• Le conflit israélo-palestinien bouscule les facs américaines
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-transition-de-la-semaine/le-conflit-israelo-palestinien-bouscule-les-facs-americaines-4772312

    https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/16740-09.12.2023-ITEMA_23578802-2023C49329S0343-21.mp3

    [...]
    Pourquoi l’affaire est-elle remontée jusqu’au Congrès ? "Le soutien très clair en faveur de la Palestine et une difficulté parfois à condamner ouvertement les événements du 7 octobre ont dérangé. L’usage du mot « Intifada » aussi a posé beaucoup de problèmes aux élus du Congrès qui ont demandé à des présidents d’universités d’expliquer l’usage de ce terme."
    [...]

    Et uniquement dans le podcast, vient :

    l’usage de ce terme [intifada] est vu [par les membres du congrès] comme une forme d’antisémitisme

    Le problème dans cette affaire est, me semble-t-il, l’amalgame opéré entre intifada et antisémitisme.

    Un amalgame qui n’est remis en question ni par les directrices d’université (visiblement) ni par les commentateurs, les « spécialistes » et les journalistes. S’agirait-il de la résurgence de nouvelles formes de maccarthysme ?

    • Partant de cet amalgame, l’interview déballe ensuite tranquillement les pires énormités : « appeler au génocide des juifs », référence aux défilés nazis aux USA dans les années 30...

    • quand on trouve pas d’antisémitisme à instrumentaliser, on l’invente. et voilà que les accusé.e.s elleux-mêmês ne récusent pas la prémisse fallacieuse dont relève leur procès...
      au delà de la situation en Palestine, [et puisqu’il s’agit du mot Intifada] c’est toute révolte, tout soulèvement qui sont visés. l’obscurité enveloppe ce monde.

    • Comment la guerre Israël-Hamas a déchiré Harvard
      https://www.lemonde.fr/international/article/2023/12/17/comment-la-guerre-israel-hamas-a-dechire-harvard_6206253_3210.html

      Interrogée le 5 décembre sur les débordements antisémites sur les campus, avec ses collègues de Penn University, Elizabeth Magill, et du Massachusetts Institute of Technology (MIT), Sally Kornbluth, Claudine Gay, 53 ans, est incapable de répondre clairement à la question posée par la représentante au Congrès, la républicaine Elise Stefanik. « Est-ce que l’appel au génocide des juifs viole le code de conduite » des universités en matière de harcèlement et d’intimidation ? « Cela peut être le cas, selon le contexte, comme cibler un individu », répond Claudine Gay, à l’instar de ses deux collègues.

      Obsédées par la défense de leur règlement intérieur sur la liberté d’expression, les trois présidentes restent rivées aux éléments de langage préparés par les juristes. « Cela ne dépend pas du contexte. La réponse est oui, et c’est pourquoi vous devriez démissionner », lance Elise Stefanik. Précision notable : cette représentante trumpiste avait démarré l’audition en assimilant le fait d’appeler à l’Intifada (« soulèvement » en arabe) à celui de « commettre un génocide contre les juifs en Israël et au niveau mondial ». Cette définition toute personnelle, non contestée en séance, a fait basculer le débat du soutien à l’Intifada à la question du génocide.

      https://jpst.it/3vwZp

      La pratique de la critique politique étant désormais durablement colonisée par les milieux universitaires, et cela, en particulier, dans le pays de l’oncle Sam, on en vient à considérer qu’il est plus important de mener des guerres de position que de défendre la rationalité factuelle, quant au fond ; à savoir, la non réfutation de l’amalgame entre « intifada » et « antisémitisme », évoquée dans mon précédent message. Une non réfutation qui pose de sérieux problème sur la capacité de cette personne à mener une méthodologie d’argumentation sur des bases scientifiques, me semble-t-il.

      Le plus important pour ces milieux, n’est visiblement pas la réalité factuelle - en particulier, ce qui se passe en Palestine - mais l’avenir de l’institution universitaire, à savoir :
      1) les profils des membres des directions, (sont-ils représentatifs de la « diversité » ?) ;
      2) le discours qui doit s’y tenir (doit-il y avoir un distinguo entre le discours scientifique des enseignants et la liberté d’expression des étudiants ?) ;
      3) et, surtout, le financement.

      Du rôle des intellectuels ?

    • Harvard Is Ignoring Its Own Antisemitism Experts
      https://jewishcurrents.org/harvard-is-ignoring-its-own-antisemitism-experts?token=5WMIOB4HE85XG

      But while Gay’s letter suggests that the task force will explore what she casts as a worrisome relationship between antisemitism and activism for Palestinian rights, none of its members have conducted scholarly research into this supposed intersection. Most notably absent from the advisory group was Derek Penslar, the director of Harvard’s Center for Jewish Studies and a leading scholar of Zionism and its critics. His acclaimed recent book, Zionism: An Emotional State, includes a chapter entitled “Hating Zionism,” on the different motivations that have driven Zionism’s opponents since its creation. Given the relevance of his scholarship, Penslar would have seemed an obvious choice for the advisory group. But according to four faculty members familiar with Jewish studies at Harvard who requested anonymity to discuss internal university affairs, not only was he not selected, he wasn’t even consulted. One professor compared snubbing Penslar to “creating a task force on AI without consulting the chair of the department of computer science.”
      Why wasn’t Penslar chosen? One likely factor is that he signed the Jerusalem Declaration on Antisemitism (JDA), which states that “criticizing or opposing Zionism” is not necessarily antisemitic. By contrast, most of the people appointed to the advisory group—none of whom have Penslar’s expertise—have made public statements alleging that anti-Zionism is antisemitic, or are affiliated with organizations that hold that view. Though Gay’s email claims that the advisory group is committed to “bringing our teaching and research mission” to bear in the fight against antisemitism, the group’s composition suggests that its members were selected less for their scholarly credentials than for their political beliefs, which align with those of influential donors, some of whom have already withdrawn funding or have threatened to do so.
      The advisory group’s composition suggests that its members were selected less for their scholarly credentials than for their political beliefs, which align with those of influential donors.
      Harvard is not the only university where political considerations have trumped scholarly ones in the wake of October 7th. The presidents of New York University and the University of Pennsylvania have also responded to alumni pressure to define anti-Zionism as Jew-hatred with initiatives designed to validate that view. In so doing, they are not only threatening pro-Palestinian speech; they are undermining their universities’ academic integrity. “Scholars with a more nuanced view of antisemitism know that challenging the activities of a government, or even questioning its legitimacy, is not antisemitism,” Lior Sternfeld, an associate professor of history and Jewish studies at Penn State, told me. “Yet their expertise is rejected or sidelined because it is not what the donors and the Jewish establishment want. They don’t want a more scholarly conversation about antisemitism.”

      Intellectuels, certes, mais avant tout employés jetables d’institutions universitaires dépendantes de fonds privés qui ne financent pas « la critique » mais la reproduction d’une élite. La prise en compte des titres et qualification intellectuelles ou scientifiques en dépend. Les rapports de forces politiques sont au centre du gouvernement de ces facs.

      #universités_américaines #antisémitisme #antisionisme #E-U

      edit

      In addition to Penslar, Harvard boasts Sara Roy, who in addition to being one of the world’s leading experts on Hamas and the political economy of the Gaza Strip, is a child of Holocaust survivors who has written powerfully about how the humiliation she witnessed in Gaza helped her understand her parents’ experience of antisemitism in Europe .

      #uprising #intifada #soulèvement #révolte #université #institutions

    • Que les universités aient pour principale fonction de reproduire les élites (et non de produire une quelconque forme de critique sociale effective), cela ne fait absolument aucun doute pour moi. C’est pour cela que j’ai indiqué que la critique politique était actuellement colonisée par les milieux universitaires, y compris en France où l’on ne manque jamais de faire références à telle ou telle « critique radicale » issue des universités étasuniennes.

    • Non, les universités n’ont pas pour principale fonction de reproduire les élites, sinon il n’y aurait pas 2 millions d’étudiants en France. On parle là d’universités d’élite (qui fabriquent aussi des salariés ordinaires), comme on parlerait ici de grandes écoles ou de filères de luxe (il serait plus que temps d’en finir y compris avec le discours sur les « chiens de garde la bourgeoisie » à propos dune université dont les effectifs se sont massifiés à un tel point). Mais ce n’était pas le point que je soulevais qui était plutôt d’observer comment cette madame Gay, et d’autres, peuvent passer pour complaisants avec l’antisémitisme (attaque des conservateurs) et tout faire, y compris sans aucun scrute intellectuel, jusqu’à exclure la critique du sionisme, pour tenter d’éviter que ce soit le cas, afin de ne pas perdre des postes de « direction » dont les bureaux et CA des universités décident.

    • Ah oui ! faut distinguer « élite » et « élites » ;-)

      Le fait qu’il y ait une massification n’est pas contradictoire avec la finalité de la construction sociale des élites (je maintiens), même si le choix des filières et le placement dans les grandes écoles constituent les critères déterminants.

      Alors, qu’il y ait massification des universités, oui mais combien d’étudiants ne dépassent pas 3 ans d’étude, faute d’avoir les moyens de suivre le parcours complet ? Certaines filières sont si peu valorisée qu’elle ne permettent pas objectivement aux étudiants BAC+5 de rejoindre socialement et financièrement la classe des privilégiés. Oui.

      Que l’université, depuis longtemps, soit aussi cette fabrique de « salariés ordinaires », comme tu le dis, c’est indéniable.

      Pour autant, c’est la même institution universitaire qui (re)produit aussi, en partie, la classe qui détient le pouvoir.

      La classe sociale dominante, qu’on le veuille ou non, est toujours constituée de ces personnes ayant traversé avec succès ces lieux d’apprentissage du pouvoir - notamment, les « bonnes filières universitaires », celles qui sont suffisamment compétitives. Ce sont ces anciens étudiants qui ont été socialement et financièrement en capacité d’aller au terme du « bon » cursus.

      Mais effectivement, dans le sujet qui nous occupe ici, le problème principal n’est pas là. Pour moi, c’est l’attitude pitoyable de ces directions d’université aux USA qui ne sont pas capables de tenir un minimum de rigueur et de cohérence théorique dans leur argumentaire, et cela, uniquement pour continuer de garder leurs postes et le financement des établissements.

    • La présidente de l’université Harvard, Claudine Gay, a démissionné à la suite d’accusations de plagiat et de débordements antisémites sur le campus
      https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/02/la-presidente-de-l-universite-harvard-claudine-gay-annonce-sa-demission-a-la


      La présidente de Harvard, Claudine Gay, lors de son audition devant le Congrès, le 5 décembre 2023. MARK SCHIEFELBEIN / AP

      La présidente de l’université Harvard, Claudine Gay, a démissionné à la suite d’accusations de plagiat et de débordements antisémites sur le campus

      Nommée en juillet, elle était vivement critiquée depuis une audition au Congrès en décembre, au cours de laquelle elle n’avait pas explicitement condamné les appels au génocide des juifs.

      Le Monde avec AP

      Claudine Gay, présidente de l’université de Harvard, a finalement annoncé sa démission, mardi 2 janvier. Cette professeure de sciences politiques, devenue en juillet la première présidente noire de l’université Harvard, située près de Boston, était depuis quelques semaines sous le feu des critiques. Visée par des accusations de plagiat liées à ses travaux universitaires, alimentées par un site conservateur, elle était surtout critiquée depuis une audition au Congrès, sur la lutte contre l’antisémitisme sur les campus, où elle n’avait pas condamné clairement des appels au génocide des juifs.

      « C’est le cœur lourd mais avec un profond amour pour Harvard que je vous écris pour vous annoncer que je vais quitter mon poste de présidente », a déclaré Claudine Gay, 53 ans, dans une lettre de démission publiée mardi. « Il est devenu clair pour moi qu’il est dans l’intérêt de Harvard que je démissionne afin que notre communauté puisse traverser cette période de défi extraordinaire en se concentrant sur l’institution plutôt que sur ma personne », explique-t-elle.

      Depuis l’attaque sanglante du Hamas en Israël le 7 octobre, suivie de représailles meurtrières de l’armée israélienne dans la bande de Gaza, le conflit déchaîne les passions dans les universités américaines les plus renommées. Mardi 5 décembre, dans une ambiance tendue, Claudine Gay et ses homologues de l’université de Pennsylvanie (Penn) et du Massachusetts Institute of Technology (MIT), Elizabeth Magill et Sally Kornbluth, avaient répondu cinq heures durant aux questions d’élus de la Chambre des représentants.
      Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Comment la guerre Israël-Hamas a déchiré Harvard

      Elles avaient notamment été interrogées sans ménagement par l’élue républicaine Elise Stefanik, qui a assimilé les appels de certains étudiants à l’« Intifada » à une incitation à « un génocide contre les juifs en Israël et dans le monde ». Lorsque Mme Stefanik avait demandé si « appeler au génocide des juifs violait le règlement sur le harcèlement à Harvard, oui ou non ? », Mme Gay avait répondu : « Cela peut, en fonction du contexte », avant d’ajouter : « Si c’est dirigé contre une personne. » « Si le discours devient acte, cela peut devenir du harcèlement, avait répondu Mme Magill à la même question. C’est une décision qui dépend du contexte. »

      Leurs réponses, devenues virales, avaient provoqué un tollé jusqu’à la Maison Blanche, dont un porte-parole, Andrew Bates, avait jugé « incroyable que cela doive être dit : les appels au génocide sont monstrueux ».

