• (20+) Mort de Jacques Coursil, jazzman génial et figure méconnue de la modernité noire - Culture / Next
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    Jacques Coursil enseignait la linguistique à l’université de caen à la fin des années 1980. Sacré personnage, avec toujours plein d’idées qui fusaient en même temps que ses rires tonitruants.

    « Chacun a sa chance. Il faut juste être prêt quand elle arrive. » Ce mot de Paul Bley, qui clôt les notes de pochette de Black Suite, numéro 49 de la série BYG-Actuel, prit tout son sens une quarantaine d’années plus tard. En 2007, Jacques Coursil sut saisir sa chance, en publiant Clameurs, un recueil qui permettait enfin de ranger son auteur à côté des figures mythiques du monde de la musique. Jacques Coursil s’y posait définitivement au rang des meilleurs trompettistes, quelque part entre Jon Hassell et Don Cherry. « La trompette, si elle ne chante pas, c’est de la ferraille. Elle danse et enfin elle parle. C’est le fond de ma gorge qu’on entend. » Ecoutez par exemple ce son sur l’introductif Paroles Nues, une mélancolie du futur qui nous fera pleurer longtemps.
    « Là où il fallait être »

    Chaque mot était soupesé, chaque syllabe comptait chez ce Martiniquais décédé en Belgique dans la nuit du 25 juin d’une longue maladie, comme on dit. Il était né à Montmartre en 1938 : papa milite et maman chante. Lui conjuguera les deux, à sa manière. A 15 ans, il va donc au conservatoire pour apprendre la clarinette, il en ressort avec une trompette. L’instrument idoine pour lui qui entend bien le jazz, « une créativité qui a bouleversé le siècle comme le blues a révolutionné la poésie. C’était donc là où il fallait être si comme moi on était concerné par la chose révolutionnaire ». L’heure est à la décolonisation, et Jacques Coursil file à Dakar entre 1958 et 1961, fréquentant déjà l’autre père de cette négritude qui ne cessera plus de le hanter, invoquant encore dans Clameurs Frantz Fanon et bien sûr Edouard Glissant, son ami dont il se disait le « serrurier » de sa complexe pensée.

    « Parler de racisme, c’est parler de quelque chose ; parler de race, c’est parler de rien. » La ségrégation, il avait donné pour avoir traversé l’Atlantique en 1965, parce que « Malcolm X était mort et le free-jazz venait de naître ». Il y demeurera dix ans, travaillant la composition autour de la « sériellisation », fréquentant la galaxie du free-jazz aux contours multiples. Il enregistre ainsi pour le batteur Sunny Murray, intègre un temps l’Arkestra de Sun Ra, et puis Rashied Ali, Perry Robinson, Marion Brown… C’est de cette époque que datent les deux disques BYG-Actuel. Et puis après un retour dans la France giscardienne, il change de voie : il étudie les mathématiques et les lettres.

    Deux thèses à la clef, il enseignera à l’université des Antilles et de la Guyane et à la très réputée Cornell, signant un ouvrage référence, la Fonction muette du langage. Tout est dit, ou presque, pour celui qui continue néanmoins d’entretenir un rapport intime avec sa trompette.
    « La musique jaillit de nouveau »

    Pour meilleure preuve, quand Jacques Coursil se décide enfin de revenir, il signe un terrible Minimal Brass en 2005 sur Tzadik, multiples pistes de trompette toutes jouées par ses soins. « Alors que j’enseignais la littérature, John Zorn, qui fut mon élève pendant longtemps, m’a proposé cet enregistrement. Je l’ai écrit en une semaine, avec pour concept le désir d’entendre toutes les harmoniques ensemble. » On y redécouvre une personnalité musicale qui ne ressemble à rien ou presque. Lui philosophera : « La musique a été une rivière souterraine. A présent, elle jaillit de nouveau et tout est bien… » Il sortira de nouveaux disques : en 2010, On a Trail of Tears, où il emprunte le Sentier des larmes, récit de la terrible déportation des Cherokees en 1838, pour interroger ces deux mémoires, à travers sa trompette, et quatre ans plus tard Free Jazz Art, un duo avec Alan Silva, sous-titré « Session For Bill Dixon », référence ultime.

