• La France suspend les visas pour les étudiants du #Mali, #Burkina_Faso et #Niger

    Paris a décidé de suspendre les visas pour les étudiants du Mali, du Burkina Faso et du Niger. La France justifie sa décision par la fermeture de ses #services_consulaires dans ces pays. Les relations avec ces trois États sont tendues depuis les #coups_d’État successifs.

    Les étudiants originaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger ne pourront plus obtenir de visa pour poursuivre leur scolarité en France. Le ministère français des Affaires étrangères a annoncé samedi 16 septembre suspendre les visas pour ces trois pays. « Les services #campus_France et visas ne peuvent plus fonctionner normalement », indique le ministère, en raison de la fermeture des services consulaires français.

    Les étudiants maliens, burkinabè et nigériens déjà sur le territoire français ne sont en revanche pas concernés par la mesure. « Les artistes, étudiants et chercheurs déjà en France poursuivent normalement leurs activités et leurs études, et sont les bienvenus », ajoute la même source.

    Campus France, qui est l’agence française de promotion à l’étranger de l’#enseignement_supérieur français et de l’accueil des étudiants étrangers en France, précise que les bourses accordées aux étudiants de ces trois pays déjà sur le territoire français « restent actives ».

    La France compte actuellement quelque 3 000 étudiants maliens, 2 500 burkinabè et 1 200 nigériens dans ses établissements d’enseignement supérieur.

    « Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères n’a jamais donné instruction de suspendre la coopération avec le Mali, le Niger et le Burkina Faso, ou leurs ressortissants. C’est la coopération de la France dans ces trois pays qui est suspendue, compte tenu du contexte sécuritaire et politique », a-t-il ajouté auprès de l’AFP.

    Vendredi, le ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur avait indiqué à l’AFP être « contraint de suspendre [ses] services de visas et [sa] coopération civile pour des raisons de sécurité ». Pour autant « il n’est pas question de stopper des coopérations existantes avec des universités ou d’autres établissements scientifiques ».

    Pour des raisons de sécurité, la France a suspendu depuis le 7 août la délivrance de visas depuis Niamey, Ouagadougou et Bamako. Les relations avec ces trois pays sont tendues depuis les coups d’État successifs.


    https://www.infomigrants.net/fr/post/51896/la-france-suspend-les-visas-pour-les-etudiants-du-mali-burkina-faso-et

    #suspension #visas #France #étudiants #étudiants_étrangers #université #facs

  • Vous connaissez Charline Avenel ? Mathieu Billière
    (@mathieubil sur l’oiseau mort)
    https://threadreaderapp.com/thread/1703124612811210937.html

    Vous connaissez Charline Avenel ? Non ? Laissez-moi vous la présenter. Elle a été rectrice de l’Académie de Versailles de 2018 à juillet 2023. C’est donc elle qui a géré les alertes lancées par Samuel Paty 1/7
    C’est elle qui avait déclenché le recrutement par #job_dating et donc balancé dans le grand bain des gens qui n’avaient aucune expérience, et dont près de 70% ont très vite quitté le poste. 2/7
    Et c’est donc elle qui dirigeait les bureaux qui ont envoyé la lettre menaçant les parents d’un élève harcelé de poursuites judiciaires. C’est déjà pas mal non ? Attendez. 3/7

    https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Charline_Avenel

    #éducation_nationale #école #enseignants #recrutement #élèves #harcèlement_scolaire #menaces_de_poursuites_judiciaires #abus_de_pouvoir #enseignement_supérieur_privé #Ionis #népotisme

    • Harcèlement scolaire : l’association La Voix de l’enfant assure avoir reçu « le même type de courrier » que celui envoyé par le rectorat de Versailles à des parents
      https://www.francetvinfo.fr/societe/education/harcelement-a-l-ecole/harcelement-scolaire-l-association-la-voix-de-l-enfant-assure-avoir-rec

      La présidente de l’association La Voix de l’enfant, Martine Brousse, observe que les associations contre le harcèlement scolaire sont « rappelées à l’ordre parce qu’elles font trop de signalement après des interventions en classe ».

    • Éditorial du « Monde » : Harcèlement scolaire : la nécessité d’un sursaut
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/06/12/harcelement-scolaire-la-necessite-d-un-sursaut_6177285_3232.html

      cannibalisme à visage humain, de nouvelles avancées :

      Suicide de Nicolas : la révélation d’un courrier menaçant du rectorat met au jour les « manquements » de l’éducation nationale

      Dans ce courrier, révélé par BFM-TV, le rectorat de Versailles dit « réprouver » l’attitude des parents de Nicolas. Ces derniers avaient informé le proviseur, près de deux mois plus tôt, du lancement d’une procédure judiciaire à la suite du harcèlement subi par leur fils.
      Par Violaine Morin

      « Ce courrier est une honte ». Ainsi réagissait Gabriel Attal, samedi 16 septembre, lors d’un point presse organisé dans la foulée des révélations de BFM-TV, qui a diffusé à l’antenne un courrier adressé par le rectorat de Versailles aux parents de Nicolas. Le lycéen de 15 ans, victime de harcèlement scolaire s’est suicidé, le 5 septembre à Poissy (Yvelines).
      Dans ce courrier adressé le 4 mai 2023 par le « pôle Versailles » du service interacadémique des affaires juridiques aux parents de Nicolas, l’administration s’étonne du ton employé par la famille, au sujet du « supposé harcèlement » subi par leur fils, à l’égard du proviseur du lycée Adrienne-Bolland de Poissy, où il était scolarisé en troisième prépa professionnelle.
      « Les propos que vous avez tenus et le comportement que vous avez eu envers des personnels de l’éducation nationale, dont le professionnalisme et l’intégrité n’avaient pas à être remis en cause de la sorte, sont inacceptables. Je les réprouve de la façon la plus vive », peut-on y lire. Le rectorat rappelle ensuite aux parents de Nicolas l’article 226-10 du code pénal, qui réprouve la dénonciation calomnieuse et prévoit, pour ce délit, une peine de cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Contacté par Le Monde, le rectorat de Versailles n’a pas souhaité réagir.

      Des enquêtes administrative et judiciaire
      « Mettez-vous à la place des parents de Nicolas qui ont écrit à l’institution – dont le rôle absolu est de protéger les élèves – pour les informer de la détresse vécue par leur enfant, et qui ont reçu ce type de réponse ! », s’indignait M. Attal, samedi devant les journalistes. Le ministre de l’éducation nationale a rappelé qu’il avait lancé, « dès le lendemain du drame », une enquête administrative en plus de l’enquête judiciaire ouverte par le parquet de Versailles en recherche des causes de la mort. Il a précisé qu’il en tirerait « toutes les conclusions, y compris en matière de sanctions ». Le ministre a également indiqué qu’il réunirait « dès lundi » les recteurs, pour lancer un audit dans l’ensemble des rectorats sur toutes les situations de harcèlement signalées en 2022.

      Le courrier du rectorat faisait référence à une autre lettre datée de la mi-avril, également révélée par BFM-TV, dans laquelle les parents de Nicolas s’inquiétaient auprès du proviseur du lycée de ne pas voir évoluer la situation de leur fils, après un premier rendez-vous avec la direction de l’établissement à la mi-mars. Ils reprochaient au proviseur de les avoir mal reçus, et de leur avoir signifié qu’ils ne disposaient pas de preuves tangibles du harcèlement subi par leur fils. « Il est incompréhensible que vous puissiez laisser un adolescent subir une telle violence verbale et psychologique dans votre établissement sans réagir d’une quelconque manière », écrivaient-ils. « Aussi allons-nous déposer plainte et vous considérer comme responsable si une catastrophe devait arriver à notre fils. » Une main courante a été déposée au commissariat de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) le 4 mai, selon Le Parisien.

      Quelques jours plus tard, dans une réponse à cette lettre, le proviseur de l’établissement aurait évoqué les mesures prises pour suivre la situation du lycéen : des entretiens avec les élèves concernés auraient été organisés et la conseillère principale d’éducation ainsi que l’assistante sociale du lycée aurait été missionnée sur le sujet. C’est donc dans un courrier séparé, reçu une quinzaine de jours plus tard par les parents du jeune homme, que le rectorat de Versailles adopte le ton menaçant qui a heurté jusqu’à Matignon. « Il y a eu manifestement défaillance sur le type de réponse adressé à des parents qui étaient extrêmement inquiets », a réagi la première ministre, Elisabeth Borne, interrogée sur ce sujet lors des journées du patrimoine à Matignon, le 16 septembre.

      La mère du jeune homme s’est exprimée, dimanche, dans les colonnes du Jounal du dimanche, pour dénoncer la situation. Elle explique avoir lu la lettre du rectorat en présence de son fils. « Nous passions désormais pour des coupables. A partir de ce moment, Nicolas n’a plus été le même, raconte-t-elle. C’était tellement grossier et surtout injuste. »
      La mère de la victime raconte ensuite la visite de Gabriel Attal et Brigitte Macron, organisée le lendemain du drame à la mairie de Poissy, et salue le soutien des élus et de la première ministre dont une lettre manuscrite lui a été remise « en main propre » par le député de sa circonscription, Karl Olive. Le jour des obsèques de son fils, vendredi 15 septembre, Gabriel Attal lui a dit : « Nous n’avons pas été à la hauteur, il y a eu des manquements. »
      Ces développements surviennent alors qu’un grand plan interministériel de lutte contre le harcèlement scolaire est en préparation, sous l’égide de Matignon. Au cours d’une soirée spéciale consacrée au harcèlement scolaire, le 12 septembre sur M6, M. Attal a donné quelques pistes de mesures qui seront dans ce plan. Il s’agirait notamment de mettre en place un questionnaire d’autoévaluation pour que les élèves eux-mêmes repèrent et signalent les situations de harcèlement. Il a également promis une réaction plus rapide et des sanctions plus claires. Un déplacement ministériel est prévu, à la fin de la semaine du 25 septembre au Danemark, un pays qui a mis en place de « bonnes pratiques » dans l’éducation au « respect de l’autre », indique-t-on rue de Grenelle.

      Une campagne de communication à destination des adultes est également prévue, ainsi que l’élargissement du programme de lutte contre le harcèlement pHARe aux parents d’élèves. « Ce sont les adultes qui, régulièrement, sont défaillants, et ne déploient pas les moyens nécessaires de prise en charge, réagit Hugo Martinez, de l’association de lutte contre le harcèlement Hugo !. On le constate avec les derniers drames connus du grand public où les enfants ont parlé mais les adultes n’ont, à chaque fois, pas pris la pleine mesure de la situation. Demander aux enfants de s’auto-évaluer dans leur situation pour confirmer ou non le harcèlement est un non-sens. Les adultes ne sont-ils pas capables d’évaluer cela, de déployer une prise en charge ? » Le plan interministériel de lutte contre le harcèlement devrait être annoncé fin septembre.

      https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/09/17/suicide-de-nicolas-la-revelation-d-un-courrier-menacant-du-rectorat-met-au-j

      la lettre du rectorat

    • « trop de signalements », 𝑺𝒖𝒓 𝒍𝒂 𝒔𝒐𝒊𝒆 𝒅𝒆𝒔 𝒎𝒆𝒓𝒔 ★𒈝 @Acrimonia1
      https://twitter.com/Acrimonia1/status/1703824359788335537

      « trop de #signalements »... ça m’est arrivé aussi qu’une assistante sociale me reproche d’avoir trop d’élèves en situation de #maltraitance familiale dans mes classes. No comment.
      Citation

      Mediavenir @Mediavenir
      🇫🇷 FLASH - L’association contre le #HarcèlementScolaire « La Voix de l’enfant » affirme avoir été menacée par l’administration scolaire de perdre son agrément pour avoir émis « trop de signalements » pour des faits de harcèlement. (BFMTV)

      UnaDonna @JustUnaDonna
      « ce n’est pas sain, madame, cette façon de prendre si à coeur le fait que S***** ingère des objets en classe, vous devriez vous demander pquoi ça vous atteint autant »

      exactement, et aussi demandez vous pourquoi les élèves se confient à vous et vous racontent comment ils ont passé la nuit à se faire exorciser jusqu’à s’évanouir et entendre que leur famille s’en va et les laisse poru morte (véridique) ou comment ils se font humilier, frapper etc
      et puis vous n’avez pas à être tenue au courant des suites éventuelles une fois que c’est dit, d’ailleurs le plus souvent il n’y en a pas, et ça ne vous regarde pas.

  • Valoriser les forces des élèves - le passeport des compétences - FAPEO
    https://www.fapeo.be/analyse-fapeo-le-passeport-des-competences

    L’évaluation et la certification sont, avec la formation des enseignants, les principaux obstacles pour que nos écoles soient inclusives, accessibles à tous les élèves quelles que soient leurs situations sociales, physiques ou intellectuelles. Et si le système scolaire se basait sur les forces des élèves et sur leurs acquis pour les valoriser, même s’ils n’ont pas pu rejoindre les niveaux standards de l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles ? Une idée pour donner à chaque élève la possibilité d’avancer : le Passeport des Compétences.

    -- Permalien

    #école #enseignement

  • Les universités sommées de faire le #tri dans leurs #formations

    Fermer les #formations_universitaires qui ne collent pas assez aux #besoins_économiques du pays, développer des #indicateurs à cet effet, couper dans les budgets : la feuille de route de rentrée de la ministre de l’Enseignement supérieur, #Sylvie_Retailleau, a des allures de douche froide.

    Après les annonces de #coupes_budgétaires et le discours sur « l’argent qui dort » dans les universités, l’exécutif explique, en cette rentrée, qu’il faut « réfléchir au #modèle_économique des universités ».

    « On souhaite lancer un travail » sur ce sujet, a indiqué ce vendredi la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, lors de sa conférence de rentrée. L’ancienne présidente de l’université Paris-Saclay, qui avait pris des gants pour annoncer les ponctions à venir sur les fonds de roulement à ses anciens collègues, en fin de semaine dernière, a cette fois été beaucoup plus radicale. « C’est notre responsabilité d’utiliser l’argent qui dort, si on veut des solutions pour le pouvoir d’achat des agents. Avec 1 milliard d’euros non utilisés, il faut réfléchir au modèle économique des universités », a-t-elle lancé.

    « Les universités doivent faire beaucoup mieux »

    Ses propos arrivent après ceux d’Emmanuel Macron, lundi soir, dans son interview au youtubeur Hugo Travers. « Il faut avoir le #courage de revoir nos formations à l’université et de se demander : sont-elles diplômantes ? Sont-elles qualifiantes ? » « Les universités, avec leur budget, doivent #faire_beaucoup_mieux », avait répondu le chef de l’Etat.

    « Elles doivent avoir le courage de dire : ’On ne laisse pas ouvertes ces formations parce qu’on a des profs sur ces formations’, ce qui est un peu le cas parfois. Mais plutôt : ’Est-ce que cette formation permet de former des jeunes et de leur fournir un #emploi ?’ » Trop de formations « se passent dans de mauvaises conditions », poursuivait le chef de l’Etat. « Donc on doit réallouer les choses. » L’exécutif veut clairement faire le #ménage dans les formations, à l’université comme dans la voie professionnelle.

    « Plus de #formations_courtes »

    Emmanuel Macron veut « développer plus de formations courtes, entre un et trois ans, au plus près du terrain, dans des #villes_périphériques où le coût de la vie est moins important ». Les universités sont concernées, mais aussi les écoles d’ingénieurs et de commerce. « Avec les moyens qu’on met, on doit faire beaucoup mieux », soulignait-il lundi dernier en brandissant le chiffre de « 50 % de jeunes inscrits en licence [qui] ne vont pas se présenter à l’examen ». Et en pointant « un énorme problème d’#orientation et une forme de #gâchis_collectif ».

    C’est l’un des axes de la feuille de route de Sylvie Retailleau en cette rentrée. La ministre dit vouloir « une accélération de la transformation de l’#offre_de_formation pour mieux former aux savoirs et aux métiers ». « Nous devons offrir à nos étudiants des parcours qui leur permettent de devenir des #citoyens_éclairés, mais aussi d’intégrer le #monde_professionnel, souligne-t-elle. Nous n’avons pas encore gagné la bataille d’une #orientation_réussie pour le premier cycle universitaire en particulier, nous n’avons pas assez avancé sur la formation tout au long de la vie. »

    Des indicateurs pour toutes les #licences, d’ici juin

    Pour « réindustrialiser le pays, le décarboner et adapter les formations aux besoins de la société », cela passe par l’orientation dès le collège et des filières courtes ou des licences « synonymes d’un #parcours_fluide et d’une #insertion_professionnelle_réussie », complète Sylvie Retailleau.

    Des indicateurs sur les #taux_d'insertion de toutes les licences générales vont se mettre en place d’ici à juin 2024. Ils concerneront ensuite, fin 2024, les écoles d’ingénieurs, de commerce et les doctorats, pour couvrir l’ensemble du champ de l’enseignement supérieur.

    Pour investir dans les filières dites porteuses (alimentation durable, numérique…), l’exécutif mise sur les #appels_à_projet du plan #France_2030, avec « près de 20.000 places de formation [qui] seront proposées sur ces enjeux ». Et aussi sur les nouveaux contrats d’objectifs, de moyens et de performance, qui conditionnent l’argent versé aux établissements à la politique menée. Le gouvernement vient d’annoncer deux nouvelles vagues de #contractualisation.

