• Ô mon #français !

    J’ai passé ma jeunesse à suer sur des dictées à quatre points la faute, j’ai même fini par aimer ça. Suffisamment pour m’en infliger en dehors de l’école. J’ai le souvenir d’une dictée de Pivot, retransmise en direct à la télé, que j’avais tenu mordicus à faire. Télé vieillotte, en noir et blanc avec un écran qui crépitait et un son qui grésillait, dont il fallait ajuster la fréquence de la chaine à la main à l’aide d’un bouton-potentiomètre. Évidemment, je n’étais pas très fort, et j’enfilais les fautes comme les perles. Mais j’étais fier de faire mon maximum pour faire honneur à ma langue maternelle. Paternelle aussi, d’ailleurs. Et puis j’ai appris l’anglais, avec difficulté, tant bien que mal. Ça me paraissait au moins autant abscons et complexe que le français, mais c’était ainsi. Plus tard, j’étais en Italie, alors j’ai appris l’#italien. Également avec des efforts (je ne suis pas particulièrement doué pour les langues étrangères), mais le quotidien aidant, au bout de quelques mois (enfin, environ douze !) je fus capable de tenir une conversation. J’ai compris que l’italien était bien plus simple (et cela n’empêche pas les Italiens d’avoir une culture très riche !) que le français, ne serait-ce que parce qu’il se prononce quasiment comme il s’écrit (et inversement). Contrairement au français (et à l’anglais). De quoi avoir 20/20 à une dictée d’italien. Mais pour la peine, ça ne serait pas drôle. Donc il n’y a pas de dictée en italien.

    Plus tard je suis tombé sur la vidéo d’une courte conférence intitulée « la faute de l’orthographe » par deux profs belges (inventez un mot, puis calculez combien il y aurait – théoriquement – de manières de l’écrire en français). Cette vidéo m’a ouvert l’esprit. J’ai compris que l’orthographe n’était qu’un #outil. Que la langue n’était qu’un outil ; pour communiquer, transmettre des idées, en l’occurrence. Et que si l’outil était moins complexe à utiliser qu’il ne l’est, le temps incommensurable que l’on passe à l’étudier, à tenter d’essayer de l’apprivoiser, à éventuellement vouloir le maitriser, pourrait être dédié à faire des choses plus constructives. Des maths, de la physique, écrire, lire, réfléchir, jouer de la musique, ou avec son chat, faire du ski de rando ou grimper, bref, d’autres trucs. L’orthographe devait redescendre du piédestal sur lequel mes études l’avaient placé.

    Dans le même temps (ou avant, même, plutôt), cette histoire d’#écriture_inclusive commençait à infuser. Franchement, ajouter des points au milieu des mots dans une langue aussi complexe, ça n’allait pas aider. N’était-ce pas barbare ? En plus l’#Académie_française avait pris position contre cette incongruité. Alors…

    Et puis j’ai commencé à faire pas mal de vélo, je me suis acheté un casque à conduction osseuse pour pouvoir écouter des podcasts assis sur ma selle. J’en écoute à la pelle. Je suis tombé sur les émissions de Binge Audio, je ne sais plus trop comment, et surtout sur le podcast de #Laélia_Véron, « Parler comme jamais » (https://www.binge.audio/podcast/parler-comme-jamais). Notamment un épisode intitulé « Écriture inclusive : pourquoi tant de haine ? » que j’ai écouté par curiosité (https://www.binge.audio/podcast/parler-comme-jamais/ecriture-inclusive-pourquoi-tant-de-haine). J’ai compris alors que l’écriture inclusive ne se limitait pas au point médian, loin s’en faut. Il y a beaucoup d’autres choses à côté. Mais alors pourquoi autant d’efforts à vouloir peser sur l’usage ? Simplement parce que les linguistes ont montré qu’une #langue_genrée avait un effet pas du tout négligeable sur les #inégalités_de_genre dans la société. Le linguiste #Pascal_Gygax, auteur de telles études, conclut un article de vulgarisation ainsi : « L’histoire nous enseigne que la société patriarcale a eu un effet sur la #masculinisation de la langue et les données disent que la #masculinisation_de_la_langue a une influence sur notre manière de percevoir le monde. À partir de là, ce qu’il faut se demander, c’est : veut-on changer cela ? Si oui, alors le langage inclusif est un outil pour y parvenir » (https://www.revue-horizons.ch/2021/09/02/comment-le-masculin-forge-la-pensee-de-lenfant). Quand il a commencé à vulgariser son travail, il a reçu une flopée d’insultes. Décidément, touchez pas au français… Et pourtant, y toucher, volontairement, c’est changer potentiellement les rapports au monde de la moitié de l’humanité (tout au moins des francophones).

    L’oppression de la femme par l’homme ne date pas d’hier, et le langage a été modelé par l’homme en ce sens au cours de l’histoire (comme pour leur interdire l’accès à certaines professions, par exemple). Le #patriarcat a ainsi fait son œuvre notamment via ce moyen de communication entre les humains et les humaines. Il semble n’y avoir que peu de langues, dans le monde, tout au moins celui qui vit dans les sociétés dites occidentales (même si elles sont aussi à l’orient suite aux colonisations), qui ne sont pas genrées, et ainsi, masculinisées.

    Le patriarcat est une forme de #capitalisme. Ce dernier est l’#exploitation des ressources naturelles (ce que l’on nomme pudiquement externalités !) ad nauseam, qui génère des pollutions (autres externalités) ad nauseam, mais c’est aussi l’exploitation des humains (ressources « humaines »). Dans ce cadre, le patriarcat se fait un malin plaisir à exploiter un peu plus les femmes. Dès qu’il s’agit d’augmenter les profits et de trouver des marchés, le capitalisme n’a aucune limite, même si l’Histoire a tout de même réussi à mettre fin au marché de l’esclavagisme. Enfin, pas partout ; et les femmes y sont probablement les plus mal loties.

    Pour mettre fin à ce capitalisme destructeur (de la planète, des sociétés humaines, de l’humanité), et à ses avatars que sont les nombreuses inégalités, dont les inégalités de #genre sous la forme du patriarcat qui perdurent y compris en France, il n’y a pas qu’une façon de faire, une méthode idéale, tracée, parfaite, avec un protocole qui resterait à appliquer. Ce qui est sûr, c’est que sans aplanir ces inégalités, c’est voué à l’échec, comme en témoigne le mouvement des Gilets Jaunes. La « solution » est nébulaire et diffuse, c’est pourquoi il faut faire feu de tout bois et utiliser tous les leviers disponibles. La langue, qui est l’outil avec lequel nous communiquons, est dans cette lutte d’une capitale importance : elle fabrique et façonne notre société ainsi que les rapports que nous avons entre nous.

    La langue française actuelle (re)construite historiquement petit à petit par la classe bourgeoise masculine dominante comme un outil d’accès réservé à l’#élite (masculine) n’est pas immuable : l’outil peut très bien être retourné pour servir la cause. Et donc évoluer dans une direction souhaitable. Inclusive. En somme, un effort minuscule (changer à la marge notre façon d’écrire et de parler) pour un résultat immense : une diminution des inégalités de genre ! Le jeu en vaut certainement la chandelle d’autant qu’il est appuyé par les résultats de la #linguistique. Les enjeux écologiques de frontières planétaires que nous sommes en train de dépasser sont très liés à la question des #inégalités : toute l’humanité n’est pas responsable des pollutions diverses et variées, seulement une minorité, la plus riche. Inégalités de richesse donc, mais aussi, et c’est lié, de genre, de race, de handicap, de classe, de religion, nord-sud, et j’en passe. Dans le jeu de celui qui est le plus fort, ce dernier trouve toujours un moyen d’enfoncer les plus faibles ; et tous les coups sont permis.

    Quand on identifie un nouvel outil dont il est démontré [1] qu’il pourrait permettre de diminuer une partie de ces inégalités pourquoi s’enfoncer dans un #conservatisme mortifère ? Allons-y ! Qu’avons-nous à perdre ? Le #français_inclusif, même si les études scientifiques se trompaient sur sa propension à diminuer les inégalités de genre, n’en serait pas moins toujours le moyen de communication au sein des sociétés francophones. Quant au #point_médian, ce n’est jamais qu’un raccourci à l’écrit, il n’est pas obligatoire [2], alors pourquoi tant de haine ? Je vous conseille la lecture de « Eutopia » de Camille Leboulanger, un roman qui raconte une société où la notion de propriété privée est abolie (non seulement des habitations, mais aussi de la nature, et même la notion de famille est revisitée !), seule perdure la propriété d’usage. Le roman est écrit au féminin générique. Vous verrez, ça rafraichit !

    Mais la langue française n’attise pas les passions que sur les questions de genre. Je vous invite à lire le tract Gallimard « Le français va très bien, merci » par le collectif des Linguistes atterrés (https://tracts.gallimard.fr/fr/products/le-francais-va-tres-bien-merci). Quelques citations glanées çà et là pour un panorama de ce que j’en retiens : « Le français n’a jamais été homogène. Le #standard unique est un mythe. » 300 millions de personnes parlent français dans le monde, il fait partie des cinq langues les plus parlées sur la planète. « Le français n’est pas envahi par l’anglais. […] Le contact entre les langues ressemble davantage à un jeu à somme positive qu’à une guerre : ce que « gagne » l’une, l’autre ne le perd pas. […] Le #mélange, l’impur sont signe de vitalité pour une langue. Le séparé, le pur, une vue de l’esprit, un idéal, une langue statufiée. La langue se renouvèle d’abord parce que le monde change et qu’il faut le nommer, pour le meilleur et pour le pire (« covid » est-il un mot anglais ou français ?), mais aussi par besoin expressif, par jeu, pour faire place aux jeunes, aux autres, à l’altérité. » Autre idée reçue : « le français n’est pas règlementé par l’Académie française. » Elle n’a aucun pouvoir sur la langue, et ne renferme aucun (ni aucune d’ailleurs) spécialiste de la langue puisqu’aucun (ni aucune) linguiste n’y siège. Son dictionnaire est obsolète et sa grammaire encore plus. Dans leur ouvrage « Le français est à nous ! », les linguistes Laélia Véron et Maria Candea posent la question « Au XXIe siècle, à quoi sert l’Académie française ? » Elles répondent : « À rien. Rigoureusement à rien. C’est une institution d’opérette. […] qui sert encore à recycler confortablement des personnalités, grâce à un patrimoine exorbitant et à des finances opaques. » L’orthographe est compliquée : « Il est devenu pratiquement impossible d’écrire sans faire aucune faute. » Cela parce que l’orthographe n’a pas été réformée depuis quasiment deux siècles : la dernière réforme en date, celle de 1990 « peine à s’imposer dans les pratiques. […] Et si notre orthographe ne parvient pas à faire peau neuve, c’est parce qu’elle est devenue un #marqueur_social extrêmement puissant qui donne l’illusion de pouvoir juger des facultés linguistiques de quelqu’un sans entrer dans la complexité de la syntaxe, du vocabulaire ou de tout ce qui constitue la véritable qualité d’un texte écrit. » Bref. Convaincu que réformer l’orthographe est un nivèlement par le haut, j’ai décidé, depuis la lecture de cet opus, d’appliquer la réforme de 1990 au mieux. Pour cela, je m’aide du logiciel Antidote (https://www.antidote.info/fr/blogue/enquetes/redaction-inclusive), qui est également utilisé par les étudiantes et les étudiants à l’université au Québec, tout comme elles (et les nôtres aussi) utilisent la calculatrice. Il y a beaucoup d’autres choses dans ce petit livre, que je vous laisse découvrir. Car vous allez le lire, maintenant, n’est-ce pas ?

    [1] « Le langage inclusif […] a bien l’effet pour lequel il est préconisé : réduire les stéréotypes de genre et augmenter la visibilité des femmes. »

    [2] Même si : « L’usage du point médian permet de supprimer le biais de représentation vers le masculin. » selon le psycholinguiste Léo Varnet.

    http://gblanc.fr/spip.php?article780
    #langue #langue_française #orthographe 

    • La faute de l’orthographe | #Arnaud_Hoedt et #Jérôme_Piron

      Nous avons été profs de français. Sommés de nous offusquer des #fautes_d'orthographe, nous avons été pris pour les curés de la langue. Nous avons écrit pour dédramatiser, pour réfléchir ensemble et puis aussi parce que nous avons toujours pensé que l’#Académie_Française avait un vrai potentiel comique. « Les deux belges qui veulent simplifier la langue française » : tout est faux dans cette phrase. Pas « simplifier » mais bien faire preuve d’esprit critique, se demander si tout se vaut dans notre orthographe. Pas deux Belges, mais bien deux curieux qui veulent transmettre le travail des linguistes de toute la francophonie, pas même la « langue française », seulement son orthographe. Car l’orthographe, c’est pas la langue, c’est juste le code graphique qui permet de la retranscrire. Passion pour les uns, chemin de croix pour les autres, elle est sacrée pour tous. Et pourtant, il ne s’agit peut-être que d’un énorme #malentendu. Arnaud Hoedt et Jérôme Piron sont linguistes de formation. Ils ont vécu 25 ans sans se connaître, mais c’était moins bien. Ils ont ensuite enseigné pendant 15 ans dans la même école. Quand Arnaud participe à la rédaction des programmes de français en Belgique, Jérôme se spécialise en médiation culturelle. En 2016, ils écrivent et mettent en scène le spectacle « La Convivialité », au Théâtre National de Bruxelles. Ce spectacle conférence qui traite de la question du rapport dogmatique à l’orthographe tourne depuis 3 ans dans toute la francophonie. Dans la foulée, ils publient l’ouvrage « La faute de l’orthographe », aux éditions Textuel. Ils se définissent comme suit : « Linguistes dilet(t)antes. Pédagogues en (robe de) chambre. Tentent de corriger le participe passé. Écrivent des trucs. Vrais-Faux Comédiens. Bouffeurs d’Académicien ». A la question « est-ce que ça se dit ? » , Arnaud et Jérôme répondent invariablement « oui, tu viens de le faire ».

      https://www.ted.com/talks/arnaud_hoedt_jerome_piron_la_faute_de_l_orthographe
      #tedx

    • Comment le masculin forge la pensée de l’#enfant

      Les données disent que la langue masculinisée influence nos pensées. C’est du moins la conclusion du nouveau livre du psycholinguiste fribourgeois Pascal Gygax.

      Le cerveau pense-t-il au masculin ? C’est la question que pose Pascal Gygax, psycholinguiste à l’Université de Fribourg, en titre d’un livre* publié récemment avec la linguiste Sandrine Zufferey et la psychologue sociale Ute Gabriel. Pas de suspense inutile : la réponse est oui. L’ouvrage le montre à travers une multitude d’études suisses et internationales qui ont analysé l’influence du langage genré sur les représentations sexistes. « Sur ce sujet, il y a cinquante ans de recherches et quelque 200 études, explique Pascal Gygax, premier auteur. Il était temps d’écrire un livre grand public pour recadrer le débat, qui est devenu très passionnel. » Les réactions à l’ouvrage en attestent. « Depuis dix-sept ans que je travaille sur cette thématique, je n’ai jamais reçu autant d’insultes, confie le Biennois. Il s’agit surtout d’hommes blancs quinquagénaires ou sexagénaires dans des positions dominantes qui m’écrivent pour m’expliquer leur point de vue, souvent très peu documenté. C’est dommage, car le but était justement de prendre de la hauteur de manière scientifique. »

      Le livre se penche en particulier sur l’interprétation de la forme grammaticale dite « générique ». En français, en allemand, en anglais et dans d’autres langues, le genre masculin est également utilisé pour le genre « neutre », au singulier ou au pluriel (en plus de son sens « spécifique »). Exemple tiré du livre : « When a kid goes to school, he often feels excited on the first day » (« Quand un enfant va à l’école, il se sent souvent excité le premier jour »). Le « he » a ici fonction de générique. En français, on peut l’expliquer de la manière suivante : dans « Il y a beaucoup d’excellents chercheurs en Suisse », le mot « chercheur » devrait également inclure tous les genres. Problème : ce sens générique n’est pas perçu comme tel.
      Le générique n’est pas neutre

      En 1984, Janet Hyde, une chercheuse étatsunienne, a demandé à des personnes en formation d’âges différents d’écrire une histoire commençant par la phrase avec l’enfant citée au paragraphe précédent. Chez les universitaires, 21% des récits portaient sur un personnage féminin contre 7% chez les 5-12 ans. Pour l’immense majorité, le masculin a donc induit une représentation masculine.

      En 2008, une étude de Pascal Gygax et de ses collègues a montré qu’en français et en allemand, il était difficile d’appréhender des suites de phrases présentant des femmes après des amorces avec un métier ou une activité au masculin pluriel (« les musiciens », par exemple), donc pouvant agir comme générique. En clair : il est naïf de penser que le générique puisse être complètement détaché du masculin.

      L’ouvrage regorge aussi d’exemples qui témoignent à quel point la langue a été construite autour du masculin. Il n’est pas innocent que l’on dise « Adam et Eve » et « mari et femme ». Selon une méta-analyse réalisée en 2016 par Peter Hegarty et ses collègues, l’ordre de mention est souvent lié à l’importance perçue des entités mentionnées. Et cette masculinisation est au moins en partie intentionnelle, expose le livre. On apprend par exemple qu’aux Etats-Unis et en Angleterre, le pronom pluriel neutre « they » était utilisé jusqu’au XIXe siècle comme singulier lorsque l’on ne connaissait pas le genre d’une personne. Mais que des grammairiens ont imposé le pronom « he » (« il ») comme générique, le jugeant plus « digne ». Le « they » revient en force aujourd’hui.

      Ce langage activement androcentré « nous force à voir le monde au travers d’un prisme masculin », participant aux inégalités entre les genres, soutient l’ouvrage. C’est là qu’intervient le langage inclusif, boîte à outils permettant de « démasculiniser » l’expression orale et écrite. En français ou en allemand, les doublets (« écrivaines et écrivains ») ou les formes contractées des doublets (« écrivain·es ») peuvent par exemple être utiles pour réduire les stéréotypes associés aux métiers. Sabine Sczesny le confirme. Professeure de psychologie sociale à l’Université de Berne, elle a notamment réalisé des travaux mettant au jour un lien entre attitude sexiste et opposition au langage inclusif : « Les filles sont plus intéressées par les professions typiquement masculines lorsqu’elles leur sont présentées sous forme de conomination par rapport à la forme masculine. »
      Le chat des voisins

      Anne Dister, professeure de linguistique à l’Université Saint-Louis de Bruxelles, pense également qu’il est judicieux de mentionner les professions avec un double nom si elles sont stéréotypées masculines, et de mentionner les titres de postes masculins et féminins dans les offres d’emploi. Toutefois, elle juge inutile de vouloir systématiquement tout féminiser et plaide pour « l’économie du langage ». « Dans certains contextes, ce n’est simplement pas pertinent. Si je raconte que mes voisins ont adopté un chat, quel est l’intérêt de préciser leur genre ? »

      Anne Dister juge par ailleurs que le générique, dans les interactions langagières au quotidien, est très bien compris comme tel : « Qui pense sérieusement que les femmes ne peuvent pas traverser sur un passage pour piétons ? » Elle conteste aussi les affirmations selon lesquelles la langue aurait été entièrement masculinisée par les grammairiens : « Le lexique pour certains noms, assurément. Mais pas la grammaire. On prend d’ailleurs toujours les mêmes exemples. » Et de poursuivre : « Ce qui invisibilise, ce n’est pas tant le masculin que notre connaissance du monde. Aujourd’hui, le terme « ministre » qui est épicène n’active pas les mêmes représentations qu’il y a cinquante ans. » La linguiste sait de quoi elle parle. Avec Marie-Louise Moreau, elle a analysé l’évolution des termes utilisés par les candidates aux élections européennes en France et en Belgique pour se décrire depuis 1989 (« sénatrice » ou « sénateur », typiquement). Résultat : la féminisation est massive.

      Accordons-nous trop d’importance au langage ? N’est-il pas uniquement le reflet de la société et appelé à évoluer avec elle ? « Il ne sert presque à rien de se poser cette question, répond Pascal Gygax. L’histoire nous enseigne que la société patriarcale a eu un effet sur la masculinisation de la langue et les données disent que la masculinisation de la langue a une influence sur notre manière de percevoir le monde. A partir de là, ce qu’il faut se demander, c’est : veut-on changer cela ? Si oui, alors le langage inclusif est un outil pour y parvenir. »

      Les attaques personnelles subies après la publication du livre n’entament d’ailleurs en rien l’engagement du chercheur, très présent dans les médias : « J’ai toujours eu envie de sortir de la bulle académique. »

      *« Le cerveau pense-t-il au masculin ? », Pascal Gygax, Sandrine Zufferey, Ute Gabriel, Le Robert, 2021, 176 pages

      https://www.revue-horizons.ch/2021/09/02/comment-le-masculin-forge-la-pensee-de-lenfant

    • Le français va très bien, merci

      « Nous, linguistes de France, de Belgique, de Suisse, du Canada, sommes proprement atterrées par l’ampleur de la diffusion d’idées fausses sur la langue française. » Les Linguistes atterrées
      Les discours sur les "fautes" saturent quasiment l’espace éditorial et médiatique contemporain. Mais la différence entre une faute et une évolution, c’est la place qu’elle occupera à long terme dans l’usage. Et l’usage, ça s’étudie avec minutie. C’est le travail des linguistes. Face aux rengaines déclinistes, il devient indispensable de rétablir la rigueur des faits. Non, l’orthographe n’est pas immuable en français. Non, les jeunes, les provinciaux ou les Belges ne "déforment" pas la langue. Oui, le participe passé tend à devenir invariable. Non, le français n’appartient pas à la France. Oui, tout le monde a un accent, voire plusieurs. Dix idées reçues sur la langue, et surtout trente propositions pour en sortir.

      https://tracts.gallimard.fr/fr/products/le-francais-va-tres-bien-merci
      #Linguistes_atterrées

    • J’ai écrit : il meure. Tranquilou. Au bout de deux jours je me suis dit mmm il y a quelque chose qui ne va pas. J’ai cherché et trouvé : il meurt ! Me suis dit ,mais pourquoi écrire il meure comme ça ? Quelle raison logique ? Pas trouvé de réponses satisfaisantes . Il y a toujours moyen de faire des fautes, TOUJOURS ! C’est pénible.

