#goffman

  • Le Covid-19 invite à repenser nos relations quotidiennes, et en particulier celles en face à face. Il nous rappelle aussi le rôle des rites et des civilités... et donc les travaux d’Erving Goffman #Covid19 #relations #rites #civilités #Goffman

    https://sms.hypotheses.org/25026

    Le Covid-19 est une épidémie historique qui nous invite à repenser le statut de nos relations quotidiennes. Affirmons-le d’emblée : la « distanciation sociale » est attentatoire à la logique profonde des interactions, autrement dit à ce qui se passe dans des individus sont en relation les uns avec les autres. Et les « gestes barrières » sont contraires à la production du lien social, via nos mille interactions quotidiennes.

    Hors toute considération sanitaire, on peut affirmer que l’arsenal de précautions nécessaires pour enrayer l’épidémie relève d’une « défiguration symbolique ». En effet, ce sont nos relations de face à face qui sont remises en cause. Et c’est le rapport à la figure de l’autre qui se trouve bouleversé, dans l’interdiction d’approcher autrui, sous peine de sanctions épidémiques et pénales. Enfin, ce sont nos rites quotidiens d’interaction sociale (serrer la main, s’embrasser…) qui sont remis en cause.

    Plus largement, en pleine crise du Covid-19, l’épreuve du confinement et la mise à distance d’autrui nous rappellent par défaut le rôle fondamental joué par les rites et les civilités dans nos relations. Et prouvent la formidable actualité de l’œuvre d’Erving Goffman, sociologue américain d’origine canadienne (...)

  • La stratégie de la bouffonisation

    "Malgré leur diversité, les codes, les lignes de conduite proposées aux personnes affligées d’un certain stigmate s’accordent très généralement sur quelques thèmes, d’ailleurs contradictoires. L’individu stigmatisé est presque toujours prévenu contre la tentation du faux-semblant intégral. (Il est vrai que l’on voit mal comment quiconque, si ce n’est le confesseur anonyme, pourrait s’en faire l’avocat public.) On l’avertit de ne pas trop reprendre à son compte les attitudes dépréciatives des autres à son égard. On s’efforce en outre de le détourner de toute « bouffonisation » qui l’amènerait à danser complaisamment devant les normaux la ronde des défauts attribués à ses semblables, figeant ainsi une situation vécue en un rôle clownesque :

    J’ai appris aussi que l’infirme doit prendre garde à ne pas agir différemment de ce que les autres attendent. Et, par-dessus tout, ils attendent de lui qu’il soit infirme : invalide et impuissant ; leur inférieur ; et, s’il ne répond pas à leur attente, leur malaise les rend soupçonneux. C’est assez étrange à dire, mais l’infirme est obligé de jouer le rôle de l’infirme, de la même façon que beaucoup de femmes doivent se contenter d’être ce que les hommes veulent qu’elles soient, rien que des femmes ; et les Noirs ont souvent à jouer les clowns devant la race blanche « supérieure », afin que la vue de son frère noir n’effraie pas l’homme blanc. J’ai connu une naine qui constituait un exemple réellement pathétique de cette réalité. Elle était très petite, environ un mètre vingt, et d’une éducation raffinée. Malgré cela, devant les gens, elle prenait grand soin de n’être rien d’autre que « la naine », et elle jouait le rôle du bouffon avec ce rire moqueur et ces gestes vifs et comiques qui n’ont cessé d’être le propre de ses pareils depuis les cours du Moyen Age. Ce n’est que lorsqu’elle se trouvait avec des amis qu’elle osait enfin rejeter son capuchon et ses clochettes et se montrer la femme qu’elle était en réalité : intelligente, triste et très seule .... "

    [Erving Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps]

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    #stigmate

  • « En gros, on peut distinguer trois types de stigmates. En premier lieu, il y a les monstruosités du corps — les diverses difformités. Ensuite, on trouve les tares du caractère qui, aux yeux d’autrui, prennent l’aspect d’un manque de volonté, de passions irrépressibles ou antinaturelles, de croyances égarées et rigides, de malhonnêteté, et dont on infère l’existence chez un individu parce que l’on sait qu’il est ou a été, par exemple, mentalement dérangé, emprisonné, drogué, alcoolique, homosexuel, chômeur, suicidaire ou d’extrême-gauche. Enfin, il y a ces stigmates tribaux que sont la race, la nationalité et la religion, qui peuvent se transmettre de génération en génération et contaminer également tous les membres d’une famille. Mais, dans tous les cas de stigmate, y compris ceux auxquels pensaient les Grecs, on retrouve les mêmes traits sociologiques : un individu qui aurait pu aisément se faire admettre dans le cercle des rapports sociaux ordinaires possède une caractéristique telle qu’elle peut s’imposer à l’attention de ceux d’entre nous qui le rencontrent, et nous détourner de lui, détruisant ainsi les droits qu’il a vis-à-vis de nous du fait de ses autres attributs. Il possède un stigmate, une différence fâcheuse d’avec ce à quoi nous nous attendions. » (#Goffman, #Stigmate)

    #Racisme #Antiblanc