    Dans l’enseignement supérieur, où le vocable d’« insertion professionnelle » faisait encore bondir il y a dix ans, celui de « #performance » interroge. Certains présidents d’université s’étranglent à l’idée qu’on leur ponctionne leurs fonds de roulement et que l’on sanctionne, disent-ils, leur bonne gestion. L’un d’eux, pourtant favorable à cette logique de « performance », pointe aussi « la schizophrénie d’un Etat centralisateur qui veut tout gérer, tout en tenant un discours sur l’autonomie des universités ».

    https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/les-universites-sommees-de-faire-le-tri-dans-leurs-formations-1976647

    #université #facs #ESR #enseignement_supérieur #filières_porteuses #conditionnalité #employabilité

    • La guerre aux universités est déclarée

      Après le cri d’alarme de France Universités au sujet des mesures de pouvoir d’achat et des augmentations du prix de l’énergie non compensées par l’État alors que l’inflation galope, les démissions collectives des fonctions administratives empêchant toute rentrée dans de nombreux départements universitaires (Rouen, Nantes, Paris Cité, Brest, Créteil, Tarbes, etc.), l’alerte santé et sécurité à Université Grenoble-Alpes, la sonnette d’alarme tirée par l’Assocation des directions de laboratoires (ADL) au sujet du Hcéres ou par des responsables de Départements sur la part majoritaire de l’emploi non-titulaire pour assurer les enseignements, les expulsions locatives brutales des étudiant·es logé·es par le CROUS, récemment dénoncées par la Fondation Abbé Pierre, la mise à l’arrêt administrative du CNRS avec la mise en oeuvre dysfonctionnelle de Notilus, après les multiples attaques contre les sciences humaines et sociales, qualifiés d’ “islamogauchiste” ou de “wokistes” y compris par la Ministre Vidal elle-même, et les attaques perlées de l’extrême-droite depuis plusieurs années, on ne peut comprendre la dernière déclaration de Sylvie Retailleau sur le ponctionnement des fonds de roulement universitaire que pour ce qu’elle est : une nouvelle déclaration de guerre.

      Soyez assis quand vous lirez les extraits que nous publions ci-dessous.

      S’agit-il de mettre en œuvre le programme néolibéral de privatisation du secteur de l’enseignement supérieur dévoilé dans les MacronLeaks ? De fermer des départements entiers de sciences critiques (sciences humaines et sociales, études environnementales ou climatiques), sous le feu de procès-baillons ou du courroux du président de la République lui-même ? D’achever une politique de darwinisme social consistant à affamer les plus modestes ? Sans doute tout cela et plus encore. Comment allons-nous résister ?

      https://academia.hypotheses.org/51758

    • Retailleau et le fonds de roulement des universités dans la farine.

      C’est la petite bombe qui occupe donc cette rentrée universitaire. La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, #Sylvie_Retailleau, vient d’annoncer toute honte bue, ce que même ses prédécesseurs les plus cyniquement et authentiquement libéraux n’avaient pas osé formuler : elle va aller taper dans le fonds de roulement des universités (pour contribuer à l’effort pour réduire la dette de l’état, hahaha, nous y reviendrons).

      Alors pour bien comprendre à quel point cette annonce est mortifère, et cynique, en plus d’être simplement conne, et super conne même, il faut déjà savoir ce qu’est un fonds de roulement. C’est donc, une fois recettes escomptées et dépenses décomptées, le solde de l’argent disponible pour assurer et couvrir les dépenses courantes liées à l’activité d’une entreprise : payer le salaire des employé.e.s, les frais généraux (loyers, assurances), les factures mais aussi les charges fiscales et sociales.

      [mise à jour du soir] Ils avaient déjà fait le coup en 2015 en ponctionnant le fonds de roulement de plus d’une quarantaine d’universités : https://www.letudiant.fr/educpros/actualite/budget-la-repartition-des-dotations-2015-des-universites.html [/mise à jour]

      Paradoxe de voir qu’alors que depuis le passage à la LRU il y a plus de 10 ans chaque gouvernement somme les universités de fonctionner et d’être gérées comme autant d’entreprises où chaque formation doit être rentable, et que le même gouvernement vient aujourd’hui annoncer qu’il va venir pépouze faire ce que jamais il ne ferait à aucune une entreprise : taper dans la caisse.

      Ce fonds de roulement des universités est estimé par Retailleau à un milliard d’euros. Un milliard forcément c’est un chiffre qui claque. Mais qui doit être divisé par le fait qu’il y a 72 universités en France (parmi au total environ 120 établissements d’enseignement supérieur public). Je vous laisse faire la division (en médiane cela fait 13 millions par université). Ça claque déjà un peu moins. Et ça claque encore moins quand on sait que le budget global d’une université comme celle de Nantes et d’un peu plus de 350 millions d’euros par an, et que dans ce budget, l’état “oublie” de verser environ 290 millions d’euros c’est à dire l’équivalent, pour Nantes, d’environ 400 euros par an et par étudiant.e. Que sur la base de ce constat (largement partagé par l’essentiel des 52 universités françaises), l’actuelle ministre vienne nous expliquer qu’elle va taper dans la caisse du fonds de roulement des universités au motif qu’elles en seraient mauvaises gestionnaires et devraient participer à l’effort national donne quand même envie de lui infliger des trucs que la morale et les émissions pour enfant réprouvent à l’unisson.

      Parce que face à la diminution constante du financement par l’état (voir plus bas), ce fonds de roulement est souvent la dernière poche de survie des universités pour financer les postes “sur ressources propres”, postes qui explosent pour venir compenser ceux que l’état ne crée plus, postes sans lesquels plus aucune université n’est en mesure de fonctionner.

      Ce fonds de roulement c’est également la dernière poche de survie permettant aux universités de financer les mesures bâtimentaires de campus qui souvent tombent en ruine ou sont totalement inadaptés au changement climatique, problématiques dont l’état se contrecogne au motif de “l’autonomie”.

      Voilà donc pour la première salve de celle que l’on imaginait, par contraste avec la précédente, en Oui-Oui Retailleau partageant à chaque Tweet sa vie d’influenceuse campus, et que l’on découvre – sans trop de surprise – en Terminator Retailleau avec un plan de route clair : faire en sorte qu’à la fin du deuxième et dernier mandat d’Emmanuel Macron il ne reste plus que les cendres de ce que fut l’université publique ouverte à toutes et tous. Et c’est là qu’intervient la deuxième lame, balancée dans l’interview que Macron a donné à Hugo Décrypte, interview dans laquelle il annonçait qu’il allait falloir que les universités se concentrent sur les filières rentables et ferment les autres. Et c’est vrai après tout, qu’est-ce que la construction de l’intelligence et du regard critique au regard de l’exercice de la performance et de la rentabilité ?

      Macron veut donc achever l’université publique, la grand remplacer par des formations privées, et limiter le champ des connaissances publiques à quelques cénacles et universités qu’il dit “d’excellence” là où toutes les autres composantes de l’université publique ne tendraient qu’à former cette main d’oeuvre intermédiaire si nécessaire et légitime, mais qu’on ne comprend pas bien de quel droit et au nom de quel projet de société on voudrait priver de la possiblité de s’instruire autrement que dans des compétences purement opérationnelles et définies par les besoins immédiats du Medef. Si Ricoeur était encore vivant et s’il croisait Macron aujourd’hui, il n’en ferait pas son (très provisoire) assistant éditorial mais il le démarrerait illico.

      Le résultat de cette rentrée en mode “défonce-les Sylvie” c’est donc, premier temps : “bon bah on va terminer le travail consistant à vous étrangler financièrement” (ça c’est la ponction dans les fonds de roulement), et le deuxième temps c’est, “bon bah puisque vous n’aviez déjà plus les thunes de l’état permettant de créer des postes, de financer le GVT (Glissement Vieillesse Technicité), et tout un tas d’autres choses initialement “régaliennes”, vous n’aurez pas non plus le peu de liquidités qui vous permettaient de colmater l’immensité des brèches RH, bâtimentaires, stratégiques, et qui achèveront de conduire à votre effondrement.”

      Il y a déjà bien longtemps que l’idée est là, depuis Pécresse et Sarkozy exactement, mais jamais elle n’avait été posée et affirmée publiquement avec autant de cynisme et de mépris.

      Pour Le Monde, cela donne ceci :

      “Mieux gérer leurs fonds et contribuer à réduire la dette publique“. Hahaha, difficile d’être contre. Imaginez : non seulement nous serions forcément mauvais gestionnaires et en plus de cela nous refuserions de contribuer à réduire la dette publique.

      Les Echos font oeuvre journalistique plus sincère en posant le seul et réel enjeu visé par Macron et Retailleau : faire le tri dans les formations.

      Fini de jouer. On garde juste le rentable, le Medefiable, le corvéable et selon des critères définis par … ? Le marché, les intérêts privés, les politiques libérales. Pourquoi pas hein, après tout on ne va pas demander aux libéraux de faire des plans quinquennaux, ni aux étourneaux d’avoir l’acuité des aigles. Nous y voilà, les rentiers et les banquiers sont à table et ne bouffent que du rentable. Et on aura “‘des indicateurs” pour le mesurer. Alors soyons francs, cela fait plus de 25 ans que je suis à l’université, j’ai créé et piloté des formations, j’ai vu et échangé et collaboré avec des collègues pour en créer et en piloter d’autres, il y a toujours eu des indicateurs, et il y en a toujours eu à la pelle. Des études longitudinales sur le taux d’insertion des étudiant.e.s, des indicateurs de “performance” demandés par le ministère ou les conseils d’administration et conseils académiques des universités et concernant, tout à trac, l’adéquation avec le bassin d’emploi, les sources de “flux entrants” d’étudiant.e.s, la redondance avec des formations sur le même sujet, etc. Sans parler des évaluations régulières qui arrivent en moyenne tous les 3 ou 4 ans pour affiner et ajuster la pertinence et l’intérêt des formations publiques. Des indicateurs il y en a donc toujours eu partout à l’université publique surtout depuis la LRU (et même avant), et il faut répondre de ces indicateurs pour ouvrir des formations comme pour les maintenir ouvertes. Là où, rappelons-le aussi, les formations privées à 10 000 euros l’année pour des promotions de 15 étudiant.e.s client.e.s se torchent le cul avec les critères qualité et les constants processus d’audit et d’évaluation auxquels sont soumises les formations publiques. Non franchement, présenter le fait de développer des indicateurs à l’université comme une nouveauté ou comme une solution pour mesurer la pertinence, la légitimité et même l’adéquation au marché de nos formations, c’est déjà être diplômé d’un post-doctorat en foutage de gueule.

      Le problème de cette énième et peut-être ultime attaque frontale contre l’université c’est qu’elle s’aligne avec les différents effondrements déjà vécus par l’université publique depuis l’invention de leur assignation à l’autonomie.

      Effondrement du financement de l’état par étudiant, en baisse de 14% entre 2008 & 2022 (et de 7% rient qu’entre 2017 & 2022).

      Effondrement de la condition étudiante sur le plan du logement, chaque rentrée universitaire désormais des étudiant.e.s dorment à la rue faute de pouvoir se loger.

      Effondrement de la condition étudiante sur le plan alimentaire : les distributions et épiceries solidaires explosent et transforment chaque campus en succursale des restos du coeur. Et l’on voit bien ce qu’il advient aujourd’hui aux restos du coeur. Mais si Terminator Retailleau trouve le temps d’aller prendre la pose en train de bouffer des coquillettes au Resto U, on ne l’a toujours pas aperçue dans une file de distribution alimentaire. L’invitation est lancée : la première de cette année à l’IUT de La Roche-sur-Yon aura lieu le 21 septembre. Pour un petit campus d’une petite ville universitaire on attend encore 250 étudiant.e.s. Comme à chaque fois et comme deux fois par mois, depuis déjà 3 ans. Que la ministre n’hésite pas à y passer nous rencontrer.

      Et que dire de l’effondrement de la santé mentale de nos étudiant.e.s, largement corrélé aux deux effondrement précédents.

      Effondrement aussi de la condition des doctorant.e.s et post-doctorant.e.s, bac +8, bac +12, des CV académiques en face desquels celui de Sylvie Retailleau ressemble à la bibliographie d’un rapport de stage d’étudiant de première année, des années à faire des cours avec un salaire indigne, et à la fin … juste rien. Rien d’autre qu’une précarité toujours plus forte, rien d’autre qu’un mépris toujours plus affirmé.

      Effondrement, même, de ce qui devrait pourtant cocher toutes les cases de ces formations courtes et professionnalisantes et rentables tant mises en avant par ce gouvernement de putains de pénibles pitres. Les IUT sont en train de massivement s’effondrer. Ils ne tiennent pour l’immensité d’entre eux que par les financements liés à l’alternance qui représentent parfois plus de 80% du budget global de ces composantes. La moindre variation dans les aides de l’état à l’alternance (qui sont en réalité des aides directes aux entreprises) et c’est la moitié des IUT de France qui ferment au moins la moitié de leurs formations et des dizaines de milliers d’étudiant.e.s qui se trouvent, du jour au lendemain, sur le carreau. En plus de ce modèle si puissamment fragile, vous n’en avez jusqu’ici pas entendu parler dans les journaux mais un nombre tout à fait inédit d’IUT sont cette rentrée “en mode dégradé” comme la sabir libéral managérial nous a appris à nommer les situations de souffrance, de révolte et de mobilisation. En IUT mais aussi en STAPS, dans un nombre inédit de campus, des milliers d’étudiants ont effectué leur rentrée “en mode dégradé”. Comprenez : ils et elles n’ont pas de cours, et/ou pas d’emplois du temps, et/ou plus de directeur des études, et/ou plus de responsables de formation, et/ou plus de responsables de département.

      Les démissions administratives atteignent un volume tout à fait stupéfiant et inédit qui colle à la fois à l’épuisement de l’ensemble des personnels et à l’inéquité mortifère des “primes” ou des revalorisations salariales auxquels ils et elles peuvent prétendre. Angers, Nantes, Niort, Caen, Toulouse, Lorient, mais aussi Marseille, Lyon, Strasbourg, Lille … Presqu’aucune ville universitaire n’est épargnée par ces rentrées “en mode dégradé”. Demain Lundi 11 septembre a lieu la grande journée de mobilisation de ce qu’on appelle les ESAS (les Enseignant.e.s du Secondaire Affecté.e.s dans le Supérieur). Celle et ceux qui font, avec les vacataires toujours méprisés, tourner tant de filières de formation à l’université. A part quelques articles dans quelques médias locaux, aucun article dans aucun journal national sur cette rentrée universitaire totalement inédite aussi bien dans l’effondrement que dans la mobilisation. A tel point que Terminator Retailleau, pour éteindre un incendie qu’elle sent devenir incontrôlable, se met déjà à balancer des promesses d’aider à hauteur de 14 millions d’euros une quarantaine d’IUT choisis pour être ceux disposant des taux d’encadrement les plus bas. C’est Bernard Arnault et son chèque de 10 millions d’euros aux Restos du coeur. Non seulement cet argent versé (peut-être …) aux IUT leur était dû dans le cadre du passage, “à moyens constants”, d’un diplôme à Bac+2 à un diplôme à Bac+3, non seulement il est largement insuffisant, mais il aurait dû, et de droit, être adressé à l’ensemble des IUT. D’autant que dans le même temps, les universités asséchées sur leurs fonds de roulement annoncent déjà leur intention de venir piquer dans la caisse de l’alternance des IUT non pas “rentables” mais simplement moins misérablement sous-encadrés que les filières non-professionnalisantes. Et c’est là tout le génie libéral d’organiser à tel point ces concurrences délétères au sein d’organismes dont on a construit la fragilité et programmé le délabrement.

      Même les président.e.s d’université. Oui. Même elles et eux, qui sont pourtant à la radicalité ce que Mickey Mouse est aux Snuff Movies, écrivent dans un communiqué que ces annonces se situent entre le rackett et l’escroquerie et appellent l’ensemble des universitaires et des étudiant.e.s à se mobiliser contre cette attaque sans précédent qui pourrait être le coup de grâce, le Big Crunch qui achèvera d’atomiser l’enseignement supérieur public en France. Alors ils le disent certes avec leurs demi-mots de demi-mous adeptes de conversations de salon plus que de Saloon, mais je vous promets que c’est l’idée. Et pour que France Universités (anciennement la CPU, Conférence des Président.e.s d’Université) se fende d’un communiqué de presse critiquant la politique du gouvernement, il faut que celui-ci ait repoussé tous les seuils de la maltraitance et du mépris. Si France Université avait été à bord du Titanic, ils auraient commencé à s’alarmer de la montée du niveau de l’eau le lendemain du naufrage et auraient demandé poliment la création d’un colloque sur l’habitat partagé entre les icebergs et les navires. Qu’ils commencent à gueuler aujourd’hui est peut-être ce qui dit le mieux l’urgence de la mobilisation contre cet effondrement.

      https://affordance.framasoft.org/2023/09/retailleau-et-le-fonds-de-roulement-des-universites-dans-la-fa

  • Une université a tué une librairie
    https://academia.hypotheses.org/51609

    Billet paru le 2 septembre sur le blog abbordance.info, “le blog d’un maître de conférences en sciences de l’information”, qui a gentiment autorisé Academia de le republier. Une université vient de tuer une librairie. Le libéralisme a fourni l’arme. Les … Continuer la lecture →

    ##ResistESR #Billets #Enseignement #Gouvernance_de_l'ESR #Politique_de_la_recherche #Pratiques_de_l'emploi #Recrutements:_théorie_et_pratique #Santé_au_travail #bibliothèque #marchés_publics #Nantes_Université

  • #Université_Grenoble_Alpes : “Cher président, l’heure est à la reconnaissance d’un plan d’urgence”
    https://academia.hypotheses.org/51534

    Le 30 août 2023, le président de l’Université Grenoble Alpes s’est adressé à ses “chères et chers collègues” pour leur souhaiter “une bonne rentrée et une bonne année universitaire”, mais également pour “marque[r] la concrétisation de nombreux succès obtenus par … Continuer la lecture →

    ##ResistESR #Billets #Enseignement #Pratiques_de_l'emploi #Santé_au_travail #austérité #santé_au_travail

  • Le serpent de mer de la chronologie
    https://laviedesidees.fr/Le-serpent-de-mer-de-la-chronologie

    La récente polémique lancée par le chef de l’État autour de l’enseignement de la chronologie dans les programmes d’histoire est l’occasion de revenir sur l’histoire de ces programmes depuis le Second Empire – et de ce débat sempiternel.

