• Les jeux vidéo rendent-ils violent ?
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/les-jeux-video-rendent-ils-violent-9209352

    En août dernier après une énième fusillade, Donald Trump évoquait « les jeux vidéo horribles et macabres qui sont devenus banals » comme incitateurs à la violence.

    Depuis la massification des jeux vidéo à la fin des années 1980, hommes politiques et médias les accusent régulièrement d’être nocifs et de rendre les joueurs violents. Un phénomène qui serait à mettre en relation avec les tueries de masse aux États-Unis, dont les auteurs, typiquement de jeunes hommes mal dans leur peau et violents, seraient adeptes. 

    Quand ce n’est pas pour leur incitation à la violence que les jeux vidéo sont pointés du doigt, c’est pour leur côté addictif et abrutissant pour ceux qui y passent des journées ou des nuits entières.

    Nous avons demandé à Vanessa Lalo, psychologue clinicienne et spécialiste des comportements numériques, de faire le point avec nous sur les jeux vidéo et leurs effets.

    Les jeux vidéo rendent-ils violent ?

    Vanessa Lalo : « Les jeux vidéo ne rendent pas violent. En tout cas, les études ne montrent pas de lien de causalité entre un jeu violent et un comportement violent. »

    Souvent les jeunes auteurs de tueries aux États-Unis jouaient à des jeux violents, non ?

    Vanessa Lalo : « 90% des jeunes aujourd’hui jouent aux jeux vidéo tout court. Donc, c’est extrêmement difficile de mettre en avant cet argument-là. Ce qu’on peut montrer, c’est que le jeu vidéo avec la compétition que ça induit, parce qu’on veut dépasser l’autre, qu’on veut le tuer, être meilleur que lui, va pouvoir créer une certaine agressivité. Mais que ce soit sur Candy Crush, sur Mario Kart ou sur un jeu vidéo où on tue à la 1re personne, le résultat sera le même. Le jeu vidéo ne va pas rendre violent à proprement parler. Au contraire on a pu prouver depuis les années 1990, qu’à chaque sortie de jeu vidéo violent on observe une baisse de la criminalité, en tout cas aux États-Unis. »

    #Jeux_vidéo #Violence #Fantasmes

  • Immigration : une autre voie est possible, nécessaire, urgente

    « Ne pas accueillir », et « empêcher les gens d’arriver » : à l’heure où, par la voix de #Gérald_Darmanin, la France s’illustre encore dans le #repli, le #rejet et le manquement à ses obligations éthiques et légales les plus élémentaire, il apparait urgent de déverrouiller un débat trop longtemps confisqué. Quelques réflexions alternatives sur la « #misère_du_monde » et son « #accueil », parce qu’on ne peut plus se rendre complice de cinq mille morts chaque année.

    « Ne pas accueillir », et « empêcher les gens d’arriver » : à l’heure où, par la voix de Gérald Darmanin, la France s’illustre encore dans le repli, le rejet et le manquement à ses obligations éthiques et légales les plus élémentaires, et alors que s’annonce l’examen parlementaire d’un projet de loi plus brutal et liberticide que jamais, signé par le même Darmanin, il apparait urgent de déverrouiller un débat trop longtemps confisqué. C’est ce à quoi s’efforce Pierre Tevanian dans le texte qui suit. Dans la foulée de son livre « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort->, co-signé l’an passé avec Jean-Charles Stevens, et à l’invitation de la revue Respect, qui publie le 21 septembre 2023 un numéro intitulé « Bienvenue » et intégralement consacré à l’accueil des migrants, Pierre Tevanian a répondu à la question suivante : de quelle politique alternative avons-nous besoin ? De son article intitulé « Repenser l’accueil, oser l’égalité », le texte qui suit reprend les grandes lignes, en les développant et en les prolongeant.

    *

    Lorsqu’en juillet 2022 nous mettions sous presse notre ouvrage, « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort, l’association Missing Migrants recensait 23801 morts en méditerranée pour la décennie passée, ainsi que 797 morts aux frontières Nord et Est de la « forteresse Europe ». Un an plus tard, l’hécatombe s’élève à 20 089 morts en méditerranée et 1052 au Nord et à l’Est [Chiffres produits le 20 septembre 2023]. Soit 5340 vies de plus en un an, fauchées par une politique concertée qui, adossée à ce simple dicton sur la « misère du monde », s’arroge insolemment le monopole de la « raison » et de la « responsabilité ».

    C’est de là qu’il faut partir, et là qu’il faut toujours revenir, lorsqu’on parle d’ « immigration » et de « politique d’immigration ». C’est à ce « reste » consenti de la « gestion » technocratique des « flux migratoires » que nous revenons constamment, opiniâtrement, dans notre livre, afin de ré-humaniser un débat public que cinq décennies de démagogie extrémiste – mais aussi de démagogie gouvernante – ont tragiquement déshumanisé.

    L’urgence est là, si l’on se demande quelle politique alternative doit être inventée, et tout le reste en découle. Il s’agit de libérer notre capacité de penser, mais aussi celle de sentir, de ressentir, d’être affectés, si longtemps verrouillées, intimidées, médusées par le matraquage de ce dicton et de son semblant d’évidence. Ici comme en d’autres domaines (les choix économiques néolibéraux, le démantèlement des services publics et des droits sociaux), le premier geste salutaire, celui qui détermine tous les autres mais nécessite sans doute le principal effort, est un geste d’émancipation, d’empowerment citoyen, de sortie du mortifère « TINA » : « There Is No Alternative ».

    Le reste suivra. L’intelligence collective relèvera les défis, une fois libérée par ce préalable nécessaire que l’on nomme le courage politique. La question fatidique, ultime, « assassine » ou se voulant telle : « Mais que proposez-vous ? », trouvera alors mille réponses, infiniment plus « réalistes » et « rationnelles » que l’actuel « pantomime » de raison et de réalisme auquel se livrent nos gouvernants. Si on lit attentivement notre livre, chaque étape de notre propos critique contient en germe, ou « en négatif », des éléments « propositionnels », des pistes, voire un « programme » alternatif tout à fait réalisable. On se contentera ici d’en signaler quelques-uns – en suivant l’ordre de notre critique, mot à mot, du sinistre dicton : « nous » - « ne pouvons pas » - « accueillir » - « toute » - « la misère du monde ».

    Déconstruire le « nous », oser le « je ».

    Tout commence par là. Se re-subjectiver, diraient les philosophes, c’est-à-dire, concrètement : renouer avec sa capacité à penser et agir, et pour cela s’extraire de ce « on » tellement commode pour s’éviter de penser (« on sait bien que ») mais aussi s’éviter de répondre de ses choix (en diluant sa responsabilité dans un « nous » national). Assumer le « je », c’est accepter de partir de cette émotion face à ces milliers de vies fauchées, qui ne peut pas ne pas nous étreindre et nous hanter, si du moins nous arrêtons de l’étouffer à coup de petites phrases.

    C’est aussi se ressouvenir et se ré-emparer de notre capacité de penser, au sens fort : prendre le temps de l’information, de la lecture, de la discussion, de la rencontre aussi avec les concernés – cette « immigration » qui se compose de personnes humaines. C’est enfin, bien entendu, nourrir la réflexion, l’éclairer en partant du réel plutôt que des fantasmes et phobies d’invasion, et pour cela valoriser (médiatiquement, politiquement, culturellement) la somme considérable de travaux scientifiques (historiques, sociologiques, démographiques, économiques, géographiques [Lire l’Atlas des migrations édité en 2023 par Migreurop.]) qui tous, depuis des décennies, démentent formellement ces fantasmagories.

    Inventer un autre « nous », c’est abandonner ce « nous national » que critique notre livre, ce « nous » qui solidarise artificiellement exploiteurs et exploités, racistes et antiracistes, tout en excluant d’office une autre partie de la population : les résidents étrangers. Et lui substituer un « nous citoyen » beaucoup plus inclusif – inclusif notamment, pour commencer, lorsqu’il s’agit de débattre publiquement, et de « composer des panels » de participants au débat : la dispute sur l’immigration ne peut se faire sans les immigré·e·s, comme celle sur la condition féminine ne peut se faire sans les femmes.

    Ce nouveau « nous » devra toutefois être exclusif lui aussi, excluant et intolérant à sa manière – simplement pas avec les mêmes. Car rien de solidement et durablement positif et inclusif ne pourra se construire sans un moment « négatif » assumé de rejet d’une certaine composante de la « nation française », pour le moment « entendue », « comprise », excusée et cajolée au-delà de toute décence : celle qui exprime de plus en plus ouvertement et violemment son racisme, en agressant des migrant·e·s, en menaçant des élu·e·s, en incendiant leurs domiciles. Si déjà l’autorité de l’État se manifestait davantage pour soutenir les forces politiques, les collectifs citoyens, les élus locaux qui « accueillent », et réprimer celles qui les en empêchent en semant une véritable terreur, un grand pas serait fait.

    Reconsidérer notre « impuissance »… et notre puissance.

    Nous ne « pouvons » pas accueillir, nous dit-on, ou nous ne le pouvons plus. L’alternative, ici encore, consisterait à revenir au réel, et à l’assumer publiquement – et en premier lieu médiatiquement. La France est la seconde puissance économique européenne, la sixième puissance économique du monde, et l’un des pays au monde – et même en Europe – qui « accueille », en proportion de sa population totale, le moins de réfugié·e·s ou d’étranger·e·s. Parmi des dizaines de chiffres que nous citons, celui-ci est éloquent : 86% des émigrant·e·s de la planète trouvent refuge dans un pays « en développement ». Ou celui-ci : seuls 6,3% des personnes déplacées trouvent refuge dans un pays de l’Union européenne [Ces chiffres, comme les suivants, sont cités et référencés dans notre livre, « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort, op. cit.].

    Reconsidérer notre puissance, c’est aussi, on l’a vu, se rendre attentif au potentiel déjà existant : publiciser les initiatives locales de centres d’accueil ou de solidarités plus informelles, dont il est remarquable qu’elles sont rarement le fait de personnes particulièrement riches. C’est aussi défendre cette « puissance d’accueil » quand elle est menacée par des campagnes d’extrême droite, la valoriser au lieu de la réprimer. C’est donc aussi, très concrètement, abroger l’infâme « délit de solidarité » au nom duquel on a persécuté Cédric Herrou et tant d’autres. Aucun prétexte ne tient pour maintenir ce dispositif « performatif » (qui « déclare » l’accueil impossible, par l’interdit, afin de le rendre impossible, dans les faits). « Filières mafieuses », sur-exploitation des travailleurs sans-papiers, « marchands de sommeil » : tous ces fléaux sociaux pourraient parfaitement être combattus avec un arsenal légal délesté de ce sinistre « délit de solidarité » : le Droit du travail, le Droit du logement, et plus largement tout l’appareil pénal qui réprime déjà toute forme de violence, d’extorsion et d’abus de faiblesse.

    Repenser l’accueil, oser l’égalité.

    Si notre livre combat le rejet et valorise la solidarité, il critique pourtant la notion d’accueil ou celle d’hospitalité, telle qu’elle est mobilisée dans notre débat public. Pour une raison principalement : en entretenant la confusion entre le territoire national et la sphère domestique, le paradigme de l’hospitalité encourage les paniques sociales les plus irrationnelles (à commencer par le sentiment d’ « invasion »), mais aussi les régressions autoritaires les plus nocives (ce fameux « On est chez nous ! », qui assimile les étranger·e·s, fussent-ils ou elles titulaires d’un logement qui leur est propre, d’un bail ou d’un titre de propriété, à des intrus qui nous placent en situation de « légitime défense »). Ce qui est ainsi évacué du débat, c’est ni plus ni moins qu’un principe constitutionnel : le principe d’égalité de traitement de toutes et tous sur le territoire d’une république démocratique. Plusieurs dispositifs légaux, ici encore, seraient à abroger, parce qu’ils dérogent à ce principe d’égalité : la « double peine » , les « emplois réservés » – sans parler de la citoyenneté elle-même, qui gagnerait à être, comme dans la majorité des pays européens, ouvertes au moins partiellement aux résident·e·s étranger·e·s.

    Enfin, bien en deçà de ces mesures tout à fait réalisables, une urgence s’impose : avant de se demander si l’on va « accueillir », on pourrait commencer par laisser tranquilles les nouveaux arrivants. À défaut de les « loger chez soi », arrêter au moins de les déloger, partout où, avec leurs propres forces, à la sueur de leur front, ils ou elles élisent domicile – y compris quand il s’agit de simples tentes, cabanons et autres campements de fortune.

    Repenser le « tout », assumer les droits indivisibles

    Là encore la première des priorités, celle qui rend possible la suite, serait une pédagogie politique, et avant cela l’arrêt de la démagogie. Car là encore tout est connu, établi et documenté par des décennies de travaux, enquêtes, rapports, publiés par des laboratoires de recherche, des institutions internationales – et même des parlementaires de droite [Nous citons dans notre ouvrage ces différents rapports.].

    Il suffirait donc que ce savoir soit publicisé et utilisé pour éclairer le débat, en lieu et place de l’obscurantisme d’État qui fait qu’actuellement, des ministres continuent de mobiliser des fictions (le risque d’invasion et de submersion, le « coût de l’immigration », mais aussi ses effets « criminogènes ») que même les élus de leurs propres majorités démentent lorsqu’ils s’attèlent à un rapport parlementaire sur l’état des connaissances en la matière. Nous l’avons déjà dit : à l’échelle de la planète, seules 6,3% des personnes déplacées parviennent aux « portes de l’Europe » – et encore ce calcul n’inclut-il pas la plus radicale des « misères du monde », celle qui tue ou cloue sur place des populations, sans possibilité aucune de se déplacer. Cette vérité devrait suffire, si l’on osait la dire, pour congédier toutes les psychoses sur une supposée « totalité » miséreuse qui déferlerait « chez nous ».

    À l’opposé de cette « totalité » factice, prétendument « à nous portes », il y a lieu de repenser, assumer et revendiquer, sur un autre mode, et là encore à rebours de ce qui se pratique actuellement, une forme de « totalité » : celle qui sous-tend l’universalité et l’indivisibilité des droits humains, et du principe d’égalité de traitement : « tout » arrivant, on doit le reconnaître, a droit de bénéficier des mêmes protections, qu’il soit chrétien, juif ou musulman, que sa peau soit claire ou foncée, qu’il vienne d’Ukraine ou d’Afghanistan. Le droit d’asile, les dispositifs d’accueil d’urgence, les droits des femmes, les droits de l’enfant, le droit de vivre en famille, les droits sociaux, et au-delà l’ensemble du Droit déjà existant (rappelons-le !), ne doit plus souffrir une application à géométries variables.

