 3900 livres, un autre taux pour certaines transactions qui est monté à 8500 livres et un taux au marché noir qui a atteint les 20000 livres pour un dollar. Cela a complètement brisé la stabilité financière et économique des familles libanaises qui ont vu leurs salaires et leur pouvoir d’achat dramatiquement dévalués. Parallèlement, les prix ont commencé à monter parce que de très gros spéculateurs liés à certaines forces politiques ont commencé à spéculer tous azimuts. Pénurie et instabilité financière ont été organisées pour orienter les responsabilités vers le Hezbollah et son allié le président Aoun. Et toute une machine médiatique s’est mise en route pour entretenir ces accusations.

      Comment s’est-on aperçu qu’il y avait une organisation de la pénurie ?

      Du jour au lendemain, certains produits sont devenus indisponibles. L’argument pour expliquer cette soudaine pénurie était que les aides du gouvernement se sont elochées jusqu’à être réduites à peau de chagrin. Dès lors les prix ont commencé à grimper. En réalité, c’est le gouverneur qui a décidé de ces baisses, sans aucun garde-fou ni aucune légitimité. Cet été, des ministres (du gouvernement sortant), ceux de l’Énergie et de la Santé surtout, ont eu du courage d’initier des perquisitions. Et on a commencé à découvrir des millions de litres de carburant, des centaines de tonnes de médicaments, stockés dans des lieux clandestins. Il est alors apparu que des gens n’avaient pas pu stocker autant de marchandises en quelques semaines mais que cela avait été anticipé. Cette pénurie interne, entretenue par la stratégie de Pompeo, a consisté à provoquer un état de tension où l’on ne voyait plus les causes de la situation mais uniquement ses effets. A savoir les les aux stations service, les rationnement d’électricité parce qu’il n’y avait plus de fuel ou de gaz pour faire tourner les centrales électriques, les générateurs dans les hôpitaux...

      Quels éléments expliquent qu’il y a bien une stratégie américaine ?

      Face à cette situation dramatique, le camp opposé à la politique américaine initiée par Pompeo a réagi. Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a notamment annoncé le mois dernier que l’Iran avait accepté, à sa demande, de livrer des carburants au Liban. Le jour même, l’ambassadrice américaine, Dorothy Shea, s’est précipitée auprès du président Aoun pour lui conrmer que les États-Unis allaient faciliter l’approvisionnement du Liban en oul, gaz et électricité grâce au concours de l’Égypte et de la Jordanie, via la Syrie. Proposer de briser le blocus de la Syrie, que Washington a décrété par le biais de la loi César, est pour le moins étrange et résonne comme un aveu que Washington est bien impliqué dans la pénurie.

      Le gouvernement libanais dit ne pas avoir été saisi d’une demande d’importation de carburant iranien...

      Faux. Pour ne pas mettre l’État libanais en porte-à-faux, le Hezbollah a demandé que le tanker accoste à Banyas, en Syrie. Tout se fait de manière transparente. Il faut noter que Nasrallah avait déclaré qu’à partir du moment où le tanker quitterait les eaux territoriales iraniennes, il deviendrait territoire national libanais et qu’il naviguerait au vu et au su de tous, à destination du Liban. Le message implicite était que si une partie quelconque s’avisait de s’en prendre au navire cela constituerait une agression contre le Liban. Le message clair était délivré aux Israéliens : la moindre action commise contre le navire, désignerait immédiatement les responsabilités.

      Cet acheminement ne fait-il pas prendre des risques au Liban pour non- respect des sanctions pétrolières contre l’Iran ?

      C’est exactement le contraire. Ce premier bateau ne se résume pas à une affaire de carburant, il constitue une action de riposte politique face à une autre action politique. Disons qu’il s’agit symboliquement d’un navire à dimension politique et stratégique. Il a permis à la fois de révéler les dessous de la situation, la structure des complicités, de briser le blocus contre le Liban, de briser le blocus contre la Syrie, ainsi que celui contre l’Iran. Ce n’est pas rien. On ne reviendra pas en arrière. Nous entrons dans une nouvelle phase au Moyen-Orient.

      #Iran #Riad_salemeh

  • “Des ateliers cuisine pour éduquer les pauvres ? Stop, la coupe est pleine”
    Pour Christine Mahy, secrétaire générale du RWLP, vouloir "éduquer" les pauvres pour les aider à sortir de la précarité est d’une violence institutionnalisée extrême.

    https://tchak.be/index.php/2021/04/07/ateliers-cuisine-pauvres-precarite-alimentation-qualite

    S’il y a une violence ultime qui peut être infligée aux personnes, aux ménages, qui vivent dans le trop peu de tout, c’est de les considérer d’abord comme des #incompétents à éduquer avant de leur garantir la sortie de la pauvreté par l’accès aux droits.

    Dans ce type d’approche, la gestion de la pauvreté bénéficie d’un boulevard pour une multitude d’initiatives publiques, privées et associatives, qui cherchent à convaincre qu’il est toujours possible de faire plus avec moins par l’éducation. Une éducation qui permettrait de combler le revenu qui s’écrase, le #mal-logement qui mange le budget, le stress qui épuise, la monoparentalité brutalisée, l’#endettement impossible à éviter, le report de soins par manque de moyens, le temps consacré à la débrouille de survie, la course à la justification pour arracher ou ne pas perdre du droit !
     Quand, à l’économie que l’éducation pourrait soi-disant générer dans le portefeuille, les mêmes acteurs ajoutent les arguments de la prévention santé :
     « Ils sont obèses ou malades parce qu’ils mangent mal… » ; 
    celui du frein à l’évolution vers une autre économie en faveur du climat « Ils vont tous dans les grandes chaînes bon marché… »  ; 
    celui de la méritocratie individuelle  « Ils ne font pas d’efforts pour sortir de leurs conditions… d’autres l’ont bien fait… ».  
    Et, cerise sur le gâteau « Bien manger ne coûte pas plus cher car la quantité de mauvaise qualité bon marché est comblée par une disette de bonne qualité qui rassasie davantage… » … Eh bien tous les ingrédients de la recette de l’abandon de la lutte majeure contre la réduction des inégalités et les injustices sociales sont réunis !

    Ils sont cernés… les pauvres ! 
    Pour les plus de 25 % de ménages en Wallonie qui tirent le diable par la queue, et dramatiquement bien plus encore à Bruxelles, qu’ils vivent avec des revenus sous le seuil de pauvreté ou juste au-dessus, qu’ils travaillent ou pas, la coupe est pleine… pleine de rage ! 

    Quand ce n’est pas le CPAS qui propose, lorsqu’il n’impose pas, la fréquentation d’ateliers cuisine, c’est parfois l’associatif qui perd la boussole en versant dans l’éducation des pauvres au bien-manger ; quand ce n’est pas une grande chaîne de magasin qui propose publicitairement des recettes dites « à prix écrasés » avec leurs produits industriels et la collaboration de certains CPAS, c’est la fierté des porteurs de l’aide alimentaire de mettre parfois des produits frais de qualité dans les colis qu’il s’agit d’apprécier. 

    Quand ce n’est pas le jugement de valeur qui fait mal pour longtemps lorsque l’école pointe du doigt ce que l’enfant n’a ou n’a pas dans sa boîte à tartines, c’est le dépliant de luxe en papier glacé d’un acteur de la santé qui laisse penser que ce n’est pourtant pas si difficile ; quand ce ne sont pas les multiples émissions télés et radios qui magnifient le bien-manger, le plus souvent de luxe, comme une évidence et la concurrence comme une stimulation saine, c’est la publicité du marché du terroir au plan local comme le lieu vertueux à fréquenter !

    Impossible que leur échappe le fait qu’ils sont piégés dans la malbouffe, qu’ils sont le portefeuille et le marché de la #malbouffe, qu’ils sont la poubelle des #invendus et des riches, qu’ils sont nourris par l’#aide_alimentaire cache-sexe de l’illégitime et violente #pauvreté_institutionnalisée. Et, finalement, qu’ils sont sans doute incompétents tant en gestion budgétaire qu’en choix alimentaire, qu’en capacité culinaire, et qu’ils sont donc à éduquer quand ce n’est pas à rééduquer.

    La nourriture, variable d’ajustement

    Et pourtant ils savent… que pour eux la nourriture est une des variables d’ajustement du ménage pauvre. Les propos suivants sont légion : 
    • « Je paye l’indispensable et puis on fera comme on peut pour se nourrir avec le reste…
    • On ira au colis ce mois-ci, on ira au resto du cœur, je passerai à l’épicerie sociale…
    • Faut que je garde pour le train pour aller au colis sinon on ne finira pas la fin du mois…
    • Ce mois-ci il y avait des gâteries pour les enfants dans le colis, ouf pour les collations de l’école même si c’est pas celles que l’école demande…
    • T’as vu les prix dans les magasins, même au moins cher…
    • Je connais les prix au centime près, va demander ça à un riche…
    • Ceux qui avaient les moyens se sont rués sur la pub, ils ont tout emporté…
    • J’aimerais bien lui acheter des bonnes chaussures, impossible de sortir l’argent en une fois, il faut être riche pour être pauvre… » [1].

    Et pourtant ces mamans savent… comment inventer, solutionner, contourner, donner l’illusion :  « Je servais le repas à mes filles et moi à table. Je trouvais une excuse pour ne pas manger en même temps qu’elles de façon à remettre ma part dans la casserole une fois qu’elles avaient quitté la table pour allonger le repas du lendemain ».

    Ou encore : « J’ai vite compris que je ne devais plus prendre mes enfants avec moi pour faire les courses quand je me suis rendu compte que je devais leur dire non à tout, même à des trucs de base qu’il aurait été normal d’acheter ». 

    Et aussi :  « Ils sont ados, ils ont faim tout le temps. Maintenant je cache parce que quand ils me vident le frigo en se relevant le soir ou quand je ne suis pas là, je ne sais pas aller racheter dans le mois ».

    Et encore :  « Je le sais bien que c’est mieux de manger de la soupe et des légumes, mais je vous jure qu’un hachis parmentier avec une grosse sauce et beaucoup de pommes de terre, ça les calle pour la journée ».

    Et toujours :  « Les restes, les colis, oui ça aide… mais à un moment donné t’en peux plus de devoir faire avec ce qu’il y a. Et tu dois souvent aller chercher à plusieurs endroits pour arriver à composer des repas complets… c’est dur d’aller demander partout ».

    Et aussi :  « Les collations à l’école, ça doit être des fruits, des produits laitiers, ou des choses sans emballage… Mais les fruits à la maison, c’est parfois quand le budget va un peu mieux ; les produits laitiers, ça, ça va encore parce que dans les colis alimentaires, tu reçois souvent beaucoup de yoghourt, t’a intérêt à aimer ; les collations sans emballage, ben ça c’est la m… parce que le bon marché sans emballage tu peux courir… et l’emballage de toute façon tu l’as à la maison ! » ; 

    Et encore :  « T’as déjà essayé de faire bien à manger avec deux taques électriques et un compteur à budget ? Ben moi, ce que je fais, je me prive la semaine pour garder de quoi recharger ma carte le week-end quand j’ai les enfants pour arriver à leur faire mieux à manger… » 

    Et toujours :  « J’en ai marre qu’on me dise que je vais m’en sortir parce que je ferai un légume avec le blanc de poireau et de la soupe avec le vert… Ils pensent qu’on est con ? S’ils croient que c’est avec ça que j’arriverai à boucler la fin du mois, ils se foutent de notre g… »

    Et aussi :  « Je n’allais plus au marché près de chez moi le dimanche. L’odeur des poulets rôtis me donnait une envie folle et j’étais incapable de me faire ce plaisir. Maintenant que mes revenus ont augmenté, de temps en temps, je me fais ce plaisir… Et encore, il y a ceux de qualité et les autres… »

    Et enfin ; « Quand le potager communautaire donne bien, on a des légumes régulièrement et gratuits… Mais bon, il faudrait cela tout le temps et pour tout le monde… » ; « Qu’est-ce qu’elles pensent les assistantes sociales ? Qu’on ne sait pas ce qui est bon… » [2]

    Une violence institutionnalisée extrême

    Et pourtant, ils ont su, ils ont oublié, ils ont voulu oublier ! La perte de mémoire des savoirs est parfois devenue le meilleur moyen de tenir et de continuer à sauver sa peau !  Car oui la pauvreté durable abîme, fait perdre des forces, des moyens et des compétences. Lorsqu’il s’agit de concentrer son énergie et sa créativité pour la survie du #quotidien tout le temps, la broyeuse impitoyable des potentiels est en route ! 

    Oui la pauvreté durable peut conduire à un estompement de la norme qualitative en toute matière… car comment vivre dans le regret de l’impossible ! Le refuge dans la satisfaction de ce qu’est le quotidien répétitif, de semaine en semaine, de mois en mois, d’année en année, même dans le trop peu de tout, est devenu vital ! 

    Et puis l’habitude, l’habituation sournoise, et les pratiques de débrouille s’installent, parce que c’est vital… la spirale de l’appauvrissement de toutes les ressources est en route ! Laisser une partie de la population dans cette #pauvreté_durable, et en organiser la gestion en y ajoutant la couche éducative, plutôt que de s’attaquer aux #inégalités qui en sont la source, est d’une #violence_institutionnalisée extrême. 

    Alors, la moindre des choses, écoutons-les, et agissons à partir d’eux et avec eux !  Car les savoirs se réveillent s’ils sont respectés, les compétences s’acquièrent si elles sont en phase avec les choix et les temporalités des personnes, le droit à l’aisance se conquière pour toutes et tous si collectivement nous nous fédérons avec les abandonnés dans la pauvreté durable. 

    Parmi les acteurs investis dans le combat pour une alimentation saine et durable, en faveur du climat, de l’environnement et de la biodiversité, certains s’inscrivent aujourd’hui dans cette dynamique-là. Alors ils n’éduquent pas, ils font de l’éducation permanente, de l’éducation populaire, de la politique avec la population pour construire un rapport de force qui rende la gestion de la pauvreté tout aussi illégitime que l’est la pauvreté. C’est donc possible, certains étant déjà en train de le faire. 

    En sus d’un investissement permanent de terrain, les témoins du vécu/militant.e.s et le RWLP se proposent d’amplifier à travers une rubrique permanente dans Tchak ! ce mouvement, qui doit devenir viral. Rendez-vous au prochain numéro.

    [1] Extraits de témoignages de témoins du vécu/militant.e.s au sein du RWLP.
    [2] Ibidem.

    #éducation #ré_éducation #pauvreté #femmes #pauvres #hypocrisie #Bien_pensanse

  • #BCE, #Sommet_UE-Russie et #Endettement : Dernières nouvelles de Bruxelles – par #Eric_Juillot
    https://www.les-crises.fr/bce-sommet-ue-russie-et-endettement-dernieres-nouvelles-de-bruxelles-par-

    La #Suisse dit adieu à l’UE C’est officiel : les autorités suisses ont soudain mis un terme, le 26 mai dernier, aux négociations engagées 7 ans plus tôt pour renforcer les liens économiques entre leur pays et l’UE. « Les conditions nécessaires à la conclusion de l’accord ne sont pas réunies » a fait sèchement savoir le […]

    #l'Europe #Allemagne #Brexit #Plan_de_relance #Procès #l'Europe,_Allemagne,_BCE,_Brexit,_Endettement,_Eric_Juillot,_Plan_de_relance,_Procès,_Sommet_UE-Russie,_Suisse

  • Bill Gates, un capitalisme philanthropique ? Entretien avec Radhika Desaï

    Bon mari ou pas ? Avant que sa vie privée soit étalée dans les médias, Bill Gates en était le héros.
    Dans ce récit médiatique, Gates, tout comme George Soros, reste l’exemple du « bon capitaliste » qui, fortune faite, consacre ses vieux jours à faire le bien autour de lui. Et si cette image-là était, elle aussi, complètement bidon ?
    L’analyste indienne Radhika Desaï explique en quoi sa stratégie covid et pharmaceutique en général ne fait aucun bien au tiers monde. Au contraire.

    Bill Gates semble très différent des néolibéraux traditionnels et de Trump, il apparaît comme le capitalisme à visage humain. Bien des gens sont satisfaits de voir que dans toute cette jungle, au moins Bill Gates fait un travail humanitaire essayant d’aider les gens. Est-ce réel ou encore de la cupidité ?

    Je pense que c’est de la cupidité sous couvert d’aider les gens. Vous savez, les profits ont toujours été réalisés au nom d’un plus grand bien. Dans une économie complètement néolibérale classique, vous avez un système capitaliste où les entreprises se font concurrence, mais le résultat final est, nous dit-on, le bien-être de la société. Parce que les consommateurs obtiennent ce qu’ils veulent et au prix le plus bas, etc. Dans un certain sens, l’intérêt général a toujours été la justification, en arrière-plan, du capitalisme.

    Cependant, c’est différent maintenant. Par le passé, dans la phase de libre concurrence du capitalisme classique au XIXe siècle, vers 1850, les capitalistes et l’État étaient censés être séparés. Ensuite, on a vu la taille des entreprises capitalistes augmenter et leur collaboration devenir de plus en plus étroite avec l’État. Ce que nous voyons maintenant, c’est, sans le dire ouvertement, l’exploitation ouverte de l’État à des fins de profits. Je pense qu’il en existe de nombreux modèles. Mais l’élément essentiel est que ces entreprises – sociétés pharmaceutiques ou liées à la santé ou aux services publics – prétendent travailler pour le bien-être général. Ici, s’agissant de nouveaux médicaments et de vaccins, le client final devient l’État et la chose est justifiée en disant que les gens en ont besoin, mais qu’ils n’ont pas les moyens de les acheter. Donc l’État doit les payer à leur place.
     
    Cependant, les gens les paient quand même ?
    Bien entendu, les gens les paient, car l’État les taxe ensuite afin de payer des prix excessivement élevés à ces grandes sociétés monopolistiques.
     
    Vous nous dites que l’activité actuelle de Bill Gates est le résultat d’un nouveau problème dans le système capitaliste ? Les gens n’ayant plus les moyens d’acheter il faut donc trouver de nouveaux clients ?
    Exactement. Si vous y réfléchissez, en remontant aux années 1970, le modèle d’État-providence de l’après-guerre est arrivé lorsque le capitalisme était en crise. Fondamentalement, le système productif avait atteint sa capacité maximum, mais la demande ne suivait pas, ne pouvait augmenter et il y eut une stagnation économique. Vous aviez alors deux façons d’en sortir. La solution du moindre effort aurait été d’exploiter le budget de l’État pour augmenter la demande, et répondre aux besoins non satisfaits des pays en développement. Vous auriez pu utiliser un moyen progressiste en augmentant la demande dans les pays développés, cela aurait résolu le problème et l’investissement productif. Mais cette voie n’a pas été prise.

    La voie qui a été empruntée fut le néolibéralisme. Vous désengagez l’État, vous coupez les dépenses sociales, vous ne visez plus le plein emploi, mais plutôt une faible inflation. Ceci a structurellement exacerbé le un problème sous-jacent qui persiste depuis cinquante ans : la surcapacité de production et la difficulté à vendre.

    Il y avait donc différentes façons de surmonter ce problème, mais le capitalisme a gagné du temps. D’abord en créant un endettement public, puis en créant de la dette privée. Maintenant que ces deux modèles sont un peu épuisés, où aller ? Eh bien, vous exploitez la fiscalité de l’État !
     
    Bill Gates serait une solution pour répondre à la crise ?
    Absolument. Pensez à cet « Événement 201 ». Le 18 octobre 2019, la Fondation Gates, l’école de santé publique Johns Hopkins Bloomberg et le Forum économique mondial ont organisé conjointement un événement à New York : une simulation d’épidémie de coronavirus. On a invité des personnes très influentes : ministres, anciens ministres, hauts fonctionnaires, grands PDG, organisations philanthropiques et l’armée. Ces divers intervenants ont réfléchi à la solution que pouvait adopter la communauté internationale pour réagir face à une telle crise. Évidemment, vous et moi savons que chaque fois que quelqu’un utilise le terme « communauté internationale », il représente les principales nations libérales de l’Occident, et tous ceux qui sont d’accord avec elles.

    Le scénario qu’ils avaient imaginé est très révélateur… L’économie mondiale est au plus bas et ruinée, la santé des gens est menacée, la pandémie a fait soixante-cinq millions de morts dans le monde, beaucoup de choses ne vont pas ici et là, les entreprises privées doivent se redresser en collaboration avec l’État. Mais pour eux, rien ne va vraiment très mal, ils n’ont pas conscience du type de fracture qui vient de se produire. De toute façon, leur idée dans ce scénario hypothétique est que l’État doit collaborer avec les entreprises privées pour fournir des solutions. Autrement dit, ce genre de catastrophes deviendra désormais la bonne raison permettant au secteur privé de fournir à l’État les biens dont le peuple et la société ont besoin et d’en tirer des bénéfices. Parce que le problème de la demande insuffisante reste très important. La vraie question est donc comment créer de la demande. Eh bien, une façon simple de créer de la demande sera tout simplement de vendre à l’État qui ensuite taxera les gens. Vous savez que dans l’économie néoclassique, on nous dit que nos besoins sont satisfaits en exerçant notre choix, eh bien, maintenant, dans cette période de pandémie nous n’aurons plus le choix !
     
    Dès que vous parlez de Bill Gates sur Internet, ce que j’ai fait à plusieurs reprises dans mes émissions Michel Midi, eh bien, dans les dix secondes, quelqu’un lance : « Bill Gates utilise les vaccins pour éliminer une partie des pauvres ». Pensez-vous que cette théorie du complot se trompe de débat ?
    Oui. Je n’ai aucun doute que Bill Gates est probablement assez malthusien, comme, je pense, la plupart des riches. Historiquement le meilleur moyen de blâmer les pauvres pour leur misère des pauvres, a toujours été de dire qu’ils sont trop nombreux, n’est-ce pas ? Si vous voyez ne serait-ce qu’un pauvre dans un contexte de riches, il est de trop, il ne devrait même pas être présent. Cela a toujours été ainsi et je ne doute pas que Bill Gates est un malthusien tranquille, qui pense que le monde irait mieux avec seulement la moitié de sa population.

    Quoi qu’il en soit, je ne pense pas qu’il se soucie vraiment du bien-être du monde, que ce soit avec plus ou avec moins de population. Ce qui lui importe, c’est comment créer plus de possibilités de profit. Tous les écrits sur Bill Gates et son organisation, basés sur des recherches sérieuses, le confirment : Bill Gates n’est plus un homme d’affaires, il tente aujourd’hui de résoudre le problème de la demande pour les grandes entreprises. Sa Bill and Melinda Gates Foundation et d’autres semblables réunissent PDG et gouvernements, ils concluent des accords entre eux et c’est ainsi que les entreprises vont survivre.

    Marx et Engels avaient estimé que la montée du capitalisme industriel éliminerait les effets du passé féodal comme le propriétaire foncier et le prêt d’argent, ainsi ces formes d’intérêts rentiers seraient supprimés une fois pour toutes. En réalité l’intérêt rentier renaît sous une forme beaucoup plus large et puissante, l’intérêt des rentiers est maintenant devenu le grand levier sous lequel nous vivons. Il prive notre économie productive de tout son pouvoir, il l’utilise simplement, vous savez, comme un parasite installé sur son hôte. Et dans ce scénario, bien sûr, le parasite tue l’hôte.
     
    Mon ami Johan Hoebeke m’explique que chaque fois que Bill Gates donne de l’argent, il prépare en fait de futurs investissements…
    Exactement. Comme Ronald Reagan aimait à le dire : « Un déjeuner gratuit, ça n’existe pas ». Vous pensez qu’il vous donne quelque chose pour rien, mais en fait cela prépare le profit futur. Il est remarquable de voir à quel point l’ancienne règle de droit selon laquelle les transactions devraient être exemptes de conflits d’intérêts a tout à fait disparu. Aujourd’hui, ils font ces études où ils classent les pays, en particulier ceux du tiers monde, en fonction de leur corruption. Mais la seule différence entre un pays du tiers monde et un pays comme les États-Unis ou le Canada est qu’ici la corruption est ouvertement légale. Il est parfaitement légal pour Bill Gates de rencontrer Trudeau ou Trump ou Boris Johnson, et de conclure un accord avec eux. C’est de la pure corruption, mais tout le monde l’accepte. L’organisation Transparency International ne considère pas le Royaume-Uni comme un des pays les plus corrompus du monde, c’est pourtant la réalité que nous vivons.
     
    Examinons l’activité concrète de Bill Gates, il dit qu’il fait de l’humanitaire contre la faim dans le monde, il est dans la finance et dans les entreprises pharmaceutiques, les vaccins, dans la santé en général…
    Le modèle que Bill Gates voudrait imposer à tous les pays, c’est essentiellement la médecine intensive en capital : tous les dollars doivent être disponibles pour les firmes des soins de santé : que ce soit dans un système public ou privé, ça n’a pas d’importance.
     
    C’est un grand marché !
    Les dollars disponibles pour les soins de santé devraient aller à l’achat de ces médicaments très chers et à ce matériel médical sophistiqué : donc aux intérêts privés. Le but n’est pas de produire une meilleure santé, mais de créer un marché pour les produits de ces entreprises. Qu’elles construisent des hôpitaux, dirigent des hôpitaux, fournissent des hôpitaux, cela n’a pas d’importance.
     
    Cet énorme nouveau marché, c’est une grande partie du budget des États…
    Exactement. Sous couvert de l’argument du bien-être. Par exemple, nous le savons tous, les États-Unis ont un système de santé privé. Vous devez acheter les soins de santé dont vous avez besoin, mais par le biais d’une compagnie d’assurance qui fait ensuite plus d’argent sur vous, c’est son business… Les États-Unis sont ceux qui dépensent le plus de capital pour sur la santé et ils sont parmi ceux qui ont les pires résultats et des résultats très moyens pour le segment inférieur de la population. Aux USA, vous trouvez souvent des conditions de santé du tiers monde. Des pays pauvres comme Cuba et le Vietnam ont de meilleurs résultats pour la santé.

    Donc, l’accent mis sur la médecine intensive de capital, la médecine lucrative, signifie que les résultats pour la santé sont mauvais. Je veux dire qu’un système de santé publique est vraiment nécessaire. Tout au long de la période néolibérale, nous avons réduit le personnel formé et embauché de plus en plus de personnel non formé. Cela signifie que nous n’avons pas les ressources humaines vraiment nécessaires pour produire de bons soins de santé, car ce n’est pas le modèle proposé par Bill Gates.

    Prenez la pandémie actuelle, voyez la très forte différence avec les pays qui ont bien réagi : la Chine, Cuba, le Vietnam, l’État indien du Kerala, etc. Ils ont investi dans une véritable épidémiologie à grande échelle : dès que vous apprenez qu’il y a un cas, alors un important personnel formé se rend sur place, va tracer ses contacts, les isoler et aussi soutenir ces gens ! Parce que si vous vous contentez d’enfermer quelqu’un, alors il va essayer de trouver une issue. Mais si vous dites : « Regardez, nous avons besoin que vous soyez loin de votre famille, de votre travail pour un nombre x de jours, mais nous vous traiterons et nous veillerons à ce que votre famille ne souffre pas des conséquences économiques de votre absence », alors, les gens le feront volontiers, n’est-ce pas ?
     