  • De Dakar au bout du monde, des #femmes_en_migration

    Quand on parle de migration au Sénégal, on imagine le plus souvent de jeunes hommes voguant vers les Canaries sur une pirogue incertaine. C’est oublier que parmi les migrants, il y a beaucoup de migrantes. Que leur voyage soit légal ou « clandestin », que leur destination soit l’Europe ou un autre pays africain, on n’en parle quasiment jamais. Quelle est l’histoire des #migrations_féminines depuis et vers le Sénégal ? Quels en sont les ressorts et les motivations, quelles en sont les spécificités ? *

    C’est à ces questions que ce podcast cherche à répondre, à travers les paroles d’une dizaine de femmes voyageuses, d’une syndicaliste et d’une sociologue. Elles parlent de la volonté de s’en sortir économiquement, de l’#aspiration à l’émancipation individuelle. Elle disent les beaux aspects du voyage, mais aussi ses difficultés (#violences, #racisme, etc.). Enfin, elles évoquent les problèmes de #visas et l’Europe forteresse qui en a poussé plus d’une à prendre la pirogue, au péril de sa vie...

    https://shows.acast.com/659fea6a3f690700175eb31a
    #podcast #audio #migrations #Sénégal #femmes_migrantes #femmes #genre #émancipation

  • Première nuit
    https://laviedesidees.fr/Limbada-La-Nuit-de-noces

    Une fois que le mariage a été célébré, comment le consommer ? Entre silence, ignorance et appréhension, les jeunes époux du XIXe siècle disposent de rites et de lieux pour être « enfin seuls ». Avec désir, mais non sans violences. À propos de : Aïcha Limbada, La Nuit de noces. Une #Histoire de l’intimité conjugale, Paris, La Découverte.

    #genre #famille #sexualité #intimité
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240214_premierenuit.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240214_premierenuit.pdf

  • L’#écriture_inclusive par-delà le #point_médian

    La #langue_inclusive est l’objet de vives polémiques, mais aussi de travaux scientifiques qui montrent que son usage s’avère efficace pour réduire certains #stéréotypes induits par l’usage systématique du #masculin_neutre.

    Où sont les femmes dans une langue où le #genre_masculin peut désigner à la fois le #masculin et le #neutre_générique_universel ? En effet, si vous lisez ici : « Les chercheurs s’intéressent aux discriminations de genre », comprenez-vous « chercheurs » en tant que « les hommes qui contribuent à la recherche » ou comme « les personnes qui contribuent à la recherche » ? Impossible de trancher.

    Sharon Peperkamp, chercheuse au sein du Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique1 explique : « Il existe une #asymétrie_linguistique en #français où le genre masculin est ambigu et peut être interprété de deux manières, soit comme générique – incluant des personnes de tous genres, soit comme spécifique, incluant uniquement des hommes. Or, on sait depuis longtemps que ce phénomène peut induire un #biais_masculin qui peut avoir a des conséquences sur les #représentations. » Partant de ce postulat que les usages langagiers participent aux #représentations_sociales, les psycholinguistes ont voulu vérifier dans quelle mesure une modification contrôlée de ces usages, notamment par le recours à des tournures dites « inclusives », pouvait affecter certains #stéréotypes_de_genre.

    L’#inclusivité, la #langue_française connaît déjà !

    Un large mouvement a été engagé il y a déjà plusieurs décennies pour reféminiser les usages de langue et la rendre plus égalitaire, à travers l’usage de ce qu’on qualifie aujourd’hui d’ « écriture inclusive ». Mais cette dernière fait #polémique. Des #controverses qui se sont invitées jusqu’au Sénat : le mercredi 25 octobre 2023, la Commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport a adopté la proposition de loi visant à interdire l’usage de l’écriture inclusive (https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-404.html). Les parlementaires ont en effet estimé « que l’impossibilité de transcrire à l’oral les textes recourant à ce type de graphie gêne la lecture comme la prononciation, et par conséquent les apprentissages ». Jugeant, en outre, que « l’écriture inclusive constitue, plus généralement, une #menace pour la langue française ». Cependant, si tous les regards sont tournés vers l’#écrit et plus précisément vers le point médian, cet aspect-là ne constitue qu’une infirme partie des nombreuses #stratégies_linguistiques proposées pour rendre la langue moins sexiste, tant à l’oral qu’à l’écrit.

    Dans son guide (https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/guide_egacom_sans_stereotypes-2022-versionpublique-min-2.p) « Pour une communication publique sans stéréotype de sexe », publié en 2022, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) définit ainsi le #langage_égalitaire (ou non sexiste, ou inclusif) comme « l’ensemble des attentions discursives, c’est-à-dire lexicales, syntaxiques et graphiques qui permettent d’assurer une #égalité de représentation des individus ». Il signale que « cet ensemble est trop souvent réduit à l’expression “écriture inclusive”, qui s’est imposée dans le débat public mais qui ne devrait concerner que les éléments relevant de l’écriture (notamment les abréviations) ». Nous adopterons donc ici l’expression « langage inclusif » ou « langue inclusive » pour désigner les usages oraux et écrits qui permettent d’exploiter les ressources linguistiques à notre disposition pour noter les différents genres.

    « Ce n’est pas la langue française qui est sexiste, ce sont ses locuteurs et locutrices. Qui ne sont pas responsables de ce qu’on leur a mis dans la tête, mais de ce qu’elles et ils en font », affirme Éliane Viennot, professeure émérite de littérature. Ce que nous faisons aujourd’hui, c’est que l’on reféminise la langue. On ne la féminise pas, on la reféminise parce qu’elle a été masculinisée. En fait, il s’agit de la faire fonctionner comme elle sait faire. Tous les noms féminins de métiers, de fonctions sont là depuis toujours – sauf évidemment s’ils correspondent à des activités nouvelles. »

    Et de poursuivre : « Les #accords_égalitaires sont là. Depuis le latin, nous savons faire des #accords_de_proximité ou des #accords_de_majorité. Nous savons utiliser d’autres termes pour parler de l’humanité que le mot “homme”. Nous savons faire des #doublets – il y en a plein les textes anciens, notamment les textes réglementaires. C’est une question de #justesse, ce n’est pas une question de #féminisme. Nos ancêtres n’étaient pas plus féministes que nous ; simplement, ils utilisaient leur langue comme elle s’est faite, comme elle est conçue pour le faire ».

    Le langage inclusif en pratique

    De fait, le français met à notre disposition différentes #stratégies permettant une meilleure représentation des femmes et des minorités de genre dans ses usages. Il est possible de distinguer deux types de stratégies.

    D’une part, les stratégies dites « neutralisantes ». « Il s’agit, non pas d’utiliser du neutre tel qu’il est présent dans la langue aujourd’hui – puisque ce neutre est pensé comme masculin, mais de retrouver du #neutre, de retrouver du commun », expose Eliane Viennot. Cela passe notamment par le recours à des #termes_épicènes, c’est-à-dire des termes qui ne varient pas en fonction du genre comme « scientifique », « architecte », « artiste »… ou encore le pronom « #iel » qui est employé pour définir une personne quel que soit son genre (« les architectes ont reçu des appels à projet auxquels #iels peuvent répondre »).

    Cela passe aussi par l’usage de #mots_génériques tels que « personnes » ou « individus ». Également par des formules englobantes avec des #singuliers_collectifs : « l’équipe » (plutôt que « les salariés »), « l’orchestre » (plutôt que « les musiciens »), « la population étudiante » (plutôt que « les étudiants »), « bonjour tout le monde » (plutôt que « bonjour à tous »). Ou encore par des tournures en apostrophe (« Vous qui lisez cet article » au lieu de « Chers lecteurs ») et autres reformulations, avec, par exemple, le recours à des formulations passives : « L’accès à la bibliothèque est libre » plutôt que « Les utilisateurs ont librement accès à la bibliothèque »).

    D’autre part, les stratégies dites « féminisantes », qui reposent notamment sur la #féminisation des noms de métiers, de fonctions et de qualités : « professeur » = « professeure » ; « Madame le directeur » = « Madame la directrice » ; « L’écrivain Virginie Despentes » = « L’écrivaine Virginie Despentes ». Autre exemple, la #double_flexion, également appelée « #doublet », qui consiste à décliner à la fois au féminin et au masculin les mots : « les lecteurs de cet article » = « les lecteurs et les lectrices de cet article » ; « les auditeurs peuvent nous écrire à cette adresse » = « les auditeurs et les auditrices peuvent nous écrire à écrire à cette adresse ».

    Ces #stratégies_féminisantes englobent aussi les points médians (préférés aux barres obliques et aux parenthèses), qui sont des abréviations de la double flexion : « les lecteur·ices de cet article » ; « Les auditeur·ices », etc. À l’oral, à l’instar des abréviations comme « Dr » ou « Mme » que tout le monde lit « docteur » et « madame », ces termes se prononcent simplement « les lecteurs et les lectrices » ou les « auditeurs et les auditrices » (plus rarement « les lecteurices » ; « les auditeurices »).

    On y trouve également des modalités d’#accords_grammaticaux qui permettent de bannir la règle selon laquelle « #le_masculin_l’emporte_sur_le_féminin ». Les accords de proximité, ou #accords_de_voisinage, qui consistent en l’accord de l’adjectif, du déterminant et/ou du participe passé en genre avec le nom qui se situe au plus proche et qu’il qualifie. Par exemple : « Les auditeurs et les auditrices sont priées d’écrire à cette adresse » ; « Les policiers et les policières sont prêtes à intervenir ». Et les accords de majorité, qui consistent à accorder l’adjectif, le déterminant et/ou le participe passé avec le terme qui exprime le plus grand nombre, par exemple : « Les éditrices et l’écrivain se sont mises d’accord sur le titre du livre ».

    Si le recours à ces différentes stratégies constitue un marqueur social et culturel pour le ou la locutrice, il est loin de ne relever que de la simple posture et produit des effets concrets qui font l’objet de nombreux travaux de recherche.

    Pour le cerveau, le masculin n’est pas neutre

    Des psycholinguistes se sont ainsi penchés sur les différences entre usage du masculin générique, des formules neutralisantes et des formulations féminisantes comme l’usage d’un pronom ou d’un article féminin et la double flexion pour dire les noms de métiers et de fonctions.

    C’est notamment le cas de Sharon Peperkamp2 : « Nous avons fait lire à nos sujets un court texte portant sur un rassemblement professionnel et leur avons demandé d’estimer le pourcentage d’hommes et de femmes présents à ce rassemblement. Lorsqu’il s’agissait d’une profession non stéréotypée – c’est-à-dire exercée de manière égale par des hommes et des femmes – et lorsque nous avions recours au masculin dit “générique”, les sujets sous-estimaient la proportion de femmes dans le rassemblement. En revanche, lorsque nous utilisions une double flexion, les sujets estimaient un ratio correspondant au ratio effectif dans la société. »

    La chercheuse poursuit : « Lorsqu’il s’agissait d’une profession stéréotypiquement masculine, et que la double flexion était utilisée, la proportion de femmes par rapport à la réalité était en revanche surestimée. » Pour cette psycholinguiste, ces résultats confirment que « il est faux de dire que le langage inclusif ne sert à rien. Il permet au contraire de donner un vrai boost à la visibilité des femmes et permet d’attirer davantage d’entre elles dans des filières supposées masculines. » Elle rappelle, en outre, que des études ont montré que les femmes sont davantage susceptibles de postuler à des #annonces_d’emploi dans lesquelles l’écriture inclusive est utilisée.

    De son côté, Heather Burnett, chercheuse CNRS au Laboratoire de linguistique formelle3, a travaillé sur les différences de représentation engendrées par l’usage d’un article au masculin dit « générique » et d’un article au féminin sur les noms de métier épicènes4 : « L’usage du masculin générique, supposé neutre, engendre un biais masculin. Alors, le masculin est interprété comme référant aux hommes. » Par exemple, « le journaliste » est compris comme un homme exerçant la profession de journaliste.

    C’est aussi ce qu’ont mis en évidence, dans une étude parue en septembre 20235, les psycholinguistes Elsa Spinelli, Jean-Pierre Chevrot et Léo Varnet6. Ce dernier expose : « Nous avons utilisé un protocole expérimental permettant de détecter des différences fines concernant le temps de réponse du cerveau pour traiter le genre des mots. Lorsqu’un nom épicène non stéréotypé est utilisé avec un article également épicène (par exemple “l’otage”ou “l’adulte”), les participants ont largement tendance à l’interpréter comme masculin. Autrement dit, notre cerveau n’interprète pas le masculin comme neutre ». Suivant le même protocole, l’équipe s’est ensuite penchée sur l’usage du point médian. Pour Léo Varnet, les conclusions sont très claires : « L’usage du point médian permet de supprimer le biais de représentation vers le masculin. »

    On constate par ailleurs que l’écriture inclusive peut parfois rallonger le temps de #lecture. Ce qui est normal pour Heather Burnett : « Les mots les plus courts et les plus fréquents sont simplement lus plus rapidement ». De son côté, Léo Varlet souligne que si le point médian ralentit un peu la lecture au début d’un article, les sujets s’adaptent et retrouvent rapidement leur rythme de lecture habituel.

    Ces travaux, les tout premiers s’appuyant sur des expériences contrôlées de psycholinguistique et menés avec des sujets francophones, n’épuisent certainement pas le débat scientifique sur les effets cognitifs du langage inclusif. Mais ils indiquent clairement que le recours à certaines tournures inclusives – en particulier dans des stratégies dites « féminisantes » (re)mobilisant des ressources présentes depuis longtemps dans la langue française –, a bien l’effet pour lequel il est préconisé : réduire les stéréotypes de genre et augmenter la visibilité des femmes.♦

    https://lejournal.cnrs.fr/articles/lecriture-inclusive-par-dela-le-point-median

    • Le CNRS ne doit pas être une plateforme militante !
      (mis ici pour archivage...)

      TRIBUNE. Un collectif de 70 personnalités du monde académique appelle la direction du CNRS de corriger les « dérives militantes » de son équipe chargée de la communication.

      Chercheurs et enseignants-chercheurs, nous sommes très attachés au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à la haute qualité des recherches qui y sont globalement menées en sciences humaines comme en sciences dures. Nous regrettons, du reste, le dénigrement trop fréquent dont cette institution fait l’objet de la part de personnes qui ne la connaissent pas.

      C’est la raison pour laquelle nous nous inquiétons que sa réputation soit ternie par le comportement militant de certains de ses représentants et sa communication. L’article publié dans le Journal du CNRS sous le titre « L’écriture inclusive par-delà le point médian » en est le dernier témoignage. Écrit par une journaliste qui a recueilli l’avis d’enseignants-chercheurs et de chercheurs favorables à l’usage de l’écriture et de la « langue » dites « inclusives », il y est donc entièrement favorable alors que cette forme est fortement controversée, y compris par des linguistes du CNRS.
      Hors cadre scientifique

      Certes, que trouver à redire à ce qu’un journaliste exprime un point de vue ? Rien, à condition du moins que celui-ci soit présenté comme tel et non comme un fait objectif. Mais dans le cas présent, cet article se trouve publié sur l’une des vitrines du CNRS, lui conférant un statut particulier : celui d’un fait scientifique avéré et estampillé par l’institution.

      D’ordinaire, Le Journal du CNRS fait part de découvertes scientifiques solidement étayées, que ce soit en sciences dures ou en sciences humaines. Mais c’est loin d’être le cas ici : l’écriture dite inclusive est un phénomène créé de toutes pièces par des militants, souvent liés au monde universitaire. Y a-t-il un sens à recueillir le point de vue exclusif des tenants de cette innovation militante pour présenter sur un site scientifique une conclusion qui lui est favorable ? La circularité de la démarche fait sortir du cadre scientifique qu’on est en droit d’attendre sur une vitrine de l’institution.

      Enfin, outre qu’il est partisan, l’article est malhonnête dans son propos comme dans ses illustrations. Ainsi, à aucun moment ne sont mentionnés les arguments émanant de chercheurs reconnus contre les prémisses qui ont conduit à l’élaboration de ce langage. L’article présente comme seuls opposants des politiciens et des syndicats de droite.
      Des débats politiques, pas scientifiques

      La communication du CNRS n’en est pas à son coup d’essai en la matière. Faut-il rappeler les déclarations de certaines des plus hautes instances affirmant en 2021 que l’islamo-gauchisme n’existe pas (seraient-elles aujourd’hui aussi péremptoires ?) ou cautionnant l’usage du concept d’« islamophobie » ? Vu l’absence de tout consensus scientifique sur ces deux sujets, ils relèvent d’un débat politique que l’administration du CNRS n’a pas vocation à trancher.

      Le CNRS est un haut lieu de la recherche publique : son journal et son site ne peuvent devenir l’instrument d’une faction militante, sous peine de se discréditer et, avec lui, les chercheurs qui ont à cœur de remplir leur mission scientifique. En conséquence, nous demandons à sa direction de prendre toutes les mesures nécessaires pour corriger ces dérives en exerçant un droit de regard sans complaisance sur le fonctionnement de sa communication. Il y va de la réputation de l’institution.

      *Cette tribune, signée par un collectif de 70 personnalités du monde académique, est portée par : Michel Botbol (professeur de psychiatrie, université de Bretagne occidentale) ; Bernard Devauchelle (professeur de chirurgie, université de Picardie Jules Verne) ; Dany-Robert Dufour (professeur de philosophie, université Paris-8) ; Nathalie Heinich (sociologue, DRCE CNRS, Paris) ; Catherine Kintzler (professeur de philosophie, université de Lille) ; Israël Nisand (professeur de médecine, université de Strasbourg) ; Pascal Perrineau (politologue, professeur des universités à Sciences Po) ; Denis Peschanski (historien, directeur de recherche au CNRS, Paris) ; François Rastier (directeur de recherche en linguistique, CNRS, Paris) ; Philippe Raynaud (professeur de science politique, université Panthéon-Assas) ; Pierre Schapira (professeur de mathématiques, Sorbonne université) ; Didier Sicard (professeur de médecine, université Paris-Cité) ; Perrine Simon-Nahum (directrice de recherche en philosophie, CNRS) ; Jean Szlamowicz (professeur en linguistique, université de Dijon) et Pierre-André Taguieff (philosophe et politiste, directeur de recherche au CNRS).

      Autres signataires :

      Joubine Aghili, maître de conférences en mathématiques, université de Strasbourg

      Michel Albouy, professeur de sciences de gestion, université de Grenoble

      Martine Benoît, professeur d’histoire des idées, université de Lille

      Sami Biasoni, docteur en philosophie

      Thierry Blin, maître de conférences (HDR) en sociologie, université de Montpellier-3

      Claude Cazalé Bérard, professeur de littérature italienne, université Paris-Nanterre

      Guylain Chevrier, formateur et chargé d’enseignement à l’université

      Jean-Louis Chiss, professeur en sciences du langage, université Sorbonne nouvelle

      Chantal Delsol, philosophe, membre de l’Académie des sciences morales et politiques

      Gilles Denis, maître de conférences HDR HC en histoire des sciences du vivant, université de Lille

      Albert Doja, professeur d’anthropologie, université de Lille

      Jean Dhombres, EHESS, histoire des sciences

      Laurent Fedi, MCF hors classe, faculté de philosophie de Strasbourg

      Jean Ferrette, docteur en sociologie

      Michel Fichant, professeur de philosophie, faculté des lettres, Sorbonne université

      Renée Fregosi, philosophe et politologue, professeur de l’enseignement supérieur

      Luc Fraisse, professeur de littérature française à l’université de Strasbourg, membre de l’Institut universitaire de France

      Marc Fryd, linguistique anglaise, maître de conférences HDR, université de Poitiers

      Jean Giot, linguiste, professeur de l’université, université de Namur, Belgique

      Geneviève Gobillot, professeur d’arabe et d’islamologie, université de Lyon-3

      Christian Godin, professeur de philosophie, université d’Auvergne

      Yana Grinshpun, maître de conférences en linguistique française, université Sorbonne nouvelle, Paris

      Claude Habib, professeur de littérature, université Sorbonne nouvelle, Paris

      Hubert Heckmann, maître de conférences en littérature et langue françaises

      Emmanuelle Hénin, professeur de littérature comparée à Sorbonne université

      Patrick Henriet, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Paris

      Mustapha Krazem, professeur des universités en sciences du langage, université de Lorraine-Metz

      Philippe de Lara, maître de conférences en philosophie et sciences politiques, université Paris-2

      Marie Leca-Tsiomis, professeur de philosophie, université Paris-Nanterre

      Dominique Legallois, professeur de linguistique française Sorbonne nouvelle

      Michel Messu, professeur des universités en sociologie

      Martin Motte, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Paris

      Robert Naeije, professeur de médecine, université libre de Bruxelles

      Franck Neveu, professeur des universités de linguistique française, Sorbonne université

      Françoise Nore, linguiste

      Laetitia Petit, maître de conférences, Aix-Marseille université

      Brigitte Poitrenaud-Lamesi, professeur d’italien, université de Caen

      Denis Poizat, professeur en sciences de l’éducation, université Lyon-2

      Florent Poupart, professeur de psychologie clinique et psychopathologie, université Toulouse-2

      André Quaderi, professeur de psychologie, université Côte d’Azur

      Gérard Rabinovitch, chercheur CNRS en sociologie, Paris

      François Richard, professeur de psychopathologie, université Paris-Cité

      Jacques Robert, professeur de médecine, université de Bordeaux

      François Roudaut, professeur de langue et littérature françaises (UMR IRCL, Montpellier)

      Claudio Rubiliani, maître de conférences en biologie, université Aix-Marseille et CNRS UA Paris-6.