      « Il a été pénible de voir mis en doute ma détermination à lutter contre la haine et à faire respecter la rigueur scientifique – deux valeurs fondamentales qui sont pour moi essentielles – et effrayant d’être soumise à des attaques personnelles et à des menaces alimentées par du racisme », souligne Mme Gay dans sa lettre de démission, appelant la communauté de Harvard à « lutter contre les préjugés et la haine sous toutes ses formes ».

      La deuxième présidente de l’Ivy League à démissionner

      Après son audition au Congrès, Mme Gay avait présenté des excuses, déclarant au journal étudiant The Crimson qu’elle s’était laissée entraîner dans un échange houleux et qu’elle n’avait pas dénoncé correctement les menaces de violence à l’encontre des étudiants juifs. « Ce que j’aurais dû avoir la présence d’esprit de faire à ce moment-là, c’est de revenir à la vérité qui me guide, à savoir que les appels à la violence contre notre communauté juive – les menaces contre nos étudiants juifs – n’ont pas leur place à Harvard et qu’ils ne resteront jamais sans réponse », avait-elle déclaré.

      Cet épisode a entaché le début du mandat de Mme Gay à Harvard et a semé la discorde sur le campus. Plus de 70 parlementaires, dont deux démocrates, ainsi que des anciens étudiants et des donateurs de renom avaient réclamé le départ de Mme Gay. La présidente avait toutefois reçu le soutien de la communauté éducative et avait été maintenue mi-décembre dans ses fonctions.

      Elle devient la deuxième présidente de l’Ivy League, qui rassemble huit universités d’élite, à démissionner. En décembre, Elizabeth Magill, de l’université de Pennsylvanie, avait annoncé son départ face aux pressions.

      La commission parlementaire avait annoncé qu’elle enquêterait sur les politiques et les procédures disciplinaires en vigueur à Harvard, au MIT et à Penn. Des enquêtes fédérales distinctes sur les droits civils ont déjà été ouvertes à Harvard, à Penn et dans plusieurs autres universités à la suite de plaintes déposées auprès du ministère de l’éducation américain.

      « Attaques personnelles »

      L’instance dirigeante de l’université Harvard, qui a accepté mardi la démission de Mme Gay, a salué sa « résilience remarquable face à des attaques continues et profondément personnelles ». « Si une partie de cette affaire a eu lieu de façon publique, une grande partie a pris la forme d’attaques immondes et dans certains cas racistes contre elle via des emails et des appels téléphoniques honteux », précise l’institution dans un communiqué.

      La républicaine Elise Stefanik a de son côté qualifié sur le réseau social X cette démission de « très tardive », assurant qu’il s’agissait du « début de ce qui constituera le plus grand scandale de toute l’université dans l’histoire ».

      « Résilience remarquable » ou esprit de sacrifice, peut importe les mots permettant de décrire une position défensive personnelle qui traduit avant tout la défaite de l’expression politique anticolonialiste et antiraciste - notamment, la cause palestinienne - sur les campus étasuniens, c’est à dire, là où elle est censée (selon ses détracteurs) être la plus répandue et la plus influente. Il ne faudra pas oublier de remarquer le rôle de l’administration politique démocrate dans cette affaire.

  • L’Inexploré - Pierre Legendre
    https://www.youtube.com/watch?v=8zkdFbCeRLU

    Pierre Legendre, à l’écart du brouhaha médiatique et des idéologies à la mode, a tracé patiemment, sur plus de soixante ans, le chemin de l’anthropologie dogmatique. Il est revenu, en la maison qui l’a accueilli dans ses premières années d’étude des manuscrits médiévaux, l’École des chartes, pour livrer « à la jeunesse désireuse des lois » le suc de son labeur.

    Dans le droit fil de « De la Société comme texte » (2001) et en résonance avec ses conférences données au Japon en 2004 « Ce que l’Occident ne voit pas de l’Occident », dans un style dépouillé, Pierre Legendre découvre ce qui fait tenir debout, enlacés, l’humain et la société. Quel meilleur guide que Piero della Francesca pour ouvrir nos yeux à l’invisible ?

    https://arsdogmatica.com

    #chrétienté #anthropologie_dogmatique #langue #institution #civilisation #montage #scène #individu #personne #fiction #Piero_della_Francesca #principe_de_réalité #religion #ritualité #pacte_dogmatique #faille_institutionnelle #modernité #droit_naturel #droit_romain #occident #papauté #activisme_juridique #contrat #protestantisme #universalisme_politique #impératif_libéral #révolution_protestante #révolutions #Europe #narration_totémique #chorégraphie #logiques_contraires #tiers-terme

  • #Mafias et #banques

    Retour sur l’histoire d’une saga méconnue : l’alliance que vont tisser groupes criminels organisés et #institutions_financières, des années 1920 à nos jours à l’échelle de la planète. Cette série documentaire en trois épisodes, sous forme d’enquête, plonge dans les eaux troubles de la mafia. De #Michele_Sindona, le banquier du Vatican, au cartel de #Pablo_Escobar en passant par la City et les Bahamas.

    https://www.arte.tv/fr/videos/RC-024485/mafias-et-banques
    #mafia #crimalité_organisée #finance
    #documentaire #film_documentaire

  • Symboles et politique : Le Sénat français est souvent caractérisé par son côté conservateur. Il a presque souvent été à droite depuis 1958, sauf pendant trois ans.

    Cela se vérifie dans son architecture. L’hémicycle n’est pas symétrique. Il penche à droite. Il y a 6 fauteuils de plus sur la gauche. Ce qui fait qu’en cas de représentation droite/gauche, on aura des sénateurs de droite dans la partie gauche de l’hémicycle.

    Cela se vérifie dans la manière dont le site du sénat met en forme le résultat des scrutins (ex : https://www.senat.fr/scrutin-public/2023/scr2023-4.html) on retrouve sur les infographies cette inclinaison à droite.

    #senat #graphisme_d'information #hemicyle #cartographie #symbole #institution

  • L’accueil, une clinique d’hospitalité

    L’Utopie concrète du soin psychique

    A la suite de l’essai Emancipation de la psychiatrie qui remet en perspective les acquis institutionnels de la psychothérapie institutionnelle et du secteur de psychiatrie publique généraliste, L’accueil, une clinique d’hospitalité, utopie concrète du soin psychique, le reprend à partir de pratiques cliniques d’accueil du soin psychique émancipatrice de la « valeur humaine » en psychiatrie. L’humain, technique alternative en est l’enjeu politique majeur d’accès inconditionnel aux soins psychique dans la société, que ce soit pour les populations autochtones ou pour les réfugiés et exilés migrant de l’humanitaire.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/11/15/laccueil-une-clinique-dhospitalite

    #santé

  • (j’ai lu pour vous...)

    André Orléan, « L’empire de la valeur » (2011)

    3 parties dans le livre

    Partie 1 Critique de l’économie

    Les théories classiques et néoclassiques ont pour but de rendre visibles les interdépendances cachées qui relient objectivement les activités économiques les unes aux autres, par-delà la séparation formelle des acteurs. Elle conduit à saisir l’économie comme un tout.

    Théories classiques (Smith, Ricardo, Marx)

    la cohésion marchande est abordée sous l’angle de la division du travail. Chez Marx c’est le temps socialement nécessaire qui définit la valeur. Conséquence : la même marchandise peut voir sa valeur transformée si cette norme change, sans que son producteur ait modifié quoi que ce soit sa façon de produire.

    Théories néoclassiques (origines : travaux marginalistes de Jevons, Menge et Walras).

    Modèle de l’équilibre général walrassien, offre la théorie de la valeur utilité la plus rigoureuse.
    Le modèle walrassien a une dimension morale : le marché est un mécanisme automatique, ayant pour fonction d’enregistrer les désirs des individus sans les transformer. C’est une économie pacifiée dans laquelle tous les agents voient leurs désirs satisfaits. Comment un tel miracle est-il possible ? 1) fixité des préférence (les protagonistes restent froids et imperturbalbes en toute circonstance) 2) mais elle sont aussi flexibles (hypothèse de « convexité des préférences » de Arrow et Devreu), elles ne sont ni trop exagérées ni trop exclusives. Exagérées : « plus j’en ai plus j’en vaux ». Exclusives : « un seul bien m’intéresse ».

    Le secrétaire de marché ou « commissaire-priseur »
    [foutage de gueule ?]
    La formation des prix est extérieure aux acteurs (Walras avait en tête l’organisation des marchés boursiers).
    Le processus du « tâtonnement walrassien » est :
    1) les acteurs prennent connaissance des prix criés par le secrétaire, un prix pi pour chaque bien i
    2) ils calculent les quantités de chaque bien qu’il est optimal d’acquérir et communique le résultat au secrétaire
    3) le secrétaire calcule pour chaque marché, la différence entre offre et demande. Il modifie les prix en cas de déséquilibre (augmente le prix si la demande excède l’offre, diminue dans le cas contraire)
    Critiques : l’extrême centralisation que ce processus suppose
    Le processus qui mène à cet équilibre n’est pas décrit. Le secrétaire (bénévole !)
    La flexibilité concurrentielle des prix ne mène pas à la découverte spontanée de cet équilibre. On a démontré l’existence théorie de l’équilibre, mais pas comment on l’atteint. Comment l’économie se comporte hors de l’équilibre ? On a démontré que le tâtonnement walrassien ne mène pas forcément à l’équilibre à partir du déséquilibre ! « Il faut admettre que les économistes n’ont pas démontré qu’en toute généralité la concurrence permet une coordination efficace des acteurs économiques » p.72. Cette critique porte sur l’aptitude de la concurrence à ramener l’équilibre sur tous les marchés (le tâtonnement walrassien marche sur un marché isolé)
    => Mais ce modèle reste la référence, en l’absence de modélisation alternative !

    Position d’Orléan : l’hypothèse mimétique

    Hypothèse mimétique : le désir est influencé par l’imitation du désir d’autrui.

    Rétroaction positive (donc dans le mauvais sens). Lorsque l’hypothèse de convexité est abandonnée, l’équilibre n’est pas optimum (il faudrait un changement coordonné, ce qui nécessite une organisation collective, centralisée, de grande ampleur)

    Concurrence walrassienne : l’individu considère l’utilité de la marchandise sans l’interférence des autres individus, la marchandise est une médiation parfaite entre les acteurs. ça fonctionne lorsque les interactions se polarisent sur un modèle extérieur aux acteurs (préférences stabilisées, les buts sociaux sont fixés sous la forme d’une liste de biens désirables). « S’il peut sembler que les acteurs walrassiens sont coupés les uns des autres, sans représentations collectives, exclusivement préoccupés par l’appropriation d’objets aux prix variables, c’est parce que antérieurement ils se sont mis d’accord sur la qualité des objets et leur définition (hypothèse de nomenclature des biens) » (p. 90)

    Concurrence mimétique (p. 72) : unanimité, multiplicité des équilibres, indétermination, dépendance par rapport au chemin, non-prédictibilité. Mimétisme stratégique : Imiter l’autre est une stratégie d’exploration visant à découvrir qui, chez les autres, possède la réponse correcte.

    (p. 227) bon résumé, même si c’est le conclusion de la 2ème partie)
    La valeur n’est pas une substance (travail ou utilité). La valeur n’a pas pour origine l’utilité des objets (théorie marginaliste) ou le travail contenu dans les objets (théories de la valeur-travail).
    « Le point de départ est la séparation marchande, c’est-à-dire un monde où chaque individu est coupé de ses moyens d’existence. Seule la puissance de la valeur, investie dans l’objet monétaire, permet l’existence d’une vie sociale sous de tels auspices ». Elle réunit des individus séparés en leur construisant un horizon commun, le désir de monnaie, et un langage commun, celui des comptes. L’obtention de monnaie s’effectue selon la formule M-A, par la vente de marchandises [! pas que]. Plus la marchandisation s’intensifie, plus la monnaie accroît accroît son empire sur le monde social.
    Ce qui est objectif, qui s’impose aux agents, ce sont les mouvement monétaires. Les prix sont variables, fruit des luttes d’intérêt, il n’y a pas de « juste prix » ou de « valeur fondamentale »
    Orléan développe l’hypothèse mimétique pour expliquer ce qu’est la monnaie et la valeur

    Partie 2 institution de la valeur

    Dans la séparation marchande, le désir de liquidité est à l’origine d’un processus de concurrence mimétique, à rétroaction positive, au cours duquel les biens liquides les plus en vues voient leur attrait s’accroître cumulativement jusqu’au point où une seule option est retenue au détriment de toutes les autres.
    « Tous partageant une même vénération à son égard, les individus marchands cessent d’être l’un à l’autre dans un état d’absolue étrangeté et leur lutte peut se polariser sur sa seule possession. De cette façon, la monnaie s’impose à toutes les activités marchandes comme tiers médiateur qui en authentifie la valeur économique »

    Orléan va chercher chez les sociologues Simmel et Durkheim comment comprendre que la monnaie est une institution et non un instrument.