    Il s’agit en l’occurrence de rompre, au-delà des quatre décennies de « lepénisation » qui ont infesté notre débat public, avec une tradition centenaire de discrimination institutionnelle : cette « pensée d’État » qui a toujours classé, hiérarchisé et « favorisé » certaines « populations » au détriment d’autres, toujours suivant les deux mêmes critères : le profit économique (ou plus précisément le marché de l’emploi et les besoins changeants du patronat) et la phobie raciste (certaines « cultures » étant déclarées moins « proches » et « assimilables » que d’autres, voire franchement « menaçantes »).

    Respecter la « misère du monde », reconnaître sa richesse.

    Il n’est pas question, bien sûr, de nier la situation de malheur, parfois extrême, qui est à l’origine d’une partie importante des migrations internationales, en particulier quand on fuit les persécutions, les guerres, les guerres civiles ou les catastrophes écologiques. Le problème réside dans le fait de réduire des personnes à cette appellation abstraite déshumanisante, essentialisante et réifiante : « misère du monde », en niant le fait que les migrant·e·s, y compris les plus « misérables », arrivent avec leurs carences sans doute, leurs traumas, leurs cicatrices, mais aussi avec leur rage de vivre, leur créativité, leur force de travail, bref : leur puissance. Loin de se réduire à une situation vécue, dont précisément ils et elles cherchent à s’arracher, ce sont de potentiels producteurs de richesses, en tant que travailleurs et travailleuses, cotisant·e·s et consommateurs·trices. Loin d’être seulement des corps souffrants à prendre en charge, ils et elles sont aussi, par exemple, des médecins et des aides-soignant·es, des auxiliaires de vie, des assistantes maternelles, et plus largement des travailleurs et des travailleuses du care – qui viennent donc, eux-mêmes et elles-mêmes, pour de vrai, accueillir et prendre en charge « notre misère ». Et cela d’une manière tout à fait avantageuse pour « nous », puisqu’ils et elles arrivent jeunes, en âge de travailler, déjà formé·es, et se retrouvent le plus souvent sous-payé·es par rapport aux standards nationaux.

    Là encore, la solution se manifeste d’elle-même dès lors que le problème est bien posé : il y a dans ladite « misère du monde » une richesse humaine, économique notamment mais pas seulement, qu’il serait intéressant de cultiver et associer au lieu de la saboter ou l’épuiser par le harcèlement policier, les dédales administratifs et la surexploitation. L’une des mises en pratique concrète de ce virage politique serait bien sûr une opération de régularisation massive des sans-papiers, permettant (nous sommes là encore en terrain connu, éprouvé et documenté) de soustraire les concerné·e·s des « sous-sols » de l’emploi « pour sans-papiers », véritable « délocalisation sur place », et de leur donner accès aux étages officiels de la vie économique, ainsi qu’au Droit du travail qui le régit.

    Il y a enfin, encore et toujours, ce travail de pédagogie à accomplir, qui nécessite simplement du courage politique : populariser le consensus scientifique existant depuis des décennies, quelles que soit les périodes ou les espaces (états-unien, européen, français, régional), concernant l’impact de l’immigration sur l’activité et la croissance économique, l’emploi et les salaires des autochtones, l’équilibre des finances publiques, bref : la vie économique au sens large. Que ces études soient l’oeuvre d’institutions internationales ou de laboratoires de recherche, elles n’ont cessé de démontrer que « le coût de l’immigration » est tout sauf avéré, que les nouveaux arrivant·e·s constituent davantage une aubaine qu’une charge, et qu’on pourrait donc aussi bien parler de « la jeunesse du monde » ou de « la puissance du monde » que de sa « misère ».

    Redevenir moraux, enfin.

    Le mot a mauvaise presse, où que l’on se trouve sur l’échiquier politique, et l’on devrait s’en étonner. On devrait même s’en inquiéter, surtout lorsque, comme dans ce « débat sur l’immigration », il est question, ni plus ni moins que de vies et de morts. Les ricanements et les postures viriles devraient s’incliner – ou nous devrions les forcer à s’incliner – devant la prise en considération de l’autre, qui constitue ce que l’on nomme la morale, l’éthique ou tout simplement notre humanité. Car s’il est à l’évidence louable de refuser de « faire la morale » à des adultes consentants sur des questions d’identité sexuelle ou de sexualité qui n’engagent qu’elles ou eux, sans nuire à autrui, il n’en va pas de même lorsque c’est la vie des autres qui est en jeu. Bref : l’interdit de plus en plus impérieux qui prévaut dans nos débats sur l’immigration, celui de « ne pas culpabiliser » l’électeur lepéniste, ne saurait être l’impératif catégorique ultime d’une démocratie saine.

    Pour le dire autrement, au-delà de la « misère » que les migrant·e·s cherchent à fuir, et de la « puissance » qu’ils ou elles injectent dans la vie économique, lesdit·es migrant·e·s sont une infinité d’autres choses : des sujets sociaux à part entière, doté·e·s d’une culture au sens le plus large du terme, et d’une personnalité, d’une créativité, irréductible à toute appellation expéditive et englobante (aussi bien « misère » que « richesse », aussi bien « charge » que « ressource »). Et s’il n’est pas inutile de rappeler tout le potentiel économique, toute l’énergie et « l’agentivité » de ces arrivant·e·s, afin de congédier les fictions anxiogènes sur « l’invasion » ou « le coût de l’immigration », il importe aussi et surtout de dénoncer l’égoïsme sordide de tous les questionnements focalisés sur les coûts et les avantages – et d’assumer plutôt un questionnement éthique. Car une société ne se fonde pas seulement sur des intérêts à défendre, mais aussi sur des principes à honorer – et il en va de même de toute subjectivité individuelle.

    Le réalisme dont se réclament volontiers nos gouvernants exige en somme que l’on prenne en compte aussi cette réalité-là : nous ne vivons pas seulement de pain, d’eau et de profit matériel, mais aussi de valeurs que nous sommes fiers d’incarner et qui nous permettent de nous regarder dans une glace. Personne ne peut ignorer durablement ces exigences morales sans finir par le payer, sous une forme ou une autre, par une inexpugnable honte. Et s’il est précisément honteux, inacceptable aux yeux de tous, de refuser des soins aux enfants, aux vieillards, aux malades ou aux handicapé·e·s en invoquant leur manque de « productivité » et de « rentabilité », il devrait être tout aussi inacceptable de le faire lorsque lesdit·es enfants, vieillards, malades ou handicapé·e·s viennent d’ailleurs – sauf à sombrer dans la plus simple, brutale et abjecte inhumanité.

    https://blogs.mediapart.fr/pierre-tevanian/blog/220923/immigration-une-autre-voie-est-possible-necessaire-urgente

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    • « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde » : la vraie histoire de la citation de #Michel_Rocard reprise par #Macron

      Le président de la République a cité, dimanche 24 septembre, la célèbre phrase de Rocard. L’occasion de revenir sur une déclaration à laquelle on a souvent fait dire ce qu’elle ne disait pas.

      C’est à la fois une des phrases les plus célèbres du débat politique français, mais aussi l’une des plus méconnues. Justifiant la politique de fermeté vis-à-vis des migrants arrivés à Lampedusa, Emmanuel Macron a déclaré hier : « On a un modèle social généreux, et on ne peut pas accueillir toute la misère du monde. »

      https://twitter.com/TF1Info/status/1706009131448983961

      La citation est un emprunt à la déclaration de Michel Rocard. La droite aime à citer cette phrase, ce qui est une manière de justifier une politique de fermeté en matière d’immigration en citant un homme de gauche. Tandis que la gauche a souvent tendance à ajouter que le Premier ministre de François Mitterrand avait ajouté un volet d’humanité en rappelant que la France devait aussi « prendre sa part » (ou « s’y efforcer »), et donc que sa formule, loin d’être un appel à la fermeture des frontières, était en réalité un appel à l’accueil.

      En réalité, comme Libération l’avait expliqué en détail il y a quelques années, les choses sont moins simples. Contrairement à ce que la gauche aime dire, cette déclaration de Michel Rocard n’était, initialement, pas vraiment humaniste, et était invoquée par le responsable socialiste pour justifier la politique draconienne vis-à-vis de l’immigration du gouvernement d’alors.

      On retrouve la trame de cette formule dans un discours prononcé le 6 juin 1989 à l’Assemblée nationale (page 1 797 du document) : « Il y a, en effet, dans le monde trop de drames, de pauvreté, de famine pour que l’Europe et la France puissent accueillir tous ceux que la misère pousse vers elles », déclare ce jour-là Michel Rocard, avant d’ajouter qu’il faut « résister à cette poussée constante ». Il n’est nullement question alors d’un quelconque devoir de prendre part à cet afflux.

      A l’époque, le climat est tendu sur la question de l’immigration. L’exclusion d’un collège de Creil de trois élèves musulmanes ayant refusé d’ôter leur foulard a provoqué, en octobre 1989, un vif débat national. En décembre, le FN écrase la législative partielle de Dreux. Les discours sur l’immigration se durcissent. Celui du PS n’échappe pas à la règle, d’autant que la gauche se voit reprocher d’être revenue sur les lois Pasqua. François Mitterrand déclare dans une interview à Europe 1 et Antenne 2, le 10 décembre 1989, que le « seuil de tolérance » des Français à l’égard des étrangers « a été atteint dans les années 70 ». Se met en place le discours qui va être celui du PS pendant quelques années. D’un côté, une volonté affichée de promouvoir l’intégration des immigrés réguliers en place (c’est en décembre 1989 qu’est institué le Haut Conseil à l’intégration). De l’autre côté, un objectif affirmé de verrouiller les flux migratoires, avec un accent mis sur la lutte contre l’immigration clandestine, mais pas seulement. Dans la même interview à France 2 et Europe 1, Mitterrand explique ainsi que le chiffre de « 4 100 000 à 4 200 000 cartes de séjour » atteint selon lui en 1982 ne doit, « autant que possible, pas être dépassé ».

      C’est dans ce contexte, le 3 décembre 1989, que Michel Rocard prononce la formule qui restera dans les mémoires. Michel Rocard est l’invité d’Anne Sinclair dans l’émission Sept sur sept sur TF1. Il précise la nouvelle position de la France en matière d’immigration et le moins qu’on puisse dire c’est que ses propos sont musclés. La France se limitera au respect des conventions de Genève, point final, explique-t-il : « Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde. La France doit rester ce qu’elle est, une terre d’asile politique […] mais pas plus. […] Il faut savoir qu’en 1988 nous avons refoulé à nos frontières 66 000 personnes. 66 000 personnes refoulées aux frontières ! A quoi s’ajoutent une dizaine de milliers d’expulsions du territoire national. Et je m’attends à ce que pour l’année 1989 les chiffres soient un peu plus forts. »

      Après l’émission, Michel Rocard décline la formule à l’envi lors de ses discours les mois suivants, pour justifier de sa politique d’immigration. Le 13 décembre 1989, il déclare ainsi à l’Assemblée nationale : « Puisque, comme je l’ai dit, comme je le répète, même si comme vous je le regrette, notre pays ne peut accueillir et soulager toute la misère du monde, il nous faut prendre les moyens que cela implique. » Et précise les moyens en question : « Renforcement nécessaire des contrôles aux frontières », et « mobilisation de moyens sans précédent pour lutter contre une utilisation abusive de la procédure de demande d’asile politique ».

      Il la répète quelques jours plus tard, le 7 janvier 1990, devant des socialistes d’origine maghrébine réunis à l’occasion d’un colloque sur l’immigration. « J’ai beaucoup réfléchi avant d’assumer cette formule. Il m’a semblé que mon devoir était de l’assumer complètement. Aujourd’hui je le dis clairement. La France n’est plus, ne peut plus être, une terre d’immigration nouvelle. Je l’ai déjà dit et je le réaffirme, quelque généreux qu’on soit, nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde », martèle-t-il devant un parterre d’élus pas très convaincus. Avant de conclure : « Le temps de l’accueil de main-d’œuvre étrangère relevant de solutions plus ou moins temporaires est donc désormais révolu. » Le reportage de France 2 consacré au colloque insiste sur le silence qui s’installe alors dans l’auditoire, avec un gros plan sur le visage dubitatif de Georges Morin, en charge du Maghreb pour le PS et animateur des débats.

      Le Premier ministre recycle son élément de langage dans un discours sur la politique d’immigration et d’intégration prononcé dans l’hémicycle le 22 mai 1990 : « Nous ne pouvons pas – hélas – soulager toutes les misères de la planète. » Le gouvernement reprendra aussi à son compte la petite phrase rocardienne, à l’image de Lionel Stoléru, secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre chargé du Plan, qui, face à Jean-Marie Le Pen sur la Cinq le 5 décembre 1989, déclare : « Le Premier ministre a dit une phrase simple, qui est qu’on ne peut pas héberger toute la misère du monde, ce qui veut dire que les frontières de la France ne sont pas une passoire et que quel que soit notre désir et le désir de beaucoup d’êtres humains de venir nous ne pouvons pas les accueillir tous. Le problème de l’immigration, c’est essentiellement ceux qui sont déjà là… » On retrouve le double axe de la politique que revendique le gouvernement : effort pour intégrer les immigrés qui sont présents et limitation au maximum de toute nouvelle immigration.

      Il faudra attendre le 4 juillet 1993 pour une rectification tardive de Michel Rocard, en réaction à la politique anti-immigration de Charles Pasqua, raconte Thomas Deltombe, auteur d’un essai sur l’islamophobie dans les médias, dans un article du Monde diplomatique : « Laissez-moi lui ajouter son complément, à cette phrase », déclare alors Rocard dans Sept sur sept. « Je maintiens que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde. La part qu’elle en a, elle prend la responsabilité de la traiter le mieux possible. »

      Trois ans plus tard, dans une tribune publiée dans le Monde du 24 août 1996 sous le titre « La part de la France », l’ex-Premier ministre assure que sa formule a été amputée et qu’elle s’accompagnait à l’époque d’un « [la France] doit en prendre fidèlement sa part ». Ce qu’il répète dans les pages de Libé en 2009, affirmant ainsi que sa pensée avait été « séparée de son contexte, tronquée, mutilée » et mise au service d’une idéologie « xénophobe ». Pourtant, cette seconde partie — censée contrebalancer la fermeté de la première — reste introuvable dans les archives, comme le pointait Rue89 en 2009. Une collaboratrice de Michel Rocard avait alors déclaré à la journaliste : « On ne saura jamais ce qu’il a vraiment dit. Lui se souvient l’avoir dit. En tout cas, dans son esprit, c’est ce qu’il voulait dire. Mais il n’y a plus de trace. On a cherché aussi, beaucoup de gens ont cherché mais on n’a rien. »

      Quelques années plus tard, en 2013, le chroniqueur de France Inter Thomas Legrand (désormais à Libération) a reposé la question à Michel Rocard, qui a alors assuré avoir retrouvé le texte d’un discours prononcé en novembre 1989 lors du cinquantenaire de la Cimade (Comité inter-mouvement auprès des évacués) . C’est là, affirme le Premier ministre, que la phrase aurait été prononcée. Voici ce que Rocard dit avoir déclaré : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, raison de plus pour qu’elle traite décemment la part qu’elle ne peut pas ne pas prendre. » Sauf que le verbatim de son discours n’a jamais été publié. Le site Vie publique ne donne qu’un résumé très sommaire de son intervention (« mise en cause du détournement du droit d’asile et importance de la rigueur dans l’admission des réfugiés »).

