• La première oppression | Les Questions Composent
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    Considérons quelques faits :

    En France, les enfants demeurent la seule catégorie d’être humains qu’il demeure légal de frapper. Frapper un adulte est une agression, frapper un enfant est une correction méritée. Et d’ailleurs même si elle ne l’est pas, personne ne viendra vous chercher trop de noises. Les féministes de la deuxième vague ont eu beau répéter que le privé est politique, frapper ses enfants relève encore de la vie privée.

    Les enfants sont les seuls êtres humains que l’on laisse hurler de détresse sans juger utile d’intervenir, sans s’émouvoir plus que ça. On considère habituellement qu’il est normal qu’un enfant geigne, pleure ou hurle de toute la force de ses poumons, et on considère même qu’il est bon de laisser pleurer les enfants, que leur montrer trop de sollicitude et de compassion leur donne de mauvaises habitudes. Je n’ai jamais bien compris lesquelles. Peut-être l’habitude d’être dans un climat d’empathie est-elle néfaste. C’est beaucoup dire sur le monde.

    Les enfants sont les seuls êtres humains pour lesquels on se permette de décider non seulement ce qu’ils doivent faire, mais ce qu’ils doivent devenir. Ils sont même basiquement là pour ça.

    Les enfants ne sont pas les seuls êtres humains à qui l’on donne des ordres : on commande aussi les employés, par exemple. Mais ils sont les seuls avec lesquels il est entièrement facultatif de mettre la moindre forme quand on leur ordonne ou interdit quelque chose. Un ton péremptoire et autoritaire suffit. Ce n’est jamais considéré comme une impolitesse ou un abus de pouvoir. En ce qui concerne les enfants, il semble que l’abus de pouvoir n’existe pas. Etre poli avec son enfant comme on le serait avec un adulte est même plutôt considéré comme une marque de faiblesse, de laxisme.

    #discrimination #enfant #enfance #conditionnement

    • Oui. Et en même temps, un texte qui décrirait des comportements inverses sur le thème de l’#enfant_roi ne serait pas faux non plus.
      Je reste très perplexe sur l’#agisme et ses analyses pourtant intéressantes et ses critiques nécessaires.
      En fait, je suis à la recherche d’un texte qui arriverait à articuler les discriminations contre les enfants et le fait que l’enfant est en construction, qui arriverait à éclairer ce double statut de dominé et d’ultime tabou de notre société, qui me ferait comprendre pourquoi je peux avoir simultanément des impressions aussi contradictoires face à des fonctionnements familiaux où l’enfant est à la fois opprimé et décisionnaire. (Pour le milieu scolaire, c’est plus clair, l’enfant y vit une oppression.)
      Est-ce qu’il y a pour l’enfance un concept du genre vierge/putain (être pur sacralisé / être mauvais qu’on peut maltraiter) ? Est-ce que l’hypothèse qu’il y a domination et que l’impression d’enfant décisionnaire n’est que le reflet d’une immaturité grandissante de l’adulte (adulescence prolongée) est une piste de réflexion ? J’ai du mal à avancer sur ce sujet…
      J’ai un peu cherché, rien trouvé sauf des analyses très tranchées agisme vs enfant roi : si quelqu’un a des liens à conseiller…

    • à la fois opprimé et décisionnaire

      Ouais, je suis assez d’accord, c’est vraiment ça. Pas que l’un ou que l’autre. Dans la plupart des familles que je vois dans la rue, c’est vraiment les deux. En 5min ça passe de l’un à l’autre (mais plutôt dans le sens d’abord décisionnaire, et tout d’un coup le parent pète un plomb et ça passe à opprimé).

    • Si l’on voit l’enfant comme un adulte à construire et l’adulte comme un enfant considéré (par décret temporel à la majorité) comme responsable de ses actes, cela aide beaucoup à envisager les relations que les adultes doivent entretenir avec les enfants je trouve.

      Pour moi l’auteure engage le débat d’une façon très casse-gueule, car par des raccourcis très provocateurs (exemple : le droit de « frapper » les enfants) ou des jugements sans autre forme de procès, elle énumère des fautes parentales comme un verdict culpabilisant et veut nous faire croire à une norme qu’elle va détricoter. Un tel sujet supporte-t-il la caricature ? On peut analyser les mécanismes de la domination dans le comportement parental sans pour autant charger la mule...

      Le « parent » n’est pas une espèce homogène qui règnerait sur « l’enfant », une espèce étrangère autonome, comme deux espèces cohabitant dans le même espace.
      Les deux sont le prolongement de l’autre, et s’il ont ne peut envisager un schéma égalitaire, c’est bien ici.

      Donner la vie, ça ne se fait pas en neuf mois, mais au moins en une dizaine d’années, voire parfois jusqu’à ce que l’un des deux la perde. Car un enfant met du temps à accepter la vie qu’on lui donne. C’est le temps qu’il devienne autonome. Un enfant a de fortes chances de mourir s’il est physiquement privé du contact d’adulte(s) qui assumeront la responsabilité de parent(s). L’enfant en bas âge n’a qu’un instinct quand il découvre la liberté de se déplacer : celui de se mettre en danger (j’allais dire : de se foutre en l’air). Les autre mammifères ont plus de chance. Leur progéniture apprend rapidement à préserver sa vie. Chez l’humain il faut plusieurs mois, voire plusieurs années, pour acquérir la peur de l’eau, le peur du vide, ou son instinct de survie sociale.

      Effectivement dans l’absolu, dans l’idéal, et donc en théorie, le parent ne doit pas dominer l’enfant. Mais il doit dominer tous les élans spontanés de l’enfant qui pourrait mettre en péril ce don de vie.
      Voilà la nuance qu’il faudrait creuser. Je suis pas sûr que l’Elfe en prenne le chemin.

      Si on fait abstraction de la responsabilité du parent, et de sa compétence limitée pour l’assumer, c’est sûr, il est plus simple de trouver des exemples pour étayer la thèse de l’âgisme. Comme si nous adultes- parents, avions tous toutes les cartes en main, intellectuellement et émotionnellement, pour bien traiter les enfants, mais que des mécanismes parasites de domination modifiaient notre comportement au détriment des enfants. Le filtre de lecture dominants/dominés est toujours intéressant, mais cela ne doit pas nous amener à nous satisfaire d’une lecture trop simpliste du sujet...
      Quand je vois que dans son billet elle n’évoque qu’une seule fois et de façon lointaine le mot « responsabilité », je suis plutôt inquiet pour la suite..