    ➪ Mon commentaire :
    - Cette partie est assez ambiguë pour moi car on l’impression qu’en « régime permanent », c’est-à-dire hors crise monétaire, (que Orléan appelle « confiance méthodique » et Simmel « savoir inductif »), la monnaie se révèle être un simple instrument, un simple moyen d’échange, qui se fait oublier. Ainsi, il écrit « l’autonomie [monétaire] est une autonomie réduite, car la confiance monétaire ne saurait perdurer si la monnaie ne réalise pas ce pour quoi elle est faite : acheter des marchandises » (p.226).
    - Dans la suite, le livre ne traite pas de l’économie des biens, mais des marchés financiers, comme application du cadre théorique de l’auteur (hypothèse mimétique). Dans une perspective postmonétaire, on aurait envie de savoir en quoi le désir de monnaie interfère ou non avec les valeurs d’usage, dans la mesure où le désir de monnaie est premier, mais où l’utilité des marchandise compte aussi (pour mémoire, la critique de la valeur dit que la production de biens concrets est un prétexte pour la production de richesse abstraite, la valeur). Pas sûr qu’on puisse trouver cette recherche chez Orléan. Mais c’est peut-être à partir de là qu’il y a à bifurquer par rapport à la pensée d’Orléan.
    - Ceci dit, l’apport d’Orléan est clair concernant le désir de monnaie (un désir imposé) : la monnaie n’est pas un outil mais une nécessité pour instituer l’économie marchande, dès lors que les producteurs sont séparés les uns des autres et spécialisés. Partant de là, on ne peut pas abolir la monnaie dans une société où cette organisation serait inchangée.
    De ce point de vue, le texte "Monnaie, séparation marchande et rapport salarial" est une très bonne référence
    http://www.parisschoolofeconomics.com/orlean-andre/depot/publi/Monnaie0612.pdf

    Partie 3 la finance de marché (non lu)

    #monnaie #post-monétaire #théories_économiques #institutionnalisme_monétaire

  • (j’ai lu pour vous...)

    Jean Cartelier, « La monnaie » (1995)

    Petit livre qui se veut pédagogique, tandis que ses articles peuvent être plus difficiles. Son style est celui de la logique mathématique : il démontre l’irrationalité (l’absence de cohérente interne) des théories économiques classiques, par le fait qu’elles ne prennent pas en compte l’existence de la monnaie. Il ne cherche pas à construire un système philosophique ou politique, mais à éclaircir ce qu’est notre société marchande à l’aide de concepts clairs. Cela ne l’empêche pas d’énoncer les limites du champ de l’économie : et cette limite c’est précisément la monnaie.

    Je vais résumer son livre, en ne suivant pas forcément l’ordre chronologique de ses chapitres, afin de rendre plus simple sa compréhension pour des non-économistes (en effet, il y a beaucoup de références aux théories qu’il conteste, et ce n’est forcément ce qui nous intéresse en premier).

    Dans la suite on parle d’"économie" au sens des « théories économiques ».

    Pourquoi les économistes ont exclu la monnaie de leurs théories ?

    p. 41

    L’économie (en tant que théorie) exclue la monnaie car elle exclue la société de ses théories. Pourquoi ? Parce qu’elle est l’expression d’une modernité affirmant l’individu et sa liberté, contre la tradition et les relations hiérarchiques et d’obéissance. Les économistes cherchent des lois naturelles, indépendantes des institutions politiques (à elles de se conformer à ces lois). La théorie économique moderne offre l’image d’une société qui se constitue volontairement à partir des individus et de leurs préférences pour tel ou tel bien, et parlant un langage commun : celui des prix.
    Cette science est une représentation de la société, qui fait partie de la société, elle est en cela un élément de sa cohésion. Mais pour Cartelier, les difficultés des théories économiques à penser la monnaie (institution économique la plus évidente), révèlent l’extrême fragilité des fondements rationnels de notre représentation des relations économiques.

    Une deuxième raison de la non-prise en compte de la monnaie est plus technique : voir ce qui suit.
    (Je complète les explications par un article d’un auteur proche, « Economisme et désir d’argent » de Richard Sobel)

    L’inconsistance des théories économiques dominantes

    L’objectivité des biens et l’absence de monnaie

    Il existe évidemment des biens (des marchandises) et de la monnaie. Pourtant penser leur coexistence de ne pas du tout de soi dans la théorie économique.

    Comment ça se passe ? Le point de départ est la quantification : l’économie s’intéresse à ce qui est, dans la société, déjà quantifié. Mais la monnaie apparaît comme trop lié à certaines relations sociales spécifiques (loi, pouvoir, Etat). La véritable objectivité est recherchée ailleurs : dans des choses déjà présentes, qualifiées de biens (théorie de la valeur-utilité) [on dirait les valeurs d’usage pour Marx ?] ou de marchandises (théories de la valeur-travail). On parle aussi d’"hypothèse de nomenclature" : une liste de bien est donnée au départ, avant tout autre indications relatives aux individus et à la société.
    On récuse la monnaie comme principe de quantification. Et la monnaie n’est pas un bien économique (elle n’a pas d’utilité intrinsèque).

    Alors prenons un inventaire des biens. Pour obtenir des grandeurs, il faut leur associer un prix ou une valeur (la valeur étant cachée et dévoilée par l’économiste, c’est le « juste prix », le « prix d’équilibre », ...).

    Les théories de l’équilibre

    p.28

    Au fondement du paradigme dominant en économie, le modèle Arrow-Debreu démontre deux propositions :
    - il existe un équilibre général et donc des prix d’équilibre positifs pour tous les biens économiques
    - cet équilibre est un optimum au sens de Pareto : la situation d’un individu quelconque ne peut être améliorée qu’aux dépens d’au moins un autre

    On attribué à ces résultats une portée excessive : laissons libre court aux intérêts égoïstes, et le marché va les organiser de façon optimale.

    Mais cette thèse est irrecevable car Cartelier montre que ce modèle ne décrit pas une économie de marché :
    - il n’y a pas de monnaie. Or sans monnaie, pas de loi de l’offre et de la demande (Démonstration : on est dans une situation formelle de troc : avec n biens, on a n(n-1)/2 marchés, par exemple pour le blé, on a n-1 marchés où le blé se négocie : comment dire que la demande de blé est supérieure à l’offre globalement ?)
    - il n’y a pas d’hypothèses sur la rencontre entre agents économiques et la circulation de l’information. Certes il existe un état d’équilibre, mais comment l’atteint-on en pratique ?
    Or, pour Cartelier, une société de marché est fondamentalement décentralisée : les individus sont libres d’agir dans l’ignorance de la situation d’ensemble de l’économie. Ce n’est donc pas possible de postuler des individus concluant des transactions que s’ils sont assurés que celles-ci respecte une condition définie à l’échelle de l’économie tout entière (à moins de dissoudre la notion d’accord bilatéral !). Comment on atteint cet équilibre ? (à quoi sert-il de décrire une situation idéale si on ne sait pas comment on l’atteint ? Le fait de ne pas tenir compte de la monnaie dans les théories, forcément, ça n’aide pas)

    Les concepts de Cartelier pour mieux comprendre l’économie de marché

    Marché

    Un marché supposé deux conditions :
    1) Les individus sont libres d’agir dans l’ignorance de la situation de l’ensemble de l’économie (décentralisation)
    2) le résultat de leurs actions dépend des comportements d’autrui (interdépendance)
    p.40

    « Dans les sociétés de marché, le lien social est fait d’interdépendance involontaire entre des actions volontaires. Il implique une distance entre l’individu et la société. L’individu sait qu’il fait partie de la société mais, en même temps, la société lui paraît extérieure. »

    Système de paiement

    Monnaie = ensemble de règles = système de paiement = institution qui rend possible la coordination des actions économiques des individus = coordination par le marché
    Sans la monnaie, le marché n’est pas pensable.

    1er cas : système de paiement métallique

    4 règles
    1) il existe un bien identifiable par tous, l’or
    2) l’unité de compte est définie par un poids d’or : 1 dollar = x grammes d’or
    3) la frappe et la fonte des pièces sont réalisées par un Hôtel des monnaies, à la demande des individus, sans restriction et sans frais
    4) la circulation des pièces est la seule façon de transférer des dollars entre individus
    Ce sont les pièces qui sont le moyen de paiement, pas l’or. C’est parce que l’or se présente sous la forme officielle de pièces frappées (par l’Hôtel des monnaies) que les individus partagent la conviction de son acceptation par tous.
    Notion de richesse sociale : Ici, le support du monnayage, l’or, est la richesse sociale, par opposition à la richesse privée (les biens). C’est la richesse sociale qui est l’objet de l’économie politique ici, et non le « bonheur privé ».
    Ce qui est remarquable ici c’est qu’un individu ne peut être en situation de cessation de paiement (car il n’y a pas de possibilité de crédit)

    2ème cas : système de paiement métallique avec crédit

    « Le crédit introduit la possibilité d’une crise généralisée du système de paiement ».

    La défaillance d’un individu peut entraîner celle des autres. La résolution d’une crise peut passer par un changement du prix légal de l’or.
    Un individu est-il fiable ? On ne sait pas. Conséquence : les banques (privées) servent d’intermédiaires dans les paiements. Mais il y a une banque centrale de niveau supérieur, gérant les pièces d’or (monnaie dite stricto sensu), tandis que les banques privées gèrent les chèques en contrepartie des crédits qu’elles accordent (monnaie de crédit=monnaie bancaire).

    3ème cas : système de paiement de pur crédit

    [c’est le système actuel !]

    Règles :
    1) l’unité de compte est le dollar
    2) il existe une Banque centrale unique, qui inscrit les quantités de dollars dans les comptes des agents.
    3) les transferts d’unité de compte entre agents s’effectuent exclusivement par virements de compte à compte
    Ici le capital est le support du monnayage : la mise à disposition de moyens de paiement s’effectue contre le monnayage du capital et non pas ex nihilo (à partir de rien comme on l’entend souvent)

    Notion de capital = évaluation présente de flux futurs anticipés de monnaie
    Notion de monnayage = mode d’accès aux moyens de paiement = obtention de moyens de paiements par d’autres voies que les recettes venant d’autrui = capacité à prendre une initiative sur le marché indépendamment d’autrui. Le monnayage n’est pas l’échange entre équivalents mais l’obtention d’une capacité à intervenir sur le marché.

    « L’émission d’un certain montant de moyens de paiement par la Banque au profit d’un agent a pour base une évaluation conjointe des revenus futurs attendus de l’activité de l’agent »

    Ici aussi il y a des banques privées, qui s’intercale entre la Banque centrale et les individus. Ce sont elles qui émettent les moyens de paiement en contrepartie du capital qu’elles reconnaissent à leurs clients.
    Notion de règlement des soldes monétaires : Pour l’ensemble de l’économie le somme des dépenses = sommes des recettes. Mais pas pour les individus. Le marché « sanctionne » les infractions à la norme de l’équivalence, en réévaluant la richesse des individus : c’est le rôle des nombreuses faillites, OPA et restructurations diverses.

    Conclusion

    Un système de paiement a donc 3 composantes :
    1) une unité de compte nominale
    2 un mode d’accès aux moyens de paiement
    3) une procédure de résolution des soldes monétaires.

    Mon commentaire : Cartelier montre à quel point notre monnaie est capitaliste puisqu’elle est créée en fonction des capacités prêtées aux agent de générer des recettes dans le futur. Il montre aussi que cette création de monnaie est réservée à une classe sociale, qui a l’initiative économique, tandis qu’une autre est soumise aux décisions des capitalistes (concept de « soumission monétaire »).
    Il y a en effet une grande différence entre gagner de l’argent (en travaillant) et obtenir de l’argent (par les banques), sans travailler, sous la promesse de le rembourser (en faisant travaillant les autres). Cette promesse peut ne pas être tenue sans forcément de conséquences vitales pour le capitaliste (on a le droit de faire faillite, Cartelier montre bien que cela fait pleinement partie du système de paiement). Il me semble que ce mécanisme monétaire est absent des théories marxiennes. A mon sens, le monde dans lequel on vit est façonné par ce mécanisme, puisque les grandes décisions de productions sont prises par ce biais, « sur la base d’une évaluation conjointe des revenus futurs attendus de l’activité de l’agent », au sein des institutions de financement (banques).