      Mais que ces mots aient été, ou pas, prononcés, devant la Cimade, ne change rien au fait qu’entre 1989 et 1990, la phrase a bien été assénée par Michel Rocard sans cette seconde partie, comme une justification de sa fermeté vis-à-vis de l’immigration. Et non comme un encouragement à l’accueil des immigrés.

      https://www.liberation.fr/checknews/on-ne-peut-pas-accueillir-toute-la-misere-du-monde-la-vraie-histoire-de-l
      #Emmanuel_Macron

  • Nupes : radiographie d’une panique éditoriale
    http://www.davduf.net/nupes-radiographie-d-une-panique-editoriale-par

    Lu sur Arrêt Sur Images | L’accord historique d’union de la gauche a été accueilli dans les grands médias par une vague d’éditoriaux apocalyptiques. On reproche au Parti socialiste d’avoir « trahi ses valeurs » en s’alliant à La France Insoumise ; à Jean-Luc Mélenchon, d’être un « autre Le Pen », un « Chavez », un « bolivarien » ; aux électeurs de gauche, de « vouloir gagner ». Analyse d’une panique médiatique qui en dit long... sur la (...) Revue de presse, du web & veille en tous genres

    / Une, #Présidentielle_2022

    #Revue_de_presse,du_web&_veille_en_tous_genres

    • « La campagne de la France insoumise pour les élections législatives, à laquelle se sont ralliées les autres formations de la gauche parlementaire a littéralement déchaîné les médias dominants. »

      Anatomie d’une campagne médiatique contre la gauche (1/3)
      https://www.acrimed.org/Anatomie-d-une-campagne-mediatique-contre-la

      « Illusionniste », « prestidigitateur », « chefs à plume », « petites cervelles », « fascisme à visage humain », « Polichinelle hâbleur », « escroquerie », « chiens », « pitbulls », « danger pour la France », « insurgé de prédilection »… La campagne de la France insoumise pour les élections législatives, à laquelle se sont ralliées les autres formations de la gauche parlementaire (Générations-EELV-PS-PCF), a littéralement déchaîné les médias dominants. Éditorialistes et journalistes politiques ont orchestré, du PAF aux grands quotidiens nationaux, une cabale d’une rare violence que nous traiterons en trois temps : 1) Mépriser, délégitimer : l’Union populaire n’adviendra pas ; 2) Stigmatiser : haro sur les « islamogauchistes » ; 3) Traquer : sus aux « déviants » de la social-démocratie. Premier mouvement.

      Aussitôt Emmanuel Macron réélu, les chiens de garde sécurisaient le périmètre de la « démocratie » en étouffant les critiques. « Dire du président qu’il a été "mal élu" ? C’est "ébranler la légitimité du vote, et par là même les fondements de la démocratie représentative" pour Le Monde. C’est "alimenter une défiance dans les institutions, dans notre système démocratique" pour David Pujadas. Des syndicats qui souhaitent être pris en compte ? "C’est factieux !" s’indigne Jean-Michel Aphatie. » Ce n’était là qu’un début.

      « Des gens dangereux »

      Pour Mathieu Bock-Côté (Europe 1, 27/04), « Jean-Luc Mélenchon veut accélérer la crise de régime », tenter « un coup de force » et « un dernier tour de piste avant de se laisser momifier vivant à la manière d’un petit Lénine français vénéré et contemplé par tous les sectateurs de la Révolution ». Un peu plus tôt sur la même antenne, face à Sonia Mabrouk, Raphaël Enthoven commentait l’affiche « Mélenchon Premier ministre » de la France insoumise, qui révélerait selon lui « qui [sont] les gens dangereux […] susceptibles de s’asseoir [sur les institutions] pour un bénéfice à peu près nul. » Un verdict partagé par l’ex-plume de Valeurs actuelles, Louis de Raguenel, désormais chef du service politique de la radio Bolloré : « À force de marteler ces messages dangereux, ça finit par donner aux ultras des espoirs de renversement de l’État. » (Europe 1, 2/05)

      C’est donc de (violent) concert avec l’extrême droite que les chantres de « l’extrême centre » pointent, d’un seul et même doigt, le péril de l’époque : la France insoumise et l’union de la gauche. Sur LCI, Jean-Michel Aphatie prévenait ses confrères (29/04) :

      Le fond de l’affaire, c’est qu’on dit que Marine Le Pen n’est pas républicaine, n’est pas démocrate, très bien, ça fait vingt ans qu’on fait une danse là-dessus à l’extrême-droite ! Et la France Insoumise, elle est comment ? Quel attachement à la démocratie et aux valeurs ?

      L’éditocratie poursuivra précisément sur cette lancée. À commencer par Catherine Nay (Europe 1, 30/04) :

      Si ça ne se passe pas comme prévu, « il faudra aller chercher la victoire dans la rue pour faire avancer la société ». Qui le dit ? C’est la Clémentine Autain [sic]. Vous savez avec son joli sourire et ses yeux myosotis. Et elle dit ça sans être morigénée par quiconque, c’est sa vision de la démocratie ! Ça s’appelle le fascisme à visage humain.

      Dans Le Figaro (6/05), Ivan Rioufol monte d’un cran : « S’il y a un totalitarisme qui vient, c’est au cœur de la gauche marxiste et révolutionnaire qu’il faut le traquer, comme toujours historiquement. » Et de poursuivre : « L’entourloupe sur "le cordon sanitaire" a permis à l’extrême gauche, sectaire et violente, de se comporter en terrain conquis. Oui, il y a un danger pour la République. Mais il est à débusquer dans la stratégie d’infiltration insurrectionnelle du soi-disant Insoumis. » Le totalitarisme, c’est également ce que l’union de la gauche inspire à Bernard-Henri Lévy : « Avec cet accord Insoumis/socialistes, c’est Chavez qu’on accorde avec Jaurès. Poutine avec Léon Blum. Et voilà bradé, pour un plat de lentilles (une poignée de circonscriptions), tout le patient travail de la gauche, depuis 50 ans, pour conjurer sa tentation totalitaire. Navrant. » (Twitter, 4/05).

      Sur LCI (6/05), Jean-François Kahn qualifie sans rire les Insoumis de « néo-bolcheviks ». « Un parti factieux, séditieux ? » interroge de son côté Frédéric Haziza (Radio J, 8/05). « Une secte » affirmait deux jours plus tôt Philippe Val (Europe 1, 6/05) : « Une secte dont certains militants se radicalisent sur internet, comme cette femme "gilet jaune", anti vax et mélenchoniste qui a récemment agressé un pompier », mais également « des irresponsables [qui] jouent la violence sociale contre le suffrage universel. » Un parti qui, en tout cas, « a réussi son pari de caler la gauche sur les extrêmes » selon Challenges (5/05), qualificatif employé partout, inspirant un espoir à Thomas Sotto face à Jean-Luc Mélenchon : « Est-ce que ça ne va pas faire le jeu d’Emmanuel Macron une gauche qui se radicalise ? » (France 2, 6/05).

      Le 2 mai, date de l’accord entre la France insoumise et Europe Écologie les Verts (EELV), David Reyrat, journaliste sportif au Figaro, synthétise : « Pour être certain de ne pas être coincé dans une faille temporelle. On parle bien en 2022 de porter au pouvoir en France des trotskistes, des maoïstes, des communistes, des khmers verts. En 2022. En France. C’est bien ça ? Vous confirmez ? » (Twitter, 2/05, tweet supprimé depuis). Franz-Olivier Giesbert confirme dans Le Point (5/05) : « La haine est en marche et rien ne semble pouvoir l’arrêter ». On ne le lui fait pas dire… « Certes, nous ne sommes pas en 1789 quand la populace […] saccageait et pillait tout sur son passage. […] Il y a en ce printemps ensoleillé mais saturnien beaucoup d’électricité dans l’air, une violence verbale peu ordinaire, en particulier du côté des chefs à plume de la France insoumise. » Et le non-violent-verbal de qualifier les responsables insoumis de « mufles » et de « braillards », quelques lignes seulement avant de fustiger la « décomposition démocratique » du pays : « Une partie des "élites" de la France d’en haut […] commence à basculer dans l’extrémisme de gauche ». Diantre ! L’élite médiatique, au moins, aura été épargnée.

      Pendant ce temps sur Twitter, en écoutant François Ruffin sur BFM-TV, l’ancien directeur du Nouvel Observateur Claude Weill weillise :

      Ce type est un grand malade. « Il y a un bâton pour chasser Macron ! » […] s’excite-t-il. Étonnez-vous que des petites cervelles insoumises, échaudées par ces appels incessants à la haine et au déni de démocratie finissent par aller taper sur des pompiers… (3/04)

      Qui est excité ?

      Jacques Julliard dans Marianne, sans nul doute. Le 4 mai, il tempête dans l’édito « Oui à l’union, non à Mélenchon ! » : « Le mélenchonisme n’est ni l’avenir ni la justice, c’est une construction qui repose sur un homme et sur les branches pourries du mouvement social. Épargnons-nous ce retour en arrière. » Sur France 5 (5/05), Denis Olivennes alerte :

      Il faut se souvenir de ce qu’a été Jean-Luc Mélenchon ! […] Il a quand même conspué les juges indépendants et la presse indépendante ! Je ne crois que ce que je vois. Et ce que je vois, c’est un leader qui a attaqué l’indépendance des juges, attaqué les journalistes, dont les amis c’est Poutine et Maduro, des gens qui n’acceptent pas la démocratie ! C’est ça Mélenchon !

      Le magazine hebdomadaire des Échos fait campagne plus qu’à son tour, et directement par la voix de son directeur adjoint de la rédaction : « Mélenchon ou la défaite de la raison » titre-t-il son édito (2/05). Tout y passe : « Héros fatigué d’une gauche en déliquescence », « amoureux transi des dirigeants d’un Venezuela en ruine », « un "insoumis sauf avec les dictateurs" », des « convictions […] flottantes », la « gauche régressive ». Bref… « la folie Mélenchon ».

      Un crachat que reprend en écho le rédacteur en chef adjoint de L’Est Républicain, dans l’édito qui garnit les huit titres du groupe Ebra – propriété du Crédit Mutuel (28/04) : « Jean-Luc Mélenchon incarne à merveille le Polichinelle hâbleur d’une gauche désorbitée, entraînée vers les abîmes d’une tragique bouffonnerie. » D’une rare brutalité contre « Méluche, le magnifique », l’éditorial se conclut sur un incontrôlable accès de mépris de classe : « Les chiens sont lâchés. Ses pitbulls aboient et mordent. [Mélenchon] est, nous dit-on l’idole des jeunes. Même diplômés. C’est dire l’incurie de l’époque. »

      Un désespoir partagé par l’une des grandes figures macronistes du Monde, Françoise Fressoz, qui aligne les formules de courtoisie à l’égard de Jean-Luc Mélenchon : « Trublion », « prestidigitateur », « acteur talentueux, doublé d’un séduisant bonimenteur. À 70 ans, il joue la partition de sa vie, fait croire que la gauche radicale peut gouverner le pays. » (10/05) Le désarroi puise sa source au milieu de l’article : « Avant le premier tour, il y avait deux France, celle d’Emmanuel Macron et celle de Marine Le Pen. Le soir du 10 avril, une troisième a surgi, celle de Jean-Luc Mélenchon. Depuis, le vaincu s’emploie à la faire survivre et prospérer, au prix d’une personnalisation du pouvoir totalement assumée. »

      Pendant ce temps sur Twitter, Raphaël Enthoven enthovenise :

      UE, OTAN, Syrie, Russie, gilets jaunes, vaccins, oligarchie, populisme, mépris de la constitution... L’avenir de LFI est dans l’alliance avec le RN, plutôt que dans une OPA sur la gauche dont les autres membres doivent renoncer à leur identité pour gratter quelques circos. (2/04)

      « On n’est pas en dictature ! Ce n’est pas Mélenchon qui décide ! »

      « OPA », « coup de force », « au forceps », « destruction », « soumission ». Partout, le champ lexical mobilisé pour décrire le processus d’accord est celui de la violence, les journalistes politiques moulant leur discours dans les diatribes et le narratif des grands pontes du PS qui refusent l’alliance avec la France insoumise.

      Le 5 mai, Le Figaro s’illustre à cet égard par sa Une tout en retenue – « Mélenchon soumet les Verts et le PS à la gauche extrême » – doublée d’un édito signé Vincent Tremolet de Villers, « Bienvenue en mélenchonie » :

      De Catilina à Jean-Luc Mélenchon, on peut écrire, sans risque, que le niveau s’est effondré. Les grossiers appétits écrasent, sans aucune gêne, toute autre considération. Fabien Roussel lâche tout pour un steak aux lentilles, Olivier Faure montre qu’il a les dispositions pour ouvrir un stand à la grande braderie de Lille.

      Brillant. Au moins autant que la chronique de son confrère Guillaume Tabard une page plus loin, relatant la « soumission idéologique » des « socialistes, écologistes et communistes […], passés sous les fourches caudines de l’Insoumis en renonçant à bien de leurs valeurs ». Dans « C ce soir » (France 5, 5/05), Thomas Snegaroff introduit l’émission – « Est-ce que le PS vit son moment populiste ? » – avant de présenter, entre autres, Denis Olivennes, « essayiste, chef d’entreprise » (et accessoirement co-gérant de Libération) : « Vous faites partie de ces figures de la gauche qui voient dans cet accord une forme de reddition, de capitulation, de soumission, de trahison, de suicide, vous me direz quel est le mot que vous préférez. » Réponse de l’intéressé : « Tous. »

      Le but de Jean-Luc Mélenchon selon Christophe Barbier ? « Faire une OPA sur tous les restes de la gauche ». Plus encore ? « Digérer et déchirer la gauche […], et ce qu’il ne digère pas, il veut le déchirer. […] Le rêve du trotskyste Mélenchon, c’est de détruire ce qu’il déteste le plus : ce n’est pas la droite, ce n’est pas l’extrême droite, ce n’est pas Macron ! C’est la social-démocratie ! » (RMC, 3/03) « Lider maximo » titre encore BFM-TV (5/05), dont Alain Marschall donne une déclinaison au moment d’interroger Aymeric Caron : « Le parti socialiste a été liquidé avec gourmandise ? » Sur RMC (3/03), la journaliste Catherine Rambert s’insurge : « On n’est pas en dictature ! Ce n’est pas Mélenchon qui décide ! » avant de s’illustrer par des propos homophobes et orduriers :

      - Catherine Rambert : J’ai une pensée et beaucoup de compassion pour les communistes, pour le PS et pour les Verts qui sont en train d’avaler d’énormes couleuvres pour rentrer dans cette union au forceps. Et quand je dis « avaler des couleuvres », je ne suis pas certaine que ça passe par là mais enfin bon, on ne va pas faire un cours d’anatomie aujourd’hui !