    En ce nouveau siècle, les cheveux avaient poussé, le trait s’était émacié, le verbe avait affiné sa douce radicalité, taillée comme la sonorité de cet « Antillais qui fait de la musique ». Nuance. C’est bien de ce sujet toujours d’actualité dont parlait Clameurs. De la question de son identité, des clichés collés à son masque, lui qui ne voulait pas être « esclave de l’esclavage », le même qui savait nous dire l’importance de l’histoire quand elle s’inscrit dans le champ du réel. Ce manifeste qui n’en a pas le nom remet de terribles inflexions à l’heure du tout-monde. Désormais, il faudra le faire résonner à chaque manifestation.

    #Musique #Jacques_Coursil

  • Mort de Jacques Coursil, jazzman génial et figure méconnue de la modernité noire
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    Trompettiste de génie, chercheur en mathématiques et en philosophie et ami d’Edouard Glissant, le Martiniquais né à Paris s’est éteint cette nuit à l’âge de 82 ans.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Coursil

    #musique #jazz #trompette #philosophie #linguistique #Jacques_Coursil

  • Le racisme est toujours justifié et construit par la culture (la supériorité esthétique des pratiques culturelles), le biologique, l’appartenance à un groupe social ( la stigmatisation des pauvres issus de l’immigration)
    "Racisme et Culture" par Frantz Fanon
    http://www.dailymotion.com/video/xoib3i_frantz-fanon-racisme-et-culture_news


    extrait de la préface de « Oeuvres » de Frantz Fanon paru aux éditions de la Découverte
    http://www.mouvements.info/L-universalite-de-Frantz-Fanon.html

    Il n’y est question, faut-il préciser, que de la lutte et du futur qu’il faut ouvrir coûte que coûte. Cette #lutte a pour but de produire la vie, de renverser les #hiérarchies instituées par ceux qui se sont accoutumés à vaincre sans avoir raison, la « violence absolue » jouant, dans ce travail, une fonction désintoxicatrice et instituante. Cette lutte a une triple dimension. Elle vise d’abord à détruire ce qui détruit, ampute, démembre, aveugle et provoque peur et colère – le devenir-chose. Ensuite, elle a pour fonction d’accueillir la plainte et le cri de #l’homme_mutilé, de ceux et celles qui, destitués, ont été #condamnés à l’#abjection ; de #soigner et, éventuellement, de #guérir ceux et celles que le pouvoir a blessés, violés et torturés, ou simplement rendus fous. Elle a enfin pour but de faire jaillir un #sujet #humain inédit, capable d’habiter le monde et de le partager afin que les possibilités de #communication et de #réciprocité sans lesquelles ne sauraient exister ni la #dialectique de la reconnaissance ni le #langage humain soient restaurées.
    Ce gigantesque labeur, Fanon l’appelait la « sortie de la grande nuit », la « #libération », la « #renaissance », la « restitution », la « #substitution », le « #surgissement », l’« émergence », le « #désordre absolu », ou encore « marcher tout le temps, la nuit et le jour », « mettre sur pied un homme neuf », « trouver autre chose », forger un sujet humain nouveau sorti tout entier du « mortier du #sang et de la #colère », #libre du #fardeau de la #race et débarrassé des attributs de la #chose. Un sujet quasi-indéfinissable, toujours en reste parce que jamais fini, comme un écart qui résiste à la #loi, voire à toute limite.
    Quant au reste, et bien mieux que d’autres écrits de l’époque, les textes de Fanon dévoilent l’étendue des souffrances psychiques causées par le racisme et la présence vive de la folie dans le système colonial [3] . En effet, en situation coloniale, le travail du racisme vise, en premier lieu, à abolir toute séparation entre le moi intérieur et le regard extérieur. Il s’agit d’anesthésier les sens et de transformer le corps du colonisé en chose dont la raideur rappelle celle du cadavre. À l’anesthésie des sens s’ajoute la réduction de la vie elle-même à l’extrême dénuement du besoin. Les rapports de l’homme avec la #matière, avec le #monde, avec l’#histoire deviennent de simples « rapports avec la nourriture », affirmait Fanon. Pour un #colonisé, ajoutait-il, « vivre, ce n’est point incarner des valeurs, s’insérer dans le développement cohérent et fécond d’un monde ». #Vivre, c’est tout simplement « ne pas #mourir », c’est « maintenir la vie ». Et de conclure : « C’est que la seule perspective est cet estomac de plus en plus rétréci, de moins en moins exigeant certes, mais qu’il faut tout de même contenter. »
    Cette #annexion de l’homme par la force quasi-physiologique du besoin et la matière de l’estomac constitue le « temps d’avant la vie », la « grande nuit » de laquelle il faut sortir. On reconnaît le temps d’avant la vie au fait que, sous son emprise, il n’est pas question pour le colonisé de donner un sens à son existence et à son monde, « mais plutôt d’en donner un à sa mort ». Et c’est à éclairer les attendus de ce différend et à le trancher en faveur des « réserves de vie » que s’attela Fanon.