    Quelle réponses à cela ?
    – Une société alternative avec monnaie suppose une réforme des modes de financement : mais est-ce que ce sera plus démocratique ?
    – Une société sans monnaie aurait pour intérêt de casser ce monopole des décisions de produire, en conservant la logique de décentralisation. Le mécanisme de création monétaire (le monnayage) devra être remplacé par d’autres institutions moins opaques. La « force » du capitalisme est de rendre extrêmement souples et décentralisées ces décisions, car elle ne nécessite aucun consensus dans la population (cf. le monnayage est la prise de décision économique indépendamment d’autrui) !

    #monnaie #post-monétaire #théories_économiques #institutionnalisme_monétaire

  • Les commandos du changement civique
    https://laviedesidees.fr/Les-commandos-du-changement-civique

    Gary Alan Fine propose une ambitieuse sociologie de l’action civique. Il défend notamment l’idée que la (trans)formation des #institutions est toujours conduite par des petit groupes soudés et efficacement coordonnés. À propos de : Gary Alan Fine, The Hinge : Civil Society, Group Cultures, and the Power of Local Commitments, The University of Chicago Press

    #Société #groupe
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/202309_fine_final.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20230920_fine.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20230920_fine.docx

  • Coupe du monde de rugby 2023 : Emmanuel Macron sifflé au Stade de France lors de son discours d’ouverture
    https://www.francetvinfo.fr/sports/rugby/coupe-du-monde/directs/coupe-du-monde-de-rugby-2023-emmanuel-macron-siffle-lors-de-son-discour

    Un accueil glacial. Alors qu’il s’apprêtait à donner le coup d’envoi officiel de la Coupe du monde de rugby 2023, vendredi 8 septembre, le président de la République, Emmanuel Macron, a été copieusement hué par une partie du public du Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

    Affichant un air surpris au moment de gagner son pupitre, Emmanuel Macron a ensuite déroulé son discours…

    (Penser à dissoudre le Stade de France.)

  • Habitants et militants
    https://laviedesidees.fr/Habitants-et-militants

    Dans un panorama sur le #militantisme des quartiers populaires initié par la Fondation Abbé Pierre, le sociologue Denis Merklen éclaire les logiques sociales qui s’y déploient et les formes de créativité militante, en faisant la part peut-être un peu trop belle aux acteurs institutionnalisés. À propos de : Denis Merklen, Les indispensables. Sociologie des mondes militants, Éditions du Croquant

    #Société #classes_populaires
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20230904_merklen.docx

    • De fait, les militants dont il est beaucoup question ici ont en commun de s’être constitués en associations dans la mouvance des politiques de la ville impulsées par l’État à partir du début des années 1980 pour faire face à la « crise des banlieues », d’abord considérée comme un déficit de « cohésion sociale » - plutôt que démocratique. Aussi, faire partie d’une association est « indispensable » pour bénéficier des ressources distribuées par les diverses institutions. Pas d’autre solution aujourd’hui, par exemple, afin de bénéficier d’emplois subventionnés, de financements de fonctionnement, ou encore d’un simple local. En retour, ces institutions exercent un droit de regard, voire de contrôle sur l’activité de ces « militants associatifs » - comme elles pèsent de plus en plus sur le travail social, pour en reformater et parfois en dénaturer les missions. On comprend que ces démarches interrogent les acteurs eux-mêmes ; d’un côté, elles ne vont nullement de soi, l’accès aux ressources est un marathon, la concurrence est vive ; de l’autre, la dépendance au secteur public (et privé) pose problème.

      L’objection que l’on peut faire est donc la suivante : comme il existe des militants des quartiers populaires qui échappent à cette logique du guichet et font de leur indépendance un principe absolu, de même bien des activités, par exemple, en matière de violences policières et racistes, ou encore de redistribution alimentaire (Brigades de solidarité alimentaire, cantines, collectifs divers) évitent à tout prix de prendre la forme d’associations ; il en va du même principe d’autonomie de ces collectifs informels en lien avec des formes de vie (quartiers urbains, squats, communautés, collectifs ruraux, etc.). Qu’ils soient moins ou plus dotés en capitaux, scolaire et culturel, soient employés par les collectivités territoriales ou précaires vivant du RSA, ces militants-là entendent rester à bonne distance de l’institution sous toutes ces formes.

  • Un peuple européen qui n’existe nulle part  PARDEM - Réseau social-laique

    Les 22 et 23 avril dernier, le Réseau social laïque a organisé deux jours de débats à Montreuil.

    Anne Cécile Robert, spécialiste de l’Union européenne et membre de l’Association pour une Constituante est intervenue sur le thème Union européenne et souveraineté populaire. Nous publions la vidéo de son intervention intitulée « Un peuple européen qui n’existe nulle part »...
    https://www.youtube.com/watch?v=9P9eugHtLbM

    #ue #union_européenne #europe #vassalité #bidon #néolibéralisme #sociaux_chrétiens #souveraineté

    Source : https://pardem.org/un-peuple-europeen-qui-nexiste-nulle-part

  • Pourquoi les #services_publics sont pris pour #cible

    Médiathèques, écoles ou centres sociaux ont été pris pour cibles dans la nuit du 28 au 29 juin dans différentes villes de France. À l’éternelle question de savoir pourquoi, les sciences sociales apportent des réponses de plus en plus précises depuis les émeutes de 2005.

    À chaque affrontement entre forces de l’ordre et jeunes des #quartiers_populaires, après chaque nuit de #soulèvement_urbain, une question revient parmi les observateurs mais aussi les habitant·es : pourquoi s’en prendre aux #équipements_publics qui offrent encore quelques #services sur des territoires le plus souvent déshérités en la matière ?

    Derrière cette interrogation se loge aussi une question plus souterraine : qu’y a-t-il dans la tête des #jeunes qui affrontent la police, mettent le feu ou défoncent des vitrines ? Les sciences sociales ont largement travaillé la question, particulièrement depuis les émeutes de 2005, et montrent qu’il est impossible de voir dans ces gestes le simple #nihilisme, voire le #banditisme auxquels certaines voix voudraient les réduire.

    Une réponse préliminaire à la question oblige à commencer par passer au tamis ce que signifient « #services » ou « #équipements » publics dans un contexte de #révoltes et de #tensions_urbaines. S’en prendre à un commissariat au lendemain du meurtre d’un adolescent par un policier, ou même à une mairie qui a autorité sur une partie des forces de l’ordre, n’a pas nécessairement la même signification que s’en prendre à une école, un CCAS (centre communal d’action sociale), une salle des fêtes ou une bibliothèque...

    Un second préliminaire contraint aussi de rester prudent, au-delà même de la nature des institutions visées, sur ce qu’elles peuvent représenter, et dont la signification peut rester opaque ou confuse. Un des jeunes ayant participé aux ateliers d’écriture organisés par l’écrivain et éducateur Joseph Ponthus dans une cité de Nanterre affirmait ainsi, à propos des émeutes de 2005 : « On a commencé par discuter de ce qu’il fallait pas brûler. Pas les voitures des gens, pas l’école, pas le centre commercial. On voulait s’attaquer à l’État. » De manière symptomatique, alors même que la volonté de s’en prendre à l’État est affirmée, l’école, pourtant l’institution publique qui maille l’ensemble du territoire, est mise de côté…

    Cela dit, et bien qu’il soit encore trop tôt pour mesurer l’ampleur du soulèvement actuel et répertorier ou cartographier précisément ce à quoi il s’attaque, il semble bien que les #équipements_publics soient particulièrement visés.

    Le seul ministère de l’éducation nationale a ainsi dénombré jeudi « une cinquantaine de structures scolaires impactées à des degrés divers » par les incidents survenus après la mort de #Nahel, aboutissant à la fermeture d’une « dizaine » d’entre elles, principalement dans les académies de Versailles, de Créteil et de Lille.

    Pour le sociologue Sebastian Roché, il y aurait même une distinction à faire à ce sujet entre aujourd’hui et l’automne 2005. Interrogé sur France Info jeudi 29 juin, il jugeait en effet que la révolte actuelle « était beaucoup plus tournée vers les #institutions_publiques », tandis que les émeutes de 2005 auraient en priorité visé « beaucoup plus les voitures », même si des attaques contre des institutions publiques – gymnases, crèches, bibliothèques – s’étaient alors produites.

    Le #livre sans doute le plus précis sur le sujet a été publié aux éditions Presses de l’Enssib en 2013 par le sociologue Denis Merklen et s’intitule Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques ? (lire l’entretien que Mediapart avait conduit avec lui sur le sujet à l’occasion du dixième anniversaire des émeutes de 2005 : https://www.mediapart.fr/journal/france/021115/pourquoi-les-emeutiers-s-attaquent-aux-equipements-publics). Le chercheur y montrait qu’environ 70 bibliothèques avaient été incendiées en France entre 1996 et 2013, et que 2005 ne constituait pas une scène inédite ou inaugurale.

    Toutefois, soulignait #Denis_Merklen à propos de ces attaques commises envers les institutions publiques, « leur interprétation a changé après les émeutes qui ont eu lieu en France cette année-là, sûrement comme conséquence de l’ampleur de la mobilisation. Auparavant, elles étaient perçues comme des actes irrationnels, nihilistes, on parlait alors de “#violences_urbaines” et pas encore d’émeutes. Pourquoi s’attaquer à une école maternelle ou à un gymnase ? Pourquoi les bénéficiaires détruisaient-ils ce qui leur était destiné ? Ce n’était pas compréhensible. La plupart des lectures en faisaient la manifestation d’un déficit, voire d’une absence de #socialisation_politique. »

    Cette interprétation « nihiliste » demeure active dans certains secteurs de la société et du champ politique. Elle est propre à une manière de regarder les #marges de la ville-centre comme une zone peuplée de populations « ensauvagées », incapables de respecter le #bien_commun ou même de distinguer leur propre intérêt.

    Le sociologue et anthropologue #Jérôme_Beauchez, professeur à l’université de Strasbourg, a tout récemment retracé l’histoire longue de ce regard négatif dans un livre intitulé Les Sauvages de la civilisation. Regards sur la Zone, d’hier à aujourd’hui, publié par les éditions Amsterdam l’an dernier.

    Toutefois, même lorsque n’est pas entonné le refrain de la nécessaire remise en ordre d’un monde prétendument décivilisé à coups de renforts policiers, de couvre-feux ou d’états d’urgence, la dimension politique des attaques contre les institutions politiques demeure encore parfois déniée. Lorsque les institutions publiques visées sont des écoles ou des centres d’action sociale, mais aussi quand ceux qui les visent n’appartiennent pas à des organisations référencées et sont en outre le plus souvent cagoulés et racisés.

    À l’inverse, lorsque le mouvement poujadiste s’en était pris à des centres des impôts, lorsque des militants de la FNSEA ont attaqué manu militari des préfectures ou lorsque des marins-pêcheurs ont incendié le Parlement régional de Bretagne en février 1994, la dimension politique du geste a été immédiatement lue comme telle. Ce n’est donc pas la violence en elle-même qui distinguerait le bon grain politique de l’ivraie et de l’ivresse émeutières.

    Pour Denis Merklen, le ciblage des institutions publiques lors d’épisodes de #soulèvements_urbains est bien de nature politique, et même en quelque sorte au carré. « Aujourd’hui, affirme-t-il, les chercheurs en sciences sociales – sociologues, politistes, anthropologues – sont d’accord pour y voir au contraire un geste éminemment politique. Pourquoi cela ? Parce que les personnes vivant dans les quartiers populaires, plus que les autres, sont en contact permanent avec des institutions publiques pour résoudre les problèmes de leur vie quotidienne. S’en prendre à elles est une manière de signifier ce face-à-face. Ce n’est pas un déficit de #politisation, mais un changement dans la #politicité_populaire – c’est-à-dire de la manière de faire de la politique par les catégories populaires – par la #territorialisation des #conflits_sociaux. »

    Pour le sociologue, les émeutiers manifestent ainsi « le conflit dans lequel ils sont pris quotidiennement. Aux guichets des administrations, lieu principal des interactions, les #exclusions et les difficultés d’accès prennent la forme d’un #mépris fortement ressenti ».

    L’anthropologue #Alain_Bertho, professeur émérite à l’université Paris VIII, a consacré une grande partie de son travail aux #émeutes_urbaines, en France et à l’étranger, pour comprendre la mondialisation de ce vocabulaire de la protestation et en repérer les formes nationales ou locales. Il en a tiré deux ouvrages, Le Temps des émeutes, publié chez Bayard en 2009, puis Les Enfants du chaos, paru à La Découverte en 2016.

    Dans ces deux ouvrages, le chercheur insiste, lui aussi, pour prendre en compte la dimension politique des émeutes, précisément quand celle-ci est parfois occultée par le fait que ces soulèvements n’empruntent pas les voies de la politique institutionnelle, ni celles de la geste révolutionnaire qui vise les lieux incarnant le pouvoir en majesté, et non un gymnase ou l’antenne d’un centre de sécurité sociale.