      Xavier-Laurent Salvador, maître de conférences en langue et littérature médiévales, président du LAÏC

      Jean-Paul Sermain, professeur de littérature française, université de la Sorbonne nouvelle

      Daniel Sibony, philosophe, mathématicien, professeur des universités

      Éric Suire, professeur d’histoire moderne, Université Bordeaux-Montaigne

      Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences en philosophie, Sorbonne université

      Michel Tibayrenc, professeur de génétique, directeur de recherche IRD, Paris

      Vincent Tournier, maître de conférences à l’IEP de Grenoble, chercheur à Pacte-CNRS

      Dominique Triaire, professeur des universités de littérature française

      François Vazeille, directeur de recherche au Cern, physicien des particules

      Nicolas Weill-Parot, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Paris

      Yves Charles Zarka, professeur à l’université Paris-Cité, et ex-directeur de recherche au CNRS

      https://www.lepoint.fr/debats/le-cnrs-ne-doit-pas-etre-une-plateforme-militante-19-02-2024-2552835_2.php

    • La réponse du CAALAP (à la tribune publiée par les « 70 personnalités du monde académique »)

      La fausse neutralité des polémiques conservatrices contre la liberté académique

      Depuis quelques jours, la question de l’écriture inclusive fait à nouveau l’objet d’une levée de boucliers d’enseignant·es et de chercheur·euses qui s’accommodent agréablement des inégalités entre hommes et femmes, sous couvert de neutralité. Contre la police de la science, défendons la liberté académique !

      Depuis quelques jours, la question de l’écriture inclusive fait à nouveau l’objet d’une levée de boucliers d’enseignant.e.s et de chercheur.euse.s qui s’accommodent agréablement des inégalités entre hommes et femmes, sous couvert de neutralité. Ce ne sont rien moins que la section 17 du CNU (Conseil National des Universités), dédiée au suivi des carrières en philosophie, et le CNRS, qui font l’objet de l’opprobre et de la suspicion, sommés de s’amender pour sauver leurs réputations respectives.

      Dans une récente motion, la première propose de mettre en visibilité les violences sexuelles et sexistes, et de reconnaître l’engagement des chercheur.euse.s qui luttent contre ces violences :

      « Au moment de l’examen de l’évolution de la carrière, la section 17 du CNU s’engage à prendre en considération les responsabilités liées à l’instruction et aux suivis des violences sexistes et sexuelles, nous invitons les candidat·e·s aux promotions, congés et primes à l’indiquer expressément dans leur dossier. »

      Sur son blog, la philosophe Catherine Kintzler s’inquiète de la « prise en compte [des politiques d’égalité de genre] de manière aussi insistante dans le processus de recrutement ». Or la motion du CNU traite de « l’évolution de la carrière ». Car les recrutements ne sont pas du ressort du CNU : Catherine Kintzler l’aurait-elle oublié ?

      A cette inquiétude s’ajoute encore la crainte qu’une reconnaissance de ces éléments ne crée un biais fâcheux dans le monde de la recherche, favorisant certains terrains plutôt que d’autres, certain.e.s collègues plutôt que d’autres, alors que les carrières ne devraient tenir compte ni de de l’utilité sociale des travaux académiques, ni de l’implication du scientifique dans la cité. Mme Kintzler ne semble pas craindre pour autant que la non-reconnaissance et l’absence de prise en compte de ces éléments ne favorisent leur neutralisation, créant un biais en faveur des recherches qui occultent et invisibilisent ces violences.

      Se situant dans la ligne de celles et ceux qui présupposent que les chercheur.euse.s, quand ils et elles produisent des contenus, se situent sub specie aeternitatis, adoptant un point de vue de Sirius, elle réitère le fantasme d’une universalité émergeant « de nulle part », comme si cette dernière n’était pas le fruit de la discussion démocratique, du dissensus et de la mise en œuvre de formes de rationalité qui fabriquent de l’universel. Elle s’appuie également sur le mythe de la neutralité du scientifique, dont l’intégrité serait mise en péril par son existence en tant que citoyen.ne, ses activités associatives, son idéologie.

      Ainsi, vouloir inclure la part de l’humanité discriminée en raison de son appartenance de genre, poser cette question de l’égalité à même l’usage du langage, c’est faire preuve d’« idéologie ». Consacrer du temps à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, y compris dans son travail de recherche, y compris au sein de sa propre institution, c’est faire preuve d’« idéologie ». A l’inverse, invisibiliser ces violences, ce serait cela, la neutralité. Tenir les contenus académiques à l’abri du monde réel, se défendre d’aborder des enjeux politiques ou sociaux, c’est-à-dire s’en tenir au statu quo politique, s’accommoder des inégalités et cautionner des dispositifs d’oppression et de domination, bref, être un militant conservateur, être un militant réactionnaire, c’est cela, la neutralité. Comme si l’idéologie n’était pas le vecteur de toute pensée quelle qu’elle soit, et comme si la pensée se fabriquait hors des cadres théoriques et des contextes sociaux qui permettent son émergence.

      Dans le même temps, une tribune, réunissant les 70 signatures de chercheur.euse.s conservateur.rice.s, et parmi elles, de militant.e.s d’une laïcité identitaire, écrit son indignation face à la publication sur le Journal du CNRS, d’un article journalistique évoquant la sensibilité de nombreux.euse.s chercheur.euse.s à l’usage de l’écriture inclusive. Les auteur.rice.s de la tribune déplorent que seuls les arguments favorables à ce mode d’écriture soient présentés dans l’article, sans qu’y figurent les arguments de fond critiques de l’écriture inclusive – tout en admettant que le papier en question est un article journalistique et non pas académique ou scientifique.

      Mais tout à coup, on saute du coq à l’âne, et les auteur.rice.s de cette tribune ne résistent pas à passer de l’écriture inclusive à l’autre cheval de bataille que constitue pour eux l’ « islamo-gauchisme », appellation incontrôlable, créée en 2002 par Pierre-André Taguieff (signataire de cette tribune) pour stigmatiser les défenseurs des Palestiniens, puis revendiquée comme insulte par les militants d’extrême-droite et reprise en chœur par les dignitaires de la mouvance réactionnaire actuelle. Militant pour la reconnaissance d’une réalité du « phénomène islamogauchiste » – et niant symétriquement toute réalité au phénomène rationnellement étayé de l’islamophobie – ce groupuscule de chercheur.euse.s affirme sans ambiguïté son positionnement politique identitaire et réactionnaire. A rebours des méthodes les plus fondamentales des sciences sociales, il s’appuie sur le déni de la parole des premier.ère.s concerné.e.s par les discriminations, qui sont, elles et eux, véritablement « hors cadre scientifique », tenu.e.s en lisière, hors champ du monde académique, alors même que l’une des missions officielles des enseignant.e.s-chercheur.euse.s est de contribuer au dialogue entre sciences et société.

      Le sempiternel argument mobilisé par les auteur.rice.s considère que la défense progressiste de l’égalité et la lutte contre les discriminations relèvent du militantisme, alors que la défense conservatrice du statu quo inégalitaire consiste en une neutralité politique qui serait compatible avec la rigueur scientifique. Ainsi, toutes les positions autres que la position politique conservatrice et/ou réactionnaire des auteur.rice.s de la tribune se retrouvent disqualifiées et suspectes d’un mélange des genres entre savoirs et « idéologies », « hors cadre scientifique ».

      Nous, membres de la CAALAP, protestons contre ces tentatives de censure politique au nom de la neutralité, qu’il s’agisse de l’écriture inclusive ou des travaux documentant les discriminations, notamment racistes et islamophobes. Nous condamnons fermement les entraves à la liberté académique, d’autant plus choquantes quand elles émanent de chercheur·es, à la retraite ou non, qui prétendent faire la police de la science par voie de presse.

      https://blogs.mediapart.fr/caalap/blog/210224/la-fausse-neutralite-des-polemiques-conservatrices-contre-la-liberte

  • « C’est ainsi, ou quasiment, que les choses vont se passer, et maman, Nomi et moi, et nos tantes et cousines, nous nous tiendrons un peu en retrait, montrant les hommes du doigt, et, dans les limites de ce qui est permis, nous nous amuserons de la constance, du sérieux avec lesquels ils se consacrent à la technique, dans de tels instants, nous ne sommes vraiment rien que des oies stupides qui cancannent sans relâche pour détourner notre esprit de ce qui nous fait peur à toutes : voir cette rêverie unanime dégénérer en querelle soudaine parce que l’un des hommes aura affirmé que malgré tout le socialisme a aussi ses avantages, et les oies stupides que nous sommes savent qu’une phrase suffit pour rendre les cous des hommes sauvages et nus : Oui, oui, le communisme, une bonne idée, sur le papier...! Et le capitalisme, l’exploitation de l’homme par l’homme...! Nous autres, qui ne sommes bonnes qu’à cacanner, nous savons qu’il n’y a qu’un pas, un tout petit pas, de la technique à la politique, d’un poing à une mâchoire - et quand les hommes basculent dans la politique, c’est comme quand on commence à faire la cuisine et qu’on a sans savoir pourquoi la certitude qu’on va rater le repas, trop de sel, pas assez de paprika, ça a attaché, n’importe quoi, les sujets politiques, c’est du poison, voilà ce que dit Mamika. »
    #politique #socialisme #communisme #genre #sexisme #yougoslavie #capitalisme #nostalgie #mémoire #enfance

    Pigeon vole p. 19-20

  • Les féminicides ont-ils vraiment baissé de 20 % en 2023 ?

    Le 2 janvier, le garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti a affirmé au Figaro que le nombre de #meurtres de #femmes par leur conjoint ou ex-conjoint était en baisse en 2023, et atteignait 94, contre 118 en 2022, soit une diminution de 20 %.

    « Nous savons que lutter contre ce fléau prend du temps (…). Mais l’engagement de la justice française pour endiguer les féminicides porte tout de même ses premiers fruits », a-t-il commenté. Ces chiffres ont rapidement été contestés par plusieurs associations et collectifs féministes. Qu’en est-il ?

    Premier sujet d’étonnement : en évoquant les 118 féminicides de 2022, le #garde_des_Sceaux fait référence aux chiffres de la #Délégation_aux_victimes (#DAV) du #ministère_de_l’Intérieur, « l’étude nationale sur les morts violentes au sein du couple », publiée chaque année depuis 2006. Or pour l’année 2023, la DAV n’a publié aucun chiffre et indique qu’aucun bilan provisoire ne sera disponible avant le 31 janvier 2024.

    Le chiffre avancé par Eric Dupont-Moretti correspond, selon Franceinfo, aux remontées des parquets, et pourrait être corrigé ultérieurement, même si ce sera vraisemblablement à la marge. Reste une question : pourquoi le garde des Sceaux ouvre-t-il l’année en communiquant sur le sujet au mépris du calendrier retenu par le ministère de l’Intérieur ?

    Des écarts avec les associations féministes

    Deuxième sujet d’étonnement : les associations et collectifs féministes qui ont contribué depuis plusieurs années à mettre le sujet des féminicides sur le devant de la scène obtiennent des chiffres plus élevés, à partir de la veille qu’elles font de la presse nationale et de la presse quotidienne régionale.

    Le #collectif_des_féminicides par compagnon ou ex, qui mène ce travail depuis 2016, en est ainsi à 102 féminicides conjugaux en 2023 et souligne que plusieurs enquêtes pour mort suspecte sont toujours en cours. De son côté, l’#Inter-Orga_Féminicides (#IOF), constituée en 2021, recense 134 féminicides en 2023, dont 72 % conjugaux, soit 97.

    Précisons que les écarts entre les chiffres associatifs sont aisés à expliquer : le travail est entièrement réalisé par des bénévoles et repose sur les articles de presse. Il peut donc y avoir des « trous dans la raquette ».

    A l’inverse, les chiffres du ministère de l’Intérieur reposent sur les déclarations des causes d’#homicides par les services de police et de gendarmerie, complétées par une vérification auprès des parquets afin de préciser la qualification pénale. Sachant que le #droit français ne reconnaît pas la notion de féminicide – le #meurtre d’une femme en raison de son #genre –, mais distingue le meurtre, l’#assassinat (meurtre avec préméditation) et les violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

    Une #définition institutionnelle trop restreinte

    Si les chiffres avancés par le ministre font réagir, c’est aussi que la définition du féminicide retenue par les institutions françaises est très restreinte : elle ne tient compte que des #féminicides_conjugaux et laisse de côté d’autres féminicides, les meurtres de mères par leurs fils, celui de femmes par des collègues ou un inconnu, ou encore les meurtres par des clients ou d’autres personnes sur des femmes exerçant le travail du sexe.

    Si la notion de féminicide fait l’objet de discussions dans les milieux féministes depuis de longues années, c’est avec la publication en 1992 du livre des chercheuses Diana Russel et Jill Radford Femicide : the politics of women killing qu’il gagne en popularité, rappelle la journaliste Laurène Daycard dans Nos Absentes. A l’origine des féminicides (Seuil, 2023).

    Les institutions internationales retiennent elles aussi une définition plus large que celle de la France. Les #Nations_unies distinguent depuis 2012 les #féminicides_intimes, commis par des proches, qu’ils soient conjoints ou parents de la victime, des #féminicides_non_intimes, ceux commis contre les professions stigmatisées comme la #prostitution, et les #féminicides_sexuels_systémiques où il n’y a pas de lien préalable entre la victime et son meurtrier, comme les massacres de femmes parce qu’elles sont des femmes.

    D’autres typologies sont possibles. En Espagne, comme le rapporte Le Monde, cinq types de féminicides sont comptabilisés : conjugaux, familiaux, sociaux (exécuté par un inconnu, un collègue de travail, un ami), sexuels (lié à la violence ou à l’exploitation sexuelle ainsi qu’au travail du sexe, mariage forcé ou mutilation génitale), et enfin, les féminicides par procuration, soit l’assassinat d’une personne (proches, enfants) pour nuire à une femme.

    En France, si le #collectif_Féminicides_par_compagnon_ou_ex recense les féminicides conjugaux, l’Inter-Orga Féminicides retient une définition plus extensive. Elle distingue les féminicides conjugaux, familiaux (commis par un enfant ou un parent) et sociaux.

    Au-delà des féminicides ?

    Au-delà de la définition même du féminicide, d’autres phénomènes s’inscrivent dans le continuum des #violences_de_genre qui structurent encore les sociétés contemporaines et doivent être a minima pris en compte.

    C’est le cas des #suicides_forcés, reconnus dans le Code pénal depuis 2020, et définis comme des suicides ou tentatives de suicides provoquées à la suite de #harcèlement dans le cadre de #violences_conjugales.

    Certains plaident pour leur intégration dans la définition du féminicide. En 2022, les services du ministère de l’Intérieur en ont recensé 759, presque exclusivement des femmes. Cela correspond à une multiplication par 3,3 depuis 2020, qui dit aussi une meilleure appréhension du phénomène.

    A cela s’ajoutent les #tentatives_de_féminicides, qui, si elles n’aboutissent pas à la mort de la victime, ont pourtant des conséquences destructrices. Le ministère de l’Intérieur recense ainsi 366 tentatives d’homicides au sein du couple en 2022, dont 267 contre des femmes. Cela, sans compter les infanticides commis dans le cadre de violences conjugales, ou les traumatismes d’enfants survivants d’un féminicide. Bref, pas de quoi pavoiser.

    https://www.alternatives-economiques.fr/feminicides-ont-vraiment-baisse-de-20-2023/00109303
    #féminicides #statistiques #chiffres #France #typologie

    ping @_kg_

  • #Chowra_Makaremi : « Le #viol devient le paradigme de la loi du plus fort dans les #relations_internationales »

    En #Ukraine, Poutine revendique de faire la guerre au nom du genre. En #Iran, le régime réprime implacablement la révolution féministe. Dans d’autres pays, des populistes virilistes prennent le pouvoir. Une réalité que décrypte l’anthropologue Chowra Makaremi.

    IranIran, Afghanistan, invasion russe en Ukraine, mais aussi les discours des anciens présidents Donald Trump ou Jair Bolsonaro ou du chef de l’État turc, Recep Tayyip Erdogan : tous ont en commun de s’en prendre aux #femmes, comme l’explique l’anthropologue Chowra Makaremi.

    L’autrice de Femme ! Vie ! Liberté ! Échos du soulèvement en Iran (La Découverte, 2023) fait partie des chercheuses sollicitées par Mediapart pour #MeToo, le combat continue, l’ouvrage collectif publié récemment aux éditions du Seuil et consacré à la révolution féministe qui agite le monde depuis l’automne 2017 et le lancement du fameux mot-clé sur les réseaux sociaux. Depuis, toutes les sociétés ont été traversées de débats, de controverses et de prises de conscience nouvelles. Entretien.

    Mediapart : « Que ça te plaise ou non, ma jolie, il va falloir supporter. » Cette phrase a été prononcée le 7 février 2022 par le président russe, #Vladimir_Poutine, devant Emmanuel Macron. Elle était adressée à l’Ukraine et à son président, Volodymyr Zelensky, qui venait de critiquer les accords de Minsk, signés en 2015 pour mettre fin à la guerre dans le Donbass. Quelle lecture en faites-vous ?

    Chowra Makaremi : Le viol devient le paradigme de la #loi_du_plus_fort dans les relations internationales. La philosophe #Simone_Weil souligne dans un texte combien la #guerre relève de la logique du viol, puisque sa matrice est la #force qui, plus que de tuer, a le pouvoir de changer l’être humain en « une #chose » : « Il est vivant, il a une âme ; il est pourtant une chose. [L’âme] n’est pas faite pour habiter une chose ; quand elle y est contrainte, il n’est plus rien en elle qui ne souffre violence », écrit-elle.

    Cette comptine vulgaire de malfrats que cite #Poutine dit la culture criminelle qui imprègne sa politique. Elle me fait penser à ce que l’anthropologue Veena Das nomme la dimension voyou de la souveraineté étatique : la #truanderie comme n’étant pas seulement un débordement illégitime du pouvoir mais, historiquement, une composante de la #souveraineté, une de ses modalités.

    On le voit avec le pouvoir de Poutine mais aussi avec ceux de #Narendra_Modi en #Inde (dont parle Veena Das), de #Donald_Trump aux #États-Unis, de #Jair_Bolsonaro au #Brésil, de #Recep_Tayyip_Erdogan en #Turquie. Quand Poutine a dit sa comptine, personne n’a quitté la salle, ni Emmanuel Macron ni la presse, qui a cherché, au contraire, à faire parler la symbolique de cette « remarque ». Tout le réseau de sens et de connexions qui permet à cette cruelle boutade de tenir lieu de discours guerrier intuitivement compréhensible et audible montre que le type d’#outrage dont elle relève est une #transgression qui appartient, à la marge, à l’#ordre.

    On parle de la #masculinité_hégémonique au pouvoir avec Poutine, mais elle fait écho à celle de nombreux autres chefs d’État que vous venez de citer. Quelles sont les correspondances entre leurs conceptions de domination ?

    Il n’y a pas, d’un côté, les théocraties comme l’Iran et l’Afghanistan, et, de l’autre, les populismes virilistes de Trump, Erdogan, Bolsonaro, qui s’appuient sur des « #paniques_morales » créées par la remise en cause des rôles traditionnels de #genre, pour s’adresser à un électorat dans l’insécurité. Bolsonaro, très lié à l’armée et à l’Église, s’est appuyé sur je ne sais combien de prêcheurs pour mener sa campagne. Dimension religieuse que l’on retrouve chez Poutine, Modi, Erdogan.

    La #religion est un des éléments fondamentaux d’un #pouvoir_patriarcal très sensible à ce qui peut remettre en question sa #légitimité_symbolique, sa #domination_idéologique, et dont la #puissance est de ne pas paraître comme une #idéologie justement. Cette bataille est menée partout. Il y a un même nerf.

