• Radio Canada Des tests de paternité vendus au Canada qui identifiaient le mauvais père D’après des renseignements fournis par Jorge Barrera, de CBC News

    « [Nos tests de paternité prénataux] n’étaient pas si fiables », admet à la caméra cachée le propriétaire de la compagnie Viaguard Accu-Metrics, de Toronto, qui a vendu de tels tests d’ADN en ligne pour 800 $ à 1000 $ de 2014 à 2020, selon une enquête de CBC.

    Harvey Tenenbaum, qui dirige toujours le laboratoire de Toronto à l’âge de 91 ans, a confié à la caméra cachée d’un journaliste de CBC qui se faisait passer pour un client, qu’il se « méfie de ce test maintenant ».

    Grâce à un kit maison visant à prélever quelques gouttes de sang de la femme enceinte et un échantillon buccal d’ADN de l’homme, le test devait permettre de confirmer l’identité du père avant la naissance de l’enfant.


    À la caméra cachée, M. Tenenbaum admet toutefois que le test a produit des résultats erronés au fil des années.

    C’est arrivé. Un père blanc se fait tester et le bébé est noir.
    Une citation de Harvey Tenenbaum, propriétaire du laboratoire

    À la caméra cachée, M. Tenenbaum se dit conscient des conséquences possibles d’une erreur : “Si on identifie le mauvais père, la mère peut avoir un avortement.”

    Questionné par CBC, il assure publiquement que les tests étaient, au contraire, « précis » et « parfaits ». Il a cessé de les vendre, ajoute-t-il, parce que l’un des éléments était devenu trop coûteux.

    La vie chamboulée d’une mère
    “Je hais le nom Viaguard”, lance Corale Mayer, 22 ans, de North Bay, en Ontario.

    Lorsqu’elle est tombée enceinte en 2019, à l’âge de 19 ans, elle n’était pas sûre de qui était le père et a commandé un test de Viaguard, renvoyant ensuite les échantillons demandés par la poste.

    Un premier test erroné de la compagnie, raconte-t-elle, lui a fait croire que le père n’était pas l’homme avec qui elle était. Un deuxième test, lui aussi erroné a-t-elle appris après la naissance de sa fille, indiquait que le père était plutôt un autre homme, qui ne voulait rien savoir d’avoir un enfant.

    Ça a été extrêmement traumatisant.
    Une citation de Corale Mayer, mère

    Elle a lancé un groupe dans les médias sociaux qui compte des dizaines d’autres personnes qui soutiennent que leur vie a aussi été chamboulée par des tests de paternité erronés de Viaguard.

    La faute du test ?
    Sika Richot a travaillé comme réceptionniste pour Viaguard durant près de trois mois en 2019.

    Elle soutient que le laboratoire lui demandait de questionner les femmes qui commandaient un test de paternité sur leur cycle menstruel et sur les dates auxquelles elles avaient eu des relations sexuelles avec les différents pères possibles, des questions qui n’ont rien à voir avec un test d’ADN.

    Le personnel compilait ensuite ces renseignements dans un cycle d’ovulation pour réduire le nombre de pères potentiels, affirme Mme Richot. “[Tenenbaum] allait toujours dire : ’’Celui-ci est le père biologique, c’est certain’’”, soutient-elle.

    https://i.cbc.ca/1.7167663.1712622642!/fileImage/httpImage/image.jpg_gen/derivatives/original_780/harvey-tenenbaum.jpg

    M. Tenenbaum laisse entendre, lui, que les clients sont responsables des résultats erronés, en raison d’une mauvaise collecte des échantillons. “On a fait des milliers de tests et la moitié des erreurs venaient de la collecte”, dit-il.

    Le Dr Mohammad Akbari, directeur de recherche au laboratoire de génétique moléculaire de l’Hôpital Women’s College, à Toronto, affirme que le genre de test que Viaguard disait utiliser est fiable normalement, mais qu’il faut plus que quelques gouttes de sang de la mère pour confirmer l’ADN du fœtus.

    Il faut au moins 10 ml de sang d’une veine de la mère pour un test adéquat.
    Une citation de Le Dr Mohammad Akbari, expert dans les tests d’ADN

    Dans certains cas, comme l’illustre une poursuite contre Viaguard en Californie, les clients devaient se rendre à un laboratoire pour le prélèvement de sang. Cette poursuite s’est conclue par un règlement à l’amiable.

    Santé Canada indique par courriel qu’elle ne réglemente pas les tests commerciaux d’ADN comme ceux de Viaguard.

    La compagnie n’offre plus de tests de paternité prénataux, mais continue à vendre des tests d’ADN postnataux, tout comme des tests pour déterminer la race des chiens, notamment.

    D’après des renseignements fournis par Jorge Barrera, de CBC News

    #ADN #Tests #identité #enfants #fœtus #laboratoires #maternité #paternité #femmes #hommes #famille #médecine #génétique

  • Les territoires des émeutes
    https://laviedesidees.fr/Les-territoires-des-emeutes

    Le haut niveau de #ségrégation urbaine constitue le meilleur prédicteur des violences. La différence la plus marquante entre 2023 et 2005 est l’entrée en scène des villes petites et moyennes, où les adolescents de cités d’habitat social s’identifient aux jeunes des banlieues de grandes métropoles.

    #Société #jeunesse #banlieue #révolte #urbanisme #gilets_jaunes
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240412_emeutes.pdf

    • Conclusion

      Le retour sur les émeutes de #2005 a permis de mettre en évidence à la fois des continuités et des changements par rapport à celles de #2023. Si de façon générale, les communes les plus défavorisées ont de plus fortes probabilités de connaître des émeutes, c’est surtout la ségrégation des situations sociales les plus précaires et des immigrés dans des quartiers spécifiques (#QPV) qui apparaît comme un élément de contexte crucial. À profil social et urbain équivalent, avoir un QPV augmente de façon très significative la probabilité de connaître des émeutes. De plus, cette #ségrégation_sociale et ethnique s’accompagne d’une forte #ségrégation_scolaire dont nous avons pu mesurer également l’impact : plus elle est importante, plus les émeutes sont intenses et violentes.

      Les quartiers en question sont ceux directement concernés par la #politique_de_la_ville (QPV, #PNRU, #NPNRU) depuis plusieurs décennies. Si des changements sont indiscutables sur le plan de l’amélioration du cadre de vie des habitants et plus particulièrement des #conditions_de_logement, un grand nombre de ces quartiers continuent de concentrer une large part de la jeunesse populaire d’origine immigrée, celle la plus touchée par la #relégation, les #discriminations et les #violences_policières, et donc celle aussi la plus concernée par les émeutes. Si la #mixité_sociale et ethnique s’est sensiblement améliorée dans certains quartiers, d’autres demeurent des espaces de très forte #homogénéité_sociale et ethnique, que l’on retrouve dans les #écoles et les #collèges. Ceux où les interventions de l’#ANRU ont été moins intenses ont même vu le nombre de ménages pauvres augmenter. En Île-de-France, la quasi-totalité des communes qui avaient connu des émeutes en 2005, pourtant concernées par la politique de la ville, en ont connu également en 2023.

      Notre approche socio-territoriale met d’autant plus en évidence les limites d’une analyse au niveau national, que les émeutes de 2023 se sont diffusées dans un plus grand nombre de petites villes et villes moyennes auparavant moins touchées par ces événements. Cette plus grande diversité territoriale est frappante lorsque l’on compare les banlieues des très grandes métropoles, à commencer par les banlieues parisiennes, aux #petites_villes et #villes_moyennes. Le poids du #logement_social, de l’immigration, la suroccupation des logements, le niveau de #pauvreté, mais aussi la façon dont ces dimensions se rattachent aux #familles_monoparentales et nombreuses, renvoient à des réalités différentes. Pourtant, dans tous les cas, la ségrégation joue un rôle déterminant.

      Cette approche contextuelle ne suffit pas à expliquer l’ensemble des mécanismes sociaux à l’œuvre et ce travail devra être complété à la fois par des analyses plus fouillées et qualitatives, ciblées sur les réseaux sociaux, la police et les profils des protagonistes, mais aussi des études de cas renvoyant aux différentes configurations socio-territoriales. Des études qualitatives locales devraient permettre de mieux comprendre comment, dans les différents contextes, les dimensions sociales et ethno-raciales interagissent lors des émeutes. Cela permettrait par exemple de mieux saisir l’importance de la mémoire des émeutes dans les quartiers populaires des banlieues des grandes métropoles, sa transmission et le rôle des réseaux militants et associatifs. Dans le cas des petites villes et des villes moyennes, la comparaison avec le mouvement des Gilets jaunes apporte un éclairage particulièrement intéressant sur l’intersection et la différenciation des formes que peuvent prendre la colère sociale et le ressentiment.

      #émeutes #violence #villes #urban_matter #violences_urbaines #banlieues #ségrégation_urbaine #violences #statistiques #chiffres

  • Homöopathin versucht seit 12 Jahren erfolglos, ihren Mann zu vergiften
    https://www.der-postillon.com/2021/04/homoeogift.html

    Kiel (dpo) - Was macht sie nur falsch? Schon seit 12 Jahren versucht Sarah W. ohne Erfolg, ihren Mann zu vergiften. Doch was die gelernte Heilpraktikerin und Homöopathin auch tut – es will ihr einfach nicht gelingen, ihren Robert um die Ecke zu bringen.

    „Langsam verliere ich den Glauben, dass es noch klappt“, klagt die 37-Jährige. „Ich verstehe nicht, wie Robert alles, was ich ihm verabreiche einfach so wegsteckt, als wäre nix. Eigentlich müsste er schon hundertmal tot umgefallen sein.“

    Dabei war sie im Frühling 2012 noch voller Hoffnung gewesen, ihren lästigen Ehemann bald los zu sein: „Ich hatte mir Arsen besorgt, eines der wirksamsten Gifte, die es gibt“, berichtet sie. „Ich wollte es ihm erst einfach so in den Kaffee schütten, aber dann fiel mir ein, dass ja jede Substanz deutlich stärker wird, je mehr man sie verdünnt. Also habe ich das Arsen im Verhältnis 1:100.000.000 (D8) verschüttelt. Ich wollte ihn ja nicht mit unwirksamem Schulgift umbringen.“

    Doch der hochpotente Gift-Trank, den Sarah W. ihrem Mann schließlich vorsetzt, bleibt ohne Wirkung – selbst nach Wochen täglicher Verabreichung bleibt Robert kerngesund.
    Sarah W.: „Ein Grund, warum ich Robert umbringen will, ist, dass er mich immer verspottet, weil ich an so esoterischen Kram glaube. Das Lachen wird ihm schon noch vergehen. Irgendwann.“

    „Also habe ich die Dosis logischerweise immer weiter reduziert“, erklärt sie. „Aber so sehr ich das Gift auch verdünnt habe, es wollte trotzdem einfach nicht klappen.“

    Inzwischen möchte W. von Arsen auf einen anderen Wirkstoff umzuschwenken. „Ich habe diese Woche zu meinem Entsetzen festgestellt, dass verdünntes Arsen und andere Gifte homöopathisch genutzt werden, um Leute gesund zu machen. Habe ich Robert all die Jahre versehentlich geholfen, statt ihn zu töten? Wenn verdünnte Gifte heilen, muss ich dann gesunde Stoffe verdünnen? Jedenfalls werde ich ihm jetzt eine Potenzierung aus lebenswichtigen Multivitaminen, belebenden Spurenelementen und gesunden Aminosäuren verabreichen. Wenn er dann nicht endlich tot umkippt, weiß ich auch nicht mehr weiter.“

    #satire #homéopathie #charlatans

  • L’#utérus, un organe d’homme ?

    Biologiquement organe des corps femelles chez les mammifères, l’utérus joue un grand rôle dans le processus de #reproduction. Chez l’être humain, l’utérus, dont la forme rappelle celle d’une poire, est situé au-dessus de la vessie, en avant du rectum, et est tenu par un ensemble de ligaments ; il mesure environ six centimètres en hauteur et cinq en largeur, comme le montre la figure 1, issue de la première traduction française du manuel féministe Our Bodies, Ourselves (Notre corps, nous-mêmes), paru à la fin des années 1970 : l’enjeu est alors, en accordant une large place à l’iconographie et à des planches anatomiques simples, de diffuser un savoir sur les corps qui ne soit plus le seul monopole du corps médical. Quoique communément associé au féminin et considéré comme un des attributs de la féminité, autant que les seins ou le clitoris par exemple, l’utérus est pourtant de fait un organe éminemment social. C’est sur cette tension que les différentes notices de cette exposition se concentrent, en optant pour une lecture sociale, culturelle et historique de l’utérus.

    Depuis plusieurs décennies, le #corps est un objet des sciences humaines et sociales, qui l’étudient dans une approche essentiellement globale, le tout primant sur les parties, les organes. Il est de plus surtout analysé par le biais des apparences – sa surface – et de ses capacités – sa mécanique. Les organes internes, moins accessibles au regard, sont restés largement à l’écart de la recherche. Leur étude se heurte notamment à la difficulté de les appréhender au-delà du sens fonctionnel que leur confère l’étymologie : organon « instrument, outil ». C’est cette difficulté que cette exposition choisit d’affronter, en faisant primer les représentations de l’utérus en tant que « partie du corps » sur celles mettant l’accent sur sa fonction reproductive.