    Vous voulez dire que la clé est une médecine sociale ?
    Exactement. Une véritable épidémiologie à grande échelle, ça commence par des équipes qui doivent se déplacer, parfois à pied, pour trouver ces personnes. Aujourd’hui, nous n’avons absolument pas la médecine à forte intensité de travail social dont nous avons besoin. À la place, nous avons cette médecine intensive capitaliste antisociale.
     
    Bill Gates affirme aussi lutter contre la faim…
    Les organismes génétiquement modifiés (OGM) et toutes ces autres cultures à forte intensité de capital dont Bill Gates et d’autres font la promotion partout dans le monde, cela mène en fait, dans des pays comme l’Inde, à des suicides d’agriculteurs. Parce que les agriculteurs sont incités à adopter ces techniques, ils en deviennent dépendants, elles sont très chères. Mais vous savez que les prix des matières premières fluctuent beaucoup et que les agriculteurs s’endettent. Et, contrairement aux gens qui nous ont fait plonger durant la crise financière de 2008, ces pauvres agriculteurs, eux, assument la responsabilité personnelle de pour leurs dettes qui très souvent causent leur suicide. Et puis, avec ces horribles produits chimiques, en les ingérant, c’est souvent ainsi qu’ils meurent. Donc, ce type d’agriculture que Bill Gates promeut n’arrête pas la faim, il va l’augmenter, car il supprime nos cultivateurs.
     
    Bill Gates est aussi intervenu dans la finance avec le « micro-crédit »…
    La finance, c’est très intéressant. Au début des années 2000, Muhammad Yunus est devenu très célèbre avec ces microprêts, ce microcrédit… Ce qu’ils ont appelé « inclusion financière » est vraiment un moyen de ramener principalement les plus pauvres des pauvres et leurs maigres revenus dans le filet de la dette. Là où les grands capitalistes peuvent profiter de ces maigres revenus pour réaliser un profit. Car, en leur accordant un petit prêt, ils font un profit. Il n’y a pas eu d’inclusion financière. Cela a permis à Bill Gates de promouvoir cette grande catastrophe de démonétisation…
     
    En novembre 2016, le Premier ministre Modi est passé à la télévision en déclarant que tous les billets, sauf les plus petites coupures, étaient « démonétisés » avec seulement quatre heures de préavis. On ne pouvait plus payer avec eux, il fallait les apporter à la banque. Cela a conduit à des jours de chaos dans un pays où la moitié de la population n’a même pas de compte bancaire et où 90 % des paiements sont effectués en espèces.
    Ce sont en fait des moyens de piéger les agriculteurs à bas revenus pour les mettre dans le filet des grandes institutions financières.
     
    La montée de ce nouveau type de capitalisme, est-ce un signe que les temps sont très difficiles pour les néolibéraux traditionnels ?
    Je pense que oui, en fait. Vous avez mentionné les théories du complot, j’ai des amis enclins à croire certaines d’entre elles, je ne doute pas que leurs raisons soient très correctes, en tout cas, ils pensent que cette réaction à la pandémie est excessive, que c’est juste une excuse pour que l’État augmente son contrôle et sa surveillance sur nous tous. Et là, je ne doute pas que les États du monde entier en profitent pour le faire. Là où mon avis diffère du leur, c’est que les forces du grand capital, les politiciens qui sont dans leurs poches et l’État feront tout pour promouvoir les résultats qui leur sont favorables. Pour promouvoir ce modèle que j’appelle le capitalisme pseudo-philanthropique ou le néolibéralisme.
     
    Y parviendront-ils ?
    C’est loin d’être garanti. Parce que les choses se sont vraiment dégradées partout. Dans cette pandémie, personne n’écrit ce scénario. Les États-Unis sont aujourd’hui devenus ingouvernables en partie à cause de la nature de la réponse à la pandémie.
     
    Pourquoi les économies néolibérales se sont-elles écroulées de cette façon en devant fermer leurs entreprises ?
    La raison est très simple : au cours des quarante dernières années, la capacité de leur système de santé publique à faire face à tout cela a été complètement mise de côté en faveur d’une médecine intensive en capital. Et aussi parce que la capacité de l’État a disparu. Lorsque la Chine a été confrontée à la pandémie, son État avait suffisamment de capacité pour mobiliser : confinement de Wuhan, confinement du Hubei, création d’infrastructures comme les hôpitaux supplémentaires. Traitement du problème de manière décisive et rapide.
     
    En Occident, nous n’avons pas cela. Et nous avons un autre problème, constaté avec l’élection de Trump et de Johnson. Madame Merkel s’en est bien sortie, mais auparavant, comme vous le savez, elle avait également perdu une partie de sa légitimité politique avec une crise gouvernementale. Mais face au virus, l’Allemagne a connu une meilleure situation, car elle a conservé une grande partie de sa capacité à faire une médecine publique… Presque toutes les autres sociétés occidentales ont dû subir cette déchéance, car elles n’avaient pas la capacité de faire autrement. Alors elles ont dû utiliser un gros marteau au lieu d’un très fin scalpel. Quoi qu’il en soit, ce scénario n’est sous le contrôle de personne, car le capitalisme néolibéral est en crise. Alors les gens diront : « Nous aurons une autre forme de capitalisme », mais je dis, non, le capitalisme néolibéral est la seule forme de capitalisme possible en ce moment. Tout le reste sera le début d’un « non-capitalisme ». Du socialisme, j’espère ! Bien que vous pourriez avoir d’autres formes…
     
    En fait, tout le monde est maintenant socialiste en Europe ! Tout le monde dit : « Vive l’État, la fonction publique, les travailleurs ! »
    Oui. Mais ces voix qui semblent très socialistes se divisent en deux. La plus grande partie se lancera dans un capitalisme pseudo-philanthropique. Donc en collaboration avec les grandes sociétés privées. En fin de compte, nous le paierons, pour des produits de valeur douteuse et les énormes profits que les capitalistes en tireront.

    Seul un très petit nombre parlera autrement. Nous devons avoir des instruments politiques populaires au pouvoir, qui réalisent ce que le capitalisme n’est plus capable de faire. Premièrement, sauver la société de la pandémie. Deuxièmement, mettre en place une société différente. Tout le monde sait que l’ancien modèle n’est plus légitime. La pandémie l’a montré, tout le monde le sait : nous ne pouvons pas revenir à ce vieux capitalisme néolibéral, car c’est l’inégalité, le racisme, le sexisme, il n’a pas généré de bons emplois du tout, il a généré des emplois de merde pour les personnes marginalisées, etc.

    Il est clair aujourd’hui que le néolibéralisme sape le système de santé. Dans ce contexte, le capitalisme doit être pseudo-philanthropique : « Nous allons résoudre tous ces problèmes, nous allons vous donner une nouvelle forme de capitalisme ». Mais en réalité, ce sera juste une nouvelle forme de néolibéralisme : une forme de capitalisme avec un équilibre politique entre les mains du capital des entreprises privées. Lesquelles vont utiliser tous les moyens possibles – principalement ceux de l’État – pour augmenter leurs bénéfices. C’est là que le capital veut nous emmener…
     
    Et pour s’y opposer ?
    La seule façon de s’y opposer réside dans les forces politiques. Elles peuvent être initialement petites, mais je pense qu’elles peuvent aussi grandir très rapidement. Des forces politiques qui comprennent qu’il ne faut pas perpétuer les anciennes conditions. Vous ne devez pas abandonner le pouvoir aux grandes sociétés. Comprenez que ces sociétés sont si grandes et si lucratives qu’elles ont conquis des secteurs de la société qui sont des monopoles naturels. Si vous fournissez de l’électricité, de l’eau, des services de santé, des transports, si vous exploitez des ressources naturelles, ce sont tous des monopoles naturels : ne doivent-ils pas être entre les mains du public ? Aujourd’hui, nous avons une capacité sans précédent à gérer toutes ces choses grâce à la sophistication des technologies de l’information et de la communication. En réalité, toutes ces grandes entreprises sont déjà des économies géantes planifiées.
     
    « Planifiées » ! Un gros mot, nous dit-on… Pensez-vous que la seule raison pour laquelle la majorité des gens ne veulent pas passer du capitalisme à une autre société, c’est parce que les capitalistes ont réussi à les convaincre qu’il n’y a pas d’alternative ?
    Oui. Eh bien, aujourd’hui, je ne suis plus sûr que les gens croient qu’il n’y a pas d’alternative. Au Canada par exemple, un sondage récent montre que la population penche de plus en plus vers des choses ouvertement socialistes. Y compris la propriété publique des monopoles.
     
    La Fondation Bill Gates n’est pas la première dans l’histoire du capitalisme US. Celles de Rockefeller, Ford et Carnegie ont déjà joué un rôle important dans le capitalisme ?
    Absolument. Le théoricien marxiste italien Gramsci a décrit à quel point le constructeur Henry Ford avait essayé de contrôler la vie de ses travailleurs jusqu’à leurs types de divertissements. Les capitalistes ont toujours été intéressés à façonner la société. Oui, ces fondations ont toujours joué un très grand rôle dans tous les pays. Mais aux États-Unis, c’est une très forte tradition. Dans ce soi-disant modèle philanthropique, la philanthropie devient simplement un moyen pour les entreprises capitalistes de modeler les sociétés comme ils le souhaitent. Oui, c’est une longue tradition, contrôlée aujourd’hui par des sociétés plus grandes que jamais. Leur pouvoir sur les gens est encore plus important. Les sociétés sont devenues si puissantes qu’elles dominent les gouvernements.
     
    La Fondation Bill Gates a quelque chose de plus. C’est encore un pas supplémentaire par rapport aux fondations précédentes et son rôle est beaucoup plus large.
    Oui. Son rôle est beaucoup plus important à cause de la faiblesse du capitalisme. Il ne survivra que si la Fondation Bill Gates et d’autres semblables réussissent à créer une sorte de capitalisme philanthropique. Bill Gates est plus important que les fondations des Rockefeller et des Ford. À leur époque, le capitalisme en était encore à une phase relativement expansive, il était encore productivement dynamique. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
     
    Les médias européens défendent très fortement Bill Gates, tout comme George Soros. Ils mettent en avant la fameuse théorie du complot « Bill Gates veut éliminer une partie de l’humanité ». Mais ainsi ils cachent le rôle essentiel de Bill Gates, pas du tout philanthrope. Pourquoi ce silence ?
    Quelque chose de très décisif s’est produit au cours des cent cinquante dernières années pour les classes intellectuelles et professionnelles dont les médias sont un élément très important. Ces classes ont perdu leur sens moral, leur sens politique. Il fut un temps où être intellectuel c’était être de gauche ; aujourd’hui, c’est loin d’être le cas. Tous les partis ont été repris par les classes moyennes professionnelles. Cependant, celles-ci ont déplacé les partis de droite vers la droite, mais elles n’ont pas déplacé les partis de gauche vers la gauche, mais bien également vers la droite. Les phénomènes Blair, Schröder, Bill Clinton, etc. Leurs actions suivent fondamentalement leurs intérêts économiques. Ces classes moyennes professionnelles de droite et de gauche forment maintenant un seul establishment et c’est pourquoi ce mécontentement contre tant de décennies de néolibéralisme a – jusqu’à présent en tout cas – été capitalisé par des forces différentes. Trump et Johnson sont venus d’ailleurs.

    La classe moyenne a perdu son sens critique. C’est pourquoi tous ces médias stéréotypés et mous utilisent l’expression « théorie du complot » et la lancent à quiconque pose simplement des questions. Où est passé notre droit de poser des questions ?
     
    Pour conclure, que suggérez-vous aux progressistes pour lutter contre les illusions sur Bill Gates ?
    => Le plus important est d’être en contact avec les gens ordinaires. Marx et Engels et d’autres intellectuels de la Deuxième Internationale ne se sont pas contentés de faire des déclarations incendiaires sur la classe ouvrière, non, ils ont travaillé avec la classe ouvrière. Je pense que nous devons nous reconnecter avec le mouvement des travailleurs. Y compris les plus marginalisés, car les syndicats dans la plupart des pays sont aussi devenus des organisations relativement élitistes. Nous devons donc aller au-devant des citoyens ordinaires et soutenir intellectuellement leurs mouvements. Je pense que c’est l’élément clé.

    Quand Marx et Engels écrivaient, il n’y avait en fait pas de partis au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Quand ils utilisaient le mot « parti », ils se référaient aux courants intellectuels. En tout cas, pour notre courant intellectuel, nous devons nous démarquer clairement de ces discours qui préparent le terrain au capitalisme pseudo-philanthropique. La clé, c’est de briser le fonctionnement de ces sociétés en « autorégulation » ; nous devons les remettre sous réglementation. Et surtout reparler de choses comme la propriété publique. Reparler du contrôle des capitaux, reparler de l’appropriation par l’État de tout le système financier. L’argent est une fonction d’État, il n’y a absolument pas besoin d’avoir un secteur financier privé. Ou alors il doit être si fortement réglementé qu’il devra se comporter comme un instrument public.

    Permettez-moi d’exposer une autre idée sur laquelle je vais probablement écrire. La gauche a également eu son propre néolibéralisme. Avec deux facteurs très importants.
    1. Un scepticisme total sur la planification et le contrôle de l’État.
    2. Un scepticisme complet sur les partis. Au lieu de planifier, on répand aujourd’hui l’idée que nous allons créer une sorte d’économie décentralisée de coopératives et de petits travailleurs collectifs sans planification globale. C’est justement ce que Marx critiquait dans le travail de Proudhon. Nous devons rejeter ce proudhonisme et l’idée qu’une économie moderne pourrait se passer de planification. Non, la planification est toujours nécessaire. Oui, vous pouvez la rendre démocratique, vous pouvez la décentraliser, vous pouvez faire toutes ces choses merveilleuses, mais il doit y avoir une sorte de planification globale !

    La deuxième illusion est que nous n’aurions pas besoin de partis. Non, nous devons avoir des partis. Encore une fois, ils peuvent être plus démocratiques, ils peuvent être responsables devant la base, etc. Mais sans une force politique capable de contrer tout ce dont dispose la classe capitaliste avec l’État, sans un instrument pour rompre ce lien et réorganiser massivement l’État en quelque chose de complètement différent, en serviteur du peuple, nous n’irons pas très loin.

    Voilà ce que nous devons garder à l’esprit pour sortir de ce terrible gâchis.

    Michel Collon & Radhika Desai . Professeure de politique à l’université de Manitoba au Canada. Auteure de Geopolitical Economy : After US Hegemony et de Globalization and Empire.
    Extrait du tome 2 de Planète malade de Michel Collon. Le tome 1 analyse d’autres aspects de Bill Gates.

    #bill_gates #Radhika_Desaï #capitalisme #néolibéraux #humanitaire #ONG #cupidité #libre_concurrence #exploitation #Etats #Profits #services_publics #médicaments #bien-être #État-providence #Crise #endettement_public #dette #dette_privée #Événement_201 #fondation_gates #Forum_économique_mondial
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    Source : https://www.investigaction.net/fr/bill-gates-un-capitalisme-philanthropique-entretien-avec-radhika-des

  • Schuldenbremse: Bankrotterklärung der Mainstream-Ökonomik
    https://diasp.eu/p/12791307

    Schuldenbremse: Bankrotterklärung der Mainstream-Ökonomik

    Wissenschaft, so haben wir das einst gelernt, ist der immerwährende Versuch, die Welt zu verstehen. Die große Mehrzahl der Ökonomen hat sich von diesem Konzept verabschiedet, was sich nirgendwo besser als an der Diskussion der Schuldenbremse zeigen lässt. Wenn es noch eines Beweises bedurft hätte: Der jüngste ifo-schnelldienst (ifo-schnelldienst 4/2021) hätte ihn erbracht: Das, was die große Mehrzahl der Ökonomen betreibt, hat nichts mit Wissenschaft zu tun. Der Vorgang ist leicht zu verstehen: Ein Institut, das weitgehend vom Staat finanziert wird und wissenschaftlichen Ansprüchen genügen sollte, lädt 13 Autoren zu einer Diskussion über die Schuldenbremse ein – und zwar unter dem Obertitel „Zur Diskussion gestellt“. Von Heiner Flassbeck mit (...)

    • Schuldenbremse: Bankrotterklärung der Mainstream-Ökonomik

      Von Heiner Flassbeck
      | 21. April 2021

      „Die Nachfrage der Unternehmer ist nicht eine Funktion ihres Einkommens, sondern ihr Einkommen ist eine Funktion ihrer Nachfrage“

      [...]

      Doch was wurde in Wirklichkeit zur Diskussion gestellt? Offenbar geht es bei der Schuldenbremse um die Frage, ob der Staat in einer bestimmten, uns durchaus bekannten deutschen Wirtschaft jenseits von Ausnahmesituationen wie dem Corona-Schock einen Einnahmeüberschuss (einen Überschuss der staatlichen Einnahmen über die Ausgaben erzielen soll, was wir meist „Sparen“ nennen oder Unter-den-Verhältnissen-leben), oder umgekehrt, einen Überschuss der staatlichen Ausgaben über die Einnahmen (was wir „Schulden machen“ nennen oder Über-den-Verhältnissen-leben).

      Was müsste einem Wissenschaftler in den Sinn kommen, der sich mit der Volkswirtschaft beschäftigt und zu den Schulden des Staates Stellung beziehen soll? Die Volkswirtschaft einzubeziehen, kann wohl nur bedeuten, sich mit der Frage auseinanderzusetzen, auf welche Weise die Einnahmen und die Ausgaben des Staates sowie der Saldo mit den Ausgaben und Einnahmen der anderen Sektoren der Volkswirtschaft korrespondieren – oder auch nicht. Weder die Einnahmen des Staates noch seine Ausgaben lassen die anderen Sektoren unberührt.

      Hinzu kommt, in einer Marktwirtschaft gibt es einen Sektor, der kein festes Einkommen bezieht, weil er am Ende aller Anpassungsprozesse steht und das Einkommen erhält, das übrigbleibt, wenn alle vertraglich fixierten Einkommen abgegolten worden sind. Das ist der Unternehmenssektor. Sein Einkommen, der Gewinn, ist ein Residualeinkommen. Das, was der Staat in Sachen Schulden tut, schlägt sich folglich zumindest unmittelbar in den Unternehmensgewinnen nieder. Weiß man zudem als Volkswirt, dass das Nettogeldvermögen und die Nettoschulden der Welt immer genau gleich null sind (weil niemand über seinen Verhältnissen leben kann, wenn nicht gleichzeitig ein anderer unter seinen Verhältnissen lebt) ist die Aufgabe, die sich bei der Diskussion der Schuldenbremse stellt, klar umrissen.

      Das alles aber weiß offensichtlich keiner der vom ifo-Institut eingeladenen Volkswirte einschließlich der Volkswirte aus den eigenen Reihen, die das Institut zu Wort kommen lässt. Sucht man in den gesamten Texten nach „Finanzierungssalden“ ist das Ergebnis Null, bei „Unternehmensgewinnen“ ebenso und von „Leistungsbilanzüberschüssen“ hat scheinbar noch nie jemand etwas gehört. Ist das Nachlässigkeit, ein Versehen oder hat das System? Kann es sein, dass die Volkswirte ihr eigenes Untersuchungsobjekt aufgegeben haben und als Betriebswirte oder Haushaltsexperten herumdilettieren?
      Wilhelm Lautenbach hat es schon vor fast hundert Jahren erklärt

      Die Tatsache, dass das Geldvermögen einer geschlossenen Volkswirtschaft immer Null ist, liefert den Schlüssel zu einer eindeutigen und absolut unbestreitbaren Analyse. Alle Überschüsse und alle Defizite inklusive des Gewinns der Unternehmen, auf den es nach allgemein herrschender Auffassung für die gesamte Dynamik der Volkswirtschaft und damit letztlich auch für die staatlichen Schulden ankommt, ist nur in diesem logischen Korsett angemessen zu analysieren.

      Diese Erkenntnis haben im Gefolge der Weltwirtschaftskrise mehrere Ökonomen nahezu gleichzeitig entwickelt. Einer davon war Wilhelm Lautenbach, der hoher Beamter des Reichswirtschaftsministeriums während der großen Krise von 1929/30 und danach war. Er hatte in großer Klarheit erkannt, dass die damals und heute herrschende Lehre einen entscheidenden logischen Defekt aufwies: Sie analysierte die Wirtschaft auf eine Weise, die unterstellte, dass Angebot und Nachfrage nicht nur für das einzelne Unternehmen und den einzelnen Haushalt unabhängig voneinander gegeben sind, sondern auch für die Gesamtwirtschaft. Das aber konnte nicht stimmen, folgerte Lautenbach, weil man leicht zeigen kann, dass es für den Unternehmenssektor auf keinen Fall gilt.

      Lautenbach teilte das gesamte Einkommen (E) der Volkswirtschaft in Unternehmereinkommen (EU) auf der einen Seite und Nichtunternehmereinkommen (EN) auf der anderen auf. Da das gesamte Volkseinkommen (auf der Nachfrageseite) nur aus Konsum (V) und Investition (I) bestehen kann, schrieb er:

      EU + EN = E = I + V

      Lautenbach folgerte daraus: „Da aber das Einkommen der Nichtunternehmer pari passu mit der Produktion unmittelbar gegeben ist, eben durch die Höhe der Entschädigungen, die die Unternehmen an die Nichtunternehmer zahlen, während das Unternehmereinkommen gerade unbestimmt ist, erst auf dem Markt festgestellt wird, so hat es einen Sinn, diese Gleichung nach EU aufzulösen“. Nach einigen einfachen Umformungen entsteht:

      EU = I + VU – SN

      Das bedeutet, dass das Einkommen der Unternehmer immer gleich ist dem Wert der Investition zuzüglich des Verbrauchs der Unternehmer selbst, aber abzüglich der Ersparnisse aller Nichtunternehmer, also auch der des Staates. Staatliches Sparen schlägt sich unmittelbar als Verminderung des Gewinns der Unternehmen nieder und staatliche Ausgabenüberschüsse (Schulden) vergrößern die Gewinne der Unternehmen. Wer über staatliche Schulden redet, ohne diesen Zusammenhang zugrunde zu legen, bleibt vollkommen irrelevant.

      Offensichtlich ist es so, dass jede Ausgabenkürzung, wo immer in der Volkswirtschaft sie vorgenommen wird, gleichartige negative Auswirkungen auf die Gewinne der Unternehmen hat. Ob es die privaten Haushalte sind, der Staat, die Unternehmen selbst oder die gleichen Akteure in den Ländern, die mit uns Handel treiben (das Ausland), immer führt eine Kürzung der Ausgaben einer dieser Gruppen bei gleichbleibenden Einnahmen dazu, dass die Gewinne der Unternehmen sinken.
      Die Unternehmen nutzen und schaden sich selbst

      Besonders eklatant ist das im Falle der Unternehmen. Reagieren die Unternehmen auf Ausgabekürzungen anderer Sektoren mit eigenen Ausgabekürzungen, was den Normalfall darstellen dürfte, verschlechtern sie unmittelbar die Situation aller Unternehmen weiter, weil ihre Kürzungen nichts anderes bedeuten als Einnahmeausfälle für andere Unternehmen.

      Dieses Phänomen kann man in seiner grundsätzlichen Bedeutung kaum überschätzen. Das heißt nämlich, dass es für das marktwirtschaftliche System ohne Intervention des Staates keine Möglichkeit der Selbststabilisierung im Falle eines negativen Nachfrageschocks gibt. Eine einmal ins Rollen gebrachte Lawine ist nicht mehr zu stoppen. Umgekehrt gilt, dass investierende und sich verschuldende Unternehmen die Situation aller Unternehmen ständig verbessern, ohne dass es dafür eine „natürliche“ Grenze gäbe. Der Zyklus der Konjunktur mit seiner offenkundigen Neigung, in beiden Richtungen zu „überschießen“, findet hier eine systematische Erklärung.

      Für die Interventionen der Wirtschaftspolitik in der Vergangenheit war diese Erkenntnis von enormer Bedeutung. Es bedurfte nicht unbedingt dauernder Eingriffe mit höherer staatlicher Verschuldung, sondern es genügte in der Regel, durch eine antizyklische Maßnahme die Richtung zu ändern, in der die Unternehmen die Anpassung an eine sich ändernde Einnahmesituation vornehmen. In der neuen Welt, wo die Unternehmen praktisch immer sparen (siehe Schaubild weiter unten), wie das in den meisten Ländern der Welt seit über zehn Jahren der Fall ist, ist der Staat allerdings permanent gefordert, neue Schulden zu machen, weil es sonst niemals aufwärts geht.

      Auch „das Ausland“ respektive die dort agierenden Gruppen können mit der Kürzung ihrer Ausgaben (mit vermehrtem „Sparen“) die Situation der inländischen Unternehmen verschlechtern und umgekehrt mit mehr Ausgaben für Importe die inländischen Unternehmen zu eigenen Investitionen anregen. Es zeigt sich an diesen schlichten Überlegungen, dass der repräsentative Haushalt, von dem die herrschende neoklassische Theorie glaubt, dass er mit seiner Entscheidung über mehr oder weniger Sparen aus einem gegebenen Einkommen, die Weltwirtschaft lenkt, eine geradezu lächerliche Figur ist. Das Gleichgewichtsdenken allgemein trägt in kaum zu überschätzender Weise zur allgemeinen Verwirrung bei. Für die Wirklichkeit komplexer arbeitsteiliger Wirtschaften, wo die Unternehmen sich an anonymisierte Signale über Einnahmen und Ausgaben anpassen müssen, ist das Gleichgewicht keine Annäherung an die relevanten Zusammenhänge, sondern eine Ablenkung.

      Alle staatlichen Handlungen, die ein Ausgabendefizit zur Folge haben, sind grundsätzlich nicht geeignet, eine Volkswirtschaft zu stabilisieren, weil die Nachfrage der Unternehmen, die Auslastung ihrer Produktionskapazitäten und ihre Gewinne sinken. Weil die Unternehmen daraufhin mit ihrer Anpassungsreaktion an sinkende Gewinne die Gewinne der Unternehmen insgesamt noch einmal verringern, besteht jederzeit die Gefahr einer kumulativen Verstärkung des Abschwungs.

      Umgekehrt gilt, dass jede bewusste Herbeiführung eines Ausgabenüberschusses, sei es von der Seite des Staates, des Auslands oder der Unternehmen selbst, die Nachfrage- und Gewinnsituation der Unternehmen unmittelbar verbessert. Das wiederum schafft die Möglichkeit, dass die Unternehmen die positiven Impulse zu einer weiteren Vergrößerung ihres Ausgabenüberschusses veranlassen, was dann zu einem kumulativen Aufschwungsprozess führen kann.

      Wir beobachten hier also eine starke Asymmetrie. Je nachdem, ob ein Ausgabenüberschuss oder ein Einnahmenüberschuss am Beginn eines dynamischen Prozesses steht, entwickelt sich die Wirtschaft in Richtung Einkommenssteigerung oder Einkommenssenkung. Die neoklassische Vermutung, man könne auch in einer komplexen Wirtschaft durch einen Einnahmenüberschuss, durch „Sparen“, durch Gürtel-enger-Schnallen mithilfe von „nichtkeynesianischen Effekten“ einen Wachstumsschub initiieren, ist von vorneherein vollkommen unsinnig und gefährlich.

