@Sombre hermano
Mes excuses pour la longueur et le caractère sommaire et décousu de ce qui suit.
En fait, je crois que je ne partage pas ces illusions :
"comment cela sera-t-il pris en compte ? Cela aura -t-il assez de force pour infléchir les mauvaises décisions qui auront décidées en « haut lieu » ?"
"une occasion d’exprimer à nos édiles le fait que ce sont des nuisibles et que leurs propagandes ne nous intéressent plus. "
Je ne pense pas que cette dernière expression puisse être formulée lors d’une élection, ni être jamais audible des « édiles ». Je pense qu’on ne fait pas le déplacement jusqu’aux urnes sans croire un minimum, et alimenter inconsidérément sa propre croyance en la sinistre farce en question - certain-e-s qui « s’abstiennent » y croient encore, et persistent à donner un sens électoral à leur abstention.
C’est à cette croyance là, à ce résidu élimé, plus qu’usé jusqu’à la trame, à cet ectoplasme citoyen qu’il me semble urgent de renoncer. Ce mythe démocratique me semble bien plus nuisible que les élus, puisqu’il agit de l’intérieur, à la racine, sur la capacité de penser, puisqu’il lui fournit une trame.
De même, je ne tiens pas à ce que ma propre expression prenne une place qui excède trop la modeste matérialité de ma petite personne.
Ce qui implique que je ne tiens pas à chercher à singer la grenouille de Lafontaine et à contribuer à infléchir quelque « décision en haut lieu » que ce soit. Il me semble que si un souhait ou un projet peut avoir un sens, c’est seulement celui de la disparition de ces « hauts lieux » où les décisions ne peuvent être que calamiteuses, pour ne pas dire pis, du simple fait de la hiérarchie sociale qu’ils impliquent.
Et qu’un premier pas à ma portée pour amoindrir leur emprise est de refuser de penser et de me considérer moi-même en leurs termes, de considérer leurs termes comme autant d’armes employées contre moi. De refuser de parler leur langue. De leur refuser mon concours - ces hauts lieux n’existeraient pas s’ils n’avaient l’adhésion de tous ceux qui ne savent se plaindre d’eux que dans les formes admises, qui ne savent penser qu’avec eux.
C’est le sort des humains dominés de voir leur pensée colonisée par celle de ce et celleux qui les dominent.
Je ne peux évidemment pas aller détruire le Parlement, la bourse ou l’Elysée, et il faudrait aussi les détruire simultanément dans plusieurs dizaines de millions de têtes au moins pour qu’un tel acte puisse éventuellement produire un début d’effet intéressant.
Mais je peux me défendre de la croyance en le fétiche démocratique quand je la rencontre dans la mienne, et m’efforcer d’agir en conséquence. En fait, il n’y a guère que là que je puisse espérer pouvoir le faire. Je n’ai pas le pouvoir de le faire dans d’autres têtes, et je ne cherche pas ce pouvoir.
Je pense que le pouvoir est toujours un leurre mortel, que les « maîtres du jeux » sont d’abord et surtout les plus zélés de ses valets. (Je n’ai aucune envie de mettre ma pensée ne serait-ce qu’à moitié aussi à plat ventre que la leur) et que la démocratie est l’art de donner à chacun-e l’illusion qu’il pourrait innocemment jouer avec le Pouvoir, en assumer un fragment, au prétexte que chacun-e y contribuerait plus ou moins également. Qu’ellil pourrait y contribuer non seulement innocemment, mais en plus de façon responsable.
Je ne tiens pas à me trouver réduit à un quantième de % de quoi que ce soit. Je ne connais que des êtres humains singuliers. Je ne tiens à en voir aucun-e réduit-e, ou se réduire ellui-même à quelque pourcentage que ce soit.
Je ne peux rien faire de mieux que de faire de mon mieux la part qui me revient, celle qui est à ma portée, aussi nécessairement limitée soit-elle dans ses effets.
Aller au delà ? Je dois bien laisser à chacun la sienne.
Il s’agit pour moi de renoncer à l’illusion consolatrice, aux espoirs faciles que donne le pouvoir.
Oui, les temps sont sombres.
Sivens n’était manifestement pas tenable. Et beaucoup d’autres lieux, d’autres batailles seront encore perdues.
C’est assurément regrettable.
Mais toutes les armes ne sont pas pertinentes. Et le vote est une arme du pouvoir, dirigée d’abord contre chacun-e de celleux qui acceptent de s’en servir.
La révolution sera l’oeuvre des opprimés eux-mêmes, disait Karl. Je ne sais pas si la révolution aura lieu ou pas, mais Je ne peux prétendre émanciper personne à sa place, et j’ai déjà fort à faire à comprendre et me défaire de la mienne !