    Caché, dissimulé et difficile d’accès, l’utérus est historiquement sacralisé et fantasmé dans un grand nombre de cultures et d’aires géographiques. Il présente donc le paradoxe d’un organe qui semble a priori l’étendard du féminin, mais sur lequel ce sont d’abord ceux qui en sont biologiquement dépourvus qui s’arrogent des droits. Droit de le connaître et de le soigner, à travers l’accaparement masculin de la sphère des savoirs. Droit de le posséder et d’en régir les usages, politiquement et économiquement. Droit de le violenter, comme le montre le caractère systémique des souffrances infligées à l’organe, et plus généralement aux corps qui le portent, sous couvert de soins. Droit d’en discourir et d’en produire des images. C’est ce qu’illustre cette cire (fig. 2) représentant une césarienne et exposée jusqu’au milieu du XXe siècle dans le musée que crée Pierre Spitzner en 1856 à Paris afin de vulgariser le savoir anatomique et d’informer sur les maladies vénériennes*. La parturiente, consciente, a les pieds attachés et les bras maintenus derrière la tête. Entouré des mains masculines de ses accoucheurs, son ventre ouvert laisse voir un utérus contrôlé par les hommes.

    Le fil directeur de l’exposition interroge ainsi prioritairement l’évolution des représentations de l’utérus, leur caractère genré et les dynamiques d’appropriation et de réappropriation de ceux et celles qui les produisent. En accordant, au sein de chaque entrée thématique une large place à la diachronie, cette exposition cherche donc à révéler les permanences et les changements dans les discours et les considérations socio-historiques sur cet organe. Elle offre un parcours trans-siècles, même si toutes les périodes ne sont pas également représentées. D’un point de vue géographique, les notices se concentrent principalement sur des contextes occidentaux ; quelques incursions dans d’autres aires invitent à poursuivre les réflexions vers d’autres moments et lieux.

    https://omeka.univ-angers.fr/s/musea/page/l-uterus-un-organe-d-homme
    #femmes #hommes #exposition #exposition_virtuelle #représentations #féminisme

  • #France : une #statue de #Bigeard, le tortionnaire des Algériens, déclenche la polémique

    Alors que l’Algérie continue de réclamer la reconnaissance et la condamnation de la torture coloniale française, le projet d’ériger une statue à #Toul (Meurthe-et-Moselle, nord-est de la France) en l’honneur du colonel Marcel Bigeard suscite une colère légitime chez les Algériens et les Français qui ont conscience des crimes de la #colonisation.

    Bigeard, symbole de la cruauté et de la barbarie de la guerre d’Algérie, est accusé d’avoir commandité et pratiqué la torture contre des Algériens. Son nom est gravé dans la mémoire collective comme synonyme de terreur et de répression.

    Les témoignages poignants des victimes et de leurs familles, ainsi que les documents historiques, accablent Bigeard. Son Manuel de contre-guérilla, véritable manuel de torture, justifie et encourage l’utilisation de cette pratique barbare.

    Le refus de Bigeard de reconnaître ses crimes et son arrogance face aux accusations ne font qu’amplifier la douleur et la colère des Algériens.

    « Comment pouvons-nous envisager d’ériger une statue du parachutiste Marcel Bigeard, comme le souhaite la municipalité de Toul ? Est-il concevable de glorifier la pratique de la torture coloniale dont il est l’un des symboles ? »
    L’association Union Algérienne menace de saisir la justice pour « apologie de crime de guerre »

    C’est ainsi que s’interrogent les historiens français Fabrice Riceputi et Alain Ruscio dans une longue pétition cosignée par les deux hommes et publiée samedi (16 mars) sur le site « Histoire coloniale » (lancé en 2017 par des chercheurs et des enseignants en histoire en France). La pétition est adressée au public français.

    Les historiens annoncent que l’Association française d’histoire coloniale a l’intention de faire pression sur la municipalité de Toul, d’où est originaire Bigeard (décédé en 2010), pour l’empêcher d’ériger la statue.

    La pétition souligne que « l’acte que la municipalité de Toul s’apprête à accomplir intervient au moment où les municipalités de Paris et de Marseille ont retiré les plaques commémorant le maréchal Bugeaud, bourreau du peuple algérien pendant la conquête coloniale ».

    Alors que la France s’engage timidement à reconnaître son passé colonial, glorifier un tortionnaire comme Bigeard est une insulte à la mémoire des victimes algériennes et un obstacle à la réconciliation entre les deux pays.

    De son côté, l’association Unions Algérienne compte saisir la justice pour « apologie de crime de guerre » si la statue de #Marcel_Bigeard est érigée à Toul.

    https://www.algerie360.com/france-une-statue-de-bigeard-le-tortionnaire-des-algeriens-declenche-la-
    #Algérie #monument #toponymie #toponymie_politique #torture #guerre_d'Algérie

    ping @cede

    • Scandale à Toul, une statue pour honorer le général Bigeard, tortionnaire en Algérie

      Dans la sous-préfecture de Meurthe-et-Moselle, l’érection d’une statue en #hommage au général Marcel Bigeard, accusé de torture en Algérie, oppose la mairie, pourtant de gauche, à un collectif citoyen d’historiens, d’associatifs, de communistes et d’insoumis.

      La statue en bronze, haute de plus de deux mètres, dort pour le moment dans un entrepôt de caserne du 516e régiment du train. À moins de deux kilomètres de la vive controverse qu’elle suscite dans cette sous-préfecture de Meurthe-et-Moselle, peuplée de 15 000 habitants.

      Elle représente, glorieux dans son uniforme de parachutiste, Marcel Bigeard. Général multidécoré, résistant, ancien député et secrétaire d’État à la Défense. Né à Toul, élu à Toul, mort à Toul. Bref un « enfant du pays », dont la statue devait être érigée le 18 juin prochain, pour l’anniversaire de l’appel de Charles de Gaulle et celui de la mort de Bigeard.

      Mais le général, décédé en 2010, n’a pas que des thuriféraires. Car l’homme est aussi, bien qu’il l’ait nié toute sa vie, l’un des artisans du système de torture institutionnalisé durant la guerre d’Algérie, notamment durant la « bataille d’Alger ».

      Lorsque l’armée française se livre à des exécutions sommaires, coulant les pieds de ses prisonniers dans le béton avant de les jeter à la mer depuis des hélicoptères, les Algériens surnomment cette technique sordide « les crevettes Bigeard ». Un collectif toulois, « Histoire et mémoire dans le respect des droits humains », s’est donc créé pour protester contre l’érection de la statue, votée deux fois par le conseil municipal, pourtant dirigé par la gauche, en 2018 et en 2023.
      « La mettre à côté d’un monument aux morts, c’est une honte ! »

      Le 26 mars, une centaine de Toulois, communistes, insoumis, militants de la Ligue des droits de l’homme ou d’associations antiracistes ont bravé le crachin qui mouille les pavés du vieux centre, non loin de l’hôtel de ville, pour protester à nouveau contre cette décision.

      L’initiateur du collectif, Philippe Champouillon, 88 ans et lui-même vétéran d’Algérie, monte à la tribune. Il s’est longtemps battu seul contre la mairie. Sa voix usée peine à contenir son émotion : « Cette statue glorifierait un passé qui salit la France, et ternirait le patrimoine culturel de Toul. La mettre à côté d’un monument aux morts, c’est une honte ! »

      La sculpture doit en effet prendre place dans un ensemble mémoriel, située à l’entrée de la ville pour qui arrive par la gare de Toul. Un imposant édifice commémorant les morts de l’invasion prussienne de 1870 y toise les grandes plaques en hommage aux morts des deux guerres mondiales.

      Derrière, coule une petite rivière, à l’ombre des remparts de la vieille ville, réminiscence de la fonction militaire de cette commune, qui accueille depuis plusieurs siècles des garnisons. Durant l’entre-deux-guerres, il y vivait plus de militaires que de civils. Dans cette commune où l’on peut croiser l’ancienne ministre Nadine Morano, qui fit un mandat de députée dans la circonscription, les soldats ont bonne presse, et la fibre patriote est vive.

      « Nous ne sommes pas dans une ville ouvrière, marquée par des luttes syndicales, confirme Patrick Bretenoux, secrétaire de la section PCF de Toul. C’est plutôt une ville marquée par son passé militaire, et l’ancrage de la religion catholique. Il y a un fort vote RN. » Marine Le Pen a recueilli 49,4 % des suffrages à Toul, au second tour de la présidentielle 2022. Le député actuel est toutefois socialiste. Mais Dominique Potier n’a pas souhaité, pour le moment, s’exprimer sur l’affaire de la statue de Toul. Le maire, Alde Harmand, lui, « assume ».
      Une décision en plusieurs étapes

      Rembobinons. En 2018, la Fondation Général-Bigeard, dépositaire de sa mémoire, propose d’offrir à Toul une statue du général, tous frais payés. Anne-Marie Quenette préside cet organisme. Outre son combat en faveur du gradé, cette ancienne avocate, aujourd’hui très âgée, s’est battue pour réhabiliter la mémoire de son père, Jean Quenette, un préfet « vichysto résistant » déclaré inéligible après la Libération pour avoir voté les pleins pouvoirs à Pétain. Le conseil municipal met la proposition au vote.

      Elle est acceptée. Les communistes, qui siégeaient dans la majorité et y siègent encore, s’abstiennent lors de ce premier scrutin. Cinq ans et une pandémie mondiale plus tard, en 2023, le maire organise un second scrutin. Les communistes votent cette fois contre, mais l’installation de la statue est à nouveau adoptée.

      Ses promoteurs s’appuient sur le fait qu’il n’y a pas de preuve directe que Marcel Bigeard se soit livré lui-même à des actes de torture, et sur ses dénégations tout au long de sa vie. En 2000, dans les colonnes du journal d’extrême droite Minute, le général en retraite assurait être « incapable d’écraser un poulet sur la route ou d’égorger un lapin. »

      Bigeard n’a rien avoué ni regretté, tout juste a-t-il évoqué un « mal nécessaire », contrairement à ses compagnons d’armes Aussaresses ou Massu. Ce dernier avait d’ailleurs déclaré, sans qu’on puisse prouver ses dires : « la première fois que j’ai vu une gégène, c’était chez Bigeard. »

      Le général Bigeard a aussi rédigé sept autobiographies pour parler de ses « hauts faits ». « De nombreux participants de la guerre d’Algérie ont éprouvé le besoin d’écrire sur eux-mêmes, de se mettre en scène, relève l’historien spécialiste de la période coloniale Alain Ruscio, qui a fait le déplacement à Toul pour épauler le collectif anti-statue. Bigeard, qui écrit souvent à la troisième personne en parlant de lui-même, se raconte comme le grand vainqueur de la « bataille d’Alger ». »

      En 1957, dix mille parachutistes sont largués sur la capitale coloniale, pour briser les revendications d’indépendance. « Ce n’était pas une bataille, mais une militarisation de la répression, voulue par le pouvoir politique, socialiste en l’occurrence, rappelle l’historien Fabrice Riceputi, présent également à Toul.

      L’objectif n’est pas de combattre les poseurs de bombe, mais de briser une grève anticoloniale déclarée par le FLN. Pour ça, les paras ont carte blanche pour enfermer, torturer, exécuter. C’est à ça qu’a participé le régiment commandé par Marcel Bigeard. Sa responsabilité est évidente. »

      Au vu de son grade d’officier parachutiste pendant la « bataille d’Alger », le fait qu’il ait cautionné et commandé l’utilisation de la gégène ou du supplice de la noyade ne souffre donc aucune contestation. Auprès de l’Humanité, le maire de Toul, Alde Harmand, ex-socialiste, balaie pourtant : « c’est le point de vue de certains, ce n’est pas à la collectivité de juger. Nous recevons autant de courriers de gens pour la statue que de gens contre. »

      L’élu concède qu’il « eut été plus heureux qu’il soit représenté en général ou en civil, plutôt qu’en para. Mais cet uniforme, ce n’est pas que l’Algérie, c’est aussi Dien Bien Phu ». Avant Alger, Marcel Bigeard a en effet opéré en Indochine, sans que l’on comprenne bien en quoi c’est une bonne nouvelle. Alde Harmand s’agace de cette controverse qui dépasse maintenant la seule politique locale : « c’est quelqu’un d’important pour Toul, il y est né, il y est mort.
      Nostalgérie

      C’est un des généraux les plus décorés de France, si on avait estimé qu’il avait commis des actes condamnables, il aurait été déchu. » « Dire qu’il y aurait encore un débat sur l’utilisation de la torture comme système en Algérie, cela relève du négationnisme », tranche l’historien Fabrice Riceputi.

      À Toul, difficile de « déboulonner » l’aura du général Bigeard. Le militaire a déjà une avenue à son nom qui, en longeant la Moselle, permet de rejoindre l’autoroute. Elle fut inaugurée de son vivant, en 1979, en présence de Valéry Giscard d’Estaing, qui l’avait nommé au gouvernement.

      Au village de Lucey, à quelques kilomètres de là, tous les 1er mai, des petits groupes de retraités, anciens d’Algérie, crapahutent dans la campagne lors du traditionnel « rallye Bigeard ». Une promenade au vert, prétexte à un gueuleton nostalgique, où on mange du couscous « comme là-bas ». Il fut un temps où le général Bigeard y participait lui-même. En 2022, sa fille en était l’invitée d’honneur.