    Un bel hommage de #Jacques_Coursil (Clameurs) à #Frantz_Fanon tiré du livre "Peau Noire, Masques Blancs(collection Points)
    http://www.youtube.com/watch?v=8yaGS2uJvis

    Je suis nègre.

    Mais je n’ai pas le droit de me laisser ancrer.
    Non !
    je n’ai pas le droit de venir et de crier ma haine.
    – pas le droit,
    de souhaiter la cristallisation
    d’une culpabilité
    envers le passé de
    ma race -
    Dois-je me confiner
    à la répartition raciale de la culpabilité,
    Non, je n’ai pas le droit d’être un Noir.
    – je n’ai pas le droit d’être ceci ou cela…
    Le Nègre n’est pas, pas plus que le Blanc.
    Je demande qu’on me considère à partir de mon Désir.
    Je me reconnais un seul droit :
    celui d’exiger de l’autre
    un comportement
    humain.

    Le malheur et l’inhumanité du Blanc
    sont d’avoir tué l’humain
    quelque part.
    Le malheur du nègre
    est d’avoir été esclave.
    Mais je ne suis pas esclave
    de l’esclavage
    qui déshumanisa mes pères.

    Je suis homme
    et c’est tout le passé du monde
    que j’ai à reprendre.
    – la guerre du Péloponnèse
    est aussi mienne
    que la découverte de la boussole.
    Je ne suis pas seulement responsable
    de Saint-Domingue -
    La densité de l’Histoire
    ne détermine aucun de mes actes.
    Je suis mon propre fondement.

    Exister absolument.
    Je n’ai ni le droit ni le devoir
    d’exiger réparation
    pour mes ancêtres domestiqués.
    Pas le droit de me cantonner
    dans un monde de réparations rétroactives.
    Je ne suis pas prisonnier de l’Histoire
    Il y a ma vie prise
    au lasso de l’existence.
    Il y a ma liberté.Il n’y a pas de mission Nègre ;
    Pas de fardeau Blanc
    pas de monde blanc
    pas d’éthique blanche,
    pas d’intelligence blanche.
    Il y a de part et d’autre du monde
    des humains qui cherchent.

    Ô mon corps,
    fais de moi toujours
    un homme qui interroge !

    #Colonialisme #Décolonisation #Anticolonialisme #Racisme #Hiérarchisation #Ségrégation #Culture #Anthropologie #Politique #Déculturation #Musique #Jazz #Livres #Vidéo