• Langues régionales. L’ONU s’en mêle et demande des explications au gouvernement français
    https://www.ouest-france.fr/bretagne/langues-regionales-l-onu-s-en-mele-et-demande-des-explications-au-gouve

    Le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, basé à Genève, se montre sévère à l’égard de la décision du Conseil constitutionnel du 21 mai 2021 censurant certaines dispositions de la loi Molac sur les langues régionales. "Nous craignons que l’adoption et l’application de cette décision puissent entraîner des atteintes importantes aux droits humains des minorités linguistiques en France ", écrit-il dans une lettre en date du 31 mai adressée au gouvernement français.

    La lettre est signée par le sud-africain Fernand de Varennes, rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités ; la grecque Alexandra Xanthati, rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels ; et la burkinabée Koumbou Boly Barry, rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation.

    Elle formule à l’intention du gouvernement français des " commentaires et suggestions " à propos de la décision du Conseil constitutionnel. Cette dernière a établi l’inconstitutionnalité de l’enseignement immersif dans une autre langue que le français et de l’utilisation de signes diacritiques des langues régionales dans les actes d’état civil.

    Un « risque de traitement différentiel »
    " Cette décision peut porter atteinte à la dignité, à la liberté, à l’égalité et à la non-discrimination ainsi qu’à l’identité des personnes de langues et de cultures historiques minoritaires de France ", estime les rapporteurs du Conseil des droits de l’Homme. Ils estiment que sa mise en application peut mettre la France en contradiction avec les engagements qu’elle a pris au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Convention internationale sur les droits de l’enfant et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

    Les rapporteurs du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies demandent donc au gouvernement français des informations et des explications, pointant notamment " le risque de traitement différentiel entre la langue anglaise d’une part, et les langues minoritaires de France d’autre part, au sein des établissements qui assurent le service public de l’enseignement ou sont associés à celui-ci​ "
    .
    Ils demandent également au gouvernement français de lui fournir " des informations relatives aux mesures prises […] pour mettre en place des mesures adéquates pour garantir l’accès à l’enseignement public dans les langues minoritaires ainsi que leur usage dans la vie publique et privée. "

    Le Réseau européen pour l’égalité linguistique ELEN avait saisi l’ONU en juillet 2021 contre l’État français pour discrimination envers les locuteurs des langues régionales après la décision du Conseil constitutionnel. Il avait envoyé une " lettre d’allégation " au rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités.

  • Bonjour, grüezi, allegra, benvenuto: plurilingue au quotidien

    Quatre #langues_nationales, des dizaines de dialectes, plus de 250 langues parlées au total : le plurilinguisme est un phénomène saillant en Suisse, et il augmente. Le plus frappant est cependant de voir comment l’#anglais s’impose peu à peu comme cinquième « langue nationale ».

    Renata Coray a grandi dans le canton de Bâle-Campagne au sein d’une famille où l’on parlait le romanche et le suisse allemand, elle a fait des études en français et en allemand à Fribourg, vit à Zurich, séjourne souvent dans la Surselva, lit aussi des textes en anglais pour son travail et aime les vacances en Italie. Si tous les Suisses ne sont pas aussi polyglottes que cette cheffe de projet à l’Institut de plurilinguisme de l’université de Fribourg, la dernière étude de l’Office fédéral de la statistique (OFS) sur le #paysage_linguistique suisse montre tout de même que le plurilinguisme est en nette augmentation. Plus de deux tiers de la population suisse utilise régulièrement plus d’une langue. En 2014, environ 64 % des Suisses parlaient plus d’une langue au quotidien. Aujourd’hui, ils sont 68 %. Pour ce qui est du nombre de langues utilisées, 38,4 % en parlent régulièrement deux, 21,3 % trois, 6,4 % quatre et 1,7 % cinq ou plus. Notons que l’étude n’établit pas de distinction entre l’allemand standard et le suisse allemand.

    « Cette augmentation est due à la #mobilité accrue, aux possibilités de communication élargies offertes notamment par les nouveaux médias et l’Internet, aux cours de langue très répandus et à la composition plus internationale de la population », indique la sociolinguiste Renata Coray. Mais la modification des questions de l’enquête statistique y est aussi pour quelque chose : si, jusqu’en 1990, les sondés ne devaient indiquer que leur langue maternelle (les personnes bilingues devant opter pour une seule langue), ils peuvent depuis lors mentionner aussi les langues qui leur sont familières et, depuis 2010, citer jusqu’à trois langues principales.