      Wilhelm Lautenbach hat den Kern der Geschichte in seiner unnachahmlich knappen Art in die Worte gefasst: „Die Nachfrage der Unternehmer ist nicht eine Funktion ihres Einkommens, sondern ihr Einkommen ist eine Funktion ihrer Nachfrage“ (S.22). Bei John Maynard Keynes findet man diese bedeutende Einsicht in einer eher beiläufigen Bemerkung schon in der „Treatise on Money“ aus dem Jahre 1930. Wolfgang Stützel hat übrigens versucht, diesen (ihn offensichtlich schockierenden) Satz in einer Fußnote, die sich über mehrere Seiten zieht, zu erklären. Das ist ihm nicht gelungen, man kann aber klar herauslesen, dass auch er, der Herausgeber des Lautenbachschen Buches (Zins/Kredit und Produktion, Mohr Siebeck 1952), diesen zentralen Satz weder inhaltlich noch im Sinne seiner großen wirtschaftspolitischen Bedeutung verstanden hat.

      Anzumerken ist noch, dass die Tatsache, dass ex post, also nach dem Ende aller Anpassungsprozesse dennoch alle Ausgabendefizite durch Ausgabenüberschüsse genau ausgeglichen werden, keinerlei Bedeutung für die Frage hat, ob der Prozess, der zu dieser ex post-Gleichheit führte, effizient oder ineffizient war. Denn es ist entscheidend, ob der zwischen den ursprünglich getroffenen Entscheidungen liegende (ungleichgewichtige) Prozess und dem ex post Resultat ein Aufschwung oder ein Abschwung stattfand, ob also im Laufe des Prozesses die gesamtwirtschaftlichen Einkommen gestiegen oder gesunken sind und ob Arbeitsplätze geschaffen oder verloren wurden.

      Beeindruckend ist auch, dass die Unternehmensverbände dieser Welt nicht verstanden haben, in welcher Weise und in welchem Ausmaß ihre Mitglieder sich dadurch schaden, dass sie zu Netto-Sparern geworden sind. Wie die Finanzierungssalden für Deutschland in der Graphik zeigen, war das systematische Sparen der deutschen Unternehmen in den vergangenen zwanzig Jahren nur möglich, weil fast immer das Ausland die Rolle des Schuldners übernommen hat. Im Jahr 2020 musste allerdings wieder einmal der Staat die Lücke in der Nachfrage schließen, die von den Unternehmen und den privaten Haushalten mit dem Anstieg ihrer Sparquote geschaffen wurde.

      Abbildung 1

      Damit ist die Frage nach der Zukunft der Schuldenbremse für Deutschland abschließend und eindeutig geklärt. Wenn es dem Staat nicht gelingt, die Unternehmen wieder in die Rolle des Schuldners zurückzudrängen, muss er selbst diese Rolle übernehmen, es sei denn, er will Merkantilist bis ans Ende aller Tage bleiben und erwartet, dass die Handelspartner diesen massiven Verstoß gegen alle Handelsregeln klaglos und ohne Gegenwehr akzeptieren.
      Warum lernen die deutschen Volkswirte nicht?

      Ich muss noch eine kurze Anmerkung nachschieben. Es ist mehr als bemerkenswert (skandalös wäre vermutlich das richtige Wort), dass schon in dem 1952 posthum erschienenen einzigen Buch von Wilhelm Lautenbach (Lautenbach ist 1948 schon gestorben) die Ablenkungsmanöver der deutschen Ökonomen in vollem Gange waren. Wilhelm Röpke, einer der immer noch als bedeutend angesehenen Ordoliberalen schrieb im Vorwort zu dem Buch, er hätte gerne gewusst, ob Lautenbach (den er offensichtlich persönlich kannte) sich der „außerordentlichen Bedingtheit“ der keynesianischen Lehre, ihrer „engen Grenzen“ und „der schweren Gefahren ihres Missbrauchs“ bewusst gewesen sei. Schließlich habe sich die „einzigartige Situation der großen Depression, von der #Lautenbach und #Keynes ausgegangen waren, völlig umgekehrt…“.

      Was ist wohl an der obigen Aussage von Lautenbach über die Unternehmereinkommen „außerordentlich bedingt“? Es ist eine vollkommen unbedingte, immer und jederzeit geltende Gesetzmäßigkeit, die sich aus der Tatsache ergibt, dass die Ausgaben einer Gruppe in der Volkswirtschaft immer die Einnahmen der anderen Gruppen sind und die Unternehmen insgesamt in einer Marktwirtschaft das Residualeinkommen erzielen.

      Diese Erkenntnis ist, wie die vollständige Vernachlässigung der Finanzierungssalden zeigt, bis heute nicht in die herrschende liberal-neoklassische Ökonomik vorgedrungen und genau deswegen hat man die Dynamik einer Marktwirtschaft nicht einmal im Ansatz verstanden, obwohl man von nichts anderem als der Marktwirtschaft redet. Genau deswegen kann diese gesamte Denkschule keinen geeigneten wirtschaftspolitischen Vorschlag machen und richtet mit ihrer kleinteiligen und falschen Sichtweise großen Schaden an. Nach fast hundert Jahren des Missverstehens ist es an der Zeit, die zentralen Einsichten anzuerkennen oder offen zu sagen, dass es um Wissenschaft und objektive Erkenntnis gar nicht geht.

      Heiner Flassbeck ist Gründer und Spiritus Rector von MAKROSKOP. Er ist Honorarprofessor an der Universität Hamburg, war Chef-Volkswirt der UNCTAD und Staatssekretär im BMF. Seine Hauptarbeitsgebiete sind die Globalisierung, die Theorie der wirtschaftlichen Entwicklung sowie Geld- und Währungstheorie.

      #endettement #théorie_monétaire #monnaie #valuta #économie #keynésianisme

  • Todestag von John Maynard Keynes - Die Ära des Keynesianismus erleb...
    https://diasp.eu/p/12785969

    75. Todestag von John Maynard Keynes - Die Ära des Keynesianismus erlebte er nicht mehr

    John Maynard Keynes war der einflussreichste Wirtschaftswissenschaftler des 20. Jahrhunderts und zugleich ein Außenseiter in seiner Zunft. Mit undogmatischem Blick revolutionierte er in den 1930er-Jahren das ökonomische Denken. 75. Todestag von John Maynard Keynes - Die Ära des Keynesianismus erlebte er nicht mehr

  • Des #expulsions en Amérique. La production de la #pauvreté par le #logement

    Avis d’expulsion de Matthew Desmond met en lumière le rôle central du #marché_du_logement et des #expulsions_locatives dans la formation de la #pauvreté_urbaine à Milwaukee aux États-Unis.

    Parallèlement au coronavirus, une autre épidémie secoue depuis plusieurs années les États-Unis : les expulsions locatives. Ces dernières sont au cœur de l’ouvrage de Matthew Desmond, Avis d’expulsion, qui, paru initialement en 2016 et récemment traduit en français par Lux Éditeur, fait déjà figure de classique de la sociologie urbaine et de la pauvreté

    . L’étude porte sur Milwaukee, capitale du Wisconsin et ville emblématique de la désindustrialisation, de l’hyper-ségrégation économique et raciale et du démantèlement de l’État social aux États-Unis. Cette étude s’inscrit dans une vaste enquête, détaillée dans la postface du livre, qui mêle des analyses quantitatives (données du recensement, questionnaire et échantillon de jugements d’expulsion prononcés par les tribunaux du comté, etc.) et une enquête ethnographique de grande ampleur menée dans deux quartiers pauvres où l’auteur a séjourné plusieurs mois : le North Side, où se situe le ghetto africain-américain composé de logements privés dégradés, et un quartier de 131 mobile homes (trailer park), majoritairement blanc, situé au sud de la ville. Le cœur de l’ouvrage se focalise sur l’enquête de terrain et propose de suivre la vie quotidienne et la trajectoire d’une douzaine de locataires (Arleen, Lamar, Larraine, Doreen et Patrice, Pam et Ned, Scott, etc.) et de deux ménages propriétaires (Sherrena et Quentin, un couple africain-américain qui possède une quarantaine de logements dans le ghetto, et Tobin, un homme blanc qui possède le parc de mobile homes et en délègue la gestion à Lenny et Susie).

    La force du livre est soutenue par le choix d’une écriture narrative et documentaire, caractérisée par l’effacement du narrateur-ethnographe (choix inhabituel en ethnographie, mais justifié dans la postface du livre). Il privilégie ainsi la description minutieuse des trajectoires accidentées et des situations de pauvreté des locataires endetté·e·s, de leurs stratégies de débrouille et de leurs interactions avec les propriétaires et les institutions au cours de leur procédure d’expulsion. Accompagné d’un important appareil de notes (permettant de mettre en perspective historique et sociologique les scènes décrites), l’ouvrage met en lumière le rôle central du marché du logement et des expulsions locatives dans la production de la pauvreté urbaine, ainsi que la relation d’exploitation économique sur laquelle repose cette dernière.
    Un phénomène d’ampleur et inégalitaire

    L’ouvrage révèle tout d’abord l’ampleur des expulsions locatives à Milwaukee, où environ 16 000 adultes et enfants sont expulsés par les tribunaux en moyenne chaque année, soit 3,5 % des ménages locataires de la ville. Ce chiffre ne compte pas les nombreuses expulsions informelles qu’entreprennent les propriétaires à l’écart des institutions. La banalité des expulsions dans les quartiers pauvres et ségrégués, qui rappelle celle des saisies immobilières suite à la crise des subprimes, se constate dans d’autres villes, comme Cleveland ou Chicago (dont respectivement 11 % et 7 % des locataires ont par exemple été assignés en justice pour expulsion en 2012). À titre de comparaison, en France métropolitaine, près de 150 000 affaires d’expulsion pour dette sont instruites chaque année par les tribunaux d’instance (soit environ 1 % de l’ensemble des ménages locataires), et près de 15 500 ménages avaient été expulsés manu militari suite à l’intervention de la force publique en 2017

    .

    Malgré leur nombre, les expulsions ne frappent pas les quartiers et les ménages au hasard. Matthew Desmond montre que le taux d’expulsion est sensiblement plus élevé dans les quartiers à majorité africaine-américaine et hispanique, dont respectivement 7,5 % et 4 % des ménages locataires sont en moyenne expulsés chaque année (contre 1,5 % dans les quartiers à majorité blanche). L’auteur met notamment en lumière la très forte surreprésentation d’une catégorie de ménages parmi les locataires en proie à l’expulsion : les femmes africaines-américaines. Ces femmes vivant dans les quartiers noirs représentent seulement 9,6 % de la population de Milwaukee mais près de 30 % des locataires expulsés. Sur ce point, Matthew Desmond avance une thèse aussi forte qu’intéressante : dans le cadre du gouvernement néolibéral des quartiers pauvres et hyper-ségrégés, marqué par la substitution de l’État pénal à l’État social (Wacquant 2007), les expulsions locatives sont pour les femmes africaines-américaines l’équivalent structural de ce que représente l’incarcération de masse pour les jeunes hommes africains-américains, à savoir le mécanisme principal de leur entrée durable dans la pauvreté

    . Ces deux processus sont aussi liés en pratique, au sens où, comme le rappelle Desmond après d’autres travaux (Goffman 2014), la condamnation pénale des hommes noirs les empêche bien souvent de devenir titulaires d’un contrat de location et fait peser un risque accru d’expulsion sur les femmes les hébergeant.
    L’expulsion entre structure et interactions sociales

    Comment expliquer l’ampleur et le caractère inégalitaire des expulsions locatives ? L’auteur avance un premier ensemble de facteurs structurels, comme l’équation impossible entre la pénurie chronique de revenus des locataires (liée à un licenciement, un handicap, etc.) et l’augmentation tendancielle des loyers (la « première bouche à nourrir » du foyer, qui absorbe jusqu’à trois quarts des revenus domestique) et du coût des biens de première nécessité, pour lesquels de nombreux travaux statistiques montrent que les « pauvres paient plus » (Caplovitz 1967) (en raison par exemple de la rareté et de la segmentation de l’offre commerciale située dans le périmètre qui leur est accessible sans transport). Mais l’apport le plus original de l’ouvrage réside dans l’analyse de deux autres facteurs : les dynamiques interactionnelles (interactional patterns) entre propriétaires et locataires, et les effets pervers du recours aux institutions. À l’échelle des interactions, Matthew Desmond compare par exemple dans le chapitre 9 les cas de deux locataires blancs du parc à caravanes de Tobin : Larraine, une ancienne stripteaseuse de 54 ans au chômage qui vit avec ses deux filles adultes et son petit-fils, et Jerry, un homme blanc de 42 ans vivant dans le mobile home à proximité. L’auteur montre comment la distance et les normes de genre séparant Larraine de son propriétaire limitent ses possibilités de négocier ou de rembourser sa dette locative sous forme de travail informel, à la différence de son homologue de sexe masculin, Jerry – qui réalise des travaux de réparation pour Tobin, et privilégie les affinités ou l’explication viriles plutôt que l’évitement de ce dernier.

    Plutôt que l’offre de travail informel, les femmes tendent à privilégier les solidarités familiales ou le recours aux institutions publiques pour faire valoir leurs droits : services d’aide sociale, d’inspection et d’hygiène des logements, de police, etc. Or – et c’est là l’un des résultats majeurs de l’enquête – le recours aux institutions tend à se retourner contre les locataires, au sens où il précipite la décision des propriétaires de demander l’expulsion. L’auteur prend l’exemple du « choix douloureux » des femmes battues (chap. 15), pour qui la dénonciation des violences de leur conjoint auprès des services de police accroît leur risque d’expulsion. Ainsi, Sherrena décide de faire expulser Arleen (une mère célibataire noire vivant avec ses deux fils) et sa colocataire Crystal (une jeune fille noire de 18 ans souffrant de troubles bipolaires), après que la première a été agressée physiquement par son conjoint Chris et que la seconde a appelé les forces de police – l’intervention des forces de police étant synonyme de contravention (pour « propriété nuisible ») et faisant craindre à la propriétaire l’intervention d’autres services institutionnels auprès de son parc immobilier. Dans le même ordre d’idées, Matthew Desmond montre comment la présence d’enfants au domicile augmente à la fois les difficultés à trouver un logement et la probabilité individuelle des ménages d’être expulsés par le juge – la présence d’enfants suscitant la méfiance et la sévérité accrue des propriétaires en leur faisant craindre la visite des services de protection de l’enfance et de l’inspection des logements.
    Une théorie de la pauvreté

    Le cas des expulsions locatives permet plus largement de renouveler la sociologie de la pauvreté sur quatre aspects. L’auteur souligne tout d’abord la rationalité des comportements et des stratégies économiques des locataires pauvres, dont certaines dépenses apparaissent incohérentes et condamnables aux yeux de la majorité. Le chapitre 18, l’un des plus forts et emblématiques de l’ouvrage, relate par exemple comment Larraine, peu après avoir récupéré ses 80 dollars de bons alimentaires mensuels, décide de dépenser l’intégralité de ces derniers en achetant du homard et des pattes de crabe royal. Loin de constituer un acte insensé, Desmond montre que cet achat n’est pas la cause mais la conséquence de la pauvreté, et qu’il constitue un acte cohérent dans ce cadre : l’ampleur des dettes et de la pénurie d’argent annule en effet le bénéfice de toute forme d’épargne ou de privation supplémentaire, dont aucune ne permettrait aux pauvres de sortir de leur condition. « Alors ils choisissent de ne pas le faire. Ils essaient de survivre avec panache et d’agrémenter de plaisirs la souffrance. Ils se défoncent un petit peu, boivent un coup, jouent de temps en temps ou s’offrent une télévision. Ou ils achètent du homard avec des bons alimentaires » (p. 286).

    L’ouvrage rappelle, deuxièmement, l’hétérogénéité sociale des ménages pauvres, et notamment l’importance de la division et de la ségrégation raciales qui traversent ces derniers, en dépit de la proximité objective de leurs conditions de vie. Ce clivage racial est illustré par le cas de Pam et Ned, un couple d’ouvriers blancs expulsé par Tobin de leur mobile home, et qui, après avoir été hébergés par leurs voisins toxicomanes (Scott et Teddy) et en dépit de leurs difficultés à se reloger (près de quarante visites sans succès), refusent catégoriquement d’étendre leurs recherches d’appartement à proximité des quartiers noirs. Cette hétérogénéité n’exclut toutefois pas l’exercice de solidarités de famille, de voisinage ou d’églises. De ce point de vue, Desmond analyse dans le chapitre 12 un type particulier de ressources relationnelles que mobilisent les locataires pauvres : les « liens jetables » (disposable ties), liens éphémères noués à l’occasion d’une rencontre épisodique et qui jouent un rôle crucial dans les quartiers pauvres, à l’image de la proposition faite par Crystal à Arleen d’emménager ensemble suite à leur rencontre lors de la visite de l’appartement de cette dernière, alors en attente d’expulsion.

    L’enquête de Matthew Desmond montre, troisièmement, les effets néfastes et durables de l’expulsion sur l’ensemble de la trajectoire des ménages (perte d’emploi, mal-logement, suspension des aides sociales, santé mentale, scolarité des enfants, etc.), qui amènent l’auteur à inverser la causalité des phénomènes : les expulsions sont en vérité moins la conséquence que la cause de la pauvreté urbaine. Cette entrée durable dans la pauvreté apparaît tout au long de la troisième partie de l’ouvrage, qui est rythmée par les efforts et les difficultés des expulsé·e·s à retrouver un logement, à l’image des 86 candidatures déposées sans succès par Arleen, après son expulsion par Sherrena et sa colocation de fortune avec Crystal. Ce reclassement est notamment rendu difficile par une institution particulière : les agences de données personnelles (les « credit bureaus »), comme le Rent Recovery Service ou le Consolited Court Automation Programs, qui permettent aux propriétaires de se renseigner sur les antécédents de crédit, d’expulsion ou pénaux de n’importe quel ménage, et favorisent ainsi l’exclusion prolongée des locataires ayant connu une expulsion.

    En définitive, le cas des expulsions locatives conduit l’auteur à formuler une nouvelle théorie sociologique de la pauvreté, qui se distingue des conceptions habituelles de cette dernière (Duvoux et Papuchon 2018). À l’issue de l’ouvrage, la pauvreté apparaît moins comme une inégalité de revenus, comme une privation de consommation, comme une relation d’assistance, ou comme une culture spécifique, que comme le fruit d’une relation d’exploitation économique, dont la propriété et le marché du logement constituent un pilier. Cette relation d’exploitation apparaît tout d’abord à travers le contraste que met en scène l’ouvrage entre les situations des locataires et des propriétaires, que Matthew Desmond observe également de près. L’auteur suit par exemple Sherrena lors de ses tournées de collecte et de recouvrement des loyers, au tribunal, mais également lors des réceptions luxueuses et des conférences des associations de propriétaires (le Milwaukee Real Estate Investor Networking Group, le Landlord Training Program), ou lors de sa soirée du Nouvel An (pendant laquelle un incendie embrase l’immeuble où réside Lamar).

    L’exploitation se révèle ainsi dans les profits

    que tirent les propriétaires de la perception de loyers en moyenne plus élevés dans les quartiers pauvres et les logements dégradés et des bénéfices du travail informel de leurs locataires, deux facteurs qui font du ghetto « une affaire en or » (titre du chapitre 11). Elle apparaît également à travers les activités économiques indirectes que génère le délogement, qui forment un véritable marché de l’expulsion : entreprises de déménagement et de garde-meubles (comme la Eagle Moving and Storage, à laquelle Larraine et Arleen paient un loyer pour stocker leurs biens après leur expulsion), ou activités informelles de récupération des matériaux dans les logements vides (sur lesquelles les propriétaires perçoivent une commission, à l’image des 60 dollars que verse le ferrailleur Rufus à Tobin après l’expulsion de Théo). En conclusion, même s’il ne définit pas cette notion et n’en discute pas les usages en études urbaines (par exemple dans les travaux de David Harvey et de la géographie radicale), l’auteur déplore que le concept d’exploitation ait été « effacé du débat sur la pauvreté », alors que cette dernière « n’est pas uniquement le produit de faibles revenus, mais […] aussi un produit de marchés extractifs » (p. 399). Il plaide ainsi pour la mise en place de politiques publiques limitant cette logique en matière de logement et d’expulsion : encadrement des loyers, révision des règles d’attribution des logements sociaux dont sont exclus les plus pauvres, système de bons d’attribution et d’allocation pour le logement (housing vouchers), aide juridictionnelle permettant d’assurer une meilleure défense des locataires au tribunal.

    Bien qu’il ait été critiqué pour son usage « spontanéiste » de l’ethnographie – un usage hyper-descriptif et inductif laissant penser que les faits se présentent de manière exhaustive et univoque à un observateur extérieur et neutre, et ne sont pas filtrés par une théorisation préalable (Burawoy 2017) – l’ouvrage de Matthew Desmond souffre de peu de limites. Mon seul regret porte peut-être sur les acteurs régaliens de l’expulsion (les juges et les forces de police) dont l’auteur, focalisé sur les propriétaires et les locataires, ne décrit que brièvement les logiques d’action

    . Or, l’ampleur et l’augmentation des expulsions ne sont pas qu’une cause et une conséquence mécanique de la paupérisation et des dettes des locataires, ni des recours judiciaires des propriétaires : elles reposent également sur les contraintes spécifiques et le pouvoir discrétionnaire des institutions d’État décidant, en dernière instance, d’user ou non de la violence physique légitime à l’encontre des locataires. Cet argument éclaire également le cas français où, entre 2010 et 2017, le nombre d’affaires d’expulsion pour impayés portées devant les tribunaux par les propriétaires a augmenté (+4 %) moins fortement que les décisions de justice prononçant l’expulsion et que les interventions effectives de la force publique pour déloger manu militari les locataires (+11 % et +33 %). Un tel « durcissement de la réponse régalienne » (François 2017), sur lequel le livre reste muet, explique certainement une part significative de l’accroissement des expulsions aux États-Unis. Cette critique n’enlève rien à la force et à la rigueur de l’ouvrage de Matthew Desmond, ni à l’actualité de ses préconisations face à la crise économique et sociale que laisse déjà entrevoir la crise sanitaire actuelle.

    https://metropolitiques.eu/Des-expulsions-en-Amerique.html
    #USA #Etats-Unis #urban_matter

    signalé aussi par @monolecte
    https://seenthis.net/messages/898324

    • Avis d’expulsion. Enquête sur l’exploitation de la pauvreté urbaine

      Plongée dans le quotidien disloqué de huit foyers des quartiers pauvres de #Milwaukee, au #Wisconsin, où chaque jour, des dizaines de ménages sont expulsés de leurs maisons. Arleen élève ses garçons avec les 20 dollars qui lui restent pour tout le mois, après avoir payé le loyer. Lamar, amputé des jambes, s’occupe des gamins du quartier en plus d’éduquer ses deux fils. Scott, infirmier devenu toxicomane après une hernie discale, vit dans un mobile home insalubre. Tous sont pris dans l’engrenage de l’endettement et leur sort est entre les mains de leurs propriétaires, que l’on suit aussi au fil du récit.

      Fruit de longues années de terrain, ce livre montre comment la dégradation des #politiques_du_logement et la #déréglementation du marché de l’immobilier fabriquent et entretiennent l’#endettement chronique et la pauvreté, une violente épidémie qui s’avère très rentable pour certains et qui frappe surtout les plus vulnérables, en l’occurrence les #femmes_noires. Ouvrage magistral et captivant qui offre un regard précis et juste sur la pauvreté et un implacable plaidoyer pour le droit à un habitat digne pour tous.

      https://luxediteur.com/catalogue/avis-dexpulsion
      #droit_au_logement #TRUST #Master_TRUST

      #livre

  • Déroulé explicatif à propos de la #dette_illégitime. « Il faut bien avoir à l’esprit que la #finance, c’est la science de l’#endettement ».

    Thread by AniceLajnef on Thread Reader App – Thread Reader App
    https://threadreaderapp.com/thread/1312302624159526914.html

    Faut-il annuler la dette publique détenue par la banque centrale ?

    Cette question fait débat et divise les économistes. En réalité, cette question est éminemment politique comme nous allons le voir.

  • #Bernard_Ronot préserve notre patrimoine pour sauver l’agriculture durable

    Bernard Ronot s’est engagé pour la force de vie des semences anciennes en conservant 200 variétés de blés. Le principe consiste à planter en permanence ces variétés. Chaque année Bernard offre ces semences aux paysans volontaires qui préservent à leur tour ce patrimoine de l’humanité.

    Bernard a ainsi fondé l’association #Graines_de_Noé (http://www.graines-de-noe.org).
    Agriculteur de 83 ans, il raconte la #Révolution_Verte de l’agriculture d’après-guerre, utilisatrice d’intrants chimiques, dans laquelle il s’est engagé à 100%.

    Ce documentaire est surtout l’histoire d’une #prise_de_conscience et d’un retour, après 30 ans de cultures intensives, à un choix d’une agriculture vivante et naturelle. L’histoire d’une #reconquête et d’un engagement pour la #conservation_des_semences anciennes de blé. L’histoire d’un cheminement, d’un modèle d’agriculture à un autre pour redécouvrir le sens du mot « #paysan » : celui avant tout de nourrir le monde.

    https://vimeo.com/138429645

    Bernard Ronot :

    « (La révolution verte) ça a été un restant des guerres sur toute la ligne. Si le nitrate est un explosif, les fongicides sont des restants des gaz de guerre. Tout ce qui a fait éclater l’agriculture, c’est le restant des guerre. Les énergies de guerre qui ont été maîtrisées par l’homme quand ils ont arrêté de se battre, elles étaient toujours existantes »

    La science est indispensable pour faire évoluer. On a besoin des chercheurs. Si ils ont des têtes et des neurones développées, c’est pas par hasard. C’est eux qui font évoluer une société. Mais il faut la faire évoluer dans l’#indépendance de l’homme, et pas dans la #dépendance.

    La société c’est qui ? C’est d’abord nous, c’est pas les autres. C’est nous. Et la société du bas, c’est nous, individuellement. Et si nous on croit à ce qu’on fait, si on croit vraiment à ce qu’on fait, rien peut nous démonter. Si on se met en unité avec la #nature... les plantes, la terre, les animaux et bien des hommes silencieux, attendent. Ils sont prêts à partir, mais ils sont silencieux.