    #Histoire #enseignement
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20230905_histoire-2.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20230905_histoire-2.docx

    • On interprète cette absence comme un signe de la difficulté de la bureaucratie scolaire à construire en temps utile le minimum minimorum des ressources mobilisables pour mettre en œuvre concrètement ces programmes toujours changeants. Plus profondément, comme le soulignait dans un tweet Patrick Fournier, maître de conférences en histoire moderne, « La discipline historique n’est pas une chronique, pas plus que l’enseignement des mathématiques ne se limite à apprendre à compter » : vouloir faire de l’histoire un récit seulement chronologique, une « instruction civique » et non une science sociale, vouloir en faire une liste descriptive de hauts faits patriotiques alors qu’elle est une discipline ayant des ambitions explicatives sur le fonctionnement des mondes sociaux, c’est l’amputer – et c’est même sacrifier les « repères clairs et précis » aux supposées « valeurs essentielles ». Les programmes d’histoire ne sont pas là, et ne devraient pas être là, pour apporter un supplément d’âme, mais un supplément de compréhension.

      par Pierre Verschueren, le 5 septembre

  • Une #université a tué une #librairie

    Une université vient de tuer une librairie. Le #libéralisme a fourni l’arme. Les codes des marchés ont fourni la balle. Et l’université, après avoir baissé les yeux, a appuyé sur la détente.

    Cette université c’est “mon” université, Nantes Université. Cette librairie c’est la librairie Vent d’Ouest, une librairie “historique”, présente dans le centre de Nantes depuis près de 47 années et travaillant avec l’université depuis presqu’autant de temps.

    Une université vient de tuer une librairie. Nantes Université travaillait, pour ses #commandes d’ouvrages (et une université en commande beaucoup …) avec principalement deux #librairies nantaises, Durance et Vent d’Ouest. Pour Vent d’Ouest, cela représentait une trésorerie d’environ 300 000 euros par an, 15% de son chiffre d’affaire. Une ligne de vie pour les 7 salariés de la libraire. Et puis Vent d’Ouest perd ce marché. Du jour au lendemain. Sans même un appel, une alerte ou une explication en amont de la décision de la part de Nantes Université.

    À qui est allé ce marché ? Au groupe #Nosoli, basé à Lyon, qui s’auto-présente comme le “premier libraire français indépendant multi-enseignes” (sic) et qui donc concrètement a racheté les marques et magasins #Decitre et #Furet_du_Nord (et récemment Chapitre.com) et dont le coeur de métier est bien davantage celui de la #logistique (#supply_chain) que celui de la librairie.

    Pourquoi Nosoli a-t-il remporté ce #marché ? Et pourquoi Nantes Université va devoir commander à des librairies Lyonnaises des ouvrages pour … Nantes ? Parce que le code des #marchés_publics. Parce que l’obligation de passer par des #appels_d’offre. Parce le code des marchés publics et des appels d’offre est ainsi fait que désormais (et depuis quelques temps déjà) seuls les plus gros sont en capacité d’entrer dans les critères définis. Parce que les critères définis (par #Nantes_Université notamment) visent bien sûr à faire des #économies_d’échelle. À payer toujours moins. Parce que bien sûr, sur ce poste de dépenses budgétaires comme sur d’autres il faut sans cesse économiser, rogner, négocier, batailler, parce que les universités sont exangues de l’argent que l’état ne leur donne plus et qu’il a converti en médaille en chocolat de “l’autonomie”. Parce qu’à ce jeu les plus gros gagnent toujours les appels d’offre et les marchés publics. C’est même pour cela qu’ils sont gros. Et qu’ils enflent encore. [mise à jour] Mais ici pour ce marché concernant des #livres, ce n’est pas le critère du #prix qui a joué (merci Jack Lang et la prix unique) mais pour être parfaitement précis, c’est le critère du #stock qui, en l’espèce et malgré le recours en justice de la librairie Vent d’Ouest, et bien qu’il soit reconnu comme discriminatoire par le ministère de la culture (en page 62 du Vade Mecum édité par le ministère sur le sujet de l’achat de livres en commande publique), a été décisif pour permettre à Nosoli de remporter le marché. [/mise à jour]

    Alors Nosoli le groupe lyonnais a gagné le marché de Nantes Université. Et les librairies nantaises Durance et Vent d’Ouest ont perdu. Et quelques mois après la perte de ce marché, la librairie Vent d’Ouest va fermer.

    On pourrait s’en réjouir finalement, ou même s’en foutre totalement. Après tout, Nantes Université va faire des #économies. Après tout une librairie qui ferme à Nantes et 7 salariés qui se trouvent sur le carreau c’est (peut-être) 7 personnes du service logistique du groupe Nosoli qui gardent leur emploi. Et puis quoi, une librairie qui ferme à Nantes mais il y en a 6 qui ont ouvert sur les deux dernières années à Nantes. Alors quoi ?

    Alors une université vient de tuer une librairie. Et quand on discute avec les gens qui, à Nantes Université, connaissent autrement que comptablement la réalité de ce qu’était le #marché_public passé avec Durance et Vent d’Ouest, et quand on échange avec celles et ceux qui ont l’habitude, à l’université ou ailleurs, de travailler avec le groupe Nosoli, on entend toujours la même chose : rien jamais ne remplacera la #proximité. Parce qu’avec Durance et Vent d’Ouest les échanges étaient souples, réactifs, pas (trop) systématiquement réglementaires, parce que les gens qui dans les bibliothèques de l’université commandaient les ouvrages connaissaient les gens qui dans les librairies les leur fournissaient, et qu’en cas de souci ils pouvaient même s’y rendre et les croiser, ces gens. Et on entend, en plus de l’aberration écologique, logistique, et sociétale, que les commandes avec le groupe Nosoli sont usuellement et comme avec tout grand groupe logistique … complexes, lentes, difficilement négociables et rattrapables, sans aucune souplesse, sans aucune écoute ou connaissance des besoins fins de l’université “cliente”. Voilà ce que l’on entend, entre autres choses plus âpres et plus en colère.

    Une université vient de tuer une librairie. Et ça fait tellement chier. C’est tellement anormal. Tellement schizophrène. Le même jour que celui où j’ai appris l’annonce de la fermeture définitive de la libraire Vent d’Ouest, j’ai aussi reçu un message de Nantes Université m’informant que, champagne, l’université venait – comme 14 autres universités – de remporter un appel à projet de plus de 23 millions d’euros. La cagnotte lancée par la libraire Vent d’Ouest après la perte du marché de Nantes Université lui avait rapporté quelques milliers d’euros qui lui avaient permis de retarder sa fermeture de cinq mois.

    Vivre à l’université, travailler à Nantes Université, c’est être tous les jours, à chaque instant et sur chaque sujet, confronté au même type de #schizophrénie. D’un côté on collecte des dizaines de millions d’euros dans de toujours plus nébuleux appels à projets, et de l’autre on gère la misère et la détresse. Et on ferme sa gueule. Parce que ne pas se réjouir de l’obtention de ces 23 millions d’euros c’est être un pisse-froid et c’est aussi mépriser le travail (et l’épuisement) des équipes qui pilotent (et parfois remportent) ces appels à projets. Oui mais voilà. À Nantes Université on organise des grandes fêtes de rentrée et on donnez rendez-vous à la prochaine #distribution_alimentaire, la #fête mais la #précarité. Et l’on fait ça tous les jours. Toutes les universités françaises organisent ou ont organisé des #distributions_alimentaires, et toutes les universités françaises remportent ou ont remporté des appels à projet de dizaines de millions d’euros. Mais les financements qui permettraient de recruter des collègues enseignants chercheurs ou des personnels techniques et administratifs en nombre suffisant, et de les recruter comme titulaires, pour garantir un fonctionnement minimal normal, ces financements on ne les trouve jamais. Mais les financements qui permettraient d’éviter de fermer une librairie avec qui l’université travaille depuis des dizaines d’années et d’éviter de mettre 7 personnes au chômage, on ne les trouve jamais. Mais les financements qui permettraient à tous les étudiant.e.s de manger tous les jours à leur faim, on ne les trouve jamais. Mais les financements qui permettraient à l’UFR Staps de Nantes Université de faire sa rentrée on ne les trouve jamais. Mais les financements qui permettraient aux collègues de la fac de droit de Nantes Université de ne pas sombrer dans l’#épuisement_au_prix et au risque de choix mortifières pour eux comme pour les étudiant.e.s on ne les trouve jamais. Mais les financements qui permettraient aux collègues de l’IAE de Nantes Université de ne pas s’enfoncer dans le #burn-out, ces financements on ne les trouve jamais. Il n’y a pas d’appel à projet à la solidarité partenariale. Il n’y a pas d’appel à projet à la lutte contre la #misère_étudiante. Il n’y a pas d’appel à projet pour permettre à des milliers de post-doctorants d’espérer un jour pouvoir venir enseigner et faire de la recherche à l’université. Il n’y pas d’appel à projet pour sauver l’université publique. Il n’y en a pas.

    Il n’y a pas d’appel à projet pour la normalité des choses. Alors Nantes Université, comme tant d’autres, est uniquement traversée par des #régimes_d’exceptionnalité. #Exceptionnalité des financements obtenus dans quelques appels à projets qui font oublier tous les autres appels à projet où l’université se fait retoquer. Exceptionnalité des #crises que traversent les étudiant.e.s, les formations et les #personnels de l’université. Exceptionnalité des mesures parfois prises pour tenter d’en limiter les effets. Dans nos quotidiens à l’université, tout est inscrit dans ces #logiques_d’exceptionnalité, tout n’est lisible qu’au travers de ces #matrices_d’exceptionnalité. Exceptionnalité des financements. Exceptionnalité des crises. Exceptionnalité des remédiations.

    Une université vient de tuer une librairie. Cela n’est pas exceptionnel. C’est devenu banal. Voilà l’autre danger de ces régimes d’exceptionnalité permanents : ils inversent nos #représentations_morales. Ce qui devrait être exceptionnel devient #banal. Et ce qui devrait être banal (par exemple qu’une université publique reçoive des dotations suffisantes de l’état pour lui permettre d’exercer sa mission d’enseignement et de recherche), est devenu exceptionnel.

    Une université vient de tuer une librairie. Dans le monde qui est le nôtre et celui que nous laissons, il n’est que des #dérèglements. Et si celui du climat dicte déjà tous les autres #effondrements à venir, nous semblons incapables de penser nos relations et nos institutions comme autant d’écosystèmes dans lesquels chaque biotope est essentiel aux autres. Nantes Université a tué la libraire Vent d’Ouest. Le mobile ? L’habitude. L’habitude de ne pas mener les combats avant que les drames ne se produisent. L’habitude de se résigner à appliquer des règles que tout le monde sait pourtant ineptes. L’habitude du renoncement à l’attention à l’autre, au plus proche, au plus fragile, dès lors que l’on peut se réjouir de l’attention que nous portent tant d’autres. L’#habitude d’aller chercher si loin ce que l’on a pourtant si près.

    Une université vient de tuer une librairie. Le libéralisme a fourni l’arme. Les codes des marchés ont fourni la balle. L’habitude a fourni le mobile. Et l’université, après avoir baissé les yeux, a froidement appuyé sur la détente.

    https://affordance.framasoft.org/2023/09/une-universite-a-tue-une-librairie

    #ESR #enseignement_supérieur

  • M. Drainville, avant-hier, j’ai démissionné de mon poste d’enseignante Annie Légaré-Bilodeau - Le devoir

    M. Drainville, vous me demandez de l’aide. Moi, cette semaine, j’ai démissionné.

    Oui, dans cette situation catastrophique que vit le Québec, après 15 ans d’enseignement, j’ai démissionné d’un travail que j’adorais. J’ai quitté des élèves en or malgré les beaux défis qu’ils m’offraient, des collègues devenus amis consternés devant mon départ, des projets que je souhaitais poursuivre, ma classe pleine de matériel que j’ai bâti avec les années.

    Je n’ai pas quitté mon emploi pour une autre occasion. Je devrai me retrousser les manches et me mettre en recherche d’emploi. Je l’ai quitté parce que je suis mère de trois enfants et que la composition de ma tâche ne m’aurait pas permis d’être présente pour eux les soirs et les fins de semaine : 21,5 périodes d’enseignement dans quatre écoles sur 70 km de territoire (antérieurement cinq écoles sur 135 km) ; groupes à cycles multiples (ex. : préscolaire, deuxième et troisième années dans la même classe).


    Pourquoi cette tâche est-elle problématique ? Parce que quatre écoles, ça signifie quatre projets éducatifs à s’approprier, quatre plans de lutte contre l’intimidation et la violence, plusieurs façons différentes de fonctionner avec les multiples directions, quatre fois plus de procès-verbaux à lire parce qu’on ne peut pas assister à toutes les réunions, quatre fois plus de courriels des directions et des équipes-écoles, quatre fois plus de groupes scolaires par messagerie qui font sonner mon téléphone sans arrêt. J’en passe.

    Les groupes à cycles multiples ? J’adore, mais ça demande beaucoup de préparation. Adapter une activité de premier cycle pour la rendre accessible au préscolaire et en faire une version avec un volet écriture pour les élèves de troisième année. Refaire constamment les planifications de cours parce qu’elles ne sont pas réutilisables d’une école à l’autre, la composition des groupes étant différente. Coordonner deux situations d’évaluation en même temps en courant d’un local à l’autre. Créer du matériel sans arrêt parce qu’il n’existe pas beaucoup d’activités clés en main pour plus de deux niveaux à la fois.

    Oui, c’est beaucoup de travail. Beaucoup de travail, mais avec moins de temps pour le faire : 21,5 périodes d’enseignement par semaine, ça laisse très peu d’heures de travail personnel par jour (planification, correction, photocopies, suivi d’élèves, rencontres, comités). En considérant les déplacements, ce temps est presque réduit à néant et crée un surplus de travail à la maison. Les heures sont placées dans l’horaire et le calcul mathématique semble fonctionner, mais la réalité est tout autre.

    J’avais l’habitude de demander une petite réduction de tâche (trois périodes) pour enseigner dans trois écoles au lieu de quatre. Ça me permettait de concilier travail et famille, de faire un meilleur suivi des élèves et de m’impliquer dans les milieux. On m’a dit qu’à cause de la pénurie de main-d’oeuvre, ce n’était plus possible. Jusqu’à la dernière minute, j’ai souhaité un changement. Cet été, j’ai acheté un chandail avec un robot dans une friperie en me disant qu’il ferait rire mes élèves lorsque je le porterais pour notre projet sur ce thème. Il restera finalement dans les tiroirs parce que pour moi, M. Drainville, une tâche comme celle-là, ce n’était pas possible non plus.

    Vous me demandez de l’aide, voici quelques conseils :

    Prenez soin de vos enseignants encore présents. Ce n’est pas pour rien que 1000 d’entre eux, non retraités, quittent par année. Je connais personnellement cinq personnes qui ont leur brevet et n’enseignent pas. Quatre d’entre elles seraient encore présentes si le système n’était pas venu à bout de leur motivation.

    Acceptez les réductions de tâches chez les enseignants permanents qui le demandent. Ça évite beaucoup de départs en maladie. Ça fait des gens investis et heureux, capables d’offrir un bon service à l’élève. Mais ne devrions-nous pas tous pouvoir l’être sans réduction salariale ?

    Révisez les balises de composition des tâches. Soyez à l’écoute lors des négociations. On ne fait pas de caprices. On veut sauver l’éducation.

    Qui me remplacera ? Probablement une enseignante nouvellement diplômée et motivée, heureuse d’obtenir une tâche à temps plein. Ou peut-être pas. Si oui, je lui souhaite sincèrement la meilleure des expériences. Mais commence-t-elle sa carrière dans des conditions qui lui permettront de s’épanouir professionnellement et de ne pas se questionner d’ici cinq ans ? J’en doute. Ah, oui… un dernier conseil avant que l’on se quitte.

    Écoutez les experts en éducation. Égide Royer m’a enseigné plusieurs cours au deuxième cycle. Lorsqu’il dit que les nouveaux enseignants ne doivent pas commencer leur carrière dans les contextes les plus complexes, il sait de quoi il parle. Ne répétez pas mon histoire et faites en sorte de garder vos enseignants qui choisissent ces situations par passion.