    Il y a eu un débat en 2005, nous expliquait Alain Bertho au moment du soulèvement des « gilets jaunes », « sur la question de savoir si ces émeutes étaient un mouvement politique, proto-politique ou apolitique. La réponse que m’ont donnée ceux qui avaient alors brûlé des voitures est restée gravée dans ma tête : “Non, ce n’est pas politique, mais on voulait dire quelque chose à l’État.” Comment dire de façon plus claire que la politique partisane et parlementaire, à leurs yeux, ne servait à rien pour dire quelque chose à l’État ? ».

    Dans ce même entretien, Alain Bertho insistait également sur la nécessité d’être « attentif au répertoire d’action qu’est le langage de l’émeute », faisant une distinction notamment entre les émeutes avec et sans #pillage.

    Dans ce répertoire d’action en réalité pluriel de l’émeute, parfois masqué par les images répétitives des fumées et des affrontements, les attaques visant des équipements publics tiennent une place spécifique et paradoxale.

    Cependant, le #paradoxe n’est sans doute pas seulement celui qui se formule d’ores et déjà à large échelle, dans des micro-trottoirs se demandant pourquoi certains jeunes attaquent des institutions censées les et leur servir, ou même dans la bouche de chercheurs, à l’instar de #Sebastian_Roché jugeant, toujours sur France Info, qu’on assiste en ce moment à un « #désespoir que les populations retournent contre elles-mêmes ».

    Il réside aussi dans ce que souligne Denis Merklen, à savoir que, pour les personnes vivant dans les quartiers populaires, « les #services_publics sont leur seul recours pour leurs besoins les plus élémentaires, liés à l’éducation, à la santé, au transport, au logement, à l’énergie et à la culture. Quasiment tous les aspects de leur vie quotidienne sont entre les mains d’institutions publiques. C’est une situation paradoxale, car cela tient aussi à la solidité et à la pénétration de notre État social qui assure tant bien que mal des filets solides de protection ».

    Ces filets de protection sont certes moins nombreux et solides aujourd’hui qu’il y a dix ans, en raison du délitement des services publics, mais il n’en reste pas moins qu’une spécificité des soulèvements urbains en France, par rapport à d’autres pays, est de viser les institutions publiques, en partie parce qu’il existe – ou existait – encore un #espoir en leur effectivité et efficacité.

    C’est en tout cas ce qui ressortait de l’ouvrage codirigé par les sociologues #Hugues_Lagrange et #Marco_Oberti l’année suivant les émeutes de 2005, intitulé Émeutes urbaines et protestations et publié aux Presses de Sciences Po. Le livre collectif proposait notamment une comparaison entre les situations italienne et britannique en rappelant que la société française se « caractérise par un État centralisé, de puissants services publics, une référence forte à la laïcité, une immigration ancienne liée à une histoire coloniale et à une décolonisation douloureuses ».

    Pour les directeurs de cet ouvrage, la comparaison internationale des protestations urbaines conduisait à un « étrange paradoxe. La plus grande efficacité de la société française à lutter contre les inégalités sociales et à assurer une meilleure protection sociale produit simultanément un fort sentiment d’#exclusion, surtout dans les quartiers populaires et immigrés les plus ségrégués ».

    D’autant qu’à lire Hugues Lagrange et Marco Oberti, les Français, contrairement aux Britanniques, étaient « équipés de lunettes construites pour ne pas voir cette #ségrégation_ethnique ». Une situation largement liée à une pensée de la République et une #organisation_territoriale de ses services publics qui, à force de vouloir être « #colour_blind », s’avèrent aveugles aux #discriminations_ethnoraciales que leurs propres institutions publiques peuvent pourtant reproduire.

    C’est évidemment le cas avec cette institution particulière qu’est la #police, comme l’avait déjà montré le sociologue #Didier_Fassin dans son ouvrage La Force de l’ordre, qui explorait le #racisme présent à l’intérieur de certaines unités de la #BAC en particulier et l’éloignement croissant entre les #forces_de_l’ordre et les habitant·es des quartiers populaires de façon plus générale.


    Mais c’est aussi vrai d’institutions qui ont, au contraire, tenté de réduire la distance entre les institutions et les populations auxquelles elles s’adressent. Concernant le cas particulier des #bibliothèques, Denis Merklen notait ainsi qu’elles « ont fait un immense travail de réflexion autocritique. Elles ont renouvelé leurs approches ; elles se sont ouvertes ».

    Mais, poursuivait-il, elles ne peuvent, pas plus qu’aucun service public pris isolément, « résoudre les problèmes économiques et sociaux qui se posent dans ces quartiers », en raison « de la situation catastrophique du marché du travail » qui fait que « beaucoup d’habitants ne peuvent plus compter sur leur salaire » et n’ont plus que les services publics – et non plus les employeurs - comme interlocuteurs de leur situation sociale. Ce qui peut amener à détruire une salle des fêtes plutôt que séquestrer un patron…

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/290623/pourquoi-les-services-publics-sont-pris-pour-cible
    #quartiers_populaires #France #émeutes #sciences_sociales #SHS #ressources_pédagogiques #banlieues #violence
    ping @cede

    • « Pourquoi ont-ils brûlé les écoles ? »

      Pourquoi s’attaquer à l’école, laquelle est le plus grand symbole de l’égalité, un sanctuaire du savoir
      Et, c’est gratuit ! Ils se pénalisent eux-mêmes !
      Comme ils sont bêtes et barbares dans les quartiers !

      Si c’était plus compliqué  ?

      L’école est sans doute la première institution marquant les jeunesses populaires (des banlieues) en appliquant une domination, une ségrégation, une violence.
      Sûrement même avant celle de la police.
      Derrière un idéal et des valeurs théoriques, on ne peut nier l’effet de l’école.

      Quand l’école transforme l’inégalité sociale en inégalités scolaires, quand l’école humilie les familles et les élèves.
      Quand on forme des ghettos scolaires et que l’école n’offre pas de bonnes perspectives.

      La gauche quinoa ne comprend pas
      « il faut s’attaquer aux méchantes banques qui ont refusé mon deuxième crédit ! »
      Mais, l’école est aussi un lieu d’exclusion et de répression pour une partie de la population.

      Dans
      « Quand les banlieues brûlent Retour sur les émeutes de novembre 2005. »

      Laurent Ott écrit un texte assez intéressant.
      J’ai le pdf si besoin.

      Une école qui brûle ce n’est pas bien. Je le précise quand même.
      Mais, ce n’est sans doute pas un acte qui sort de nulle part et qui peut s’expliquer calmement.
      Sans l’encourager, je précise encore.

      https://www.cairn.info/quand-les-banlieues-brulent--9782707152176-page-126.htm

      https://twitter.com/Banlieuedeprof/status/1674813901874114560

    • Pourquoi les émeutiers s’en prennent-ils aux services publics ?

      À chaque émeute urbaine que la France connaît depuis maintenant près de quatre décennies, les symboles de l’État et les équipements collectifs semblent concentrer la colère d’une partie de la jeunesse des quartiers concernés. Cette situation suscite d’autant plus d’interrogations que des moyens significatifs ont été consacrés à la rénovation des banlieues françaises dans le cadre de la politique de la ville, en particulier depuis le début des années 2000. Cet article apporte des éléments de réponses à ce paradoxe apparent, en montrant que le besoin de participation et de reconnaissance des habitants reste peu pris en compte par les pouvoirs publics et explique largement le ressentiment d’une frange de la population.

      https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2017-3-page-631.html

    • Emeutes urbaines : « Ce qu’elles révèlent, ce n’est pas tant l’échec de la politique de la ville que celui de toutes les politiques publiques »

      Les crédits de la #politique_de_la_ville ont toujours été limités et ne compensent pas l’inégale allocation des budgets affectés au logement, à l’emploi, à la santé ou à la sécurité, qui s’opère au détriment des quartiers défavorisés, rappelle le sociologue #Renaud_Epstein, dans une tribune au « Monde ».

      Depuis le début des années 1980, les vagues émeutières embrasant les quartiers populaires s’accompagnent de controverses interprétatives enflammées dans les médias. Les explications proposées ont varié au fil du temps, mais un argument traverse les décennies qui semble faire consensus chez tous les commentateurs : l’émeute marquerait l’échec de la politique de la ville. La politique ainsi mise en cause a pourtant connu d’importantes évolutions au cours des quarante dernières années, le plus souvent à la suite d’épisodes émeutiers. Si échec de la politique de la ville il y a, ce n’est pas la même politique qui a échoué au début des années 1990, en 2005 ou aujourd’hui.

      Le jugement d’échec semble d’autant plus incontestable en 2023 que l’Etat aurait mobilisé, depuis une quinzaine d’années, des budgets considérables pour les quartiers populaires. Les annonces récurrentes d’un nouveau « plan banlieue » ont pu donner crédit à cette idée d’une politique de la ville richement dotée. Bien que ces annonces soient le plus souvent restées des annonces, elles ont ouvert la voie à la dénonciation des « milliards pour les banlieues », au profit de populations qui ne le mériteraient pas.

      Portée par des entrepreneurs de fracture sociale, cette critique a été d’autant plus ravageuse qu’elle s’est prolongée par une mise en concurrence des souffrances territoriales, opposant les quartiers défavorisés des métropoles et une « France périphérique » aux contours flous mais dont la couleur est claire. Les premiers bénéficieraient d’une discrimination positive, au détriment des villes moyennes, des espaces périurbains et des territoires ruraux, dont les populations sont pourtant durement affectées par les recompositions industrielles et la précarisation de l’emploi, les politiques d’austérité et les fermetures de services publics, ainsi que par l’augmentation du coût de la vie.

      La critique de l’inefficacité se mue alors en une mise en cause de la légitimité même de la politique de la ville, illustrée par cette formule qui fait florès à l’extrême droite : on déshabille la « France périphérique » pour habiller celle qui vit de l’autre côté du périph.

      (#paywall)

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/06/emeutes-urbaines-ce-qu-elles-relevent-ce-n-est-pas-tant-l-echec-de-la-politi

      déjà signalé sur seenthis :
      https://seenthis.net/messages/1008999

  • Violences académiques ordinaires

    Violences et souffrances académiques : atteintes au #service_public et à la #santé_au_travail

    Ce troisième numéro de Mouvements consacré au champ académique, après ceux de 2008 (« Que faire pour l’Université ? ») et 2012 (« Qui veut la peau de la recherche publique ? »), trouve sa genèse dans un colloque consacré aux violences ordinaires dans les organisations académiques en juin 2022[1]. Lors des deux journées de discussion, les communications ont permis de mesurer à quel point, depuis ces quinze dernières années, le champ de l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) a été profondément bouleversé par toute une série de réformes, depuis la #loi_LRU (Liberté et responsabilité des universités) en 2007 jusqu’à la #Loi_de_programmation_de_la_recherche (#LPR) votée en 2020. #Fusions, #précarisation, raréfaction des #postes – alors que les effectifs étudiants progressent –, #managérialisation, #sous-traitance, multiplication des #évaluations (des établissements, des formations, des professionnel·les comme des équipes) et de leurs instances, induisent #pression_psychique et dégradation des conditions de travail et rendent davantage visible et légitime la question de la #souffrance_au_travail.

    Qu’en est-il du #quotidien bouleversé de ces organisations en transformation et de celles et ceux qui y travaillent ? Comment cela se traduit-il sur le plan des décisions, des dispositifs, des activités, des interactions, des engagements et des subjectivités ? C’est cette attention aux « violences ordinaires » dans les #institutions_académiques qui constitue le cœur de ce numéro de Mouvements. Par #violence_ordinaire, nous entendons tout type de #contrainte verbale, morale, psychologique ou symbolique exercée sur les #corps au travail et ressentie comme telle par celles et ceux qui les vivent (et qui essaient – ou non – de s’en défendre). Comme y insiste l’article de Stéphane Le Lay et Olivia Chambard, quelle que soit la forme de ces violences, il importe d’essayer de comprendre leurs liens avec les #rapports_de_domination et d’interroger leur inscription – et la nature de cette inscription – dans des configurations organisationnelles ou des structures sociales ou culturelles propres à l’ESR.