    « La transmission de la vie, c’est la semence. Il faut rentrer dans l’#action. (...) Si nous avons la chance d’avoir compris quelque chose, notre travail c’est de savoir comment le transmettre. On peut avoir le meilleur langage du monde, mais si il n’y a pas réceptivité en face, ça ne fait rien. »

    « Dans la vie nous sommes des #locomotives. Ou nous sommes le voyageur sur le quai, ou nous sommes le wagon, ou nous sommes la locomotive. Il faut savoir où on va. Si nous avons la chance de savoir où on va, nous avons le devoir d’être une locomotive, qui va peut-être doucement, qui va lentement et qui va surement. »

    « J’étais un #exploitant_agricole et je suis devenu un agriculteur. Dans tout domaine de la société nous avons des #arts. Nous devons être des artistes. Et l’agriculture c’est l’art de la #terre. »

    #agriculture #semences #blé #nitrates #paysannerie #vulpin #fertilisants #oligo-éléments #champignon #rendement #fongicides #pucerons #insecticides #guerre #restant_de_guerre #énergies_de_guerre #se_remettre_en_cause #reconversion #semences_anciennes #dégustation_du_pain #conservatoires #circuit_lent #agriculture_biologique #rendements #valeur_énergétique #prise_de_conscience #circuits_courts #céréaliculture #gratuité #endettement #recherche_fondamentale #science #partage

  • « Augmentation des frais d’inscription des étudiants étrangers : c’est l’avenir de notre modèle social qui est en jeu »

    La décision prochaine du Conseil d’Etat sur l’augmentation des droits d’inscription pour les non-Européens est cruciale, estiment les économistes David Flacher et Hugo Harari-Kermadec dans une tribune au « Monde », car elle marquera la poursuite ou l’arrêt d’une politique de « marchandisation délétère ».

    L’enseignement supérieur global est en crise. En Australie, le pays le plus inséré dans le marché international de l’enseignement supérieur, les universités prévoient de perdre jusqu’à la moitié de leurs recettes. A l’échelle nationale, la perte de tout ou partie des 25 milliards d’euros qui rentraient en Australie grâce à l’accueil d’étudiants étrangers (le troisième secteur à l’export) pourrait déstabiliser toute l’économie du pays.

    Aux Etats-Unis, les pertes de recettes en 2020-2021 pourraient représenter 20 milliards d’euros, selon l’American Council on Education (une association de l’enseignement supérieur). Au Royaume-Uni, les pertes envisagées sont de l’ordre de 2,8 milliards d’euros. Cambridge a récemment annoncé que ses programmes de licence seront intégralement enseignés à distance, mais cette mise en ligne est coûteuse et ne pourra être assumée que par une petite minorité d’établissements.
    Fort endettement étudiant

    Si la pandémie a frappé une économie mondiale déjà bien mal en point, l’enseignement supérieur « payant » est particulièrement touché : les échanges internationaux d’étudiants – les plus profitables – sont en berne et la fermeture des campus réduit fortement l’attractivité de diplômes hors de prix. Expérience étudiante sur le campus et contenus pédagogiques ne peuvent plus justifier (si tant est qu’ils l’aient pu) des droits de scolarité pouvant atteindre 70 000 dollars (62 000 euros) par an. Les procès se multiplient aux Etats-Unis, intentés par des étudiants cherchant à récupérer une partie des sommes versées pour cette année. Plus proche de nous, les écoles de commerce françaises ont été obligées de recourir au chômage partiel pour encaisser le choc.

    Perspectives d’emploi catastrophiques

    On aurait tort de reprocher aux étudiants de négocier leurs frais d’inscription : les perspectives d’emploi sont catastrophiques, le taux de chômage atteignant des niveaux inédits outre-Atlantique. L’endettement étudiant, qui se monte en moyenne à 32 000 euros aux Etats-unis et 60 000 euros en Angleterre, assombrit un futur professionnel déjà peu amène, et pèse sur les revenus des diplômés pendant vingt ans en moyenne. A l’échelle macroéconomique, l’endettement étudiant total dépasse 1 300 milliards d’euros aux Etats-Unis, 133 milliards d’euros au Royaume-Uni.

    Le
    modèle des universités payantes fait donc
    les frais d’une politique délétère en période
    « normale », et carrément mortifère en ces
    temps agités. C’est pourtant ce modèle que
    le gouvernement français et ses conseillers
    essayent de promouvoir depuis 2018.
    En France, les prochaines semaines seront
    déterminantes pour l’avenir de notre modèle
    social. La décision attendue du Conseil
    d’Etat [qui examine depuis vendredi 12 juin
    le recours des organisations contre l’augmentation
    des droits d’inscription pour les
    étrangers extraeuropéens]
    représentera un
    soulagement doublé d’une révolution ou,
    au contraire, la porte ouverte à une descente
    progressive aux enfers pour de nombreuses
    familles.

    De quoi s’agitil
     ? Alors que le plan Bienvenue
    en France (annoncé le 19 avril 2019) prévoyait
    une forte augmentation des droits de
    scolarité pour les étudiants extraeuropéens
    (2 770 euros en licence et 3 770 euros
    en master, contre 170 et 243 euros), un ensemble
    d’organisations a obtenu que le Conseil
    constitutionnel soit saisi. Ce dernier a
    rendu une décision le 11 octobre 2019 selon
    laquelle « l’exigence constitutionnelle de gratuité
    s’applique à l’enseignement supérieur
    public » tout en considérant que « cette exigence
    [de gratuité] ne fait pas obstacle, pour
    ce degré d’enseignement, à ce que des droits
    d’inscription modiques soient perçus en tenant
    compte, le cas échéant, des capacités financières
    des étudiants ».

    Basculer du bon côté, celui de la gratuité

    Le Conseil d’Etat doit désormais interpréter
    cette décision en précisant ce que « modique
     » signifie. Si cette notion a vraisemblablement
    été introduite pour préserver les
    droits d’inscription habituels (170 et
    243 euros), certains comptent bien s’engouffrer
    dans la brèche. Les enjeux sont
    d’une ampleur inédite : pourraton
    discriminer
    les populations étrangères en leur
    faisant payer des tarifs plus élevés au motif
    qu’elles ne seraient pas contribuables fiscaux
    de leur pays d’accueil ? Le Conseil
    d’Etat pourra garder à l’esprit que ces étudiants
    nous arrivent formés aux frais de
    leur pays d’origine, et qu’ils rapportent, par
    les taxes qu’ils payent, bien plus qu’ils ne
    coûtent (le solde est positif de 1,65 milliard
    d’euros). Seratil
    mis un terme aux velléités
    d’élargissement des droits d’inscription à
    tous les étudiants et à des niveaux de tarification
    toujours plus élevés ? La note d’un
    conseiller du candidat Emmanuel Macron,
    annonçait l’objectif : 4 000 euros en licence,
    8 000 euros en master, jusqu’à 20 000 euros
    par an dans certaines formations.

    Pour basculer du côté de la gratuité de l’enseignement
    supérieur, plutôt que de celui
    de sa délétère marchandisation, il faudrait
    que le Conseil d’Etat retienne une notion de
    modicité cohérente avec la jurisprudence :
    le juriste Yann Bisiou indique ainsi qu’une
    « somme modique est une somme d’un montant
    très faible, qui n’a pas d’incidence sur
    la situation économique du débiteur ; elle est
    anecdotique. Pour les personnes physiques,
    elle est de l’ordre de quelques dizaines
    d’euros, rarement plus d’une centaine, jamais
    plusieurs milliers ». Le Conseil d’Etat
    préféreratil
    les arguments fallacieux de
    ceux qui tremblent dans l’attente de cette
    décision car ils ont augmenté leurs droits
    de scolarité au point d’en dépendre furieusement
     : Sciences Po (14 500 euros par an
    pour le master), Dauphine (6 500 euros en
    master), Polytechnique (15 500 euros pour le
    bachelor), etc.
    Si le Conseil d’Etat venait à respecter le cadre
    fixé par le Conseil constitutionnel, c’est
    l’ensemble de leur modèle qui serait remis
    en cause et c’est un retour à un véritable service
    public de l’éducation auquel nous assisterions.
    Une révolution indéniablement salutaire,
    qui appellerait des assises de l’enseignement
    supérieur. Après un Ségur de la
    santé, c’est à un « Descartes de l’enseignement
    supérieur » qu’il faudrait s’attendre,
    celui d’une refondation autour d’un accès
    gratuit à l’éducation de toutes et tous, sans
    discrimination.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/18/augmentation-des-frais-d-inscription-des-etudiants-etrangers-c-est-l-avenir-

    #rebelote
    #taxes_universitaires #France #éducation #université #études_supérieures #frais_d'inscription

    voir aussi cette métaliste :
    https://seenthis.net/messages/739889

    • #Rebelote pour le projet d’#augmentation des #frais_d'inscription à l’#université en #France (arrrghhh).

      Ici une vidéo d’explication d’un avocat du SAF (syndicat des avocat·es de France) :

      #Juan_Prosper : le combat contre « #Bienvenue_en_France » continue !

      « A partir du moment où les digues tombent, où on explique que 2770 euros c’est parfait pour un·e étudiant·e étrangèr·es, on pourra très certainement revenir plus tard en nous disant que si c’est parfait pour un·e étrangèr·es, on peut aussi l’appliquer pour un·e étudiant·e français·e, alors même que le principe du financement d’un service public, du financement de l’enseignement supérieur, repose sur l’impôt. »

      « Si on considère qu’il y a un principe de gratuité, que c’est un service public, ce n’est pas pas à l’usagèr·es de financer le fonctionnement du service public. »

      https://www.youtube.com/watch?v=lsfdzYkSgkc&feature=youtu.be

    • La bombe de la dette étudiante a-t-elle explosé ?

      Tribune de David Flacher et Hugo Harari-Kermadec parue dans Le Monde du 18 juin 2020 sous le titre « Augmentation des frais d’inscription des étudiants étrangers : c’est l’avenir de notre modèle social qui est en jeu » (https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/18/augmentation-des-frais-d-inscription-des-etudiants-etrangers-c-est-l-avenir-)

      La décision prochaine du Conseil d’Etat sur l’augmentation des #droits_d’inscription pour les non-Européens est cruciale, estiment les économistes David Flacher et Hugo Harari-Kermadec dans une tribune au « Monde », car elle marquera la poursuite ou l’arrêt d’une politique de « #marchandisation délétère ».

      L’enseignement supérieur global est en crise. En Australie, le pays le plus inséré dans le marché international de l’enseignement supérieur, les universités prévoient de perdre jusqu’à la moitié de leurs recettes. A l’échelle nationale, la perte de tout ou partie des 25 milliards d’euros qui rentraient en Australie grâce à l’accueil d’étudiants étrangers (le 3e secteur à l’export) pourrait déstabiliser toute l’économie du pays. Aux États-Unis, les pertes de recettes en 2020-2021 pourraient représenter 20 milliards d’euros selon l’American council on education. Au Royaume-Uni, les pertes envisagées sont de l’ordre de 2,8 milliards d’euros. Si Cambridge a récemment annoncé que ses programmes de licence seront intégralement enseignés à distance, cette mise en ligne est coûteuse et ne pourra être assumée que par une petite minorité d’établissements.

      Si la pandémie a frappé une économie mondiale déjà bien mal en point, l’enseignement supérieur « payant » est particulièrement touché : les échanges internationaux d’étudiant-es – les plus profitables – sont en berne, en même temps que la fermeture des campus réduit fortement l’#attractivité de diplômes hors de prix. L’expérience étudiante sur le campus et le contenu pédagogique ne peuvent plus justifier – si tant est qu’ils l’aient pu – jusque 70 000 dollars de #frais_de_scolarité par an. Les #procès se multiplient aux États-Unis, les étudiants cherchant à récupérer une partie des sommes versées pour cette année. Plus proche de nous, les #écoles_de_commerce françaises ont été obligées de recourir au #chômage_partiel pour encaisser le choc.

      On aurait tort de reprocher aux étudiants de négocier leurs #frais_d’inscription : les perspectives d’emploi sont catastrophiques. Le chômage atteignant des niveaux inédits outre atlantique. L’#endettement étudiant, qui atteint en moyenne 32 000 € aux Etats-unis et 60 000 € en Angleterre, assombrit un futur professionnel déjà peu amène, et pèse sur les revenus des diplômés pendant 20 ans en moyenne. A l’échelle macroéconomique, l’#endettement_étudiant total dépasse 1 300 milliards d’euros aux Etats-Unis, 133 milliards d’euros au Royaume-Uni.

      Le modèle des universités payantes fait donc les frais d’une politique délétère en période « normale » et carrément mortifère en ces temps agités. C’est pourtant ce modèle que le gouvernement français et ses conseillers essayent de promouvoir depuis 2018.

      En France, les prochains jours seront déterminants pour l’avenir de notre modèle social. La décision attendue de la part du Conseil d’État représentera un soulagement doublé d’une révolution ou, au contraire, la porte ouverte à une descente progressive aux enfers pour de nombreuses familles.

      De quoi s’agit-il ? Alors que le plan « Bienvenue en France » (annoncé le 19 avril 2019) prévoyait une forte augmentation des droits de scolarité pour les étudiants extra-européens (2770 euros en licence et 3770 euros en master, contre respectivement 170 et 243 euros), un ensemble d’organisations a obtenu la saisie du #Conseil_constitutionnel. Ce dernier a rendu une décision le 11 octobre 2019 selon laquelle « l’exigence constitutionnelle de #gratuité s’applique à l’#enseignement_supérieur_public » tout en considérant que « Cette exigence [de gratuité] ne fait pas obstacle, pour ce degré d’enseignement, à ce que des droits d’inscription modiques soient perçus en tenant compte, le cas échéant, des capacités financières des étudiants. ».

      Le dernier round a eu lieu le 12 juin : le Conseil d’État doit désormais interpréter cette décision en précisant ce que « #modique » signifie. Si cette notion a vraisemblablement été introduite pour préserver les droits d’inscription usuels (170 et 243 euros), certains comptent bien s’engouffrer dans la brèche.

      Les enjeux sont d’une ampleur inédite : pourra-t-on discriminer les populations étrangères en leur faisant payer des tarifs plus élevés au motif qu’ils ne seraient pas contribuables fiscaux de leur pays d’accueil ? Le Conseil d’État pourra garder à l’esprit que ces étudiants nous arrivent, formé aux frais de leurs pays d’origine, et qu’ils rapportent, par les taxes qu’ils payent, bien plus qu’ils ne coûtent (le solde est positif de 1,65 milliards). Sera-t-il mis un terme aux velléités d’élargissement des frais d’inscription à tous les étudiants et à des niveaux de tarification toujours plus élevé ? La note d’un conseiller du candidat Emmanuel Macron annonce l’objectif : 4000 euros en licence, 8000 euros en master et jusqu’à 20000 euros par an dans certaines formations. Pour basculer du bon côté, celui de la gratuité de l’enseignement supérieur, plutôt que de celui de sa délétère marchandisation, il faudrait que le Conseil d’État retienne une notion de modicité cohérente avec la #jurisprudence : le juriste Yann Bisiou indique ainsi qu’une : « somme modique est une somme d’un montant très faible, qui n’a pas d’incidence sur la situation économique du débiteur ; elle est anecdotique. Pour les personnes physiques, elle est de l’ordre de quelques dizaines d’euros, rarement plus d’une centaine, jamais plusieurs milliers ». Le Conseil d’État préfèrera-t-il des arguments fallacieux de ceux qui tremblent dans l’attente de cette décision pour avoir augmenté leur frais de scolarité au point d’en dépendre furieusement : Sciences Po (14 500 € par an), Dauphine (6500 € en master), CentraleSupélec (3500 €), Polytechnique (15 500 € pour la Bachelor), etc. Si le #Conseil_d’État venait à respecter le cadre fixé par le Conseil constitutionnel, c’est l’ensemble de leur modèle qui serait remis en cause et c’est un retour à un véritable #service_public de l’éducation auquel nous assisterions. Une révolution en somme, indéniablement salutaire, qui appellerait des assises de l’enseignement supérieur. Après un Grenelle de l’environnement, un Ségur de la santé, c’est à un « Descartes de l’enseignement supérieur » qu’il faudrait s’attendre, celui d’une refondation autour d’un accès gratuit à l’éducation de toutes et tous, sans discrimination.

      https://acides.hypotheses.org/2446

  • Vers des jours heureux... | Le Club de Mediapart

    https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/280420/vers-des-jours-heureux

    Un virus inconnu circule autour de la planète depuis le début de l’année. Péril mortel et invisible, nous obligeant à nous écarter les uns des autres comme si nous étions dangereux les uns pour les autres, il a retourné les tréfonds des sociétés comme on retourne un gant et il a mis au grand jour ce que l’on tentait jusqu’ici de masquer. Sans doute provoque-t-il un nombre important de morts et met-il sous une lumière crue les limites des systèmes de santé des pays développés, y compris les plus riches d’entre eux. Sans doute, ailleurs, expose-t-il les populations de pays plus pauvres à un extrême danger, les contraignant pour se protéger à accomplir une obligation impossible, le confinement. Mais ceci n’est que la surface des choses.

    Le gant retourné donne à voir la voie périlleuse dans laquelle le monde se trouve engagé depuis des décennies. En mettant les services hospitaliers sous contrainte budgétaire, là où ils étaient développés, et en les négligeant là où ils sont insuffisants, les responsables politiques affolés se sont trouvés pris de court devant l’arrivée de la pandémie. En France, l’impréparation criante à ce type d’évènements, la liquidation coupable de la réserve de masques, la délocalisation de l’industrie pharmaceutique avec pour seule raison la recherche de profits plus grands, la faiblesse des moyens de la recherche scientifique, mettent le gouvernement en situation d’improvisation. En prenant le chemin du confinement dont il ne sait comment sortir, il s’est engagé dans la voie d’une mise en cause radicale des libertés publiques. S’étant privé des autres moyens de protection de la population, il bénéficie d’un acquiescement forcé de cette dernière. Pour le cas où cet acquiescement manquerait, un discours moralisateur et culpabilisant se déploie. Et pourtant, partout, d’innombrables initiatives contredisent l’individualisme entretenu par le modèle économique et social et témoignent de la permanence de la fraternité entre les humains.

    Mais le gant retourné fait apparaître aussi, au moins aux yeux les plus lucides, que la réponse aux enjeux auxquels l’humanité dans son ensemble est en ce moment confrontée, ne saurait être une addition de politiques nationales, encore moins si ces politiques tentent de se mener en vase clos. Il y manquera toujours une part, celle de la communauté des humains qui ne peut refuser plus longtemps de se voir pour ce qu’elle est : une communauté de destin, ce qu’Hannah Arendt nommait une association politique d’hommes libres.

    Ainsi, derrière la crise sanitaire qui est au premier plan, avec la crise économique qui s’amorce et la catastrophe écologique en cours, c’est une crise de civilisation qui émerge enfin. Le monde entièrement dominé par le système capitaliste qui ne cesse de creuser les inégalités et de détruire la nature, est aujourd’hui un bateau ivre qui n’a d’autre horizon que son naufrage à travers des violences insoupçonnées.

    S’il est encore temps de reprendre les commandes, alors ce séisme inédit est l’occasion que le monde doit saisir pour rompre enfin avec sa destruction largement amorcée et inventer une société entièrement différente. Ainsi, ayant conjuré la terreur de l’inconnu, les peuples danseront de joie sur les décombres du vieux monde qui menaçait de les emporter.

    Pour cela, il faut :

    – ne pas tricher avec les constats qu’il y a lieu de faire ;
    – mesurer les risques d’une sortie de crise orientée à un retour à la situation antérieure ou à d’autres dérives ;
    – saisir cette opportunité pour poser les fondements radicalement différents d’une société mondiale juste et viable.

    #covid-19 #le_monde_d_après

  • #Coronavirus : « Il n’y a pas à s’inquiéter de la facture », selon la Nobel d’#économie

    L’économiste #Esther_Duflo, prix Nobel d’économie 2019, a appelé mardi à ouvrir grand les vannes de la #dépense_publique pour restreindre les ravages économiques de la pandémie de #coronavirus, estimant qu’il “n’y a absolument pas à s’inquiéter de la facture” face à la crise sanitaire.

    Elle a aussi plaidé pour un système d’#imposition “extrêmement progressif” , c’est-à-dire devenant plus lourd au fur et à mesure que les revenus s’élèvent, afin de financer les systèmes de santé, et de soutenir les ménages modestes. “Quand on a une grosse crise de demande comme aujourd’hui, il faut injecter des ressources dans l’économie”, ce qui suppose pour les gouvernements qui le peuvent “d’emprunter massivement et de #stimuler_l’économie autant que possible”, a insisté sur la radio France Inter Mme Duflo.

    La professeure au prestigieux MIT (États-Unis) a estimé que “c’est vraiment le #moment_keynésien par excellence”, en référence à l’économiste anglais John Maynard #Keynes qui avait prôné l’#interventionnisme de l’#État tous azimuts après la crise financière de 1929. “Il s’agit de savoir si on aura plutôt la crise de 2008 ou celle de 1929”, qui avait durablement plombé l’économie mondiale, et “la différence viendra de la volonté de dépenser beaucoup d’argent aujourd’hui, de manière juste”.

    « #Dépenser_plus » maintenant, « cela fait économiser de l’argent »

    Selon elle, “dépenser plus d’argent à la fois pour lutter contre le virus (…) et pour essayer de mitiger au maximum l’impact économique, cela fait économiser de l’argent en fait”. Faute de quoi, la crise risque de devenir “plus mortelle, et d’un point de vue strictement financier, plus grave”, avec un “#effet_boule_de_neige”, et dans ce cas “on passe d’une #récession à une #dépression, dont les #ravages_économiques sont beaucoup plus forts et plus longs”.

    L’économiste, spécialiste de la pauvreté, encourage les pays du G20 à soutenir les pays moins développés, moins armés face à l’#épidémie, et pointe les incertitudes sur la “#sortie_de_crise”, notamment sur la vigueur de la #reprise de la #consommation, facteur qui déterminera “l’ampleur finale du #désastre_économique”.

    Pour un #système_d’imposition « extrêmement progressif »

    Esther Duflo a par ailleurs balayé les craintes sur l’#endettement_public : pour l’heure, les gouvernements “peuvent emprunter à taux extrêmement faibles” et “si on a beaucoup d’argent à dépenser, on a aussi beaucoup de temps pour rembourser”. “Il n’y a absolument pas à s’inquiéter de la facture pour l’instant, c’est le dernier de nos soucis”, insiste-t-elle, mettant en garde contre un retour prématuré à “une #orthodoxie un peu frileuse” sur les déficits.

    Pour Mme Duflo, la crise serait l’occasion d’encourager un système d’imposition “extrêmement progressif” dans les pays développés : “Comment financer à la fois les transferts aux plus pauvres, qui leur permettront de soutenir leur consommation, et les #systèmes_de_santé qu’il va falloir reconstruire ? Le financer par l’#impôt sur les #hauts_revenus (…) semble le moyen le plus raisonnable et le plus réaliste”.

    https://www.lequotidien.lu/economie/coronavirus-il-ny-a-pas-a-sinquieter-de-la-facture-selon-la-nobel-decono

  • Le lien unissant un chauffeur et Uber est bien un « contrat de travail », selon la Cour de cassation
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/04/la-cour-de-cassation-confirme-que-le-lien-unissant-un-chauffeur-et-uber-est-

    La plus haute juridiction pénale française a jugé que le chauffeur « qui a recours à l’application Uber ne se constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses tarifs et ne détermine pas les conditions d’exécution de sa prestation de transport ». Pour la Cour, la possibilité de se déconnecter de la plateforme sans pénalité « n’entre pas en compte dans la caractérisation du lien de subordination ».
    Début 2019, Uber s’était pourvu en cassation après un arrêt de la cour d’appel de Paris qui avait déclaré « contrat de travail » le lien entre un ancien chauffeur indépendant et la plateforme américaine. La cour avait détaillé « un faisceau suffisant d’indices » qui caractérisait selon elle « le #lien_de_subordination » liant le chauffeur à la #plateforme, et donc l’existence d’un contrat de travail de fait.
    Si certains chauffeurs sont attachés à leur statut d’indépendant, de nombreux conducteurs pourront s’appuyer sur cette nouvelle décision pour demander la requalification de leur #contrat avec Uber ou d’autres plates-formes en #contrat_de_travail. En clair, le modèle économique d’#Uber pourrait s’effondrer.

    #salariat #droit_du_travail #jurisprudence

    • Les chauffeurs VTC mobilisés contre Uber et sa « machine à précarité »
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/11/les-chauffeurs-vtc-mobilises-contre-uber-et-sa-machine-a-precarite_6032553_3

      Peu séduits par le salariat, malgré la reconnaissance récente d’une relation de subordination par la justice, les conducteurs demandent à la plate-forme des garanties d’indépendance.

      « On est obligé de travailler avec le “monstre”. » Le « monstre », pour ce chauffeur (qui souhaite garder l’anonymat), s’appelle Uber. Comme une centaine d’autres conducteurs de #VTC, il est venu, vendredi 6 mars, exprimer sa colère contre le fonctionnement de l’application mobile, devant les bureaux de la firme californienne à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).
      La mobilisation de la profession connaît un regain depuis la décision de la Cour de cassation, le 4 mars, qualifiant de « fictif » le statut d’indépendant d’un conducteur et reconnaissant du même coup son lien avec Uber comme étant un contrat de travail salarié.

      Le même chauffeur le répète : travailler avec Uber est une « obligation ». Le service est incontournable, captant entre 60 % et 80 % de la clientèle en Ile-de-France. Après avoir obtenu sa licence de VTC en 2015, il s’est endetté de 40 000 euros pour acheter son véhicule, à l’époque où les conducteurs étaient moins nombreux et les tarifs, plus élevés.

      Avant d’arriver à la manifestation, il a pris soin de couper la connexion à Internet sur son smartphone et de désactiver la géolocalisation. « Je ne peux pas me permettre qu’ils voient que j’y participe et suspendent mon compte », explique-t-il.

      Peu de volontaires pour le salariat

      « Uber vend du rêve aux jeunes, promet 4 000 euros de revenu et une indépendance immédiate. C’est possible, mais à un prix exorbitant ! », commente Makram, autre conducteur présent devant les locaux d’Uber à l’appel de l’intersyndicale nationale VTC. Une fois la commission de 25 % déduite de chaque course, le crédit du véhicule remboursé et l’essence payée, Makram estime gagner entre 1 200 et 1 400 euros brut par mois, pour soixante-dix heures hebdomadaires passées dans sa voiture.

      Parmi les reproches adressés à la plate-forme, figurent en première position le manque de transparence sur les courses (dont le tarif estimé et la distance parcourue ne sont pas connus par les chauffeurs avant le départ) et des suspensions de compte considérées comme abusives, sans possibilité de recours.

      « Le lien de subordination avec ces entreprises du numérique est patent depuis des années », constate Otto Landreau, chauffeur inscrit sur plusieurs plates-formes (Bolt, Snapcar, Marcel, Chauffeur Privé) pour éviter les tarifs d’Uber, qu’il juge trop bas.
      Tout en qualifiant la décision de la Cour de cassation de « bonne nouvelle », peu de conducteurs disent pourtant vouloir mettre fin à leur statut d’#auto-entrepreneur et signer un contrat de travail avec l’entreprise américaine. « Je ne veux pas être un salarié sans les avantages et un indépendant avec tous les inconvénients », résume Yahya, conducteur de 44 ans originaire de Lille.

      « En banlieue, on a toujours subi une forme d’esclavage »
      L’intersyndicale et l’Association des chauffeurs indépendants lyonnais (ACIL), deux des principales associations de conducteurs, revendiquent cependant avoir lancé, depuis le début de l’année, plus de cent trente procédures devant la justice prud’homale contre Uber, sur la reconnaissance du lien de subordination.