      - Daniel Riolo : On ne sait même pas si c’est des couleuvres hein Catherine !

      De la hargne à l’insulte, il n’y a qu’un pas… que franchit également – comme de coutume –, et sans trébucher, le dessinateur du Point, Xavier Gorce : « Connaissez-vous cette vieille comptine ? "Ce petit animal a la peau si tendue ; Que quand il ferme un œil ; Il ouvre le trou du cul." Pourquoi le sourire de Mélenchon me la rappelle ? » (Twitter, 27/04) Une berceuse que lui inspire la fameuse affiche de la discorde.

      Pile « hargne », face « moquerie »

      Dans Paris Match (5/05), Gilles Martin-Chauffier met à profit son mépris pour réussir l’un des meilleurs portraits du moment : Jean-Luc Mélenchon en « insurgé de prédilection », « faire-valoir du pouvoir ». Extrait :

      Comme un interrupteur, il ne possède que deux positions : allumé ou disjoncté. Sur une estrade, sur un plateau, dans son bureau, il faut qu’il attire l’attention. […] Une fois en scène, il porte le béret du Che, l’auréole de saint François d’Assise (les animaux sont un autre de ses dadas) et la kalachnikov de Castro. Et ça passe : sans avoir jamais pointé dans une entreprise ni lancé un pavé, ce révolutionnaire institutionnel est la voix reconnue des rebelles. Donc il proteste. Le sexisme, le racisme, le nucléaire, les OGM, le capitalisme, la chasse aux bébés phoques, la pluie en été, tout lui tourne les sangs. Malheureusement pour lui, si élevé soit l’arbre, ses feuilles tombent toujours par terre. Les capitalistes se moquent de ses diatribes comme de leur première OPA. Et les sceptiques ricanent : quitte à lutter contre le racisme, à aider le tiers-monde, à préserver la planète, n’importe quelle multinationale en fait cent fois plus que lui. Le leader des insoumis tire plus de flèches qu’il n’abat de proies.

      Puis, le 4 mai, L’Obs se joint au concert des petites mesquineries : « Bientôt primus inter pares, le nouveau chantre de l’union de la gauche s’est imaginé un destin de rechange. […] Le voilà qui prétend marcher sur les traces de Léon Blum […] ou de François Mitterrand […]. Mélenchon se voit à Matignon. Un scénario encore bien improbable. Mais, le cas échéant, il ne serait ni Blum, ni Mitterrand. » Invitée sur le service public – qui plébiscite donc ses outrances sur Europe 1 – Catherine Nay opte pour le filon culinaire : « Jean-Luc Mélenchon doit beaucoup jubiler [...] mais il veut faire un soufflé avec des miettes ! » Plus tard : « Il s’allie chacun pour un plat de lentilles ! » Mais encore ? « Jean-Luc Mélenchon a toujours tendance à faire d’un chou un potager. » Enfin ? « La grand-mère déguisée en loup, c’est Mélenchon. » (France 5, 3/05).

      Sur « Quotidien » aussi, on se bidonne avec l’union de la gauche au moment d’interroger Julien Bayou à la sortie du local de campagne de la France insoumise : « Le couple LFI-EELV s’est fait hier. Là, c’est quoi le challenge quand on se met à faire un trouple ? » Et les journalistes start-up tiennent à faire savoir qu’ils peuvent, comme Catherine Nay, filer les métaphores : « Vous pensez que ça va être une relation passionnelle ? Mais tumultueuse ? » ; « Il y a un mariage pour demain ? » ; « À deux, c’est déjà fait, à trois on va voir, et là à quatre euh… ? » (TMC, 3/05)

      Enfin, après avoir vitupéré contre un rassemblement « navrant », « assez minable » et témoignant d’une « inconséquence politique » (LCI, 4/05), Jean-Michel Aphatie fanfaronne deux jours plus tard : « Hélas, le titre grille le suspense, c’est pas très grave ! Dans les bons films, on essaie de regarder jusqu’au bout ! » et joue les maîtres de foire du plateau : « Olivier Faure, […] vous allez voir, a commenté cet événement avec un enthousiasme désarmant devant les journalistes hier soir ! Il est un peu fatigué le pauvre, il a eu des journées très, très longues, cette semaine ! [Rires] […] Bon, et puis après, il est allé se coucher ! » (LCI, 6/05)

      Pendant ce temps sur Twitter, Enthoven enthovenise – les Insoumis « sont définitivement (car délibérément) imperméables à la raison ». Quid des éditorialistes ?

      Intermède : le 1er mai ? La violence

      Pour ne pas rompre le rythme, il va sans dire qu’au lendemain du 1er mai, comme le jour même, les médias dominants concentrent leurs forces éditoriales sur « les violences » de la manifestation (parisienne). Les chaînes d’info en continu diffusent en boucle l’agression d’un pompier par une manifestante, tandis que France Inter se fend d’une brillante exclusivité : le « soutien à Mélenchon » de la manifestante en question, sur la base d’une exégèse de tweets qui permit à la rédaction de dénicher l’arme du crime : « Un selfie dans l’isoloir avec un bulletin Mélenchon » (2/05).

      Le soir dans « C dans l’air » (France 5, 2/05), on apprendra par Fanny Guinochet que les militants autonomes « souvent s’en prennent […] aux biens publics » comme « l’hôpital » avant que Caroline Roux mentionne seulement la revendication des salaires entre deux virgules… pour mieux embrayer : « Les Français auront surtout vu des scènes de violences, de pillages, en marge de cette manifestation. » Discours performatif au carré : s’ensuit un reportage de 15 secondes, dans lequel en effet, les Français verront exclusivement – soit non plus « en marge » – des scènes de pillage. Le clou du spectacle est atteint dans Le Figaro (6/05), avec Ivan Rioufol :

      Les « antifas » ont une nouvelle fois semé la terreur en brisant des commerces sur leur passage. Or ces milices, qui sévissent au nez de la police, sont les bras armés de l’extrême gauche. Ces nouvelles « chemises noires » partagent avec LFI, la violence en plus, les mêmes objectifs politiques.

      Mais à cet égard, notre palme revient à l’émission « Estelle Midi » (RMC, 3/04). Vingt minutes de bashing en roue libre, réparties entre trois chroniqueurs. Mélenchon ? Un « illusionniste », dont Daniel Riolo entend révéler la vraie nature :

      On l’a vu à la manif, […] dans les électeurs de Mélenchon, il y a cette jeune dame qui trouve ça bien de se balader avec des tournevis et des marteaux pour taper sur les pompiers. C’est cette extrême gauche là, aussi, qu’il y a dans le bloc Mélenchon ! Donc à un moment, je crois quand même que les gens vont devoir ouvrir les yeux, exactement comme on les ouvre parfois sur d’autres partis et se rendre compte que le bulletin […] Nupes là, c’est un danger pour la France !

      Une violence qui se prolonge lors des « prises de parole » des auditeurs. « Antonio », employé dans un service technique hospitalier et électeur de Jean-Luc Mélenchon, ne peut s’exprimer plus de dix secondes en continu sans subir les foudres obsessionnelles de Daniel Riolo :

      Eh Antonio ! Vous, la violence de Mélenchon, elle ne vous gêne pas ? [Quelle violence ?] Bah qu’on agresse des pompiers ? Il n’a pas condamné. Il n’a pas condamné. Il n’a pas condamné. Il n’a pas condamné. Il a accusé l’État de laisser la violence se propager. Il n’a pas condamné. Le discours sur la police, l’agression des pompiers, il n’a pas condamné !

      Six fois.

      Puis, « Antonio » est coupé au bout de six secondes : « Donc vous vous en foutez ! Dites-le ! » Sept secondes, et rebelote : « Donc vous, vous ne condamnez pas l’agression du pompier vous ? Bah il ne veut pas répondre ! Donc vous ne condamnez pas, monsieur ! [Je condamne toute violence.] Bah Mélenchon l’a pas fait ! » Puis… en fin d’émission :

      - Daniel Riolo : Je crois que [Mélenchon] a fini par condamner l’agression de la jeune femme sur le pompier finalement, sur France Inter il me semble. [Non, sur Twitter, NDLR].

      - Rémy Barret : Mais tu avais raison, il avait dit auparavant [Voooilà !] que les violences étaient inhérentes [Voooilà !] à la Préfecture de police [Voooilà !] qui n’avait pas fait son travail. [Voooilà !]

      - Daniel Riolo : Voooilà. Il a mis le temps, il a réfléchi un peu. Voilà.

      Voilà…

      Chronique d’un échec annoncé

      Alors que la quasi-totalité des éditorialistes accablent d’emblée une « union mal embarquée […], de bric et de broc » (Jean-Michel Aphatie, LCI, 6/05), « un mirage, une escroquerie » (Christophe Barbier, RMC, 3/03), une « fable » (Le Monde, 10/05), un « accord factice » et « moche » (Olivier Bost, RTL, 5/05), ou une alliance au « succès timide » (Challenges, 3/05) sur la base de premiers sondages, partout, les journalistes politiques tiennent également à faire la chronique de son échec annoncé. « Arme de conquête ou pistolet à eau ? » interroge Olivier Bost dans son édito en face-à-face avec Yves Calvi (RTL, 5/05). Spoil :

      - Olivier Bost : Ça marche quand vous avez une dynamique pour prendre le pouvoir, réelle et basée sur des gens qui veulent exercer le pouvoir. Très concrètement là aujourd’hui, c’est pas du tout cette histoire-là puisque c’est les plus radicaux qui l’emportent et la radicalité n’a pas pour objectif aujourd’hui d’exercer le pouvoir.

      - Yves Calvi : On a l’impression que cette union populaire, à peine commencée, elle a du plomb dans l’aile, en tout cas qu’on la prend pas au sérieux !

      C’est le moins qu’on puisse dire…

      « Comment va gouverner cet homme ? » s’insurge d’ailleurs Catherine Nay (Europe 1, 30/04). « Parce qu’on voit bien aussi que c’est quelqu’un qui a une certaine enflure de l’égo, qui ne veut pas quitter le pouvoir, qui n’admet pas d’avoir été défait ! Et plutôt que d’être déprimé comme il y a cinq ans, eh bien il dit "Le Premier ministre, c’est moi !" » Même tonalité dans Le Monde, qui prend position le 6 mai et tient à faire savoir sa déception : « manœuvre », « marchandages », chefs de partis qui « convoqu[ent] bruyamment l’Histoire », « Canossa des défaits », « contorsions sémantiques », « silences assourdissants », « reniements »… L’édito du Monde regorge de sentences pour une conclusion sans appel : cet accord « n’en fait […] pas un programme de gouvernement [...]. L’objectif de devenir la principale force d’opposition au président réélu peut permettre de s’en accommoder, tant bien que mal, à titre provisoire. Pas celui d’exercer les responsabilités. »

      Jeff Wittenberg, éditorialiste politique pour France TV, en doute aussi très fortement : « Les femmes et les hommes qui vont porter le futur programme si vous gagnez […], est-ce qu’ils ont suffisamment d’expérience ? » ; « Toutes les personnalités de la France insoumise, celles qui vous rejoignent au PS, les Verts, personne n’a connu de responsabilité gouvernementale. Est-ce que ce n’est pas tout de même un handicap ? ; « Dites-nous si le manque d’expérience à la tête de l’État n’est pas un frein ? » (France Inter, 8/05, face à Jean-Luc Mélenchon). Rappelons qu’il y a cinq ans, les mêmes éditocrates sortaient les violons pour l’entrée de ladite « société civile » macroniste dans l’hémicycle.

      Verdict plus violent dans l’édito des Échos (2/05). La gauche au pouvoir ? Une « supercherie », révélant « une profonde fascination pour le nihilisme. […] Mélenchon Premier ministre ? On se pince ! » Pas autant que nous… « Très difficile de réussir son pari » assène encore Christophe Barbier (BFM-TV, 5/05). L’une des raisons à cela ? « Le vote musulman. C’est-à-dire de ces 69% de Français qui se disent de confession musulmane et qui ont voté Jean-Luc Mélenchon. Ceux-là n’ont pas forcément envie d’aller voter pour X ou pour Y qui sera simplement le représentant de Mélenchon. Ils n’ont pas forcément adhéré à un programme, ils ont adhéré à cette personne. » Car il faut le savoir : ils sont bêtes (en plus d’être méchants).

      Le programme ? « Archaïque » !

      Un échec annoncé donc, qui n’empêche pas les journalistes politiques de délégitimer le programme de A à Z. Les positions de la France insoumise sur le nucléaire ? « Mentalité antiscientifique » et « désir régressif vers une nature fantasmée et divinisée » assène Mathieu Bock-Côté (Europe 1, 5/05). Jean-Luc Mélenchon évoque-t-il sur France Inter « une politique de la radicalité concrète sur le plan écologique » ? La journaliste Claire Gatinois (Le Monde) traduit : « Il y a une forme de brutalité sociale aussi du coup ? Vous nous dites […] j’applique mes actions quitte à ce que ce soit brutal finalement ? » (France Inter, 8/05). Et dans la matinale de RTL (2/05), Alba Ventura fait faire ses gammes à Stéphane Le Foll pour garnir les gros titres : « Il y a une dérive chez Jean-Luc Mélenchon ? C’est ce que vous êtes en train de nous dire ? […] Quand vous dites "autoritaire", quand vous dites "radicalité" ? »

      Au Figaro (6/05), on prend nettement moins de pincettes au moment de dénoncer « une "soviétisation" de l’économie française à plus de 300 milliards par an ». Le programme pour Christophe Barbier ? « Impraticable et infinançable » (RMC, 3/05). « Des promesses intenables », « une radicalité [...] en tout cas anachronique » tance Alain Finkelkraut avant de nuancer : une « radicalité monstrueuse » (Europe 1, 10/05). « Ça serait la faillite si c’était appliqué ! » radote Jean-François Kahn sur LCI (6/05). Quant à Jacques Julliard dans Marianne (4/05), il en est « convaincu » : « L’application brutale de l’ensemble des propositions du programme de Mélenchon nous conduirait à la catastrophe. » « Complétement dingue » ajoute Denis Olivennes sur France 5 (5/05) :

      Emmanuel Macron a fait la plus grosse relance keynésienne de toute l’histoire récente de la 5ème République ! Ce pays prétendument néolibéral atteint des niveaux de dépense publique, de dette publique, de dépense sociale, d’impôts, de fonctionnaires et de réglementations comme on n’en a jamais connus ! Et on va encore alourdir la bête ! Dans ce pays qui souffre déjà d’une faible croissance qui explique son niveau de chômage et son faible pouvoir d’achat, on va encore charger la mule et son ventre va toucher le sol ! Et on va rajouter encore 200 milliards de dépenses publiques, […] c’est complétement dingue !