      « Au niveau de la commune, on peine à rassembler et surtout à intéresser les jeunes, qui ne connaissant pas Bigeard ou bien s’en fichent », reconnaît le communiste toulois Patrick Bretenoux. Au niveau national, la pétition contre la statue a été signée entre autres par le secrétaire national du PCF Fabien Roussel et les députés insoumis Antoine Léaument et Thomas Portes. Elle totalise un peu plus de 1200 signatures.

      La statue sera-t-elle révélée en grande pompe le 18 juin 2024, comme prévu à l’origine ? Le bras-de-fer continue. D’autant que le nom du sculpteur choisi par la Fondation Marcel-Bigeard n’a pas échappé aux détracteurs du projet. Boris Lejeune est un collaborateur régulier de la revue Catholica, proche de l’ultra-droite catholique.

      L’artiste a à son actif une statue de Jeanne d’Arc livré à la mairie de Saint-Pétersbourg en 2021. Et, à Orange, ville dirigée de longue date par l’extrême droite, c’est sa signature qu’on retrouve en bas du Mémorial de la Terreur, dédié aux religieux tués lors de la Révolution française.

      https://www.humanite.fr/politique/guerre-dalgerie/scandale-a-toul-une-statue-pour-honorer-le-general-bigeard-tortionnaire-en-

  • #Vidéo « Ça fait super mal en fait ! » : des députés ont expérimenté un simulateur de règles douloureuses

    Les députés écologistes #Sébastien_Peytavie et #Marie_Charlotte_Garin vont défendre une proposition d’#arrêt_menstruel à l’Assemblée, fin mars.
    Des petits cris de douleur. Les députés écologistes Sébastien Peytavie et Marie-Charlotte Garin ont fait tester à certains de leurs collègues masculines un simulateur de règles douloureuses, alors que leur proposition de loi pour instaurer un arrêt menstruel doit être débattue à partir du 27 mars à l’Assemblée nationale. Le texte, qui doit être étudié dans le cadre de la niche parlementaire écologiste, propose aux personnes atteintes de règles incapacitantes, et pouvant le justifier par un certificat médical, de prendre jusqu’à 13 jours d’arrêt maladie par an, sans carence.

    Dans une vidéo publiée sur X (ex-Twitter) vendredi 22 mars (https://twitter.com/speytavie/status/1771268422820590019), plusieurs députés de tout bord se prêtent à l’exercice... non sans douleur. « Ça fait super mal en fait ! », réagit notamment Benjamin Saint-Huile, député Liot du Nord. « Très douloureux », a aussi commenté l’ancien ministre Clément Beaune, redevenu député Renaissance de Paris. « C’est bien cette expérience, cela nous permet de mieux se mettre à la place… C’est horrible en fait », a réagi le député Les Républicains de l’Oise Maxime Minot.

    En février, le groupe socialiste au Sénat avait échoué à faire adopter un texte similaire. Le ministre de la Santé, Frédéric Valletoux, s’était montré ouvert à la discussion pour « continuer à briser les tabous », mais il s’était opposé à cette généralisation qui « tourne le dos au dialogue social », évoquant notamment le « risque de discrimination à l’embauche ».

    https://www.francetvinfo.fr/societe/droits-des-femmes/video-ca-fait-super-mal-en-fait-des-deputes-ont-experimente-un-simulate
    #règles #menstruations #douleur #hommes #femmes #test #expérimentation #parlement #France

  • Peut-on être sans norme ?
    https://laviedesidees.fr/Peut-on-etre-sans-norme

    Peut-on critiquer les #normes sans retomber à son tour dans une autre forme de normativité ? P. Niedergang nous invite à distinguer normalisation et normativité, communauté et « communisme queer ». À propos de : Pierre Niedergang, Vers la normativité queer, Editions Blast

    #Philosophie #homosexualité #sexualité #commun #Double_Une
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/202401_normes.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240321_normes.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240321_normes.docx

  • Women ask fewer questions than men at seminars
    (de 2017, je mets ici pour archivage)

    ONE theory to explain the low share of women in senior academic jobs is that they have less self-confidence than men. This hypothesis is supported by data in a new working paper, by a team of researchers from five universities in America and Europe. In this study, observers counted the attendees, and the questions they asked, at 247 departmental talks and seminars in biology, psychology and philosophy that took place at 35 universities in ten countries. On average, half of each seminar’s audience was female. Men, however, were over 2.5 times more likely to pose questions to the speakers—an action that may be viewed (rightly or wrongly) as a sign of greater competence.

    (#paywall: si quelqu’un·e a accès...)
    https://www.economist.com/science-and-technology/2017/12/07/women-ask-fewer-questions-than-men-at-seminars
    #statistiques #chiffres #questions #séminaires #conférences #genre #femmes #première_question #hommes

    • How to stop men asking all the questions in seminars – it’s really easy!

      I spotted a short item on gender #bias in academia in the Economist this week and tweeted it, which then went viral. The tweet read:

      https://frompoverty.oxfam.org.uk/wp-content/uploads/2022/09/questions-in-seminars-508x1024.png

      ‘In academic seminars, ‘Men are > 2.5 times more likely to pose questions to the speakers. This male skew was observable only in those seminars in which a man asked first question. When a woman did so, gender split disappeared’. CHAIRS PLEASE NOTE – FIRST Q TO A WOMAN – EVERY TIME.’

      Which confirms an impression I’ve had when chairing assorted discussions – if you let men dominate from the start, it stays that way, but call on women for the first few questions, and things work out much better.

      The research paper that backs up the stats can be found here. It’s based on survey responses of over 600 academics in 20 countriesand observational data from almost 250 seminars in 10 countries. Kudos to the authors, Alecia Carter, Alyssa Croft, Dieter Lukas and Gillian Sandstrom. Their broader recommendations are:

      ‘Increasing the time for or number of questions reduces the imbalance in the questions asked. We recommend that, where possible, the question time not be limited. This could be achieved through, for example, booking a seminar room for longer than one hour so that the next event in the room does not cut short the question time. Having said this, our data suggest that to overcome the male-first question bias, upwards of 25 min is needed for questions, which was a rare occurrence in our data and additionally may be a taxing requirement for the speaker after having given a seminar.

      Alternatively, keeping questions and answers short will allow more questions to be asked during a given question period, and could be an alternative method to allow greater balance in the questions asked. We feel that more could be done through active changes in speakers’, attendees’ and particularly moderators’ behaviour. Having an active, trained moderator may avoid those situations where one audience member seems to be “showing off” (which survey respondents claim to be the case quite often), or is going off-topic, or a speaker who goes over time.

      We would recommend that, should the opportunity arise, a female-first question be prioritised because this was a good predictor of low imbalance in the questions asked in our observational data. In addition, moderators could be trained to see the whole room (location was mentioned as a factor), and to maintain as much balance as possible with respect to gender and seniority of question-askers. In the open-ended survey questions, respondents complained that moderators call on people they know or more senior people, overlooking the rest.

      https://frompoverty.oxfam.org.uk/wp-content/uploads/2022/09/speeches-disguised-as-comments.jpg

      Although it may seem fair to call on people in the order that they raise their hands, doing so may inadvertently result in fewer women and junior academics asking questions, since they often need more time to formulate questions and work up the nerve.

      Our data clearly show that women are not inherently less likely to ask questions when the conditions are favourable—there is no gender bias when a woman asks the first question. Our suggestions should be seen as aims to create favourable conditions that remove the barriers to speaking up and being visible.’

      One of the single most useful bits of gender-related research I’ve read in a long time. I will do things differently from now on.

      Update: most useful additional advice on twitter comes from Joe Smith. He attended a recent seminar where the chair announced he would take Qs in order ‘girl-boy-girl-boy’. Lets people know in advance, is obviously fair, and is light hearted and infinitely preferable to male chair ‘look how feminist I am’ trumpet-blowing.

      https://frompoverty.oxfam.org.uk/how-to-stop-men-asking-all-the-questions-in-seminars-its-reall
      #université #recherche #ESR #solution

  • The (many) costs of border control

    I have recently finished writing up a four-year study of the UK immigration detainee escorting system. This fully outsourced form of border control has not been the subject of academic inquiry before. While there is a growing body of work on deportation, few people have studied the process and its organisation in person, while sites of short-term detention have similarly been overlooked.

    The escorting contract is run as two separate businesses: ‘in-country’, known (confusingly for those more familiar with the US) as ICE, and Overseas, also referenced as OSE. ICE includes 31 sites of short-term immigration detention, many of which are in ports and airports including four in Northern France around Calais and Dunkirk, and a fleet of secure vans and vehicle bases. Overseas officers enforce removals and deportations. While staff may be cross deployed for ‘operational needs’, and some people do move from one part to another over the course of their careers, ICE and OSE are managed separately and staff in each tend to view themselves as distinct from colleagues working for the other.

    The study took many years to arrange and then was severely disrupted by the COVID-19 pandemic. It was one of the most taxing pieces of research I have ever done, and I am still recovering from it. A book about the project is currently in press and should be out later this year, with Princeton University Press. Here I explore some of the ‘costs’ of this system; in financial terms, in its impact on those employed within it, and on their communities. All these matters occur in the context of the impact of the system of those subject to it, as they are denied entry and forced to leave. As a researcher, I was also adversely affected by studying this system, but I shall leave reflections on that to a different piece.

    The current ten-year contract was awarded to Mitie, Care & Custody, in December 2017 at an estimated cost to the public of £525 million. Previous incumbents included Tascor, (part of the Capita group) and G4S. Like those competitors, Mitie holds many other contracts for a variety of public and private organisations. In their 2023 annual report, ‘Business Services’ (29%, £1172m) and ‘Technical’ Services (29% £1154m) provided the lion’s share of the company’s income, followed by ‘Central Government and Defence’ (20%, £828m). Profits generated by ‘Care & Custody’, which includes those generated by three immigration removal centres (Harmondsworth, Colnbrook and Derwentside) that are run under a different set of legal and financial arrangements, were not listed separately. Instead, they formed part of a general category of ‘Specialist Services’ made up of three other businesses areas: ‘Landscapes’, ‘Waste Management’ and, rather incongruously, ‘Spain’. Together, these four sets of contracts constituted just 10% of the company’s revenue (£411m) that year.

    The precise agreement that the Home Office signed for the services Mitie provides is hidden, like all contracts, under the veil of corporate confidentiality. But some information is available. The escorting contract, for instance, is subject to what is known as a ‘cap and collar’. This financial arrangement, which is designed to reduce exposure to financial risk for both parties, meant that during the pandemic, when the borders closed and the numbers detained in immigration removal centres dropped, that the company did not lose money. Despite detaining or deporting very few people, the collar ensured that staff continued to be paid as normal. Similarly, the cap means that Mitie is restricted in the additional costs they demand from the Home Office. The internal transportation of people under immigration act powers, for example, is paid for by ‘volume’, i.e. by the number of people moved within a daily requirement. Any additional movements that are requested that above that level generates profit for the company, but only within a set parameter.

    The cap and collar does not entirely protect Mitie from losing money. The contract includes a range of ‘service credits’, ie fines, which are applied by the Home office for cancellations, delays, injuries, and, escapes. The Home Office is also subject to small fines if they cancel a request without sufficient time for Mitie to redeploy the staff who had been assigned to the work.

    While a missed collection time (eg a person detained at a police station, who must be taken to an immigration removal centre) may incur Mitie a fine of £100, a delayed deportation would result in a fine ten times that sum, and a death ten times more again. These economic penalties form the basis of regular discussions between Mitie and the Home Office, as each side seeks to evade financial responsibility. They also shape the decisions of administrative staff who distribute detained people and the staff moving them, around the country and across the world. It is better to risk a £100 fine than a £1000 one.

    For staff, border control can also be considered in financial terms. This is not a particularly high paying job, even though salaries increased over the research period: they now hover around £30,000 for those employed to force people out of the country, and somewhat less for those who work in Short-term holding facilities. There is also, as with much UK employment, a north-south divide. A recent job ad for a post at Swinderby Residential Short-Term Holding Facility listed a salary of £26,520.54 for 42 hours a week; for two hours less work per week, a person could go to work in the nearby Vehicle base at Swinderby and earn £25,257.65. Down in Gatwick, the same kind of job in a vehicle base was advertised at £28,564.63. Both sums are well below the mean or median average salary for UK workers, which stand at £33,402 and £33,000 respectively. As a comparison, the salary for starting level prison officers, on band 3, is £32, 851, for fewer weekly hours.

    Under these conditions, it is not surprising to find that staff everywhere complained about their pay. Many struggled to make ends meet. As might be expected, there was a generational divide; unlike their older colleagues who were able to obtain a mortgage on their salary, younger people were often stuck either in the rental market or at home with their parents. Few felt they had many alternatives, not least because many of the sites of short-term holding facilities are in economically depressed areas of the UK, where good jobs are hard to come by. In any case, staff often had limited educational qualifications, with most having left school at 16.

    Border control has other kinds of costs. For those who are detained and deported, as well as their families and friends, these are likely to be highest of all, although they do not directly feature in my study since I did not speak to detained people. I could not see how interviewing people while they were being deported or detained at the border would be ethical. Yet the ethical and moral costs were plain to see. In the staff survey, for example, 12.35% of respondents reported suicidal thoughts in the past week, and 7.4% reported thoughts of self-harm over the same period. Both figures are considerably higher than the estimates for matters in the wider community.