      Car pour les deux organisations, cela pourrait permettre de négocier plus de garanties pour les indépendants, par exemple en laissant à la charge d’Uber le paiement des cotisations salariales. « Depuis la décision de la Cour de cassation, je reçois plusieurs centaines de demandes d’information par jour. Même si la requalification massive n’est pas l’objectif », assure Mehdi Mejeri, fondateur et président de l’ACIL.

      Près de dix ans après son arrivée à Paris, la perspective tracée par Uber d’un emploi indépendant et rémunérateur a laissé place, pour certains conducteurs, à un sentiment d’avoir été piégé par le modèle.

      « Il y a tout un pan de la population à la merci de cette économie, parce qu’elle ne repose sur rien, estime Mehdi Mejeri. C’est une machine à précarité dont l’Etat peine à suivre les évolutions. » L’application du volet VTC de la loi d’orientation des mobilités (LOM) a été bousculée par la décision de la Cour de cassation. La ministre du travail, Muriel Pénicaud, a annoncé que de nouvelles propositions sur le cadre légal des travailleurs des plates-formes seraient formulées d’ici à l’été.

      Une nouvelle manifestation des conducteurs est prévue à Paris, mercredi 11 mars, devant le ministère des transports, avant une rencontre entre représentants des conducteurs et d’Uber France, le lendemain. « Nous, en banlieue, on a toujours subi une forme d’esclavage. Hier, il était ouvrier, aujourd’hui il est numérique, assène un conducteur d’Ile-de-France, sous couvert d’anonymat. On veut nous résumer à ce statut de salarié, mais ce combat représente bien plus que cela ! »

      #endettement

  • Au temps pour moi… | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/anice-lajnef/blog/010218/au-temps-pour-moi

    En quelque sorte, la #banque nous prête une somme d’#argent en contrepartie de l’#hypothèque de notre futur, en somme de notre propre personne. Cette pression socioéconomique peut parfois être ressentie par les plus libres d’entre nous comme un #esclavage dit moderne. Ce cas de figure concerne peu d’individus, au grand bonheur des instigateurs de ce modèle économique !

    A l’occasion, sachant que la #monnaie moderne est la coquille de l’#endettement, toute monnaie possédée par nous est en réalité une fraction d’une #dette contractée par un couple, une entreprise, ou l’Etat. Dit autrement, toute monnaie échangée, est en réalité une fraction du futur d’un individu gagé auprès d’une banque.

    Une autre conséquence encore plus étrange de ce système est la suivante. Comme la monnaie en circulation est à 90% la matérialisation de nos dettes, si chacun de nous décidait de rembourser ses dettes, la masse monétaire se contracterait d’une telle façon que notre modèle économique imploserait. Notre #économie ne tient que par la dette.

  • #Frais_d’inscription pour les #étudiants_étrangers : « Une logique contraire au #service_public »

    Le premier ministre Édouard Philippe vient d’annoncer une hausse spectaculaire des frais d’inscription à l’université pour les étudiants étrangers #extra-communautaires. Une mesure inefficace, injuste et contre-productive, selon Hugo Harari-Kermadec, maître de conférences en économie à l’ENS Paris-Saclay.

    La campagne s’appelle « #Choose_France ». Mais pour espérer étudier en France, il faudra surtout être riche. Le premier ministre Édouard Philippe a annoncé lundi 19 novembre une hausse spectaculaire des frais d’inscription à l’université pour les étudiants étrangers extra-communautaires.

    Dorénavant, les étudiants venant des pays situés en dehors de l’Union européenne devront débourser pour leurs frais d’inscription à l’université 2 770 euros en licence (contre 170 euros aujourd’hui) et 3 770 euros en master et doctorat (contre 243 euros en master et 380 euros en doctorat jusqu’à présent) à partir de la rentrée prochaine. Jusqu’alors, ils s’acquittaient des mêmes droits d’inscription que les étudiants français et européens.

    Le premier ministre justifie cette mesure par un raisonnement qui peut sembler incongru : entre 2010 et 2015, le nombre d’étudiants étrangers a baissé de 8 %. Or, pour relancer l’#attractivité de la France, le gouvernement est convaincu qu’il faut que les facs françaises coûtent plus cher.

    La France reste pourtant le quatrième pays d’accueil choisi par 245 000 étudiants. D’ici à 2027, la France espère porter à 500 000 le nombre d’étudiants étrangers qu’elle accueille chaque année.

    Selon Édouard Philippe, les #étudiants_internationaux aujourd’hui inscrits en licence paient moins de 2 % du coût réel de leur formation. Sans compter qu’ils ne paient pas d’impôts en France, ni leurs parents, et ne contribuent donc pas au financement de l’enseignement supérieur. Ainsi, il s’agit de rétablir une forme d’« #équité » parmi les étudiants.

    Pour mieux faire accepter cette mesure sensible car considérée par certains comme discriminatoire, le premier ministre a annoncé la mise en place de 6 000 #bourses d’établissement et l’augmentation du nombre de bourses d’État réservées aux étudiants étrangers, qui passeront de 7 000 à 15 000, et « concerneront prioritairement les étudiants en provenance du Maghreb et des pays d’Afrique », selon le plan présenté.

    Les deux principales organisations syndicales, Fage et Unef, ont pris position contre cette mesure.

    Hugo Harari-Kermadec est maître de conférences en économie à l’ENS Paris-Saclay, coauteur de l’ouvrage Arrêtons les frais ! Pour un enseignement supérieur gratuit et émancipateur (Raisons d’agir, 2014) et membre du groupe de recherche Acides (Approches critiques et interdisciplinaires des dynamiques de l’enseignement supérieur).

    Est-ce que cette annonce était attendue ?

    Hugo Harari-Kermadec : On savait depuis la campagne présidentielle que la discussion concernant la hausse des frais d’inscription à l’université était assez avancée. Une note de l’économiste Robert Gary-Bobo évoquait déjà ce sujet et, plus largement, les Macron Leaks font état de discussions entre Thierry Coulhon, devenu conseiller pour l’enseignement supérieur d’Emmanuel Macron, et l’économiste Philippe Aghion sur cette question. Le dernier est moins maximaliste que le premier par ailleurs. C’est donc un mouvement général.

    L’annonce de l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants étrangers extra-communautaires montre qu’une première étape est franchie.

    On a vu comment Parcoursup organise un système où le futur étudiant candidate à un grand nombre de formations, comme dans un marché. L’idée étant qu’au lieu d’être affecté dans la licence de son choix dans la limite des postes disponibles, on est mis en concurrence et, selon la demande, il est plus ou moins difficile d’y entrer. Les plus demandées seraient aussi payantes.

    À long terme, on peut imaginer qu’il y aura une offre concurrentielle marchande. Des établissements privés sont déjà répertoriés dans Parcoursup.

    Bien entendu, le contre-argument principal à cette hausse des frais d’université va être de dire que cela ne concernera pas tout le supérieur, seulement certains établissements et certaines filières. On peut donc aussi supposer que les universités qui ont le plus besoin de financements, celles de banlieues dans les villes grandes et les moyennes, ne seront pas attractives et personne ne voudra payer pour y venir. Ce qui va en définitive accroître les #inégalités et les hiérarchies.

    Le premier ministre a expliqué agir ainsi pour rétablir « une équité » entre étudiants dont les parents paient des impôts en France et les autres. Est-ce un argument recevable selon vous ?

    Non. Les parents d’étudiants étrangers ne paient pas d’impôts en France, certes, mais dans ces cas-là, les adultes qui n’ont pas d’enfants ne devraient pas payer d’impôts non plus. Le premier ministre entre dans une logique où chacun paie ce qu’il consomme, ce qui est l’inverse de la définition du #service_public.

    Au contraire, il y a tout intérêt à ce que les étudiants étrangers viennent étudier en France, qu’ils restent et paient des impôts ensuite. Surtout que, pendant les années où ils seront là, ils devront se loger, se nourrir, bref faire des dépenses. Le coût des études sera de toute façon inférieur à ce qu’ils vont dépenser en vivant en France (4,65 milliards d’euros contre 3 milliards d’euros). C’est plus rentable à long terme que de leur demander de payer ce qu’ils consomment. Surtout qu’en étant étudiant ici, même s’ils repartent, ils garderont un lien avec la France et pourront, par exemple, faire du commerce ou de l’exportation. Il n’y aura pas de perte économique.

    La véritable question d’équité est de rappeler que tout jeune en France a le droit d’être formé. Là, cette mesure peut dissuader les moins fortunés de venir.

    D’autres, comme la présidente de la Conférence des grandes écoles, expliquent que des frais d’inscription modiques nuisent à l’attractivité et donnent l’impression d’une éducation au rabais.

    Là encore, c’est un argument courant de dire que si une formation n’est pas assez chère, c’est qu’elle est de mauvaise #qualité. On pourrait rétorquer que des masters à 3 000 euros ne « font » pas assez chers. Autant les rendre gratuits en disant que l’éducation n’a pas de prix.

    Surtout que ça n’aide pas à augmenter l’attractivité. Le Chili, par exemple, a des prix alignés sur ceux des États-Unis. C’est très onéreux mais il n’y a pas d’étudiants étrangers là-bas. L’université est pourtant de qualité, elle est bien placée dans les classements internationaux. Mais les étudiants asiatiques, qui sont la cible visée, préfèrent aller aux États-Unis, en France ou en Grande-Bretagne.

    Les jeunes prennent aussi en ligne de compte dans leur choix la qualité de vie et le réseau qu’ils auront en s’expatriant pour leurs études. C’est pour cette raison que le « #tourisme_étudiant » est en pleine expansion. Les communautés d’établissements comme PSL à Paris ou Saclay essaient de développer non pas une excellence de la recherche mais des infrastructures pour attirer le plus grand nombre. Dans cette veine-là, à Saclay, un projet de créer le plus grand stade européen est à l’étude.

    Les syndicats étudiants sont contre cette hausse et parlent plutôt de la nécessité d’assouplir la politique de visas, est-ce le problème ?

    En réalité, l’idée du gouvernement n’est pas d’attirer ceux qu’on a toujours attirés, à savoir les étudiants des ex-colonies françaises. En introduisant cette hausse des frais d’inscription, l’État vise à attirer les étudiants asiatiques et les classes moyennes hautes de ces pays au pouvoir d’achat en augmentation. Il ne s’agit pas d’avoir plus d’étudiants étrangers mais surtout de saisir une part de marché.

    On va attribuer des bourses pour compenser la hausse de ces droits d’inscription. Mais alors les aspirants vont devoir prouver qu’ils ont de faibles ressources pour y prétendre. Cela concerne ceux qui n’ont pas les moyens de venir en France étudier. Ceux qui sont suffisamment riches pour venir n’entreront pas dans les critères pour être éligibles à une aide de l’État. Le seul moyen de se sortir de cette situation est de distribuer les aides en fonction de critères scolaires, y compris pour ceux qui peuvent payer. Tout cela ne changera donc rien en termes de #mixité_sociale.

    Y a-t-il eu d’autres tentatives par le passé d’augmenter les frais d’inscriptions pour les étudiants étrangers ?

    Il y a eu toute une série d’expérimentations dans l’enseignement supérieur. Science Po a été précurseur et a augmenté ses frais d’inscription pour tout le monde, en fixant d’abord un maximum de 2 000 euros. Les étrangers extra-communautaires paient toujours le prix le plus élevé car on ne peut pas vérifier leur dossier et la réalité des ressources de leurs parents. Aujourd’hui, au bout de quelques années, le prix de l’année d’étude s’élève à 14 000 euros, ce qui est plus onéreux que les écoles de commerce et correspond aux tarifs pratiqués en Angleterre. La moitié des étudiants de Science Po sont étrangers.

    Cette hausse massive a profondément changé le mode de recrutement des étudiants. Ils veulent faire venir des étudiants étrangers et pour cela leur offrent une expérience de vie dans le centre de Paris. Le recrutement des étudiants français est très sélectif. L’université Paris-Dauphine a opté pour une hausse moins forte, mais visant déjà les étudiants étrangers. Là encore, cela a été progressif. Les masters internationaux en anglais sont passés à 4 000 euros par an.

    En Grande-Bretagne, le tarif standard est de 14 000 euros. Les étudiants étrangers peuvent payer plus. Ils sont donc plus intéressants pour les universités, car les « nationaux » rapportent moins. De fait, des filières comme la philosophie ou la littérature anglaise sont sacrifiées au profit de cursus de médecine, droit ou business, plus susceptibles d’attirer les étudiants asiatiques ou moyen-orientaux.

    Au contraire, en 2005, certains Länder en Allemagne ont essayé d’augmenter ces frais avant de faire machine arrière car la communauté universitaire et les jeunes y étaient réfractaires. Culturellement, cela n’est pas passé et les étudiants pouvaient aller dans le Land d’à côté pour éviter cette hausse.

    Est-ce que cette volonté d’augmentation des frais d’inscription est une tentative de compenser le sous-financement de l’enseignement supérieur ?

    Valérie Pécresse, il y a une dizaine d’années, ou Geneviève Fioraso, plus récemment en 2013, alors en charge de l’enseignement supérieur, ont fait des déclarations dans lesquelles elles expliquaient que les établissements devraient expérimenter des hausse des frais d’inscription. Là, c’est Édouard Philippe qui fait la même préconisation et va plus loin en l’imposant, au mépris de l’autonomie des universités.

    L’enseignement supérieur est toujours une priorité pour tous les gouvernements, mais le financement par étudiant est en baisse et cela ne change pas. Les universités vont modifier leur comportement pour attirer les étudiants étrangers et les nationaux vont s’habituer peu à peu à ce que leurs études leur coûtent de plus en plus cher. Certains pourront se dire qu’il est plus simple dans ce cas de ne pas faire d’études du tout et de gagner le Smic toute leur vie.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/201118/frais-d-inscription-pour-les-etudiants-etrangers-une-logique-contraire-au-
    #université #élitisme #études_supérieures #attractivité #excellence

    • Débat : « Bienvenue en France » aux étudiants étrangers, vraiment ?

      Lundi 19 novembre 2018, le gouvernement français a annoncé une nouvelle stratégie pour attirer plus d’étudiants étrangers en France. Sous un nouveau label « #Bienvenue_en_France » attribué aux établissements exemplaires, le premier ministre, Édouard Philippe, souhaite passer de 320 000 étudiants internationaux aujourd’hui à 500 000 dans les universités de l’Hexagone d’ici 2027. De quelle manière ? Entre autres, en augmentant les frais de scolarité pour les étudiants « extra-européens » !

      Ainsi, dès la rentrée prochaine, ces jeunes devraient payer 2 770 euros au lieu de 170 euros pour s’inscrire en licence, et 3 770 euros pour une formation en master ou en doctorat – contre 243 euros et 380 euros actuellement. Le premier ministre trouve « absurde » et « injuste » qu’un étudiant extra-européen « fortuné » « paie les mêmes droits d’inscription qu’un étudiant français peu fortuné dont les parents résident, travaillent et paient des impôts en France depuis des années ».

      Cette déclaration vient confirmer, encore une fois, l’ambiguïté de la politique française à l’égard des étudiants étrangers. Une politique qui oscille entre un désir d’attractivité, puisé dans une vision libérale marquée par l’ère de la #marchandisation des systèmes d’enseignement supérieur, et une obsession de contrôle affirmée par une #politique_migratoire restrictive, sélective, prospérant dans une logique bureaucratique sécuritaire.

      Un marathon administratif

      En 2017, ce sont plus de 78 000 premiers permis de séjour qui ont été délivrés en France pour « raisons liées à l’éducation ». Des documents obtenus au terme d’un véritable parcours de combattant. Depuis 2010, en effet, tout candidat étranger doit passer par la plate-forme numérique de #Campus_France, un établissement sous la tutelle conjointe du ministère des Affaires étrangères et du ministère chargé de l’Enseignement supérieur, avec un réseau de plus de 200 espaces et antennes dans le monde.

      La candidature, appelée #demande_d’admission_préalable (#DAP), est payante. Pour soumettre un dossier de candidature, les étudiants doivent payer les frais de dossier en espèces, auprès d’une banque accréditée. Le montant varie d’un pays à un autre. Par exemple, pour les candidats sénégalais, il est de 50 000 FCFA (environ 75 euros), pour les étudiants turcs, il est de 430 LT (environ 98 euros), alors que pour les étudiants marocains, il est de 1 900 Dhms (environ 172 euros). Il est clairement mentionné que ces frais de dossier ne sont pas une garantie de préinscription et qu’ils ne sont, en aucun cas, remboursables même en cas de désistement, de non-admission ou de refus de visa.

      Ainsi, dans un premier temps, les étudiants étrangers doivent créer un compte sur le site Campus France et compléter un dossier pédagogique, en saisissant les informations personnelles et les justificatifs de diplômes. Les candidats doivent également fournir un certificat attestant de leur niveau en français, et ce, en effectuant un test de connaissance du français (TCF), payant, ou en présentant un diplôme équivalent.

      L’étape suivante consiste à envoyer le dossier pédagogique aux établissements français dans lesquels le candidat souhaite s’inscrire. En cas d’avis favorable de l’un d’entre eux, les services de Campus France convoquent l’étudiant pour un entretien afin de vérifier l’authenticité des documents fournis, son niveau de français, ses motivations et la cohérence de son projet. À l’issue de cet entretien, l’agent de Campus France donne son avis. S’il est favorable, le candidat est invité à prendre rendez-vous au consulat de France pour déposer sa demande de visa long séjour mention « étudiant ».

      Des démarches coûteuses…

      Tout étudiant ne disposant pas d’une bourse d’études doit présenter une attestation bancaire justifiant « du dépôt d’un ordre de transfert, permanent et irrévocable, d’un montant minimum de la contre-valeur de 615 euros par mois pour la durée du séjour (base de 12 mois pour une année scolaire ou universitaire) ». Cette somme est conséquente, puisque pour un étudiant marocain par exemple, cela représente deux fois le salaire minimum mensuel dans son pays. De fait, pour pouvoir déposer une demande de visa de long séjour pour études en France, un étudiant marocain doit avoir économisé l’équivalent de deux ans de salaire minimum !

      Gardons l’exemple des étudiants marocains, puisqu’ils arrivent en tête de classement des étudiants étrangers en France (38 000 en 2017). Depuis 2015, tous les consulats de France au Maroc ont externalisé la réception des dossiers de demande et de délivrance des #visas à un prestataire privé, la société #TLS-Contact. Ainsi, outre les frais inévitables de #visas – non remboursables en cas de refus, les demandeurs payent aussi des frais de service à TLS-Contact, équivalant à 269 dirhams (autour de 25 euros).

      À leur arrivée en France, les étudiants étrangers doivent se présenter, dans un délai de trois mois à compter de la date d’entrée, aux services de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (#OFII) de leur département d’installation, et ce, pour procéder aux formalités d’enregistrement. Une fois l’ensemble de démarches administratives accompli et en s’acquittant d’une taxe de 58 euros sous forme de timbres fiscaux, les passeports de ces étudiants étrangers se voient revêtus d’une vignette attestant l’achèvement des formalités.

      … et sans fin

      Dès leur deuxième année en France, les étudiants étrangers doivent demander une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant ». Selon l’article L.313-7 du CESEDA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) français, cette carte est accordée à « l’étranger qui établit qu’il suit en France un enseignement ou qu’il y fait des études et qui justifie qu’il dispose de moyens d’existence suffisants ».

      Le niveau de moyens d’existence estimé suffisant est équivalent à la demande initiale du visa long séjour, c’est-à-dire d’au moins 615 euros par mois. Ceci dit, le dossier de demande de cette première carte de séjour temporaire est composé, entre autres, d’un justificatif de ressources financières au montant défini ; un justificatif de domicile ; une attestation d’inscription dans un établissement d’enseignement supérieur et une attestation d’affiliation à une couverture sociale étudiante. La remise de ce premier titre de séjour exige l’acquittement d’une taxe de 79 euros sous forme de timbres fiscaux.

      Arrivés au terme de leur cursus, certains étudiants étrangers trouvent des opportunités d’emploi dans l’Hexagone et décident de s’y établir. Cette décision les expose de front à une nouvelle « carrière de papier » (Spire, 2005) aussi tracassante et complexe que les précédentes. En effet, pour qu’un étudiant étranger puisse séjourner légalement en France à l’issue de ses études supérieures et occuper une activité professionnelle salariée, il est soumis à une procédure administrative dite de « changement de statut », au terme de laquelle il passe de statut « étudiant » à celui de « travailleur temporaire » ou de « salarié ».

      Ceci étant dit, je vous laisse faire le calcul de la somme de tous ces frais (dossier Campus France + TLS-Contact + frais de Visa + timbres fiscaux à l’OFII) que les étudiants extra-européens paient pour poursuivre leurs études supérieures en France. Coûteuse, exigeant plusieurs mois de démarches, la procédure d’obtention d’un visa pour études Jamid, 2018 est révélatrice de la politique d’immigration sélective de la France. Une sélection qui relève à la fois d’une dimension sociale inégalitaire et d’apparentes logiques économiques, prescrites par les besoins économiques du marché du travail français.

      Des mesures contre-productives

      Beaucoup d’étudiants étrangers dépendent au cours de leur expatriation en France des ressources financières que leur procurent leurs familles. Nombreux d’entre eux sont originaires de milieux modestes. Pour subvenir aux différentes exigences matérielles liées au séjour de leurs enfants en France, nombreuses sont les familles qui parfois s’endettent. Avec cette nouvelle politique de frais d’inscriptions qui alourdit les charges pesant sur elles, il ne s’agira plus de « Bienvenue en France », mais plutôt « Allez ailleurs, ne venez pas en France » !

      Si les étudiants étrangers sont souvent considérés comme des candidats « désirables » à l’immigration en France, correspondant parfaitement aux canons de ce que vous appelez « l’#immigration_choisie », il n’en demeure pas moins qu’ils sont traités comme tout étranger, soupçonné en permanence de devenir ultérieurement en situation juridique irrégulière.

      En 2014, Campus France a réalisé une étude auprès d’un échantillon représentatif afin de cerner l’apport économique des étudiants étrangers à la vie du pays. Selon les résultats de cette enquête, en ligne :

      « Alors que le coût de ces étudiants étrangers pour le budget de l’État peut être évalué à 3 milliards d’euros environ, l’apport des étudiants l’économie française se monte à 4,65 milliards d’euros dont : 3 250 millions euros en consommation quotidienne de biens et services ; 563 millions euros en frais d’inscription et de scolarité ; 364 millions euros en dépenses de transport aérien auprès d’opérateurs français ; 466 millions euros de dépenses des proches qui rendent visite aux étudiants. »

      Peut-être les responsables politiques devraient-ils faire un tour pendant leurs vacances dans des villes comme Brest, Nancy ou Mulhouse, où les étudiants étrangers dynamisent la vie locale. Leurs habitants le confirmeront !

      https://theconversation.com/debat-bienvenue-en-france-aux-etudiants-etrangers-vraiment-107291

    • La Cour des comptes préconise une hausse des droits d’inscription à l’université

      L’institution recommande, dans un rapport que s’est procuré « Le Monde », la fin de la quasi-gratuité de l’université, en priorité en master.

      Après la sélection, la quasi-gratuité constitue probablement l’un des derniers principes tabous à l’université, qu’aucun gouvernement n’a remis en cause depuis une trentaine d’années et le projet de loi Devaquet, en 1986, abandonné face aux milliers d’étudiants dans la rue. Dans un rapport intitulé « Les droits d’inscriptions dans l’enseignement supérieur public », que Le Monde s’est procuré, la Cour des comptes remet ce sujet inflammable sur la table et propose rien moins qu’une augmentation substantielle des droits d’inscription, en priorité en master.

      Ce document encore confidentiel de 200 pages, qui doit être transmis aux membres de la commission des finances de l’Assemblée nationale dans les prochains jours, survient dans un contexte qui n’a rien d’anodin. Commandé par le député du Calvados de la majorité LRM (La République en marche), Fabrice le Vigoureux, il ne manquera pas de faire écho aux mesures annoncées par le gouvernement le 19 novembre, sur l’augmentation de plusieurs milliers d’euros des droits d’inscription des étudiants étrangers extra-européens. Celles-ci ont provoqué une levée de boucliers chez les deux principales organisations étudiantes (UNEF et FAGE) et certains syndicats enseignants, dénonçant une première entaille au principe de gratuité risquant d’en appeler d’autres.

      https://www.lemonde.fr/education/article/2018/11/21/la-cour-des-comptes-envisage-une-augmentation-des-droits-d-inscription-a-l-u

    • Pour attirer les étudiants étrangers, le gouvernement veut… les faire fuir

      Le Premier ministre vient d’annoncer le décuplement des frais de scolarité des étudiants étrangers. Injustice faite aux étudiants ressortissants des pays les plus pauvres, coup porté au dynamisme de l’enseignement et de la recherche en France, ce projet emporte avec lui une réforme encore plus radicale : comment ne pas penser qu’après les étrangers viendra le tour de tous les étudiants, avec pour conséquence le renoncement aux études supérieures pour les plus démunis ou un surendettement massif pour ceux qui persisteraient ?

      À les entendre, nous pourrions penser que le président de la République et son Premier ministre, qui se piquent d’être des gens de lettres, ont, récemment, décidé d’apprendre aux Françaises et aux Français à maîtriser toutes les subtilités de la rhétorique. Après le pseudo mea-culpa du premier dans lequel il nous expliquait qu’il n’avait « pas réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants », nous donnant ainsi une magnifique illustration de l’« euphémisme » (ainsi que le notait Cécile Alduy sur Twitter).

      https://aoc.media/opinion/2018/11/23/attirer-etudiants-etrangers-gouvernement-veut-faire-fuir
      #paywall

    • Faire payer les étudiants étrangers pour mieux faire s’endetter tous les étudiants

      Six universitaires critiquent la hausse des frais universitaires pour les étudiants étrangers, estimant que « si le gouvernement s’engageait dans cette voie (…) les conséquences sociales de cette politique (…) contribueront à fortement éloigner des jeunes des études supérieures (…) et à l’endettement massif de ceux qui s’y engageraient ».

      Le Premier ministre vient de franchir une nouvelle ligne rouge. Celle qui conduira inexorablement à l’#inégalité de la jeunesse devant le savoir.

      L’annonce a été ainsi faite lors des Rencontres universitaires de la francophonie de l’augmentation des frais d’inscription dans les universités françaises qui passeront de 200 à environ 3 500 euros pour les étudiants extra-communautaires. Une réforme qui serait nécessaire car nous dit Edouard Philippe « Un étudiant étranger fortuné paie les mêmes droits d’inscription qu’un étudiant français peu fortuné dont les parents résident, travaillent et paient des impôts en France depuis des années. C’est absurde et injuste ». Mais rassurons-nous, la tradition humaniste française sera respectée, le nombre de bourses d’études, en priorité en direction des pays du Maghreb et d’Afrique, sera triplé passant de 6000 à 21 000. Et cette mesure devrait même rendre la France plus attractive nous assure sans rire le gouvernement alors même qu’une étude menée par France Stratégie, en 2015 indiquait que le nombre d’étudiants a mécaniquement baissé dans les pays qui ont augmenté leurs droits comme en Suède où la chute a été de 80%.