    Quand l’anthropologue Dorothée Dussy parle de l’inceste et de sa « fonction sociale » de reproduction de la domination patriarcale, son analyse est inaudible pour beaucoup. C’est ainsi que fonctionne l’#hégémonie : elle est sans pitié, sans tolérance pour ce qui peut en menacer les ressorts – et du même coup, en cartographier le pouvoir en indiquant que c’est là que se situent les boulons puisque, précisément, la puissance de l’hégémonie est dans l’invisibilité de ses boulons.

    Si on prend le #droit_de_disposer_de_son_corps, en Occident, il s’articule autour de la question de la #santé_contraceptive et du #droit_à_l’avortement et dans les mondes musulmans, autour de la question du #voile. De façon troublante, une chose est commune aux deux situations : c’est le viol comme la vérité des rapports entre genres qui organise et justifie la #contrainte sur les femmes à travers leur #corps.

    En Occident, le viol est le cas limite qui encadre juridiquement et oriente les discussions morales sur l’#avortement. Dans les sociétés musulmanes, la protection des femmes – et de leur famille, dont elles sont censées porter l’honneur – contre l’#agression_masculine est la justification principale pour l’obligation du voile. Il y a de part et d’autre, toujours, cet impensé du #désir_masculin_prédateur : un état de nature des rapports entre genres.

    C’est ce qu’assènent tous les romans de Michel Houellebecq et la plupart des écrits du grand Léon Tolstoï… « L’homme est un loup pour l’homme, et surtout pour la femme », dit un personnage du film Dirty Dancing. Cette population définie par ces rapports et ces #pulsions, il s’agit de la gouverner à travers l’#ordre_patriarcal, dont la domination est posée dès lors comme protectrice.

    L’Iran et l’#Afghanistan figurent parmi les pays les plus répressifs à l’encontre des femmes, les régimes au pouvoir y menant un « #apartheid_de_genre ». Concernant l’Afghanistan, l’ONU parle même de « #crime_contre_l’humanité fondé sur la #persécution_de_genre ». Êtes-vous d’accord avec cette qualification ?

    Parler pour la persécution de genre en Afghanistan de « crime contre l’humanité » me semble une avancée nécessaire car elle mobilise les armes du #droit pour désigner les #violences_de_masse faites aux femmes et résister contre, collectivement et transnationalement.

    Mais il me paraît tout aussi important de libérer la pensée autour de la #ségrégation_de_genre. À la frontière entre l’Iran et l’Afghanistan, au #Baloutchistan, après la mort de Jina Mahsa Amini en septembre 2022, les femmes sont sorties dans la rue au cri de « Femme, vie, liberté », « Avec ou sans le voile, on va vers la révolution ». Dans cette région, leur place dans l’espace public n’est pas un acquis – alors qu’il l’est à Téhéran – et elles se trouvent au croisement de plusieurs dominations de genre : celle d’un patriarcat traditionnel, lui-même dominé par la puissance étatique centrale, iranienne, chiite.

    Or, en participant au soulèvement révolutionnaire qui traversait le pays, elles ont également renégocié leur place à l’intérieur de ces #dominations_croisées, chantant en persan, avec une intelligence politique remarquable, le slogan des activistes chiliennes : « Le pervers, c’est toi, le salopard, c’est toi, la femme libérée, c’est moi. »

    C’est en écoutant les femmes nommer, en situation, la #ségrégation qu’on saisit le fonctionnement complexe de ces #pouvoirs_féminicides : en saisissant cette complexité, on comprend que ce n’est pas seulement en changeant des lois qu’on les démantèlera. On se trouve ici aux antipodes des #normes_juridiques, lesquelles, au contraire, ressaisissent le réel dans leurs catégories génériques. Les deux mouvements sont nécessaires : l’observation en situation et le #combat_juridique. Ils doivent fonctionner ensemble.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/040124/chowra-makaremi-le-viol-devient-le-paradigme-de-la-loi-du-plus-fort-dans-l

  • Caricatural, ultra-politisé : le grand n’importe quoi du nouveau #musée_d'Histoire de #Lyon

    Nous avons visité la nouvelle #exposition_permanente du #musée niché dans le vieux Lyon : un parcours déroutant, regorgeant de lacunes, défendant une vision de l’#histoire_engagée et surtout trompeuse.

    Le jour de notre visite, un dossier de presse le martèle, en #écriture_inclusive : le nouveau parcours du musée d’Histoire de Lyon, qui achevait samedi 2 décembre une réorganisation commencée en 2019, a été « co-construit », aussi bien avec des « expert.es » que des témoins et… « témouines », citoyens anonymes de Lyon. Une des conceptrices du musée le détaille : « On est allé en ville, on a posé des questions aux passants, à des jeunes qui faisaient du skate pour leur demander leur récit de la ville ». Un postulat de départ qui fait sourire autant qu’il inquiète et augure du sentiment qu’on éprouvera pendant toute la visite.

    Celle-ci tient par-dessus tout à s’éloigner de la si décriée approche chronologique. Une première salle « questionne » donc la ville, exposant pêle-mêle des objets touristiques ou sportifs récents (maillot de foot), sans enseignement apparent. Il faudra s’y faire : l’histoire n’est pas vraiment au centre du musée d’histoire. La fondation de la ville est évoquée au détour d’un panneau sur lequel un Lyonnais de l’Antiquité exhibe sa… Rolex. Une farce assumée par le musée, dont les guides nous préviennent que les anachronismes fleuriront tout au long des salles. On se mettrait à rire si le musée n’était pas destiné aux enfants aussi bien qu’aux adultes, avec la confusion que ces erreurs assumées entraîneront chez les premiers.
    L’homme blanc quasi absent de... l’industrie lyonnaise

    Les salles, justement, sont magnifiques dans cet hôtel de Gadagne, bâti au XVIe siècle. Mais l’architecture des lieux ne semble pas devoir nous intéresser : un tout petit cartel pour présenter une cheminée monumentale, puis plus rien. Les objets historiques sont rares et s’effacent au profit de montages photographiques et de récits (tous en écriture inclusive bien sûr) de quatre personnages fictifs censés raconter la ville : trois femmes nées à différents siècles, et Saïd, ouvrier devenu bénévole associatif. À l’étage suivant, une pirogue-vivier datée de 1540 trône quand même, dans une ambiance bleutée : c’est la partie consacrée au Rhône et à la Saône. Quelques (beaux) tableaux figurant des scènes de vie des deux fleuves sont exposés... à quelques centimètres du sol : cette seconde partie est dédiée aux enfants de cinq ans et l’on apprend que deux groupes de maternelle ont été consultés pour la concevoir. Des jeux ont été élaborés avec eux, « sans mauvaise réponse pour ne pas être moralisateurs » et parce que le musée est un avant tout un lieu d’amusement. Nous commençons à le croire.

    La suite de l’exposition permanente, qui aborde le sujet de l’industrie lyonnaise, prend toutefois un tour nettement plus désagréable, voire odieux. Voyons bien ce que nous voyons : une absence quasi totale de référence aux ouvriers masculins et blancs. Un métier à tisser inanimé constitue la seule preuve tangible de l’existence des canuts et une salopette vide accrochée au mur figure le prolétariat du XXe siècle. Une véritable provocation car les ouvrières sont elles bien mises en avant, et surtout les travailleurs immigrés. Le directeur, Xavier de La Selle, avait prévenu : « Le concept de Lyonnais de souche n’a aucun sens. » Un visiteur manquant de recul sortira de cette pièce convaincu que la ville n’a été construite que par le travail de femmes et de maghrébins. Le prisme social de l’histoire aurait pu présenter ici un réel intérêt : il est manipulé pour servir une vision politique qu’on ne peut qualifier autrement que de délirante.

    Et nous ne sommes pas au bout de ce délire : la dernière partie, celle qui vient d’être révélée au public, porte sur les « engagements » des Lyonnais. On entre ici dans un bric-à-brac stupéfiant, synthèse gauchiste assumée faisant de l’histoire politique de Lyon une sorte de grande convergence des luttes. Sur les murs et dans les vitrines, des nuages de mots à peu près tous synonymes de rébellion, des pancartes féministes, un haut-parleur, et même un objet sordide : un fait-tout utilisé par une avorteuse locale, célèbre semble-t-il, qui y stérilisait ses ustensiles médicaux mais y cuisait aussi ses pâtes. Le père Delorme, prêtre connu pour avoir organisé en 1983 une grande marche contre le racisme, est abondamment glorifié. Rappelons qu’en matière de religion, le musée ne nous a toujours pas expliqué pourquoi et quand fut construite la basilique de Fourvière ! L’autre référence au catholicisme dans la ville est celle du Sac de Lyon par les calvinistes, une œuvre de bois peint de 1565 décrivant des scènes de pillage, un bûcher d’objets liturgiques, des moines chassés. Son intérêt historique est toutefois anéanti par le commentaire de notre guide, qui n’y voit « pas du tout une scène violente ».

    Désacralisation du savoir

    À ce stade, le musée d’Histoire de Lyon réussit son pari : il n’est plus qu’un divertissement. On aborde une salle qui couvre à rebours la crise algérienne, la Seconde Guerre mondiale et enfin la Révolution. Cette dernière ne fait l’objet que d’un panneau succinct. Le musée est-il ennuyé de devoir évoquer plus en détail les tendances contre-révolutionnaires de Lyon ? À propos de Joseph Chalier, qui avait mis en place une dictature sanguinaire dans la ville avant d’être renversé par le peuple en 1793, un commentaire : « Certains l’ont considéré comme un martyr de la liberté. » L’homme avait commandé la première guillotine à Lyon et préconisait de l’installer sur le pont Morand afin que « les têtes tombent directement dans le Rhône »... Le principal historien consulté sur cette époque, Paul Chopelin, est entre autres fonctions président de la Société des études robespierristes. Enfin, une galerie des grandes figures de l’histoire lyonnaise conclut ce drôle de parcours. Miracle : il s’y trouve presque autant de femmes que d’hommes. Quitte à ce que la première conseillère municipale féminine y tienne la même place qu’Édouard Herriot, maire pendant près d’un demi-siècle. Pas de portrait de Raymond Barre en revanche, mais une lettre anonyme fièrement disposée, le qualifiant de « peu regretté [maire], qui de toute sa carrière s’est bien peu occupé du sort de ceux que son système économique met de côté ».

    Tirons un bilan positif : il n’est pas donné à tout amateur d’histoire d’expérimenter une telle distorsion, une telle désacralisation du savoir. Aux inventions « pédagogiques » en vogue, pour certaines réussies mais souvent inutiles, le musée d’histoire de Lyon ajoute un militantisme qui laisse pantois, et ignore des pans entiers de l’histoire lyonnaise, ne faisant qu’effleurer le reste. L’équipe du musée est certes enthousiaste, convaincue de bien faire, mais s’est méprise sur la notion d’engagement. Plus qu’une déception, pour une structure qui emploie 50 personnes (et exploite aussi un musée de la marionnette et de guignol, peut-être moins amusant) avec un budget annuel d’environ 3 millions d’euros. Son projet scientifique et culturel, validé par l’État, bénéficie du plein soutien de l’actuelle mairie : le maire Grégory Doucet (EELV) se dit ainsi « admiratif du travail colossal » des équipes du musée d’une ville « profondément humaine, tissée par les lumières du monde ». Un tissu, oui, mais pas vraiment de lumière.

    https://www.lefigaro.fr/histoire/mensonger-ultra-politise-le-grand-n-importe-quoi-du-nouveau-musee-d-histoir

    Mots-clé tirés de l’article et de la vidéo :
    #wokisme #woke #révolution_culturelle_woke #intersectionnalité #affaire_de_Grenoble #militantisme #militants_extrémistes #ségrégationnisme #séparatisme #pride_radicale #non-mixité #genre #panique_morale #anti-wokisme #universalisme #universités #culture #films #imaginaire #civilisation_occidentale #industrie_lyonnaise #woke-washing #engagement #père_Delorme #1983 #Marche_pour_l'égalité_et_contre_le_racisme #planning_familial #catholicisme #racisme_systémique #Sac_de_Lyon #divertissement #Joseph_Chalier #histoire #Paul_Chopelin #militantisme

    Les invité·es :

    1. #Nora_Bussigny, autrice de ce #livre :
    Les Nouveaux Inquisiteurs


    https://www.albin-michel.fr/les-nouveaux-inquisiteurs-9782226476951

    2. #Pierre_Valentin, auteur de ce livre :
    L’#idéologie_woke. Anatomie du wokisme


    https://www.fondapol.org/etude/lideologie-woke-1-anatomie-du-wokisme

    3. #Samuel_Fitoussi :
    https://www.wikiberal.org/wiki/Samuel_Fitoussi
    (et je découvre au même temps « wikilibéral »)
    –-> qui parle notamment du film #Barbie (min 18’30)

    https://www.fondapol.org/etude/lideologie-woke-1-anatomie-du-wokisme

  • ChatGPT Replicates Gender Bias in Recommendation Letters | Scientific American
    https://www.scientificamerican.com/article/chatgpt-replicates-gender-bias-in-recommendation-letters

    Generative artificial intelligence has been touted as a valuable tool in the workplace. Estimates suggest it could increase productivity growth by 1.5 percent in the coming decade and boost global gross domestic product by 7 percent during the same period. But a new study advises that it should only be used with careful scrutiny—because its output discriminates against women.

    The researchers asked two large language model (LLM) chatbots—ChatGPT and Alpaca, a model developed by Stanford University—to produce recommendation letters for hypothetical employees. In a paper shared on the preprint server arXiv.org, the authors analyzed how the LLMs used very different language to describe imaginary male and female workers.

    “We observed significant gender biases in the recommendation letters,” says paper co-author Yixin Wan, a computer scientist at the University of California, Los Angeles. While ChatGPT deployed nouns such as “expert” and “integrity” for men, it was more likely to call women a “beauty” or “delight.” Alpaca had similar problems: men were “listeners” and “thinkers,” while women had “grace” and “beauty.” Adjectives proved similarly polarized. Men were “respectful,” “reputable” and “authentic,” according to ChatGPT, while women were “stunning,” “warm” and “emotional.” Neither OpenAI nor Stanford immediately responded to requests for comment from Scientific American.

    The issues encountered when artificial intelligence is used in a professional context echo similar situations with previous generations of AI. In 2018 Reuters reported that Amazon had disbanded a team that had worked since 2014 to try and develop an AI-powered résumé review tool. The company scrapped this project after realizing that any mention of “women” in a document would cause the AI program to penalize that applicant. The discrimination arose because the system was trained on data from the company, which had, historically, employed mostly men.

    The new study results are “not super surprising to me,” says Alex Hanna, director of research at the Distributed AI Research Institute, an independent research group analyzing the harms of AI. The training data used to develop LLMs are often biased because they’re based on humanity’s past written records—many of which have historically depicted men as active workers and women as passive objects. The situation is compounded by LLMs being trained on data from the Internet, where more men than women spend time: globally, 69 percent of men use the Internet, compared with 63 percent of women, according to the United Nations’ International Telecommunication Union.

    Fixing the problem isn’t simple. “I don’t think it’s likely that you can really debias the data set,” Hanna says. “You need to acknowledge what these biases are and then have some kind of mechanism to capture that.” One option, Hanna suggests, is to train the model to de-emphasize biased outputs through an intervention called reinforcement learning. OpenAI has worked to rein in the biased tendencies of ChatGPT, Hanna says, but “one needs to know that these are going to be perennial problems.”

    This all matters because women have already long faced inherent biases in business and the workplace. For instance, women often have to tiptoe around workplace communication because their words are judged more harshly than those of their male colleagues, according to a 2022 study. And of course, women earn 83 cents for every dollar a man makes. Generative AI platforms are “propagating those biases,” Wan says. So as this technology becomes more ubiquitous throughout the working world, there’s a chance that the problem will become even more firmly entrenched.

    “I welcome research like this that is exploring how these systems operate and their risks and fallacies,” says Gem Dale, a lecturer in human resources at Liverpool John Moores University in England. “It is through this understanding we will learn the issues and then can start to tackle them.”

    Dale says anyone thinking of using generative AI chatbots in the workplace should be wary of such problems. “If people use these systems without rigor—as in letters of recommendation in this research—we are just sending the issue back out into the world and perpetuating it,” she says. “It is an issue I would like to see the tech firms address in the LLMs. Whether they will or not will be interesting to find out.”
    Rights & Permissions
    Chris Stokel-Walker is a freelance journalist in Newcastle, UK.

    #Intelligence_artificielle #discrimination #Lettres_de_recommandation #genre

  • A voir : Menin (Belgique) consacre une exposition à Yvonne Serruys, la « Camille Claudel belge »

    La ville de Flandre occidentale qui vit naître le 26 mars 1873 l’artiste belgo-française Yvonne Serruys expose jusqu’au 17 décembre 2023, au centre culturel et au musée municipal, des œuvres de celle qui fut aussi surnommée la sculptrice de la « femme nouvelle ». D’abord peintre puis pionnière en sculpture, à une époque où c’était peu évident pour une femme, Serruys représenta après la Première Guerre mondiale des femmes modernes, actives et en maillot de bain ou nues plutôt que coincées dans un corset. Elle rappelle la sculptrice française réaliste et impressionniste Camille Claudel, de quelques années son ainée.

    Il y a 150 ans exactement, en 1873, naissait Yvonne Serruys dans une famille francophone fortunée dans la ville de Menin, à la frontière française. A l’occasion de cet anniversaire, la ville de Flandre occidentale consacre une exposition à cette artiste d’exception qui réalisa pas moins de 250 statues, ainsi que plus de 300 pièces en verre. Elle honora aussi plusieurs contrats publics, comme un monument en l’honneur de son professeur de peinture et dessin Émile Claus à Gand (1926) et un mémorial de guerre (1921) dans sa ville natale.

    Lorsqu’elle décéda en 1953 à Paris, Yvonne Serruys (photo) léga tout le contenu de son atelier à la ville de Menin. Elle avait pourtant passé la plus grande partie de sa vie dans la capitale française, « où elle résida jusqu’à sa mort, où elle fit carrière, exposa chaque année et bénéficia d’une grande reconnaissance », expliquait tout récemment Marjan Sterckx lors d’une interview accordée à Radio 1. Elle est professeur en Histoire de l’art à l’Université de Gand, auteur d’un livre sur la sculptrice de Menin, et souligne que Serruys semble profiter d’un intérêt croissant - aussi au niveau international - pour les femmes artistes.


    Serruys dans son atelier à Paris Yvonne Serruys in haar atelier in Parijs

    Proche de Camille Claudel
    Yvonne Serruys commença par étudier la peinture et le dessin avec Emile Claus, dont elle fut la première élève et suivit le style luministe, utilisant une palette ensoleillée et attachant beaucoup d’attention à la lumière. De 1892 à 1894, la jeune femme d’à peine 20 ans poursuivit ses études à Bruxelles dans l’atelier du peintre Georges Lemmen, chez qui elle expérimenta le pointillisme. « Mais cela ne lui convenait pas entièrement », précisait Marjan Sterckx. Elle reprit alors ses études avec Emile Claus.

    Au terme d’un voyage en Italie et en Grèce, Serruys présenta ses peintures en 1898 au Salon des artistes français à Paris. C’est à cette époque qu’elle décida de se consacrer plutôt à la sculpture qu’à la peinture, et retourna étudier à Bruxelles, auprès du sculpteur Egide Rombaux. En 1904, elle installa son atelier à Paris. « Ses premières sculptures sont inspirées d’Auguste Rodin, le maître de la sculpture française à la fin du 19e siècle ».

    Yvonne Serruys fut aussi proche de Camille Claudel, la jeune élève et maîtresse de Rodin, dont la brillante carrière et la vie se terminèrent tragiquement par un internement de 30 ans dans une institution psychiatrique.

    « Serruys et Claudel se connaissaient. Elles furent brièvement voisines à Paris, sur l’Ile Saint-Louis. Elles ont exposé ensemble et ont été citées plusieurs fois d’un même trait par la presse. Dans certaines œuvres d’Yvonne Serruys on retrouve aussi des références aux sculptures de Claudel », précisait Marjan Sterckx. C’est le cas pour certains groupes de statues exposés actuellement à Menin.

    La sculpture n’était pas considérée comme un métier approprié pour une femme
    Yvonne Serruys exposait et avait son propre atelier, à une époque où il n’était certainement pas évident pour une femme de sculpter. « La sculpture était considérée à l’époque - et même parfois encore de nos jours - comme un métier masculin, associé à un travail physique rude, sale et poussiéreux, pour lequel il fallait beaucoup de force. Beaucoup d’artistes ont travaillé dans l’argile cependant. Mais la sculpture n’était pas considérée comme un métier approprié pour une femme », expliquait Marjan Sterckx.

    Membre active du Salon des artistes français, Serruys y rencontra celui qui allait devenir son mari, l’écrivain et journaliste français Pierre Mille. Leur mariage fut célébré à Menin en 1909. Par la suite, ils organisèrent leurs propres galeries d’arts, pendant plusieurs années.

    Yvonne Serruys était une femme de son temps, tant dans son travail que ses convictions. Après la Première Guerre mondiale, son style changea et elle s’intéressa à la « femme nouvelle », qui devenait de plus en plus visible. « Une femme qui s’émancipait, qui ne portait plus de corset, qui faisait du sport, du vélo, qui conduisait une voiture et fumait. Une femme qui voulait se sentir libre du point de vue physique, qui allait nager en maillot de bain », précisait Marjan Sterckx. C’était les années 1920, « les jupes et les cheveux devenaient plus courts ».