    Une mise en œuvre présentant des lacunes

    Malgré cette augmentation, le plurilinguisme reste un thème politique explosif en Suisse. La longue lutte pour la survie du #romanche ou, en nombre d’endroits, les disputes liées à l’introduction de l’anglais à l’école au lieu du français dans les petites classes le montrent. La promotion des langues nationales, en particulier des #langues_minoritaires que sont l’#italien et romanche, est néanmoins ancrée dans la Constitution fédérale. « Pas mal de choses ont été faites sur le plan de la #politique_linguistique et des lois, note Renata Coray, mais la mise en œuvre présente parfois des lacunes. » Cela se voit par exemple, dit-elle, dans l’#administration_fédérale. Une étude de 2020 du Centre pour la Démocratie d’Aarau montre que dans près de deux tiers des offices, les Suisses alémaniques sont clairement surreprésentés et les membres des minorités linguistiques, sous-représentés.

    Un problème similaire existe dans le canton des #Grisons, relève la sociolinguiste. Dans ce seul canton possédant trois langues officielles – l’allemand, le romanche et l’italien –, l’#allemand reste nettement dominant dans l’#administration. Au fond, la promotion du romanche a-t-elle un sens dans un pays dont seulement 0,5 % de la population résidante permanente le considère comme l’une de ses langues principales, et seulement 0,9 % l’utilise régulièrement, sachant que la plupart des romanchophones maîtrisent aussi l’allemand ? « Il est vrai que ma grand-mère faisait probablement partie de la dernière génération qui ne parlait que le romanche, mais la promotion de la #diversité_linguistique est tout de même importante pour la #cohésion et l’#identité du pays », souligne Renata Coray. Même du point de vue économique, le multilinguisme semble payer : il est en effet à l’origine de 9 % du produit intérieur brut de la Suisse, comme l’ont découvert des chercheurs de l’université de Genève en 2008. Actuellement, une autre étude est en cours, car ce chiffre pourrait avoir augmenté ces dernières années.

    Encourager les jeunes

    Naomi Arpagaus apprécie elle aussi la #diversité_linguistique. Cette Grisonne de 21 ans a grandi dans un environnement romanche et suisse alémanique, appris l’anglais et l’italien à l’école, s’est spécialisée en espagnol au gymnase et prend en ce moment des leçons de français. « Vivant à Berne à cause de mes études, je parle surtout l’allemand au quotidien, mais aussi le romanche avec mes amis. » La préservation de cette langue lui tient à cœur. Ainsi, en tant que présidente de l’organisation faîtière de la jeunesse romanche #GiuRu, elle s’engage pour la défense des régions linguistiques grisonnes et l’interconnexion des cinq idiomes que sont le #sursilvan, le #sutsilvan, le #surmiran, le #puter et le #vallader.

    « Nous organisons des concerts et des soirées de jeux en romanche, tenons une rubrique dans le quotidien romanche ‹La Quotidiana› et entretenons des liens avec d’autres minorités linguistiques d’Europe », explique Naomi Arpagaus. L’intérêt des jeunes est très vif, dit-elle : « Beaucoup considèrent que la maîtrise du romanche est un avantage. Elle facilite l’accès à d’autres langues latines comme le français, l’espagnol ou le portugais, et il s’agit presque d’une langue secrète. » Pourtant, sur les réseaux sociaux, les jeunes s’expriment sans doute plutôt en allemand qu’en romanche, non ? Naomi Arpagaus rigole : « Dans ma génération, on écrit surtout en anglais. »

    La prédominance de l’anglais

    Dans les faits, si l’on excepte la position particulière de l’allemand standard (voir encadré), l’anglais a de plus en plus tendance à s’imposer comme la cinquième « langue nationale ». L’anglais est la langue étrangère la plus répandue, et de loin (45 %), en particulier chez les jeunes : près de trois quarts des 15 à 24 ans ont utilisé régulièrement l’anglais en 2019. « Et c’est une bonne chose, souligne Verio Pini, je dirais même que c’est indispensable. » Le président de l’association Coscienza Svizzera, qui se bat pour la diversité linguistique, expérimente cela au quotidien. Après avoir grandi au Tessin, Verio Pini a fait des études à Lausanne et à Berne. Il vit la moitié du temps à Berne et la moitié au Tessin et utilise aussi le français, l’anglais et l’espagnol tous les jours, en particulier pour la lecture de la presse.