    Finally, and this part is the springboard for my next project, there are clearly costs to the local community. When I first started visiting the short-term holding facility at Manston, near Dover, when the tents had only just gone up and the overcrowding had not yet begun, I was shocked at the size of it. A former RA base, it includes many buildings in various states of disrepair, which could have been redeveloped in any number of ways that did not include depriving people of their liberty. Perhaps it could have included affordable homes for those trapped in the rental market, as well as non-custodial accommodation for new arrivals, new schools, a hospital, perhaps some light industry or tech to employ people nearby. What would it take to work for a vision of the future which, in principle, would have room for us all?

    https://blogs.law.ox.ac.uk/border-criminologies-blog/blog-post/2024/03/many-costs-border-control
    #UK #Angleterre #rétention #détention_administrative #renvois #expulsions #business #ICE #OSE #Overseas #Calais #ports #aéroports #Dunkerque #privatisation #migrations #réfugiés #coûts #Mitie #Tascor #Care_&_Custody #G4S #Harmondsworth #Colnbrook #Derwentside #home_office #Swinderby_Residential_Short-Term_Holding_Facility #Swinderby #Gatwick #travail #salaire #contrôles_frontaliers #frontières #santé_mentale #suicides #Manston

  • Complicit of data surveillance tools? Bordering and education data tracking tools

    The University of #Sheffield has recently introduced an attendance monitoring app which tracks the location of students. Attendance monitoring was introduced in UK universities in order to fulfill the requirements around international student monitoring for the purposes of Home Office visa issuing status. While attendance monitoring, now in app form, is couched in the language of student wellbeing, monitoring and now tracking actually reflect the imperatives of government immigration monitoring.

    https://www.sheffield.ac.uk/migration-research-group/events/complicit-data-surveillance-tools-bordering-and-education-data-tracking
    #université #UK #Angleterre #frontières #surveillance #contrôles_frontaliers #Home_Office #app #hostile_environment #visas #géolocalisation #étudiants_étrangers #complicité

    • New tools available to support attendance monitoring

      New tools to support staff with attendance monitoring - following a successful pilot scheme - are being made available in the Faculty of Science.

      Staff across the Faculty will begin to use two tools to support attendance monitoring following a successful pilot undertaken in the previous academic year.

      The tools will support departments to efficiently collect attendance data in a transparent way that complies with UKVI and GDPR requirements, and supports greater consistency in the student experience across the University.

      The Digital Register app (used by students for data collection) will be supported by a new Attendance and Engagement Dashboard which shows - at a glance- where there may be attendance concerns, so that appropriate support can be offered to students.

      Dr Thomas Anderson, Director of Education in Chemistry, said: "It has been transformative for our administrative team in checking attendance of international students which they need to report for visa reasons - avoiding a great deal of paperwork and dealing with personal tutors directly. This has saved a significant amount of staff time.

      “The system has been excellent for easily being able to identify students at-a-glance who are serial non-attenders, allowing us to intervene before their situation becomes irrevocable.”

      More information about the tools are available on the web support pages. An online demo is also available that lasts just over two minutes.

      In preparation for teaching in semester one, lecturers should download the iSheffield app from the Apple App Store or Google Play store and look for the check in tile. Before each teaching event, a six-digit code will be accessible that lecturers will need to share with students. Students will then input this code into their sheffield app to register their attendance at their event.

      Jo Marriott, Deputy Faculty Director of Operations in the Faculty of Science, is overseeing the implementation of the tools in our departments and is keen to hear about your experiences as we move over to this new way of attendance monitoring. Questions, and details of any challenges you face, can also be directed to the wider development team at StudentProductTeam@sheffield.ac.uk

      https://www.sheffield.ac.uk/science/news/new-tools-available-support-attendance-monitoring

  • M. Robert Badinter et la suppression des tribunaux militaires
    https://www.obsarm.info/spip.php?article638

    Au cours des #Hommages pleinement mérités à Robert Badinter, une des réformes qu’il a initiées n’a pas reçu de réaction suffisante. Après l’abolition de la peine de mort et la suppression de la Cour de sûreté de l’État, et conformément au programme de François Mitterrand, Robert Badinter a obtenu la suppression des Tribunaux permanents des forces armées (TPFA) . Le 7 janvier 1959, le général de Gaulle a pris l’ordonnance n° 59-147 portant organisation générale de la Défense. Tout non (...) Hommages

    / #Politique_de_défense, Service national / conscription, #La_quatre

    #Service_national_/_conscription

    • Mais aussi  : Le premier des abolitionnistes français protégea #rené bousquet https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00296/les-relations-de-francois-mitterrand-et-rene-bousquet.html, antisémite et collabo de l’occupant nazi et… « ami » proche de mitterrand. Cela, jusqu’à ce que – le 8 Juin 1993 – un illuminé vienne tirer 5 balles dans le buffet de l’ex-directeur général de la police de Vichy ET superviseur de « la rafle du Vel d’Hiv’ » [Vélodrome d’Hiver]. Le bilan du haut fonctionnaire bousquet d’avril 1942 à décembre 1943 ? Plus de 60.000 juifs arrêtés par ou avec le concours de la police française pour être déportés vers le camp d’extermination d’Auschwitz…

      L’assassinat de bousquet évitera à mitterrand et son clan « socialiste », la tenue d’un Procès bousquet qui aurait été – comme chacun le sait – très encombrant.

  • J. Sapori : « La police nationale traverse une crise sans précédent sous la Cinquième République » - Actu-Juridique
    https://www.actu-juridique.fr/justice/j-sapori-la-police-nationale-traverse-une-crise-sans-precedent-sous-l

    En 2023, le nombre d’homicides a passé la barre symbolique du millier, en progression de 19% sur quatre ans !

    #homicides #brutalisation #police #cogestion #syndicats_policiers #maintien_de_l'ordre #police_judiciaire #atteintes_aux_personnes #grande_criminalité

    • La monsieur envisage les stratégies de réforme possibles : virer la police et tout miser sur la gendarmerie

      Entre continuer à ne rien faire et entamer un bras de fer périlleux avec les syndicats, il resterait, pour le ministère, la possibilité d’une stratégie médiane, écartant à la fois la stagnation mais, aussi l’hypothèse d’une réforme ambitieuse. Je m’explique. La Police Nationale et la Gendarmerie Nationale sont deux institutions conçues « en miroir », chacune disposant de services qui, dans une certaine mesure, doublent ceux de l’autre « maison ».

      Les Groupements Départementaux de la Gendarmerie sont des alter ego des Directions Départementales de la Police, la Gendarmerie Mobile l’est des CRS, tandis que les Sections de Recherche sont des duplicatas des services territoriaux de la Police Judiciaire. Il serait finalement assez aisé de renforcer les structures de la Gendarmerie au détriment de celles d’une Police Nationale considérée désormais comme ingouvernable. Je ne sais pas si cette stratégie sera mise en œuvre (elle risquerait de faire « tiquer » Bercy : un gendarme, ça coûte environ 25 % plus cher qu’un policier, puisqu’il est logé) mais de toute manière, même si c’était le cas, elle ne sera pas annoncée. Il existe quand même un voyant, qui permettra de constater que le processus est amorcé : l’évolution des effectifs des Sections de Recherche de la Gendarmerie, destinées peut-être, à terme, à remplacer l’antique Police Judiciaire dans la lutte contre la grande criminalité.

    • Ce commissaire divisionnaire retraité dit plutôt redouter que cela arrive (tout en espérant que cela coûte trop cher pour que ce soit fait) et qu’une police efficace nécessite un ministre qui ne soit pas un paltoquet de communicant mais un politique (Joxe pour modèle), l’instauration (ou réinstauration) de directions centrales de services et fonctions policières spécialisés, des formations elles-aussi adaptées à la spécificité des missions sans prétendre à une polyvalence aussi générale que vide de contenu, et prône la sempiternelle « simplification des procédures ».

  • Briançon : un cairn en #hommage aux migrants décédés érigé au petit matin

    Ce mardi 6 février, au petit matin, un collectif de « solidaires des personnes exilées » a érigé un cairn en hommage “aux morts aux frontières”, à proximité de la porte du pont d’Asfeld, dans la vieille ville de Briançon.

    Il est un peu plus de 7 heures, ce mardi 6 février à Briançon, et le soleil n’a pas encore percé depuis l’Italie, à quelques dizaines de kilomètres. Sur la petite butte, juste après avoir passé la porte de la cité Vauban en direction du pont d’Asfeld, un petit groupe s’affaire à la frontale et à la truelle : un collectif de « solidaires des personnes exilées » érige un cairn.

    (#paywall)

    https://www.ledauphine.com/societe/2024/02/06/briancon-un-cairn-en-hommage-aux-migrants-decedes-erige-au-petit-matin
    #mémoire #commémoration #Briançon #migrations #réfugiés #6_février #commémor'action #commémoraction #Hautes-Alepes #France #cairn #monument #mémoriel #morts_aux_frontières #mourir_aux_frontières #frontières #frontière_sud-alpine #mémorial #6_février_2024

    • #Hommage à #Bernie_Krause

      La ricercatrice Karen Bakker a ottobre 2023 per Feltrinelli pubblica “I suoni segreti della natura”, un saggio affascinante che racconta le ricerche scientifiche nell’ambito della Bioacustica. Il libro tratta dei primi esperimenti condotti da Roger Paine per ascoltare le balene. Prima di lui però, durante la seconda guerra mondiale, ascoltare i fondali marini era diventato strategico, il canale oceanico SONAR fu luogo del progetto SOSUS: Sound Surveillance System per controllare i sommergibili sovietici. Nel 1957 venne pubblicato un primo studio sui suoni delle balene e nel 1970 usci un disco di enorme successo; Songs of the Humpback Whales che contribuì alla campagna di Greenpeace del 1972 per salvare le balene. In seguito furono desecretate alcune registrazioni segrete militari. Ai nativi pescatori artici, gli Inupiat venne vietato di fare la loro caccia tradizionale ma furono loro a guidare le ricerche utili a scoprire il mondo segreto delle migrazioni delle balene guidate da suoni e infrasuoni. Negli stessi anni il musicista Bernie Krause abbandona la sua carriera e si dedica totalmente ai suoni della natura lavorando nelle foreste pluviali inaugurando la “Fitoacustica” coniando l’ipotesi di una “Nicchia acustica” e cioè una orchestra di suoni animali e vegetali che caratterizzano un ambiente naturale. Il passo poi è breve per analizzare ambienti sottomarini quali le barriere coralline minacciate dalla acidificazione, le grotte abitate dai pipistrelli grandi navigatori di ultrasuoni. Poi gli elefanti e l’uso di infrasuoni per guidare le migrazioni e segnalare allarmi e via via fino alle tartarughe, alle api. Nel passo successivo di queste ricerche si magnifica l’importanza delle nuove tecnologie, oggi alla portata di tutti sia nei costi che nella accessibilità, che si possono interfacciare con l’intelligenza artificiale, per trovare algoritmi che traducano questi linguaggi sonori e ci permettano di “dialogare” con gli animali allo scopo di proteggerli e salvarli dall’estinzione. Ci sono progetti che riguardano i delfini, le raganelle, i lupi, gli ibis, api, scoiattoli, coralli.
      La mia speranza è che il mondo militare, sempre all’avanguardia nell’uso delle tecnologie, non se ne appropri per le solite finalità armate nascondendole sotto la bugia di nominarle “difesa”.

      –—

      Intelligenze artificiali per ascoltar balene
      Per tradurre il loro canto quasi fossero sirene
      Gli Inupiat nell’Artico ponevano in acqua un remo
      Appoggiavano l’orecchio ed era meglio di Sanremo
      Le barriere coralline sono bianche di paura
      Ridotte al silenzio in cambio c’è l’acquacultura
      I fondali del Senegal arati da pesca a strascico
      I pescatori di Saint Luis dall’oceano all’Adriatico

      Sembravano grandi orchestre le foreste equatoriali
      Dove han tagliato gli alberi per allevare maiali
      Piantagioni di soia per un miliardo di cinesi
      Bistecche di manzo per gli americani obesi
      Il ronzio delle api mette in fuga gli elefanti
      E gli può salvare la vita dai più belligeranti
      Son gli stessi contadini che delle api fan sterminio
      È sorda l’agroindustria nei pesticidi il suo dominio

      Ho sentito un albero ritmare la sua sete
      Noi balliamo lui sta fermo ed il suo suono si ripete
      Balliamo insieme agli orsi di Wall Street che cola a picco
      Quotiamo l’acqua in borsa alla ricerca di un profitto
      Nelle caverne i pipistrelli per cacciare e per nutrirsi
      Hanno sonar ad ultrasuoni per volare ed orientarsi
      Purtroppo per mangiarli c’è chi vivi li cattura
      Ma qualche virus sfugge e l’uomo è brodo di coltura

      Cerchiamo gli algoritmi per parlare agli animali
      Caliamo dei microfoni in acqua nei fondali
      Siamo diventati sordi al grido della terra
      Proviam con la bioacustica mentre facciam la guerra
      Cerchiamo gli algoritmi per parlare agli animali
      Caliamo dei microfoni in acqua nei fondali
      Siamo diventati sordi al grido della terra
      Proviam con la bioacustica mentre facciam la guerra

      https://www.youtube.com/watch?v=EJRk3q4YOSc&t=73s

      #bioacoustique #musique #chanson #environnement

  • Piéton tué par la #BRAV-M : des policiers avaient alerté sur la #dangerosité des motards

    « Devons-nous attendre un accident mortel pour réagir ? » Deux mois avant la mort d’un piéton en décembre dernier à Paris, une quinzaine de policiers de cette unité décriée avaient dénoncé, en vain, la dangerosité de leurs #motards dans des rapports accablants. Depuis plusieurs années, les blessés s’accumulent.