    Serruys représenta ces femmes nouvelles en sculpture : des jeunes femmes nues dans des attitudes spontanées, les cheveux noués en chignon. Parallèlement, l’artiste belgo-française réalisa des centaines d’objets décoratifs en (pâte de) verre. Juste avant la Première Guerre mondiale, elle sculpta deux œuvres monumentales pour l’espace public parisien. Comme le « Faune aux enfants » (1911) installé rue Louis-Blanc.

    Dans les années 1920 et 1930, Serruys reçu d’autres commandes pour des monuments publics, en Belgique, en France et en Tunisie - comme la « Statue d’une cigogne » (1925) pour Ciboure ou les haut-relief en pierre « Monument aux morts » (1921) et « La Tentation » (1926) pour Menin. Elle réalisa aussi certains projets d’intégration artistique, en style art-déco.

    Yvonne Serruys était elle-même une « femme nouvelle »
    « Serruys n’était pas une femme révolutionnaire ou une artiste rebelle, mais bien une artiste progressiste, tant dans son travail que ses nombreux écrits. Elle provenait d’une famille catholique de la riche bourgeoisie, mais ce qu’elle pensait et a écrit dans les mémoires qu’elle voulait publier est surprenant. Ses idées sur le physique et la fidélité conjugale sont réellement progressistes », estime Marjan Sterckx. "Serruys était elle-même une « femme nouvelle », tout d’abord parce qu’elle avait choisi le métier de sculptrice".

    Source : https://www.vrt.be/vrtnws/fr/2023/08/19/menin-consacre-une-exposition-a-yvonne-serruys-la-camille-clau

    & https://www.ccdesteiger.be/nl/event/yvonne-serruys

    #femmes #art #féminisme #histoire #invisibilisation_des_femmes #sculpture #peinture #camille_claudel #Belgique #Culture #Genre #art_déco

  • War-related sexual and gender-based violence in Tigray, Northern Ethiopia: a community-based study

    Introduction. #Sexual_and_gender-based_violence (#SGBV) during armed conflicts has serious ramifications with women and girls disproportionally affected. The impact of the conflict that erupted in November 2020 in Tigray on SGBV is not well documented. This study is aimed at assessing war-related SGBV in war-affected Tigray, Ethiopia.

    Methods: A community-based survey was conducted in 52 (out of 84) districts of Tigray, excluding its western zone and some districts bordering Eritrea due to security reasons. Using a two-stage multistage cluster sampling technique, a total of 5171 women of reproductive age (15-49 years) were randomly selected and included in the study. Analysis used weighted descriptive statistics, regression modelling and tests of associations.

    Results: Overall, 43.3% (2241/5171) of women experienced at least one type of gender-based violence. The incidents of sexual, physical and psychological violence, and rape among women of reproductive age were found to be 9.7% (500/5171), 28.6% (1480/5171), 40.4% (2090/5171) and 7.9% (411/5171), respectively. Of the sexual violence survivors, rape accounted for 82.2% (411/500) cases, of which 68.4% (247) reported being gang raped. Young women (aged 15-24 years) were the most affected by sexual violence, 29.2% (146/500). Commonly reported SGBV-related issues were physical trauma, 23.8% (533/2241), sexually transmitted infections, 16.5% (68/411), HIV infection, 2.7% (11/411), unwanted pregnancy, 9.5% (39/411) and depression 19.2% (431/2241). Most survivors (89.7%) did not receive any postviolence medical or psychological support.

    Conclusions: Systemic war-related SGBV was prevalent in Tigray, with gang-rape as the most common form of sexual violence. Immediate medical and psychological care, and long-term rehabilitation and community support for survivors are urgently needed and recommended.

    Keywords: community-based survey; health policy; injury; public health.

    https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37479499

    #viols #viol_de_guere #Tigray #Ethiopie #guerre #conflit_armé #femmes #filles #genre #article_scientifique #statistiques #chiffres

    Un article du Washington Post sur ce sujet (#paywall):
    https://www.washingtonpost.com/world/2023/11/26/ethiopia-tigray-rape-survivors-stigma

  • #Bilan annuel des transports #2022 : Quelle est la place du vélo en France ?

    Le bilan annuel des #transports 2022 vient d’être publié et révèle des chiffres en hausse pour le vélo avec une augmentation de 31% du nombre de passages enregistrés par rapport à 2019 (8% par rapport à 2021).

    Le succès du #vélotaf selon les #villes

    Parmi les personnes se déplaçant pour travailler (15 à 74 ans avec un emploi ou en apprentissage, hors Mayotte), 3,4% (soit plus de 903 000 personnes) ont privilégié le vélo, marquant une progression par rapport à 2019 (2,5%). Grenoble reste la ville leader dans l’utilisation du vélo pour le #trajet_professionnel (22,1% en 2022), suivie de près par Bordeaux et Strasbourg (20,0%).

    Une pratique à l’épreuve du genre et des groupes sociaux

    Les #hommes (3,9%) adoptent davantage cette pratique que les #femmes (2,9%). Les cadres sont les plus cyclistes parmi les #catégories_socioprofessionnelles : 6,4% d’entre eux adoptent le vélo quotidiennement.

    Le #schéma_national en bonne voie

    Au 1er janvier 2023, 20 755 kilomètres du schéma national sont ouverts sur les 26 115 km prévus d’ici 2030, soit une réalisation de 79,5%. En France, le schéma #EuroVelo est achevé à 94,7%.


    Source : Vélo & Territoires

    Le vélo, un marché toujours en essor

    En ce qui concerne les ventes de vélos, le #marché du cycle a atteint 2,378 milliards d’euros en 2022, avec une croissance de 7%. Les ventes de vélos à assistance électrique (VAE) ont augmenté de 12%, représentant 28% des ventes en volume et 61% en valeur.

    En 2022, le nombre de vélos marqués et enregistrés dans le #FNUCI (#fichier_national_unique_des_cycles_identifiés) s’élevait à 2,1 millions, offrant une nouvelle mesure de lutte contre le vol.

    Des chiffres qui appellent à aménager pour sécuriser les cyclistes

    En 2022, le nombre global d’#accidents impliquant des vélos a légèrement diminué par rapport à l’année précédente, restant élevé à 5 591 contre 5 665 en 2021. 245 personnes ont perdu la vie dans des accidents de vélo en 2022. Parallèlement, le nombre de cyclistes blessés a connu une baisse, avec 5 130 personnes blessées en 2022, soit 145 de moins qu’en 2021 (-2,7 %). Un défi reste à relever : continuer de développer l’usage du vélo sans que les statistiques de la #sécurité_routière augmentent proportionnellement à l’usage. Entre 2017 et 2022, le taux de croissance annuelle moyen est de 7,2 % pour le nombre de cyclistes morts et 4,1 % pour les cyclistes blessés, dans le cadre d’un accident.

    https://villes-cyclables.org/ressources/les-actualites/bilan-annuel-des-transports-2022-quelle-est-la-place-du-velo-en-fr

    #rapport #mobilité #vélo #chiffres #statistiques #urban_matters #urbanisme #genre #classes_sociales #sécurité

  • “Ciò che è tuo è mio”. Fare i conti con la violenza economica

    In Italia una donna su due ha subito violenza economica. WeWorld ha raccolto in un dettagliato report le storie di donne vittime di questa forma di abuso che colpisce in modo particolare chi subisce forme multiple di discriminazione legate all’età, al background migratorio o a una condizione di disabilità.

    “Ogni mese lui mi portava alle Poste, mi faceva prelevare tutti i soldi della mia pensione di 550 euro in contanti e poi pagare le bollette. Se rimanevano dei soldi, anche cinquanta euro, lui li prendeva. Nella vita di tutti i giorni io non avevo controllo su nulla: ogni volta dovevo giustificare come spendevo. Veniva sempre con me e decideva che cosa potessi acquistare e cosa no. Soprattutto per le spese alimentari. Non mi lasciava mai più di uno o due euro nel borsellino per bere un caffè o fare delle stampe”.

    Anna (nome di fantasia) è una donna di 55 anni che ha deciso di lasciare il marito dopo dieci anni di violenze fisiche, sessuali e psicologiche. Una relazione segnata anche da una forma di abuso che ancora troppo spesso viene sottovalutata: quella economica. La donna, che da una quindicina d’anni è in carico al Centro di salute mentale di Bologna per depressione, doveva chiedere il permesso al marito per ogni singola spesa, comprese quelle sanitarie: “Tutte quelle per la mia cura personale dovevano passare per una contrattazione perché non aveva piacere che spendessi. Per più di dieci anni ho chiesto di potermi fare sistemare i denti, ma lui non ha mai acconsentito. Nel 2020 gli ho fatto vedere che uno dei miei ponti in bocca era saltato e allora ha acconsentito, ma non ha mai pagato tutto. Quindi sono rimasta con i lavori a metà”.

    Quella di Anna è una delle diverse testimonianze raccolte dalla Ong WeWorld all’interno degli “Spazi donna” attivi in diverse città italiane (Milano, Napoli, Bologna, Brescia, Roma, Pescara e Cosenza) e contenute nel report “Ciò che è tuo è mio. Fare i conti con la violenza economica” pubblicato in occasione della Giornata internazionale per l’eliminazione della violenza contro le donne con l’obiettivo di fare luce su questa forma di abuso.

    Il rapporto unisce alle testimonianze un’indagine inedita realizzata da WeWorld in collaborazione con Ipsos, da cui emerge che il 49% delle donne intervistate dichiara di aver subito violenza economica almeno una volta nella vita, percentuale che sale al 67% tra le divorziate e le separate. Più di una donna separata o divorziata su quattro (il 28%) ha affermato di aver subito le decisioni finanziarie prese dal partner senza essere stata consultata in precedenza. A una su dieci il marito o il compagno ha vietato di lavorare.

    Dai dati e dalle storie raccolte emerge poi come “gli abusi economici abbiano una natura trasversale, ma colpiscano maggiormente quelle persone che subiscono forme cumulative di discriminazione: donne molto anziane o molto giovani, con disabilità o dal background migratorio -commenta Martina Albini, coordinatrice del centro studi WeWorld-. E ha radici ben precise in sistemi socioculturali maschio-centrici e patriarcali che alimentano asimmetrie di potere”.

    Una delle definizioni più riportate nella letteratura scientifica identifica questa forma di violenza come “tutti i comportamenti volti a controllare l’abilità della donna di acquisire, utilizzare e mantenere risorse economiche”. Viene agita prevalentemente all’interno di relazioni intime o familiari ed è raro che avvenga singolarmente: tende infatti a essere parte di un più ampio ciclo di violenza fisica, psicologica e sessuale. “Le donne -si legge nel report– hanno maggiori probabilità di subirla perché sono proprio quei sistemi economici e sociali basati sul controllo maschile a favorirla”.

    Esemplificativa, in questo caso, è la vicenda di una giovane di origini sudamericane che si è rivolta allo “Spazio donna” del quartiere Corvetto di Milano. Ha conosciuto l’uomo che sarebbe diventato suo marito mentre frequentava l’università, nel volgere di poco tempo la coppia è andata a convivere ed è nata una bambina: la neomamma è stata quindi costretta a interrompere gli studi: “Tutte le decisioni economiche in casa spettavano a lui, io non pensavo a questi aspetti: non pensavo fossero cose importanti e lasciato che lui si prendesse la responsabilità -racconta-. Anche il bonus statale per la nascita della bambina l’ha preso lui, io non avevo nulla, né conto bancario né Poste Pay. Mi aveva detto che aprire un altro conto corrente non era conveniente”.

    Come avviene per altre forme di violenza, anche quella economica affonda le proprie radici nelle disuguaglianze di genere, nelle aspettative di ruoli tradizionali (la donna che rinuncia al lavoro per prendersi cura della casa e dei figli). Sempre dal sondaggio realizzato da Ipsos per WeWorld, infatti, emerge come il 15% degli intervistati pensi che la violenza sia frutto di comportamenti provocatori delle donne. Mentre il 16% degli uomini ritiene sia giusto che sia il marito o il compagno a comandare in casa.

    Per inquadrare meglio questo fenomeno può essere utile anche fare riferimento ad altri dati che mettono in evidenza la particolare fragilità della popolazione femminile: in Italia il 21,5% delle donne si trova in una condizione di dipendenza finanziaria. E il maggiore carico di cura familiare può costituire un fattore di rischio: prendersi cura della casa a dispetto dell’accesso al mondo del lavoro retribuito incrementa del 25,3% la probabilità di essere vittima di violenza economica. Un altro indicatore preoccupante è il fatto che il 37% delle donne italiane non possiede un conto corrente.

    In altre parole: nel nostro Paese sono ancora troppe le donne che non hanno adeguate competenze finanziarie, considerano “troppo complessi” questi temi e si affidano completamente alle scelte del partner. Oppure hanno sempre dato per scontato che dovessero essere gli uomini a occuparsi di gestire i bilanci familiari. “All’inizio della relazione con mio marito era mio padre a pensare agli aspetti economici in modo da non farmi mancare nulla -racconta una donna che si è rivolta allo “Spazio donna” di Scampia, periferia di Napoli-. Pensavo che fosse quella la normalità. Io non ricevevo soldi, se si doveva fare la spesa andavamo assieme ed è capitato che, a volte, al momento del pagamento lui era fuori a fumare e io facevo passare avanti le persone, perché non potevo pagare senza di lui. Queste piccole cose erano la normalità”.

    Il report di WeWorld evidenzia poi come le esperienze di violenza economica possono essere diverse e sfaccettate tra loro, a seconda dei contesti in cui si inseriscono, e si manifestano in modi differenti. A partire dal controllo economico: l’autore della violenza impedisce, limita o controlla l’uso delle risorse economiche e finanziarie della vittima e il suo potere decisionale, ad esempio monitorando le spese o facendo domande su come questa ha speso i propri soldi. Le donne possono anche essere vittima di sfruttamento economico all’interno della relazione di coppia (il partner ruba denaro, beni o proprietà, oppure costringe la vittima a lavorare più del dovuto) o di sabotaggio quando l’autore della violenza le impedisce di cercare, ottenere o mantenere un lavoro o un percorso di studi.

    Tutto questo ha gravi conseguenze sulla vita delle donne, non solo nel momento in cui vivono all’interno di una relazione violenta e che limita la loro libertà di autodeterminarsi, ma anche dopo che ne sono uscite. L’autonomia economica, infatti, rappresenta un elemento essenziale nella decisione della vittima di lasciare un partner violento, come emerge da uno studio condotto negli Stati Uniti: il 73% delle vittime di violenza economica intervistate ha riferito di essere rimasta con l’aggressore a causa di preoccupazione finanziarie per mantenere sé stessa o i propri figli.

    “L’impossibilità di allontanarsi dal compagno violento per mancanza di risorse economiche le espone inevitabilmente a ulteriori abusi -si legge nel report-. È stato dimostrato che questo rischio è maggiore tra le donne con uno status economico elevato rispetto agli uomini e nelle società in cui le donne hanno iniziato a entrare nel mondo del lavoro, poiché l’emancipazione femminile interviene come elemento di ‘disturbo’ nel contesto coercitivo instaurato dal partner violento”.

    Altrettanto gravi sono le conseguenze economiche indirette di lunga durata, che si ripercuotono sulla vita delle vittime anche quando si è conclusa la relazione abusante: l’impossibilità di studiare e il mancato inserimento nel mondo del lavoro, ad esempio, rendono più difficile per queste donne trovare un lavoro che permetta di mantenere sé stesse e i propri figli. Non hanno quindi nemmeno risparmi a cui poter attingere e spesso sono costrette a chiedere aiuto a familiari e conoscenti per sostenere le spese legali durante la fase di separazione.

    Uscire da queste situazioni di violenza è possibile, come dimostra la vicenda della donna che si è rivolta allo “Spazio donna” di Scampia e che, attraverso il supporto offerto dalle operatrici, ha potuto avviare prima un percorso di auto-consapevolezza della propria situazione e successivamente uno di formazione professionale. “Quando ho realizzato cosa stessi subendo non sono stata più bene, perché nel momento in cui ti rendi conto che hai speso anni di vita pensando di non meritare e precludendoti qualsiasi cosa, stai male -racconta la donna-. Mi sono sentita come una bomba che esplode”. Questa consapevolezza ha fatto maturare una voglia di riscatto unita all’esigenza di fare qualcosa per sé stessa e di costruirsi una professionalità. Ha seguito un corso di cucito e ha avviato una piccola attività sartoriale: “Questo ha naturalmente cambiato il mio rapporto di coppia perché è cambiata la mia mentalità: ora se dico a mio marito che voglio uscire, anche se sa che ho i soldi, mi dice di prendere quello che mi serve. Ora siamo separati in casa, ma se potessi me ne andrei. Sono molto diversa da quella che ero prima e voglio fare il mio lavoro, mi fa stare bene, è una fonte di guadagno, e se io devo andare a lavorare ora non ho problemi a dire a mio marito di prepararsi da mangiare da solo perché io sono impegnata”.

    https://altreconomia.it/cio-che-e-tuo-e-mio-fare-i-conti-con-la-violenza-economica
    #violence_économique #genre #femmes #hommes #violence #Italie #intersectionnalité #rapport #patriarcat #dépendance_financière #compte_bancaire #contrôle_économique #autonomie_économique #travail

    • “Ciò che è tuo è mio. Fare i conti con la violenza economica”: il nostro report sulla violenza economica sulle donne in Italia

      Il 49% delle donne intervistate dichiara di aver subito violenza economica almeno una volta nella vita, percentuale che sale al 67% tra le donne divorziate o separate; più di 1 donna separata o divorziata su 4 (28%) dichiara di aver subito decisioni finanziarie prese dal partner senza essere stata consultata prima. Eppure, la violenza economica è considerata “molto grave” solo dal 59% dei cittadini/e.

      Sono alcune delle evidenze del report “Ciò che è tuo è mio. Fare i conti con la violenza economica” pubblicato in occasione della Giornata internazionale per l’eliminazione della violenza contro le donne. Il rapporto vuole fare luce su una delle forme di violenza contro le donne più subdola e meno conosciuta, concentrandosi sui risultati dell’indagine inedita realizzata insieme a Ipsos per valutare la percezione di italiani e italiane della violenza contro le donne e, in particolare, della violenza economica e dell’esperienza diretta.

      Un tempo considerata una forma di abuso emotivo o psicologico, oggi la violenza economica è riconosciuta come un tipo distinto di violenza, con cu si intendono tutti i comportamenti per controllare l’abilità della donna di acquisire, utilizzare e mantenere risorse economiche. Questo tipo di violenza viene messo in atto soprattutto all’interno di relazioni intime e/o familiari e spesso la violenza economica è parte di un più ampio ciclo di violenza intima e/o familiare (fisica, psicologica, sessuale, ecc.).

      LA VIOLENZA ECONOMICA IN ITALIA: I DATI DELL’INDAGINE

      Relazione tra violenza di genere e stereotipi

      - Più di 1 italiano/a su 4 (27%) pensa che la violenza dovrebbe essere affrontata all’interno della coppia.
      - Il 15% degli italiani/e pensa che la violenza sia frutto di comportamenti provocatori delle donne.
      – Il 16% degli uomini, contro il 6% delle donne, pensa che sia giusto che in casa sia l’uomo a comandare.

      L’immagine sociale delle diverse forme di violenza

      - Per 1 italiano/a su 2 la violenza sessuale è la forma più grave di violenza contro le donne.
      - La violenza economica è considerata molto grave solo dal 59% dei cittadini/e.
      – Per il 9% delle donne separate o divorziate, contro il 3% dei rispondenti, gli atti persecutori (stalking) rappresentano la forma più grave di violenza.

      La violenza economica

      - Il 49% delle donne intervistate dichiara di aver subito nella vita almeno un episodio di violenza economica. Il 67% tra le donne separate o divorziate.
      - 1 donna su 10 dichiara che il partner le ha negato di lavorare.
      – Più di 1 donna separata o divorziata su 4 (28%) dichiara di aver subito decisioni finanziarie prese dal suo partner senza essere stata consultata prima.
      – Quasi 1 italiano/a su 2 ritiene che le donne siano più spesso vittime di violenza economica perché hanno meno accesso degli uomini al mercato del lavoro.

      La situazione economica nei casi di separazione e divorzio

      - Dopo la separazione/divorzio, il 61% delle donne riporta un peggioramento della condizione economica.
      - Il 37% delle donne separate o divorziate dichiara di non ricevere la somma di denaro concordata per la cura dei figli/e.
      - 1 donna separata o divorziata su 4 avverte difficolta a trovare un lavoro con un salario sufficiente al suo sostentamento.

      L’educazione per contrastare la violenza economica

      - La quota di donne che non si sentono preparate rispetto ai temi finanziari è più del doppio di quella degli uomini (10% vs 4%).
      – Quasi 9 italiani/e su 10 (88%) sostengono che bisognerebbe introdurre programmi di educazione economico-finanziaria a partire dalle scuole elementari e medie.
      – Quasi 9 italiani/e su 10 (89%) pensano che bisognerebbe introdurre programmi di educazione sessuo-affettiva a partire dalle scuole elementari e medie.