    #enseignant #enseignante #enseignement #éducation #pénurie #école_publique #école #démission #administration #quebec mais c’est la même chose partout #réalité

    Source : https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/796904/libre-opinion-m-drainville-avant-hier-j-ai-demissionne

  • Une relation d’une année universitaire… et d’un été
    https://academia.hypotheses.org/51044

    Sur une relation pédagogique abusive à l’UPEC Une étudiante, qui a fait son Master à l’UPEC, raconte son expérience d’une relation pédagogique abusive et ses prolongements en trois épisodes. TW : mention de violences psychiques, suicide, VSS. Épisode 1. Une … Continuer la lecture →

    #Academic_Feminist_Fight_Club #Lectures_/_Readings #Libertés_académiques_:_pour_une_université_émancipatrice #Témoignages #abus_de_pouvoir #UPEC

  • 50 raisons qui expliquent qu’il n’y a pas de Māori dans votre département de science
    https://academia.hypotheses.org/50981

    Dans le cadre de sa série d’été #DelaracESR, Academia traduit un texte provocateur de Tara MacAllister, chercheuse en sciences environnementales, spécialistes des algues d’eau douce. Néo-Zélandaise, Måori, elle déploie depuis quelques années une activité d’enseignement et de recherche consacrée au … Continuer la lecture →

  • Où le #classement_de_Shanghaï mène-t-il l’#université française ?

    Le classement de #Shanghaï, dont les résultats sont publiés mardi 15 août, a façonné une idée jamais débattue de l’« #excellence ». Des universitaires appellent à définir « une vision du monde du savoir » propre au service public qu’est l’enseignement supérieur français.

    Des universités à la renommée mondiale qui attirent les meilleurs étudiants, les chercheurs les plus qualifiés et les partenaires financiers les plus magnanimes : depuis l’avènement des classements internationaux dans l’#enseignement_supérieur, il y a vingt ans, la quête d’une certaine idée de l’« excellence » a intégré le vocabulaire universitaire, jusqu’à se muer en un projet politique.

    En France, en août 2003, la première édition du classement de Shanghaï, qui publie mardi 15 août son édition 2023, a été un coup de tonnerre : ignorant les subtilités administratives hexagonales et la tripartition entre #universités, grandes écoles et organismes de recherche, le palmarès n’avait distingué dans son top 50 aucun des fleurons nationaux. Piqués au vif, les gouvernements successifs se sont engouffrés dans la brèche et ont cherché les outils pour se conformer aux #standards. En 2010, le président de la République, #Nicolas_Sarkozy, avait fixé à sa ministre de l’enseignement supérieur, #Valérie_Pécresse, un #objectif précis : placer deux établissements français dans les 20 premiers mondiaux et 10 parmi les 100 premiers du classement de Shanghaï.

    La loi relative aux libertés et responsabilités des universités, votée en 2007, portait alors ses premiers fruits, présentés en personne par Mme Pécresse, en juillet 2010, aux professeurs #Nian_Cai_Liu et #Ying_Cheng, les deux créateurs du classement. Les incitations aux #regroupements entre universités, grandes écoles et organismes de recherche ont fleuri sous différents noms au gré des appels à projets organisés par l’Etat pour distribuer d’importants investissements publics (#IDEX, #I-SITE, #Labex, #PRES, #Comue), jusqu’en 2018, avec le nouveau statut d’#établissement_public_expérimental (#EPE). Toutes ces tactiques politiques apparaissent comme autant de stigmates français du palmarès chinois.

    Ces grandes manœuvres ont été orchestrées sans qu’une question fondamentale soit jamais posée : quelle est la vision du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche que véhicule le classement de Shanghaï ? Lorsqu’il a été conçu, à la demande du gouvernement chinois, le palmarès n’avait qu’un objectif : accélérer la #modernisation des universités du pays en y calquant les caractéristiques des grandes universités nord-américaines de l’#Ivy_League, Harvard en tête. On est donc très loin du #modèle_français, où, selon le #code_de_l’éducation, l’université participe d’un #service_public de l’enseignement supérieur.

    « Société de marché »

    Pour la philosophe Fabienne Brugère, la France continue, comme la Chine, de « rêver aux grandes universités américaines sans être capable d’inventer un modèle français avec une #vision du savoir et la perspective d’un bonheur public ». « N’est-il pas temps de donner une vision de l’université ?, s’interroge-t-elle dans la revue Esprit (« Quelle université voulons-nous ? », juillet-août 2023, 22 euros). J’aimerais proposer un regard décalé sur l’université, laisser de côté la question des alliances, des regroupements et des moyens, pour poser une condition de sa gouvernance : une #vision_du_monde_du_savoir. »

    Citant un texte du philosophe Jacques Derrida paru en 2001, deux ans avant le premier classement de Shanghaï, la professeure à Paris-VIII définit l’université comme « inconditionnelle, en ce qu’elle peut #repenser_le_monde, l’humanité, élaborer des #utopies et des #savoirs nouveaux ». Or, « vingt ans après, force est de constater que ce texte reste un objet non identifié, et que rien dans le paysage universitaire mondial ne ressemble à ce qu’il projette, regrette Fabienne Brugère. Les grandes universités américaines que nous admirons et dans lesquelles Derrida a enseigné sont habitées par la société de marché ».

    Ironie du sort, c’est justement l’argent qui « coule à flots » qui garantit dans ces établissements de l’hyperélite des qualités d’étude et de bon encadrement ainsi qu’une administration efficace… Autant de missions que le service public de l’université française peine tant à remplir. « La scholè, le regard scolastique, cette disposition à l’étude, ce temps privilégié et déconnecté où l’on apprend n’est possible que parce que la grande machine capitaliste la fait tenir », déplore Mme Brugère.

    En imposant arbitrairement ses critères – fondés essentiellement sur le nombre de #publications_scientifiques en langue anglaise, de prix Nobel et de médailles Fields –, le classement de Shanghaï a défini, hors de tout débat démocratique, une #vision_normative de ce qu’est une « bonne » université. La recherche qui y est conduite doit être efficace économiquement et permettre un #retour_sur_investissement. « Il ne peut donc y avoir ni usagers ni service public, ce qui constitue un #déni_de_réalité, en tout cas pour le cas français », relevait le sociologue Fabien Eloire dans un article consacré au palmarès, en 2010. Est-il « vraiment raisonnable et sérieux de chercher à modifier en profondeur le système universitaire français pour que quelques universités d’élite soient en mesure de monter dans ce classement ? », questionnait le professeur à l’université de Lille.

    Derrière cet effacement des #spécificités_nationales, « une nouvelle rhétorique institutionnelle » s’est mise en place autour de l’« #économie_de_la_connaissance ». « On ne parle plus de “l’#acquisition_du_savoir”, trop marquée par une certaine #gratuité, mais de “l’#acquisition_de_compétences”, efficaces, directement orientées, adaptatives, plus en phase avec le discours économique et managérial », concluait le chercheur.

    Un poids à relativiser

    A y regarder de plus près, Shanghaï et les autres classements internationaux influents que sont les palmarès britanniques #QS_World_University_Rankings (#QS) et #Times_Higher_Education (#THE) valorisent des pays dont les fleurons n’accueillent finalement qu’un effectif limité au regard de leur population étudiante et du nombre total d’habitants. Le poids réel des « #universités_de_prestige » doit donc être relativisé, y compris dans les pays arrivant systématiquement aux tout premiers rangs dans les classements.

    Pour en rendre compte, Le Monde a listé les 80 universités issues de 16 pays qui figuraient en 2022 parmi les 60 premières des classements QS, THE et Shanghaï. Grâce aux sites Internet des établissements et aux données de Campus France, le nombre total d’étudiants dans ces universités a été relevé, et mis en comparaison avec deux autres statistiques : la démographie étudiante et la démographie totale du pays.

    Le cas des Etats-Unis est éclairant : ils arrivent à la 10e position sur 16 pays, avec seulement 6,3 % des étudiants (1,2 million) dans les 33 universités classées, soit 0,36 % de la population américaine.

    Singapour se place en tête, qui totalise 28,5 % des étudiants inscrits (56 900 étudiants) dans les huit universités de l’hyperélite des classements, soit 0,9 % de sa population. Suivent Hongkong, avec 60 500 étudiants dans quatre universités (20,7 % des étudiants, 0,8 % de sa population), et la Suisse, avec 63 800 étudiants dans trois établissements (19,9 % des étudiants, 0,7 % de sa population).

    Avec 98 600 étudiants dans quatre universités classées (Paris-Saclay, PSL, Sorbonne Université, Institut polytechnique de Paris), la France compte 3,2 % des étudiants dans l’hyperélite universitaire mondiale, soit 0,1 % de la population totale.

    La Chine arrive dernière : 255 200 étudiants sont inscrits dans les cinq universités distinguées (Tsinghua, Peking, Zhejiang, Shanghai Jiao Tong et Fudan), ce qui représente 0,08 % de sa population étudiante et 0,018 % de sa population totale.

    https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/08/14/ou-le-classement-de-shanghai-mene-t-il-l-universite-francaise_6185365_440146

    #compétences #critique

    • Classement de Shanghaï 2023 : penser l’enseignement supérieur en dehors des palmarès

      Depuis vingt ans, les responsables politiques français ont fait du « standard » de Shanghaï une clé de #réorganisation des établissements d’enseignement supérieur. Mais cet objectif d’inscription dans la #compétition_internationale ne peut tenir lieu de substitut à une #politique_universitaire.

      Comme tous les classements, celui dit « de Shanghaï », censé comparer le niveau des universités du monde entier, suscite des réactions contradictoires. Que les championnes françaises y soient médiocrement placées, et l’on y voit un signe de déclassement ; qu’elles y figurent en bonne place, et c’est le principe du classement qui vient à être critiqué. Le retour de l’université française Paris-Saclay dans le top 15 de ce palmarès de 1 000 établissements du monde entier, établi par un cabinet chinois de consultants et rendu public mardi 15 août, n’échappe pas à la règle. Au premier abord, c’est une bonne nouvelle pour l’enseignement supérieur français, Paris-Saclay se hissant, derrière l’américaine Harvard ou la britannique Cambridge, au rang de première université non anglo-saxonne.

      Pourtant, ce succès apparent pose davantage de questions qu’il n’apporte de réponses sur l’état réel de l’enseignement supérieur français. Certes, la montée en puissance du classement chinois, créé en 2003, a participé à l’indispensable prise de conscience de l’inscription du système hexagonal dans un environnement international concurrentiel. Mais les six critères qui président arbitrairement à ce « hit-parade » annuel, focalisés sur le nombre de prix Nobel et de publications dans le seul domaine des sciences « dures », mais qui ignorent étrangement la qualité de l’enseignement, le taux de réussite ou d’insertion professionnelle des étudiants, ont conforté, sous prétexte d’« excellence », une norme restrictive, au surplus indifférente au respect des libertés académiques, politique chinoise oblige.

      Que les responsables politiques français aient, depuis vingt ans, cédé à ce « standard » de Shanghaï au point d’en faire une clé de réorganisation des établissements d’enseignement supérieur ne laisse pas d’étonner. Le principe « grossir pour être visible » (dans les classements internationaux) a servi de maître mot, il est vrai avec un certain succès. Alors qu’aucun établissement français ne figurait dans les cinquante premières places en 2003, ils sont trois aujourd’hui. Paris-Saclay résulte en réalité de la fusion d’une université, de quatre grandes écoles et de sept organismes de recherche, soit 13 % de la recherche française.

      Mais cette politique volontariste de #fusions à marche forcée, soutenue par d’importants crédits, n’a fait qu’alourdir le fonctionnement des nouvelles entités. Surtout, cette focalisation sur la nécessité d’atteindre à tout prix une taille critique et de favoriser l’excellence n’a fait que masquer les #impensés qui pèsent sur l’enseignement supérieur français : comment améliorer la #qualité de l’enseignement et favoriser la réussite du plus grand nombre ? Quid du dualisme entre universités et grandes écoles ? Quelles sources de financement pour éviter la paupérisation des universités ? Comment éviter la fuite des chercheurs, aux conditions de travail de plus en plus difficiles ? Et, par-dessus tout : quel rôle dans la construction des savoirs dans un pays et un monde en pleine mutation ?

      A ces lourdes interrogations, l’#obsession du classement de Shanghaï, dont le rôle de promotion des standards chinois apparaît de plus en plus nettement, ne peut certainement pas répondre. Certes, l’enseignement supérieur doit être considéré en France, à l’instar d’autres pays, comme un puissant outil de #soft_power. Mais l’objectif d’inscription dans la compétition internationale ne peut tenir lieu de substitut à une politique universitaire absente des débats et des décisions, alors qu’elle devrait y figurer prioritairement.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/15/classement-de-shanghai-2023-penser-l-enseignement-superieur-en-dehors-des-pa

    • Au même temps, #Emmanuel_Macron...

      Avec 27 universités représentées, le classement de Shanghai met à l’honneur l’excellence française.

      Acteurs de l’enseignement et de la recherche : merci !

      Vous faites de la France une grande Nation de formation, de recherche et d’innovation. Nous continuerons à vous soutenir.


      https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/1691339082905833473
      #Macron

    • Classement de Miamïam des universités françaises.

      Ayé. Comme chaque année le classement de Shangaï est paru. Et l’auto-satisfecit est de mise au sommet de l’état (Macron, Borne, et bien sûr Oui-Oui Retailleau). Imaginez un peu : 27 de nos établissements français (universités et grandes écoles) y figurent.

      Rappel pour les gens qui ne sont pas familiers de ces problématiques : le classement de Shangaï est un classement international très (mais vraiment très très très) sujet à caution, qui s’est imposé principalement grâce à une bonne stratégie marketing (et à un solide lobbying), et qui ne prend en compte que les publications scientifiques des enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses de l’université : ce qui veut dire qu’il ne regarde pas “l’activité scientifique” dans sa globalité, et que surtout il n’en a rien à secouer de la partie “enseignement” ni, par exemple, du taux de réussite des étudiants et étudiantes. C’est donc une vision a minima hémiplégique de l’université. Il avait été créé par des chercheurs de l’université de Shangaï comme un Benchmark pour permettre aux université chinoises d’essayer de s’aligner sur le modèle de publication scientifique des universités américaines, donc dans un contexte très particulier et avec un objectif politique de soft power tout à fait explicite. Ces chercheurs ont maintenant créé leur boîte de consultants et se gavent en expliquant aux universités comment l’intégrer. L’un des co-fondateurs de ce classement explique notamment : “Avant de fusionner, des universités françaises nous ont demandé de faire une simulation de leur future place dans le classement“.

      Bref du quantitatif qui vise à souligner l’élitisme (pourquoi pas) et qui n’a pour objet que de le renforcer et se cognant ostensiblement de tout paramètre qualitatif a fortiori si ce qualitatif concerne les étudiant.e.s.

      Mais voilà. Chaque été c’est la même tannée et le même marronier. Et les mêmes naufrageurs de l’action publique qui se félicitent ou se navrent des résultats de la France dans ledit classement.

      Cette année c’est donc, champagne, 27 établissements français qui se retrouvent “classés”. Mal classés pour l’essentiel mais classés quand même : les 4 premiers (sur la jolie diapo du service comm du gouvernement) se classent entre la 16ème (Paris-Saclay) et la 78ème place (Paris Cité) et à partir de la 5ème place (sur la jolie diapo du service comm du gouvernement) on plonge dans les limbes (Aix-Marseille est au-delà de la 100ème place, Nantes au-delà de la 600ème). Alors pourquoi ce satisfecit du gouvernement ? [Mise à jour du 16 août] Auto-satisfecit d’ailleurs étonnant puisque si l’on accorde de la valeur à ces classements, on aurait du commencer par rappeler qu’il s’agit d’un recul : il y avait en effet 30 établissements classés il y a deux ans et 28 l’année dernière. Le classement 2023 est donc un recul. [/mise à jour du 16 août]

      Non pas parce que les chercheurs sont meilleurs, non pas parce que la qualité de la recherche est meilleure, non pas parce que les financements de la recherche sont plus importants et mieux dirigés, mais pour deux raisons principales.

      La première raison est que depuis plusieurs années on s’efforce d’accroître le “rendement” scientifique des personnels en vidant certaines universités de leurs activités et laboratoires de recherche (et en y supprimant des postes) pour le renforcer et le concentrer dans (très peu) d’autres universités. C’est le grand projet du libéralisme à la française qui traverse les présidences de Sarkozy à Macron en passant par Hollande : avoir d’un côté des université “low cost” dans lesquelles on entasserait les étudiant.e.s jusqu’à bac+3 et où on ferait le moins de recherche possible, et de l’autre côté des “universités de recherche et d’excellence” où on n’aurait pas grand chose à foutre de la plèbe étudiante et où on commencerait à leur trouver un vague intérêt uniquement à partir du Master et uniquement pour les meilleur.e.s et uniquement dans certains domaines (genre pas en histoire de l’art ni en études littéraires ni dans la plupart des sciences humaines et sociales).

      La seconde raison de ce “bon” résultat est que les universités se sont regroupées administrativement afin que les publications de leurs chercheurs et chercheuses soient mieux prises en compte dans le classement de Shangaï. Exemple : il y a quelques années, il y avait plusieurs sites universitaires dans les grandes villes. Chaque site était celui d’une discipline ou d’un regroupement de discipline. On avait à Toulouse, à Nantes et ailleurs la fac de droit, la fac de sciences, la fac de lettres, etc. Et les chercheurs et chercheuses de ces universités, quand ils publiaient des articles dans des revues scientifiques, “signaient” en s’affiliant à une institution qui était “la fac de sciences de Toulouse Paul Sabatier” ou “la fac de lettre de Toulouse le Mirail” ou “la fac de droit de Toulouse”. Et donc au lieu d’avoir une seule entité à laquelle rattacher les enseignants-chercheurs on en avait trois et on divisait d’autant les chances de “l’université de Toulouse” de monter dans le classement.