    Ceci est d’autant plus important que se sont multipliées récemment les critiques à l’encontre d’enseignant·es-chercheur·euses supposé·es déconnecté·es du monde réel dans leurs enseignements (en inadéquation avec le marché du travail), et dans leurs recherches (insuffisamment en prise avec les « défis sociétaux » et la « demande sociale »). À celles-ci s’ajoutent désormais des #attaques, internes ou externes au champ académique, contre certaines disciplines et certains travaux suspectés d’être disculpants, politisés, voire contraires aux valeurs de la République[2]. L’université et la liberté consubstantielle à ses activités intellectuelles – l’#indépendance des chercheur·euses et enseignant·es-chercheur·euses étant inscrite dans la loi – sont mises à mal de manière plurielle par manque de moyens, mise au pas organisationnelle et #condamnation_morale. Si des travaux analysent les effets de ces réformes néolibérales sur le travail des chercheur·euses et enseignant·es-chercheur·euses, à l’image des articles de Frédérique Debout, d’Ambre Guichard-Ménard et de l’Observatoire des Conditions de Travail à l’Université de Caen Normandie, ils sont plus rares, voire inexistants, sur les conditions de travail des personnels administratifs ou techniques de l’ESR ou des salarié·es en sous-traitance exerçant dans les établissements académiques. Dans ce numéro, l’article d’Hugo Bret sur le #personnel_de_nettoyage d’une université et celui du collectif C. Noûs-Aussi consacré à l’#édition_scientifique permettent justement de jeter un regard incisif sur ces zones d’ombre.

    Les rapports de domination entre les statuts, les corps et les disciplines constituent de fait une clé d’entrée pour comprendre la spécificité des types de violence dans les organisations universitaires et académiques et leur analyse est ancienne. Plus récemment, des auteur·rices ont néanmoins renouvelé la perspective en s’emparant en particulier de la question des #violences_sexistes_et_sexuelles (#VSS) à l’université, sur lesquelles reviennent trois articles. L’un provient d’une chercheuse militante, sous la forme d’un témoignage anonyme. L’autrice prend appui sur son expérience en tant qu’étudiante, victime et témoin de violences, dans une grande école et évoque les actions collectives qui s’en sont suivies. De son côté, à partir du cas espagnol, Verónica Cala analyse finement les interrelations entre pensée féministe et action militante, expliquant en quoi l’université peut être aussi bien un terreau fertile qu’un système nuisant aux avancées pourtant nécessaires au développement de la pensée transformatrice féministe. Enfin, l’article d’Armelle Andro se penche sur les modalités de prise en charge des VSS spécifiques au monde académique, qui ont notamment fait suite à des médiatisations et des mobilisations importantes. Apportant un cadrage complémentaire, il expose les avancées et les freins au traitement institutionnel des VSS depuis vingt ans, pointant les spécificités et l’hétérogénéité des situations rencontrées dans le champ académique. Traitant aussi, mais de manière différente, la question des #rapports_sociaux (de sexe, hiérarchiques et de race), Morgane Le Guyader se penche sur le concept de #violence_épistémique. Celui-ci s’avère utile pour pointer ce qui, à l’intérieur même des critères de scientificité, vient discréditer certains points de vue indigènes ou subordonnés. Ce texte élabore une critique qui a l’intérêt de proposer d’autres manières de rendre compte de l’expérience sensible qui traverse les enquêté·es aussi bien que les enquêteurs et enquêtrices.

    Plusieurs articles de ce numéro, à l’image de celui de Marina Pietri consacré à une #animalerie_scientifique, cherchent ainsi à rendre compte de la manière dont la #division_du_travail au sein des organisations académiques est productrice de formes de violence, examinées comme étant propres à une activité et un rôle spécifiques, aussi bien que dans leur dimension transversale, lorsqu’elles affectent différentes catégories de personnels (chercheur·euses et enseignant·es-chercheur·euses, doctorant·es, personnels administratifs, techniques, etc.). Ce faisant, peut être interrogée la place des stratégies défensives liées aux cultures de métier et érigées pour lutter contre la souffrance. Plusieurs articles abordent également les manières dont les #inégalités et #discriminations s’activent et se reproduisent, dans des configurations où la hiérarchie bureaucratique peut se superposer aux formes de #domination_académique. Se donne alors à voir en quoi ces inégalités permettent de révéler des formes de #mépris plus ou moins visibles, qui peuvent aller de la délégation systématique du « sale boulot » à l’invisibilisation ou l’appropriation du travail d’autrui, en passant par l’empêchement de travailler et le #harcèlement.

    Pour faire face à l’aggravation de la situation en matière de santé physique et mentale, les établissements du supérieur ont obligation, depuis 2012, de mettre en place un Comité d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail (#CHSCT). Très variables selon les établissements, les modalités déployées en faveur de la prise en charge des « #risques_psychosociaux » (#RPS) se font régulièrement timides… ou inexistantes. Dans certains établissements, les fonctions de référent « Égalité, RPS, Handicap » ne sont pas pourvues, tardent à l’être ou encore ne sont dotées d’aucun moyens significatifs pour leur action, qui demeure parfois lettre morte. Nombre d’actrices et d’acteurs de terrain sont pourtant en première ligne et certain·es particulièrement actif·ves pour lutter contre les violences et réguler les dérives : préventeur·rices, médecins du travail, représentant·es du personnel siégeant ou non dans les CHSCT, associations féministes et de personnels précaires, sans oublier les juristes, certain·es cadres administratif·ves et personnes en responsabilité dans les composantes et les laboratoires. L’article de Gwenaël Delaval, Emmanuelle Puissant et Samira Saïdoune, consacré à un « #dispositif_RPS » dans une université, aborde les enjeux de cette prise en charge institutionnelle.

    On le voit, les chantiers ouverts sont nombreux et délicats à mener pour rendre visibles et pour lutter efficacement contre les différentes formes de violence, en desserrant l’étau des rapports de domination. Gageons que les contributions de ce numéro de Mouvements œuvreront dans ce sens, grâce à la réflexion individuelle et aux discussions collectives qu’elles susciteront dans le champ académique, et aux pistes d’action qu’elles ouvrent ainsi.

    https://mouvements.info/edito/violences-et-souffrances-academiques-atteintes-au-service-public-et-a-l
    #ESR #université #violence #violences_ordinaires #souffrance #conditions_de_travail #travail #recherche

    ping @karine4 @_kg_

  • Pour compléter sa retraite, le boss de FO Marseille a perçu 2 000 euros par mois du syndicat | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/100523/pour-completer-sa-retraite-le-boss-de-fo-marseille-percu-2-000-euros-par-m

    En janvier 2022, le dirigeant du syndicat incontournable dans la gestion de la ville s’est vu attribuer un forfait mensuel, pour compenser la perte de revenus liée à son départ à la retraite. Une possibilité qui n’est pas mentionnée dans les statuts du syndicat.

    Benoît Gilles et Suzanne Leenhardt (MarsActu)

    10 mai 2023 à 17h06

    Dans le privé, on appellerait cela un parachute doré. Mais, au sein du syndicat général des agents territoriaux force ouvrière (FO) de la ville de Marseille, le matelas financier a été octroyé alors que le principal concerné n’a pas lâché la barre.

    En 2022, le syndicat, ultra-majoritaire et omniprésent dans la gestion de la ville, même si sa mainmise s’effiloche, a versé près de 2 000 euros par mois à Patrick Rué, son secrétaire général, pour compenser son départ à la retraite de son poste d’agent de la ville.

    https://jpst.it/3d7Ou

    #syndicats #bureaucratie_syndicale #institutionnalisation_syndicale #corruption #fonction_publique_territoriale

  • Réforme des retraites : « Quasiment toutes les règles du maintien de l’ordre ont été violées »
    https://www.lejdd.fr/societe/reforme-des-retraites-quasiment-toutes-les-regles-du-maintien-de-lordre-ont-et

    À la suite du 49-3 sur la réforme des retraites, de nombreuses manifestations spontanées ont eu lieu en France et ont transformés la doctrine de maintien de l’ordre jusqu’ici en œuvre. Pour le JDD, Sébastian Roché, directeur de recherche au CNRS et auteur de « La Nation inachevée – la jeunesse face à l’école et la police », fait le point sur ces changements.

    Allons bon, v’là-t-y pas que même l’organe dominical du macronisme donne la parole à un odieux islamo-gauchiste pro-black-blocs…

    • Le Monde publie un entretien en vue d’une amélioration du maintien de l’ordre qui comporte quelques sentences bien senties et son lot de critiques

      Maintien de l’ordre : « La brutalisation des interventions est aujourd’hui au cœur de la stratégie française »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/27/maintien-de-l-ordre-la-brutalisation-des-interventions-est-aujourd-hui-au-c-

      Nasses, contrôles d’identité à grande échelle, gardes à vue, gazage rapproché : dans un entretien au « Monde », le sociologue Olivier Fillieule regrette que la stratégie policière, plutôt que de faire baisser la tension, contribue à amplifier le désordre.

      et, le cherchant ailleurs, je l’ai trouvé là
      https://justpaste.it/6axug

      je signale de nouveau que, n’en déplaise aux experts académiques et médiatiques, l’obstruction aux secours est malheureusement un classique d’un MDO qui fonctionne nécessairement à la punition, avant même que son pseudopode judiciaire soit mis en oeuvre. évidement, cela doit reste inaperçu, ne pas faire scandale. autrement dit, il faudrait que leurs tortures par manœuvre dilatoire ne pas fabriquent pas des mourants, ça fait sale, sauf qu’ils sont tributaires, jusqu’au préfets et ministres qui les commandent, d’un regrettable manque de finesse et d’adaptabilité

      #police #maintien_de_l'ordre #BAC #Brav_m #violence_d'État #violences_policières

    • Manifestations : « Le niveau de violence décidé par la police varie en fonction de la représentation que la police se fait du public qu’elle rencontre » [ça alors !], Paul Rocher, économiste

      L’économiste Paul Rocher, par ailleurs spécialiste des violences policières, explique dans une tribune au « Monde », que les policiers subissent un syndrome de « citadelle assiégée » par rapport à l’ensemble de la population, mais cela n’excuse pas du tout le recours de la police à la brutalité. [ah bon]

      Le premier secrétaire du Parti socialiste et député Olivier Faure vient de publier le récit des violences policières subies par le fils d’un ami. Le médecin du jeune homme constate de nombreux hématomes et dermabrasions ainsi qu’une tuméfaction et une lombalgie. M. Faure se livre ensuite à une critique du gouvernement qui aurait donné la consigne de faire du chiffre. Mais cette critique comporte un paradoxe : si l’ordre donné à la police était de faire du chiffre, pourquoi le médecin constate-t-il de nombreuses #blessures ? Arrêter un maximum de personnes n’impose nullement de les brutaliser [ces derniers jours on a vu que brutaliser en masse n’impose pas d’arrêter arrêter, trop de taff administratif ballé qui restera sans suite : on punit in situ et en circuit court]. Or depuis une semaine, les vidéos de violences policières se multiplient. Pour dissiper ce paradoxe, la consultation des travaux sur l’institution policière se révèle édifiante.

      Tout d’abord, l’idée que la police fonctionnerait de manière rigoureusement hiérarchique, avec un ordre d’en haut qui serait strictement appliqué sur le terrain, ne correspond pas à la réalité, et ce a fortiori en contexte de maintien de l’ordre. Le sociologue Patrice Mann souligne que dans ce contexte, l’intervention policière « ne se déroule jamais concrètement comme le prévoit la procédure formelle » [eh oui]. L’application d’un ordre offre toujours un degré d’initiative aux policiers.

      Cette marge de manœuvre policière se prolonge avec une sorte de prophétie autoréalisatrice policière que Herbert J. Gans, ancien président de l’American Sociological Association, a mise en avant : l’anticipation de révoltes par les policiers, fortement imprégnés par des conceptions stéréotypes sur la population, augmente leur niveau de violence. Dans cette lignée, la recherche sur la police a identifié un phénomène important : les forces de l’ordre font preuve d’un respect relatif à l’égard de revendications autour du pouvoir d’achat des ouvriers et agriculteurs ; en revanche elles manifestent « une hargne certaine envers des étudiants-jeunes-privilégiés-casseurs ».

      Une figure floue du #casseur

      A première vue, la séparation entre bon et mauvais manifestant paraît nette, mais la figure floue du casseur permet d’inclure dans la deuxième catégorie une multitude de publics. Une manifestation pour le pouvoir d’achat, ou contre le recul de l’âge légal de départ à la retraite, peut ainsi être qualifiée par les forces de l’ordre d’initiative de « casseurs ». Tomber dans la catégorie des casseurs comporte un risque significatif. Car le pouvoir de définition de la légitimité des mobilisés, dont jouissent les policiers [bien aidés par les gouvernements et les média], façonne leur recours à la violence. Les violences contre les cortèges syndicaux depuis 2016 [loi Travaille branleur où on te casse la gueule !] en attestent.

      Le niveau de violence décidé par la police varie donc en fonction de la représentation que la police se fait du public qu’elle rencontre. La force des conceptions stéréotypées explique pourquoi, en dépit du fait que les manifestants ne sont pas nécessairement plus violents aujourd’hui, comme le montre une enquête récente réalisée auprès de policiers par l’association ACAT, les violences policières explosent.