    À la préfecture de police de Paris, l’annonce, le 12 décembre, de la mort d’un homme de 84 ans, percuté par une moto de la brigade de répression de l’action violente motorisée (BRAV-M) alors qu’il traversait un passage piéton dans le XIXe arrondissement de Paris, n’a pas surpris tout le monde. Notamment dans les rangs des compagnies d’intervention (CI), mobilisées à tour de rôle pour grimper à l’arrière des motos au sein de ces équipages décriés pour leur violence depuis leur création, en 2019, en plein mouvement des « gilets jaunes ».

    Casque blanc à l’avant pour le pilote, noir à l’arrière pour son passager, vêtements sombres, motos de sport banalisées : les BRAV-M sont déployées au coup par coup pour des missions de maintien de l’ordre à Paris, et de « sécurisation » dans les quartiers réputés difficiles en banlieue.

    Le 7 octobre 2023, soit un peu plus de deux mois avant la mort du piéton − qui fait l’objet d’une enquête judiciaire pour « homicide involontaire » −, une quinzaine de policiers passagers des BRAV-M avaient transmis à leur hiérarchie des rapports pointant du doigt la dangerosité et l’illégalité de la conduite de leurs collègues.

    Dans ces écrits, consignés au terme d’une journée particulièrement chaotique, ils signifiaient également leur refus de continuer de monter derrière des pilotes décrits comme hors de contrôle, évoquant une accumulation d’accidents et de blessés et des alertes émises auprès de responsables de la DOPC (direction de l’ordre public et de la circulation) de la préfecture de police depuis « des mois voire des années ». Vitesse folle, prise de risques inconsidérée et injustifiée, absence de contrôle hiérarchique : le contenu de ces rapports, consultés par Mediapart, est effarant.

    Ce samedi 7 octobre, des équipages de la BRAV-M, dont la devise est « Born to ride » (« Né pour rouler », en anglais), sont affectés à plusieurs missions de sécurisation un peu partout à Paris. Certaines motos sont stationnées au stade Charléty, dans le sud de la capitale, où le Paris Football Club doit affronter l’AJ Auxerre pour un match de ligue 2. D’autres patrouillent place de la Bastille ou boulevard Magenta, près de la place de la République.

    En fin d’après-midi, une des unités voit un scooter brûler un feu rouge rue de Bagnolet, dans l’Est parisien. Les policiers tentent d’interpeller le conducteur, qui ne s’arrête pas. L’annonce de ce « refus d’obtempérer » circule sur les ondes et, sans attendre aucun ordre, des motards, même ceux du stade Charléty (à une dizaine de kilomètres de là), décident de se joindre à la course-poursuite.

    Le scooter pris en chasse s’engage sur le périphérique saturé, puis sur l’autoroute, où il finit par chuter au niveau de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Pendant ce temps, les motos de la BRAV-M convergent d’un peu partout dans Paris, à très grande vitesse.
    Plus de 180 kilomètres-heure

    Dans leurs rapports, les policiers passagers racontent : « Les motards ont décidé de partir à très vive allure, roulant à plus de 100 km/h en ville et slalomant entre les véhicules. Ils ont continué leur progression en interfile à 145 km/h sur un périphérique saturé. C’est inadmissible. Les motards ne sont pas conscients des risques qu’ils prennent pour leur propre vie, celles de leurs passagers, et celles des citoyens. D’autant plus que le Code de la route est complètement bafoué », écrit l’un d’entre eux, qui conclut : « Devons-nous attendre qu’il y ait un accident mortel pour réagir ? »

    Un autre relate que le pilote « a dépassé les 180 km/h [...] après avoir pris tous les risques possibles tout en étant conscient qu’à tout moment la moindre collision s’avérerait mortelle ». « Nous arrivons bien évidemment après l’intervention », ajoute-t-il. « Certains pilotes sont partis tellement vite qu’ils ont laissé leur passager sur place, avec le casque d’un passager encore attaché à la moto », précise encore le rapport.

    L’un des policiers passagers, équipé pour les opérations de maintien de l’ordre, explique s’être senti particulièrement vulnérable alors que la moto « slalomait entre les différents véhicules à vive allure ». « Après avoir fait part à un motocycliste du danger que représente la prise au vent [d’]un bouclier à de telles vitesses, celui-ci me répondra qu’à ma place il l’aurait lâché », relate-t-il. Un des fonctionnaires explique aussi avoir perdu une grenade goupillée place de la Bastille, et que le pilote aurait refusé de s’arrêter pour qu’il la ramasse…

    Plus grave encore, les policiers passagers des BRAV-M insistent sur le fait que ces comportements, à l’origine de « nombreuses blessures », ont été signalés à la hiérarchie de la DOPC à plusieurs reprises, et ce depuis des années. Sans, visiblement, que les motards aient fait l’objet d’un rappel à l’ordre.

    « Il ne se passe pas une vacation sans qu’il n’y ait une chute fortuite, et malgré de nombreuses discussions, rien ne semble changer », se plaint un fonctionnaire. « Il existe depuis de longs mois voire des années des griefs par rapport à leur conduite », explique un autre, évoquant une réunion en juin 2023 provoquée par « des accidents à répétition ». « Malgré de nombreuses blessures en service ainsi que de multiples discussions, il semblerait que les problèmes de comportement persistent et que les risques encourus ne cessent d’augmenter semaine après semaine », dit un troisième.

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    Les BRAV-M, des unités uniques en France

    La première intervention officielle des BRAV-M (brigades de répression de l’action violente motorisées) dans les manifestations parisiennes date du 23 mars 2019, en plein mouvement des « gilets jaunes », sous la houlette du tout nouveau préfet de police de l’époque, Didier Lallement – remplacé par Laurent Nuñez à l’été 2022. Mais ces unités étaient déjà en gestation. Dès décembre 2018, sur décision du ministre de l’intérieur Christophe Castaner et du préfet Michel Delpuech, des binômes de policiers motorisés, interdits depuis la mort de Malik Oussekine en 1986, refont leur apparition dans les rues de Paris.

    Au départ, ce sont essentiellement des agents des brigades anticriminalité (BAC), non formés au maintien de l’ordre, qui sont mobilisés au sein de ces équipages. Car la particularité de la BRAV-M est qu’elle n’est pas une unité à proprement parler : depuis 2020, elle est composée d’agents appartenant aux compagnies d’intervention (CI) de la préfecture de police de Paris, mobilisés ponctuellement pour grimper à l’arrière des motos comme passagers. À l’avant, les motards, 150 policiers environ, appartiennent eux aussi à une compagnie d’intervention, « la 24 ».

    Déployées au coup par coup en fonction des événements prévus dans la capitale, les BRAV-M sont réparties en équipages de 18 motos organisées en trinômes. Elles sont devenues le symbole ambulant de ce que les manifestant·es reprochent aux forces de l’ordre françaises : une violence imprévisible, indiscriminée et gratuite.

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    Pourquoi ces alertes et ces rapports sont-ils restés sans suite pendant des mois ? Selon nos informations, les écrits envoyés par les policiers le 7 octobre n’ont pas été enregistrés par la hiérarchie de la DOPC dans le système de courrier de la préfecture de police, baptisé « Alice », comme le veut la procédure.

    Les fonctionnaires auteurs des rapports n’ont été convoqués qu’à la mi-janvier, soit plus de trois mois après les incidents signalés, dans le cadre d’une « procédure d’enquête administrative ». Des convocations tombées, donc, quelques semaines après l’accident qui a causé la mort du piéton dans le XIXe arrondissement.

    Selon les informations de Mediapart, les procès-verbaux de convocation à ces auditions sont en effet datés du mois d’octobre, mais ne comportent aucune référence « Alice », ce qui interroge sur la réalité de la temporalité de la procédure.
    Le préfet de police pas informé

    Un autre détail pose question : l’enquête administrative chargée de faire la lumière sur les incidents du 7 octobre a été confiée à Patrick Lunel, qui n’est autre que… le responsable des motards de la BRAV-M mise en cause par leurs collègues. Patrick Lunel est par ailleurs connu pour avoir été commandant de la CSI 93, la compagnie de sécurisation et d’intervention de la Seine-Saint-Denis, quand elle s’est retrouvée au cœur d’une retentissante série de scandales.

    Une vingtaine d’enquêtes judiciaires avaient été ouvertes en 2019 et 2020 par le parquet de Bobigny pour des faits de vols, violences et faux en écriture publique. La majorité ont été classées faute de preuves, selon une source judiciaire, mais plusieurs des policiers de la CSI 93 ont été renvoyés devant la justice, et certains condamnés à de la prison ferme.

    Sollicité via la préfecture de police, Patrick Lunel n’a pas répondu à nos questions.

    Interrogée sur le contenu de ces rapports et l’absence de suites, la préfecture de police nous a indiqué que « les rapports des agents, transmis par mail un dimanche, ont été portés sans délai à la connaissance de l’ensemble de la chaîne hiérarchique, l’absence d’enregistrement par numéro ALICE n’ayant aucune incidence sur la remontée et la prise en compte d’information ».

    « Le délai de trois mois entre le déclenchement de l’enquête administrative et les premières auditions se justifie par la nécessité d’instruire l’ensemble des rapports, les contraintes opérationnelles, et la programmation de plusieurs actes s’agissant d’une affaire dans laquelle aucun blessé n’est à déplorer et alors même que le préfet de police, dès le 11 octobre, avait reçu l’ensemble de l’encadrement de la BRAV-M pour rappeler les règles de déontologie, notamment la nécessité de circuler à allure normale hors cas d’intervention d’urgence », a-t-elle justifié.

    « Le préfet de police tient à préciser que toute la lumière sera faite sur cette enquête administrative sur des faits qui se déroulaient dans le cadre initial d’un refus d’obtempérer commis par un individu finalement interpellé dans un secteur sensible de Seine-Saint-Denis où ont eu lieu de nombreuses prises à partie d’effectifs et nécessitant l’envoi de renforts dans les meilleurs délais », nous a encore précisé la préfecture.

    La hiérarchie de la DOPC a-t-elle dissimulé au préfet la colère qui montait dans les rangs des BRAV-M ? « Le préfet de police a été informé des crispations liées à la vitesse (c’est à ce titre qu’il reçoit les encadrants le 11 octobre), sans être informé précisément du fait du 7 octobre », nous a-t-on répondu.

    Autre interrogation : alors que les rapports du 7 octobre font état de « nombreux blessés en service », combien de policiers ont été blessés dans des accidents causés par les motards de la BRAV-M ? « À ce jour, la direction de l’ordre public et de la circulation recense contre les pilotes de la BRAV-M quatre cas de faute lourde de pilotage, avec blessé. Des enquêtes ont été ouvertes pour chacun des cas », indique la préfecture.

    Au moins un de ces accidents a eu des conséquences dramatiques. Selon nos informations, une jeune gardienne de la paix affectée dans une compagnie d’intervention a été grièvement blessée en juin 2022 dans un carambolage sur le périphérique parisien au niveau de la porte de la Villette alors qu’elle était passagère dans un équipage de la BRAV-M, accident dont elle conserve de graves séquelles.

    À ce sujet, la préfecture de police nous a indiqué que cet accident a fait « l’objet d’une enquête administrative, dont les conclusions ont été rendues : un conseil de discipline doit avoir lieu en mars 2024 ». « Dans l’attente, l’agent en cause a changé d’affectation et n’exerce plus sur la voie publique. L’enquête judiciaire est toujours en cours, elle est effectuée par l’IGPN [Inspection générale de la police nationale – ndlr] », a-t-elle précisé.
    « Roues arrière sur le périph’ »

    « Le grave accident dont a été victime la jeune policière aurait pourtant dû susciter un électrochoc, souffle un commissaire de la préfecture de police de Paris. Mais ça n’a rien changé, les motards de la BRAV-M continuent de faire des roues arrière sur le périph’ ! » « Ils sortent leur béquille sur l’autoroute pour faire des étincelles. Ils font les kékés, ça les amuse », renchérit un policier, lui aussi en poste à la préfecture.

    « Au fil des années, à force d’une série de petits renoncements, un laisser-aller s’est installé, poursuit ce fonctionnaire. Les motards de la BRAV-M, c’est un État dans l’État, il y a un gros sentiment d’impunité. » « Beaucoup sont jeunes, manquent de maturité. Ils sont portés aux nues par leur hiérarchie, et se sentent autorisés à tout faire », confirme le commissaire.

    Ni l’accident de la jeune policière ni les rapports du 7 octobre n’ont donc changé quoi que ce soit : le 12 décembre, à proximité de la « base » des motards, porte de la Villette, un de leurs équipages a percuté un passant. Cet homme de 84 ans a été grièvement blessé, souffrant notamment d’un traumatisme crânien. Transporté aux urgences, il est mort le lendemain. Le parquet de Paris avait précisé que l’accident avait eu lieu « vers 16 heures » et que le piéton traversait « au feu vert pour les piétons » tandis que les deux motos de la BRAV-M franchissaient un feu rouge.

    Selon les éléments recueillis par Mediapart, la particularité des BRAV-M est qu’elles peuvent décider de leur mobilisation sans consulter les autorités hiérarchiques de la direction de l’ordre public de la préfecture, dont elles dépendent, comme le démontrent les récits relatés dans les rapports du 7 octobre. Avec un objectif assumé : interpeller.