    Aussi important que soit l’anglais aujourd’hui, Verio Pini note cependant que cette langue exerce une forte pression sur les langues nationales. Non seulement sur les langues minoritaires que sont le romanche et l’italien, mais aussi sur l’allemand à Genève ou le français à Zurich. » Souvent, les langues ne sont encouragées que dans leur aire d’influence, alors qu’aujourd’hui, dit Verio Pini, compte tenu de la grande diversité culturelle et de la mobilité, il faut voir au-delà des frontières linguistiques : « L’italien, par exemple, est parlé par un plus grand nombre de personnes au nord des Alpes qu’au Tessin. » Cela n’a pas échappé aux cercles politiques. Dans son message culture 2016–2020 déjà, le Conseil fédéral avait défini l’objectif de soutenir la langue et la culture italiennes hors de la Suisse italienne. Le Parlement réclame aujourd’hui une promotion plus large et plus dynamique du plurilinguisme, et ce afin de favoriser la cohésion nationale et l’intégration.

    « Il est évident que la communication entre les différentes régions linguistiques serait plus aisée si tout le monde parlait l’anglais. Mais pour la cohésion nationale et sociale, la communication simplifiée ne suffit pas, note Verio Pini. Il faut aussi comprendre la culture des autres régions linguistiques. » Apparemment, la population suisse en est tout à fait consciente : d’après l’étude de l’OFS, 84 % des Suisses pensent que connaître plusieurs langues nationales est important pour la cohésion du pays.

    On n’apprend pas les langues qu’à l’école

    Philipp Alexander Weber est aussi de cet avis. Il a grandi à Winterthour et a déménagé à Fribourg pour étudier l’économie. Au début, il avait de la peine avec le français : « À l’école, j’étais plutôt un matheux. » Cependant, il a rapidement remarqué qu’il avait bien plus de facilité à apprendre la langue sur place que dans les livres de grammaire. C’est pourquoi en 2007, il a fondé l’organisation friLingue, qui propose des séjours linguistiques aux jeunes en Suisse. « Je voulais bâtir des ponts au-dessus de la barrière des rösti », explique-t-il.

    Aujourd’hui, un millier d’enfants et d’adolescents participent chaque année aux camps de langues de friLingue. Philipp Alexander Weber a noté une hausse de l’intérêt surtout chez les jeunes Romands : « Tandis que les Suisses alémaniques ont toujours été attirés par le français, langue de la diplomatie, et qu’ils considèrent sa maîtrise comme un signe d’éducation, les Romands ont une relation plutôt compliquée avec l’allemand. Ne serait-ce que parce qu’ils apprennent le bon allemand à l’école, tandis qu’on parle des dialectes différents à Berne, à Zurich et à Bâle. » Après la Coupe du monde de football en 2006 en Allemagne, relève Philipp Alexander Weber, l’allemand a toutefois gagné en attrait auprès des Romands. En quelques années, l’Allemagne est devenue leur destination de voyage préférée. Et beaucoup d’entre eux souhaitent à présent effectuer une année sabbatique à Berlin ou un séjour linguistique en Suisse alémanique.

    En même temps, plusieurs cantons de Suisse centrale et orientale dévalorisent actuellement le français pour lui préférer l’anglais à l’école. À Uri et en Appenzell Rhodes-Intérieures, par exemple, on n’enseigne plus le français à l’école primaire, et en Thurgovie et à Zurich, le français n’est plus une matière déterminante pour le passage à l’école secondaire ou au gymnase. « Cela se reflète aussi dans les inscriptions aux camps de langues », indique Philipp Alexander Weber. Mais l’école n’est pas le seul endroit où l’on apprend les langues : d’après l’étude de l’OFS, 25 % de la population suisse apprend une ou plusieurs langues à partir de 25 ans. La langue la plus fréquemment apprise est… l’anglais.