      Et pour sortir de la dinguerie, rien de tel qu’un recul historique avec François Lenglet. L’objet de sa chronique (RTL, 3/05) ? Faire état du « bilan économique désastreux de l’expérience du Front populaire » ! L’occasion pour l’éditocrate d’anachroniser sa rengaine en fustigeant la « surenchère syndicale » de l’époque, ainsi qu’une France « affaiblie par les grèves à répétition et les nationalisations. » Avant de se faire le porte-parole de Léon Blum, qui « doit aujourd’hui se retourner dans sa tombe en entendant Jean-Luc Mélenchon récuser la construction européenne qui a tant manqué à l’époque. » Toute honte bue. Autres références, même tonalité sur Europe 1, où Nicolas Bouzou avertit ses contemporains (Europe 1, 4/05) :

      La vérité, c’est que les programmes révolutionnaires du type « La France insoumise » n’ont jamais apporté rien d’autre que de la misère économique et sociale ! C’est toute l’histoire de l’Amérique Latine dans les années 1980 et 90, c’est parfaitement documenté historiquement. Ce type de programme met en place un système économique qui génère des rentes et qui entraîne une explosion des inégalités. Les riches, dans ce genre de système, s’en sortent toujours. Ce sont les plus fragiles qui en souffrent.

      « Révolutionnaire » ? Rétrograde, en tout cas, pour Denis Olivennes : « Back to the future ! On va refaire le programme d’il y a 40 ans, on rentre dans la modernité en refaisant le programme commun des années 70. Ça, c’est l’avenir de la social-démocratie. Euh… non ! » (France 5, 5/05). Paraphrasé le même jour par Challenges : « Il y a des éléments de son discours qui nous ramènent quarante ans en arrière : retraite à 60 ans (alors que l’espérance de vie a gagné presque dix ans depuis), augmentation des impôts et des dépenses publiques (alors que celles-ci ont déjà progressé de dix points de PIB), intervention massive de l’État… Il n’y manque qu’un bon programme de nationalisations ! » Chiche ! L’Europe ? « La même rhétorique que celle de Marine Le Pen […]. Bref, comme avec le projet du Rassemblement national, cela s’appelle un "Frexit" sans le dire. À nous de le répéter. » La majorité des confrères s’y attèlent déjà, dont Frédéric Haziza, tapant sur un « programme anti-européen et pro-Poutine. » (Radio J, 8/05).

      Mais la cabale vaut pour l’ensemble des aspects programmatiques : « Le blocage des prix ? C’est archaïque ! » vilipende Jean-Michel Aphatie (LCI, 6/05) avant de dérouler le prêchi-prêcha : « Tout le monde le sait : l’économie de marché, qu’on régule qu’on tempère, […] est la seule qui permet au consommateur et au producteur de vivre ensemble. » Puis : « Nationaliser les banques ? Mais pas un socialiste n’y croit ! » Et il ose :

      On a l’exemple du Crédit Lyonnais, on a vu ce que ça a donné ! Des masses d’argent non contrôlées, du scandale, du gaspillage… Je ne sais pas si Jean-Luc Mélenchon y croit d’ailleurs ! Mais lui, il a toujours dit ça, donc au moins faisons lui le crédit d’une cohérence intellectuelle à défaut de la sincérité.

      Et de poursuivre le dézingage en règle. La retraite à 60 ans ? « C’est l’un des plus gros bobards de la scène politique actuellement. Ça, Jean-Luc Mélenchon, il va falloir qu’il l’explique hein ! […] Parce que quand il était en campagne présidentielle, vraiment, personne n’a été attentif à ça. On est d’une complaisance souvent avec la gauche qui est très importante. »

      « Complaisance » ? Dans le dictionnaire éditocratique, nom féminin ; définit l’attitude des médias sus-cités, et celle de Paris Match en particulier, au moment d’évoquer les militants et sympathisants de la France insoumise qui « vont refaire un tour de piste d’ici au mois de juin pour aider Jean-Luc Mélenchon. » (5/05) Par exemple ?

      [L]es fameux zadistes qui chassent les paysans creusant des retenues d’eau sans leur permission. Au bout de quelques mois à jouer les Jacquou le Croquant, ils finiront à trente par sortir trois carottes et dix navets d’un terrain où un campagnard nourrissait un village à lui seul. Alors ils les apporteront sur le marché en tendant le poing et la sébile. Je vous rassure : entretemps, rien n’aura changé. Rien ne change jamais. Et Jean-Luc Mélenchon continuera de rêver de révolution comme la chaisière rêve d’épouser l’évêque.

      Terminons ce premier volet sur le service public en compagnie de Renaud Dély, présentateur de « 28 Minutes » sur Arte, également éditorialiste et présentateur sur France Info. Pour l’auteur de l’essai Anatomie d’une trahison. La gauche contre le progrès (mai 2022), la séquence actuelle est plus qu’une aubaine : cabale et auto-promo, d’une pierre deux coups !

      C’est donc en grand expert que Renaud Dély défile sur les ondes publiques : « C ce soir » (France 5, 2/05), France Inter (4/05) et « C à vous » (France 5, 5/05) – dont sont issus les propos qui suivent. Et en grand expert qu’il manie l’art des citations : « Comme disait le psychanalyste Jacques Lacan, "le réel, c’est quand on se cogne". » Voilà pourquoi les éditorialistes ne sont jamais assommés. « Le problème du projet unitaire qui est en voie d’être adopté, c’est qu’aussi sincère soit-il, il est en léger décalage avec le réel aujourd’hui sur de nombreux sujets ! » Plus précisément sur le fond du programme ?

      C’est le signe d’une gauche qui perd confiance en elle, qui rompt aussi avec une certaine idée du progrès, en tout cas du mouvement. C’est une gauche qui est profondément à la fois repliée sur des identités, des communautés qui s’affrontent et repliée sur le passé, qui est nostalgique. […] Ces derniers jours, on entend beaucoup parler du Front populaire, […] c’était il y a 86 ans !

      Le psychanalyste n’est pas encore au bout du raisonnement :

      Et donc cette gauche [veut] se rassurer […] parce qu’elle perd pied face au réel, parce qu’elle a du mal à le comprendre, à comprendre sa complexité et à le réformer. […] Ça contribue probablement à flatter, à enthousiasmer même une frange militante c’est vrai, mais à réduire le champ de la gauche sur un espace beaucoup plus réduit électoralement et à la décaler de la réalité du pays.

      Ce que confirment d’ailleurs noir sur blanc les résultats des deux dernières élections présidentielles.

      D’autres griefs ? Anne-Élisabeth Lemoine se charge du lancement : « C’est une gauche qui donne beaucoup de leçons également ! » « C’est la gauche indignée » acquiesce Renaud Dély, du même ton paternaliste. « C’est légitime et heureux de s’indigner dans la vie face à l’injustice et au malheur, mais ça ne fait pas un projet politique ! » Il n’en fallait pas plus à Patrick Cohen : « Il y a une formule formidable vous vous rappelez, c’est celle de Malek Boutih, "la gauche est condamnée à se liquéfier dans sa méchanceté". » Et les éditorialistes dans leur arrogance… bourgeoise, comme le rappelle Renaud Dély au moment de parler « écologie » :

      L’indignation ou la dénonciation d’une génération, par exemple les boomers […], ne suffit pas à construire le monde d’après ! Le problème de toute une frange de la gauche, et de toute une frange des écologistes au sens large, c’est de tenir parfois un discours anxiogène, catastrophiste, mais sans réussir à dessiner les contours du monde d’après. Si effectivement c’est foutu, s’il n’y a plus rien à faire, foutu pour foutu, on finit par se racheter des SUV !

      Éclats de rire sur tout le plateau.

      *

      Après avoir polarisé leur agenda de campagne autour de l’extrême droite, après avoir tapissé de chats un projet de société structurellement xénophobe et raciste, après avoir propulsé la candidature d’un néo-fasciste reçu partout avec déférence ou complaisance, les médias dominants exploitent la seule fenêtre médiatique (massive) arrachée par la gauche depuis des mois pour (massivement) instruire son procès.

      Dès lors, il faut au moins être éditorialiste au Figaro pour entrevoir, dans la séquence actuelle, un « cirque médiatique mené par l’extrême gauche autour de son nombril » (Ivan Rioufol, 6/05) ; travailler au Point pour titrer une chronique « Mélenchon, nouveau chouchou des médias » et critiquer une « lune de miel médiatique » (Jean-François Kahn, 12/05) ; ou encore vivre sur un plateau de CNews pour avoir « l’impression que c’est Jean-Luc Mélenchon qui a gagné l’élection présidentielle depuis quinze jours avec une complicité ou une douceur de l’espace médiatique » (Pascal Praud, 5/05). « L’extrême gauche n’affole surtout pas les médias bien-pensants. L’extrême droite toujours, l’extrême gauche jamais » lui rétorque l’ancien directeur général de LCI et membre de la direction de TF1 Éric Revel, plus lucide que jamais.

      Mépriser, moquer, délégitimer : les chiens de garde étaient bel et bien de sortie. Comme jamais ? Sans doute non. Mais avec plus d’une corde à leur arc. À suivre…

      Pauline Perrenot, grâce à un travail d’observation collectif des adhérent·e·s d’Acrimed

    • heureusement, le FN va tous nous sauver et appelle à faire barrage à Macron et en même temps à la Menace rouge :

      https://seenthis.net/messages/960181#message960182

      [NUPES] : une « union d’extrême gauche et anti-républicaine. Derrière Jean-Luc Mélenchon se constitue une véritable ZAD avec les idéologies les plus dangereuses pour la France : l’idéologie antiflics et le désarmement de l’État, le communautarisme, l’islamo-gauchisme, la censure de la pensée, la lutte des races et le rejet de la valeur travail : un bloc de 50 nuances de rouge », a prévenu, la mine grave, Jordan B. [et d’appeler] à un « front républicain » contre ce nouveau péril rouge.

    • Au boulot, quand j’ai annoncé que j’attendais la victoire de LFI pour mettre en place une rizière dans le jardin, rizière destinée à accueillir tous les dirigeants locaux de l’entreprise, une collègue m’a demandé ce que j’avais contre Mélenchon.

  • Sur la catastrophe en cours et comment en sortir - Serge Quadruppani & Jérôme Floch
    https://lundi.am/Sur-la-catastrophe-en-cours-et-comment-en-sortir

    Il y a tout de même pas mal de choses intéressantes dans cet article de Quadruppani (qu’on sait déjà mais dites au public antibiopolitique).

    On a pourtant aussi toutes les raisons d’écouter le cri de rage d’un ami infirmier, à qui j’ai fait lire l’interview de Lamarck : « Je voudrais surtout pas tomber dans le pathos, mais le subjectif est là, et je vais pas le refouler : quand tu as vu des personnes âgées qui ont un nom : Marthe, Francis, Suzanne, Mario, Huguette , Gilberte et tant d’autres, magnifiques, qui ne demandaient qu’à finir leurs vies tranquilles, sereines et entourées, partir en 24 heures, emballées dans des housses mortuaires, sans préparation, sans que leurs proches ne puissent les voir, ne serait-ce qu’une dernière fois, quand tu as vu tes collègues infirmières et aides-soignantes, pourtant pleines d’expérience, et qui savent tenir la « bonne distance » professionnelle avec la mort, te tomber dans les bras et pleurer de détresse, que tu as vu toute l’équipe soignante aller au tapis, frappée de plein fouet par le virus, et les rares soignantes encore valides rester à poste 18h sur 24, que tu as vu le quart des personnes prises en charge mourir en une semaine, les poumons bouffés par le virus, et qu’il s’en fallait à peine d’un mois pour que des vaccins soient disponibles... alors le gus qui te déclare, du haut de son Olympe conceptuel : « c’est la porte ouverte à la modification moléculaire de l’humain », tu as juste envie de lui hurler : « ta gueule, connard ! Tu n’as aucune idée de ce dont tu parles... ! » C’est con, hein ? »

    Non, c’est pas con, et d’autant moins que c’est assorti d’une critique des affirmations lamarckienne qui peut s’avérer fort utile pour dissiper les fantasmes attachés à ce vaccin à ARNm souvent au cœur des argumentaires antivax. « Bien, alors le truc affreux [d’après Lamarck] ce serait ces vaccins à ARN messager modifié « enrobés dans un vecteur complètement artificiel ». Le mot est lâché : « artificiel », sûrement opposé à « naturel ». Ne relevons même pas que bien des produits artificiels se sont révélés forts utiles, et que nombre de produits naturels peuvent être extrêmement nocifs. Le truc ici consiste à faire peur : c’est « artificiel » ! Pas bon ça ! Le vecteur en question est une microparticule avec 4 lipides (dont du cholestérol), 4 sels (chlorures de sodium, de potassium, dihydrogénophosphates de sodium, de potassium), du sucre (saccharose) et de l’eau... (c’est presque Bio !) Non, faut que ça fasse peur ! Car nous disent-ils tout ça « est injecté massivement depuis décembre 2020 sans tests cliniques suffisants tant sur l’innocuité que sur l’efficacité ». C’est évidement faux, les essais de phase I, II, et III ont bien eu lieu, et si la phase III se poursuit c’est pour étudier les effets secondaires inattendus, la durée de protection induite par la production d’anticorps et la mémoire immunitaire induite, et d’envisager le calendrier vaccinal de rappels le cas échéant … à ce jour près de 8 milliards de doses de vaccins contre la Covid ont été administrées, et près de 55% de la population mondiale a reçu au moins une dose (dont seulement 6% dans les pays pauvres). Jamais dans l’histoire des traitements et vaccins il n’y a eu une telle surveillance de pharmacovigilance. »

    Et jamais peut-être il n’a été aussi important d’éclaircir nos rapports avec la science en général, et avec la science médicale en particulier. L’humeur antivax est ancienne, en particulier dans des milieux où les ennemis du capitalisme se recrutent en grand nombre. Au risque de déplaire à bien des amis ou des alliés, disons-le sans détour : cette humeur repose pour l’essentiel sur des fantasmes sans fondement. Deux reproches principaux ont alimenté longtemps le refus de la vaccination, et, malgré tous les démentis, ont resurgi à la faveur de celle contre le Covid : son lien avec l’autisme et les accidents consécutifs à la présence d’aluminium. La première rumeur, qui eut d’abord les honneurs du Lancet, a ensuite été démentie et il s’est avéré que celui qui l’avait lancée était un escroc. Quant à la seconde, s’il est vrai que de l’aluminium a bien été ajouté à certains vaccins pour les booster, et que ce métal a, dans quelques cas, déclenché des réactions locales à l’endroit de l’injection, il n’a jamais entraîné d’accidents graves.