      ”Dietro ai dati raccolti in questa indagine si trovano storie vere, voci di donne che hanno subito violenza economica e che vogliono raccontarla. Per questo abbiamo voluto inserire nel rapporto testimonianze dai nostri Spazi Donna WeWorld. Da qui emerge come gli abusi economici abbiano una natura trasversale, ma colpiscano maggiormente persone che subiscono forme cumulative di discriminazione: donne molto anziane o molto giovani, con disabilità o dal background migratorio”, commenta Martina Albini, Coordinatrice Centro Studi di WeWorld. “La violenza economica, come tutti gli altri tipi di violenza, ha radici ben precise in sistemi socioculturali maschio-centrici e patriarcali che alimentano asimmetrie di potere. Per questo è necessario un approccio trasversale che sappia sia includere gli interventi diretti, sia stimolare una presa di coscienza collettiva a tutti i livelli della società”.

      VIOLENZA ECONOMICA: I COMPORTAMENTI

      Le esperienze di violenza economica possono essere particolarmente complesse e sfaccettate a seconda dei contesti in cui si inseriscono: ad esempio, gli autori di violenza possono agire comportamenti abusanti culturalmente connotati nel Nord o Sud globale.

      I principali tipi di violenza economica identificati dalle evidenze in materia si distinguono in:

      – CONTROLLO ECONOMICO: L’autore della violenza impedisce, limita o controlla l’uso delle risorse economiche e finanziarie della vittima e il suo potere decisionale. Questo include, tra le altre cose, fare domande alla vittima su come ha speso il denaro; impedire alla vittima di avere o accedere al controllo esclusivo di un conto corrente o a un conto condiviso; monitorare le spese della vittima tramite estratto conto; pretendere di dare alla vittima la propria autorizzazione prima di qualsiasi spesa.
      - SFRUTTAMENTO ECONOMICO: L’autore della violenza usa le risorse economiche e finanziarie della vittima a suo vantaggio. Ad esempio rubando denaro, proprietà o beni della vittima; costringendo la vittima a lavorare più del dovuto (per più ore, svolgendo più lavori, incluso il lavoro di cura, ecc.); relegando la vittima al solo lavoro domestico.
      – SABOTAGGIO ECONOMICO: L’autore della violenza impedisce alla vittima di cercare, ottenere o mantenere un lavoro e/o un percorso di studi distruggendo, ad esempio, i beni della vittima necessari a lavorare o studiare (come vestiti, computer, libri, altro equipaggiamento, ecc.); non prendendosi cura dei figli/e o di altre necessità domestiche per impedire alla vittima di lavorare e/o studiare; adottando comportamenti abusanti in vista di importanti appuntamenti di lavoro o di studio della vittima.

      CONTRASTO ALLA VIOLENZA ECONOMICA: LE PROPOSTE DI WEWORLD

      Grazie all’esperienza maturata in dieci anni di intervento a sostegno delle donne e dei loro diritti, abbiamo sviluppato una serie di proposte per contrastare la violenza economica:

      PREVENIRE

      – Introduzione di curricula obbligatori di educazione sessuo-affettiva nelle scuole di ogni ordine e grado a partire dalla scuola dell’infanzia.
      – Introduzione di curricula obbligatori di educazione economico-finanziaria nelle scuole a partire dalla scuola primaria.
      – Campagne di sensibilizzazione multicanale e rivolte alla più ampia cittadinanza che individuino il fenomeno e le sue specificità.

      (RI)CONOSCERE E MONITORARE

      – Adozione di una definizione condivisa di violenza economica che ne specifichi i comportamenti.
      - Attuazione della Legge 53/2022, riservando attenzione alla raccolta e monitoraggio di dati sul fenomeno della violenza economica e su altri dati spia (condizione di comunione/separazione dei beni, presenza o meno di un conto in banca, condizione occupazionale, titolo di studio, presenza o meno di immobili o beni intestati, ecc.)

      INTERVENIRE

      - Maggiori e strutturali finanziamenti al reddito di libertà (sostegno economico per donne che cercano di allontanarsi da situazioni di violenza e sono in condizione di povertà) integrato a politiche abitative e del lavoro più solide e inclusive
      – Attività di prevenzione ed empowerment femminile che possano integrare l’operato della filiera dell’antiviolenza attraverso presidi territoriali permanenti.
      – Allargamento della filiera dell’antiviolenza a istituti finanziari con ruolo di “sentinella”.

      Pour télécharger le rapport:
      https://ejbn4fjvt9h.exactdn.com/uploads/2023/11/CIO-CHE-E-TUO-E-MIO-previewsingole-3.pdf

      https://www.weworld.it/news-e-storie/news/cio-che-e-tuo-e-mio-fare-i-conti-con-la-violenza-economica-il-nostro-report-
      #sabotage_économique #WeWorld

  • Les paysannes du Sud, premières victimes de la crise climatique

    Lorsque le changement climatique affecte l’agriculture, les femmes en deviennent d’autant plus vulnérables. Une situation particulièrement marquée dans des pays d’Afrique et d’Asie, montrent des chercheurs.

    Le changement climatique affecte l’agriculture et rend les petits paysans plus vulnérables, surtout dans les pays à bas et moyens revenus. Et ces vulnérabilités touchent particulièrement les femmes. Une carte du monde permet dorénavant de s’en rendre compte en un coup d’œil, grâce au travail réalisé par des chercheurs, publié le 16 novembre dans la revue Frontiers in Sustainable Food Systems (Les Frontières dans les systèmes alimentaires durables : https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fsufs.2023.1197809/full#SM1).

    L’équipe internationale de scientifiques s’est employée à collecter de nombreuses données d’études hétérogènes et antérieures traitant de trois facteurs clés :

    - Les dangers climatiques pour les systèmes agroalimentaires (sécheresses, inondations, baisse des rendements agricoles, etc.) ;
    – Le niveau d’exposition des hommes et des femmes à ces dangers ;
    - La vulnérabilité des hommes et des femmes exposés à ces catastrophes climatiques.

    Ils ont ensuite combiné ces facteurs pour bâtir un index et identifier par des cartes les points chauds de ces « inégalités de genre-agriculture-climat ».

    Sur un total de 87 pays à bas et moyens revenus analysés par les chercheurs, en Amérique latine, en Asie et en Afrique, il ressort que les femmes les plus exposées et vulnérables se trouvent dans les régions sud, est et centrale de l’Afrique ainsi que dans l’ouest et le sud de l’Asie.

    De plus en plus documentées par la recherche, les inégalités de genre face au changement climatique, et plus particulièrement dans le cadre des systèmes agroalimentaires, s’expriment de différentes manières. D’une part parce que les femmes et les hommes ne sont pas soumis aux mêmes risques climatiques. D’autre part parce que, même face à un même risque, les femmes se trouvent souvent être plus vulnérables.

    En termes d’exposition aux risques, les chercheurs soulignent notamment que les contextes socioéconomiques et normes culturelles propres à chaque région entraînent une différenciation des rôles agricoles : les femmes travaillent en plus grande proportion que les hommes sur certains types de cultures.
    Un moindre accès aux ressources

    Dans le nord du Bangladesh, par exemple, les femmes ont un rôle majeur dans la culture du riz et de plus en plus dans la gestion des fermes. Notamment à cause de l’émigration croissante des hommes, de plus en plus pratiquée en réponse au changement climatique.

    À cela s’ajoute une plus grande vulnérabilité des femmes, liée à leur moindre accès aux ressources : leur statut social souvent défavorable, le manque d’éducation, leur manque d’accès aux informations pour anticiper les catastrophes et pour travailler à des systèmes plus résilients, leur moindre accès à la possession des terres et des compétences, les empêchent d’affronter les catastrophes dans de bonnes conditions.

    Le manque d’accès des femmes au capital et à la propriété, source de moindres capacités d’adaptation, s’explique aussi par les inégalités dans la rétribution du travail, les femmes n’étant pas ou moins bien payées que les hommes, dans des contextes climatiques aggravant parfois cet état de fait.

    Les cultivatrices de riz du nord du Bangladesh, par exemple, subissent doublement l’émigration climatique des hommes puisqu’elles se retrouvent à la fois seules aux champs et pour le travail domestique. Pour un temps de travail similaire au Bangladesh, les femmes passent 86 % de leur temps de travail affairées à des activités domestiques non rétribuées, contre 25 % du temps pour les hommes.

    Les normes sociales patriarcales finissent de désavantager les femmes lorsqu’il s’agit d’être promptes à s’adapter aux risques. Au Burundi, illustrent les chercheurs, les hommes adaptent plus rapidement que les femmes leurs cultures de bananes aux risques de maladies et mettent en place davantage de techniques innovantes, grâce à leur meilleur accès à l’information ainsi qu’à des groupes de formation des agriculteurs. En Ouganda, au Ghana ou au Bangladesh, ce sont également les normes et pratiques socioculturelles qui restreignent l’accès des femmes aux programmes de formation.

    Indépendamment des conséquences pour les paysannes sur leurs cultures en tant que telles, les inégalités de genre inhérentes au changement climatique pèsent également directement sur le corps des femmes. Après la survenue de catastrophes naturelles, les femmes et les filles sont ainsi plus sujettes à la faim que les hommes, indiquent les auteurs. « En Inde, par exemple, les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes à moins manger après une sécheresse », écrivent-ils.

    Les femmes ont en outre plus de risques d’être tuées lors de catastrophes naturelles, en partie, selon la littérature scientifique, en raison de leur moindre accès à l’information, aux abris et aux outils leur permettant de prendre les bonnes décisions dans les moments critiques.

    À cette violence sociale s’ajoute une violence plus frontale, les cas de trafic d’êtres humains, d’esclavage sexuel et d’autres violences genrées s’accroissant après des catastrophes naturelles.

    Au sein des régions asiatiques et africaines les plus fortement concernées par ces inégalités, les scientifiques ont appliqué plus en détail leur méthodologie à 4 pays : le Mali, la Zambie, le Bangladesh et le Pakistan, mettant en exergue des différences structurelles dans la manière dont se mettaient en place ces inégalités.

    « Pour les deux pays d’Asie, les forts dangers climatiques et l’exposition des femmes paysannes à ces dangers sont les facteurs principaux, tandis que pour les deux pays africains, les inégalités structurelles jouent un rôle plus important », analyse dans un communiqué l’autrice principale de l’étude, Els Lecoutere, chercheuse au sein du partenariat international CGIAR, à la Gender impact platform au Kenya.
    Investir contre les inégalités structurelles

    La carte confectionnée par les auteurs reste incomplète et souffre de diverses lacunes. Plusieurs pays à faibles revenus, susceptibles d’être hautement concernés par cet indice d’inégalité de genre-agriculture-climat, sont notamment absents de leur travail, faute de données disponibles.

    Pour autant, les chercheurs espèrent avec cet outil inciter les décideurs politiques à prendre à bras-le-corps cette question des inégalités de genre, fondamentale dans l’adaptation au changement climatique. Sur les « points chauds » identifiés sur la carte, l’adaptation des systèmes agroalimentaires vers des modèles justes et durables « ne dépendra pas seulement de la capacité à réduire les inégalités de genre dans les systèmes agroalimentaires mais aussi à éviter qu’ils ne s’aggravent », souligne l’étude.

    « Un autre moment clé pour utiliser les résultats de notre étude sera la COP28 à venir et les négociations en cours autour du fond pour les pertes et dommages, et des autres investissements climatiques », dit encore Els Lecoutere. À bon entendeur.

    https://reporterre.net/Agriculture-une-carte-revele-les-inegalites-femmes-hommes-face-au-climat
    #paysannerie #agriculture #femmes #climat #changement_climatique #genre #inégalités #vulnérabilité #accès_aux_ressources #monde #inégalités_structurelles

  • Typothèque Bye Bye Binary
    https://typotheque.genderfluid.space

    Des remplacements de glyphes automatiques avec OpenType, à partir d’une écriture plus simple à base de point médian (ami⋅e) ou deux points (ami..e).

    Avec une standardisation des nouveaux glyphes à suivre entre toutes les fontes augmentées :
    https://typotheque.genderfluid.space/quni.html

    Les fontes de cette typothèque proposent de nombreux glyphes (lettres mutantes, ligatures, éléments de symbiose) en addition au point médian et autres solutions régulièrement utilisées pour écrire et composer des textes inclusifs. Nos claviers ne contiennent pas (encore) les touches qui correspondent à ces caractères. Alors pour rendre utilisable cet arc-en-ciel de signes par touls, la collective Bye Bye Binary construit des pratiques en commun, des normes molles, rageuses et aux petits oignons, qui ensemble forment læ Queer Unicode Initiative (QUNI). Le QUNI permet de rassembler nos fontes, avec toute la diversité qu’elles contiennent, autour d’un même système d’encodage en vue de leur utilisation par un large public.

    #typographie #fontes #genre #écriture_inclusive #opentype #unicode #standardisation #quni

  • Le tante sofferenze della fuga: le donne ucraine a rischio tratta e sfruttamento sessuale
    https://www.meltingpot.org/2023/11/le-tante-sofferenze-della-fuga-le-donne-ucraine-a-rischio-tratta-e-sfrut

    Dall’inizio della guerra in Ucraina, sono aumentati vertiginosamente i casi di adescamento segnalati lungo le rotte migratorie e sui social network. Per le donne ucraine il rischio di tratta passa soprattutto da chi offre loro trasporto e alloggio gratuito. Vika ha 21 anni. Nel caos che segue lo scoppio del conflitto in Ucraina, sale sull’auto di uno sconosciuto che le offre un passaggio verso il nord della Slovacchia. Accetta, non ha altra scelta. L’uomo le promette un lavoro ben pagato e un alloggio sicuro. Qualche giorno dopo, però, senza nessuna spiegazione, viene accompagnata nel sud della Slovacchia, a lavorare (...)

  • #Mélanie_Vogel sur l’#écriture_inclusive, 31.10.2023 :

    "Vous nous racontez depuis tout à l’heure que l’écriture inclusive est une opération militante. La réalité c’est que vous êtes, et vous devez l’assumer enfin, les héritières et les héritiers de militants du 17e siècle qui ont eu comme #projet_politique de masculiniser la langue française. Quand on a dit, ça vous a été répété plusieurs fois : ’Le #genre_masculin étant le plus noble, il doit prédominer toutes les fois où le #masculin et le #féminin se rencontrent’. Quelle affirmation d’une #neutralité absolue ! Quand on a décidé de supprimer les termes de mairesse, doctoresse, poétesse, mais de conserver caissière, femme de ménage, nourrice, servante. Mais qui pourrait y voir là l’expression d’un projet politique sexiste ? Franchement, qui ? Donc oui, c’est vrai, la langue est un véhicule de nos #valeurs et elle décrit au fond le monde tel qu’on voudrait le voir. Et donc que celles et ceux qui militent pour que le masculin l’emporte sur le féminin participent de véhiculer un monde qu’ils veulent être sexiste. Et oui, celles et ceux qui qui militent pour que l’écriture soit inclusive, pour que toute les personnes se sentent représentées quand on parle, militent pour une société plus égalitaire et plus juste et nous l’assumons pleinement.

    https://twitter.com/Melanie_Vogel_/status/1719270589909684506
    #militantisme #France #langue #français #langue_française #masculinisation #histoire #sexisme

    • Emmanuel Macron affirme (https://twitter.com/BFMTV/status/1718960210902237424) qu’en langue française, “le #masculin fait le #neutre, on n’a pas besoin d’ajouter des points au milieu des mots, ou des tirets, ou des choses pour la rendre lisible”. Pour le CNRS, en français, “pour le cerveau, le neutre n’est pas neutre”.

      Il est désormais bien établi que l’utilisation du #masculin_générique engendre des #représentations_mentales déséquilibrées en faveur du masculin. Pour autant, toutes les formes d’écriture inclusive sont-elles aussi efficaces pour contrer ce biais ? Dans une étude récente parue dans la revue Frontiers in Psychology, une équipe de scientifiques a démontré que les #formulations_neutres, sans marque de #genre_grammatical, ne permettent pas d’éliminer complètement le #biais vers le masculin, au contraire des formes doubles qui mentionnent à la fois le masculin et le féminin (https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2023.1256779/full).

      Pour éclairer le débat, lire Spinelli E., Chevrot J-P., Varnet L. 2023, Neutral is not fair enough : testing the efficiency of different language gender-fair strategies, Frontiers in Psychology ou son compte rendu sur la lettre du CNRS.

      #écriture_inclusive #Macron #Emmanuel_Macron #CNRS #langue #français #langue_française

    • Le rêve d’un abruti sur tout les fronts, ça me rappelle les Ceaucescus qui se targuaient de savoir et de science faux diplômes à l’appui mais n’avaient que la securitate pour s’imposer.

      les misérables à l’œuvre partout s’épaulent pour leurs crimes, du simple langage aux meurtres des enfants

      Bien dit :
      « A travers les mains de ceux qui la bite »

      PS
      Il ne dit pas ’des choses pour la rendre lisible’ mais ’des choses pour la rendre illisible’ et là il est tellement content qu’il boit un verre de vodka pendant que son auditoire de vieux chnocks et chnokesses, jackLang au premier rang applaudit.

      EDIT
      D’ailleurs quelques jours après, en relisant le post, il doit quand même être morveux de sortir une énormité pareille puisqu’il bafouille et noie ensuite ses mots dans son verre de vodka·eau. De fait, c’est comique puisqu’il bafouille « illisible » qui devient dans les médias « lisible » preuve qu’il est inaudible, et est incapable de parler distinctement le français !

    • #Interdiction de l’écriture inclusive : les ressorts d’un procès politique

      Pour une fois, les hommes et les femmes de la chambre haute se sont pressées pour proposer une loi visant à interdire l’écriture inclusive. Mais l’application de cette #prohibition, purement idéologique, ne serait pas sans lourdes conséquences administratives.

      Lundi 30 octobre 2023, les sénateurs et sénatrices françaises (double flexion inclusive avec accord de proximité certifié de tradition française multiséculaire) ont adopté à 221 voix pour et 82 contre une #proposition_de_loi de droite particulièrement intrusive et extensive visant à « protéger la langue française des #dérives de l’écriture dite inclusive » et interdisant, sous peine de nullité, l’usage de certains traits d’inclusivité – le point médian, perçu comme un comédon typographique, est évidemment ciblé – dans les actes juridiques, les modes d’emploi, les contrats de travail ou les règlements intérieurs d’entreprise.

      Le président de la République, Emmanuel Macron, s’est fort opportunément coordonné avec les débats et le vote depuis Villers-Cotterêts, où il inaugurait la Cité internationale de la langue française. S’évertuant à remplir les amples chausses de François Ier, il a tenu à faire part de sa « pensée complexe » en la matière. Il a appelé – leçon de girouette politique – à ne pas « céder aux airs du temps » et rappelé doctement, avec un sens admirable de la précision, que dans la langue française, dont la perfection, l’état d’achèvement ne sont plus à démontrer, « le masculin fait le neutre » et qu’« on n’a pas besoin d’ajouter des points au milieu des mots, ou des tirets, ou des choses pour la rendre lisible ».

      On eût aimé que les un·es et les autres, dans leurs « travaux » et gloses diverses sur cette langue divinisée que le monde entier nous envie, se renseignassent un minimum auprès des linguistes et des philologues, des praticien·nes et historien·nes de « la langue », avant de proférer, en l’occasion, les énormités qui constituent la récolte ordinaire du marronnier régulièrement secoué par Le Figaro.

      Mais qu’attendre, en vérité, d’un personnel politique de droite, d’extrême droite et d’extrême centre qui, à l’oral comme à l’écrit, passe sa vie, dans les hémicycles, sur les réseaux sociaux, sur les plateaux de télévision ou dans les studios de radio, à écorcher, appauvrir, atrophier et faire rancir le sacro-saint français ; qui nous bassine avec ses néologismes publicitaires à forte valeur non ajoutée (« start-up nation ») ou ses interdicteurs de pensée et de débat (« islamogauchisme », « wokisme ») ?

      Nous serons assez charitables pour rappeler au président de la République que l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) ne se réduit pas à l’image d’Épinal du bon père de la Nation qui généralise l’emploi du français, déjà bien présent depuis le Moyen Âge dans les actes notariés dans tout son nuancier dialectal, à l’ensemble des actes administratifs.

      D’abord, de portée très limitée (si on la compare au projet de loi sénatorial), elle ne s’appliquait qu’aux documents de justice ; ensuite, dans un pays fait de plusieurs « nations » (au sens de l’Ancien Régime), dont certaines d’arrimage récent (Bretagne), le français n’était qu’un « langage maternel » parmi d’autres, et ces autres se sont pour une bonne part maintenus, en s’appuyant sur ladite ordonnance, la promotion du « langage maternel françoys » étant entendue comme celle du « langage maternel ou françoys ». L’essentiel était alors que les actes de justice, rédigés en langue vernaculaire, fussent compréhensibles par les habitant·es de la province et non par les seuls hommes de l’art, francophones ou pas.

      Nous signalerons tout aussi charitablement aux sénatrices et sénateurs que le vieux ressort argumentatif rouillé d’une inclusivité non inclusive à l’endroit des personnes dyslexiques et dysorthographiques rendrait un autre son si étaient exigées dans la foulée l’abolition des mots composés et des abréviations, ainsi que la simplification réelle et la mise en cohérence effective de l’orthographie française. Mais telle n’est pas leur ambition. En revanche, l’emploi du mot « dérives » et la distance sanitaire signifiée par l’expression « écriture dite inclusive » nous disent très bien leur présupposé. L’inclusivité elle-même est en sursis probatoire.