      Donc pour le dire rapidement (et sans pour autant remettre en cause l’excellence de la recherche française dans pas mal de disciplines, mais une excellence dans laquelle les politiques publiques de ce gouvernement comme des précédents ne sont pas pour grand-chose), la France gagne des places dans le classement de Shangaï d’une part parce qu’on s’est aligné sur les règles à la con dudit classement, et d’autre part parce qu’on a accepté de sacrifier des pans entiers de financements publics de la recherche dans certains secteurs (notamment en diminuant drastiquement le nombre de postes disponibles).

      Allez je vous offre une petite comparaison. Évaluer la qualité de l’université et de la recherche française à partir du classement de Shangaï c’est un peu comme si on prétendait évaluer la qualité de la gastronomie française à partir d’un référentiel établi par Mac Donald : on serait rapidement en capacité de comprendre comment faire pour gagner des places, mais c’est pas sûr qu’on mangerait mieux.

      Je vous propose donc un classement alternatif et complémentaire au classement de Shangaï : le classement de Miamïam. Bien plus révélateur de l’état actuel de l’université française.
      Classement de Miamïam.

      Ce classement est simple. Pour y figurer il faut juste organiser des distributions alimentaires sur son campus universitaire.

      Le résultat que je vous livre ici est là aussi tout à fait enthousiasmant [non] puisqu’à la différence du classement de Shangaï ce sont non pas 27 universités et établissements mais (au moins) 40 !!! L’excellence de la misère à la française.

      Quelques précisions :

      – ce classement n’est pas exhaustif (j’ai fait ça rapidement via des requêtes Google)
      – l’ordre des universités ne signifie rien, l’enjeu était juste de lister “l’offre” qu’elles proposaient sans prendre en compte l’ancienneté ou la fréquence de ces distributions ni le nombre d’étudiant.e.s touché.e.s
      - ce classement est très en dessous de la réalité : par exemple je n’ai inscrit qu’une seule fois l’université de Nantes alors que des distributions alimentaires sont aussi organisées sur son campus de la Roche sur Yon. Beaucoup des universités présentes dans ce classement organisent en fait des distributions alimentaires sur plusieurs de leurs campus et devraient donc y figurer 2, 3 ou 4 fois au moins.
      - je me suis autorisé, sans la solliciter, à utiliser comme crédit image la photo de Morgane Heuclin-Reffait pour France Info, j’espère qu’elle me le pardonnera.

      [Mise à jour du 16 Août]

      On invite aussi le gouvernement à regarder le classement du coût de la vie pour les étudiantes et étudiants : en constante augmentation, et atteignant une nouvelle fois, pour cette population déjà très précaire, des seuils d’alerte indignes d’un pays civilisé.

      Enfin on pourra, pour être complet dans la recension de l’abandon politique de l’université publique, signaler la stratégie de mise à mort délibérée par asphyxie conduite par les gouvernements successifs depuis plus de 15 ans. Extrait :

      “En dix ans, le nombre de recrutements d’enseignants-chercheurs titulaires a diminué de près de moitié, avec 1 935 ouvertures de poste en 2021, contre 3 613 en 2011. En 2022, on enregistre un léger sursaut, avec 2 199 postes de professeur d’université et de maître de conférences ouverts.

      La situation est d’autant plus paradoxale que les universités se vident de leurs enseignants-chercheurs chevronnés, avec un nombre de départs à la retraite en hausse de + 10,4 % en 2021 et de + 10,5 % en 2022, selon une note statistique du ministère publiée en juin. Un avant-goût de la décennie qui vient, marquée par des départs massifs de la génération du baby-boom : entre 2021 et 2029, le ministère prévoit une augmentation de 53 % en moyenne, et de 97 % en sciences – le bond le plus élevé.“

      https://affordance.framasoft.org/2023/08/classement-shangai-miam-miam

  • Une entrée dans la #carrière_universitaire toujours plus entravée

    De nombreux jeunes docteurs ne parviendront jamais à obtenir un poste d’#enseignant-chercheur titulaire à l’université. En dix ans, le nombre de #recrutements a chuté de près de moitié, un paradoxe à l’heure où les départs à la retraite se multiplient.

    Qui peut encore embrasser la carrière d’enseignant-chercheur à l’université ? La question se pose alors que les portes apparaissent de plus en plus étroites pour des centaines de jeunes docteurs, soit bac + 8, qui voient les campagnes de recrutement se succéder sans jamais pouvoir accéder à un poste de titulaire dans un établissement.

    Chaque printemps, les postes ouverts sont publiés sur Galaxie, une plate-forme du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour postuler, les candidats doivent au préalable avoir été « qualifiés » aux fonctions de maître de conférences ou de professeur des universités par le Conseil national des universités, qui certifie la valeur du diplôme de doctorat. Il faut ensuite passer un concours, localement, sur dossier et après audition par un jury.

    Le grand flou sur les perspectives de carrière académique freine les ambitions d’un nombre grandissant de chercheurs qui doivent attendre l’âge de 34 ans, en moyenne, avant de décrocher leur premier poste, la titularisation n’intervenant réellement qu’un an plus tard.

    « 20 candidatures, 0 poste »

    Chercheur en sciences du langage et détenteur d’une habilitation à diriger des recherches, la plus haute qualification universitaire, Albin Wagener a livré son bilan de la dernière campagne de recrutement, sur son compte Twitter, le 12 mai : « 20 candidatures, 2 auditions (dont une que je n’ai pas pu faire), 0 poste. Comme quoi on peut avoir publié 10 bouquins, 42 articles scientifiques, 15 chapitres d’ouvrage, fait 87 interventions orales de natures diverses et ne pas avoir de poste de recherche dans une université publique française. »

    Cette réalité est autant connue que redoutée. « Il faut tenir psychologiquement, quand on ne reçoit tous les ans que des signaux de refus », commente Marieke Louis, maîtresse de conférences en science politique à Sciences Po Grenoble, dans le podcast « Politistes dans la Cité » consacré, le 19 juin, aux « différentes facettes de la #maltraitance_institutionnelle dans le monde de l’#enseignement_supérieur_et_de_la_recherche ».

    Manuel Cervera-Marzal, docteur en science politique, y détaille son parcours : 82 dossiers de candidature restés sans lendemain. Après sept années de contrats précaires aux quatre coins de la France, il a obtenu un poste en septembre 2022… à l’université de Liège, en Belgique. « Je suis très heureux à Liège, mais je ressens un pincement quand même, témoigne-t-il. On se demande ce qu’on a mal fait pour ne pas mériter sa place parmi les siens en France. »

    Le chercheur se félicite que « la parole se libère aujourd’hui », permettant de découvrir « l’ampleur des dégâts ». En dix ans, le nombre de recrutements d’enseignants-chercheurs titulaires a diminué de près de moitié, avec 1 935 ouvertures de poste en 2021, contre 3 613 en 2011. En 2022, on enregistre un léger sursaut, avec 2 199 postes de professeur d’université et de maître de conférences ouverts.

    La situation est d’autant plus paradoxale que les universités se vident de leurs enseignants-chercheurs chevronnés, avec un nombre de départs à la retraite en hausse de + 10,4 % en 2021 et de + 10,5 % en 2022, selon une note statistique du ministère publiée en juin. Un avant-goût de la décennie qui vient, marquée par des départs massifs de la génération du baby-boom : entre 2021 et 2029, le ministère prévoit une augmentation de 53 % en moyenne, et de 97 % en sciences – le bond le plus élevé.

    Baisse du #taux_d’encadrement

    Dans ce contexte, il est donc peu étonnant que le nombre de doctorants (15 700 en 2022) soit en baisse de 4 % en un an des effectifs inscrits en première année de thèse. France Universités, l’association des présidents d’établissement, s’en est inquiétée début juillet par voie de communiqué. « Les mathématiques (– 10,1 %) et la chimie et la science des matériaux (– 14,7 %) subissent particulièrement cette désaffection », relève-t-elle avant d’alerter sur le « risque de décrochage pour la recherche publique française ».

    La biologie des populations-écologie est la discipline enregistrant le plus gros déficit de postes (– 80 % entre 2010 et 2021), a calculé Julien Gossa, maître de conférences en sciences informatiques à l’université de Strasbourg, qui a compilé un ensemble de données sur l’entrée dans la carrière universitaire. « On a recruté moins d’une dizaine de maîtres de conférences dans cette discipline, ce qui est absolument navrant », commente-t-il dans une analyse publiée sur le site de la Conférence des praticiens de l’enseignement supérieur et de la recherche.

    Entre 2010 et 2021, le nombre de néorecrutés a été divisé par deux, passant d’environ 2 000 à 1 000. « Le secteur sciences et technologies est le plus fortement touché, avec près de 60 % de recrutements en moins, observe M. Gossa. Le nombre global de concurrents par poste est passé de 4,6 à 7,7, soit une augmentation de la tension à l’entrée dans la carrière de près de 70 %. » Conséquence : alors qu’il fallait attendre vingt-neuf ans en 2010 pour renouveler entièrement les effectifs au rythme du recrutement annuel, il en faudrait cinquante-deux au rythme du recrutement annuel tel qu’il est advenu en 2021.

    Cette #pénurie de postes conduit à une baisse du taux d’encadrement pédagogique de 17 %, passant sur la période de 3,7 titulaires pour 100 étudiants à 3,1, poursuit l’auteur de cette étude. Une baisse particulièrement marquée dans le domaine des lettres, langages et arts/sciences humaines et sociales et sciences et technologies, où le nombre d’enseignants-chercheurs par étudiant a baissé de près d’un quart en dix ans.

    La conclusion est sans appel, pour M. Gossa : « Au total, il faudrait désormais ouvrir plus de 11 000 postes pour retrouver les taux d’encadrement de 2010 » dans les universités.

    https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/08/10/une-entree-dans-la-carriere-universitaire-toujours-plus-entravee_6185034_440
    #université #postes #ESR #France #conditions_de_travail #statistiques #chiffres #enseignement_supérieur

  • Frais faramineux, personnalités grassement payées… Le juteux #business d’un pionnier de l’#enseignement_supérieur_privé

    Révélées à l’occasion de l’#affaire_Delevoye, les largesses passées de #Roger_Serre, fondateur du réseau d’#écoles_privées #IGS, font l’objet d’une #plainte contre X déposée par le nouveau directeur, #Stéphane_de_Miollis.

    Souvenez-vous, décembre 2019, l’affaire Jean-Paul Delevoye : le haut-commissaire à la réforme des retraites d’Emmanuel Macron a dû démissionner, avant d’être condamné à quatre mois de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende pour avoir omis de déclarer à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique certaines rémunérations. Parmi elles, un contrat avec un groupe soudain mis en lumière : l’#Institut_de_gestion_sociale, ou IGS.

    Depuis lors, les soupçons pèsent sur ce poids lourd de l’#éducation_privée, réunissant dix écoles (de marketing, management, communication, etc.) aux acronymes abscons : #Esam, #Esin, #Imis, #Imsi, #Ffollozz… hormis la faussement select #American_Business_School_of_Paris. Trois campus, cinq centres de formation, le tout créé sous un statut associatif, financé à plus de 60 % par des #fonds_publics. Les enquêteurs de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières ont perquisitionné le siège de l’IGS et une plainte contre X a été déposée, le 2 mars 2023. Elle émane du nouveau directeur général exécutif d’IGS, Stéphane de Miollis, un ancien cadre d’Adecco, résolu à saisir la justice après avoir mis le nez dans les comptes et commandé un audit au prestigieux cabinet #August_Debouzy.

    « J’ai découvert des montages étonnants pour une fédération d’associations à but non lucratif : des factures de consultants, des notes de frais faramineuses, relate-t-il. Il fallait réagir pour nos enseignants, les 15 000 jeunes qu’on forme chaque année, ne pas se contenter de laver le linge sale en famille. » Dans son viseur, Roger Serre, 78 ans, le fondateur d’IGS, fils de traiteurs marseillais et ancien élève de l’#Essec_Business_School. Dès 1975, il fonde de nombreuses écoles, armé de son entregent et de ses amitiés politiques, notamment avec #Michel_Rocard. Doué pour décrocher les subventions et convaincre les entreprises (Bouygues, Lafarge, IBM… ), il flèche leur #taxe_d’apprentissage vers IGS.

    Appartements et bonnes bouteilles

    « Bienvenue dans le monde des possibles », avait-il comme slogan, insistant toujours sur son engagement associatif, social, humaniste. En réalité, Roger Serre n’a, semble-t-il, jamais oublié de servir ses intérêts. Il a créé, à l’ombre d’IGS, ses propres sociétés, grassement rémunérées pour des missions de communication et de publicité dans les journaux, les salons étudiants. L’une d’elles détient même la propriété des marques des écoles, ce qui les contraint chaque année à reverser des droits pour pouvoir utiliser leur propre nom. Le businessman de l’apprentissage a en parallèle bâti un autre groupe d’écoles, aux initiales quasi similaires, #ISC, dont il est actionnaire. La plainte, aujourd’hui révélée par Libération, pointe un « détournement des ressources du groupe IGS au bénéfice de Roger Serre et de ses proches ». Elle détaille notamment des notes de taxis princières (près de 80 000 euros en 2021), des billets de train ou d’avion, ainsi que la location d’un appartement pour sa fille près des Champs-Elysées. Le fondateur aurait aussi eu l’habitude d’offrir de bonnes bouteilles – de 500 euros à plus de 1 700 euros chaque année et par récipiendaire – à des élus, parlementaires, édiles (Anne Hidalgo en tête), ou collaborateurs de ministres…

    La plainte relève enfin l’embauche de « personnes politiquement exposées » : #Jean-Paul_Delevoye aurait ainsi été rémunéré, sans « trace de travail effectif évidente », à hauteur de 8 250 euros par mois en 2017, et de 6 925 euros en 2018, pour quarante-deux jours de travail. L’ancien ministre était logé dans un appartement de 66 m², près du parc Monceau, alors même qu’il était encore Haut-commissaire à la réforme des retraites. Aujourd’hui retiré de la vie publique, et récemment destitué de la Légion d’honneur, Delevoye plaide l’erreur : « J’aurais dû démissionner quand j’ai été nommé, mais j’ai vraiment bien travaillé avec Roger Serre, longtemps bénévolement d’ailleurs, pour éveiller les futurs managers aux humanités et à la culture. »

    « Couteau dans le dos »

    Autre ami du fondateur, #Jean-Paul_Huchon, ancien président socialiste de la région Ile-de-France. Le haut fonctionnaire a été employé dès la fin de son mandat, après l’embauche de son épouse, recrutée quant à elle comme « chargée de mission stratégie insertion », 1 500 euros par mois, pour deux jours de travail hebdomadaires. Selon l’audit, l’ex-cacique du PS a pu percevoir jusqu’à 122 294 euros en 2018. La seule trace apparemment retrouvée de son travail est un cours de vingt et une heures donné dans une école de management sur… le rock’n’roll. « C’était bien plus, deux à trois fois par semaine, et des cours très pointus, où je passais des vidéos, des bandes-son », se défend Huchon, en apprenant la plainte.

    « Jean-Paul est un spécialiste mondial », assure Roger Serre lors d’une rencontre début juillet, avec ses avocats. L’octogénaire, tout chic, pochette en soie bleue assortie à ses yeux, ne comprend manifestement pas la tempête juridique qui le guette. Il détaille, lèvres madrées, la construction d’IGS : « Toute ma vie ». Un actif immobilier de 200 millions d’euros laissé au groupe, qui lui valut de figurer – à tort, prétend-il – dans le classement des cent plus grandes fortunes de France.

    Il savoure les réseaux sans cesse retissés, jusqu’au secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, approché en tant qu’ancien de l’Essec. Son sésame pour rencontrer le Président. « J’ai essayé de convaincre Macron de ne pas nationaliser la taxe d’apprentissage, en vain… » Roger Serre s’étonne que son groupe pâtisse tant de l’affaire Delevoye, « une petite négligence de Jean-Paul ». Il admet ne pas être un « champion de la gestion », jure que le redressement fiscal d’IGS sera léger. Et s’indigne que son successeur lui plante aujourd’hui un « couteau dans le dos », alors qu’il l’a désigné, après avoir lâché les rênes, en échange d’un contrat de consultant en stratégie de 50 000 euros par mois. « Pourquoi cherche-t-on aujourd’hui à m’abattre ? A qui profite le crime ? » interroge le fondateur, en pointant la « #financiarisation_de_l’éducation » avec des géants détenus par des fonds d’investissement qui ont sans doute repéré IGS, et son chiffre d’affaires de plus de 130 millions d’euros. « Les vautours rôdent », s’essouffle-t-il. En attendant, ce sont les juges qui l’attendent au tournant.

    https://connexion.liberation.fr/autorefresh?referer=https%3a%2f%2fwww.liberation.fr%2fsociete%2
    #ESR #enseignement_supérieur #privatisation #université #France #financiarisation #justice

  • « Faites du business pour le climat ! » : l’enseignement privé exploite le filon de la transition écologique | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/business-climat-lenseignement-prive-exploite/00107608

    Intitulés de diplômes trompeurs, frais de scolarité exorbitants, greenwashing : les écoles privées spécialisées dans la transition écologique fleurissent dans le paysage de l’enseignement supérieur.

    https://justpaste.it/ad95m

    #greenwashing #when_shit_hits_the_fan

    • un racket raciste

      En plus du niveau d’enseignement qui laisse à désirer, entre des vidéos Youtube sur le personal branding et des copier-coller de pages Wikipédia sur la gestion des conflits en entreprise, elle déplore la tentative de récupérer les #étudiants internationaux en attente d’un certificat de scolarité pour renouveler leur titre de séjour.
      « Dans ma classe, trois élèves sur 26 avaient la nationalité française. L’école cible les étudiants #étrangers qui ont besoin de justifier d’une formation pour leur demande de visa », explique-t-elle.