      Pour s’en convaincre, il suffit de prendre les chiffres du ministère de l’intérieur sur le recours aux #armes [dite] non létales. Alors qu’en 2009 il dénombre 3 700 recours, le chiffre grimpe à plus de 32 000 en 2018 et reste depuis à un plateau très élevé de plus de 10 000 recours annuels. Pourtant, ces chiffres ne comprennent ni coups de matraque ni gaz lacrymogène, qui sont les armes les plus utilisées par la police.

      Un esprit de corps puissant

      Cette explosion des violences conduit à souligner une autre spécificité de la police. Elle attire des personnes peu représentatives de la population dans leur attitude par rapport à la violence. Une majorité des personnes désirant devenir policiers se caractérise par une conception purement répressive du futur métier potentiel. Une fois admis, les nouveaux policiers traversent une période de formation au cours de laquelle ils n’apprennent pas seulement les gestes techniques, mais s’imprègnent de la vision du monde de l’#institution_policière.

      C’est une vision assez singulière car les policiers se vivent dans une « citadelle assiégée », qui produit un esprit de corps puissant. Assiégée par qui ? Par le reste de la population que les policiers tendent ainsi à considérer au mieux avec méfiance, au pire avec hostilité. De ce point de vue, lorsque l’ancien préfet Lallement fait savoir à une « gilet jaune » qu’ils ne se trouvent pas dans le même camp, il ne s’agit pas d’un dérapage. C’est un moment de vérité sur la manière dont la police voit la population. De l’hostilité à la violence physique, il n’y a qu’un petit pas, que les policiers ont franchi dès les premières manifestations contre la réforme des retraites.

      Certes, Olivier Faure ne fait pas totalement fausse route [déjà presque mort, il se nourrit à la paille] : le gouvernement est le premier responsable de l’escalade violente actuelle. En refusant d’écouter l’opposition massive à la réforme des retraites, puis en jetant de l’huile sur le feu avec la décision du 49.3, il a réussi à transformer une crise sociale en crise démocratique. Mais rien n’oblige la police à exécuter les ordres du gouvernement avec brutalité – à moins qu’elle ne sache fonctionner autrement. [parce que "la police e déteste tout le monde" ?]

      Paul Rocher est économiste, auteur de Que fait la police ? Et comment s’en passer (2022, La Fabrique)

      #travail #autonomie_professionnelle

  • Comment l’État met des milliers de familles [ et pas que...] pauvres à la rue chaque année | StreetPress
    https://www.streetpress.com/sujet/1673887661-etat-milliers-familles-pauvres-rue-expulsions-locatives-loi-

    Dans son ouvrage De gré et de force, le sociologue Camille François fait un état des lieux inédit de la hausse des expulsions en France. Après dix ans de travail, il explique comment l’État met dehors des milliers de ménages endettés par an.

    En 2010, le brigadier-chef Thierry Henion (1) est chargé d’expulser Madame Hendy (1), une femme de 30 ans qui squatte un #logement en Île-de-France. Il tombe sur son bébé de 22 mois et des proches venus empêcher l’expulsion. En 2013, c’est cette fois Muriel (1), une employée de la préfecture, qui est bouleversée. Un #locataire vient de l’appeler en pleurs pour la supplier de reporter son #expulsion et lui dire qu’il pense à se tuer. Rarement confrontée d’aussi près à la brutalité des expulsions qu’elle gère, elle décide d’écrire en urgence au #bailleur. Son message est laissé sans réponse et l’homme est mis dehors le jour même.

    Ce sont des scènes racontées par le sociologue Camille François, dans son livre De gré et de force, comment l’État expulse les pauvres, à paraître le 19 janvier prochain aux éditions La Découverte. « La question des expulsions est invisible dans les médias, sauf à l’occasion de l’ouverture ou de la fermeture de la trêve hivernale », regrette-t-il. Pendant trois ans, de fin 2012 à 2015, le chercheur chevronné a suivi de l’intérieur les institutions chargées de réaliser les expulsions dans un département de banlieue parisienne. Le deal a été accepté à condition qu’il ne nomme pas celles et ceux qui lui ont ouvert leurs portes :

    « Je m’attendais à ce qu’on me mette des barrières à l’entrée. Mais je n’ai pas rencontré tant de refus. Ce sont des #institutions_invisibles qui n’ont pas le temps d’évaluer leur propre activité. »
    Le maître de conférences en sociologie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a rencontré les « petites mains » du service de recouvrement des #bailleurs_sociaux. Il a lié des relations avec les juges qui prennent la décision des expulsions au tribunal et s’est infiltré au sein des services de préfecture et de police qui l’appliquent.

    #propriété_privée #justice #guerre_aux_pauvres #pauvres #loyer #squat

  • Violences sexuelles sur mineurs en institutions : pouvoir confier ses enfants en toute sécurité - rapport - Sénat
    https://www.senat.fr/notice-rapport/2018/r18-529-1-notice.html

    Violences sexuelles sur mineurs en institutions : pouvoir confier ses enfants en toute sécurité - rapport
    Rapport d’information de Mmes Marie MERCIER, Michelle MEUNIER et Dominique VÉRIEN, fait au nom de la MCI Répression infractions sexuelles sur mineurs
    n° 529 tome I (2018-2019) - 28 mai 2019

    Page 19 du rapport
    https://www.senat.fr/rap/r18-529-1/r18-529-11.pdf

    Par ailleurs, Marie Rabatel, cofondatrice et présidente de l’Association francophone des femmes autistes (AFFA), a mis en avant le fait, qui ne peut laisser indifférent, que les enfants en situation de handicap, en particulier mental, ont quatre fois plus de risques de subir des violences sexuelles que les autres. Selon elle, les enfants aveugles, malentendants, ceux qui s’inscrivent dans le spectre de l’autisme et les déficients intellectuels et ceux qui sont atteints d’un trouble de communication sociale sont plus touchés que les autres. En outre, parmi les enfants présentant des troubles autistiques, les filles ont, dans 90 % des cas, été victimes de violences sexuelles dans l’enfance2. Marie Rabatel a expliqué que cette proportion très élevée tenait à l’extrême vulnérabilité des victimes, qui sont aussi aisément manipulables. De surcroît, ces enfants sont rarement entendus, du fait de leur handicap. Enfin, la multiplicité des personnels intervenant dans les institutions d’accueil constitue un facteur de risque supplémentaire pour ces enfants.

    #autisme #femmes_autistes #viols #agressions_sexuelles #rapport_sénat #institutions

  • Composer un monde en commun. Une théologie politique de l’#anthropocène

    Comment relever les extraordinaires défis que nous lancent les #crises induites par la #destruction de notre #habitat planétaire ? Faut-il réviser le concept même de #propriété_privée ? Remettre en cause la #souveraineté des #États-nations ? Comment construire ensemble les #institutions_internationales qui permettraient de prendre soin de nos #communs_globaux que sont le climat mais aussi la #biodiversité, la #santé, les #cultures et jusqu’à la #démocratie ?

    Car c’est elle qui, aujourd’hui, est menacée par notre refus d’inscrire des limites à la toute-puissance de la #personnalité_juridique, des techniques extractivistes et de la #marchandisation du monde. Où trouverons-nous les ressources politiques, culturelles et spirituelles pour inventer ces limites et en faire une chance plutôt qu’une insupportable privation de liberté ?

    Un tel projet exige de refonder l’#utopie des #Lumières. Et pour cela, de puiser à la source du #christianisme, qui constitue l’une de ses matrices historiques. Il implique donc une révision de la manière dont le christianisme se comprend lui-même : expérience stylistique du retrait d’un Dieu qui s’efface pour nous ouvrir à un horizon démocratique qu’il nous revient d’imaginer ensemble ? Ou #religion d’un Christ glorieux qui légitimerait une souveraineté politique autoritaire, carnivore, phallocratique et colonialiste ? Telles sont quelques-unes questions que pose ce livre.

    Apprendre à y répondre participe peut-être de ce que les traditions bibliques nomment la sainteté.

    https://www.seuil.com/ouvrage/composer-un-monde-en-commun-gael-giraud/9782021474404

    #livre #Gaël_Giraud #communs #commons #Etat-nation #extractivisme #colonialisme #autoritarisme

  • Quelles sont les limites au #Droit (menacé) de manifester ?
    https://www.blast-info.fr/emissions/2022/quelles-sont-les-limites-au-droit-menace-de-manifester-9wHTY1BuSOaceC7LOz

    Aujourd’hui, nous allons parler du droit de manifester. En effet, la crise de confiance affectant les #Institutions engendre, dans une logique d’autoprotection de ces dernières, un durcissement législatif et réglementaire affectant gravement les libertés…

    #Manifestation
    https://static.blast-info.fr/stories/2022/thumb_story_list-quelles-sont-les-limites-au-droit-menace-de-manif

  • Assemblée nationale : les armes de macron pour passer en force
    https://www.blast-info.fr/emissions/2022/assemblee-nationale-les-armes-de-macron-pour-passer-en-force-I7X71KXHTvS8

    "Notre #Histoire #Politique est fondée sur le rejet : le rejet de notre passé, le rejet de nos régimes précédents et l’idée que nous sommes à l’aboutissement de notre œuvre constitutionnelle et politique. Cherchez, vous verrez que vous n’aurez pas grand…

    #Institutions
    https://static.blast-info.fr/stories/2022/thumb_story_list-assemblee-nationale-les-armes-de-macron-pour-pass

  • La convivialité selon Ivan Illich
    https://topophile.net/savoir/la-convivialite-selon-ivan-illich

    La convivialité est sur toutes les lèvres et dans tous les vœux. Tout le monde pense la connaître. Et pourtant, ce goût, ce caractère, cet état est bien plus subversif qu’il n’y paraît. Thierry Paquot explore cette notion ô combien existentielle, de Brillat-Savarin à Ivan Illich. À la différence de la commensalité, « La convivialité n’homogénéise... Voir l’article

    • La radicalité du changement qu’exige la société conviviale effraie certainement de nombreuses personnes attirées par une alternative « douce », se contentant d’une ambiance « bon enfant » et hésitant à rompre définitivement avec le monde enchanté de la marchandise. Il y a donc deux convivialités, l’une qui se veut « sympathique » et l’autre, plus exigeante, qui réclame un « art de vivre » caractérisé par la survie, l’équité et l’autonomie créatrice, trois attitudes qui, réunies, dépassent largement ce que chacune promet. Là, le « monopole radical » (l’école pour apprendre, l’hôpital pour se soigner, les transports publics pour se déplacer…) et les « professions mutilantes » s’effacent, laissant la place à l’auto-organisation décentralisée de petits groupes.

      […]

      Il annonce d’emblée qu’il a choisi le terme de « convivialité » en opposition à celui de « productivité ». « Je veux dire par là, précise-t-il, des rapports autonomes et créateurs entre les personnes d’une part et des rapports entre les personnes et leur environnement d’autre part. Ceci s’oppose à la réponse conditionnée et efficace des personnes aux exigences de leur entourage et de leur cadre de vie. Je considère que la convivialité, c’est la liberté individuelle réalisée dans une interdépendance mutuelle et personnelle, et ayant, comme telle, une valeur éthique intrinsèque. Je crois que sans convivialité la vie perd son sens et les hommes dépérissent. »

      […]

      « J’entends par convivialité l’inverse de la productivité industrielle. Chacun de nous se définit par sa relation à autrui et au milieu et par la structure profonde des outils qu’il utilise. Ces outils peuvent se ranger en une série continue avec, aux deux extrêmes, l’outil dominant et l’outil convivial. Le passage de la productivité à la convivialité est le passage de la répétition du manque à la spontanéité du don. » Ivan Illich dénonce également celles et ceux qui, sans récuser la productivité, en appellent à des droits des consommateurs, qui à ses yeux, sont des droits à détruire l’environnement et surtout à s’autodétruire.

      […]

      « En 1971, quand j’ai commencé à écrire La Convivialité et à parler de seuils multidimensionnels au-delà desquels l’humain s’efforce de devenir destructeur du mode de vie, je me suis effondré. C’était la première fois de ma vie que je me trouvais dans cet état que l’on appelle ‘dépression’. Je ne crois pas que j’aurais continué à écrire si j’avais tenu un fils de ma propre chair dans mes bras. (…) Je pense qu’il est indispensable, pour pouvoir penser et réfléchir, pour avoir des idées claires et précises et les exprimer avec des mots significatifs et sensuels, de savoir que nous n’avons pas de futur. »

      Cette conscience de l’impossibilité d’orienter le cours des choses, du fait de la toute-puissance du « système technique », explique l’absence de « mesures politiques » que beaucoup de ses lecteurs attendaient. L’ampleur de ce qu’il découvre le désole : l’être humain n’aurait-il plus d’autonomie ? Serait-il condamné à obéir volontairement à des institutions qui le dépossèdent de toute initiative émancipatrice ? Il admet ne pas rejoindre « ceux qui dansent la danse de la pluie », ces écologistes qui croient en « la responsabilité », tel Hans Jonas, qu’Ivan Illich traite d’« illusionniste ».