    Depuis le déploiement de cette unité unique en France, créée en 2019 pour intervenir quand les conditions habituelles du maintien de l’ordre sont dépassées − les précédentes brigades motorisées ont été interdites après le décès de Malik Oussekine en 1986 −, la BRAV-M est régulièrement décriée pour ses actions violentes.

    Ces binômes de policiers motorisés sont visés par plusieurs enquêtes judiciaires, notamment pour avoir agressé gratuitement un étudiant de 22 ans, ou encore pour avoir, pendant le mouvement contre la réforme des retraites, en mars 2023, roué de coups un jeune homme, Souleymane, 23 ans, tout en proférant des insultes racistes à son égard. Dernière affaire en date : des violences exercées sur un jeune réfugié en décembre, qui font l’objet d’une enquête administrative ouverte par le préfet de police, Laurent Nuñez.

    Dans un rapport publié en avril 2023, l’Observatoire parisien des libertés publiques (OPLP), créé à l’initiative de la Ligue des droits de l’homme (LDH) et du Syndicat des avocats de France (SAF), avait étrillé ces brigades, décrites comme « violentes et dangereuses, promptes à faire dégénérer les situations ». « La BRAV-M a développé un style qui puise dans les répertoires de la chasse, du film d’action, du virilisme et de l’intimidation », pouvait-on y lire.

    La mort du piéton en décembre et l’affaire des rapports sur la conduite « très accidentogène » des pilotes deux mois plus tôt viennent une nouvelle fois éclabousser la DOPC, chargée de la sécurisation de l’ensemble des événements et manifestations à Paris et en petite couronne. Elle sera donc sollicitée pour les cérémonies des Jeux olympiques de Paris, qui auront lieu dans six mois.

    La DOPC avait déjà été décapitée par l’affaire Benalla, qui avait emporté avec elle plusieurs des pontes de la préfecture. Jérôme Foucaud, un haut gradé sans expérience du maintien de l’ordre, avait alors été propulsé à la tête de cette direction. C’est lui qui avait été responsable du maintien de l’ordre pendant les manifestations des « gilets jaunes », et lui aussi qui avait signé le « télégramme » entérinant le dispositif de sécurisation de la finale de la Ligue des champions en mai 2022, restée dans les mémoires comme un fiasco d’ampleur internationale.

    Selon nos informations, le directeur de l’ordre public avait connaissance, depuis des mois, de la colère qui montait en interne contre les motards de la BRAV-M, sujet qui avait été évoqué au cours de plusieurs réunions. Interrogé à ce sujet via la préfecture de police, Jérôme Foucaud ne nous a pas répondu.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/310124/pieton-tue-par-la-brav-m-des-policiers-avaient-alerte-sur-la-dangerosite-d
    #forces_de_l'ordre #France #piétons #compagnies_d’intervention (#CI) #violence #violences_policières #banlieue #maintien_de_l'ordre #homicide_involontaire #rapport #Born_to_ride #vitesse #témoignage #DOPC #enquête_administrative #Patrick_Lunel #CSI_93 #vols #faux_en_écriture_publique #accidents #impunité

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    ajouté à la #métaliste de #témoignages de #forces_de_l'ordre, #CRS, #gardes-frontière, qui témoignent de leur métier. Pour dénoncer ce qu’ils/elles font et leurs collègues font, ou pas :
    https://seenthis.net/messages/723573

  • #Homicide de #Bilal_M. : la #reconstitution 3D invalide la version policière
    https://www.youtube.com/watch?v=-tZ-8v0v9dU&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fwww.index.ngo%2F&em

    Le 23 juin 2021, Bilal M., 34 ans, est tué par des policiers qui procèdent à son expulsion locative. Ces derniers ont plaidé la légitime défense, accusant Bilal M. de les avoir agressés avec un couteau. INDEX a mené une #contre-enquête et révèle des #incohérences majeures dans la version policière des faits.

    https://www.index.ngo/enquetes/homicide-de-bilal-m-la-reconstitution-3d-invalide-la-version-policiere
    #Bilal #reconstruction #police #violences_policières #France #architecture_forensique #INDEX

  • #Je_ne_lâcherai_pas_ta_main, de #Dominique_Cabrera

    Le #24_novembre_2021,
    une embarcation qui tentait de rejoindre l’Angleterre
    a fait #naufrage dans la #Manche.
    27 exilés au moins se sont noyés ou ont disparu.
    Il n’y a eu que deux survivants.

    Ce film,
    à partir du témoignage de l’une de ces deux personnes,
    leur rend #hommage.


    Dominique Cabrera, réalisatrice du film :

    J’ai été comme beaucoup touchée par le naufrage des exilés en route pour l’Angleterre le 24 novembre 2021. 27 personnes au moins ont disparu ou sont mortes noyées dans la Manche. L’entretien qu’un des deux rescapés a donné au média Kurde Rudaw m’a frappée au point de me donner l’élan de faire ce film.

    Avec simplicité et sincérité, le jeune homme de vingt ans racontait la nuit où l’eau est entrée dans le canot, où les appels au secours n’ont été entendus ni par les Anglais ni par les Français et où à côté de lui ses compagnons se sont laissé couler. Ils ont pu téléphoner. Ils ont pu donner leur localisation précise. Il n’y a eu que le néant pour les accueillir. Que valent nos mots, nos considérations, nos précautions face à ces faits ?
    Il fallait absolument filmer ce récit. Pour qu’il reste. Pour que le scandale de ces morts continue d’être exposé. Je voyais les paroles du rescapé lues par des lectrices et des lecteurs lambdas, par des personnes, pas des « personnalités », des personnes qui porteraient les voix du rescapé et des disparus, comme si les voix des uns et des autres se relayaient, comme si les visages des lecteurs et ceux des noyés se répondaient, dessinant par le cinéma une commune humanité.

    J’ai demandé de l’aide autour de moi à Montreuil. Avec Manuela Frésil, Emanuelle Bidou, Galatée Politis, nous avons formé un collectif. Sont venus nous rejoindre Jean-Pierre Méchin, Michael Hädener, Sara Olacirégui, Nicolas Cantin, Victor Sicard, Charlotte
    Pouch, Caroline Glorion, Nathalie Raoul, Edmée Doroszlaï, Marc Daquin. Les uns et les autres ont participé à l’élaboration du projet, ont cherché des lecteurs, se sont fait prêter du matériel, ont assuré la logistique et le tournage. Le cinéma Méliès dont le premier étage faisait penser à un hall d’aéroport, à une zone de transit a accepté
    de nous accueillir. Un étudiant kurde d’Aix-en-Provence et un de ses amis ont traduit scrupuleusement le récit. Cette chaine de bénévoles, de bonnes volontés doit être rappelée car elle dit l’essentiel peut-être.

    Nous avons donné rendez-vous aux volontaires le matin du 3 Janvier. Je ne voulais pas faire de « casting ». On ne refuserait personne. Nous avions envoyé des invitations en privilégiant les liens existants comme par exemple un atelier que Manuela menait avec des femmes de La Boissière, un groupe constitué par Emanuelle, des adhérents de RESF, de la Fédération de parents d’élèves, un syndicaliste ami, des voisins et voisines, les jeunes usagers du LABEC que connaissaient Victor et Sara.

    Nous espérions 33 personnes, c’était le nombre de passagers de l’embarcation naufragée.
    65 personnes sont arrivées. Tout le monde voulait lire et nous avons partagé le texte. Nous avons tourné principalement en plan séquence, texte en main. Cela a été un grand moment d’émotion et de palpable solidarité.
    L’association Périphérie a accueilli le montage. La chercheure Alexandra Galitzine nous a mis en contact avec les associations de Calais et nous a aidés à chercher le nombre des noyés dans la Manche. Ce funeste calcul n’est pas possible et c’est celui des disparus aux frontières de l’Europe que nous avons inscrit.
    Ce film dure 8 minutes et demie. Il est destiné à être fourni gratuitement aux cinémas et aux associations qui en feront la demande.

    https://imagesenbibliotheques.fr/actualites/je-ne-lacherai-pas-ta-main-de-dominique-cabrera

    #film #documentaire #film_documentaire #mourir_aux_frontières #morts_aux_frontières #court-métrage

  • L’#Europe et la fabrique de l’étranger

    Les discours sur l’ « #européanité » illustrent la prégnance d’une conception identitaire de la construction de l’Union, de ses #frontières, et de ceux qu’elle entend assimiler ou, au contraire, exclure au nom de la protection de ses #valeurs particulières.

    Longtemps absente de la vie démocratique de l’#Union_européenne (#UE), la question identitaire s’y est durablement installée depuis les années 2000. Si la volonté d’affirmer officiellement ce que « nous, Européens » sommes authentiquement n’est pas nouvelle, elle concernait jusqu’alors surtout – à l’instar de la Déclaration sur l’identité européenne de 1973 – les relations extérieures et la place de la « Communauté européenne » au sein du système international. À présent, elle renvoie à une quête d’« Européanité » (« Europeanness »), c’est-à-dire la recherche et la manifestation des #trait_identitaires (héritages, valeurs, mœurs, etc.) tenus, à tort ou à raison, pour caractéristiques de ce que signifie être « Européens ». Cette quête est largement tournée vers l’intérieur : elle concerne le rapport de « nous, Européens » à « nous-mêmes » ainsi que le rapport de « nous » aux « autres », ces étrangers et étrangères qui viennent et s’installent « chez nous ».

    C’est sous cet aspect identitaire qu’est le plus fréquemment et vivement discuté ce que l’on nomme la « #crise_des_réfugiés » et la « #crise_migratoire »

    L’enjeu qui ferait de l’#accueil des exilés et de l’#intégration des migrants une « #crise » concerne, en effet, l’attitude que les Européens devraient adopter à l’égard de celles et ceux qui leur sont « #étrangers » à double titre : en tant qu’individus ne disposant pas de la #citoyenneté de l’Union, mais également en tant que personnes vues comme les dépositaires d’une #altérité_identitaire les situant à l’extérieur du « #nous » – au moins à leur arrivée.

    D’un point de vue politique, le traitement que l’Union européenne réserve aux étrangères et étrangers se donne à voir dans le vaste ensemble de #discours, #décisions et #dispositifs régissant l’#accès_au_territoire, l’accueil et le #séjour de ces derniers, en particulier les accords communautaires et agences européennes dévolus à « une gestion efficace des flux migratoires » ainsi que les #politiques_publiques en matière d’immigration, d’intégration et de #naturalisation qui restent du ressort de ses États membres.

    Fortement guidées par des considérations identitaires dont la logique est de différencier entre « nous » et « eux », de telles politiques soulèvent une interrogation sur leurs dynamiques d’exclusion des « #autres » ; cependant, elles sont aussi à examiner au regard de l’#homogénéisation induite, en retour, sur le « nous ». C’est ce double questionnement que je propose de mener ici.

    En quête d’« Européanité » : affirmer la frontière entre « nous » et « eux »

    La question de savoir s’il est souhaitable et nécessaire que les contours de l’UE en tant que #communauté_politique soient tracés suivant des #lignes_identitaires donne lieu à une opposition philosophique très tranchée entre les partisans d’une défense sans faille de « l’#identité_européenne » et ceux qui plaident, à l’inverse, pour une « #indéfinition » résolue de l’Europe. Loin d’être purement théorique, cette opposition se rejoue sur le plan politique, sous une forme tout aussi dichotomique, dans le débat sur le traitement des étrangers.

    Les enjeux pratiques soulevés par la volonté de définir et sécuriser « notre » commune « Européanité » ont été au cœur de la controverse publique qu’a suscitée, en septembre 2019, l’annonce faite par #Ursula_von_der_Leyen de la nomination d’un commissaire à la « #Protection_du_mode_de_vie_européen », mission requalifiée – face aux critiques – en « #Promotion_de_notre_mode_de_vie_européen ». Dans ce portefeuille, on trouve plusieurs finalités d’action publique dont l’association même n’a pas manqué de soulever de vives inquiétudes, en dépit de la requalification opérée : à l’affirmation publique d’un « #mode_de_vie » spécifiquement « nôtre », lui-même corrélé à la défense de « l’#État_de_droit », « de l’#égalité, de la #tolérance et de la #justice_sociale », se trouvent conjoints la gestion de « #frontières_solides », de l’asile et la migration ainsi que la #sécurité, le tout placé sous l’objectif explicite de « protéger nos citoyens et nos valeurs ».

    Politiquement, cette « priorité » pour la période 2019-2024 s’inscrit dans la droite ligne des appels déjà anciens à doter l’Union d’un « supplément d’âme
     » ou à lui « donner sa chair » pour qu’elle advienne enfin en tant que « #communauté_de_valeurs ». De tels appels à un surcroît de substance spirituelle et morale à l’appui d’un projet européen qui se devrait d’être à la fois « politique et culturel » visaient et visent encore à répondre à certains problèmes pendants de la construction européenne, depuis le déficit de #légitimité_démocratique de l’UE, si discuté lors de la séquence constitutionnelle de 2005, jusqu’au défaut de stabilité culminant dans la crainte d’une désintégration européenne, rendue tangible en 2020 par le Brexit.