      La proposition de loi sénatoriale, si elle était définitivement adoptée, pourrait entraîner des bouleversements considérables, qui plus est rétroactifs, sachant que l’administration n’a pas attendu les « airs du temps » pour pratiquer l’inclusivité. Elle utilise depuis des lustres le banal trait d’union à la place du point médian et la double flexion (elle tolérée par le Palais du Luxembourg).

      Nos arbitres des élégances typographiques se souviennent-ils seulement des bouleversements considérables occasionnés par la dernière « grosse » réforme de modernisation de l’orthographie à avoir été réellement mise en œuvre, en 1835 ? Guizot, alors à la tête du ministère de l’instruction publique, voulait traduire en actes les préconisations de la sixième édition du Dictionnaire de l’Académie française. Les trois principales mesures de cette réforme, déjà poussées en son temps par Voltaire, étaient celles-ci :

      – on passe de [oi] à [ai] là où on prononçait déjà le son \ɛ\, la graphie [oi] étant réservée au son \wa\ (typiquement françois/français, mais sont aussi touchées une bonne partie des formes verbales) ;

      – les mots se terminant jusque-là par [-nt] au singulier et faisant [-ns] au pluriel, comme parent/parens, se finissent désormais en [-nts] ;

      – l’esperluette [&] est remplacée par [et] (un petit mot de rien mais surabondant).

      Point de cris d’orfraie, à l’époque, dans les rangs des assemblées, pourtant encore bien réactionnaires, contre cet « air du temps » là. Adoptée sans opposition notable, cette (petite) révolution en différé, initiée – une fois n’est pas coutume – par l’Académie elle-même, obligea à réimprimer une bonne partie de la littérature du temps et des temps passés (un Armageddon paperassier régulièrement brandi par les contempteurs et contemptrices de l’écriture inclusive). Trois mesurettes, dont la première en forme de rattrapage phonétique, mais conséquences maousses.

      Vu l’accroissement considérable du volume depuis l’époque de Guizot, la proposition de loi du Sénat ressemble fort à une usine à gaz chronophage et dévoreuse de ressources, plus susceptible de mettre le zbeul que de mettre bon ordre à une orthographie officielle qui, nonobstant plusieurs propositions réformatrices de savants et de ministres, a globalement peu bougé depuis 1835, soit près de deux siècles – c’est dire la vigueur des attaques qu’elle a subies.
      Force de frappe idéologique

      À défaut de protéger « la langue », quintessence à jamais inaccessible et assurément fumeuse, la droite sénatoriale et son caudataire présidentiel montrent surtout l’étendue et de leur ignorance et de leurs préjugés. Objectivement, ce n’est pas tant l’inclusivité qui les gêne, celle-ci étant pratiquée diversement en français depuis le Moyen Âge, ainsi que le pôle Correction de Mediapart le rappelait dans ce billet, et même en partie entérinée par l’Académie française elle-même pour les noms de métier.

      Non, ce qui les gêne, c’est que certains milieux militants, notamment féministes mais pas que, s’en soient emparés dès les années 1970, en jouent, continuent de la faire vivre, lui donnent une force de frappe idéologique perceptible, à l’heure des grandes régressions sociales et sociétales, sans réclamer nécessairement, du reste – ce qui serait contradictoire avec la plasticité recherchée – son institutionnalisation, sa normalisation, sa glaciation.

      Pendant qu’on ergote et chicane sans fin sur les effets de graphie, dont la plupart des écrivain·es, des éditeurs et éditrices se sont soucié·es pendant des siècles comme de leur première chemise, y compris aux époques (eh oui, c’est cyclique, mesdames messieurs les déclinistes) du rayonnement international de la lingua franca, on ne travaille pas sur les effets de lexique et de sens (l’inclusivité se loge aussi là), autrement délicats, où se nouent, pour l’essentiel, les rapports de force politiques, voire géopolitiques, de sexe, de classe ou de race, où les discriminations s’expriment et se résolvent parfois.

      Les progrès de l’inclusivité sont encore, au plan éditorial, largement marginaux, nul ne songeant à l’imposer à coups de règle, comme du reste la dernière réformette orthographique de 1990, ce qui rend l’alarme sénatoriale et présidentielle d’autant plus pathétique, pour ne pas dire risible. À la fin des fins, la pratique ordinaire tranchera. Une large partie de l’expression langagière, par nature dérivante (non au plan moral mais au plan linguistique), échappe, hors contexte totalitaire, aux tentatives d’arraisonnement et d’encagement, et ce depuis que notre langue est langue. Mais cela, les intelligences artificielles de certain·es de nos représentant·es et dirigeant·es ont du mal à le concevoir.

      https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/021123/interdiction-de-l-ecriture-inclusive-les-ressorts-d-un-proces-politique

    • Communiqué de presse : « Le masculin fait le neutre… » ou pas

      Dans son discours d’inauguration de la Cité internationale de la langue française prononcé le lundi 30 octobre 2023 à Villers-Cotterêts, le Président de la République a pris position contre « l’écriture inclusive », en affirmant : « le masculin fait le neutre, on n’a pas besoin d’y rajouter des points au milieu des mots, ou des tirets, ou des choses pour la rendre illisible ».

      La position surplombante du président donne l’impression de vouloir édicter une règle une fois pour toutes qu’il imposerait, par sa seule parole, à des millions de francophones, en France et hors de France, à rebours du symbole que représente la Cité inaugurée ce jour-là.

      Nous rappelons, en tant que scientifiques spécialistes du langage et des langues – et de la langue française en particulier – que les règles se forment au fil du temps par les pratiques des locuteurs et locutrices, et que c’est l’usage qui finit par s’imposer, et non la volonté d’une autorité, fût-elle académique, ministérielle ou présidentielle. Si les questions d’enseignement et d’orthographe nécessitent des décisions politiques, elles ne sauraient être tranchées par une seule personne, aussi puissante soit-elle.

      Emmanuel Macron semble se positionner contre le point médian et d’autres formes abrégées. Beaucoup, comme lui, feignent de réduire l’écriture inclusive à un seul procédé, au milieu de nombreuses autres possibilités (accord de proximité, mots épicènes…). D’ailleurs, il utilise lui-même des procédés inclusifs dans le discours du 30 octobre comme dans ses autres prises de parole. Les doublets complets (« Françaises, Français… ») existent depuis longtemps, et la littérature classique regorge de rois et reines, de princes et princesses plutôt que rois ou princes quand il s’agit de personnes des deux sexes : ils ressortissent du langage inclusif. En outre, certaines formes abrégées présentes depuis des décennies sur les documents officiels de la République française (dont la carte d’identité ou des formulaires administratifs : « né(e) le… », « domicilié(e) à… ») ne posent aucun problème. Les doublets complets ou abrégés se déploient aujourd’hui sur de nombreux supports (privés, publics, papier, numériques, sites, presse, cartels de musées…) sans être l’apanage d’une poignée de militants ou de militantes, contrairement à l’idée fausse qui est véhiculée. Il ne s’agit pas d’un système d’écriture figé ni imposé, mais d’une série de pratiques dont l’un des objectifs premiers est de préciser la composition de groupes humains.

      La formule « le masculin fait le neutre » est contredite par de nombreux travaux scientifiques qui montrent, à partir de données et d’expérimentations, que le sens premier du masculin, pour les humains, est de désigner des hommes, et que l’emploi dit générique est source d’ambigüité. Moins de femmes répondent aux offres d’emploi rédigées au masculin par exemple. Tout ceci est documenté.

      Le jour de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française, il eût été important de ne pas oublier ces choses élémentaires, de faire davantage appel aux travaux scientifiques, et sans doute encore plus opportun d’évoquer l’un des sujets majeurs pour l’avenir du français et des francophones, à savoir l’orthographe à enseigner : celle de 1990, comme en Belgique et en Suisse ? Ou celle de 1878, comme c’est trop souvent le cas ? Si le Président se soucie de la lisibilité du français, qu’il joigne sa voix aux nombreuses autres, dont des fédérations de professeurs de français et des linguistes (voir Le Monde du 16 octobre dernier), qui demandent une nouvelle réforme de l’orthographe.

      Le collectif des Linguistes atterrées, le 31 octobre 2023

      https://www.tract-linguistes.org/communique-de-presse-communique-le-masculin-fait-le-neutre-ou-pas

    • Écriture inclusive : “Le président ne peut pas faire la loi sur la langue que parlent les Français”

      Le débat sur l’écriture inclusive, relancé lundi par Emmanuel Macron, ainsi que par le Sénat, pose la question de l’action politique sur la langue. Entretien avec le linguiste Michel Launey.

      « Dans cette langue, le masculin fait le neutre. On n’a pas besoin d’y ajouter des points au milieu des mots, ou des tirets ou des choses pour la rendre lisible. » Le discours d’Emmanuel Macron, le 30 octobre, lors de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, et tandis que le Sénat votait une proposition de loi visant à « protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive », a relancé le débat autour de celle-ci. Michel Launey, linguiste et auteur de La République et les langues 1, rappelle la dimension politique d’une telle prise de parole. Membre du collectif des Linguistes atterrées, il met en lumière l’importance d’une rationalisation de la langue, venant du peuple et pas de l’État.

      Quand Emmanuel Macron dit qu’il ne faut pas « céder aux airs du temps », que cela signifie-t-il ?
      Les changements linguistiques sont généralement des phénomènes lents, inconscients et collectifs. S’il parle d’une mode passagère, c’est mal poser le problème car la langue est dans son temps : on verra bien si les innovations et les changements restent ou pas. Ce n’est pas le président de la République ou le Sénat qui le décideront, ce sont les jeunes, les vieux, tous les locuteurs. Cela revient à mélanger le phénomène d’innovation linguistique et le phénomène de mode – qui, par ailleurs, n’est ni bon ni mauvais par essence.

      L’écriture inclusive est-elle une mode ?
      Je suis prudent sur le sujet, mais c’est un phénomène intéressant car il s’agit, pour une fois, d’une action consciente d’une partie de la population, alors que généralement les évolutions de la langue ne sont pas concertées. D’ailleurs, quand on parle d’écriture inclusive, on mélange ses trois branches. La première, la féminisation des noms de métiers, est plutôt passée dans le langage courant, c’est un premier combat gagné. Les deux autres concernent l’accord de proximité [accorder avec le nom situé au plus proche, par exemple « les marcheurs et marcheuses sont contentes », ndlr] et le point médian [par exemple un·e écrivain·e, ndlr].

      Pourquoi cette crispation autour du point médian ?
      Une objection au point médian est que les formules ne sont pas facilement lisibles à l’oral. Ceci dit, il peut y avoir une convention qui définirait comment lire « les étudiant·e·s », tout comme on sait prononcer le mot « deux », quand on lit « 2 », c’est le même mécanisme. On est habitués à la différence entre ce qu’on lit et ce qu’on prononce, notamment en mathématiques. Par ailleurs, une partie de la communication écrite n’a pas pour fonction d’être lue à l’oral, donc ce n’est pas choquant tant que c’est compris. L’intérêt de l’écriture inclusive est d’ailleurs relevé par le Haut Conseil à l’égalité : les femmes ont par exemple tendance à moins postuler à une offre d’emploi écrite au masculin, plutôt qu’en écriture inclusive.

      Est-ce à un président ou à l’État de dicter l’usage de la langue française ?
      C’est peut-être le rêve de certains, mais ce n’est pas dans les compétences du président. Il ne peut pas faire la loi sur la langue que parlent l’ensemble des Français et Françaises. On a, en France, le plus grand mal à penser une langue qui présente des variations, qui n’est pas unique. La doxa veut que la langue française, comme la République, soit une, et que tout ce qui s’écarte des standards ne soit plus du français. Or pour moi, c’est très grave. Par exemple dire d’un jeune de banlieue que ce qu’il parle n’est pas du français, alors qu’il ne parle pas une autre langue, revient à l’exclure de la communauté des francophones. On organise une déchéance de langue, une apatridie linguistique.

      Que symbolise la volonté d’un « bon usage » du français ?
      C’est une volonté politique, assurément. Si on prend le français à la création de l’Académie française, en 1634, il était une évolution du bas latin qui avait beaucoup changé en un millénaire. On lui avait retiré les déclinaisons, ajouté des articles, etc. Quand ces changements se sont produits, personne ne les a refusés sous prétexte que leurs ancêtres parlaient différemment. Et, de toute façon, ceux qui ont engendré ces modifications étaient les membres de la communauté linguistique tout entière – le peuple, des gens majoritairement non instruits et illettrés. Il ne s’agissait pas d’une affaire de loi, ni de noblesse, clergé ou bourgeoisie. Le début de la légifération de la langue est arrivé avec la création de l’Académie française.

      Est-il utile de vouloir légiférer sur la langue ?
      Le texte de loi voté au Sénat hier est, selon moi, une stupidité politique. S’il passait l’Assemblée nationale, il serait sans doute bloqué par le Conseil constitutionnel car il ne relève pas de la compétence de l’État. Et même s’il était validé, on ne peut pas mettre en place une police linguistique pour vérifier le non-usage de l’écriture inclusive dans le cadre privé.

      Cela ne veut pas dire que la langue ne doit pas évoluer – surtout son orthographe. Il n’y a pas eu de vrai changement orthographique depuis 1835, il est temps d’une rationalisation, car le français contient beaucoup d’illogismes qui vampirisent le temps d’apprentissage. Il y a une multitude d’exemples, comme le mot « nénuphar » qui n’a aucune raison de s’écrire avec « ph » et pas un « f », aucune racine grecque. Si changement il y a, je crois qu’il n’aura pas lieu à l’Académie française ; il faudrait plutôt un rassemblement international de francophones avec des linguistes, des écrivains, des éditeurs pour réfléchir ensemble, tranquillement à ces sujets.

      https://www.telerama.fr/debats-reportages/ecriture-inclusive-le-president-ne-peut-pas-faire-la-loi-sur-la-langue-que-

    • Pourquoi utiliser l’écriture inclusive ?

      Parce que la langue façonne notre perception du monde, #Marie_Barbier, corédactrice en chef de la revue féministe La Déferlante, défend l’usage de l’écriture inclusive, comme un outil pour ne laisser de côté ni les femmes ni les minorités de genre.

      Pour nous, à La Déferlante, il était évident de ne pas utiliser une langue où le masculin l’emporte sur le féminin. Dès qu’on a commencé à travailler sur la revue, un an avant la publication de notre premier numéro (en mars 2021), c’était certain que la revue des révolutions féministes serait écrite en écriture inclusive.

      Nous avons travaillé avec deux correctrices, Sophie Hofnung et Aurélie Charrier, qui ont réalisé une charte d’écriture inclusive – qui est désormais actualisée par Mélanie Tanous. C’est une charte vivante, on la fait évoluer au fur et à mesure du temps.

      Tout, tout le temps, doit être lisible et compréhensible par nos lectrices et lecteurs, y compris par des personnes qui ne pratiquent pas l’écriture inclusive. Il faut qu’elles ne soient pas rebutées par ça quand elles ouvrent la revue. On tient aussi à respecter les propos des personnes interrogées, donc toujours demander si elles sont d’accord pour que leurs propos soient transposés en écriture inclusive. Pour résumer, on tient à respecter au maximum la parole donnée, tout en étant au clair avec la ligne éditoriale de la revue.

      Depuis notre création, jamais personne ne nous a dit que c’était illisible. On n’a pas du tout ce genre de retours. Ça veut dire qu’en France, il y a des gens capables de lire 144 pages de revue en écriture inclusive de A à Z sans que ce soit un problème de lecture. Les correctrices, Sophie Hofnung, Mélanie Tanous et Sara Roumette, font extrêmement attention à cela.

      Par exemple, dans notre dernière newsletter sur la Palestine (envoyée le vendredi 10 novembre), je pensais écrire « juif·ves », mais la correctrice m’a repris en disant qu’on essayait de ne pas écrire de choses imprononçables. Donc, ici, on a mis le doublé : « juifs et juives ».
      La langue française révèle les discriminations

      Dans les débats récents sur la proposition de loi au Sénat, les sénateurs et sénatrices sont d’une mauvaise foi crasse. Évidemment que la langue française révèle les discriminations qu’il y a dans la société. Ça peut paraître anecdotique, mais ça ne l’est absolument pas.

      C’est très important de redonner la place au féminin dans la langue française. « Le masculin l’emporte sur le féminin », c’est l’apothéose du patriarcat : ce n’est pas possible, nulle part. Que ce soit dans la société, dans la langue, dans tous les domaines possibles, le masculin ne doit pas l’emporter sur le féminin.

      D’autant que l’on peut retracer cette habitude au 17e siècle, lorsqu’on a instauré des normes qui disaient, en substance, que le masculin était plus noble que le féminin. C’est donc une construction de la langue. Comme beaucoup de choses contre lesquelles on se bat, c’est une construction sociale. À un moment donné, les dominants se sont emparés de l’outil qui est la langue pour asseoir leur domination. Ce n’est pas envisageable de ne pas le questionner, au moins.
      Il n’y a pas qu’une écriture inclusive

      Ce n’est pas vrai qu’un point d’ortho-typo peut gêner la lecture. C’est utilisé dans plein d’autres choses. C’est ce que dit aussi la tribune de 130 féministes, dont la grammairienne Éliane Viennot, en réponse à Emmanuel Macron. Par exemple, on utilise le « né(e) le » dans des documents administratifs. Et quel symbole de mettre entre parenthèses le féminin ! Ça dit quelque chose. On ne le met pas entre parenthèses, le féminin est l’égal du masculin dans la langue, et on l’assoit de la manière la plus lisible possible.

      Les conservateurs et les conservatrices sont arcbouté·es sur une vision passéiste de la langue. Ils et elles sont dans une logique de domination, où la langue reflète une domination et une vision de la société, qui fait peu de cas de la place des femmes et des minorités sexuelles.

      Le « Citoyens, citoyennes » utilisé par Macron, c’est le doublé, c’est de l’écriture inclusive. C’est le fait d’intégrer le féminin et de le mettre à égalité avec le masculin. Donc la présidence française utilise l’écriture inclusive. Il y a plein de moyens d’utiliser l’écriture inclusive. À chaque numéro, on fait un petit marque-page avec des techniques d’écriture inclusive, et les gens adorent, ils le scotchent au-dessus de leur bureau.

      On explique par exemple qu’on peut utiliser les mots épicènes, dont la forme ne varie pas selon le genre. Il y a plein de techniques simples qui permettent de reformuler, ça demande juste un petit peu de temps.
      Appliquer l’égalité des genres

      Nous sommes une revue engagée, nous défendons le féminisme, mais au-delà de ça, on est une revue créée par des professionnelles de l’information. Donc, ça nous tient extrêmement à cœur que l’égalité des genres soit retranscrite dans la revue jusque dans son écriture. Il ne s’agit pas d’une lutte anecdotique, contrairement à ce que peuvent dire les gens de droite – qui, soit dit en passant, mettent une énergie démesurée à se battre contre. Non, ce n’est pas anecdotique, parce que la langue qu’on utilise est très révélatrice. Nous, elle nous permet d’appliquer l’égalité des genres jusqu’au bout.

      Ce n’est pas juste une question pour les gens de gauche. Moi, ça m’énerve que l’école ne l’utilise pas, ça m’énerve que Jean-Michel Blanquer (ancien ministre de l’Éducation nationale) s’y soit opposé. J’apprends à mes enfants le point médian, et il n’y a aucun problème avec ça. Ils l’utilisent, et ils savent le faire. C’est tout à fait possible. Les enfants ne sont pas perturbés par ça.

      Au contraire, ça permet de questionner la binarité de genre, de dire que si tu ne te sens pas fille ou garçon, qu’on peut utiliser le point médian et que c’est OK. Ça va au-delà de la question du masculin qui l’emporte sur le féminin, parce que dans la langue française, il y a une binarité très marquée. Le point médian comme le pronom « iel » permettent d’aller au-delà de cette binarité. C’est un des avantages : ça ouvre à des personnes qui ne se reconnaissent pas dans la binarité de genre d’être incluses dans la langue française.

      L’écriture inclusive devrait être utilisée par tout le monde. Ce n’est pas vrai que c’est compliqué, c’est simple et ça permet d’inclure le plus grand nombre et de ne pas rejeter des personnes de la langue française. Ça permet d’inclure les femmes, les personnes non binaires, les personnes trans, tout le monde. Je ne comprends pas pourquoi le fait d’inclure des gens dans la langue et de la rendre plus égalitaire est un problème.

      https://basta.media/pourquoi-utiliser-ecriture-inclusive-Senat

  • Les femmes ne fonctionnent pas comme les hommes

    « - Ça fait 4 ans que j’essaie de féminiser cette émission mais les femmes c’est tjs ‘je ne parlerai que dans le domaine où je suis compétente’
    – Mais si elles préfèrent ne pas raconter n’importe quoi, c’est peut-être une bonne chose non...? » @landais_camille, juste et drôle 🙏🏼

    https://twitter.com/NegarHaeri/status/1713143416811405462

    #femmes #télé #TV #féminisation #experts #compétence #sous-représentation #hommes #tutologie #genre

  • Existe-t-il des #terrains_hostiles aux #chercheuses ?