      La question « Que faire ? », lui semble déplacée : « Nous sommes foncièrement impuissants et nous ne discutons que parce que nous essayons de trouver des moyens de renforcer nos amitiés naissantes avec des personnes qui pourraient, avec nous, comprendre leur propre impuissance et l’impuissance collective. »

      […]

      C’est dans de nouveaux entretiens en 1997 et 1999 qu’Ivan Illich confirme à David Cayley le passage à l’échelle mondiale de « l’âge des outils » à « l’âge des systèmes » vers 1980. Or, ses premiers écrits étaient antérieurs à ce passage. Ils décrivaient des situations technologiques nées principalement en Occident à partir du XIIe siècle. Après avoir examiné les « outils » (entendus comme des « moyens » pour des « fins » précises) et découvert que certains devenaient « contre-productifs » passés un certain seuil, Illich avait étudié leurs effets matériels, puis, plus tardivement leurs effets symboliques, jusqu’au moment où il comprit que les « outils » étaient dépossédés de leur intention humaine par leur entrée dans un système qui, de fait, les subordonnait à une autre logique.

      […]

      Néanmoins, ils expriment bien le désarroi dans lequel se trouve alors Ivan Illich qui n’imaginait pas vivre ce moment au cours duquel les systèmes techniques viendraient submerger l’univers des « outils » (institutions comprises) et entraver toutes possibilités d’autonomie. En effet, les systèmes techniques, qui semblent œuvrer pour eux-mêmes, ne laissent guère de marge de manœuvre à celles et ceux qui veulent s’en émanciper ou en inverser les buts…

      […]

      On peut regretter une telle approche individuelle de la lutte contre le système technique, mais Ivan Illich, ne se sentait pas de poids pour le combattre. Il ne voyait que des actions modestes, clairsemées, sporadiques, effectuées par des petits groupes, qui en un lieu circonscrit, inscriraient leurs pas dans leurs biographies, c’est la définition qu’il donne de l’art d’habiter. Ces tentatives d’autogestion, de décentralisation, de coopération, dans tous les domaines de la vie quotidienne de chacune et chacun, leur permettront d’échapper à la tyrannie des systèmes techniques, à l’appauvrissement de leur monde en procurant la satisfaction de vivre convivialement à quelques-uns. Pendant ce temps, les énormes systèmes techniques démesurés tomberont en panne, dysfonctionneront, les modes de vie qu’ils ont conditionnés ne satisferont personne et seront contestés, des guerres pour l’obtention de ressources non renouvelables feront d’irréparables dégâts, des pandémies seront impossibles à endiguer et des famines naîtront de la raréfaction de l’eau, de la surpopulation, de la déforestation et des canicules, etc.

      #Ivan_Illich #philosophie #convivialité #anti-industriel #critique_techno #écologie #autonomie #système_technicien #institutions

  • La démocratie recule partout, y compris au Canada Ximena Sampson - Radio Canada
    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1863280/democratie-classement-economist-monde-canada

    Les événements des derniers jours à Ottawa ont ébranlé bien des Canadiens. Si l’occupation du parlement par les camionneurs, les slogans haineux et les menaces inquiètent les observateurs, le recours à la Loi sur les mesures d’urgence ne les rassure guère sur l’état de la démocratie canadienne.

    Tout cet épisode illustre bien la détérioration subie par la démocratie ces dernières années. Une tendance amplifiée par la pandémie, selon l’indice de la démocratie en 2021, publié le 10 février par The Economist Intelligence Unit (EIUEIU).


    Le Canada n’échappe pas à cet effritement. Le pays a perdu sept rangs, glissant de la 5e à la 12e place, avec une note de 8,87 sur 10, contre 9,24 sur 10 en 2020.

    1 Norvège - 9,75
    2 Nouvelle-Zélande - 9,37
    3 Finlande - 9,27
    4 Suède - 9,26
    5 Islande - 9,18
    6 Danemark - 9,09
    7 Irlande - 9,00
    8 Taïwan - 8,99
    9 Australie - 8,90
    9 Suisse - 8,90
    11 Pays-Bas - 8,88
    12 #Canada - 8,87
    13 Uruguay - 8,85

    L’indice de la démocratie (Nouvelle fenêtre) est basé sur 60 indicateurs, regroupés en cinq catégories : processus électoral et pluralisme, libertés civiles, fonctionnement du gouvernement, participation politique et culture politique. La note, sur une échelle de zéro à dix, correspond à la moyenne de ces cinq scores. Les pays sont ensuite classés en quatre types de régimes, en fonction de leur score moyen : les démocraties pleines, les démocraties défaillantes, les régimes hybrides et les régimes autoritaires.

    Si notre pays demeure une démocratie pleine et entière (selon la définition de l’EIU), le repli est tout de même inquiétant, estime Andrew Potter, professeur agrégé à l’École de politiques publiques Max Bell de l’Université McGill. Comment explique-t-il cette détérioration ?

    “Ce qui s’est produit au cours des deux dernières années, c’est que le premier ministre a essentiellement fermé le Parlement pendant une longue période et a tenu à limiter l’opposition autant qu’il le pouvait”, croit le chercheur. La Chambre a siégé pendant un nombre de jours historiquement bas, rappelle-t-il.

    Lorsque ceux qui sont en désaccord avec les #décisions du #gouvernement ne peuvent plus s’exprimer dans le cadre prévu, ils vont chercher d’autres moyens de se faire entendre, dans la rue si nécessaire. En prenant la décision d’éliminer l’expression de l’ #opposition à l’intérieur des #institutions, M. Trudeau est donc “directement responsable de ce qui arrive”, estime M. Potter. “Son attitude envers le #Parlement a été méprisante et dédaigneuse, soutient le chercheur. Ce qui se passe actuellement dans les rues d’Ottawa en est, dans une large mesure, une conséquence directe. Quand les gens sentent qu’on ignore leur opinion ou qu’on la méprise, cela risque d’engendrer de la colère.”

    « Si vous vouliez délibérément faire du Canada un pays moins démocratique, il serait difficile de faire autre chose que ce que le premier ministre a fait au cours des deux dernières années. »
    -- Une citation de Andrew Potter, professeur agrégé à l’École de politiques publiques Max Bell de l’Université McGill

    Différents sondages menés au cours des derniers mois révèlent de la #frustration par rapport aux restrictions pandémiques, un déclin de la confiance dans les partis politiques et une augmentation de l’appui à des solutions de rechange non démocratiques.

    Américanisation de la politique canadienne
    Une autre tendance indiquée dans le rapport est une américanisation croissante de la politique canadienne.

    “La détérioration du score du Canada soulève des questions quant à savoir s’il pourrait commencer à souffrir de certaines des mêmes afflictions que son voisin américain, comme des niveaux extrêmement faibles de #confiance du public dans les #partis_politiques et les #institutions_gouvernementales”, écrivent les auteurs du rapport.


    Des gens manifestent devant la colline du Parlement, à Ottawa, le 30 janvier 2022. Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

    La polarisation, considérée comme la plus grande menace pour la démocratie américaine, guette-t-elle le Canada aussi ?

    Certainement, répond Jennifer Wolowic, responsable de l’initiative Renforcer la démocratie canadienne à l’Université Simon Fraser, à Vancouver, qui est d’avis que cette tendance est déjà bien présente ici.

    “Pour certaines personnes, la politique sature toute leur expérience quotidienne. Mon vote n’est plus seulement un aspect de mon identité parmi d’autres ; maintenant [le parti pour lequel je vote ] est mon équipe.”

    La polarisation, souligne-t-elle, ne se résume pas au fait d’avoir des idées différentes, c’est plutôt l’animosité qu’on ressent envers ceux qui ne pensent pas comme nous.
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    Quand on ne parle qu’à ceux qui partagent nos idées, on ne parvient pas à développer sa pensée critique, croit-elle. “En ce moment, nous sommes cloisonnés et nous ne parlons qu’aux personnes qui sont d’accord avec nous, alors nous perdons notre capacité à décortiquer les bases de nos croyances et à faire des compromis.”

    D’après François Gélineau, titulaire de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires de l’Université Laval, le plus inquiétant, c’est la radicalisation. “Il y a une inhibition qui tombe”, affirme-t-il, citant les menaces de violence armée dans le cadre de la manifestation de Québec.
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    Encore plus alarmant, selon lui, est de voir des acteurs politiques exploiter le sentiment d’exclusion que vivent certains citoyens à des fins partisanes. “Il y a des gens qui ne se sentent pas du tout représentés par les institutions. Mais est-ce que ça veut dire qu’il faut balayer les institutions du revers de la main ?”, se demande-t-il.


    La colère est palpable chez certains manifestants. - Photo : Getty Images / Scott Olson

    Le mythe de “l’exceptionnalisme canadien” est dépassé, croit pour sa part Andrew Potter. “On avait cette idée que ces choses-là n’arrivaient pas ici. Eh bien, on est en train de se rendre compte qu’on n’est pas si particuliers que ça.”
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    Un phénomène mondial
    L’érosion de la démocratie n’est pas nouvelle, ici comme dans d’autres sociétés occidentales, rappelle François Gélineau. “On constate depuis plusieurs années un déclin de la confiance envers les #institutions et les #élites, ainsi qu’un effritement de la satisfaction à l’égard de la démocratie”, remarque-t-il.

    Les mesures prises pour lutter contre la pandémie ont accéléré ce processus, souligne le rapport de l’EIU. On a notamment observé l’année dernière “un retrait sans précédent des libertés civiles”, par exemple les restrictions sur les déplacements et l’introduction de preuves vaccinales pour avoir accès à certains services. La pandémie a également “conduit à la normalisation des pouvoirs d’urgence [...] et a habitué les citoyens à une énorme extension du pouvoir de l’État sur de vastes domaines de la vie publique et personnelle”.

    Le fort recul amorcé en 2020, pendant la première année de la pandémie, s’est poursuivi en 2021.


    Le président du Brésil, Jair Bolsonaro, est reconnu pour ses attaques contre les institutions démocratiques. - Photo : Reuters / PILAR OLIVARES

    “ La pandémie a eu un impact négatif sur la qualité de la démocratie dans toutes les régions du monde”, écrit encore l’EIU. C’est particulièrement vrai en #Amérique_latine, où plusieurs pays ont connu des régressions, notamment au registre de la culture politique. Cela reflète l’insatisfaction du public à l’égard de la gestion de la pandémie, ajoutée à un scepticisme croissant sur la capacité des gouvernements démocratiques à faire face aux problèmes qu’affronte la région, et une tolérance accrue à l’autoritarisme. Des personnages comme Jair Bolsonaro, au #Brésil, Andrés Manuel Lopez Obrador, au #Mexique, et Nayib Bukele, au #Salvador, en sont l’illustration, souligne l’EIU.
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    Moins de la moitié des habitants de la planète vivent dans un des 74 pays considérés comme plus ou moins démocratiques et moins de 10 % dans une vraie démocratie.

    La moyenne mondiale est de 5,37 sur 10, soit la note la plus basse depuis la création de l’indice en 2006.

    Les pays scandinaves se maintiennent au sommet du classement, tandis que l’#Espagne et le #Chili rejoignent la #France et les #États-Unis dans la catégorie des #démocraties_défaillantes. Le Canada risque-t-il de s’y retrouver lui aussi ?

    Andrew Potter craint la persistance de certains comportements problématiques apparus pendant la pandémie. “L’un des problèmes du système canadien est qu’il y a très peu de choses écrites”, croit-il. Une fois qu’on a atteint un certain plancher institutionnel, ni le parti au pouvoir ni l’opposition n’ont un grand intérêt à revenir à la normale. Alors, les normes ont tendance à s’éroder, mais pas à se reconstruire, déplore-t-il.

    “Une fois que vous avez établi des normes selon lesquelles le Parlement n’a pas besoin de siéger pendant la majeure partie de l’année, qu’après une élection, vous n’avez pas à être à la Chambre pendant deux ou trois mois et qu’il n’est pas nécessaire que les ministres soient aux Communes pour se réunir, quels arguments avez-vous pour revenir comme avant ?”

    La vigilance sera donc de mise afin que cette situation exceptionnelle ne devienne pas la nouvelle normalité.

    #justin_trudeau #trudeau #pass_sanitaire

  • Et si on travaillait tous et toutes gratuitement ?, avec Maud Simonet
    https://www.arte.tv/fr/videos/103447-002-A/et-si-on-travaillait-tous-et-toutes-gratuitement

    Laura Raim décortique la notion de “travail gratuit” avec Maud Simonet. À partir des écrits féministes sur le travail domestique, cette spécialiste du bénévolat et directrice de recherches au CNRS dessine les contours d’une notion qui touche à nos convictions profondes. Pas facile d’entendre que ce que l’on vit comme un élan de solidarité peut relever de l’exploitation… Source : Les idées larges | ARTE