    Bien sûr, à friLingue aussi, il arrive que des jeunes issus de régions linguistiques différentes aient recours à l’anglais pour se comprendre. Aux yeux de Philipp Alexander Weber, il n’y a là rien de grave : « Nous ne sommes pas une école. Notre objectif est de susciter l’amour des langues. » Lui-même utilise l’allemand et le français au quotidien, mais aussi l’anglais et le portugais. Il a vécu dix ans au Brésil et a un fils brésilien qui parle le suisse allemand. « Les connaissances linguistiques permettent de découvrir et de comprendre d’autres cultures et manières de penser, souligne-t-il. Elles ouvrent de nouveaux horizons. »

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    « #Hochdeutsch » ou #suisse_allemand ?

    Pour les uns, le suisse alémanique est un dialecte, tandis que d’autres le considèrent comme une langue à part entière. Pour Jürg Niederhauser, président du SVDS (Schweizerischer Verein für die deutsche Sprache), il s’agit là en fin de compte d’une « question idéologique » qu’on ne peut pas trancher en s’appuyant sur des données linguistiques. Il est clair que pour quelqu’un qui vient d’une autre région linguistique ou de l’étranger, le suisse allemand parlé au quotidien est souvent un obstacle. De surcroît, le dialecte est de plus en plus souvent utilisé aujourd’hui, car les formes d’expression deviennent de plus en plus informelles : « Il y a 70 ans, un match à la télévision était encore commenté en bon allemand. Aujourd’hui, on utilise le dialecte », relève Jürg Niederhauser. D’après lui, cela rend la compréhension plus difficile pour ceux qui ne parlent pas le suisse allemand et fait que les Suisses alémaniques se gênent davantage de parler l’allemand standard, car celui-ci est presque uniquement utilisé dans un contexte formel, comme à l’école.

    https://www.swisscommunity.org/fr/nouvelles-et-medias/revue-suisse/article/bonjour-grueezi-allegra-benvenuto-plurilingue-au-quotidien

    #Suisse #langues #plurilinguisme #statistiques #chiffres

  • Reconfinement : une #attestation_de_sortie en alsacien est maintenant disponible

    L’Office pour la langue et la culture d’Alsace (Olca) a mis en ligne une attestation de sortie bilingue, alsaco-française. Elle est disponible depuis le mardi 17 novembre, et tout à fait légale.

    https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/insolite-reconfinement-attestation-sortie-alsacien-est-

    Avec deux variantes : haut-rhinoise et bas-rhinoise :-)

    Confinement : l’attestation de déplacement désormais disponible en version bilingue alsacien – français

    Dès à présent, les #Alsaciens peuvent sortir de chez eux munis d’une attestation de déplacement en version bilingue alsacien-français, et cela de façon tout à fait légale. Une version welche est également disponible !

    L’attestation de déplacement dérogatoire en usage depuis le 29 octobre 2020 - date du deuxième confinement national - a été traduite en alsacien (en variante bas-rhinoise) par l’OLCA. Elle a été adaptée dans une variante haut-rhinoise par Yves Bisch. Gilbert Michel a parallèlement traduit l’attestation en patois welche.

    L’attestation est tout à fait légale puisqu’elle est calquée sur le modèle français : même texte et même niveau de langage. Et la langue française est bien présente sur le document.

    Cette action s’inscrit dans le cadre de la mission de promotion de la langue régionale de l’OLCA. A travers cette démarche, l’Office entend normaliser la présence de l’alsacien au quotidien et démontrer que tout peut se traduire et s’écrire en alsacien.

    L’OLCA développe parallèlement un #kit spécial COVID, en partenariat avec la marque Alsace. Il a pour objectif de permettre aux entreprises de communiquer en alsacien autour des différentes mesures mises en place durant le confinement : #klicke_ùn_àbhole (click & collect), gestes barrières, informations pratiques…

    Haut-rhinoise :

    Bas-rhinoise :

    https://www.olcalsace.org/fr/actualite/confinement-l-attestation-de-deplacement-desormais-disponible-en-version-

    #langues #langues_minoritaires #France #alsacien #bilinguisme #confinement #Alsace #covid-19 #coronavirus

    ping @simplicissimus

  • #Langues, ethnies et territoires à #Addis-Abeba : la #diversité_langagière comme indicateur des mutations urbaines