    […]

    On se gardera pourtant de reprendre à notre compte le vocable de « Big Pharma ». Pas seulement parce qu’on le retrouve systématiquement dans des bouches qui ont très mauvaise haleine, — est-ce un hasard ? — mais parce qu’il charrie une vision simpliste de ce à quoi nous faisons face et ne permet donc pas d’en saisir la complexité, les dynamiques et les rouages. « Big Pharma » est à l’ère des gouvernements biopolitiques revendiqués ce qu’était le mythe des deux cents familles au XIXe siècle. Il n’y a pas plus de gouvernement mondial secret que de Big Pharma, ce à quoi nous faisons face c’est à une coalition d’intérêts qui opèrent et prospèrent au sein d’un ordre du monde et d’une organisation sociale organisés par et pour eux. Il y a donc fort à parier que, à l’instar de toutes les structures étatiques, l’INSERM ne soit pas à l’abri de du lobbying général des grandes compagnies pharmaceutiques comme de l’influence de telle ou telle d’entre elles. Mais c’est justement parce qu’il s’agit d’une coalition d’intérêts particuliers et non pas d’une entité monolithique, qu’on peut compter sur l’existence de contradictions en son sein. Peut-on imaginer que s’il existait le moindre soupçon d’effets secondaires néfastes avec l’ARN, Johnson&Johnson et Astrazeneca, les concurrents sans ARN, épargneraient leurs rivaux d’une intense campagne de lobbying pour effrayer la population et récupérer tout le marché ? Et comment s’expliquer, sous le règne omnipotent de « Big Pharma » et du déjà un peu ancien « nouvel ordre mondial » que les stratégies sanitaires, idéologiques et politiques aient été aussi radicalement différentes des Etats-Unis à la France, d’Israël au Brésil, de la Suède à la Chine ?

    […]

    La vérité est à la fois beaucoup plus simple et complexe. Face à la pandémie, à la profondeur de ce qu’elle venait remettre en cause et au risque qu’elle faisait peser soudainement sur l’économie mondiale, les gouvernants ont paniqué. Et c’est cela que leurs litanies de mensonges devaient recouvrir, alors que tout leur pouvoir repose sur leur prétention à gérer et anticiper, ils ont dû bricoler, dans un premier temps du moins. Non pas pour sauver des vies mais pour préserver leur monde de l’économie. Au moment même où les appareils gouvernementaux de toutes les plus grandes puissances mondiales connaissaient leur plus grande crise de légitimité, certains ont voulu y voir le complot de leur toute puissance. Le complotiste aime les complots, il en a besoin, car sans cela il devrait prendre ses responsabilités, rompre avec l’impuissance, regarder le monde pour ce qu’il est et s’organiser.

    […]

    Dans la vidéo « La Résistance », dont le titre est illustré sans honte par des images de la seconde guerre mondiale, le Chant des Partisans en ouverture et Bella Ciao à la fin, on voit défiler les gourous anti-vax sus-cités. Renard Buté y nomme l’ennemi suivant le vocabulaire typique de QAnon : c’est l’ « Etat profond » et les « sociétés secrètes », il nous dit que le vaccin tue, que c’est un génocide qui est en cours, et qu’il faut s’y opposer par toutes sortes de moyens. La vidéo semble vouloir rallier les différentes chapelles antivax, de Réinfocovid au CNTf (organisation délirante, mêlant islamophobie, revendication du revenu garanti et permaculture, et partisane de rapatrier les troupes françaises pour… surveiller les frontières contre la « crise migratoire » et les banlieues), et après un appel à la fraternisation avec l’armée et la police (thème de prédilection du CNTf) débouche sur un autre appel… à la constitution d’une nouvelle banque qui serait entre les mains du peuple. Tout cela se mêle à des thèmes qui peuvent paraître pertinents aux yeux d’opposants radicaux au capitalisme : l’autonomie comme projet de vie, la manière de s’organiser et de faire des manifestations moins contrôlables, la démocratie directe… autant de thèmes et revendications qui pourraient sortir de bouches amies, voire des nôtres. Que ce genre de salmigondis touche pas mal de gens qui pourraient être des alliés, et que des amis proches puissent éventuellement avoir de l’indulgence pour ce genre de Renard fêlé, nous paraît un signe de l’ampleur de la secousse que la crise du Covid a provoquée dans les cerveaux.

    […]

    On a tendance, dans notre tradition très hégélienne de l’ultragauche à considérer que tout ce qui est négatif est intrinsèquement bon. Comme si par la magie de l’Histoire, la contestation de l’ordre des choses produisait automatiquement et mécaniquement la communauté humaine disposée à un régime de liberté supérieur. Pourtant, lorsque l’on se penche sur la nébuleuse anti-vaccin, c’est-à-dire sur les influenceurs et porte-paroles qui captent l’attention sur les réseaux sociaux, organisent et agrègent les énoncés et les rassemblements, on s’aperçoit qu’une écrasante majorité baigne depuis de longues années dans l’extrême droite la plus bête et la plus rance. Militaires à la retraite, invités hebdomadaires de radio courtoisie, lobbyistes contre les violences féminines (oui, oui...), il suffit de passer une heure à « googliser » ces porte-paroles autoproclamés pour avoir une idée assez précise des milieux dans lesquels ils grenouillent. Certes, on pourrait être magnanimes et essayer d’imaginer que l’épidémie de Covid ait pu transformer de telles raclures en généreux camarades révolutionnaires mais comment s’expliquer que les seules caisses de résonances que trouvent leurs théories alternatives sur le virus et l’épidémie soient Egalité et Réconciliation, Sud Radio, France Soir, Florian Phillipot, on en passe et des pires ? En fait, si on se peut se retrouver d’accord sur des énoncés formels, on bute bien vite sur un point fondamental, c’est-à-dire éthique : la manière dont on est affecté par une situation et à la façon que l’on a de se mouvoir en son sein. En l’occurrence, ce qui rend tous ces « rebelles » anti-macron aussi compatibles avec la fange fasciste c’est l’affect de peur paranoïaque qu’ils charrient et diffusent et qui sans surprise résonne absolument avec une longue tradition antisémite, xénophobe, etc. Et c’est là que l’on peut constater une différence qualitative énorme avec le mouvement gilets jaunes. Eux, partaient d’une vérité éprouvée et partagée : leur réalité matérielle vécue comme une humiliation. C’est en se retrouvant, sur les réseaux sociaux puis dans la rue, qu’ils ont pu retourner ce sentiment de honte en force et en courage. Au cœur du mouvement antivax se loge une toute autre origine affective, en l’occurrence la peur, celle qui s’est distillée des mois durant. La peur d’être contaminé, la peur d’être malade, la peur de ne plus rien comprendre à rien ; que cette peur du virus se transforme en peur du monde puis du vaccin, n’a finalement rien de surprenant. Mais il nous faut prendre au sérieux cette affect particulier et la manière dont il oriente les corps et les esprits. On ne s’oriente pas par la peur, on fuit un péril opposé et supposé, quitte à tomber dans les bras du premier charlatan ou sauveur auto-proclamé. Il n’y a qu’à voir les trois principales propositions alternatives qui agrègent la galaxie antivax : Didier Raoult et l’hydroxychloroquine, Louis Fouché et le renforcement du système immunitaires, l’Ivermectine et le présumé scandale de son efficacité préventive. Le point commun de ces trois variantes et qui explique l’engouement qu’elles suscitent, c’est qu’elles promettent d’échapper au virus ou d’en guérir. Toutes disent exactement la même chose : « Si vous croyez en moi, vous ne tomberez pas malade, je vous soignerai, vous survivrez. » Mot pour mot la parole biopolitique du gouvernement, dans sa mineure.

    […]
    Dans la soirée évoquée, ce n’est pas « quelqu’un du public » mais bien Matthieu Burnel lui-même qui avait ironisé sur les suceurs de cailloux !

    Parce que le pouvoir n’a jamais été aussi technocratique, livide et inhumain, certains tendent une oreille bienveillante aux premiers charlatans venus leur chanter « le vivant ». Mais l’engrenage est vicieux et une fois qu’on a adhéré à une supercherie du simple fait qu’elle prétende s’opposer au gouvernement, on a plus d’autre choix que de s’y enferrer et d’y croire. Lors d’une discussion un lundisoir, une personne du public avait commis quelques blagues peu finaudes à propos d’antivax qui lécheraient des pierres pour se soigner du cancer, et cela a apparemment provoqué quelques susceptibilités. Le problème en l’occurrence, c’est que cette plaisanterie n’était caricaturale que dans sa généralisation certainement abusive. Il n’en est pas moins vrai qu’Olivier Soulier, cofondateur de Réinfocovid assure soigner l’autisme et la sclérose en plaque par des stages de méditation et de l’homéopathie, que ce même réseau promulguait des remèdes à base de charbon aux malheureux vaccinés repentis pour se « dévacciner ». Autre nom, autre star, Jean-Dominique Michel, présenté comme l’un des plus grands experts mondiaux de la santé, il se propulse dès avril 2020 sur les devants de la scène grâce à deux vidéos sur youtube dans lesquelles il relativise l’importance et la gravité de l’épidémie, soutient Raoult et son élixir, et dénonce la dictature sanitaire à venir. Neurocoach vendant des séances de neurowisdom 101, il est membre d’honneur de la revue Inexploré qui assure soigner le cancer en buvant l’eau pure de l’une des 2000 sources miraculeuses où l’esprit des morts se pointe régulièrement pour repousser la maladie. Depuis, on a appris qu’il ne détenait aucun des diplômes allégués et qu’il s’était jusque-là fait remarquer à la télévision suisse pour son expertise en football et en cartes à collectionner Panini. Ses « expertises » ont été partagées par des millions de personnes, y compris des amis et il officie désormais dans le Conseil Scientifique Indépendant, épine dorsale de Réinfocovid, première source d’information du mouvement antivax. Ces exemples pourraient paraître amusants et kitchs s’ils étaient isolés mais ils ne le sont pas.

    […]

    Historiquement, ce qui a fait la rigueur, la justesse et la sincérité politique de notre parti, - et ce qui fait qu’il perdure-, c’est d’avoir toujours refusé de se compromettre avec les menteurs et les manipulateurs de quelque bord qu’ils soient, de s’être accrochés à une certaine idée de la vérité, envers et contre tous les mensonges déconcertants. Que le chaos de l’époque nous désoriente est une chose, que cela justifie que nous perdions tout repère et foncions tête baissée dans des alliances de circonstances en est une autre. Il n’y a aucune raison d’être plus intransigeant vis-à-vis du pouvoir que de ses fausses critiques.

    […]

    Au moment où l’idée même que l’on se faisait de la vie se trouvait acculée à être repensée et réinventé, on a critiqué les politiciens. Quand le gouvernement masquait si difficilement sa panique et son incapacité à exercer sa fonction fondamentale et spirituelle, prévoir, on a entendu certains gauchistes même anarchistes caqueter : si tout cela arrive, c’est qu’ils l’ont bien voulu ou décidé. Ironie cruelle, même lorsque l’État se retrouve dans les choux avec le plus grand mal à gouverner, il peut compter sur ses fidèles contempteurs pour y déceler sa toute puissance et s’en sentir finauds.

    Faire passer des coups de force, de l’opportunisme et du bricolage pour une planification méthodique, maîtrisée et rationnelle, voilà le premier objectif de tout gouvernement en temps de crise. En cela, il ne trouve pas meilleur allié que sa critique complotiste, toujours là pour deviner ses manœuvres omnipotentes et anticiper son plein pouvoir. C’est en cela que le gouvernant a besoin du complotiste, il le flatte.

    #Serge_Quadruppani #covid #antivax #gauche #émancipation #réflexion #science

  • @mona
    Mona Chollet : « Il faudrait que les hommes soient mis au pied du mur 15 septembre 2021 Par à l’air libre | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/150921/mona-chollet-il-faudrait-que-les-hommes-soient-mis-au-pied-du-mur?onglet=f
    https://www.youtube.com/watch?v=n4uQ8p4wGVo

    Dans « À l’air libre » ce soir : Mona Chollet est notre invitée, qui publie « Réinventer l’amour. Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles ». Et notre collègue Dan Israël décrypte les contre-vérités sur le chômage et les chômeurs.

  • Réponses de Jacques Philipponneau au questionnaire
    de La Décroissance envoyées le 12 février 2021
    et refusées par son comité de rédaction

    https://lavoiedujaguar.net/Reponses-de-Jacques-Philipponneau-au-questionnaire-de-La-Decroissanc

    (...) La domination est devenue ouvertement catastrophiste et, par la force des choses, elle doit intégrer le réformisme écologique dans cette sur-bureaucratisation du monde seule à même de gérer, dans cette société, les catastrophes qu’elle produit.

    Cet écologisme de caserne, normatif et culpabilisant, dernier avatar du péché chrétien (les indulgences pontificales du bilan carbone, le flygskam — la honte de prendre l’avion du luthérianisme nordique —, la niaiserie antispéciste anglo-saxonne) qui n’attaque jamais frontalement l’État ni le capitalisme, mais seulement leurs « dévoiements » ou leurs « excès », remplace la vieille social-démocratie morte à la tâche dans sa fonction intégrative à la société telle qu’elle est.

    La crise sanitaire actuelle (quelle que soit son origine et la gravité qu’on lui accorde) a contraint la domination à afficher son programme. Sa conception de la vie.

    Elle se résume à celle-ci : le mode de vie industriel n’est pas négociable et les représentations catastrophistes, si complaisamment diffusées depuis une dizaine d’années, ne sont pas conçues pour y faire renoncer mais pour faire accepter les restrictions et aménagements qui permettront de le perpétuer. En gros, faire régresser la liberté humaine à sa seule fonction animale de « conserver l’espèce », la « vie nue » réduite à sa seule réalité biologique : l’exemple le plus trivialement actuel en est le lâche soulagement devant une vaccination — de fait obligatoire — permettant de retrouver la vie « normale ». (...)