      Mais ne nous y trompons pas, derrière cette annonce qui se veut de « bon sens », faite en pleine crise des gilets jaunes et le jour de l’annonce du retour du service national pour sans doute passer inaperçue, se cache une réforme plus radicale pour le service public de l’Enseignement Supérieur et concerne bien plus que les 320 000 étudiants étrangers inscrits dans nos universités. Car après les étrangers viendra le tour de tous les étudiants, avec pour conséquences à terme le renoncement aux études supérieures pour les plus démunis ou un surendettement massif pour ceux qui persisteraient.

      En effet, cette histoire est ancienne et nous en connaissons la fin. En Grande-Bretagne, l’idée de faire payer les étrangers a été initiée dès 1980 par M. Thatcher puis amplifiée par T. Blair et les gouvernements successifs. Elle a permis d’installer dans les esprits que l’accès au savoir n’était pas un droit pour tous mais un service comme un autre, et qu’à ce titre l’usager, devait payer pour cela. C’est ainsi que les frais d’inscription qui étaient quasi nuls en 1980 ont vu, après cette réforme réservée initialement aux étrangers, leur augmentation s’étendre progressivement à tous les étudiants et s’élèvent aujourd’hui en moyenne à plus de 10 000£.

      Et n’en doutons pas, il en sera de même en France. D’une part parce que l’Etat se désengage et les universités se paupérisent - cette année l’augmentation 500 millions de leurs budgets est inférieure à l’inflation. D’autre part parce que nombreux sont ceux qui réclament cette augmentation, et depuis fort longtemps. Ainsi la Cour des comptes vient elle même de préconiser cette augmentation dans un rapport commandé par un député de la République en Marche. Pour certains les droits élevés garantiraient un "nouveau contrat entre les étudiants et les universités", augmenteraient leur motivation tandis que leur statut d’usager leur permettrait d’imposer de plus fortes exigences de qualité des services fournis aux universités. Ces frais élevés seraient d’ailleurs un « signal de qualité » en direction des publics internationaux si l’on en croit Anne-Lucie Wack, présidente de la Conférence des grandes écoles. Pour d’autres l’augmentation de ces droits permettrait plus prosaïquement de compenser très partiellement le manque de ressources des universités. Rappelons que ces droits représentent environ 2% des budgets des universités et 10 à 15% de leurs frais de fonctionnement.

      Un argument de « justice sociale » est aussi invoqué. Certains expliquent en effet que des frais uniques et de faible montant est en fait une fiction accentuant les inégalités. Leur raisonnement est le suivant : ce sont les jeunes les plus favorisés qui font les études les plus longues et les moins chères - or cet investissement est payé par toute la Nation, notamment via la demi-part fiscale dont bénéficient leurs parents, Il en résulte un « rendement privé » important puisque les salaires les plus élevés dont bénéficient les actifs diplômés sont ainsi financés par cette subvention publique importante payée par tous. Aussi la quasi gratuité de l’Enseignement Supérieur ne serait pas redistributive et serait contraire aux ambitions d’égalité de la République.

      Selon eux, pour compenser, il faudrait augmenter les frais d’inscription, quitte à le faire avec des tarifs progressifs selon les revenus des parents ou les revenus ultérieurs attendus (les étudiants en médecine ou en droit pourraient payer plus chers). Et pour payer ces frais élevés, la solution préconisée le plus souvent est le recours à l’emprunt, au prêt d’études garanti par l’Etat remboursable avec le premier emploi. Cette politique est celle menée dans de nombreux pays avec les effets néfastes que nous connaissons. Aux Etats-Unis par exemple, modèle des promoteurs de ce financement par l’emprunt, la dette contractée par les étudiants est d’environ 25 000$. Son total qui s’élevait à 500 milliards de dollars en 2008 est aujourd’hui de 1500 milliards de dollars, une menace pour l’économie au moins aussi importante que celle des subprimes en 2008 puisque de plus en plus de jeunes diplômés sont en surendettement et incapables de rembourser leurs dettes. Cet endettement est tel que certains encouragent d’ailleurs les jeunes à ne pas faire d’études.

      Ainsi, partout où cela a été fait, l’augmentation des frais d’inscription réservé aux étrangers a conduit à l’augmentation des frais pour tous puis à l’endettement des étudiants qui voulaient poursuivre leurs études. Si le gouvernement s’engageait dans cette voie comme la logique du processus le suggère, les conséquences sociales de cette politique seront immédiates. Elles contribueront à fortement éloigner des jeunes des études supérieures (seuls 4 jeunes sur 10 obtiennent un diplôme d’enseignement supérieur) et à l’endettement massif de ceux qui s’y engageraient (1 étudiant sur 2 est obligé de travailler pour subvenir à ses besoins).

      Elle sera injuste car ces augmentations pénaliseront essentiellement les familles les plus modestes dont les enfants s’inscrivent dans les premiers cycles universitaires. Par ailleurs, elle conduira de nombreux jeunes à entrer dans la vie active handicapés par un emprunt initial, créant au delà des difficultés individuelles une situation économique potentiellement dangereuse pour le pays.

      Pour faire accepter cette transformation, le gouvernement a choisi indignement de commencer par commodité de montrer du doigt ces étrangers qui viendraient profiter des largesses françaises. C’est faire mine d’oublier que le rayonnement international de la France a besoin d’accueillir ces étudiants étrangers ; la francophonie notamment y perdrait, la Chine ayant de son côté une action de « coopération » extrêmement énergique vers le continent africain. C’est faire mine d’oublier que ces étudiants étrangers par leur consommation participent au développement économique des villes universitaires dans lesquelles ils vivent. C’est faire mine d’oublier que les liens qu’ils auront noués au cours de leur scolarité se retrouveront souvent dans les partenariats économiques et culturels qu’ils pourront établir ensuite entre leur pays d’origine et la France.

      Mais au delà de cette mesure injuste, il s’agit là de la première étape d’un processus plus vaste pour imposer mezza voce une vision libérale de l’Enseignement Supérieur qui fait passer d’un financement public par l’impôt à un financement par endettement privé. Notons que cette politique libérale a déjà été mise en œuvre par le gouvernement dans le secteur hospitalier via le développement des mutuelles privées, notons qu’il vient d’ailleurs de la même façon d’acter des frais d’hospitalisation plus élevés pour les étrangers venant se faire soigner en France. Refusons cette réforme et rappelons avec force que l’université française doit demeurer un service public qui élabore et transmet des savoirs permettant à chacun d’acquérir la maitrise de son destin, professionnel mais aussi intellectuel et citoyen.

      https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/241118/faire-payer-les-etudiants-etrangers-pour-mieux-faire-sendetter-tous-
      #endettement #taxes_universitaires

    • Message du Directeur du Cabinet de la Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation adressé aux établissements relevant du ministère français de l’enseignement supérieur

      –-> message reçu par email via mon université

      Mesdames et messieurs les présidents et directeurs,
      Le Gouvernement français a lancé une stratégie d’#attractivité pour les étudiants internationaux incluant :

      – une simplification de la politique des #visas,
      – la multiplication des formations en français langue étrangère et en anglais,
      – une démarche de généralisation et de #labellisation des programmes d’accueil et d’accompagnement des étudiants étrangers mis en place dans les établissements
      – et une campagne de #communication mondiale, sous l’égide de Campus France.

      La France se fixe ainsi l’objectif d’accueillir un demi-million d’étudiants étrangers d’ici 2027. En parallèle, des moyens sont mobilisés pour accompagner le déploiement hors de France des campus et des formations des universités et des écoles françaises, notamment en #Afrique.

      Dès la rentrée 2019, les droits d’inscription seront différenciés en France pour les étudiants internationaux hors Union européenne. Ils resteront inférieurs au tiers du coût réel des formations mais permettront d’augmenter significativement les ressources propres des universités et des écoles. Vous aurez ainsi les moyens de renforcer l’attractivité et la #visibilité de vos établissements vis-à-vis des étudiants internationaux. Dans le même temps, le nombre de #bourses et #exonérations sera triplé.

      J’attire votre attention sur trois points essentiels :
      – Les #droits_différenciés concernent les étudiants internationaux hors Union Européenne, Suisse et Québec. Ils ne s’appliquent pas aux étudiants internationaux d’ores et déjà présents dans vos établissements et qui, à la rentrée 2019, poursuivront leurs études au sein d’un même cycle (L, M ou D). Vos établissements sont par ailleurs en mesure, dans le cadre de leur stratégie d’attractivité et d’accueil, de prévoir une exonération pour les étudiants internationaux changeant de cycle.
      – Le nombre de bourses et exonérations à destination des étudiants étrangers sera triplé, prioritairement à destination des étudiants venus de pays du Maghreb ou d’Afrique. Les universités auront la possibilité d’accorder des bourses et des exonérations, totales ou partielles, notamment dans le cadre des accords de coopération entre universités et écoles (Erasmus+, cotutelle de thèse, par exemple).
      – Les doctorants internationaux bénéficieront de programmes spécifiques de soutien permettant de maintenir l’attractivité des laboratoires de recherche. Les droits d’inscription des doctorants internationaux pourront être pris en charge dans le cadre de financements qui soutiennent les projets de recherche auxquels ils participent.

      Les services du ministère vous feront parvenir les documents techniques nécessaires à la mise en place de ces nouvelles mesures tout au long de l’année.
      Bien cordialement,
      Philippe Baptiste

      –-----

      Qui est concerné par le paiement des droits d’inscription différenciés ?

      Les étudiants extra-européens qui s’inscrivent pour la première fois dans un cycle supérieur de formation en France seront amenés à acquitter des droits d’inscription différenciés. Ces droits concernent les établissements relevant du ministère français de l’enseignement supérieur.

      Ne sont pas concernés par le paiement de ces droits différenciés :
      – Les étudiants ressortissants d’un pays de l’Espace économique européen ou de la Suisse ;
      – Les étudiants de nationalité canadienne domiciliés au Québec, conformément aux accords franco-québécois ;
      – Les étudiants venant en France dans le cadre d’un partenariat entre universités qui prévoit une telle exonération, notamment les étudiants qui ne sont pas ressortissants d’un pays de l’UE et qui sont accueillis dans le cadre des programmes d’échange du type Erasmus+ ;
      – Les étudiants réfugiés ou bénéficiaires de la protection subsidiaire, qui seront naturellement exonérés ;
      – Les étrangers ayant le statut de résidents en France ou dans l’Union européenne ainsi que les étudiants étrangers présents en France au titre de la vie privée et familiale ;
      – Les étudiants déjà inscrits dans un cycle d’étude (Licence, Master ou Doctorat) et le poursuivant en 2019 ;
      – Les étudiants actuellement inscrits dans une formation préparatoire à l’entrée en Licence, Master ou Doctorat (comme les formations en FLE) et entrant dans un cycle en 2019.
      Sont également exonérés les étudiants bénéficiant d’une bourse du Gouvernement français ou d’une exonération de droits d’inscription, accordée par l’ambassade de France dans leur pays d’origine ou de résidence. Les universités pourront également accorder des bourses et des exonérations.

    • #Choose_France

      Sommet sur l’attractivité de la France

      A l’initiative d’Emmanuel Macron, Président de la République française, le sommet sur l’attractivité de la France s’est tenu le lundi 22 Janvier à Versailles en présence de 140 dirigeants d’entreprises internationales.

      A cette occasion Facebook a annoncé le développement de son pôle de recherche sur l’#intelligence_artificielle en France. A ce titre, le nombre de chercheurs du #Facebook_Artificial_Intelligence_Researchers (#FAIR) Paris passera de 30 à 60 et le groupe va investir 10 millions d’euros supplémentaires d’ici 2022, soit un triplement des sommes qu’il y consacre.

      #Google, a lui-aussi fait part, hier, de ses intentions en matière d’intelligence artificielle dans l’Hexagone. L’entreprise va ouvrir un centre de #recherche_fondamentale dévolue à l’intelligence artificielle en France . Il s’agira du troisième centre du groupe en la matière, après ceux de Mountain View, en Californie, et Zurich, en Suisse. Il sera installé dans le siège parisien de Google, qui s’étendra sur 6000 M2 supplémentaire pour devenir un « campus ».

      Enfin, le principal éditeur européen de logiciels, SAP, annoncé hier son intention d’investir 150 Millions d’euros par an en France pendant les cinq prochaines années. Ces investissement concernent la recherche et développement.

      Toujours pour favoriser l’attractivité de la France, Edouard Philippe, Premier Ministre, s’est engagé à développer l’offre scolaire internationale en France. Le gouvernement promet un « #accueil_personnalisé » aux familles qui s’installent en France. « Un numéro de téléphonique unique, un guide interactif et un outil cartographique présentant l’ensemble de l’offre éducative, seront mis à disposition des familles pour simplifier leurs démarches » précise-t-il. Trois nouveaux #lycées_internationaux devraient également voir le jour d’ici la rentrée 2021.

      https://www.campusfrance.org/fr/choose-france

      Dans le dossier de presse ("STRATÉGIE D’ATTRACTIVITÉ
      POUR LES ÉTUDIANTS INTERNATIONAUX"), quelques statistiques et chiffres :

    • Augmenter les frais d’inscription des étudiants étrangers ? Pas en mon nom

      Alors que l’asphyxie financière des universités est méthodiquement planifiée depuis des années par les majorités successives, le Premier ministre a présenté l’augmentation prochaine des droits de scolarité des étudiants étrangers comme un vecteur de ressources nouvelles et d’attractivité à l’international des universités françaises.

      L’augmentation prochaine des frais d’inscription des étudiants non-européens dans l’enseignement supérieur public a été annoncée par le Premier ministre le 19 novembre 2018. Conformément à la tradition de novlangue orwellienne à laquelle le « nouveau monde » a systématiquement recours, il a inséré cette discrimination tarifaire a priori désincitative pour les usagers dans le cadre d’une « stratégie d’attractivité pour les étudiants internationaux », dénommée non sans humour « Bienvenue en France », et n’a pas manqué de présenter comme une « révolution » sa réforme d’essence conservatrice.

      Pour la rentrée universitaire 2019/2020, à suivre le Premier ministre « les étudiants internationaux qui ne résident pas dans l’Espace économique européen paieront des frais d’inscription correspondant approximativement au tiers du coût réel de leur formation » ; concrètement, et s’agissant en particulier des formations universitaires où sont inscrits 70% des étudiants internationaux, il est annoncé que ces étudiants devront s’acquitter de 2 770 euros de droits de scolarité au lieu des 170 euros actuellement prévus « pour tous » afin de s’inscrire dans l’une des trois années conduisant à la délivrance du diplôme de licence, et 3 770 euros pour une inscription en diplôme de master ou de doctorat – contre 243 euros et 380 euros actuellement (v. l’annexe de l’arrêté du 21 août 2018 fixant les droits de scolarité d’établissements publics d’enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l’enseignement supérieur ; plus généralement, v. le chapitre « Les étudiants » que l’auteur de ce blog a publié in : Bernard Beigner et Didier Truchet (dir.), Droit de l’enseignement supérieur, LGDJ, novembre 2018, p. 345-390).

      Le Premier ministre n’a pas précisé si ces futurs tarifs à quatre chiffres s’appliqueront aux seuls étudiants internationaux inscrits pour la première fois à partir du 1er septembre 2019, où s’ils seront également opposables aux étudiants internationaux déjà inscrits en France en cette année universitaire 2018/2019 et qui ont vocation à poursuivre leur cursus l’année prochaine.

      Le discours du Premier ministre prononcé à cette occasion est abstrait et déconnecté des réalités. Il suffit à cet égard de relever que, à le suivre, la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants a « amélioré l’accueil et l’accompagnement de nos étudiants et (mis) un terme à un système qui conduisait trop souvent à l’échec en licence ». Or, cette affirmation est factuellement erronée, car d’une part la loi ORE n’a rien changé aux conditions, dramatiques pour un pays tel que le nôtre, d’accueil et d’accompagnement des étudiants – il faudrait drastiquement augmenter le budget des universités pour cela –, et d’autre part Parcoursup, qui est un mécanisme de sélection en forme de supplice chinois, a pour résultat concret de créer des filières universitaires duales : celles où ont été acceptés les meilleurs élèves de terminale qui n’ont pas voulu ou pas pu accéder à l’enseignement supérieur ouvertement sélectif, et où le taux de réussite sera amélioré ; les autres filières « choisies » par défaut au carré voire au cube, où c’est le taux d’échec qui sera amélioré. En termes de « réussite » en licence, Parcoursup est globalement un jeu à somme nulle, aux sens propre et figuré.

      Le Premier ministre affectionne le mot « horizon » – peut-être pour l’aspect visionnaire que tel ou tel Candide, s’il en reste, pourrait prêter à celui qui l’emploie. Il a ainsi évoqué le 6 septembre 2018 « l’horizon 2035 » (sic) – soit dans dix-sept ans – pour la réduction à 50% de la part du nucléaire dans la production d’électricité. S’agissant de la stratégie présentée le 19 novembre, il a visé un peu moins loin dans la perspective temporelle, et s’en est tenu à un « objectif d’atteindre 500 000 étudiants en mobilité à l’horizon 2027 », soit quand même dans neuf ans, sans au demeurant qu’il nous explique pourquoi il a précisément choisi cette année là du 21ème siècle. Il a parallèlement fait savoir que « d’ici 2025, le nombre d’étudiants en mobilité internationale aura doublé, passant de plus de 4,6 à 9 millions ». A supposer que ces prévisions dignes de Nostradamus soient exactes, il faudrait en réalité, pour que la France ne perde pas sa part relative d’attractivité des étudiants en mobilité, plus que doubler leur nombre actuel – 324 000, dont 70% suivent une formation dans les universités – d’ici à 2027, c’est-à-dire donc en accueillir au moins 648 000 et non « seulement » 500 000 comme le projette le Premier ministre.

      Les chiffres avancés par le Premier ministre évoquent « en creux » un fort ralentissement de la dynamique de progression de l’attractivité des universités françaises : une augmentation de 50% du nombre des étudiants internationaux est projetée pour 2027, là où cette augmentation devrait être d’au moins 100%... Il serait utile de s’interroger sur les causes de cette grave perte d’influence de la francophonie, qui ne sont évidemment pas dues à la quasi-gratuité de l’inscription dans les filières universitaires.

      L’explication de cette multiplication par dix ou seize des frais d’inscription des étudiants étrangers laisse pour le moins dubitatif : le Premier ministre trouve « absurde » et « injuste » qu’un étudiant non-européen « fortuné » « paie les mêmes droits d’inscription qu’un étudiant français peu fortuné dont les parents résident, travaillent et paient des impôts en France depuis des années ». Dans le monde théorique d’Edouard Philippe, tous les étudiants non internationaux sont des étudiants français, tous ces étudiants français ont non pas un mais des parents, tous ces étudiants français ont des parents qui tous deux résident en France (quid des ressortissants européens), tous ces étudiants français ont deux parents qui résident en France et qui tous deux paient des impôts, et « donc » qui financent indirectement ces services publics administratifs que sont les établissements universitaires. A contrario, dans le monde théorique d’Edouard Philippe, un étudiant international est originaire d’un pays où le niveau de vie est comparable au nôtre et où donc 2 770 euros ou 3 770 euros représentent « en vrai » 2 770 euros ou 3 770 euros ; cet étudiant arrive en France sans frais ; il y trouve immédiatement, d’un simple clic sur internet, un logement meublé pour lequel il ne paye pas de loyer ; il mange gratis ; il ne s’acquitte d’aucun impôt ou taxe lorsqu’il suit son cursus. La technocratie, c’est exactement cela : un administrateur qui modèle à sa façon, telle qu’il l’imagine, une réalité qu’il ne connait pas, pour lui donner l’aspect qu’il souhaite qu’elle possède et non celui qu’elle a.

      Quant aux ressources supplémentaires susceptibles d’être générées par cette augmentation des frais d’inscription, il suffit d’avoir à l’esprit que la loi de finances peut immédiatement les neutraliser en diminuant d’autant les ressources étatiques attribuées aux universités, par un jeu de bonneteau auquel nous sommes désormais fort habitués depuis mai 2017.

      En clair, ce projet vise à évincer les étudiants africains au profit des étudiants d’autres régions du monde (Maryline Baumard, « Les étudiants africains, laissés-pour-compte de la nouvelle stratégie française », Le Monde, 19 novembre 2018) ainsi que l’a reconnu le Premier ministre par une formule faussement volontariste (« Les étudiants indiens, russes, chinois seront plus nombreux et devront l’être »), et ne fait que préparer les esprits à la hausse des frais d’inscription « pour tous » telle que la préconise la Cour des comptes (965 euros en master et 781 euros en doctorat, pour obtenir 432 millions d’euros de ressources supplémentaires, prélude à une baisse équivalente des dotations étatiques : Camille Stromboni, « La Cour des comptes préconise une augmentation des droits d’inscription à l’université », Le Monde, 21 novembre 2018 ; Camille Stromboni, « La hausse des droits d’inscription pour les étudiants français et européens écartée par le gouvernement », Le Monde, 21 novembre 2018), alors que l’Etat entretient savamment la pénurie, et désormais la disette, budgétaire et financière pour la plupart des universités, là où des établissements « sélectifs » du supérieur sont au contraire favorisés.

      Des voix se sont déjà élevées contre ce projet (v. Eric Fassin et Bertrand Guillaume, « Attirer les plus riches, et en même temps, écarter les plus pauvres », Le Monde, 21 novembre 2018 : « Faire payer leur formation par les étudiants, et non par l’Etat, c’est refuser d’investir collectivement dans l’avenir » ; Augusta Lunardi, « Monsieur le premier ministre, vous ne connaissez pas notre réalité », Le Monde, 21 novembre 2018 ; Menel Zeggard, « Universités françaises, salons de manucure, mêmes combats », Blog Mediapart, 21 novembre 2018 ; Hugo Harari-Kermadec, entretien avec Faïza Zerouala, « Une logique contraire au service public », Mediapart, 20 novembre 2018 ; Hicham Jamid, « Bienvenue en France aux étudiants étrangers, vraiment ? », The Conversation, 20 novembre 2018). Des enseignants-chercheurs des universités ont lancé le 22 novembre 2018 une pétition en ligne « pour le maintien d’un enseignement supérieur ouvert et accessible à tous ».

      A ces justes critiques et réflexions, on ajoutera trois remarques.

      L’une est personnelle à l’auteur de ce blog qui, à l’instar sans doute de beaucoup d’universitaires, tire grande fierté au quotidien d’être partie prenante au fonctionnement d’une institution qui non seulement ne monnaye pas la diffusion des savoirs, mais en offre l’accès au plus large public, sans distinction aucune entre usagers, y compris en termes de nationalité ou de lieu de résidence des parents, autre que la judicieuse continuité entre les parcours scolaire et universitaire prévue à l’article L. 612-2 du Code de l’éducation.

      La deuxième porte sur les montants qu’il est envisagé de demander aux étudiants internationaux, présentés par le Premier ministre, on l’a vu, comme « correspondant approximativement au tiers du coût réel de leur formation ». Pour l’inscription en doctorat en droit au moins, cette affirmation mériterait d’être étayée ou relativisée selon les disciplines : à l’expérience, il semble tout à fait improbable qu’un doctorant en droit « coûte » à l’université 11 310 euros (3 770x3) euros par année d’inscription. On ajoutera, comme directeur de site universitaire accueillant quelque 3 000 étudiants en première et deuxième années de licence en droit ou en science politique, que payer 2 770 euros par an pour étudier dans des locaux inadaptés, sans bibliothèque universitaire, avec une salle de lecture pouvant contenir 100 personnes où la moquette est inchangée depuis l’ouverture du centre au milieu des années 1990, avec des toilettes plus que vétustes, où les amphithéâtres ont une capacité d’accueil de 500 étudiants, est une somme qui paraît largement excessive au regard des prestations matérielles offertes aux usagers.

      La dernière est d’ordre purement juridique, et tient notamment à l’application du principe d’égalité de traitement entre usagers d’un même service public.

      A partir du 1er septembre 2019 donc, il devrait y avoir une distinction tarifaire entre deux catégories d’usagers du service public universitaire, selon leur nationalité : les français et assimilés d’une part ; les étudiants internationaux de l’autre.

      La jurisprudence constante du Conseil d’Etat depuis un arrêt connu de tous les étudiants de deuxième année de licence en droit (CE 10 mai 1974, Denoyez et Chorques), constamment confirmée depuis (v. par exemple, pour une différentiation tarifaire dans l’accès des moins de 26 ans aux musées nationaux : CE 18 janvier 2013, SOS Racisme), n’admet, pour un même service rendu, la légalité de telles distinctions tarifaires établies par le pouvoir réglementaire que si l’une des conditions suivantes peut être remplie, et sous réserve que ces différences ne soient pas manifestement disproportionnées au regard des objectifs poursuivis : l’existence d’une nécessité d’intérêt général en rapport avec les missions des établissements concernées, qui permet de déroger au principe d’égalité ; l’existence entre les usagers de différences de situations appréciables, qui rend inapplicable le principe d’égalité.

      A supposer même que l’objectif poursuivi par le Premier ministre soit intelligible et ne consiste pas uniquement à abonder le budget de l’Etat par un financement spécifique à certains usagers, aucune de ces deux exceptions au principe d’égalité de traitement des usagers du service public de l’enseignement supérieur ne semble ici présente (cependant, pour un point de vue plus nuancé, v. Cédric Mathiot, « Le gouvernement va faire payer plus cher les étudiants étrangers : est-ce légal ? », liberation.fr, 21 novembre 2018 : « concernant les étudiants primo-arrivants, n’ayant donc aucune attache en France, aucun texte ne semble pouvoir empêcher l’application de frais différenciés » - v. toutefois l’article L. 123-2 du Code de l’éducation cité plus loin).

      D’une part, il n’existe pas de différence de situation objectivement appréciable, au regard du fonctionnement de l’université, entre étudiants français ou européens d’un côté et étudiants internationaux de l’autre.