    Cette étude sociolinguistique étudie les groupes et langues premières déclarées à Addis-Abeba lors des deux derniers recensements nationaux (1994 et 2007). Les données montrent que la diversité langagière et le nombre d’ethnies recensées augmentent alors que l’#amharique, langue véhiculaire par excellence, reste déclaré par environ 70 % des locuteurs aux deux dates. Or en 2007, les réponses varient largement selon les groupes d’arrondissements (centraux ou périphériques) mais aussi selon les ethnies et leur importance numérique. Le croisement de l’ensemble de ces facteurs révèle que les langues et appartenances ethniques sont investies différemment selon les groupes dans ces deux espaces, alors que les données socio-économiques varient peu. Ces résultats suggèrent que les #langues_minoritaires ne disparaissent pas au profit d’une seule langue qui serait l’unique condition d’un développement urbain. Elles participent de plus en plus à la structuration de réseaux socio-économiques différenciés dans la ville, alors que les inégalités sociales vont croissantes depuis une dizaine d’années.

    http://tem.revues.org/3333
    #Ethiopie
    via @ville_en

  • Claude Hagège: «Imposer sa langue, c’est imposer sa pensée» - L’Express
    http://www.lexpress.fr/culture/livre/claude-hagege-imposer-sa-langue-c-est-imposer-sa-pensee_1098440.html

    Seuls les gens mal informés pensent qu’une langue sert seulement à communiquer. Une langue constitue aussi une manière de penser, une façon de voir le monde, une culture.

    #langues #anglais #domination

    • #langues_sans_frontières

      Le problème est que la plupart des gens qui affirment « Il faut apprendre des langues étrangères » n’en apprennent qu’une : l’anglais. Ce qui fait peser une menace pour l’humanité tout entière.

      Toute l’Histoire le montre : les idiomes des Etats dominants conduisent souvent à la disparition de ceux des Etats dominés. Le grec a englouti le phrygien. Le latin a tué l’ibère et le gaulois. A l’heure actuelle, 25 langues disparaissent chaque année ! Comprenez bien une chose : je ne me bats pas contre l’anglais ; je me bats pour la diversité. Un proverbe arménien résume merveilleusement ma pensée : « Autant tu connais de langues, autant de fois tu es un homme. »

      Il faut bien comprendre que la langue structure la pensée d’un individu. Certains croient qu’on peut promouvoir une pensée française en anglais : ils ont tort. Imposer sa langue, c’est aussi imposer sa manière de penser.

      C’est d’ailleurs un invariant de l’Histoire. Le gaulois a disparu parce que les élites gauloises se sont empressées d’envoyer leurs enfants à l’école romaine. Tout comme les élites provinciales, plus tard, ont appris à leur progéniture le français au détriment des langues régionales. Les classes dominantes sont souvent les premières à adopter le parler de l’envahisseur. Elles font de même aujourd’hui avec l’anglais.

    • « Tout comme les élites provinciales, plus tard, ont appris à leur progéniture le français au détriment des langues régionales. »

      Ce serait donc la faute des provinciaux...

      Les deux dernières questions :

      « N’est-il pas contradictoire de vouloir promouvoir le français à l’international et de laisser mourir les langues régionales ?
      Vous avez raison. On ne peut pas défendre la diversité dans le monde et l’uniformité en France ! Depuis peu, notre pays a commencé d’accorder aux langues régionales la reconnaissance qu’elles méritent. Mais il aura fallu attendre qu’elles soient moribondes et ne représentent plus aucun danger pour l’unité nationale.

      Il est donc bien tard...
      Il est bien tard, mais il n’est pas trop tard. Il faut augmenter les moyens qui sont consacrés à ces langues, les sauver, avant que l’on ne s’aperçoive que nous avons laissé sombrer l’une des grandes richesses culturelles de la France. »

      Il estime donc que le statut actuel des langues régionales correspond à « la reconnaissance qu’elles méritent »... pffff !

    • @irakurri : tu vas un peu vite en besogne et en lecture.
      1) Il parle des élites provinciales, et pas des provinciaux tt court. De même qu’il parle des élites françaises vis à vis de l’anglais et pas des anglais tout court.
      2) il ne dit pas que le statut correspond à « la reconnaissance qu’elle mérite » mais qu’on « commence à accorder » cette reconnaissance. Si donc on commence à accorder, ca veut bien dire que tt n’est pas complet...