    Précisément, c’est de la #crise_existentielle de l’Europe que s’autorisent les positions intellectuelles qui, poussant la quête d’« Européanité » bien au-delà des objectifs politiques évoqués ci-dessus, la déclinent dans un registre résolument civilisationnel et défensif. Le geste philosophique consiste, en l’espèce, à appliquer à l’UE une approche « communautarienne », c’est-à-dire à faire entièrement reposer l’UE, comme ensemble de règles, de normes et d’institutions juridiques et politiques, sur une « #communauté_morale » façonnée par des visions du bien et du monde spécifiques à un groupe culturel. Une fois complétée par une rhétorique de « l’#enracinement » desdites « #valeurs_européennes » dans un patrimoine historique (et religieux) particulier, la promotion de « notre mode de vie européen » peut dès lors être orientée vers l’éloge de ce qui « nous » singularise à l’égard d’« autres », de « ces mérites qui nous distinguent » et que nous devons être fiers d’avoir diffusés au monde entier.

    À travers l’affirmation de « notre » commune « Européanité », ce n’est pas seulement la reconnaissance de « l’#exception_européenne » qui est recherchée ; à suivre celles et ceux qui portent cette entreprise, le but n’est autre que la survie. Selon #Chantal_Delsol, « il en va de l’existence même de l’Europe qui, si elle n’ose pas s’identifier ni nommer ses caractères, finit par se diluer dans le rien. » Par cette #identification européenne, des frontières sont tracées. Superposant Europe historique et Europe politique, Alain Besançon les énonce ainsi : « l’Europe s’arrête là où elle s’arrêtait au XVIIe siècle, c’est-à-dire quand elle rencontre une autre civilisation, un régime d’une autre nature et une religion qui ne veut pas d’elle. »

    Cette façon de délimiter un « #nous_européen » est à l’exact opposé de la conception de la frontière présente chez les partisans d’une « indéfinition » et d’une « désappropriation » de l’Europe. De ce côté-ci de l’échiquier philosophique, l’enjeu est au contraire de penser « un au-delà de l’identité ou de l’identification de l’Europe », étant entendu que le seul « crédit » que l’on puisse « encore accorder » à l’Europe serait « celui de désigner un espace de circulation symbolique excédant l’ordre de l’identification subjective et, plus encore, celui de la #crispation_identitaire ». Au lieu de chercher à « circonscri[re] l’identité en traçant une frontière stricte entre “ce qui est européen” et “ce qui ne l’est pas, ne peut pas l’être ou ne doit pas l’être” », il s’agit, comme le propose #Marc_Crépon, de valoriser la « #composition » avec les « #altérités » internes et externes. Animé par cette « #multiplicité_d’Europes », le principe, thématisé par #Etienne_Balibar, d’une « Europe comme #Borderland », où les frontières se superposent et se déplacent sans cesse, est d’aller vers ce qui est au-delà d’elle-même, vers ce qui l’excède toujours.

    Tout autre est néanmoins la dynamique impulsée, depuis une vingtaine d’années, par les politiques européennes d’#asile et d’immigration.

    La gouvernance européenne des étrangers : l’intégration conditionnée par les « valeurs communes »

    La question du traitement public des étrangers connaît, sur le plan des politiques publiques mises en œuvre par les États membres de l’UE, une forme d’européanisation. Celle-ci est discutée dans les recherches en sciences sociales sous le nom de « #tournant_civique ». Le terme de « tournant » renvoie au fait qu’à partir des années 2000, plusieurs pays européens, dont certains étaient considérés comme observant jusque-là une approche plus ou moins multiculturaliste (tels que le Royaume-Uni ou les Pays-Bas), ont développé des politiques de plus en plus « robustes » en ce qui concerne la sélection des personnes autorisées à séjourner durablement sur leur territoire et à intégrer la communauté nationale, notamment par voie de naturalisation. Quant au qualificatif de « civique », il marque le fait que soient ajoutés aux #conditions_matérielles (ressources, logement, etc.) des critères de sélection des « désirables » – et, donc, de détection des « indésirables » – qui étendent les exigences relatives à une « #bonne_citoyenneté » aux conduites et valeurs personnelles. Moyennant son #intervention_morale, voire disciplinaire, l’État se borne à inculquer à l’étranger les traits de caractère propices à la réussite de son intégration, charge à lui de démontrer qu’il conforme ses convictions et comportements, y compris dans sa vie privée, aux « valeurs » de la société d’accueil. Cette approche, centrée sur un critère de #compatibilité_identitaire, fait peser la responsabilité de l’#inclusion (ou de l’#exclusion) sur les personnes étrangères, et non sur les institutions publiques : si elles échouent à leur assimilation « éthique » au terme de leur « #parcours_d’intégration », et a fortiori si elles s’y refusent, alors elles sont considérées comme se plaçant elles-mêmes en situation d’être exclues.

    Les termes de « tournant » comme de « civique » sont à complexifier : le premier car, pour certains pays comme la France, les dispositifs en question manifestent peu de nouveauté, et certainement pas une rupture, par rapport aux politiques antérieures, et le second parce que le caractère « civique » de ces mesures et dispositifs d’intégration est nettement moins évident que leur orientation morale et culturelle, en un mot, identitaire.

    En l’occurrence, c’est bien plutôt la notion d’intégration « éthique », telle que la définit #Jürgen_Habermas, qui s’avère ici pertinente pour qualifier ces politiques : « éthique » est, selon lui, une conception de l’intégration fondée sur la stabilisation d’un consensus d’arrière-plan sur des « valeurs » morales et culturelles ainsi que sur le maintien, sinon la sécurisation, de l’identité et du mode de vie majoritaires qui en sont issus. Cette conception se distingue de l’intégration « politique » qui est fondée sur l’observance par toutes et tous des normes juridico-politiques et des principes constitutionnels de l’État de droit démocratique. Tandis que l’intégration « éthique » requiert des étrangers qu’ils adhèrent aux « valeurs » particulières du groupe majoritaire, l’intégration « politique » leur demande de se conformer aux lois et d’observer les règles de la participation et de la délibération démocratiques.

    Or, les politiques d’immigration, d’intégration et de naturalisation actuellement développées en Europe sont bel et bien sous-tendues par cette conception « éthique » de l’intégration. Elles conditionnent l’accès au « nous » à l’adhésion à un socle de « valeurs » officiellement déclarées comme étant déjà « communes ». Pour reprendre un exemple français, cette approche ressort de la manière dont sont conçus et mis en œuvre les « #contrats_d’intégration » (depuis le #Contrat_d’accueil_et_d’intégration rendu obligatoire en 2006 jusqu’à l’actuel #Contrat_d’intégration_républicaine) qui scellent l’engagement de l’étranger souhaitant s’installer durablement en France à faire siennes les « #valeurs_de_la_République » et à les « respecter » à travers ses agissements. On retrouve la même approche s’agissant de la naturalisation, la « #condition_d’assimilation » propre à cette politique donnant lieu à des pratiques administratives d’enquête et de vérification quant à la profondeur et la sincérité de l’adhésion des étrangers auxdites « valeurs communes », la #laïcité et l’#égalité_femmes-hommes étant les deux « valeurs » systématiquement mises en avant. L’étude de ces pratiques, notamment les « #entretiens_d’assimilation », et de la jurisprudence en la matière montre qu’elles ciblent tout particulièrement les personnes de religion et/ou de culture musulmanes – ou perçues comme telles – en tant qu’elles sont d’emblée associées à des « valeurs » non seulement différentes, mais opposées aux « nôtres ».

    Portées par un discours d’affrontement entre « systèmes de valeurs » qui n’est pas sans rappeler le « #choc_des_civilisations » thématisé par #Samuel_Huntington, ces politiques, censées « intégrer », concourent pourtant à radicaliser l’altérité « éthique » de l’étranger ou de l’étrangère : elles construisent la figure d’un « autre » appartenant – ou suspecté d’appartenir – à un système de « valeurs » qui s’écarterait à tel point du « nôtre » que son inclusion dans le « nous » réclamerait, de notre part, une vigilance spéciale pour préserver notre #identité_collective et, de sa part, une mise en conformité de son #identité_personnelle avec « nos valeurs », telles qu’elles s’incarneraient dans « notre mode de vie ».

    Exclusion des « autres » et homogénéisation du « nous » : les risques d’une « #Europe_des_valeurs »

    Le recours aux « valeurs communes », pour définir les « autres » et les conditions de leur entrée dans le « nous », n’est pas spécifique aux politiques migratoires des États nationaux. L’UE, dont on a vu qu’elle tenait à s’affirmer en tant que « communauté morale », a substitué en 2009 au terme de « #principes » celui de « valeurs ». Dès lors, le respect de la dignité humaine et des droits de l’homme, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’État de droit sont érigés en « valeurs » sur lesquelles « l’Union est fondée » (art. 2 du Traité sur l’Union européenne) et revêtent un caractère obligatoire pour tout État souhaitant devenir et rester membre de l’UE (art. 49 sur les conditions d’adhésion et art. 7 sur les sanctions).

    Reste-t-on ici dans le périmètre d’une « intégration politique », au sens où la définit Habermas, ou franchit-on le cap d’une « intégration éthique » qui donnerait au projet de l’UE – celui d’une intégration toujours plus étroite entre les États, les peuples et les citoyens européens, selon la formule des traités – une portée résolument identitaire, en en faisant un instrument pour sauvegarder la « #civilisation_européenne » face à d’« autres » qui la menaceraient ? La seconde hypothèse n’a certes rien de problématique aux yeux des partisans de la quête d’« Européanité », pour qui le projet européen n’a de sens que s’il est tout entier tourné vers la défense de la « substance » identitaire de la « civilisation européenne ».

    En revanche, le passage à une « intégration éthique », tel que le suggère l’exhortation à s’en remettre à une « Europe des valeurs » plutôt que des droits ou de la citoyenneté, comporte des risques importants pour celles et ceux qui souhaitent maintenir l’Union dans le giron d’une « intégration politique », fondée sur le respect prioritaire des principes démocratiques, de l’État de droit et des libertés fondamentales. D’où également les craintes que concourt à attiser l’association explicite des « valeurs de l’Union » à un « mode de vie » à préserver de ses « autres éthiques ». Deux risques principaux semblent, à cet égard, devoir être mentionnés.

    En premier lieu, le risque d’exclusion des « autres » est intensifié par la généralisation de politiques imposant un critère de #compatibilité_identitaire à celles et ceux que leur altérité « éthique », réelle ou supposée, concourt à placer à l’extérieur d’une « communauté de valeurs » enracinée dans des traditions particulières, notamment religieuses. Fondé sur ces bases identitaires, le traitement des étrangers en Europe manifesterait, selon #Etienne_Tassin, l’autocontradiction d’une Union se prévalant « de la raison philosophique, de l’esprit d’universalité, de la culture humaniste, du règne des droits de l’homme, du souci pour le monde dans l’ouverture aux autres », mais échouant lamentablement à son « test cosmopolitique et démocratique ». Loin de représenter un simple « dommage collatéral » des politiques migratoires de l’UE, les processus d’exclusion touchant les étrangers constitueraient, d’après lui, « leur centre ». Même position de la part d’Étienne Balibar qui n’hésite pas à dénoncer le « statut d’#apartheid » affectant « l’immigration “extracommunautaire” », signifiant par là l’« isolement postcolonial des populations “autochtones” et des populations “allogènes” » ainsi que la construction d’une catégorie d’« étrangers plus qu’étrangers » traités comme « radicalement “autres”, dissemblables et inassimilables ».

    Le second risque que fait courir la valorisation d’un « nous » européen désireux de préserver son intégrité « éthique », touche au respect du #pluralisme. Si l’exclusion des « autres » entre assez clairement en tension avec les « valeurs » proclamées par l’Union, les tendances à l’homogénéisation résultant de l’affirmation d’un consensus fort sur des valeurs déclarées comme étant « toujours déjà » communes aux Européens ne sont pas moins susceptibles de contredire le sens – à la fois la signification et l’orientation – du projet européen. Pris au sérieux, le respect du pluralisme implique que soit tolérée et même reconnue une diversité légitime de « valeurs », de visions du bien et du monde, dans les limites fixées par l’égale liberté et les droits fondamentaux. Ce « fait du pluralisme raisonnable », avec les désaccords « éthiques » incontournables qui l’animent, est le « résultat normal » d’un exercice du pouvoir respectant les libertés individuelles. Avec son insistance sur le partage de convictions morales s’incarnant dans un mode de vie culturel, « l’Europe des valeurs » risque de produire une « substantialisation rampante » du « nous » européen, et d’entériner « la prédominance d’une culture majoritaire qui abuse d’un pouvoir de définition historiquement acquis pour définir à elle seule, selon ses propres critères, ce qui doit être considéré comme la culture politique obligatoire de la société pluraliste ».

    Soumis aux attentes de reproduction d’une identité aux frontières « éthiques », le projet européen est, en fin de compte, dévié de sa trajectoire, en ce qui concerne aussi bien l’inclusion des « autres » que la possibilité d’un « nous » qui puisse s’unir « dans la diversité ».

    https://laviedesidees.fr/L-Europe-et-la-fabrique-de-l-etranger
    #identité #altérité #intégration_éthique #intégration_politique #religion #islam

    • Politique de l’exclusion

      Notion aussi usitée que contestée, souvent réduite à sa dimension socio-économique, l’exclusion occupe pourtant une place centrale dans l’histoire de la politique moderne. Les universitaires réunis autour de cette question abordent la dimension constituante de l’exclusion en faisant dialoguer leurs disciplines (droit, histoire, science politique, sociologie). Remontant à la naissance de la citoyenneté moderne, leurs analyses retracent l’invention de l’espace civique, avec ses frontières, ses marges et ses zones d’exclusion, jusqu’à l’élaboration actuelle d’un corpus de valeurs européennes, et l’émergence de nouvelles mobilisations contre les injustices redessinant les frontières du politique.