      #droit_au_séjour

    • à propos de l’enseignement supérieur privé, florilège

      – Parcoursup : comment des écoles privées partent à l’assaut des candidats déçus
      – L’enseignement supérieur privé, un marché devenu lucratif et illisible
      – La rectrice de Versailles rejoint un groupe privé d’enseignement supérieur
      – L’appétit de l’enseignement supérieur privé pour les grands commis de l’Etat
      – Les investissements tentaculaires des écoles privées sur le marché de l’immobilier
      https://justpaste.it/9g5uw

      la destruction d’une #université (#Parcoursup, #MonMaster), dont les effectifs sont désormais en baisse, incite à observer ce qui se passe dans un enseignement privé en fort développement (y compris sous la forme de l’#enseignement-à_distance ou plusieurs ex-ministres ont pris des options et des positions dirigeantes) qui intègre en même temps les franges les plus privilégiées des étudiants (concurrençant les grandes écoles), une masse d’apprentis (le financement de l’enseignement supérieur privé par les mécanismes de l’#apprentissage est une innovation récente), d’endettés soucieux de minorer leur précarisation par l’obtention de titres scolaires, et, je le découvre avec l’article posté par @sombre, d’étrangers dont l’inscription est aiguillonée par des mécanismes qui relèvent de la xénophobie d’État.

      élite, déchets, aspirants à l’intégration, notre France.

      #enseignement_supérieur_privé

  • #Emmanuel_Lechypre, journaliste à BFM Business :

    « L’#échec des #politiques_de_la_ville, une quinzaine de #plans_banlieues depuis 1977. 100 milliards d’euro sur la table, et pas de résultats. La réalité c’est que la situation est bien plus difficile pour ces 7,5% de la population qui vivent dans les #banlieues que pour le reste du pays. Le taux de #chômage y est 2 fois plus élevé. La moitié des jeunes n’y a pas d’emploi, 4 habitants sur 10 n’ont aucun #diplôme, c’est le double de la moyenne nationale, et le taux de #pauvreté est 3 fois plus élevé que dans l’ensemble du pays.
    Quand vous regardez, est-ce que les habitants des #quartiers_pauvres reçoivent plus de #transferts_sociaux que les autres ? Non, en France métropolitaine on est à 6800 euros en moyenne par an. Là c’est 6100 euros dans les banlieues.
    Est-ce que ces territoires, plus pauvres, reçoivent beaucoup plus de la #solidarité_nationale qu’ils ne contribuent ? Ce n’est pas vrai. La Seine-Saint-Denis est le 3ème département en France le plus pauvre de France, et pourtant c’est le 8ème contributeur en termes de #cotisations_sociales.
    Est-ce que les quartiers pauvres sont mieux traités par l’Etat que la France périphérique ? Non, si on regarde les chiffres en matière de #santé, les quartiers populaires comptent moins de 250 professionnels offrant des #soins de proximité. C’est 400 en moyenne en France. Et même quand l’Etat dépense plus, les chiffres sont trompeurs. C’est vrai sur le coût moyen d’un élève accueilli en #éducation_prioritaire, il est plus élevé, sauf que la qualité de l’#enseignement qui est dispensé est moins bonne. »

    https://twitter.com/Laurent_Potelle/status/1675463787221008387
    https://www.bfmtv.com/economie/replay-emissions/good-morning-business/emmanuel-lechypre-banlieues-trop-peu-d-argent-trop-mal-depense-30-06_VN-20230
    #chiffres #statistiques #préjugés #idées_reçues #quartiers_populaires #réalité #Nahel #politique_de_la_ville

    ping @karine4 @isskein @cede

    • Violences en banlieue : la politique de la ville, une cible trop facile

      Depuis la mort de Nahel, l’extrême droite s’indigne des milliards qui auraient irrigué en vain les quartiers populaires. Mais avec des plans banlieues délaissés depuis des années, le problème semble surtout résider dans les rapports entre la jeunesse et la police.

      C’est une petite musique qui monte, après cinq nuits d’émeutes qui laissent le pays groggy. Une rage de justice, pour venger la mort de Nahel, 17 ans, tué par un tir policer le 27 juin, qui a tout emporté sur son passage : mairies, commissariats, écoles, centres des impôts ou de santé, médiathèques, boutiques et centres commerciaux, voitures et mobilier urbain. Jusqu’à cette tentative de mettre le feu à la mairie de Clichy-sous-Bois, tout un symbole : foyer des précédentes violences de 2005, la ville a longtemps été dirigée par l’actuel ministre de la Ville, Olivier Klein.

      Cette petite musique, le Rassemblement national la fredonne depuis des années, mais c’est Eric Zemmour qui l’a entonnée vendredi sur Twitter : « On a dépensé 40 milliards d’euros pour reconstruire ces quartiers avec le #plan_Borloo, 40 milliards ! Vous voyez le résultat aujourd’hui ? » Un discours démagogique : le #programme_national_de_rénovation_urbaine (#PNRU, 2004-2021), créé par la loi Borloo du 1er août 2003, n’a pas coûté 40 milliards, mais 12. Lesquels ont été financés aux deux tiers par #Action_Logement, l’organisme paritaire qui collecte le 1 % logement, un prélèvement sur la masse salariale. Le reste par les collectivités locales et l’Etat. Ces 12 milliards d’euros ont généré 48 milliards d’euros de travaux, une manne qui a surtout profité au BTP. En outre, le PNRU a généré 4 milliards de TVA, 6 milliards de cotisations et 40 000 emplois pendant dix ans. Merci la banlieue. Un deuxième programme, le #NPNRU (N pour nouveau), est en route. D’un montant identique, il court jusqu’en 2030.

      « Plus grand chantier civil de l’histoire »

      Trop d’argent aurait été déversé pour les quartiers populaires ? « Franchement, vous n’imaginez pas à quoi ressemblait leur #état_d’abandon, de #misère, l’#enfermement : la police ne rentrait pas dans ces quartiers, les poubelles n’étaient pas ramassées, personne n’y rentrait ! » s’énervait #Jean-Louis_Borloo mardi 27 juin. Avant d’engueuler Libération, qui l’interrogeait sur son bilan  : « A quoi ça a servi ? Avant le PNRU, qui est quand même le plus grand chantier civil de l’histoire de France, il y avait des émeutes sporadiques dans les quartiers, quasiment tous les jours, jusqu’au grand embrasement de 2005. »

      C’était quelques heures avant que Nanterre ne s’embrase. Hasard cruel du calendrier, le père de la #rénovation_urbaine se trouvait à la Grande Borne à Grigny (Essonne), dans le cadre d’un déplacement censé donner le coup d’envoi des « célébrations » des 20 ans de l’#Agence_nationale_pour_la_rénovation_urbaine (#Anru) et à quelques jours d’un Comité interministériel des villes présidé par Elisabeth Borne, qui devait enfin dévoiler le contenu du plan « Quartiers 2030 ». Issue de la loi la loi Borloo, l’Anru est aujourd’hui présidée par Catherine Vautrin, présidente LR du Grand Reims, qui a succédé à Olivier Klein.

      Si le plan Borloo a permis de pacifier les banlieues, il a été par la suite « victime de son succès ». « Quand ça a commencé à aller mieux, on a arrêté de s’occuper des banlieues, ce n’était plus un problème », explique l’ex-maire de Valenciennes. Il aura fallu l’« appel de Grigny » en 2017 suivi d’un rapport également signé par Borloo en 2018 et une déambulation d’Emmanuel Macron en Seine-Saint-Denis, en plein Covid, pour que le chef de l’Etat ne se décide enfin à lancer l’acte II de la rénovation urbaine.

      Entretemps, une génération aura été sacrifiée. « Les 15-17 ans qui constituent le gros des émeutiers, ce sont les oubliés de la politique de la ville, estime un ex-préfet de Seine-Saint-Denis. Ce mouvement doit engendrer une révolution des dispositifs permettant d’appréhender socialement cette classe d’âge, dont personne ne s’occupe, de Toulouse à Sevran. » L’éducation y joue un rôle central, et l’annonce faite le 26 juin par le chef de l’Etat à Marseille d’étendre les heures d’ouverture des collèges a été saluée par les acteurs de la politique de la ville, qui ne se résume pas à la rénovation urbaine.

      « La question, c’est la police, la police, la police »

      On en fait trop pour les banlieues, vraiment ? Quelques chiffres récents compilés par l’Insee : dans les 1 514 « quartiers prioritaires de la politique de la ville » (QPV), où vit 8 % de la population, le taux de pauvreté est trois fois plus élevé (43 %) que dans le reste des unités urbaines et le revenu médian plafonne à 13 770 euros par an et par foyer. Avec un taux de chômage de 18,6 %, plus du double du niveau national. Bref, « dans les QPV, les communes ont plus de besoins mais moins de ressources : 30 % de capacité financière en moins », rappelait Borloo dans son plan de « réconciliation nationale ». La politique de la ville n’est pas la charité, ou une faveur faite aux plus précaires.

      Dans ces quartiers, plus de la moitié des enfants vivent en situation de pauvreté : 57 %, contre 21 % en France métropolitaine. Ils grandissent la rage au ventre à force de se faire contrôler : dans ces quartiers dont souvent un quart des habitants ne sont pas nés en France, un jeune homme noir ou arabe a une probabilité vingt fois plus élevée d’être contrôlé que l’ensemble de la population, selon un rapport du Défenseur des droits de 2017. Pour le sociologue Renaud Epstein, on se trompe donc en imputant la révolte actuelle à l’échec de la rénovation urbaine. « La question, c’est la police, la police, la police, et éventuellement la justice. La rénovation urbaine n’a rien à voir là-dedans. Si ça chauffe à Pablo-Picasso [le quartier de Nanterre où vivait Nahel, épicentre des violences, ndlr], ce n’est pas parce qu’on va leur enlever leur mosaïque pour pouvoir rénover les tours Nuages ! »

      Elu municipal à Bobigny (Seine-Saint-Denis) et infatigable militant des quartiers populaires, Fouad Ben Ahmed peut dater la bascule au jour près. Le 3 février 2003, quand Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, se rend à Toulouse et lance : « La police n’est pas là pour organiser des tournois sportifs, mais pour arrêter les délinquants, vous n’êtes pas des travailleurs sociaux. » Dans la foulée, le directeur de la police toulousaine est limogé. « Dès lors, la police n’a plus été là pour protéger les jeunes, mais pour les interpeller. » L’élu socialiste n’oublie pas non plus la dimension économique des violences actuelles, qu’il qualifie d’« émeutes du pouvoir d’achat ». Ce dont témoignent les pillages de supermarchés de hard discount comme Aldi. A Grigny, le maire, Philipe Rio, le rejoint : « Depuis 2005, la pauvreté a explosé à Grigny, et la crise du Covid et l’inflation ont été un accélérateur d’inégalités et d’injustices. »

      Alors que Mohamed Mechmache, figure des révoltes urbaines de 2005 à travers son association ACLeFeu, réclamait ce dimanche « un vrai Grenelle pour les quartiers », certains craignent que ces émeutes ne plantent le dernier clou dans le cercueil de la politique de la ville. En clair : il n’y aura pas de PNRU 3 ni de 18e plan banlieue. « Vu l’état de sécession de la jeunesse, et en face la force de l’extrême droite, il n’y aura plus un sou pour les quartiers, c’est mort », confie un militant. Rencontrée samedi soir à Bobigny, Nassima, qui condamne les violences mais comprend la colère, le dit avec ses mots et la sagesse de ses 15 ans : « Déjà qu’on était délaissés, mais on va l’être encore plus car les Français vont se dire : “Ces gens, on les aide, pour qu’au final ils pillent.” »

      https://www.liberation.fr/societe/ville/violences-en-banlieue-la-politique-de-la-ville-une-cible-trop-facile-2023

    • Trop d’argent public dans les banlieues ? « Un vaste mensonge à des fins racistes et anti-pauvres »

      Après les révoltes urbaines, des commentateurs ont accusé les banlieues d’engloutir les #fonds_publics. La réalité ce sont plutôt des #services_publics moins bien dotés qu’ailleurs, et des travailleurs essentiels plus nombreux dans ces quartiers.

      Les banlieues seraient « gorgées d’#allocations_sociales », a dit Éric Zemmour. Ou bien encore seraient dépendantes du « trafic de drogues », a affirmé le patron du Medef au sujet de la Seine-Saint-Denis, avant de s’excuser. « Quand on regarde la réalité de près, le fantasme des milliards d’argent public déversés, d’habitants qui seraient gorgés de subventions est un vaste #mensonge », réagit Stéphane Troussel, président, socialiste, du département en question. La Seine-Saint-Denis, « c’est un département dans le top 10 des créations d’entreprises, en 20 ans, l’emploi y a bondi de 30 %», met par exemple en avant l’élu pour contredire les #préjugés.

      « Je ne suis ni angélique ni naïf, je sais aussi les difficultés, le niveau de chômage, le nombre d’allocataires du RSA, le taux de délinquance et de criminalité élevé, ajoute-t-il. Mais les clichés et caricatures exploités par les réactionnaires et l’extrême droite le sont à des fins politiques, à des fins racistes et anti-pauvres, pour exacerber le clivage entre ce que nous représentons en Seine-Saint-Denis, qui est un peu l’emblème des banlieues, et le reste de la France. »

      Des quartiers de travailleuses et travailleurs

      Les affirmations discriminatoires de quelques figures politiques depuis les émeutes qui ont secoué les quartiers populaires sont en grande partie contredites par la réalité. Dans la symbolique Seine-Saint-Denis, la population dispose « du plus faible niveau de vie de la France métropolitaine », pointait un rapport parlementaire en 2018. Le département présente aussi le taux de #chômage le plus élevé de la région Île-de-France : à 9,8% contre 5,4 % à Paris début 2023. Mais la Seine-Saint-Denis est aussi le département d’Île-de-France, « où la part des travailleurs clés dans l’ensemble des actifs résidents est la plus élevée », relevait l’Insee dans une étude en 2021.

      Les « #travailleurs-clés » de Seine-Saint-Denis sont entre autres aides à domicile, caissières et caissiers, ou encore vendeurs de commerces essentiels. Des #métiers dont tout le monde a perçu l’importance vitale pendant les confinements. L’atelier parisien d’urbanisme s’est aussi demandé où vivent les actifs des professions essentielles d’Île-de-France : personnel hospitalier, caissiers, ouvriers de la logistique, de la maintenance, aides à domicile, personnel de l’éducation…

      Sans surprise, du fait des prix de l’immobilier, elles et ils sont peu à vivre à Paris et beaucoup plus dans les départements des banlieues populaires. Les auxiliaires de vie, par exemple, résident plus fréquemment en Seine-Saint-Denis. Les livreurs sont sous-représentés à Paris, dans les Hauts-de-Seine et dans les Yvelines, mais surreprésentés dans les autres départements franciliens, principalement en Seine-Saint-Denis, dans le Val-d’Oise et le Val-de-Marne.

      Justice, police : #sous-dotation à tous les étages

      « Tous ceux qui ont étudié un peu la situation et essayé de la regarder objectivement ont constaté le #sous-équipement de notre département, notamment en termes de grands services publics, en matière de #justice, de #police, d’#éducation, de #santé », dit aussi Stéphane Troussel. L’élu cite le rapport parlementaire « sur l’évaluation de l’action de l’État dans l’exercice de ses missions régaliennes en #Seine-Saint-Denis » rédigé en 2018 par un élu du parti de Macron et un élu LR.

      Le rapport pointe notamment l’inégalité d’accès à la justice. Par exemple, la durée de traitement des affaires au tribunal d’instance est de 8,6 mois en moyenne en Seine-Saint-Denis, contre moins de 5 mois pour ceux du 18e arrondissement ou du 15e arrondissement de Paris. La Seine-Saint-Denis dispose aussi de beaucoup moins d’officiers de police judiciaire, ceux et celles chargés d’enquêter, que Paris et les Hauts-de-Seine.

      « La police, dans un département populaire comme le nôtre, n’est pas assez dotée en moyens, qu’ils soient humains ou immobiliers, estime Stéphane Troussel. L’état des commissariats est scandaleux. » L’élu pense aussi qu’il faut changer la police. « Il faut un débat sur la doctrine d’intervention, les contrôles aux faciès, les conséquences des modifications législatives de 2017 [sur l’usage de leur arme par les policiers en cas de refus d’obtempérer, ndlr], sur la formation des policiers… Mais en attendant, je suis pour une police qui est un service public, qui rassure et protège d’abord les plus fragiles et les plus modestes, les femmes seules, les enfants et les jeunes, les personnes âgées. Aujourd’hui, je considère que la police n’a pas les moyens de cette action dans un département comme le nôtre. »

      Éducation : des milliers d’heures de cours perdues

      La situation n’est pas meilleure dans l’éducation. Il existe en Seine-Saint-Denis « une forme subie d’#exclusion_scolaire : l’absence d’enseignant devant les élèves », pointait le rapport parlementaire de députés LR et LREM. « En dépit des postes créés depuis cinq ans, la continuité de l’enseignement n’est toujours pas assurée en Seine-Saint-Denis, pour une raison “mécanique” qui tient à l’inefficacité du dispositif de remplacement des absences de courte durée », ajoutaient les deux parlementaires.