      Certes, le Conseil d’Etat a depuis les années 1980 admis la légalité de tarifs différentiels selon que les parents d’un élève sont ou non contribuables d’une commune (par exemple : la prise en charge d’une partie du coût de la cantine scolaire ou d’une école de musique par le budget communal justifie un tarif préférentiel au profit des élèves domiciliés dans la commune), de sorte qu’il peut paraître cohérent d’instaurer une différentiation des frais d’inscription dans le supérieur selon que les parents des étudiants résident ou non en France. Mais cette analogie est trompeuse, en ce que la jurisprudence établie concerne des services publics locaux et non nationaux (il ne viendrait à personne de prôner une différentiation tarifaire pour l’inscription d’un étudiant dans une université située dans un autre ressort que l’académie où il a passé son bac). Le Conseil d’Etat valide ce type de différentiation tarifaire locale au motif que les parents ne paient par construction jamais d’impôts locaux dans la commune où se trouve le service public dans lequel est inscrit leur enfant, commune où cet enfant ne fait que passer ponctuellement ; or, en l’occurrence, un étudiant international s’établissant en France participera en continu, le temps de sa formation, à l’alimentation du budget de l’Etat d’une manière comparable à celle des étudiants français et assimilés, étant entendu qu’un étudiant n’est normalement pas assujetti à l’impôt sur le revenu, lequel n’est acquitté que par 43% des foyers fiscaux. Davantage même, les étudiants internationaux inscrits dans les universités françaises sont, dès leur arrivée en France, une source importante de recettes pour les finances publiques nationales (v. Campus France, « Au-delà de l’influence : l’apport économique des étudiants étrangers », Note n° 45, novembre 2014 : l’accueil de 295 000 étudiants internationaux coûte 3 milliards d’euros par an mais rapporte dans un même temps 4,65 milliards à la France), et par conséquent participent au moins autant sinon plus encore que la plupart des étudiants français ou assimilés au financement des établissements du supérieur via le budget de l’Etat. Qu’ils soient français ou non, les étudiants sont des usagers dans une situation objectivement identique par rapport au service public national de l’enseignement supérieur - il en va de plus fort ainsi pour ceux des étudiants internationaux qui ne sont pas « néo-arrivants » mais suivent un cursus depuis au moins une année universitaire, même s’ils changent de cycle (passage en master ou en doctorat) en cours de cursus.

      L’on signalera au surplus qu’en évoquant les étudiants non-européens « fortunés », le Premier ministre a laissé entendre que la discrimination tarifaire qu’il a annoncée était en réalité assise sur les ressources des familles, alors qu’il a envisagé la mise en place d’une discrimination tarifaire selon le domicile des familles (celles qui résident en France et celles qui n’y résident pas). Il faudrait choisir...

      D’autre part, on ne voit guère quelle nécessité d’intérêt général en rapport avec les missions du service public universitaire telles que définies par l’article L. 123-2 du Code de l’éducation pourrait justifier la discrimination sur la nationalité annoncée par le Premier ministre.

      On le voit d’autant moins que ce projet discriminatoire paraît manifestement contraire aux 3° et 3 bis° de cet article, qui disposent que le service public de l’enseignement supérieur contribue « à la lutte contre les discriminations, à la réduction des inégalités sociales » et « à la construction d’une société inclusive. A cette fin, il veille à favoriser l’inclusion des individus, sans distinction d’origine (et) de milieu social (…) ». Sans distinction d’origine et de milieu social…

      Au surplus, ce projet est de nature, contrairement à l’objectif affiché, à dé-favoriser l’attractivité des universités françaises, ainsi que l’a reconnu un universitaire pourtant favorable à l’augmentation différenciée des frais d’inscription (Jean-Paul Gayant, « Augmenter les droits d’inscription à l’université, c’est faire le pari de l’excellence », Le Monde, 21 novembre 2018 : « La hausse des droits d’inscription pour les étudiants étrangers devrait, dans un premier temps, faire sensiblement diminuer leurs effectifs dans les établissements français. Mais, dans un second temps, par la grâce (sic) d’un signal de meilleure qualité (sic), leur nombre et leur niveau devrait (sic) substantiellement progresser. C’est enfin le pari de l’excellence (sic) qui est fait dans ce domaine »). On a d’ailleurs déjà indiqué que, en présentant son projet, le Premier ministre faisait lui-même ce pari d’une augmentation de 50% « seulement » du nombre des étudiants internationaux, là où cette augmentation aurait dû être de 100%.

      Enfin, en tout état de cause, l’écart entre les droits de scolarité des étudiants français et européens et ceux qui seront demandés aux étudiants internationaux est à ce point important – une amplitude de dix à seize, on l’a dit –, qu’il paraît impossible d’en déduire « que la différence de traitement qui en résulte n’est pas manifestement disproportionnée au regard de l’objectif » (CE 18 janvier 2013, SOS Racisme, préc.) poursuivi par les annonces du Premier ministre, cette disproportion manifeste paraissant attentatoire au principe d’égalité de traitement des usagers d’un service public.

      Le Premier ministre s’est félicité à l’avance de « l’équité solidaire » (sic) qui consisterait à ajouter 14 000 bourses aux 8 000 existantes au bénéfice des étudiants internationaux, alors que dans la période considérée 180 000 étudiants internationaux de plus sont espérés. Concrètement donc, sur 500 000 étudiants internationaux, 21 000 pourront éventuellement être boursiers - 4% ! -, quand au moins 479 000 ne le seront pas…

      La « stratégie » est claire : elle vise à attirer en France les étudiants internationaux aisés, autrement dit les filles et les fils des « premiers de cordée » dans leurs pays respectifs. C’est à eux et à eux seuls que s’adresse le slogan « Bienvenue en France ».

      Le risque que cette « stratégie » échoue, à l’instar de la politique fiscale du « ruissellement », est non négligeable : on a beaucoup de mal à adhérer à l’intuition que l’augmentation des frais d’inscription pour les seuls étudiants étrangers est susceptible, à conditions d’accueil et à situation budgétaire constantes, de rehausser le prestige des universités françaises à l’international, et donc de faire « ruisseler » les étudiants non-européens vers nos universités.

      Mais en 2027, qui ira demander des comptes à Edouard Philippe si la « révolution » qu’il a annoncée le 19 novembre 2018 se révélait être un cuisant échec ?

      https://blogs.mediapart.fr/paul-cassia/blog/221118/augmenter-les-frais-d-inscription-des-etudiants-etrangers-pas-en-mon

    • Face à la hausse des frais d’inscriptions, 2 étudiantes chinoises s’interrogent sur leur avenir

      Nous recevons aujourd’hui (mettre les noms) pour parler de la hausse des frais d’inscription des étrangers extra-communautaires dans les facultés françaises. Si l’objectif affiché semble ambitieux (faciliter les formalités, augmentation du nombre d’étudiants boursiers), il augmente par contre fortement les frais d’inscription, en les multipliant par 10. Même si ça reste bien en dessous de la plupart des universités européennes, et notamment anglo-saxonnes, cette mesure va impacter lourdement les étudiants déjà engagés dans un cursus universitaires, comme nos 2 invités.

      https://www.youtube.com/watch?v=Z_ORt5UAjmE

    • Attirer les « meilleurs » étudiants étrangers : genèse d’une politique sélective

      La « stratégie d’attractivité pour les étudiants internationaux » présentée par Édouard Philippe le 19 novembre 2018 a suscité beaucoup de réactions dans les milieux universitaires et associatifs, à juste titre. Le premier ministre prétend « gagner la bataille de la concurrence internationale entre nos systèmes d’enseignement supérieur et de recherche » en augmentant fortement les frais de scolarité concernant les étudiants hors de l’Union européenne afin d’accueillir les « étudiants les plus brillants et les plus méritants ».

      C’est oublier que l’une des raisons qui permettent à la France de se positionner parmi les destinations les plus prisées des étudiants internationaux est justement la quasi-gratuité de son système éducatif. S’inscrivant dans le prolongement de la politique de « l’immigration choisie » adoptée sous le gouvernement Sarkozy, la réforme actuelle risque d’accélérer une sélection déjà basée sur le potentiel apport économique de ces étudiants, tel que le perçoit la classe dirigeante, et donc de reconfigurer les caractéristiques des mobilités étudiantes vers la France.
      Un tournant en 2006

      Ce retournement intervient après deux décennies de forte progression des effectifs d’étudiants étrangers inscrits dans l’enseignement supérieur, encouragée par l’assouplissement des conditions d’accueil sur le sol français avec, par exemple, la facilitation de l’obtention du visa décidée en 1998 par le gouvernement Jospin (loi RESEDA). S’y ajoutait l’obligation de motiver les refus de visas opposés aux étudiants ainsi que l’augmentation des bourses du gouvernement français.

      Dans les années 2000, une réforme globale de la politique d’immigration est entreprise, d’abord avec la loi du 26 novembre 2003, sur la lutte contre l’immigration clandestine, puis celle de 2006 qui vise à mieux sélectionner les migrants selon les besoins économiques de la France, et donc à « promouvoir une immigration choisie et une intégration réussie ».

      Différentes mesures entendent ainsi faciliter l’entrée et le séjour en France des étudiants et chercheurs, de préférence ceux qui répondent à la vision sarkoziste du « bon migrant ». C’est dans ce cadre que le gouvernement va mettre en place, en 2005, les Centres pour les études en France (qui deviendront par la suite Campus France). La baisse des flux entre 2005 et 2007 serait peut-être due à l’implantation de ces CEF qui auraient accru la sélection, notamment sur la base de l’origine sociale, comme l’ont montré les travaux d’Alexis Spire.
      La circulaire Guéant de 2011

      La série des mesures restrictives se poursuit en 2011 avec l’introduction de la très médiatisée circulaire de 2011, dite circulaire Guéant, qui limite la possibilité pour les étudiants étrangers diplômés de travailler en France. Celle-ci a eu un effet très ponctuel : le nombre de premiers titres de séjour accordés à des étudiants baisse de 64928 titres en 2011 à 58857 en 2012. Une chute qui touche surtout les étudiants originaires de pays africains.

      Cette circulaire a ainsi non seulement restreint les possibilités de séjour en France, mais a également envoyé un signal négatif aux candidats au départ. En revanche, son impact va se résorber très rapidement, dès son abrogation l’année suivante sous la pression des universitaires et des associations étudiantes. Le nombre d’étudiants étrangers inscrits dans les établissements d’enseignement supérieur en France va continuer à croître à partir de ce moment-là.

      Mais qu’en est-il de la composition de ces migrations ? Cette question est plus complexe, d’autant plus que les données sur l’origine sociale des étudiants étrangers ne sont pas disponibles au niveau national. Nous tentons tout de même donner quelques éléments de réponse et voir tout d’abord que les flux se redistribuent entre les types d’établissements du supérieur.
      Attirer des étudiants étrangers dans les cursus sélectifs

      Si la loi de 1998 a eu surtout un effet sur la croissance des effectifs dans les universités, la politique dite de l’immigration choisie, va surtout favoriser l’inscription d’étudiants étrangers dans les grandes écoles ou des cursus sélectifs comme les classes préparatoires et les IUT. Leur nombre augmente de manière continue jusqu’en 2016 de même que la proportion de ces étudiants qui passe de 22 % à 29 % sur cette période.

      Cette approche privilégie également certaines disciplines, comme les sciences, le génie, le droit, l’économie et la gestion au détriment des lettres et des sciences sociales. Si l’on observe une augmentation importante des étudiants inscrits en sciences depuis 2005, la tendance à la hausse des effectifs en lettres et sciences sociales se tasse.
      Montée en puissance de l’Asie et de l’Amérique

      Cette politique a aussi pour but d’attirer de plus en plus les étudiants en provenance des pays développés ou émergents – comme la Chine, le Brésil ou la Russie – et de décourager la migration en provenance des anciennes colonies. De fait, les effectifs par grande région d’origine montrent une forte augmentation des effectifs d’étudiants en provenance des pays d’Asie, d’Amérique et de l’Union européenne à partir des années 2000. Par contre, si le nombre d’étudiants africains augmente fortement entre 2000 et 2005, les chiffres baissent à partir de la mise en place de la loi de 2006 et ce, jusqu’en 2014.

      Ces données masquent les spécificités nationales, notamment l’augmentation impressionnante du nombre d’étudiants chinois inscrits en France depuis 2000 (2563 en 2000 contre plus de 21 000 en 2009), atteignant en 2007 le même nombre que les étudiants algériens et marocains, dont les effectifs diminuent sur cette période. Les années les plus récentes montrent cependant une inversion de ces tendances. On voit moins bien les tendances pour les pays dont les effectifs sont plus petits, mais notons tout de même une progression stable des effectifs des étudiants brésiliens et russes sur la période.
      Une logique de « marché »

      Les modalités de gestion des migrations étudiantes en France s’inscrivent dans le contexte de l’évolution des relations Nord-Sud et des changements qualitatifs et quantitatifs de l’immigration. Si au tournant des années 60, la France a adopté une vision très positive de la migration étudiante en provenance des pays du Tiers Monde et a largement contribué à la formation des futures élites des pays nouvellement indépendants, dès les années 80, la formation des étudiants étrangers se situe dans le cadre d’une compétition internationale pour les « talents » et se définit en termes de « marché à gagner ». Comme l’écrivent Borgogno et Streiff-Fénart, les enjeux de la coopération internationale sont désormais

      « de pousser les universités françaises à tenir leur rang dans la formation aux technologies de pointe. L’indice d’attractivité d’une université se mesure désormais à son rayonnement « technologique » et à sa capacité d’attirer des étudiants provenant de pays où le niveau technologique est égal ou supérieur à celui de la France ».

      Les gouvernements précédents ont ainsi tracé la voie des réformes actuelles. L’augmentation des frais de scolarité pour les étudiants étrangers extra-communautaires aura pour principal effet d’accélérer des tendances déjà bien engagées conduisant à la reconfiguration des caractéristiques des mobilités étudiantes vers la France, à moins qu’une mobilisation généralisée du secteur universitaire et, plus généralement, de l’ensemble de la société française ne parvienne à contrer ces réformes.

      http://theconversation.com/attirer-les-meilleurs-etudiants-etrangers-genese-dune-politique-sel

    • Vers des études payantes pour tous ?

      L’annonce par le gouvernement d’une hausse des frais d’inscription pour les étudiants non européens est une décision injuste car elle privera d’accès à l’Enseignement supérieur de bons étudiants ayant peu de ressources. Sans compter qu’elle vise à diviser les étudiants. Manière de préparer une hausse générale ?

      Le gouvernement revient sur un engagement d’Emmanuel Macron. Se prépare-t-il à lancer les premières manœuvres d’une attaque encore plus violente et sans précédent contre l’éducation publique et gratuite ? Edouard Philippe vient d’annoncer, lundi, une hausse des frais d’inscription pour les étudiants non communautaires, en les portant à 2 770 euros en licence et 3 770 euros en master. Nous avions annoncé depuis plusieurs années dans des articles et tribunes qu’une telle décision arriverait, en préfiguration d’une hausse généralisée. Dans les prochaines années, il faudra ainsi prévoir entre 4 000 et 8 000 euros par an en licence et autour de 10 000 euros par an en master, et ce pour tous les étudiants, comme le suggère une note remise au candidat Macron en 2017.

      Bien sûr, l’exécutif n’a pas annoncé les prochaines étapes d’une généralisation des frais d’inscription à l’ensemble des étudiants. Ce serait mettre l’ensemble de la jeunesse dans la rue. La stratégie est autrement plus subtile : elle consiste en effet à réformer par étapes, en segmentant les populations pour leur ôter toutes capacités de mobilisation.

      Disons-le d’emblée, la seule annonce de lundi devrait susciter une réaction d’indignation tant elle est injuste et contre-productive : elle est injuste car elle privera d’accès à l’enseignement supérieur de bons étudiants ayant peu de ressources. Elle est contre-productive car elle entravera les coopérations entre établissements français et étrangers. Ajoutons qu’elle semble méconnaître la réalité car, comme le mentionne une étude commandée par Campus France en 2014, les étudiants non communautaires font vivre l’économie et rapportent bien davantage (4,65 milliards d’euros) qu’ils ne coûtent (3 milliards d’euros). Le gouvernement propose certes le triplement des bourses et des exonérations, mais cette usine à gaz ne résoudra rien.
      Généralisation des frais à tous

      Augmenter les frais d’inscription visant les étrangers non communautaires n’a, en fait, d’autre sens que d’ouvrir en douceur la voie d’une généralisation de ces frais à tous.

      Procès d’intention, penseront certains. Pas vraiment si l’on observe qui conseille le président de la République. L’offensive a été relancée par le professeur d’économie Alain Trannoy dans une tribune parue dans le Monde du 9 novembre : fidèle à sa position maintes fois répétée, il y défend le relèvement des droits d’inscription (de 3 000 à 5 000 euros par an en master) assorti d’une refonte du système de bourses pour les étudiants les plus modestes, et surtout la mise en place d’un système de prêts à remboursement contingent au revenu. Or son coauteur habituel sur le sujet n’est autre que Robert Gary-Bobo, l’auteur d’une note pour l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron préconisant une réforme par étapes devant aboutir à des frais de scolarité élevés pour tous !

      Dans cette note interne révélée par les « MacronLeaks », son auteur distingue le fond de ses recommandations (qu’il sait socialement et politiquement explosives) et des éléments de stratégie et de communication qui permettront de faire passer l’amère pilule. Pour lui, au risque de faire « hurler les âmes sensibles », il s’agit de relever les frais d’inscription entre 4 000 euros et 8 000 euros par an, voire davantage (le chiffre de 10 000 euros est évoqué pour les masters). La méthode ? « Y aller doucement, mais commencer tout de suite avec les droits d’inscription », peut-on lire. Les prêts octroyés aux étudiants permettraient, selon l’auteur, d’engranger au plus vite « la pompe à finance » en s’assurant que l’argent arrive directement des banques commerciales aux caisses des universités. Il va même plus loin, suggérant de pousser les étudiants à s’endetter en décourageant le paiement au comptant des frais d’inscription. Pour faire avaler la réforme, son auteur propose des éléments de langage : il s’agira de présenter l’endettement étudiant comme un nouveau droit pour l’autonomie des jeunes ou encore de « bannir du vocabulaire les mots de "concurrence" et d’"excellence", détestés par les syndicats d’enseignants et d’étudiants, [pour les] remplacer systématiquement par "ouverture" et "diversité" ».
      Endettement massif des étudiants

      Cette hausse des frais d’inscription n’est qu’une étape, après celle de leur hausse régulière dans les grandes écoles d’ingénieurs publiques. L’Ecole polytechnique a récemment ouvert une licence à 12 000 euros par an (15 000 euros pour les étudiants non communautaires). Cet établissement public par excellence, comme Sciences-Po et d’autres, ouvre ainsi la voie aux licences payantes.

      Pourtant, les expériences internationales en matière de hausse de frais d’inscription devraient nous inciter à ne pas suivre le mouvement : aux Etats-Unis, l’endettement massif des étudiants est devenu l’objet de spéculation et menace de déclencher la prochaine crise financière. En Angleterre, avec un taux de défaillance sur les prêts approchant les 40%, les garanties apportées par l’Etat aux prêts étudiants représentent un coût très élevé pour les finances publiques. De surcroît, les frais d’inscription ne permettent que marginalement de financer les besoins éducatifs en même temps qu’ils contribuent à accroître la polarisation de l’enseignement supérieur entre établissements bien et mal dotés.

      Pourquoi alors vouloir accroître les frais d’inscription alors que ceux-ci se révèlent partout et invariablement inéquitables, inefficaces et incapables de mieux financer l’enseignement supérieur ? Soit le gouvernement est mal informé, soit il vise à écraser les étudiants et futurs travailleurs sous une montagne de dettes qui les rendra dociles et peu enclins à revendiquer. Le découpage de la réforme, en commençant par les étudiants non communautaires, est déjà une manière de désolidariser les étudiants et de rendre toute mobilisation massive plus difficile à organiser. Il y a pourtant là un danger majeur pour toute la population.

      https://www.liberation.fr/debats/2018/11/20/vers-des-etudes-payantes-pour-tous_1693144
      #vocabulaire #mots #terminologie

      Je mets en évidence ce passage :

      Dans cette note interne révélée par les « MacronLeaks », son auteur distingue le fond de ses recommandations (qu’il sait socialement et politiquement explosives) et des éléments de stratégie et de communication qui permettront de faire passer l’amère pilule. Pour lui, au risque de faire « hurler les âmes sensibles », il s’agit de relever les frais d’inscription entre 4 000 euros et 8 000 euros par an, voire davantage (le chiffre de 10 000 euros est évoqué pour les masters). La méthode ? « Y aller doucement, mais commencer tout de suite avec les droits d’inscription », peut-on lire. Les prêts octroyés aux étudiants permettraient, selon l’auteur, d’engranger au plus vite « la pompe à finance » en s’assurant que l’argent arrive directement des banques commerciales aux caisses des universités. Il va même plus loin, suggérant de pousser les étudiants à s’endetter en décourageant le paiement au comptant des frais d’inscription. Pour faire avaler la réforme, son auteur propose des éléments de langage : il s’agira de présenter l’#endettement étudiant comme un nouveau droit pour l’#autonomie des jeunes ou encore de « bannir du vocabulaire les mots de "#concurrence" et d’"#excellence", détestés par les syndicats d’enseignants et d’étudiants, [pour les] remplacer systématiquement par "#ouverture" et "#diversité" ».

    • Lettre reçue de la présidence de l’Université Grenoble Alpes :

      Le gouvernement a annoncé le 19 novembre 2018, par la voix du Premier ministre, le lancement d’une stratégie pour l’attractivité à destination des étudiants internationaux baptisée « Bienvenue en France / Choose France ». L’introduction dès la rentrée 2019-2020 de droits d’inscription différenciés est l’une des six grandes mesures annoncées par le Premier ministre dans le cadre de ce plan.

      Partant du constat de l’augmentation du nombre d’étudiants en mobilité sur le plan mondial et d’un risque de décrochage pour la France, qui accuse par ailleurs un retard dans les dispositifs d’accueil, « Bienvenue en France » se fixe l’objectif d’atteindre 500 000 étudiants en mobilité dans l’Hexagone d’ici à 2027, contre 324 000 actuellement.

      Six mesures sont annoncées pour "favoriser l’attractivité" de la France :

      1. Simplifier la politique de visas
      2. Doubler les enseignements en anglais et en Français Langue Etrangère (FLE)
      3. Créer un label pour améliorer la qualité d’accueil, doté de 10 M€ pour les établissements engagés dans cette démarche.
      4. Appliquer des frais différenciés et tripler les bourses d’études
      5. Accroître la présence et l’attractivité françaises à l’étranger (offres délocalisées, en nombre de places et d’implantations, et renfort de la politique d’aide au développement)
      6. Lancer une campagne mondiale de communication

      La stratégie nationale d’attractivité s’appuie sur deux nouveaux outils :

      – Un fonds d’amorçage doté de 5 millions d’euros (Ministère des Affaires Etrangères), pour les projets de formation construits en commun par des établissements français et étrangers, et les projets de développement de notre offre de formation à l’étranger ;
      – Un fonds de soutien doté de 20 millions d’euros par an (Agence Française de Développement), à compter de 2020.

      L’Université Grenoble Alpes, université de rang mondial, partage l’ambition d’améliorer la visibilité et l’attractivité internationales de ses formations et de sa recherche, tout en améliorant la qualité d’accueil et l’accompagnement de l’ensemble de ses étudiants.

      Forte de ses valeurs humanistes qui accompagnent l’accès aux savoirs et les transformations de nos sociétés, l’Université Grenoble Alpes défend un juste accès à l’université.

      Ainsi, si le Plan d’attractivité répond à des enjeux partagés (simplifier l’obtention de visa, développer l’offre en anglais et en FLE, accroitre les moyens et les services associés à l’accueil des étudiants étrangers …), l’Université Grenoble Alpes veillera scrupuleusement à ce que la mise en application de l’ensemble des mesures soit accompagnée et équitable.

      Conscients des risques engendrés par l’introduction de droits différenciés, nous nous engageons sur les principes suivants :

      – ne pas créer/aggraver les inégalités d’accès à notre université, en proposant un nombre de bourses/exonérations qui préservent les étudiants étrangers les plus fragiles financièrement
      – préserver notre attractivité internationale, en particulier sur les partenariats stratégiques et privilégiés
      – continuer à améliorer les conditions d’accueil et les services pour l’ensemble des étudiants, et notamment les étudiants étrangers (accompagnement à l’installation, remédiation en langue et méthodologie universitaire, aide aux démarches administratives …)
      – continuer à améliorer la qualité de nos enseignements.

      Les conditions de mise en œuvre

      a. Les publics concernés

      Les publics concernés sont les « étudiants extra-européens qui s’inscrivent pour la première fois dans un cycle supérieur de formation en France et seront amenés à acquitter des droits d’inscription différenciés. Ces droits concernent les établissements relevant du ministère français de l’enseignement supérieur ».

      L’Etat précise cette définition par la liste de ceux qui ne sont pas concernés par le paiement de ces droits différenciés :
      – Les étudiants ressortissants d’un pays de l’Espace économique européen ou de la Suisse
      – Les étudiants de nationalité canadienne domiciliés au Québec, conformément aux accords franco-québécois
      – Les étudiants venant en France dans le cadre d’un partenariat entre universités qui prévoit une telle exonération, notamment les étudiants qui ne sont pas ressortissants d’un pays de l’UE et qui sont accueillis dans le cadre des programmes d’échange du type Erasmus+
      – Les étudiants réfugiés ou bénéficiaires de la protection subsidiaire, qui seront naturellement exonérés
      – Les étrangers ayant le statut de résidents en France ou dans l’Union européenne ainsi que les étudiants étrangers présents en France au titre de la vie privée et familiale
      – Les étudiants déjà inscrits dans un cycle d’étude (licence, master ou doctorat) et le poursuivant en 2019
      – Les étudiants actuellement inscrits dans une formation préparatoire à l’entrée en Licence, Master ou Doctorat (comme les formations en FLE) et entrant dans un cycle en 2019
      – Les étudiants bénéficiant d’une bourse du Gouvernement français ou d’une exonération de droits d’inscription, accordée par l’ambassade de France dans leur pays d’origine ou de résidence.

      Les universités pourront également accorder des bourses et des exonérations.

      b. Les frais différenciés et les modalités d’accompagnement

      L’objectif énoncé dans « Bienvenue en France » est que les étudiants extra-communautaires payent un tiers du coût réel de leur formation, soit 2 770 € en licence et 3 770 € en master et doctorat. A ce jour, les étudiants s’acquittent de 170€ de droits d’inscription nationaux pour la licence ou 243€ en master, ainsi que 90€ de CVEC (contribution vie étudiante et de campus), sur un coût total estimé d’environ 9660€ par an.

      Au niveau national, les modalités d’accompagnement prévoient 7 000 bourses gérées par le Ministère des Affaires Etrangères (MAE), auxquelles s’ajouteront "8 000 nouvelles exonérations" et "6 000 bourses d’établissement que les universités et écoles pourront librement attribuer". Il pourra s’agir d’exonérations ou d’aides en numéraire.

      Le nombre de bourses et d’exonérations qui sera financé par l’Etat ne devrait pas être suffisant pour couvrir les besoins des étudiants. Aussi, nous nous engageons à explorer l’ensemble des possibilités qui s’offrent à nous pour proposer les bourses et exonérations complémentaires.

      Il semble ressortir des discussions en cours entre les réseaux des Vice-présidents Formation et des Vice-présidents Relations Internationales avec le cabinet de la Ministre les éléments suivants :

      – Les droits différenciés sont versés directement aux établissements. Ce sont bien des ressources supplémentaires qui ne viendront pas en déduction des dotations actuelles.
      – Les étudiants d’échange (y compris a priori nos doubles diplômes) sont exonérés (soit d’après le calcul du MESRI autour de 12500 étudiants en France) auxquels il faudra donc rajouter les doctorants en cotutelles.
      – Une proposition en cours de discussion est d’exonérer, hors quota, les étudiants déjà en France qui changent de cycle sur les 2 prochaines années.
      – Une politique de formation ouverte vers certaines régions géographiques (ex. masters recrutant fortement dans certains pays d’Afrique des étudiant.e.s avec de faibles moyens financiers) peut reposer sur un taux-plafond d’exonération selon des priorités géographiques ou de formations dont les formations doctorales ou des secteurs particuliers.