    • Tout à fait d’accord Maïeul. Il semble accorder le même intérêt pour les langues régionales. En revanche quand il dit :

      il aura fallu attendre qu’elles soient moribondes et ne représentent plus aucun danger pour l’unité nationale.

      Si on a un raisonnement a contrario le sauvetage des langues régionales entrerait en collision avec l’unité nationale. Ne peut-on pas associer les deux ?

    • @irakurri « c’est donc de la faute des provinciaux ». De la faute Pour partie des élites provinciales en tous les cas. Il faut dire que le français a été la langue de la promotion sociale. Ne pas être suffisamment francophone est rapidement devenu un obstacle dirimant. Je vois toute la différence entre le catalan de Catalogne, où la bourgeoisie n’a jamais abandonné l’usage de la langue, et la Catalogne française (d’où je viens) où le catalan est essentiellement une langue populaire (ce qui n’est pas péjoratif bien entendu) et surtout une langue de vieux.

    • Merci pour ces contributions, mais je ne peux m’empêcher d’avoir une lecture « pessimiste »...
      1- OK effectivement il parle d’ élites provinciales... mais aucune mention, si ce n’est une allusion à la langue des puissants, du rôle joué par l’éducation nationale pour supprimer l’usage des autres langues même en cours de récréation et autre bonnet d’ânes. Donc en résumé, il focalise sur le rôle des élites provinciaux pour expliquer le désintérêt pour les langues régionales, tout en occultant le rôle joué par la « république » contre ces langues...
      2- Par contre, ça reste flou sur le commencement d’une reconnaissance méritée

    • il aura fallu attendre qu’elles soient moribondes et ne représentent plus aucun danger pour l’unité nationale.

      Je n’ai pas commenté ce passage mais sur ce sujet il y aurait aussi beaucoup à dire.

      Quand on a pris l’habitude de considérer comme un bien absolu et clair de toute ombre cette croissance au cours de laquelle la France a dévoré et digéré tant de territoires, comment une propagande inspirée exactement de la même pensée, et mettant seulement le nom de l’Europe à la place de celui de la France, ne s’infiltrera-t-elle pas dans un coin de l’âme ? Le patriotisme actuel consiste en une équation entre le bien absolu et une collectivité correspondant à un espace territorial, à savoir la France ; quiconque change dans sa pensée le terme territorial de l’équation, et met à la place un terme plus petit, comme la Bretagne, ou plus grand, comme l’Europe, est regardé comme un traître. Pourquoi cela ? C’est tout à fait arbitraire. L’habitude nous empêche de nous rendre compte à quel point c’est arbitraire. Mais au moment suprême, cet arbitraire donne prise au fabricant intérieur de sophismes.
      Les collaborateurs actuels [Écrit en 1943 (NdT)] ont à l’égard de l’Europe nouvelle que forgerait une victoire allemande l’attitude qu’on demande aux Provençaux, aux Bretons, aux Alsaciens, aux Francs-Comtois d’avoir, quant au passé, à l’égard de la conquête de leur pays par le roi de France. Pourquoi la différence des époques changerait-elle le bien et le mal ? On entendait couramment dire entre 1918 et 1919, par les braves gens qui espéraient la paix : « Autrefois il y avait la guerre entre provinces, puis elles se sont unies en formant des nations. De la même manière les nations vont s’unir dans chaque continent, puis dans le monde entier, et ce sera la fin de toute guerre. » C’était un lieu commun très répandu ; il procédait de ce raisonnement par extrapolation qui a eu tant de puissance au XIX e siècle et encore au XX e . Les braves gens qui parlaient ainsi connaissaient en gros l’histoire de France, mais ils ne réfléchissaient pas, au moment où ils parlaient, que l’unité nationale s’était accomplie presque exclusivement par les conquêtes les plus brutales. Mais s’ils s’en sont souvenus en 1939, ils se sont souvenus aussi que ces conquêtes leur étaient toujours apparues comme un bien. Quoi d’étonnant si une partie au moins de leur âme s’est mise à penser : « Pour le progrès, pour l’accomplissement de l’Histoire, il faut peut-être en passer par là ? »

      http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/weil_Enracinement.pdf