      L’an dernier, Mediapart avait comptabilisé 259 heures perdues en un mois dans un collège de Seine-Saint-Denis faute d’enseignants pour faire cours. Dans les Hauts-de-Seine, la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) recensait ce printemps déjà plus de 800 heures de cours perdues à Bagneux, commune populaire des Hauts-de-Seine.

      Pourtant, nombre d’établissements scolaires des banlieues populaires d’Île-de-France sont classés « réseau d’éducation prioritaire », Rep ou Rep+. Ce qui devrait signifier des moyens supplémentaires. 58 % des écoliers et 62 % des collégiens de Seine-Saint-Denis sont inscrits dans un établissement de ce type.

      « Dans les établissements Rep et Rep+, les moyens ne sont absolument pas à la hauteur des besoins, accuse Fatna Seghrouchni, professeure de français en collège dans le Val-d’Oise et cosecrétaire de la fédération Sud Éducation. « On entasse les élèves dans les classes, on surcharge les classes. » Quand elle est arrivée dans son collège il y a 17 ans, l’enseignante avait « 20 à 22 élèves par classe », témoigne-t-elle. « Alors que mon collège n’était pas encore classé #Rep. Aujourd’hui, on est à 26-28 tout en étant classé Rep. Cinq élèves en plus par classe, c’est oppressant pour les élèves eux-mêmes. Et l’établissement n’est pas fait pour accueillir autant d’élèves. »

      La responsable syndicale salue les programmes de soutien pour les établissements classés prioritaires, d’aides aux devoirs, les enveloppes budgétaires pour proposer des activités culturelles et sportives. Mais tout cela reste « du saupoudrage, dit-elle. Nous, nous demandons surtout moins d’élèves dans les classes, plus d’établissements scolaires, pour mieux accueillir tous les élèves, plus d’enseignants, plus de personnel en général, et une meilleure rémunération de tous les personnels. »

      Des grands projets qui ne profitent pas aux habitants

      Au cours des nuits de tensions fin juin et début juillet, Yohan Salès, conseiller municipal à Pierrefitte-sur-Seine pour la France insoumise, a arpenté les rues de sa ville à la rencontre des jeunes et des médiateurs. « On a discuté des débats des plateaux télé des derniers jours. Ce que disent les gens, c’est que l’argent de la politique de la ville, on ne le voit pas, rapporte-t-il. Dire que la Seine-Saint-Denis engloutit des millions d’argent public, c’est une lubie de la droite. L’investissement est en fait largement insuffisant. »

      Pour lui, beaucoup des grands projets menés par l’État dans le département de Seine-Saint-Denis ne profitent pas à la population des quartiers. « La vérité, c’est que sur la Plaine-Saint-Denis par exemple, que l’État veut transformer en un nouveau quartier d’affaires, il n’y a pas de volonté politique pour que les habitants du département puissent y travailler. Le chantier d’un site des Jeux olympiques (JO) a brûlé à Aubervilliers, mais ces JO ne vont pas profiter aux habitants du département ! Aucun habitant ne pourra se permettre le prix du billet d’un événement sportif de ces Jeux. » Le premier tarif démarre à 24 euros pour les JO et 15 euros pour les Jeux paralympiques, pour les places avec le moins de visibilité. Les tarifs vont jusqu’à frôler les 1000 euros pour les meilleures places.

      Comment se payer des places, même à quelques dizaines d’euros, quand « une situation de détresse alimentaire frappe les habitants » des banlieues, comme l’alertaient quelques semaines avant la mort de Nahel et les émeutes, des dizaines d’élus locaux des quartiers populaires de différents horizons politiques ? « Les banlieues sont au bord de l’#asphyxie », leurs habitants ont « le sentiment d’être abandonnés par la République », écrivaient aussi ces édiles. Face à cette situation, le président de la Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel en appelle à « une action publique de remise à niveau qui porte un choc structurel d’égalité. Sans cela, ma crainte, c’est que les écarts ne cessent de s’accroître ». Dans son département, en Île-de-France, et au-delà.

      https://basta.media/trop-d-argent-public-dans-les-banlieues-un-vaste-mensonge-a-des-fins-racist

      ici aussi :
      https://seenthis.net/messages/1010259

  • L’université de Créteil, terrain de prospection pour le groupe d’enseignement supérieur privé Galileo
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/06/24/l-universite-de-creteil-terrain-de-prospection-pour-le-groupe-d-enseignement

    Le rendez-vous s’est tenu le 14 février. Martin Hirsch était attendu à l’université Paris-Est Créteil (UPEC) par le doyen de droit et son équipe. Comme pour un grand oral, le vice-président exécutif du groupe d’enseignement supérieur privé Galileo Global Education (GGE) a présenté « Cap Réussite », un projet de partenariat entre les deux établissements. Après une discussion nourrie, la réunion s’est conclue par un vote favorable unanime du conseil de la faculté de droit.
    « Cap Réussite » est un « parcours alternatif vers les métiers juridiques » proposé aux étudiants en première année de licence de droit en situation d’échec et qui souhaitent se réorienter.

    « Cette formation portée conjointement par l’UPEC et Galileo Global Education est d’autant plus avantageuse qu’il vous suffira de vous acquitter des droits de scolarité de l’université pour vous y inscrire », fait valoir la plaquette de promotion.

    Quand Vérène Chevalier a découvert l’initiative, elle est tombée des nues. « Depuis vingt-cinq ans que j’enseigne, c’est la première fois qu’il y a une telle intrusion d’un groupe privé dans une université, rapporte la maîtresse de conférences en sociologie, qui siège au conseil d’administration de l’UPEC. C’est grave, car il s’agit d’une mise à disposition de personnels et de locaux de l’université au service de l’enseignement privé. Cela concerne non seulement l’UPEC, mais l’enseignement supérieur dans son entier. »

    https://justpaste.it/50fq8

    #enseignement_supérieur_privé

    • « Le risque est grand de voir l’université cesser d’être universelle », Julien Boudon, Professeur de droit public
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/02/07/le-risque-est-grand-de-voir-l-universite-cesser-d-etre-universelle_6160801_3

      Les Français ignorent souvent qu’une des singularités de notre pays réside dans des frais d’inscription à l’université s’élevant à moins de 200 euros alors que « partout ailleurs, l’enseignement supérieur est devenu un marché », souligne Julien Boudon, professeur de droit public à l’université Paris-Saclay.

      Les signes sont désormais sans ambiguïté. L’exercice du pouvoir par le président Macron aura mis fin à une certaine exception française, celle d’un enseignement supérieur national de haut niveau, quasiment gratuit et, pour l’essentiel, public.
      Le ver était dans le fruit, mais le phénomène a connu une accélération exceptionnelle dans les dernières années. Il y avait donc un plan caché (ou pas) pour mettre fin à une conception originale de l’enseignement supérieur érigé en service public. Ses traits distinctifs disparaissent sous nos yeux ébahis.
      En premier lieu, l’enseignement supérieur était national : l’autonomie des universités, lancée par la loi #LRU [relative aux libertés et responsabilités des universités] en 2007 voulue par Nicolas Sarkozy (avec le soutien implicite d’une large partie de la gauche, qui n’avait pas déféré la loi au Conseil constitutionnel), a pour conséquence de mener une chasse acharnée à tout ce qui est « national ».

      On en veut pour preuve la loi de programmation de la recherche de 2020, qui a marginalisé le Conseil national des universités (CNU) et a mis en place les fameuses chaires de professeurs juniors. S’agissant du CNU, il suffit de rappeler que c’était lui – l’imparfait est de mise – qui avait la tâche, d’une part, de trier parmi les jeunes docteurs et de les qualifier aux fonctions de maîtres de conférences et de professeurs, d’autre part, de statuer sur les promotions aux choix des universitaires.

      Sujet sensible

      Le CNU avait bien des défauts, mais il était un rempart efficace pour limiter le localisme dans le recrutement et pour s’assurer d’un personnel d’enseignants-chercheurs de qualité. Il a été mis sur le banc de touche pour la plupart des postes universitaires : là où il était décisionnaire, il rend désormais surtout des avis, alimentant les reproches ou les rumeurs de népotisme local (par exemple avec l’attribution des primes, la C3 du décret régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs, pour les initiés).

      En second lieu, l’enseignement supérieur était gratuit ou presque (et le Conseil constitutionnel l’a rappelé dans une décision de 2019). Rappelons que les frais d’inscription s’élèvent à moins de 200 euros en licence et à moins de 300 euros en master. Les Français ne le savent pas assez, mais c’est une singularité de notre pays : partout ailleurs, l’enseignement supérieur est devenu un marché, et un marché très concurrentiel.

      Le coût des études à l’étranger atteint plusieurs milliers d’euros par an au minimum et jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Le sujet est trop sensible dans l’Hexagone pour que le gouvernement songe à augmenter de façon significative les frais d’inscription, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes au temps affiché de l’autonomie des universités. Quelques rustines ont été imaginées, par exemple doubler ou tripler ce coût pour les étudiants étrangers, ou encore multiplier les formations spéciales qui s’affranchissent du cadre « LMD » (licence-master-doctorat).
      La parade pourrait consister à démanteler l’enseignement supérieur en distinguant le premier cycle de licence des deuxième et troisième cycles de master et de doctorat : au nom de la transition entre le lycée et l’université, il est tentant d’augmenter le nombre de professeurs du secondaire dans le premier cycle universitaire.
      Le calcul (budgétaire) est simple : parce que ces derniers ne sont pas enseignants et chercheurs, mais exclusivement enseignants (du moins statutairement), leur charge d’enseignement est double de celle des maîtres de conférences et professeurs des universités. Ceux-ci seraient alors priés de se replier sur le master et le doctorat.

      Vocation purement sociale

      L’économie pour les finances publiques serait certaine, mais au prix d’un éclatement de l’enseignement supérieur qui ne serait plus tel qu’à partir de la quatrième année du cursus. La faveur actuelle pour les « écoles graduées » va dans ce sens, elles qui se bornent au master et au doctorat, abandonnant les écoles de premier cycle à un sort dégradé.
      C’est au service du même objectif que l’idéologie du « new management » avantage scandaleusement le secteur privé : dans une régression à peine imaginable il y a quelques années, on revient sur les acquis de la IIIe République, et on confie au privé ce qui était autrefois la mission de l’Église catholique. Il est évident que le bénéfice est tout aussi net pour les finances publiques : il appartiendra aux étudiants et à leurs parents de financer des études supérieures devenues onéreuses.
      C’était déjà le cas pour ces absurdes écoles de commerce qui attirent le chaland parce que la sélection y est féroce et que l’employabilité y est forte, et ce nonobstant un coût prohibitif et une qualité de l’enseignement plus que médiocre. On assiste désemparé aux implantations successives de l’Institut catholique « de Paris » à Reims et à Rouen. On observe que les écoles hors Parcoursup prospèrent, tant les lycéens et leurs parents craignent de ne pas voir leurs vœux satisfaits. Tout cela pour des sommes qui tournent autour de 5 000 à 6 000 euros en moyenne, là où l’université en réclame 200 ou 300…
      Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’appétit de l’enseignement supérieur privé pour les grands commis de l’Etat

      Comme on le constate déjà dans le primaire et dans le secondaire, le risque est grand de voir l’université cesser d’être universelle : les plus fortunés ou les plus informés fuiront alors l’enseignement supérieur public, laissant à celui-ci une vocation purement sociale. Une telle crainte n’a rien de chimérique à la lumière du destin des anciens membres du gouvernement : Muriel Pénicaud, ancienne ministre du travail, vient de rejoindre le conseil d’administration de Galileo Global Education (qui représente les intérêts de 57 écoles privées), tandis que Frédérique Vidal avait la prétention de rallier Skema Business School qui avait obtenu une hausse importante du montant de sa subvention de la part du ministère de l’enseignement supérieur dirigé par… Mme Vidal.
      La ficelle était tellement grosse que même la Haute autorité pour la transparence de la vie publique a mis le holà. Tout cela fait sens et démontre une action concertée pour anéantir ce qui aura été une fierté française et républicaine depuis plus d’un siècle, un modèle universitaire à la fois ouvert à tous et ambitieux.

  • Quand Blanquer pilote sans feu vert un projet d’école « écolo » pour Veolia – Libération
    https://www.liberation.fr/societe/education/quand-blanquer-pilote-sans-feu-vert-un-projet-decole-ecolo-pour-veolia-20
    https://www.liberation.fr/resizer/3bY7DsXr5e-Pr2PicrBo6VIcJ1Y=/1200x630/filters:format(jpg):quality(70):focal(3219x993:3229x1003)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/5WNWWK4N35BCPLWXHVY2AGFXGY.jpg

    L’ancien ministre de l’Education est en train de monter un réseau d’établissements « de la transformation écologique » pour le compte d’une multinationale. Sans aval de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

    L’enseignement supérieur privé lucratif est un secteur en forme olympique. 737 000 étudiants (un quart des effectifs), au dernier décompte, notamment les déçus de Parcoursup. Les inscriptions ont encore augmenté de 10 % l’année dernière, essentiellement dans des établissements détenus par des groupes financiers, alors qu’elles restent stables dans l’enseignement public (0,3 %). Les hauts responsables de l’Etat, aussi, sautent à pieds joints. Anciens ministres, ex-directeurs de cabinet, hauts fonctionnaires en pantouflage…. Les nouvelles recrues arrivent par grappes.

    Dernier en date : Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education sous la première ère Macron. Il avait remporté la palme de longévité rue de Grenelle. Le voilà désormais à bicyclette dans les pages de Paris Match pour parler de ses nouvelles activités : « Créer une quinzaine d’écoles de la transition écologique dans des villes moyennes françaises, puis dans le monde. » Les deux premiers sites ouvriront leurs portes à Arras (Pas-de-Calais) et à Paris.

    Un cursus « en cours de construction »

    Dans l’hebdomadaire, l’ancien ministre précise que ces écoles seront chapeautées par une association toute fraîche : Terra Academia, inconnue au greffe des associations de Paris.En revanche, la marque « Terra Academia école de la transformation écologique » a bien été déposée à l’institut national de la propriété intellectuelle (Inpi), par… Veolia. La multinationale, numéro 1 dans la gestion de l’eau et des déchets, est derrière le projet. Rien de secret. Au contraire, Veolia s’en vante, ce projet coche tous les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), très appréciés des marchés financiers. L’information est mise en avant dans un encadré couleur saumon sur le site du groupe : « Veolia crée à Paris l’école de la transformation écologique baptisée “Terra Academia” afin de préparer les étudiants aux métiers de demain et répondre à l’urgence environnementale. » Interrogé par Libération, le groupe précise : « Jean-Michel Blanquer a accepté, il y a quelques mois, de piloter ce projet. […] Nous n’avons pas de calendrier exact, c’est encore en cours de construction. »

    Vidal aussi émarge dans le secteur, tout comme Monique Canto Sperber

    #enseignement_supérieur_privé

  • Enseignement privé : 8 milliards de fonds publics et pas de contrôles
    https://www.cafepedagogique.net/2023/06/02/enseignement-prive-8-milliards-de-fonds-publics-et-pas-de-controles

    L’enseignement privé sous contrat est financé pour 73% par des fonds publics. Pourtant, les contrôles financiers, pédagogiques et administratifs sont quasi inexistants déplore la cour des comptes dans un rapport publié jeudi 2 juin. Tout aussi grave, en concentrant un nombre élevé d’élèves de milieux favorisés, l’enseignement privé risque d’aggraver « certaines faiblesses du système éducatif » pointent les sages de la rue de Cambon qui appellent à moduler les moyens en fonction du profil social des élèves. Pierre Moscovici assure que ce rapport est « intemporel » et qu’il n’a pas de lien avec la signature récente du protocole mixité entre Pap Ndiaye et le secrétaire général de l’enseignement privé ». Le président de la cour des comptes se défend de vouloir porter une parole politique, pour autant, il enjoint les collectivités à prendre en charge les frais de restauration et de transport scolaire pour permettre le « libre choix » des familles les moins favorisées.

    La manne de l’apprentissage : L’insolente santé de l’enseignement supérieur privé
    https://seenthis.net/messages/944563

    #éducation #école #enseignement_privé #pivatisation

  • Autour des #vacations dans l’#enseignement_supérieur en #France...

    Un thread de Quentin Rodriguez tout à fait intéressant...