    #Philipponneau #fantasmes #domination #sujets_automates #États #capitalisme #techno-science #réformisme_écologique #résistance_active

  • Qui a peur de la langue française ? | AOC media - Analyse Opinion Critique
    https://aoc.media/opinion/2019/06/04/qui-a-peur-de-la-langue-francaise

    Si l’on peut comprendre les mécanismes affectifs des sujets parlants, le problème est différent lorsque certaines personnes entretiennent ou légitiment ces affects en se posant comme des experts ou des professionnels de la langue. C’est le cas de l’Académie française, dont les compétences en linguistique relèvent du mythe. Mais c’est aussi le problème des publications à succès qui déplorent la mort imminente de la langue, sans s’embarrasser de la moindre justification scientifique. Certaines stratégies éditoriales mettent systématiquement en avant ces contributions. Tout ouvrage démagogique sur le français, émaillé de métaphores dramatiques de la langue martyrisée, à la chair rongée, malmenée, violée (employées par exemple aussi bien par Michael Edwards, Jean-Michel Delacomptée, Alain Borer, etc) a de fortes chances de bénéficier d’un retour élogieux dans le Figaro.

    Pour Bernard Cerquiglini, excédé par la rengaine servie par Alain Finkielkraut sur la mort de la langue française, non seulement ce discours décliniste et réactionnaire n’est pas nouveau (il existe depuis au moins le XVIIIe siècle), mais il est devenu un véritable « fonds de commerce ». Personne ou presque ne relève les inepties des grands déplorateurs, même lorsqu’elles sont grossières. Ainsi Delacomptée (auteur de Notre langue française, Fayard, 2018) fantasme sur le fait que les jeunes de Sartrouville de son temps auraient « respecté » la langue française, sans inventer de nouveaux mots comme les « jeunes des cités » actuels, ce qui est bien entendu aberrant, les jeunes ayant toujours fait évoluer la langue. De même, Finkielkraut (académicien) a pu déclarer sérieusement, lors d’un petit déjeuner organisé par l’UMP, qu’on ne pouvait pas avoir d’accent autre que le sien lorsqu’on nait en France (bonjour, Marseille !), tout en mélangeant allègrement des notions aussi peu solides que « accent beur » et « vote musulman ».

    Ce discours décliniste repose souvent sur des idéologies politiques. Ceux-là même qui, la main sur le cœur, disent aimer et défendre la langue française se servent souvent de la langue française comme prétexte pour mieux taper sur des cibles, qui sont très souvent les jeunes et les étrangers, les deux catégories étant de nos jours réunies sous la dénomination bien floue de « jeunes-de-cité ». Ainsi, le linguiste Alain Bentolila diffuse régulièrement, depuis une dizaine d’années, ce qu’il sait être une intox : l’idée selon laquelle certains jeunes ne possèderaient que 300 à 400 mots de vocabulaire. Bentolila ne s’appuie sur aucune étude scientifique et pour cause : 300 à 400 mots, c’est le vocabulaire d’un·e enfant de deux ans ! Il est rigoureusement impossible de trouver un ou une adulte francophone (sauf cas de pathologie langagière lourde) ne possédant que 300 à 400 mots de vocabulaire, quel que soit son milieu, quelle que soit sa classe sociale. Pourquoi alors répandre une telle intox ?

    On peut reconstruire le faux lien logique de Bentolila : certains jeunes n’ont pas de vocabulaire, ils sont alors violents (le rapport entre capacité d’expression et violence est pourtant bien plus complexe qu’un décompte de mots…). Et qui seraient ces jeunes violents sans vocabulaire ? Les « jeunes-de-cité » bien sûr. De même, les discours de Finkielkraut rejoignent des fantasmes sur l’arabisation du français, un épouvantail idéologique plutôt qu’une constatation linguistique. En effet, les études sérieuses sur le sujet ne relèvent que des emprunts de vocabulaire à la langue arabe, ce qui n’a rien de spectaculaire : le français a toujours emprunté à de nombreuses langues, sans que cela représente un quelconque danger.

    Est-ce à dire que critiquer tel mot ou tel usage fait de vous un·e horrible réactionnaire ? Les choses ne sont pas aussi simples. Se saisir de la langue, cela ne veut pas dire tenir un discours béat qui considère que toute évolution est bonne à prendre.

    Prenons l’exemple de l’anglais et de la vague des mots en –ing mis à l’honneur dans les magazines féminins qui parlent de showering, de bronzing, de juicing, de bath cooking, etc. On rencontre également ces mots dans le vocabulaire du travail et de l’entreprise, où on peut parler de co–lunching plutôt que de déjeuner. Mais est-ce vraiment l’anglais qui nous agace avec ces mots, ou plutôt ce que cette utilisation de l’anglais représente : une façon de glamouriser ce qui est bien peu glamour ? Le bath cooking parait être ainsi une tentative de « rendre cool » le fait de devoir prévoir ses menus sur une semaine… De même, parler du fait de cumuler plusieurs emplois comme d’un slashing permet de masquer une réalité économique difficile derrière des mots qui dessinent l’image d’un start-upper plein de vigueur.

    #Langue #Linguistique #Français #Fantasmes

  • #Femmes lascives et muettes dans le regard des #orientalistes
    http://information.tv5monde.com/terriennes/femmes-lascives-et-muettes-dans-le-regard-des-orientalistes-16

    Offertes, patientes, immobiles, elles semblent attendre le claquement de doigt de l’#homme et #maître. Alors que les Européens, Français en tête, colonisaient le #Maghreb et le #Moyen_Orient, les terres ainsi conquises, #fantasmes et lumières méditerranéennes réunies, attiraient peintres et écrivains

    #Orientalisme #peintres #peinture #corps_des_femmes #colonisation

  • Cerné par ses fantasmes, Le Point règle leurs comptes aux fonctionnaires - Acrimed | Action Critique Médias
    http://www.acrimed.org/article4387.html

    En février 2014, Le Point publiait, sous le titre (légèrement) provocateur « Combien coûte vraiment un poste de fonctionnaire ? », un article accumulant amalgames, idées reçues, désinformation et conclusions erronées – comme nous l’avions souligné en nous demandant à notre tour : « Combien Le Point coûte-t-il à la nation française ? »…

    Apparemment satisfait de sa démonstration tordue, l’auteur, Jean Nouailhac, récidivait quelques semaines plus tard, cette fois à propos des fonctionnaires territoriaux, et avec toujours la même logique hémiplégique qui consiste à ignorer (sciemment… ou non) la valeur des services qu’un fonctionnaire rend par son travail, comme les cotisations qu’il paie, et à décréter que les salaires et pensions qui lui sont versés tout au long de sa carrière puis de sa retraite ne représentent qu’un « coût » pour la collectivité…

    Voilà ce que cela donne dans ce nouvel opus intitulé « Encore 31 000 fonctionnaires de plus dans la "territoriale". Accablant ! » :....

    #le_Point
    #fantasmes
    #amalgames
    #fonctionnaires

  • Immigré tu es, immigré tu resteras, et tes enfants avec toi

    Les #fantasmes occidentaux sur l’#invasion étrangère sont le retournement de l’#idéologie_coloniale : puisque l’#Occident n’est plus en mesure de peupler le monde, il sera peuplé par lui

    http://www.letemps.ch/Page/Uuid/b6dcdf56-bc21-11e3-992b-e6aa952f4c35

    #immigré #migration #colonisation #étranger #surpopulation_étrangère #immigration_de_masse #naturalisation

    • Exemple de nos chers représentants politiques « français issus de l’immigration »... même pour des personnes dont les parents sont arrivés, par exemple, du Sénégal en France dans les années 1920. Bientôt 1 siècle ! Idem pour les maghrébins d’après 2ème guerre mondiale...

  • "Les #discours politiques sur la #migration sont des #fantasmes pour mobiliser l’#électorat"

    Combien de Lampedusa ? Combien de drames de l’immigration seront-ils encore nécessaires pour que le regard porté sur cette question par nos sociétés change ? Le chemin sera long, répond #François_Crépeau, Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme des migrants. « Les #discours_politiques sur la #migration n’ont rien à voir avec la réalité. Ce sont des fantasmes qui sont développés de manière à mobiliser les électorats », soutient-il.

    http://www.lalibre.be/actu/international/les-discours-politiques-sur-la-migration-sont-des-fantasmes-pour-mobiliser-l

    #mythe #invasion

  • Laissez-passer | L’#invasion de l’Europe par #bateaux est un #fantasme_politique

    « Alors que la droite et l’extrême droite alimentent les #peurs d’un débarquement d’#immigrés sur les côtes européennes, Virginie Guiraudon, directrice de recherche au CNRS et au centre d’étude européen de Sciences-po Paris, réfute la possibilité d’un exode massif et analyse la crise de la #politique_migratoire traversée par l’Union européenne. »

    http://www.asile.ch/vivre-ensemble/2013/12/17/laissez-passer-linvasion-de-leurope-par-bateaux-est-un-fantasme-politique

    #migration #fantasmes #mensonges #Méditerranée

  • Mon humble avis sur l’article « Chine, merci et au revoir » : lettre d’un expat’ qui revient en France sur Rue89 le 12/11/13
    http://www.rue89.com/2013/11/12/chine-merci-revoir-lettre-dun-expat-revient-france-247351#comments-start

    En me levant ce matin du 13 novembre 2013, j’ai rapidement pris connaissances des nouvelles, tel un rituel quotidien immuable. La fin du 3e #Plenum où s’est décidé la plupart des réformes à venir durant le 1er mandat de 习近平 (XiJin Ping) augurait donc une déferlantes de dépêches et analyses en tout genre. Mais parmi ces articles, l’un a particulièrement attiré mon attention. Publié sur le "pur player" #Rue89 , son intitulé particulièrement sec m’a donné l’envi d’en savoir plus sur les raisons évoquées d’un tel départ fracassant ; ce genre d’articles étant souvent l’apanage des blogs anglo-saxons dont la lecture me rebute par leurs aspects biaisés du genre " J’ai vécu en Chine (traduction : à Shanghai ou Hong Kong) et je ne supporte pas la vie sur place après 3 semaines"....sans commentaire.

    Voici l’article en question dont la lecture me parait utile à tout point de vue. Je vais donc me permettre d’y apporter mes "humbles" commentaires et d’y préciser à mon tour mon point de vue en reprenant les intitulés principaux émaillant l’article. J’expliquerai quels sont les points sur lesquels je m’accorde (ils sont nombreux) et ceux sur lesquels je trouve que le rédacteur du dit article, manque cruellement d’analyse et de sens critiques (très nombreux sont ces points). Je vous conseille au passage de prendre connaissance de quelques commentaires (fort nombreux), histoire de vous forger votre propre opinion mais je ne pouvais pas laisser passer pareil billet dans donner mon point de vue (pas arrogant pour deux sous que je suis !)

    "Chine, merci et au revoir"

    Bien que le rédacteur ait le mérite de préciser que cette analyse ne saurait se généraliser, il rédige son billet comme si cela s’appliquait à n’importe quel Européen en quête "d’Eldorado" je cite "

    On s’imagine, malgré toute la culture que l’on peut posséder, que nous, étrangers du pays et de sa culture, pouvons arriver comme des colons, une pincée d’insolence, une de chance, une autre d’intelligence (peut-être) et y faire notre vie comme nous ne l’aurions pas pu en France ou ailleurs

    ".

    Un peu arrogant non ? Personnellement je ne suis absolument pas venu avec ces ambitions. Je suis d’abord venu en tant que visiteur, puis étudiant et découvreur du pays sous toutes ses facettes et non pas en tant que "colon". Insolent ? En toute honnêteté, je ne pense pas l’avoir été une seule fois et toute personne visitant ou prévoyant de s’établir dans n’importe quel pays étranger serait bien mal venu d’en posséder ne serait-ce qu’une "once", sous peine de rapidement chuter de son piédestal...et c’est effectivement ce qui est arrivé à cette personne. La chance ? C’est évident il en faut, comment partout mais certainement un peu plus dans le cas d’une expatriation, j’en suis convaincu.

    Pour sa prochaine expérience d’expatriation, je lui conseillerai donc (du haut de mes petits 14 mois d’expérience) une plus grande ouverture d’esprit en arrivant dans un pays, surtout un pays comme la Chine qui nourrit autant de #fantasmes.

    "La Chine choisit ses #immigrés"

    Et c’est heureux ! Mais à quoi s’attendait-il en arrivant ? Que la Chine allait lui ouvrir grand les bras et le féliciter de sa démarche d’abnégation en quittant sa terre natale, son 老乡(Lao Xiang) ? Bienvenu dans la réalité de tout pays dont la #culture et l’#histoire sont diamétralement opposés à la culture d’#immigration contrairement à la France, aux Etats-Unis ou encore le Royaume Uni ! Fort d’une population de plus 1,3 milliards d’individus, la Chine a déjà fort à faire avec ses propres ressortissants pour ne pas avoir à perdre de temps en "empathie" à l’égard de ceux qui viennent chercher l "Eldorado" (ce mot sera mon fil rouge, je le sens...). Quand on entend les analystes dirent que pour créer de l’emploi la Chine actuelle doit bénéficier d’un taux de croissance de 7% minimum et que le taux de cet année sera "à peine" de 7,5%, on peut comprendre que les politiques gouvernementales ne soient pas des plus accommodantes avec les immigrés.

    S’est il déjà demandé comment les immigrés faisaient en France dans leurs quêtes d’une simple carte d’un an "Vie privée & familiale" ? C’est pas tendre, je peux lui garantir, c’est même bien pire qu’en Chine alors que la France se veut être terre d’immigration. Ayant côtoyé ce genre de situation quand j’ai travaillé en cabinet d’avocats, je sais le chemin de croix que les nouveaux #migrants doivent suivre pour voir, ne serait-ce que leur dossier enregistré en Préfecture. Oui, j’ai du faire la queue des 6h du matin à la Préfecture de Bobigny en Seine Saint Denis, avec déjà 150 personnes devant moi, juste pour poser le dossier d’un client qui parlait à peine le français. Même en Chine ce n’est pas comme ça. C’est bordélique ? Eh ben oui ça l’est mais en mettant en perspective avec ce que vivent les immigrés en France, c’est rien !

    C’est du tracas que de procéder à l’établissement de ses papiers d’immigration en Chine ? Comme toute situation où l’on est confronté à une "Administration", c’est "papiers", "paperasses" et compagnies avec guichet 2 par là, guichet 35 par ici etc. Car oui, la France aussi souhaite une immigration "de qualité" (je déteste ce terme) en établissant des listes de métiers dits "en tensions" et parmi lesquels on retrouve les mêmes que ceux que recherche la Chine. Le "#Guanxi" (关系) ? Pareil en #France, même si c’est moins arbitraire et moins évident, d’expérience personnelle en France, parfois il en faut aussi pour activer un dossier et on ne se prive pas d’en user sans pour autant tomber dans la corruption. La chance, encore la chance... .

    "En Chine personne ne sait jamais"

    Effectivement, difficile d’avoir une information claire, précise et définitive. Je m’en rends aussi compte avec mon #administration scolaire. A croire que l’info doit être prémâché et transmise sous forme de "brouillon" avant de prendre un aspect définitif quelques jours, semaines ou mois après. De la à dire que c’est propre à la Chine, je pense qu’il ne faut pas généraliser et prendre son mal en patience, grande enseignement si l’on veut survivre en Chine.