      Tout en discutant des usages du concept d’exclusion en tenant compte des apports critiques, ce livre explore la manière dont la notion éclaire les dilemmes et les complexités contemporaines du rapport à l’autre. Il entend ainsi dévoiler l’envers de l’ordre civique, en révélant la permanence d’une gouvernementalité par l’exclusion.

      https://www.puf.com/politique-de-lexclusion

      #livre

  • #Stanislas : face aux #mensonges de la direction, de nouveaux témoignages

    Homophobie, sexisme, absence d’éducation à la sexualité ou cours religieux obligatoires... Depuis la publication du rapport d’inspection, le directeur de cet établissement privé conteste toute dérive. D’anciens élèves rencontrés par Mediapart répondent.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/270124/stanislas-face-aux-mensonges-de-la-direction-de-nouveaux-temoignages
    #lycée #sexisme #homophobie #témoignages #Amélie_Oudéa-Castéra #non-mixité #Frédéric_Gauthier #autoritarisme #catéchisme #rapport #rapport_d'inspection #Philippe_Ariño #homosexualité #manif_pour_tous #thérapie_de_conversion #avortement #anti-avortement #catholicisme #préjugés_sexistes #éducation_à_la_sexualité #contraception #catéchèse #prosélytisme

  • Les féminicides ont-ils vraiment baissé de 20 % en 2023 ?

    Le 2 janvier, le garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti a affirmé au Figaro que le nombre de #meurtres de #femmes par leur conjoint ou ex-conjoint était en baisse en 2023, et atteignait 94, contre 118 en 2022, soit une diminution de 20 %.

    « Nous savons que lutter contre ce fléau prend du temps (…). Mais l’engagement de la justice française pour endiguer les féminicides porte tout de même ses premiers fruits », a-t-il commenté. Ces chiffres ont rapidement été contestés par plusieurs associations et collectifs féministes. Qu’en est-il ?

    Premier sujet d’étonnement : en évoquant les 118 féminicides de 2022, le #garde_des_Sceaux fait référence aux chiffres de la #Délégation_aux_victimes (#DAV) du #ministère_de_l’Intérieur, « l’étude nationale sur les morts violentes au sein du couple », publiée chaque année depuis 2006. Or pour l’année 2023, la DAV n’a publié aucun chiffre et indique qu’aucun bilan provisoire ne sera disponible avant le 31 janvier 2024.

    Le chiffre avancé par Eric Dupont-Moretti correspond, selon Franceinfo, aux remontées des parquets, et pourrait être corrigé ultérieurement, même si ce sera vraisemblablement à la marge. Reste une question : pourquoi le garde des Sceaux ouvre-t-il l’année en communiquant sur le sujet au mépris du calendrier retenu par le ministère de l’Intérieur ?

    Des écarts avec les associations féministes

    Deuxième sujet d’étonnement : les associations et collectifs féministes qui ont contribué depuis plusieurs années à mettre le sujet des féminicides sur le devant de la scène obtiennent des chiffres plus élevés, à partir de la veille qu’elles font de la presse nationale et de la presse quotidienne régionale.

    Le #collectif_des_féminicides par compagnon ou ex, qui mène ce travail depuis 2016, en est ainsi à 102 féminicides conjugaux en 2023 et souligne que plusieurs enquêtes pour mort suspecte sont toujours en cours. De son côté, l’#Inter-Orga_Féminicides (#IOF), constituée en 2021, recense 134 féminicides en 2023, dont 72 % conjugaux, soit 97.

    Précisons que les écarts entre les chiffres associatifs sont aisés à expliquer : le travail est entièrement réalisé par des bénévoles et repose sur les articles de presse. Il peut donc y avoir des « trous dans la raquette ».

    A l’inverse, les chiffres du ministère de l’Intérieur reposent sur les déclarations des causes d’#homicides par les services de police et de gendarmerie, complétées par une vérification auprès des parquets afin de préciser la qualification pénale. Sachant que le #droit français ne reconnaît pas la notion de féminicide – le #meurtre d’une femme en raison de son #genre –, mais distingue le meurtre, l’#assassinat (meurtre avec préméditation) et les violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

    Une #définition institutionnelle trop restreinte

    Si les chiffres avancés par le ministre font réagir, c’est aussi que la définition du féminicide retenue par les institutions françaises est très restreinte : elle ne tient compte que des #féminicides_conjugaux et laisse de côté d’autres féminicides, les meurtres de mères par leurs fils, celui de femmes par des collègues ou un inconnu, ou encore les meurtres par des clients ou d’autres personnes sur des femmes exerçant le travail du sexe.

    Si la notion de féminicide fait l’objet de discussions dans les milieux féministes depuis de longues années, c’est avec la publication en 1992 du livre des chercheuses Diana Russel et Jill Radford Femicide : the politics of women killing qu’il gagne en popularité, rappelle la journaliste Laurène Daycard dans Nos Absentes. A l’origine des féminicides (Seuil, 2023).

    Les institutions internationales retiennent elles aussi une définition plus large que celle de la France. Les #Nations_unies distinguent depuis 2012 les #féminicides_intimes, commis par des proches, qu’ils soient conjoints ou parents de la victime, des #féminicides_non_intimes, ceux commis contre les professions stigmatisées comme la #prostitution, et les #féminicides_sexuels_systémiques où il n’y a pas de lien préalable entre la victime et son meurtrier, comme les massacres de femmes parce qu’elles sont des femmes.

    D’autres typologies sont possibles. En Espagne, comme le rapporte Le Monde, cinq types de féminicides sont comptabilisés : conjugaux, familiaux, sociaux (exécuté par un inconnu, un collègue de travail, un ami), sexuels (lié à la violence ou à l’exploitation sexuelle ainsi qu’au travail du sexe, mariage forcé ou mutilation génitale), et enfin, les féminicides par procuration, soit l’assassinat d’une personne (proches, enfants) pour nuire à une femme.

    En France, si le #collectif_Féminicides_par_compagnon_ou_ex recense les féminicides conjugaux, l’Inter-Orga Féminicides retient une définition plus extensive. Elle distingue les féminicides conjugaux, familiaux (commis par un enfant ou un parent) et sociaux.

    Au-delà des féminicides ?

    Au-delà de la définition même du féminicide, d’autres phénomènes s’inscrivent dans le continuum des #violences_de_genre qui structurent encore les sociétés contemporaines et doivent être a minima pris en compte.

    C’est le cas des #suicides_forcés, reconnus dans le Code pénal depuis 2020, et définis comme des suicides ou tentatives de suicides provoquées à la suite de #harcèlement dans le cadre de #violences_conjugales.

    Certains plaident pour leur intégration dans la définition du féminicide. En 2022, les services du ministère de l’Intérieur en ont recensé 759, presque exclusivement des femmes. Cela correspond à une multiplication par 3,3 depuis 2020, qui dit aussi une meilleure appréhension du phénomène.

    A cela s’ajoutent les #tentatives_de_féminicides, qui, si elles n’aboutissent pas à la mort de la victime, ont pourtant des conséquences destructrices. Le ministère de l’Intérieur recense ainsi 366 tentatives d’homicides au sein du couple en 2022, dont 267 contre des femmes. Cela, sans compter les infanticides commis dans le cadre de violences conjugales, ou les traumatismes d’enfants survivants d’un féminicide. Bref, pas de quoi pavoiser.

    https://www.alternatives-economiques.fr/feminicides-ont-vraiment-baisse-de-20-2023/00109303
    #féminicides #statistiques #chiffres #France #typologie

    ping @_kg_

  • La production de l’évidence hétérosexuelle chez les enfants | #Kevin_Diter, dans Actes de la recherche en sciences sociales 2023/4
    https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2023-4-page-20.htm
    Une présomption hétérosexuelle omniprésente et diffuse

    La perception de l’évidente #hétérosexualité des #enfants apparaît tout d’abord dans la manière dont les pères, les mères, les professeur·es et animateur·rices définissent et caractérisent les relations entre enfants : quand un·e enfant joue, parle, rigole avec un·e enfant du même sexe, cet échange est aussitôt pensé et défini comme une relation amicale. Il s’agit de deux ou plusieurs meilleur·es copains ou copines qui « aiment passer du temps ensemble », « se raconter leur vie », « faire les 400 coups » ou « se chamailler pour un oui ou un non, avant de se réconcilier » [...]. À l’inverse, lorsque deux enfants de sexe différent s’amusent ou restent simplement à proximité, sans montrer de faux signes d’agacement ou sans faire semblant de se repousser, la relation perd son caractère amical. Elle est immédiatement requalifiée par les adultes, puis par les autres enfants assistant à la scène, comme une relation amoureuse, et ce de façon d’autant plus vive si le garçon et la fille sont en « tête à tête » et restent relativement à l’écart de leurs copains et copines respectif·ves.

    Cette redéfinition amoureuse des relations garçons-filles s’effectue même lorsque les enfants ne sont pas d’accord avec la labélisation proposée et estiment être dans une relation purement amicale.

    [...]

    La présomption hétérosexuelle des enfants se donne ensuite plus directement à voir dans les discussions parents-enfants, ou plus précisément les discussions mères-enfants, lorsqu’elles et ils abordent ensemble la question de leurs « vraies amours », c’est-à-dire de leurs #amours adolescentes et adultes, de leur mariage à venir, voire de la conception des enfants. [...]

    Quand je demande aux mères et aux pères (qui sont toutes et tous hétérosexuel·les) s’il leur arrive d’évoquer lors de ces échanges les amours entre deux filles ou entre deux garçons, les réponses sont souvent identiques. Elles oscillent entre le « trop petits pour comprendre, on verra ça plus tard » et le « non » franc et massif [...].

    Enfin, la présomption hétérosexuelle ressort de manière flagrante au moment de la Saint-Valentin ou à la fin des vacances, quand les adultes organisent des activités « romantiques », comme les boums, dont le but premier et présenté comme tel est de permettre aux enfants « d’aller à la rencontre de leurs amoureuses », et plus généralement, lors des slows, de « mélanger un peu les filles et les garçons » et de « voir des petits couples se former » pour reprendre les expressions amusées des animateurs et animatrices qui encadrent les activités dansantes. Lors de ces évènements, l’hétérosexualité – et l’ordre du genre sur lequel elle repose et qu’elle participe à légitimer – sont « hyper-ritualisées  » [...].

    Une homosexualité possible et pensable uniquement « à la troisième personne »

    Tous les exemples [d’#homosexualité] pris par les enfants renvoient à des ami·es ou à des membres de la famille de l’âge de leurs parents (qui ont tous et toutes des enfants et qui ont donc fait preuve d’un véritable amour). L’homosexualité ne semble pas relever du champ du possible pour les enfants elles- et eux-mêmes. Cette mise à distance du monde enfantin de l’homosexualité est particulièrement saillante quand je leur demande si elles et ils pourraient être amoureux/ses d’un·e enfant du même sexe. Elles et ils me répondent immédiatement et sans aucune hésitation par la négative [...]. En d’autres termes, un effet de troisième personne émerge de leurs commentaires : si l’homosexualité entre dans le champ du possible et du pensable des enfants, et peut leur apparaître légitime, elle ne l’est pas pour elles et eux. Elle l’est uniquement pour d’autres personnes, des personnes relativement éloignées d’elles et eux puisqu’appartenant au seul monde des adultes. Cette mise à distance enfantine peut s’expliquer par le fait que les histoires de couple ou d’amour homosexuels que les filles et les garçons connaissent ne concernent généralement que des adultes et sont mentionnées sous le sceau du secret, signalant et renforçant leur caractère anormal pour les enfants. 

    De vraies amitiés entre filles et garçons

    Plusieurs enfants soutiennent, malgré les moqueries dont elles et ils ont pu parfois faire l’objet, que l’« amitié avec les garçons, ça existe vraiment » (Céline, CM1...), « [qu’] on peut être copain avec une fille, sans qu’elle soit notre amoureuse » (Clément, CM2...), concédant toutefois que « c’est quand même vachement rare ». Elles et ils prennent le plus souvent pour exemple des #amitiés hétérosexuées qui se sont développées dans le cadre domestique ou lors de vacances, loin des regards moqueurs et des risques de rappel à l’ordre hétérosexuel de la part de leurs camarades d’école ou des professionnel·les de l’enfance. Ces amitiés se tissent le plus souvent avec les copains/copines de leur(s) frère(s) ou sœur(s) aîné·e(s) ou avec les enfants des ami·es de leurs parents, qui ont tous et toutes pour point commun de ne pas avoir le même âge. Cette différence d’âge, tout comme la coprésence imposée de l’enfant de l’autre sexe (puisque ce sont les autres membres de la famille qui l’ont convié·e au domicile), permettent aux amitiés filles/garçons de se développer sereinement dans la mesure où elles endiguent, voire suppriment, tout soupçon d’amour naissant. Les enfants des deux sexes qui jouent ensemble ne peuvent être des amoureux puisqu’ils et elles n’ont pas choisi d’être réuni·es. Ils et elles le sont, contre leur gré, du fait de l’intervention de personnes extérieures. De même, l’écart d’âge rend le développement de toute relation amoureuse impossible en raison de la distance (sociale) qui sépare les « grand·es » des « petit·es ». Ces dernier·ères seraient trop éloigné·es, trop différent·es pour qu’un sentiment plus fort qu’une simple camaraderie n’émerge .

    #homophobie #sexisme