    Partout en France des milliers d’enseignant·es vacataires du sup se mobilisent contre des cdt° de travail dignes du XIXe… ou du nec+ultra de l’ubérisat°. Les univ se disent incapables de respecter la loi. Pq cette crise ? Pr dissimuler 15000 emplois dans le budget de l’État
    Rappel des faits : l’enseignement sup est assuré par 55000 enseignants-chercheurs titulaires, 13000 enseignants titulaires, et ~12000 enseignants contractuels (équiv. tps plein, ETP). https://t.co/API31v6cj2

    … et 170 000 enseignant·es vacataires🤯 https://t.co/API31v6cj2

    Ces vacataires sont très divers : doctorants (~8000), professionnels extérieurs, prof de lycée, jeunes docteurs précaires, retraités, auto-entrepreneurs… C’est parfois leur métier à tps plein durant plusieurs décennies (25 ans à Pau 👏record à battre ?) https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000037395297

    Ce statut existe depuis les années 80 mais explose dernièrement. Ils étaient 130000 en 2013 : +30% en 7 ans ! Évidemment ils coûtent moins cher que les enseignants titulaires ou contractuels, car payés sous le SMIC horaire :
    https://connexion.liberation.fr/autorefresh?referer=https%3a%2f%2fwww.liberation.fr%2fchecknews
    https://www.timeshighereducation.com/news/french-phd-students-pay-teaching-falls-below-minimum-wage
    Mais on verra que le coût n’explique pas à lui seul le recours à ce statut ultra-précaire par les universités (#teasing 😉), qui est aussi, littéralement, ingérable pour elles. Pour comprendre, il faut expliquer un peu ce qu’est un vacataire…

    Les vacataires vivent littéralement dans un vide juridique. Sur le papier, ce sont des agents publics, donc non soumis au code du travail et aux prud’hommes. Ils relèvent du droit de la fonction publique. Le code de la fonction publique prévoit des protections strictes…

    pour les fonctionnaires, et un statut général pour les agents contractuels, fixé par le décret n°86-83, qui est l’équivalent du code du travail pour ces agents : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000699956
    Les enseignants vacataires ne relèvent ni de l’un… ni de l’autre 🙃

    Les juristes en droit de la fonction publique les appellent les "ni-ni". Ni fonctionnaires, ni vraiment agents contractuels ! Ni même salariés relevant du code du travail ! Juridiquement ils ne sont… rien 🤷‍♂️

    Illustration : les salariés du privé doivent être payés mensuellement. Toujours. Dans tous les cas. Même un CDD d’1h/semaine sur 1mois+1semaine doit donner 2 fiches de paie. Le code de la fonction publique prévoit la même chose pour les fonctionnaires et le décret 86-83 idem pr les contractuels. Mais les "ni-ni" encadrés par aucun texte général ? Nada, aucune règle explicite. Le paradis du patronat😍 Et c’est comme ça pr tous les droits sociaux : regardez dans le guide @CJC_fr le marécage que c’est : https://t.co/73kUpDp3Gj

    l a fallu, après des années de bataille des jeunes chercheurs (pour bcp enseignants vacataires, et parmi les + précaires d’entre eux), qu’un amendement d’initiative parlementaire inscrive directement dans la loi en 2020 l’obligation de mensualiser : https://t.co/a6BZbOgftz

    alors que la paie est habituellement versée 1 ou 2x/an, avec 6 mois à 1 an de retard. Les services ministériels ont réalisé une enquête interne à ce sujet en 2017. Le record était l’université de Picardie, avec un paiement à 687j de retard 👏 : https://t.co/73kUpDp3Gj (p.24)

    La loi a fixé l’obligation de mensualiser au 1er septembre 2022, pour laisser le temps aux univ de s’adapter. Que s’est-il passé depuis ? Sauf rares exceptions, pratiquement rien 🤡 C’est une des principales raisons de la colère des vacataires en ce moment.

    Le Parlement est ridiculisé, ce qu’il décide n’a aucun effet sur la réalité dans les univ, +2ans après l’adopt°, 8mois après l’entrée en vigueur théorique. À Paris-Saclay, présidée par la ministre jusqu’en 2022, la loi n’est pas appliquée non plus 👀

    En fait, même la DG RH du ministère a recommandé aux univ de ne pas appliquer la loi, dans une circulaire de juillet dernier : https://t.co/9GLVgtdab6

    True story. La loi : « La rémunération des […enseignants] vacataires est versée mensuellement. » point.

    La circulaire ministérielle : « la problématique de la mensualisation du paiement des vacations ne se pose que pour une minorité d’agents » 🤔 En fait, la mensualisation des 170 000 enseignant·es vacataires est techniquement impossible, en raison même du statut.

    Un DRH d’univ, mis sous pression pour la mise en place effective de la loi, me le disait il y a qques semaines avec découragement : "Tous les vacataires, même dans un an, on y arrivera pas. On est en tort, mais de toute façon c’est impossible."

    Pq ça ? Car les vacations sont des contrats "zéro heures". Il n’y a pas de tps de travail fixé qui engage les 2 parties à l’avance. On vous donne des h ? On comptera à la fin combien ça fait. Finalement on vous en donne pas, ou moins ? Too bad, merci au revoir.

    Pr un agent contractuel avec un vrai CDD, l’agent comptable peut mettre en paiement à l’avance tous les mois de paie, car employeur & agent sont engagés à faire x h pour x€. Mais pour un vacataire, il faut fournir la certification, après service fait, du nombre d’h à payer.

    Dixit les services ministériels, un vacataire « s’apparente à une prestation de service » (https://t.co/sBhGKzCZQh, p.77), donc paiement "à la livraison" 🫠 Faire ça chaque mois, pour les 170 000 vacataires ? À moins de doubler tous les services RH (lol), impossible.

    Donc le système reste hors-la-loi. L’usage généralisé du statut de vacataire est de toute façon intrinsèquement aux marges de la légalité. Les services ministériels sont parfois obligés de l’admettre (discrètement) : « Ce qui relève de la fausse vacation : La quasi-totalité des agents dits vacataires […] sont [devraient être en fait], comme le confirme la jurisprudence, des agents publics contractuels […]. De fait, les "vrais vacataires" ne peuvent être que très peu nombreux » 😆 (id.)

    La question est donc : mais POURQUOI les univ se trainent cette pétaudière ingérable, et ne proposent pas à tous leurs enseignants non titulaires un vrai CDD, éventuellement à tps partiel ? 🧐 Elles ont le droit de faire tous les CDD ou CDI qu’elles veulent depuis longtemps

    L’Éducation nationale, de son côté, a carrément abrogé en 2016 le statut de ses propres enseignants vacataires, pour contractualiser tout le monde.
    https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006067167

    + simple + attractif + stable (bon, ça reste l’éduc nat ! Disons que c’est mieux que si c’était pire😅)

    Pq pas dans le sup ? Ça coûte un peu + cher oui (congés payés, prime de précarité parfois…), mais ça reste minime. 50M€ tt mouillé, et en échange : désengorgement admin significatif. Dans le cadre de responsabilités passées, j’ai pu interpeller tous les échelons à ce sujet…

    des UFR à l’Élysée, en passant par les directions universitaires, le ministère ou Matignon. Je n’ai jms entendu de refus ni d’argument opposé, et les montants en jeu n’étaient même pas un sujet.

    Bien sûr, la flexibilité extrême de ce statut est confortable pour les employeurs, et maintenir un précariat nombreux sert à faire pression à la baisse sur les conditions de travail de tous les enseignants du sup. Malgré tout ça, l’inertie me semble encore incompréhensible…

    … sauf si on note que les enseignants vacataires… ne comptent pas dans les emplois publics.
    -- Comment ça "ne comptent pas" ? 😳
    -- Littéralement. On ne les compte pas. Regardez les bilans sociaux du ministère : https://t.co/OMVbjQcYph

    les enseignants vacataires, qui écrasent pourtant toute catégorie, n’apparaissent pas dans les effectifs.
    Mais cela va plus loin, car pour les lois de finances, Bercy considère également qu’ils « ne consomment pas d’emplois » : https://t.co/IMcdpBNCDW (p.18)

    Les politiques budgétaires visent d’abord, depuis des années, à limiter le nombre d’emplois publics (pr des raisons absurdes, mais ce n’est pas le sujet ici). Leur nombre est scruté, et chq établissemt de l’État possède un plafond d’emplois, adopté par le Parlement.

    Comme tous les ministères, l’enseignement sup a été contraint à limiter sévèrement ses emplois, malgré l’explosion de la démographie étudiante. La transformation de postes titulaires en vacations ne fait pas seulement économiser de l’argent…

    elle fait littéralement disparaitre les emplois correspondants du budget officiel de l’État, avec le même nombre d’heures travaillées 🪄

    On est dans un contexte où l’embauche de 100 doctorants dans toutes les administrations d’État était un objectif ministériel pour 2023 (!)
    https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/le-gouvernement-accroit-l-insertion-des-docteurs-au-s

    finalement remisé au placard, en raison de ces fameux plafonds d’emploi
    https://www.senat.fr/rap/a22-120-51/a22-120-51_mono.html

    Alors combien d’emplois budgétaires les enseignants vacataires du sup permettent-ils de faire disparaitre des comptes ? Longtemps il a été impossible de répondre à cette question, car aucun chiffre n’était disponible pour évaluer leur temps de travail. Jusqu’à l’an dernier.

    avec la publication de ce tableau par le ministère https://enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2023-01/note-dgrh-n-5-mai-2022---tableaux-excel-2020-2021-260

    , révélant enfin le nombre d’heures effectuées par ces 170 000 vacataires. Et il est faramineux. Il est d’environ 5,6M d’heures d’enseignement (héqTD) / an, soit 15 000 ETP enseignés.

    Cela signifie que le nombre d’emplois du supérieur proposés au vote des parlementaires chaque année est tronqué de 15 000 emplois. Un budget maquillé – en termes juridiques on dit "insincère" – pour satisfaire artificiellement les objectifs de limitation des emplois publics.

    https://twitter.com/lempeo/status/1660020327005519873

    #vacataires #précarité #université #travail #conditions_de_travail #facs #ESR

  • Je relève ces deux infos dans le dernier « Etre et savoir » sur France Culture, consacré au privé, avec Agnès Van Zanten.
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/etre-et-savoir/publique-ou-privee-faut-il-choisir-son-ecole-8856330

    – Paris sera dans 10 ans aussi ségrégué scolairement que le pays le plus ségrégué au monde.

    D’après ses derniers calculs, dans dix ans, près de la moitié des élèves parisiens de sixième seront inscrits dans des collèges privés (à nombre d’élèves parisiens constant) ! 47% à la rentrée 2033, contre 37% à la rentrée 2022. « Alors que la part de l’#enseignement_privé est resté stable autour de 34% entre 2005 et 2020, elle augmente chaque année d’un point depuis », s’alarme l’universitaire.

    Provocateur, Julien Grenet ajoute : « Le seul endroit où une telle envolée a été constatée dans l’Histoire est au Chili, après la réforme éducative de… Pinochet ! »

    https://fr.finance.yahoo.com/actualites/face-%C3%A0-l-envol%C3%A9e-s%C3%A9gr%C3%A9gation-084500409.html

    – La ségrégation ethnique est massive dans le privé.

    les enfants issus de l’immigration sont quasiment absents dans les établissements privés : plus de 99% des élèves du privé sont de nationalité française, alors que 6% d’élèves d’origine étrangère constituent les effectifs du public ; un résultat comparable concerne la nationalité des parents : plus de 10% des parents d’élèves dans le public sont étrangers, pour seulement 3% dans le privé.

    https://www.cairn.info/revue-francaise-d-economie-2014-2-page-143.htm

    Ce qui fait dire dans l’émission qu’on tient là une des raisons du succès du privé (ce que nuancera Agnès Van Zanten - la dimension ethnique en recouvrant d’autres).

    Au square après l’école entre parents d’élèves, ça parle très souvent des écoles du quartier. Et comme on ne peut pas connaître une école sans y être, ça se base sur le seul truc visible : les têtes des élèves et de leurs parents à la sortie des classes. Évidemment ce n’est jamais dit, et on expliquera choisir le privé pour le projet pédagogique.
    #éducation #mixité_sociale

  • #Enquête sur « l’#islamo-gauchisme » à l’#université : histoire d’une vraie fausse annonce

    Un document du ministère de l’enseignement supérieur dont « Le Monde » a eu copie révèle que l’ancienne ministre Frédérique Vidal, contrairement à ses dires, n’a jamais diligenté d’enquête en février 2021.

    Cette fois, les masques sont tombés : malgré ses affirmations, l’ancienne ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal n’a jamais demandé d’enquête portant sur « l’ensemble des courants de recherche » menés dans les universités en lien avec « l’islamo-gauchisme ».

    Le 14 février 2021, sur le plateau de CNews, elle avait dénoncé un phénomène qui « #gangrène la société dans son ensemble » auquel « l’université n’est pas imperméable ». Deux jours plus tard, à l’Assemblée nationale, la ministre confirmait la mise en place d’« un bilan de l’ensemble des recherches » en vue de « distinguer ce qui relève de la #recherche_académique et ce qui relève du #militantisme et de l’#opinion ».

    L’initiative – dont l’Elysée et Matignon s’étaient désolidarisés très vite – avait suscité la « stupeur » de la Conférence des présidents d’université qui avaient dénoncé les « représentations caricaturales » et « arguties de café du commerce » de Mme Vidal. Censé être mandaté pour mener cette enquête, le centre national de la recherche scientifique (CNRS) avait lui insisté sur le fait que le terme d’« islamo-gauchisme » « ne correspond[ait] à aucune réalité scientifique », regrettant une « polémique emblématique d’une instrumentalisation de la science ».

    (#paywall)

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/03/29/enquete-sur-l-islamo-gauchisme-a-l-universite-histoire-d-une-vraie-fausse-an
    #Vidal #Frédérique_Vidal #ESR #enseignement_supérieur #France

    –-

    L’historique de cette affaire :
    https://seenthis.net/messages/902062

    • « Déclaration d’intention »

      Ces propos de la ministre – dans la lignée de ceux de son collègue Jean-Michel Blanquer, alors ministre de l’éducation nationale, qui, dès octobre 2020, avait dénoncé les « ravages à l’université » de l’« islamo-gauchisme » – relevaient finalement du registre exclusif de la communication et de la fausse nouvelle. C’est ce que révèle le ministère de l’enseignement supérieur lui-même, dans un document daté du 17 mars dont Le Monde a eu copie.
      Il s’agit d’un mémoire en défense adressé au tribunal administratif de Paris, à qui le Conseil d’Etat avait transmis, il y a bientôt deux ans, la requête de six enseignants-chercheurs : les sociologues Nacira Guénif, Caroline Ibos, Gaël Pasquier, la géographe Anne-Laure Amilhat Szary, l’historienne Fanny Gallot et le politiste Fabien Jobard, en avril 2021, avaient déposé un recours contre Mme Vidal, l’accusant d’« abus de pouvoir ».

      Dans ce document, et en vue de démontrer, à son sens, l’irrecevabilité de la démarche des requérants, la direction des affaires juridiques du ministère explique tout simplement que « les propos de la ministre, qui nécessitaient d’être concrétisés par une décision ultérieure adressée à un service afin de le saisir de la réalisation d’une enquête, n’ont été suivis d’aucune demande adressée en ce sens au Centre national de la recherche scientifique, ni à tout autre établissement sous tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, regroupement d’organismes de recherche ou service d’inspection ».

      Le ministère en conclut que « dans ces conditions, la demande d’enquête se réduisant à une déclaration d’intention et n’ayant pas été formalisée, et par suite aucune enquête n’ayant été diligentée ni aucun rapport d’enquête rédigé, les conclusions à fin d’annulation de la “décision” du 14 février 2021 ne sont pas dirigées contre un acte faisant grief et sont, par suite, irrecevables ». Contactée mercredi 29 mars, Frédérique Vidal n’a pas souhaité apporter de commentaires.

      « Totale irresponsabilité politique »

      Pour William Bourdon et Vincent Brengarth, avocats des six enseignants-chercheurs, « l’aveu obtenu du gouvernement quant à l’absence d’enquête révèle une totale irresponsabilité politique et juridique ». Ils rappellent combien cette annonce a entretenu « un climat d’intimidation au sein du monde universitaire et dissuadé des études ». « Elle a aussi légitimité intentionnellement le terme d’“islamo-gauchisme” et amplifié les discours de haine », soulignent-ils.
      Si, formellement, l’affaire est close, l’onde de choc qui a traversé le monde universitaire est toujours présente. Dans une tribune au Monde, mercredi 29 mars, les requérants auxquels s’est adjoint le sociologue Eric Fassin, affirment que « plus que jamais, les femmes et les minorités sexuelles et raciales doivent montrer patte blanche » depuis lors. Car « c’est sur elles que pèsent au premier chef le soupçon idéologique et donc l’injonction de neutralité ».

      En résultent sur le terrain universitaire « des orientations de la recherche abandonnées, des vocations découragées, des thèses qui ne verront pas le jour, des articles et des livres qui ne seront pas publiés, des financements pas attribués, des postes pas créés », détaillent-ils.
      Ce dénouement révèle une « parole politique irresponsable ». S’il a fallu un recours devant le Conseil d’Etat et deux ans d’attente pour que le ministère de l’enseignement supérieur fournisse cette réponse – sans la rendre publique –, « c’est qu’il s’agit d’une politique d’intimidation visant à décourager l’exercice des savoirs critiques en encourageant leurs adversaires, dans et hors du monde académique », estiment les auteurs.

      Lire aussi :
      « Islamo-gauchisme » à l’université : la ministre Frédérique Vidal accusée d’abus de pouvoir devant le Conseil d’Etat
      « L’enquête sur “l’islamo-gauchisme” à l’université n’aura pas lieu et n’avait pas lieu d’être »

    • conclusions :
      – objectif atteint par Vidal, et effets durables
      – confirmation que cette technique particulière de terrorisme intellectuel fonctionne à merveille à la fac, et présente peu de risque judiciaires
      – erreur de cible pour les plaignants ; fallait pas attaquer en abus de pouvoir

      Vidal est elle attaquable pour fake news, avec la nouvelle loi ?
      Des mesures correctives ont-elle été requises auprès de la nouvelle ministre ?