    "3000 ans de culture administrative"

    Quand je pense que l’on peste sur l’administration française, je rejoins complètement l’auteur de l’article. Je serais presque tenté de dire que c’est la Chine qui a inventé l’Administration ^^. Rien n’est clair, il faut une myriade de papiers avec le bon tampon afin d’avoir le droit d’obtenir un visa ou certains papiers. Mais avec de la méthode, on s’en sort un peu, même si je reconnais que c’est particulièrement rageant. Pour une même procédure et avec les mêmes interlocuteurs "administratifs", on peut se retrouver avec une procédure différente de la fois précédente. Maintenant, on est en Chine et la solution s’appelle : la débrouille ! On n’a pas le choix, il faut se débrouiller, essayer de contourner, de s’arranger...parce que de toute façon les chinois font pareils ! Et j’en reviendrais donc à cette fameuse expression bien chinoise mais tellement universelle : 入乡随俗 (Ru Xiang Sui Su) => A Rome fait comme les Romains.

    Peut être a-t-il manqué de cette philosophie ? Certes, mais là aussi, cela s’apprend en côtoyant plus profondément les Chinois mais aussi en apprenant la langue, les aspects de la culture populaire et ses automatismes. Et c’est bien pour cela que je mets autant d’ardeur à apprendre quotidiennement cette langue car c’est la clé pour déverrouiller les milliers de cadenas qui barrent la route de la compréhension de ce pays de tous les superlatifs : il faut parler chinois. Le parlait-il ? A-t-il essayé de le parler, ne serait-ce que de l’apprendre ?

    "En Chine, on ne vous pardonne rien"

    La Chine nous prend comme nous sommes (ouep, comme Mc Donald, ils n’ont rien inventés^^), c’est à dire : des étrangers ! des immigrés ! NOUS NE SOMMES PAS CHEZ NOUS ! Et finalement, ce n’est même pas l’administration qui vous le fait plus comprendre, non. Ce sont bien les gens que vous côtoyez au quotidien. Parce qu’une fois l’effet de surprise sur les raisons de votre présence en Chine, votre aptitude à vous exprimer dans la langue de Confucius, et les premières questions de présentations ...eh bien, vous risquez de vous retrouver devant un "mur", symbolisant ce fameux fossé culturel. Ce fossé, je l’affronte tous les jours et tous les jours je m’écorche mains et genoux à remonter la pente si pentue car j’ai chuté d’avoir tenté de sauter ce fossé dans lequel je tombe inévitablement.

    Par contre, étudier la langue, comprendre (essayer dirons-nous) l’histoire et la culture chinoise (par delà la visite des sites touristiques), vous permets d’appréhender ce fausser, de dénicher les aspérités, les branches auxquelles vous pourrez vous raccrocher pour mieux surmonter les obstacles. C’est inévitable car sans ça, c’est un aller-retour avec escales de courte durée. Et c’est bien ce qui est arrivé au rédacteur de cet article.

    On aura bon parler un chinois dénué de toutes fautes, comprendre les rouages de la culture populaire, gloser sur l’histoire chinoise, les Chinois vous feront comprendre, à moment ou à un autre, que vous n’êtes pas des leurs, vous n’êtes et ne serez jamais chinois...et croyez moi, c’est mieux ainsi. L’ayant compris avant même d’arriver en Chine pour commencer à étudier, je pense que cela m’a sauvé de quelques désillusions. Mais je suppute l’existence d’autres "pièges" culturels dans les coins sombres ^^.

    Et je le dis également souvent, tout comme les Chinois "That’s China" que je traduis particulièrement mal en "中国特色" (Zhong Guo Te Se) ou "particularité chinoise".

    "Les #Chinois nous voient de passage"

    Là aussi, l’effet "population de 1,3 milliards individus" ne joue pas en notre faveur. Les chinois sont actuellement confrontés à des changements majeurs de Société et à une rapidité telle qu’ils ont eux-même du mal à prendre le chemin en route. Beaucoup sont issus de la campagne, des 农村 (Nong Cun), ou on subi de plein fouet (par le biais de leurs grands parents ou parents) les affres des différentes réformes économiques (Le Grand Bon en Avant) , culturelles (La Révolution Culturelle) ou encore sociétales (politique de Deng Xiao Ping). Difficile de s’attarder sur les atermoiements d’une poignée d’expatriés dont l’image de "portefeuille à pattes" colle encore aux baskets et qui en plus seraient susceptibles de prendre leurs places dans les postes convoités. Ils se foutent complètement que vous ne compreniez pas pourquoi c’est pas comme dans "Tigre & Dragon", qui pour eux appartient à un imaginaire lointain ; inconcevable pour eux de venir en Chine avec cette idée en tête...et pourtant.

    Les Chinois sont culturellement très "famille" : la famille d’abord donc. "Nous" ? On est du "divertissement" au pire des "Monkey Business" : on est traqué par les entreprises qui viennent d’ouvrir leurs portes et qui souhaitent s’afficher avec un "étranger", un 老外 (Lao Wai) gage de réussite et de prospérité. Pour ce qui est du suivi, repassez une autre fois, il n’y a rien à voir ! Nous sommes indubitablement une population de passage et personnellement, même si je souhaite rester le plus longtemps possible en Chine, je sais que je n’y resterais pas toute ma vie tant le choc culturel est éprouvant au quotidien ; passionnant mais éprouvant voire blasant.

    Par contre pour ce qui est de l’assertion suivante : "

    En tout cas, c’est l’image que l’on finit par se renvoyer tant, finalement, le pays n’a rien d’autre à vous vendre et que vous aurez du mal à justifier votre présence par « l’amour de la culture chinoise ». Car oui, si vous y allez pour la culture, vous tomberez de haut et finirez par avoir le complexe de supériorité imprimé sur le crâne comme les trois quarts des étrangers vivant ici

    ",
    je me félicite de ne pas avoir cette personne en face à face, je risquerais de m’énerver.

    Moi cet amour, je le revendique chaque jour et étrangement, cet amour grandit de jour en jour car je ne résume certainement pas la culture à ce tombereau d’horreur qu’il se permet d’écrire par la suite, à savoir : "Les Chinois sont idiots, les Chinois ne savent pas marcher, ne savent pas conduire, ne savent pas manger, ne savent pas se tenir, ne savent pas être courtois… ". A sa décharge, il n’exprime son idée de la sorte mais caricature à dessein son propos. Toutefois, cela est significatif d’un certain manque d’ouverture d’esprit. Qu’a-t-il appris de la culture chinoise ?

    D’une part, vivre à Canton, ce n’est déjà pas faire le choix de la culture mais plutôt un choix très business, loin donc des élucubrations culturelles qui semblent pourtant faire défaut à notre cher rédacteur. D’autre part, la culture c’est le quotidien, certes, mais encore une fois c’est aussi la langue qui permet de comprendre la conception, la culture, l’histoire de la Chine et la construction "mentale" des chinois. C’est visiter des sites qui ne sont pas forcément indiqués dans le Guide du Routard, c’est parler avec les gens, questionner, s’intéresser aux questions d’actualités à mettre en perspective avec l’histoire ancienne chinoise, essayer de comprendre les évolutions de la société (et pas seulement au 20e siècle !). Mais surtout, surtout, ARRÊTEZ DE RÉSUMER L’HISTOIRE ET LA CULTURE CHINOISES A 50 ANS DE COMMUNISME...car ça fait cher payer pour une histoire vieille de plusieurs millénaire. Une fois encore, tout cela manque de recul et d’esprit "vraiment" critique. Que résumer de la Chine après seulement 12 mois ? Voyons, ce n’est pas sérieux.

    "Oh ! Mais j’ai de très bons amis chinois"

    Le rédacteur de ce billet a une faculté particulièrement développée à tenter de vouloir gommer les différences culturelles. A ce titre, je lui enverrai bien un billet que j’avais justement rédigé sur cette problématique. Je ne m’en vente pas plus que ça, mais il me semble important de remettre les choses dans leur contexte.

    Encore une fois , la barrière de la langue est particulièrement haute pour toute personne qui ne fait pas l’effort de l’apprendre, particulièrement en Chine (ou encore au Japon) où la langue de Shakespeare ne sert quasiment à rien au quotidien. Le développement est trop rapide pour les chinois ? Oui, c’est certain et les laissés pour compte son légions dans un pays que l’on dit le plus inégalitaire au monde. De là à se contenter d’un cliché dans l’instantané et dans la précipitation, il ne fait honneur ni à lui même ni à la Chine. La Chine a le défaut de ses qualités et il me paraît pertinent d’attendre avant de tirer des conclusions trop hâtives. Peut être ne serons nous pas là pour faire ce constat, mais qu’importe.

    Une fois encore, 入乡随俗 : combien de fois j’ai du jouer des coudes, et sans vergognes, pour entrer dans un bus ou dans le métro de Xi’an ? C’est tous les jours comme ça. Et si l’on refuse de jouer avec les mêmes armes que les chinois sous pretexte de commisération arrogantes à leurs égards, alors c’est vous que vous discrédités en vous rendant plus hautain que vous ne l’êtes. Et je me permets de dire aussi que c’est strictement la même chose à Paris aux heures de pointes, alors mettre ça sur le dos des chinois en manque e repères sociaux, c’est un peu gros à mon sens.

    "Vous ne voulez pas devenir un expat’ raciste"

    Dans ce paragraphe, l’auteur de l’article dresse parfaitement les lignes qui expliquent sont échec cuisant : vivre dans une ville sans pour autant avoir la curiosité d’en sortir, vivre dans un quartier résidentiel d’expatriés sans volonté de s’en extirper etc... J’ai surtout l’impression qu’il souffre de la désillusion de ne pas vivre comme les expats vieilles écoles, les "vrais" expatriés au sens juridique du terme : contrat français avec détachement à l’étranger tout en conservant tous les avantages sociaux français, couplés à un package de rémunération plus que substantiel (appart et femme de ménage gratos, congés payés comme en France, super mutuelle, école privée pour les gosses etc...). Mais ça c’est fini ou quasiment ! Venir en Chine avec un contrat "local", c’est accepter de bosser et de vivre comme les chinois et en connaissance de cause. Vous croyez tout de même pas que votre patron va vous surcoter outrageusement pour le simple fait que vous êtes étranger ; là encore, ça serait bien mal connaitre les chinois.

    Cet article suinte de ce que je reproche le plus à ceux qui se croient légitimes à dresser un portait de la Chine : "

    quand il lui prend l’audace de manger un repas chinois sur une étale de rue, il a au mieux une diarrhée, au pire une indigestion (mais vous contera l’histoire de son aventure avec un œil brillant et une admiration pour l’art culinaire local).

    " Le fameux "j’ai mangé dans un bui-bui et j’ai frollé la mort" ! Mais merde, j’ai bouffé dans des gargotes où même mes professeurs de chinois refusent de foutre les pieds, et il ne m’est jamais strictement rien arrivé ! Il faut arrêter le fantasme là aussi ! Que vous ayez l’estomac fragile ou peu habitué, c’est compréhensible et normal, mais il faut arrêter cet amalgame de cuisine de rue = mort au coins de la rue ! Mais bon, il pourra dire qu’il est indestructibles maintenant, si c’est bien cela dont il veut se souvenir.

    Donc oui, il a bien fait de partir, pour éviter de devenir un "expat’ raciste" mais avant tout pour éviter de continuer à baigner dans un état d’esprit qui ne lui fait pas honneur, loin de la.

    "La Chine vous apprend le calme"

    C’est incontestable et c’est une vertu cardinale pour survivre...mais il semble là aussi en avoir cruellement manqué, dommage ! S’énerver, c’est "perdre la face" mais aussi faire perdre la face à son interlocuteur, véritable infamie en Chine (bon, j’exagère un brin, mes racines méditerranéennes surement, huhu). Plus vous vous énerverez, moins vous obtiendrez ce que vous désirez. Il faut apprendre rapidement à jouer la carte de la diplomatie, à faire bonne figure même dans la tourmente. N’oubliez pas que vous n’êtes pas chez vous, et que toute forme de passe droit est exclu (c’est le cas de la majorité des chinois d’ailleurs).

    Enfin, je retiendrais le passage le plus "idiot" (d’autres mots me viennent à l’esprit mais je vais rester poli) : "

    J’aurais eu la chance d’apprendre ce que sont le racisme et la discrimination (positive ou non) quand on en est la victime : en tant que caucasien, blond, francophone et de province, je n’aurais pas pu l’expérimenter à ce point dans un autre pays et, il faut l’avouer, cela me rend reconnaissant de maintenant comprendre comment un simple regard peut être une insulte, comment une bête question peut être une attaque et vous donner l’envie d’exploser de colère.

    "

    Je crois que ce monsieur ne comprend pas bien la notion de "racisme" et le renvoie au plus vite à la nouvelle édition Larousse ou Robert (selon les affinités). Que les regards des chinois, particulièrement curieux, soient très pesants, il prêche un converti. Dans ce cas, je fuis vers Shanghai où ce phénomène est nettement moins rependu, le temps de recharger mes batteries 3-4 jours et je reviens d’aplomb sur Xi’an. Parce que s’il se plein de ça à Canton, qu’est ce que cela doit être à X’ian, là où je vis ? Manque de résistance donc au regard d’autrui, à ce qui est différent. Manque aussi de capacité ou de volonté de comprendre l’autre, je me demanderais presque qui est le plus ’raciste" dans cette situation : lui où les chinois ?

    Je ne répèterais jamais assez : nous ne sommes pas chez nous, nous sommes chez eux. Ce n’est pas à eux à changer à notre égard, ils ont déjà fort à faire avec leur quotidien. Nous devons nous adapter, accepter à tout le moins comprendre et le cas échéant, quitter le pays. Car pour paraphraser et modifier une phrase de notre précédent Président de la République

    "La #Chine, tu l’aimes ou tu la quittes"

    A bon entendeur

    • Bien d’accord avec vous même si je ne serais pas aussi sévère, voyant en cette expérience une belle leçon de vie dont j’espère qu’il en tirera tous les enseignements (mais ça ne semble pas gagné...) ! Mais cette idée de « domination » semble bien présente, même inconsciemment, et ça, ça fait peur

  • “Beaucoup d’arguments du FN sur l’immigration reposent sur des #mensonges et des #fantasmes

    Lors de votre passage dans Salut les terriens ! le 26 octobre dernier, #Florian_Philippot, a semblé perdre pied face à vos arguments concernant l’#immigration. Considérez-vous que le programme du #FN sur ce sujet ne soit pas assez analysé dans les #médias ?

    http://www.lesinrocks.com/2013/11/08/actualite/gemenne-11442808

    #Front_national #racisme #xénophobie #extrême-droite #migration