    Les chercheuses font face à de véritables problématiques de terrain dans le cadre de leurs recherches. Du monde militaire en passant par le monde politique, quelles stratégies doivent-elles adopter pour mener au mieux leurs études en dépit des #risques encourus sur le terrain ?

    Avec

    – Marielle Debos Chercheuse à l’Institut des Sciences sociales du Politique et maître de conférences en sciences politiques à Paris-Nanterre
    – Ioulia Shukan Spécialiste de l’Ukraine, maîtresse de conférences en études slaves à l’Université Paris Nanterre et chercheuse à l’Institut des Sciences sociales du Politique et associée au Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen
    - Camille Abescat Doctorante en sciences-politique au sein du Centre de recherches internationale de Sciences Po

    C’est un post sur un réseau social qui nous a alerté la semaine dernière sur la publication dans la revue « Critique internationale » d’un vade-mecum intitulé « Genre, sécurité et éthique. Vade-mecum pour l’enquête de terrain. » (https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2023-3-page-59.htm) Son autrice, #Marielle_Debos, spécialiste de politique en Afrique, l’avait tout d’abord destiné à ses étudiantes. Elle s’interroge sur les risques que prennent les chercheuses sur le terrain et la #responsabilité que ces dernières ont vis-à-vis de leurs interviewées.

    Notre deuxième invitée, Camille Abescat, rend sa thèse sur les députés jordaniens cette semaine. Enfin, Ioulia Shukan, spécialiste de l’Ukraine et la Biélorussie, évoquera le changement de nature de son terrain devenu lieu de guerre, qui, comme toutes les chercheuses spécialisées de cette région, a été énormément sollicitée par les médias tout en ayant de plus en plus de difficultés à enquêter pour renouveler ses approches.

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-temps-du-debat/existe-t-il-des-terrains-hostiles-aux-chercheuses-6589647

    #podcast #audio #terrain_de_recherche #recherche_de_terrain #terrain #recherche #femmes

    ping @_kg_

    • #Genre, #sécurité et #éthique. Vade-mecum pour l’enquête de terrain

      Les questions concrètes et matérielles que l’on se pose sur le terrain ne sont pas détachées des questions théoriques, méthodologiques et éthiques. L’article est composé de deux parties : la première est une introduction sur le genre, la sécurité et l’éthique dans les relations d’enquête, la seconde est un vade-mecum qui donne des conseils pour se protéger et protéger les enquêté·es, en mettant l’accent sur les #violences_sexistes et sexuelles. Je défends l’idée que les chercheuses peuvent réinventer une manière de penser et de faire du terrain, entre injonctions paternalistes à la #prudence et déni des difficultés rencontrées. La sécurité, en particulier celle des femmes et des #minorités, sur le terrain et à l’université suppose aussi une réflexion sur les effets de la #précarité et la persistance de #normes (sexisme, #fétichisation des terrains à risques, idéalisation de l’#immersion_ethnographique) qui peuvent les mettre en danger.

      https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2023-3-page-59.htm
      #vademecum #vade-mecum #violences_sexuelles #VSS #paternalisme

    • #BADASSES : Blog d’Auto-Défense contre les Agressions Sexistes et Sexuelles dans l’Enquête en Sciences sociales

      Manifeste

      « Les anthropologues ne se font pas violer ou harceler, les femmes si » (1)
      Moreno, 1995

      C’est ce qu’écrivait Eva Moreno dans un article témoignant du viol qu’elle a subi lors d’une enquête de terrain vingt ans auparavant. Ne nous méprenons pas : la date n’explique rien. Aujourd’hui encore, les violences sexistes et sexuelles s’immiscent dans la relation d’enquête. Sans grande surprise, la fonction de chercheureuse ne nous protège pas. C’est parce que femme, ou minorité de genre, qu’on est harcelé·e, agressé·e, violé·e ; et en tant que chercheureuse et sur notre espace de travail que cela arrive.

      Loin d’être anecdotiques, les violences sexistes et sexuelles dans l’enquête, tout comme dans l’ESR, sont pourtant invisibilisées : à l’Université, c’est le silence qui règne. Alors que les théories féministes et les études de genre ont largement travaillé sur les violences sexistes et sexuelles, que la sociologie regorge d’outils pour analyser les relations de domination, que la réflexivité dans l’enquête s’est imposée dans les sciences sociales, on ne peut que constater l’absence de la prise en compte de ces violences au sein de nos formations. À l’exception de quelques initiatives personnelles, souvent sous forme de séminaires ou de conseils informels aux jeunes chercheureuses, rares sont les TD de méthodologie où l’on discute de ces problématiques, des ressources dont les étudiant·e·s pourraient se saisir pour mieux penser les méthodes d’enquête, se protéger sur le terrain, et acquérir les outils permettant d’analyser et d’objectiver ces violences.

      Ce constat est le résultat d’un manque de considération certain quant au genre de l’enquête. L’enseignement méthodologique se fait le plus souvent à partir de la condition masculine, le devoir de réflexivité s’imposant alors aux seules femmes et minorités de genre – ce qu’illustre d’ailleurs l’importance qui lui est accordée dans les études de genre et de la sexualité. Telle qu’enseignée aujourd’hui, la démarche de l’enquête tend à valoriser les prises de risques. Au nom d’un imaginaire ancré du·de la chercheureuse aventurier·e, du dépassement de soi et de l’injonction à un terrain spectaculaire, les enquêteurices peuvent être poussé·e·s à se mettre en danger, davantage que dans leur vie quotidienne. Les chercheureuses sont encouragé·e·s à privilégier une forme d’intimité avec leurs enquêté·e·s, ainsi qu’à multiplier les relations et les espaces d’observation informel·le·s. En somme, à “tout prendre” pour collecter de “meilleures” données et ce, sans nécessairement avoir la formation indispensable aux pratiques ethnographiques. Fréquemment, la peur de “gâcher son terrain” ou de “se fermer des portes” redouble les risques encourus. Peut-être devrions-nous rappeler que l’abnégation de soi ne fait pas un bon terrain. Il est impératif de déconstruire ces mythes, qui comme toujours exposent davantage les femmes et minorités de genre. Qui plus est, la précarité systémique dans l’ESR – dont les jeunes chercheureuses sont les premières victimes – accentue voire favorise les prises de risques (conditions d’hébergement, de transport…).

      En tant qu’institution, l’Université se doit de visibiliser ces sujets et d’en faire de véritables enjeux. Il est pour cela nécessaire de (re)donner des moyens aux universités, la baisse drastique des financements et des recrutements empêchant la mise en place de véritables formations méthodologiques – qui nous semblent pourtant être un instrument de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, mais aussi plus généralement contre toute forme de violence dans l’enquête. Au-delà des moyens financiers, les universitaires se doivent aussi de prendre à cœur et à corps ces enjeux pour mettre fin au tabou qui entoure le sujet des violences sexistes et sexistes dans l’enquête. Mais leur seule prise en charge par les institutions en retirerait la charge politique et épistémologique. Il ne s’agit pas non plus d’être dépossédé·e·s d’espaces autonomes, d’auto-défense, pour se former, échanger, construire ensemble nos savoirs et créer des solidarités dans un champ académique qui, toujours plus compétitif et précarisé, freinent la mise en place d’initiatives collectives. En complément aux espaces déjà existants dans certaines universités ou collectifs de recherche, ce blog se veut donc être un espace dématérialisé, pour créer du lien, mutualiser les ressources, faire circuler discussions et outils, les rendre accessibles au plus grand nombre et en conserver les traces. Si l’approche par le genre est au cœur de ce blog, celui-ci a aussi vocation à visibiliser les violences racistes, validistes, classistes et, dans une perspective intersectionnelle, voir comment elles s’articulent avec les violences sexistes et sexuelles.

      (1) Si la citation de l’autrice se limite aux femmes, notons que notre réflexion et notre travail incluent de fait les minorités de genre.

      https://badasses.hypotheses.org

    • Il y aurais des « bébés trans » et on devrait les repéré en prénatal... Et aider les prises d’hormones pour des mineurs et accéléré les interventions chirurgicales. Tu peu pas voter ni te faire tatoué mais te faire détruir le corps à coup d’hormones et sous le bistouri de chirugiens vereux tout est ok
      #terf #sexisme

    • Yop, je ne suis pas sûr qu’on ait compris la même chose, il me semble bien que quand elle dit ça, elle parle de gens qui se sont découverts et qui commencent leur parcours de trans : c’est ça qu’elle appelle les bébés trans !

      Pour le reste ya plusieurs choses qui me questionnent ou avec lequel je ne suis pas d’accord, mais peu importe, c’est parce que majoritairement l’argumentation tranche complètement avec d’autres et qu’elle critique l’identité intérieur comme concept politique, et qu’elle pense qu’il faut bien se baser sur comment la société, les autres gens, nous traitent et/ou nous maltraitent, càd bien binairement en tant qu’hommes ou femmes.

    • La formule est pas terrible, d’autant plus qu’elle l’utilise après avoir affirmé qu’elle aurais du etre écouté plus jeune, prendre des bloqueurs de puberté (donc avant ou pendant la puberté) et acceleré sa transition chirurgicale. Pour les nuances que tu fait effectivement c’est un peu plus construit que le discours transactiviste mais j’ai pas pu écouté en entier, son adresse aux « terfs » a eu raison de moi.

    • Le coup des TERF d’entrée de jeu, évidemment…

      – J’ai tendance à trouver cette histoire de « matérialisme trans » assez artificielle (ici, en l’introduisant comme une réponse aux critiques venues des TERFs, ça aurait même le don de la rendre encore plus artificielle). C’est pas inintéressant, parce que pourquoi pas, classe sociale des hommes et des femmes, donc la transition comme changement de classe sociale, mais je ne trouve pas ça concluant pour autant. Par analogie : personne racisée, on peut aussi considérer qu’il s’agit de classe sociale, et dans ce cas, Michael Jackson qui se blanchissait, certes c’est sa liberté, mais est-ce la façon de dépasser le racisme que la lutte contre la négrophobie a envie de promouvoir ? Et à l’inverse, je pourrais décider d’avoir l’apparence d’une personne noire, et revendiquer ainsi que j’ai changé de classe sociale, et prétendre qu’ainsi je lutte contre les stéréotypes racistes et ce cis-patriarcho-raço-capitalisme qui ne reconnaît qu’une seule façon d’être noir ou blanc. Ce que je veux dire par là c’est qu’en introduisant la question de la classe sociale, certes on se donne un vocabulaire différent, mais je n’ai pas vraiment l’impression qu’on réponde à grand chose non plus avec ça.

      – J’ai l’impression qu’on reste encore à la question de l’identité tout en prétendant la dépasser : il s’agit toujours d’expliquer pourquoi elle est « une femme comme les autres » (c-à-d. autant qu’une femme cis). Ici non pas parce qu’elle se ressentirait de l’identité femme, mais parce qu’elle appartiendrait désormais objectivement à la classe sociale des femmes. Encore une fois, ça semble toujours largement déterminé par le fait qu’elle veut répondre à une critique des TERFs, à savoir si elle est complètement une femme, donc au final une question d’identité.

      – Il y a deux passages où j’ai trouvé qu’elle allait particulièrement vite et de manière pas du coup convaincante, sur des questions qu’elle introduit elle-même et alors que je ne suis même pas certain qu’il était indispensable d’aller par là. (1) Elle pose la question de savoir pourquoi, si ce n’est pas une question d’identité personnelle, une personne deviendrait trans : c’est il me semble là qu’elle utilise l’expression « bébé trans », et de mémoire c’est expédié en deux phrases et je n’ai pas trouvé ça bien intéressant. (2) Et l’autre passage franchement flottant qu’elle expédie vite fait, c’est qu’elle serait physiquement femme après la transition, et il n’y aurait que les chromosomes qui ne seraient pas modifiables, mais que de toute façon les chromosomes ne sont si importants que ça ; là c’est super-super léger (euphémisme). Ne serait-ce que parce qu’elle dit elle-même qu’on choisit soi-même son niveau de transition, donc là elle n’est pas loin de décrire qu’une « vraie » trans serait une personne opérée, alors qu’elle soutenait le contraire juste avant (le méchant médecin qui ne veut pas « fabriquer des brésiliennes »). Et surtout parce que ça fait l’impasse sur les caractères sexuels primaires, c’est-à-dire liés à la reproduction, et justement c’est ce qui pour les féministes est largement considéré comme le fondement du patriarcat : les hommes contrôlent le système reproductif des femmes.

      – Et surtout puisqu’elle annonce qu’elle se positionne comme répondant aux TERFs, il me semble qu’elle évite totalement les critiques habituelles. La question de l’identité et la critique de la théorie du genre sont évidemment importantes (déjà discuté ici). Mais ce qu’on entend largement, ce sont des problèmes « pratiques », sur l’impact que les revendications trans posent. La question de l’identité sexuelle ou de troubles psys qui risquent d’être détournés en « solution » trans (filles qui refusent les stéréotypes de genre, adolescent·es homosexuel·es, prévalence de troubles autistiques, hypothèse de la contagion sociale…), alors que la dysphorie de genre était un phénomène ultra-minoritaire. Lié à cette question de « simplifier » en transidentité ce qui pourrait relever d’autre chose, la question des bloqueurs de puberté, voire des opérations chirurgicales, avant l’âge adulte. Ensuite les risques que la simple « autodéclaration » fait peser sur les espaces féminins (toilettes, vestiaires, prisons). Puis la question du sport féminin, et le problème de l’inégalité de force physique entre mâles et femelles humaines. Mais aussi les conséquences sur l’exploitation des femmes qu’impliquent la prostitution et la GPA (autres revendications habituelles).

      – C’est d’ailleurs un intérêt de son intervention : en évacuant la question de l’identité personnelle, elle évacue aussi le fait que les TERFs, en critiquant la théorie du genre, seraient en train de nier l’identité même des gens, et de ce fait ça ouvrirait la porte à se comporter de manière un peu moins insultante. Par contre, elle introduit l’idée de matérialisme, mais ce faisant, elle se limite à la question de son identité de classe, mais elle occulte en quoi « matériellement », justement, certaines revendications du transactivisme impactent la classe sociale des femmes (perturbation du suivi statistique des inégalités liées au sexe, espaces protégés des femmes, protection contre les prédateurs, survie du sport féminin de haut niveau, exploitation et violence de la prostitution, marchandisation par la GPA). Et évidemment on dénonce d’entrée de jeu les médecins réactionnaires, mais on évacue les risques de la médicalisation (hormonale voire chirurgicale) précoce des adolescents. Donc « maintenant j’appartiens à la classe sociale des femmes », mais j’évacue les risques que certaines de des revendications trans impliquent pour cette « classe sociale » des femmes, des lesbiennes et des adolescent·es. (Et bien sûr je commence mon discours en insultant des femmes féministes, sinon je ne serais pas féministe.)

    • Je suis globalement d’accord, j’ai noté les mêmes points de désaccord, mais pour moi ce qui est important reste d’évincer au max (même si pas entièrement) la question de l’identité intérieure (comme une sorte de spiritualité), et se rebaser sur comment les autres dans la rue nous perçoivent, càd la vie en société à tel instant donné.

      Si déjà uniquement ce point c’était un peu plus partagé, alors on pourrait avoir des débats moins insultants, voire des débats tout court, quand bien même on serait pas d’accord sur plein d’autres points. Ça serait la base de départ d’être d’accord là-dessus.

    • Merci pour ton résumé critique @arno
      @rastapopoulos le soucis c’est que le ressenti de la personne est opposé comme un absolu et après cela on ne peu pas discuté du ressenti puisque c’est interieur à chacune. A mon avis c’est du domaine des psy (ou des religieux mais bof), et c’est avec un psy qu’on peu chercher ce qui fait qu’on se ressent d’être d’un certain genre ou autre.

      Pour la perception que les autres ont de notre genre choisi, c’est simplement jouer sur les apparences : changer sa garde-robe, se maquiller, épilé, modifié hormonalement, chirugicalement et civilement. Tout cela concerne des domaines economiques très juteux et le marché capitaliste adore le ressenti trans. Car les trans consomment énormément de tous ces produits dont l’offre s’élargit et ils représente potentiellement un marché captif à vie, ils sont très prosélyte.

      Au passage à un moment la conférencière dit qu’il faut arrêter de faire des hystérectomie aux hommes trans. Elle dit cela comme si les hystérectomies étaient faites par sadisme transphobe de la part des medecins, mais la prise de testostérone sur une période prolongée de quelques années pour une femelle de l’espèce humaine provoque l’apparition de fibromes, atrophie des tissus, ovaires polykystiques et risques de tumeurs à l’utérus et aux ovaires (entre autre pbl). Si les hommes trans sont stérilisés ce n’est pas par transphobie, mais c’est pour des raisons de santé liée à la dangerosité des hormones de transition et aussi de confort car ces atrophies et polykystes sont douloureux même si ils ne sont pas tous cancérigènes.
      source : https://entousgenresblog.wordpress.com/2020/02/21/666

      ici un article qui alarme sur la forte prévalence des cancer du col de l’uterus des hommes trans par manque de suivi gynecologique
      https://www.gyneco-online.com/colposcopie/prevention-du-cancer-du-col-uterin-chez-les-transgenres-hommes

  • Luttes LGBTI, luttes des classes ? - Mon blog sur l’écologie politique
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Luttes-LGBTI-luttes-des-classes

    En résumé, l’aura d’une pensée queer très centrée sur l’individu et son travail sur soi évoque d’autres logiques libérales, comme le développement personnel ou la pensée du mérite, et l’esprit du temps nous a beaucoup fait perdre l’idée de se penser membre d’une classe et solidaire avec les autres membres. Mais d’autres pensées non-hétéronormées existent, comme le matérialisme trans, qui nous sortent de cette ornière. Il ne s’agit pas de nier l’expérience que font les personnes peu ou pas conformes aux rôles sociaux de sexe, mais de bâtir du collectif sur la base de ces expériences en commun. Alors que se fragmentent les identités (voir les drapeaux genderfluid, genderqueer, agenre, apogenre, mavérique, non-binaire, tous termes identifiant des personnes qui ne souhaitent se reconnaître dans aucun genre, voir « Raymond reviens » qui parle à ce sujet de culture nerd), ce serait une perspective plus émancipatrice. Je laisse le dernier mot à cette blogueuse : « Si on accepte de ne pas se confiner au ressenti, on peut arriver à trouver des points communs dans les vécus pour créer du collectif. Cette façon de faire date déjà un peu, c’étaient les premières féministes qui se regroupaient et échangeaient pour voir ce qui au-delà du ressenti de chacune, étaient des points communs de leurs vécus et constituaient donc probablement des éléments spécifiques de l’exploitation des femmes. À nous de refaire de même, sans doute dans des modalités adaptées à notre époque, pour sortir du libéralisme de "chacun·e son ressenti" qui ne mène à rien. »

    #lgbti #queer #trans #genre

  • Luttes LGBTI, luttes des classes ?
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Luttes-LGBTI-luttes-des-classes

    Au contraire, si le militantisme LGBT est depuis une dizaine d’années bien vivant et actif, c’est parfois sur des bases politiques peu solides, voire franchement libérales… à l’image d’ailleurs du reste de la société, centrée sur l’individu, qui sous-estime les déterminations sociales, l’interdépendance entre les personnes, les phénomènes de captivité et qui surestime la liberté de chacun·e, son indépendance et son mérite personnel. Nous avons perdu l’habitude de nous envisager en tant que classe, nous nous voyons comme faisant partie d’une improbable classe moyenne dont se croient membres à la fois des gens qui luttent pour finir le mois et des gens aisés qui pour d’obscures raisons refusent de se penser riches. Nous ne sommes plus capables de nous placer correctement dans un décile de revenu, nous ne savons plus ce qu’est le revenu médian. « Des politiques sociales trop généreuses vont spolier les smicard·es », « les baisses d’impôt vont alléger nos budgets », etc. On peine à mesurer ses intérêts de classe !

    Et puis il y a une certaine fierté à se croire dégagé·e des logiques sociales, c’est ce que j’appelle l’anti-sociologisme ou le refus d’admettre qu’on puisse avoir un mode de vie déterminé par son appartenance de classe. Autant on se reconnaît facilement dans son signe astrologique, autant on a du mal à accepter son classement dans une catégorie sociologique. Ce que je veux dire par là, c’est que ce rapport au collectif est parfois assez incohérent, on le récuse mais on a toujours besoin d’appartenance. Conséquence de tout cela, nous peinons à penser des stratégies favorables aux classes auxquelles nous appartenons et préférons l’empowerment individuel (c’est tout le féminisme libéral avec son accent sur les choix individuels des femmes, sur leur attitude individuelle face aux inégalités, etc.). Et le genre, malgré toutes ses définitions comme un rapport social, est souvent perçu comme une caractéristique propre aux individus et une réalité intime.

    Des conflits très durs ont lieu entre des camps qui ont deux visions contradictoires de ce qu’est l’appartenance à un genre ou à l’autre.

    #Aude_Vidal #genre #LGBT #libéralisme #individualisme #politique #sociologie #matérialisme_trans #transidentité #Pauline_Clochec #transitude (attitude trans sociale) #classes_sociales #psychologisme