      L’établissement communiquera tout nouvel élément relatif à cette stratégie.

    • Le dispositif #Bienvenue_en_France, dans lequel l’augmentation des frais d’inscription est mentionnée, se fonde sur deux études (que je n’ai pas lues) :

      La première :
      L’attractivité de la France pour les étudiants étrangers Perceptions et attentes – Vague 3


      https://www.campusfrance.org/fr/ressource/l-attractivite-de-la-france-pour-les-etudiants-etrangers-perceptions-e
      ... réalisée par #Kantar_Sofres

      La deuxième :
      L’enseignement supérieur français par-delà les frontières : l’urgence d’une stratégie

      Avec plus de 600 programmes à l’étranger, l’enseignement supérieur français s’exporte bien mais reste loin derrière les pionniers anglo-saxons. Un retard concurrentiel qui traduit l’absence de stratégie affirmée des établissements.

      https://www.strategie.gouv.fr/publications/lenseignement-superieur-francais-dela-frontieres-lurgence-dune-strate

    • Etudiants étrangers : une concertation pour calmer la contestation

      La hausse des droits d’inscription ne sera pas appliquée de la même manière dans toutes les universités. L’Etat débloquera 10 millions d’euros « dès le mois de mars » pour les aider à l’appliquer.

      Calmer le jeu en lançant une concertation : le procédé est à la mode. C’est ce que le gouvernement va tenter de faire sur la hausse des droits d’inscription des étudiants étrangers non européens. Le Premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé, en novembre, leur multiplication par seize dès septembre prochain, déclenchant une vague de contestation . Selon nos informations, la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, vient de charger cinq personnalités d’ouvrir une concertation qui doit aboutir mi-février.

      A chacun sa stratégie

      Selon la lettre de mission que « Les Echos » ont pu consulter, elle doit déboucher sur dix engagements « très concrets », portant sur la délivrance des visas et titres de séjour, l’accès au logement, la place des enseignements en langue étrangère ou encore la mise en place d’un « référent unique et personnalisé pour tout étudiant international ».

      La ministre entend faire de ces dix engagements un « socle commun », une « référence nationale ». Pour cela, le fonds d’amorçage de 10 millions d’euros annoncé par le Premier ministre sera mis en place « dès le mois de mars ».
      Etablir une sorte de péréquation

      En matière d’accueil, la France « n’est pas à la hauteur », justifie dans cette lettre Frédérique Vidal, qui veut établir une sorte de péréquation : certains étudiants étrangers paieraient plus que d’autres, pour financer un meilleur accueil pour tous.

      Accusée de mettre à mal la relation de la France avec le Maghreb et l’Afrique francophone, Frédérique Vidal assure au contraire vouloir « renforcer » cette relation. Au lieu d’appliquer de manière systématique la hausse des droits d’inscription, elle entend laisser la main aux universités, comme nous l’avions annoncé . « Il appartiendra [...] à chaque université et à chaque école d’affirmer la stratégie d’attractivité qui est la sienne », écrit la ministre. Les universités décideront si un étudiant international, « compte tenu de sa situation particulière », sera amené « ou non » à « acquitter des frais d’inscription différenciés ».

      Le plafond actuel qui fixe le volume d’exonérations de frais d’inscription à 10 % des étudiants inscrits (hors boursiers) pourrait ainsi être revu. Mais le nombre de 30.000 bourses annoncées pour les étudiants internationaux est « bien trop insuffisant » par rapport aux 500.000 attendus d’ici à 2027, critique la Fage qui appelle à une nouvelle mobilisation à Paris le 22 janvier.
      « Pris pour des cons »

      Dans le milieu universitaire, par ailleurs, le profil des personnalités chargées d’animer la concertation fait jaser. Frédérique Vidal en a retenu cinq : Julien Blanchet (Conseil économique, social et environnemental et ex-président de la Fage), Philippe Gillet (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne), Minh-Ha Pham (« PSL » - qui regroupe le Collège de France, l’Ecole normale supérieure ou Dauphine), Christophe Strassel (Cour des comptes et ex-directeur de cabinet des ministres de l’Enseignement supérieur sous le quinquennat précédent) et Pierre-Paul Zalio (Ecole normale supérieure Paris-Saclay).

      « Ce panel fait la part belle aux grandes écoles. Où sont les universités, qui sont les principales concernées dans cette affaire ? s’étrangle un président d’université. On a vraiment l’impression d’être pris pour des cons. Si la ministre veut créer un nouveau mouvement dans le sillage des « gilets jaunes », elle est bien partie. »

      https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/0600482225366-etudiants-etrangers-une-concertation-pour-calmer-la-contestat

    • Université : les frais d’inscription serviront à compenser le #désengagement_de_l’Etat

      Annoncée pour redorer l’image des facultés françaises dans le monde, la future hausse des droits d’inscriptions des étrangers pour la rentrée prochaine doit en fait pallier de nouvelles coupes budgétaires.
      Edouard Philippe a annoncé un relèvement très significatif des frais d’inscription à l’université pour les étrangers extracommunautaires : ils passeront de 160 à 2770 euros en licence et de 250 à 3770 euros en master. L’objectif annoncé : mieux financer l’accueil des étrangers en France, dégager des moyens pour proposer des bourses à certains étudiants internationaux et envoyer un signal de qualité aux étudiants – notamment asiatiques – qui verraient en l’actuelle gratuité un signe de médiocrité.

      L’annonce tombe au plus mal pour le gouvernement qui n’aurait pas pu mieux faire s’il avait voulu faire converger les luttes et revendications. Tétanisé par le conflit des gilets jaunes, le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche peine à tenir le cap : alors même que la ministre s’efforçait, dans une lettre datée du 10 décembre, de souligner l’importance de cette réforme pour financer l’accueil des étrangers, son ministère envoyait une lettre aux universités dès le lendemain pour expliquer que les frais d’inscription ainsi rehaussés permettraient en fait… de financer un désengagement de l’Etat. Dans les universités devenues « autonomes » à la suite de la loi Pécresse de 2007, la gestion de la masse salariale est devenue un casse-tête et surtout un boulet financier. En effet, cette masse salariale croît mécaniquement avec l’ancienneté et l’évolution des qualifications. C’est ce que l’on appelle le « glissement-vieillesse-technicité » (GVT) dans le jargon des ressources humaines. En 2008 et 2009, le gouvernement s’était engagé à compenser ces hausses par des dotations ministérielles spécifiques. Finalement, les services du Ministère annoncent que ce GVT « ne fera pas l’objet d’un financement dédié ». Dit autrement, il faudra que les universités le financent sur des ressources propres et le ministère d’ajouter que ces ressources comprennent notamment les « droits d’inscription différenciés pour les étudiants internationaux ». La France choisit donc de suivre le chemin emprunté par d’autres pays, comme l’Angleterre, qui ont décidé le relèvement – par palier mais au final massif – des frais d’inscription.

      Tout l’argumentaire de la ministre, déjà bancal, s’effondre du même coup : les frais d’inscription n’annoncent pas un accroissement des moyens pour les universités mais un effet de vase communicant : les étudiants financeront le désengagement de l’Etat, en s’endettant s’il le faut ! Devant la levée de boucliers des responsables budgétaires des universités, selon l’agence spécialisée AEF, le cabinet a tenté de rassurer tout en jouant à son tour de maladresses en évoquant « le contexte budgétaire actuel très particulier après les annonces ambitieuses du président de la République lundi (hausse du Smic de 100 euros, fin de la CSG pour les retraites de moins de 2 000 euros…) » appelant selon lui à « voir comment construire des solutions concrètes autour du GVT ». Autrement dit, le gouvernement est en train de gratter tout ce qu’il peut pour financer les promesses annoncées par Emmanuel Macron, quitte à se servir sur les frais d’inscription annoncés ! A n’en pas douter, il ne restera rien pour les universités, de la même manière que les recettes de la taxe sur les carburants, dans un autre domaine, étaient détournées du financement de la transition écologique…

      Avant même ces errements révélateurs de la teneur profonde de cette réforme paradoxalement intitulée « Bienvenue en France ! », celle-ci était déjà dénoncée par une écrasante majorité de la communauté scientifique et par les étudiants. Les motions se multiplient en provenance des Conseils d’administration des établissements d’enseignement supérieur, des facultés, des laboratoires de recherche, des revues scientifiques… La Conférence des Présidents des Universités s’inquiète de la réforme de même que différentes organisations professionnelles. Les syndicats des personnels comme des étudiants sont vent debout contre l’augmentation des frais d’inscription. La contestation prend un tour de plus en plus insurrectionnel avec des assemblées générales dans de nombreux établissements. Des universités ont connu ou connaissent des blocages ou fermetures administratives. Des rassemblements et manifestations sont organisés. La jonction avec les revendications des lycées, qui se mobilisent contre Parcoursup et la réforme du baccalauréat, est en train de se faire naturellement puisque ce seront les premiers concernés. Ils sont non seulement solidaires de leurs camarades mais aussi conscients du fait que la hausse qui touche aujourd’hui les étrangers extracommunautaires ne constitue qu’une étape avant une hausse, plus massive encore, qui touchera l’ensemble des étudiants.

      Le gouvernement devrait avoir appris de la crise des gilets jaunes que renoncer suffisamment tôt à une décision injuste et inefficace peut être préférable au déclenchement d’une mobilisation de grande ampleur. Au vu des nombreuses tribunes et motions, au vu de la mobilisation croissante des élèves et des étudiants, il ne pourra pas dire qu’il n’était pas prévenu.

      https://www.liberation.fr/debats/2019/01/31/universite-les-frais-d-inscription-serviront-a-compenser-le-desengagement

    • Plus c’est cher, plus c’est attractif ? Faire payer les étudiants extra-européens

      « Bienvenue en France ! » Le nom de ce programme ne manque pas d’ironie quand on sait l’accueil réservé aux étrangers, étudiants ou pas – comme pour renouveler leur titre de séjour en préfecture. On songe au titre d’un film : Welcome… Campus France préfère d’ailleurs traduire par « Choose France » ! Texte support de mon audition par la commission des Affaires étrangères, mission flash (19 février 2019).

      Depuis le discours d’Édouard Philippe du 19 novembre 2018, le site de Campus France tient « compte des annonces du Premier ministre », « prochainement publiées au Journal Officiel ». Or, trois mois plus tard, le décret n’a toujours pas été publié. Pourtant, les candidatures sur Campus France sont closes, pour la première année de licence, depuis le 15 février. Le fait précède donc le droit. Au moins peut-on déjà estimer les premiers effets de l’annonce. Reste qu’on ne pourra mesurer pleinement le recul de la France qu’au bout de quelques années. En effet, la mise en œuvre de la hausse est progressive : la mesure ne touche pas les personnes qui étudient déjà en France. L’impact sera donc cumulatif.

      Campus France a déjà rendu publique une baisse de 10% des candidatures, mais, pour « répondre aux craintes », la juge « limitée ». Or depuis 2004, le nombre d’étudiants étrangers en France était en progression constante ; ainsi, entre 2011 et 2016, il a augmenté de 12,2% (Campus France, « Chiffres clés », avril 2018, p. 30). La ministre de l’Enseignement supérieur a même traduit ce chiffre provisoire, devant l’Assemblée nationale, par : « une sorte de stabilité ». Pourtant, dans les Universités, les baisses enregistrées à la même date sont beaucoup plus importantes : par exemple, 76% à Poitiers, 83% à Tours, et « seulement » 26% à Rennes 2 et 39% à Lyon 2. À Paris 8 où j’enseigne, la baisse est aujourd’hui de 84%. Or c’est l’université de France où le taux d’étudiants étrangers hors-UE est le plus élevé (24%)…

      Première explication de cet écart considérable : les chiffres de Campus France ne concernent que les candidatures de néo-entrants en première année de licence ; en revanche, les universités prennent en compte toutes les années d’études – y compris le master et le doctorat. Deuxième hypothèse, complémentaire : Campus France inclut dans sa moyenne des établissements déjà payants (Dauphine, Science Po), ou qui échappent à la hausse (les CPGE).

      Malgré ces baisses, la stratégie de hausse revendiquée par le Premier ministre reste centrée sur l’attractivité. C’est donc le point de départ de mon analyse. Pourquoi faire payer les étrangers extra-européens plus qu’avant, et davantage que les Européens, les attirerait-il ? Le premier argument pour séduire les étrangers, sur la vidéo d’accueil de Campus France, c’est pourtant : « un pays où tous les étudiants ont accès à une scolarité subventionnée par l’État ! » Et c’est aussi la première des « 10 bonnes raisons d’étudier en France ».

      L’exécutif ne renonce pas non plus à cet argument : le Premier ministre a justifié les nouveaux montants, « correspondant approximativement au tiers du coût réel de leur formation », en rappelant l’importance de la contribution publique (les deux tiers) (vidéo, à 14 minutes). Quant au Président de la République, il va jusqu’à déclarer à Courcouronnes, le 4 février, qu’avec cette réforme, « on ne fait payer que le dixième du coût réel » (dépêche AEF, 18 février 2019).

      Si le coût moyen est bien de 10 000 € par an, les écarts sont considérables : selon le rapport de la Cour des Comptes sur les frais d’inscription publié en novembre 2018, en DUT, les coûts par étudiant peuvent s’élever jusqu’à 20 000 € ; mais on n’y trouve que 2 % des étudiants étrangers. Ceux-ci sont donc concentrés dans les autres formations universitaires, moins onéreuses (voir Repères et références statistiques Enseignement Formation Recherche 2018, p. 181). Ainsi, en SHS, les coûts sont de 2 736 € par an pour la licence, et 3 882 € pour le master (Cour des comptes, p. 153-154). Ce sont à peu près les 2770 et 3770 € fixés par le gouvernement. En SHS, on va donc demander aux étudiants étrangers de payer non pas un tiers, moins encore un dixième, mais la totalité du coût de leur formation.

      Comment comprendre la logique contre-intuitive selon laquelle l’attractivité de l’enseignement supérieur français, sur la scène internationale, bénéficierait d’une augmentation substantielle des frais ? Sur les marchés internationaux, les entreprises françaises n’essaient-elles pas de baisser leurs prix pour augmenter leur compétitivité ? Il n’empêche : l’idée, pour certains économistes, c’est que le prix ne reflète pas la valeur ; au contraire, ce serait le prix qui fait la valeur.

      Si les étrangers ne viennent pas en plus grand nombre chez nous, affirment ces économistes, ce serait parce qu’un enseignement gratuit ne vaut rien ; et d’ajouter, comme Jean-Pascal Gayant (qui est auditionné aujourd’hui), que ce faible coût « draine des étudiants plutôt moins bons » (sans indiquer toutefois, dans sa tribune du Monde, sur quelle base empirique, sauf à postuler que les plus riches sont meilleurs). Les classes préparatoires, qui restent gratuites, ne sont pourtant pas moins convoitées que Sciences Po, où le prix de la scolarité est très élevé. On se demande aussi comment la France, malgré la quasi-gratuité, est encore la quatrième destination au monde pour les étudiants…

      Pourquoi ne pas parler plutôt du sous-financement de l’enseignement supérieur français, dont la « démocratisation », c’est-à-dire l’ouverture à un public plus large, n’a jamais été accompagnée par un investissement de l’État à la hauteur de ce choix de société ? Le problème des universités françaises n’est-il pas leur pauvreté, plutôt que leur gratuité ? Quand on est invité par des collègues du monde entier, on s’émerveille des conditions matérielles de l’enseignement, alors qu’on est honteux de recevoir des universitaires étrangers. N’importe : plus c’est cher, plus c’est désirable, nous explique-t-on, même à qualité égale.

      Il paraît en effet que la hausse des frais d’inscription serait un « signal » « donnant l’impression que la qualité est plus élevée » : les étrangers ne verraient que le prix, pas le sous-équipement des universités. Je renvoie ici aux critiques de deux économistes, Hugo Harari-Kermadec et David Flacher, du collectif ACIDES, récemment auditionnés par la commission de concertation nommée par la ministre : « Cet argument est extrêmement incohérent. A) Le tarif pour les Français et Européens reste le même, donc les étrangers attirés par l’effet signal des frais à 2 770€ découvriraient, une fois sur place, qu’il s’agit en fait d’un enseignement à 170€ ? B) Il n’est nulle part prévu de modifier les cours, il s’agirait donc de tromper les étrangers ? C) Les frais pratiqués dans les pays (Royaume-Uni, Australie) qui s’inscrivent effectivement dans le marché global de l’enseignement supérieur payant sont bien plus élevés (au-delà de 10 000€ par an en Licence) : le signal serait donc un signal de médiocrité. »

      En tout cas, le même rapport de la Cour des comptes met en garde contre « l’hypothèse risquée d’une augmentation des droits pour les seuls étudiants étrangers » (p. 74-82), et en particulier contre son effet dissuasif : « Il paraît probable que le taux d’éviction soit élevé (jusqu’à 40 % dans l’hypothèse d’une forte hausse des droits), notamment compte tenu de l’origine géographique des étudiants étrangers, en majorité issus du continent africain. » (p. 81).

      Or le Président de la République déclare le 20 mars 2018 dans son discours sur la langue française et la francophonie : « Étudiants indiens, russes, chinois seront plus nombreux et devront l’être. » Six mois plus tard, lors des rencontres universitaires de la francophonie, le Premier ministre martèle : « Plus d’étudiants non-francophones » ! Il convient donc de s’interroger : le véritable objectif ne serait-il pas de faire baisser les chiffres de l’immigration d’Afrique francophone ?

      On sait en effet qu’en France, les étudiants étrangers comptent pour un tiers des étrangers qui arrivent en France chaque année. Selon le 14ème rapport au Parlement sur « Les étrangers en France », publié en 2017, « les étudiants représentent en volume le deuxième motif d’immigration, après les motifs familiaux » (p. 35) Si la hausse des frais d’inscription entraîne une baisse de l’immigration étudiante, ne relève-t-elle pas de la politique d’immigration, plutôt que celle de l’enseignement supérieur ?

      Bien sûr, une autre finalité est invoquée pour justifier cette hausse : les étudiants étrangers financeraient l’enseignement supérieur en France, qui en a bien besoin… Mais n’est-ce pas une illusion ? Notons d’abord que multiplier les bourses par trois réduirait de beaucoup cette cagnotte. Puis écoutons à nouveau la Cour des comptes : « Compte tenu du faible nombre d’étudiants concernés in fine après prise en compte des multiples facteurs d’exonération, une augmentation des droits d’inscription circonscrite aux seuls étudiants non européens, […] n’apporterait donc un financement complémentaire significatif que dans l’hypothèse d’une progression très importante des droits, tendant à les rapprocher du coût réel des formations, ce qui pourrait entraîner un fort effet d’éviction, diminuant d’autant le produit attendu d’une telle hausse. » (p. 82) Autrement dit, faire payer les étrangers ne parviendrait pas à financer correctement l’Université, ce qui reste la meilleure manière de les attirer davantage.

      Pourtant, cette deuxième justification, financière, nous donne sans doute la clé de la mesure annoncée : ce serait le premier pas vers une hausse des frais généralisée. Voilà qui revient à transformer l’enseignement supérieur en un investissement individuel ou familial, et non plus collectif – soit une privatisation du capital humain de la nation. Les étrangers vont-ils servir à « faire avaler la pilule », pour reprendre la formule de l’économiste Robert Gary-Bobo, également auditionné aujourd’hui, en vue d’une hausse généralisée dont la xénophobie ambiante ferait oublier l’impopularité ?

      Le 19 novembre, le Premier ministre déclarait : « Un étudiant étranger fortuné qui vient en France paye le même montant qu’un étudiant français peu fortuné dont les parents résident, travaillent et payent des impôts en France depuis des années. C’est injuste. » Certes, mais les frais ne vont pas différer pas selon que les étudiants étrangers seront riches ou pauvres, ni les bourses (attribuées « au mérite », et non en fonction de leurs revenus, a rappelé la ministre devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale le 31 janvier 2019, 1h27’44’’). Gageons que dans quelques années, pour justifier d’étendre à tous les frais d’inscription, on nous expliquera qu’il est injuste de faire payer autant les riches Européens que les pauvres…

      Je conclus. D’un point de vue économique, la hausse des frais d’inscription pour les étudiants extra-européens n’est pas rationnelle : d’une part, en fait d’attractivité, elle ne séduira pas les riches, mais elle dissuadera les pauvres ; d’autre part, ces ressources nouvelles ne suffiront nullement à renflouer l’enseignement supérieur. La rationalité de la mesure n’est donc pas celle qui est invoquée. En réalité, il s’agit soit de réduire l’immigration, soit de préparer une hausse généralisée des frais d’inscription. Les deux ne sont pas incompatibles d’ailleurs ; et dans les deux cas, la xénophobie est au cœur de cette stratégie baptisée, dans un langage orwellien, « Bienvenue en France ».

      À l’étranger, parmi nos collègues, et en France, parmi nos étudiants étrangers, nul ne s’y est trompé. Il nous appartient, en tant que Français, d’être également lucides. Les obstacles que notre pays sème sur la route des migrants, étudiants ou pas, sont la première explication du recul de l’attractivité de la France, passée en 2015 de la troisième à la quatrième place dans le monde. La hausse annoncée pourrait bien faire reculer le pays, demain, à la cinquième place, derrière l’Allemagne.

      https://blogs.mediapart.fr/eric-fassin/blog/190219/plus-c-est-cher-plus-c-est-attractif-faire-payer-les-etudiants-extra

    • #Eric_Fassin : « la xénophobie, aujourd’hui, sert à faire avaler la pilule du néo-libéralisme »

      « Quelle est la #rationalité réelle de cette mesure ? La première chose, c’est la #xénophobie. Quel va être le résultat ? Faire baisser le nombre d’immigrés en France, puisqu’on compte, bizarrement, les étudiants parmi les immigrés. […]. Or, l’Afrique francophone, nos anciennes colonies, et bien, c’est environ la moitié des étudiants étrangers en France aujourd’hui. Donc, moins de nos anciennes colonies, et peut-être plus du reste du monde. » « Je crois qu’il faut comprendre que tout cela s’inscrit dans un projet néo-libéral. Et ce projet néo-libéral, il est contenu dans l’argument selon lequel, puisque ces gens ne payent pas l’impôt en France, et bien, ils ne peuvent pas venir étudier en France. En réalité, c’est une conception de l’impôt comme une sorte de cotisation. On ne cotise pas avec l’impôt. L’impôt, c’est une richesse collective qui permet faire des investissements collectifs. Que nous propose aujourd’hui le gouvernement, il nous dit, "ça n’est plus un investissement collectif, c’est un investissement personnel. Il faut que les gens payent." On va bien, à partir de là, que cet investissement personnel, il ne s’arrêtera pas aux étrangers. » « Donc, à quoi sert cette mesure ? Pas à grande chose. Sinon, à introduire une logique néo-libérale, qui sera, à court terme, on peut en être certain étendu aux autres étudiants, c’est à dire aux européens, et en particulier aux français. Donc, c’est la raison pour laquelle il faut se mobiliser. Parce que, si aujourd’hui beaucoup de gens se disent, "c’est bien dommage, mais finalement, ça ne me concerne pas." Ils se trompent. […] La logique qui est introduite aux dépens des étrangers, demain, ça sera une logique qui sera étendu aux dépens des européens et des français. » « La xénophobie, aujourd’hui, sert à faire avaler la pilule du néo-libéralisme. Il est donc encore temps, il est toujours plus nécessaire de se mobiliser contre cette hausse des frais d’inscription. » Merci à Eric Fassin, professeur de sociologie à l’Université Paris 8, pour son analyse du dispositif gouvernemental "Bienvenue en France".

      https://www.youtube.com/watch?v=3AI3se7OzoU

    • Étranger. Tu n’es pas le bienvenu

      La partie semble jouée. Un décret publié le 21 avril prévoit une hausse colossale des frais d’inscription pour les étudiants non-européens.

      À l’université Paris-VIII, où 30% des étudiants sont étrangers, la colère a grondé, étudiants et enseignants se sont époumonés. En vain.

      Une mesure raciste ? Discriminatoire ?
      Pour comprendre les enjeux de ce passage en force Le Quatre Heures retourne sur les bancs de la fac.

      https://lequatreheures.com/episodes/etranger-tu-nes-pas-le-bienvenu

  • 37 % des #femmes qui se suicident dans le monde sont indiennes
    https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/09/14/37-des-femmes-qui-se-suicident-dans-le-monde-sont-indiennes_5355248_3216.htm

    Plus d’une femme sur trois (37 %) qui se #suicide dans le monde vit en #Inde. C’est la conclusion d’une étude publiée le 11 septembre par la revue scientifique britannique The Lancet. S’il est vrai que l’Inde compte 1,3 milliard d’habitants (17,5 % de la population mondiale), et que le taux de suicide est également élevé chez les hommes – 25 % des hommes qui se suicident dans le monde sont indiens –, « le suicide des femmes est un enjeu majeur de #santé_publique, avec des conséquences socio-économiques, politiques et émotionnelles très importantes », écrivent les auteurs de l’étude.

    #mariage_précoce #mariage_arrangé #endettement #violences #viols

  • Chili. Un #féminisme venant du Sud – CONTRETEMPS
    http://www.contretemps.eu/chili-revolution-feministe

    Au cœur des mobilisations des femmes se trouve l’intérêt commun pour une réforme totale de l’#éducation publique d’un point de vue féministe, l’instauration d’une éducation non-sexiste à tous les niveaux et la dénonciation de la #précarisation de la vie féminine comme soutien de la croissance économique chilienne.

    Les masses d’étudiant-e-s chilien-ne-s sont formées de jeunes issu-e-s des secteurs populaires accédant à l’éducation tertiaire grâce à l’#endettement, et ce sont en majorité des femmes. Au Chili, les étudiant-e-s sont le combustible principal d’un marché de diplômes qui permettent l’entrée dans un monde du #travail hautement professionnalisé et basé sur l’endettement. Après des décennies d’expansion marchande de l’éducation supérieure, ce marché du travail impose des bas salaires à ceux/celles qui ne possèdent pas un titre universitaire. Au Chili, 750.000 jeunes, majoritairement issu-e-s des couches populaires, sont endetté-e-s auprès de banques privées pour payer leurs études. En moyenne, cette dette est de 9.000 dollars et peut atteindre 50.000 dollars.

    De cette manière, les universités chiliennes se sont converties en expérience commune et en scène d’actions pour les différentes générations féministes : certaines d’entre elles se sont mobilisées depuis la #révolte de l’éducation secondaire en 2006, et aujourd’hui elles le font comme enseignantes. Cela a consolidé une lutte pour l’égalité dans l’éducation qui a servi de pépinière pour la société transformée à laquelle elles aspirent, et aussi une défense de l’université comme espace devant transiter vers l’incorporation des demandes féministes en tant que modèle. De fait, l’une des étincelles qui a mis le feu aux poudres a justement été la lutte contre les abus et le harcèlement sexuels dans les universités, qui a débouché ces dernières années sur des sanctions et des licenciements de professeurs dans tout le pays.