« C’est la première fois de l’histoire qu’une IA remporte un prix littéraire »
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En Chine, un professeur de journalisme a reçu le deuxième prix dans un concours d’écriture de science-fiction. Sauf que ce n’est pas sa création propre qu’il y avait présentée, mais celle d’une IA qu’il avait simplement aidé à écrire l’histoire.
Publié le :
27/12/2023 à 16:25
Ugo Loumé
3h de temps et 66 prompts choisis minutieusement. Voici la recette pour faire écrire à une intelligence artificielle une nouvelle de science-fiction capable de remporter un prix littéraire en Chine.
Shen Yang, professeur de journalisme et de communication à l’Université Tsinghua de Pékin, est l’auteur de cette recette qui a débouché sur un récit de 6 000 caractères, Le pays des souvenirs.
Aux confins du métavers, se trouve le « Pays des souvenirs », un royaume interdit où les humains sont bannis. Des illusions solides créées par des robots humanoïdes amnésiques et des IA ayant perdu la mémoire peuplent ce domaine. Tout intrus, qu’il soit humain ou artificiel, verra ses souvenirs effacés et sera à jamais piégé dans son étreinte interdite.
Ainsi débute la nouvelle. Ensuite, c’est l’histoire de Li Xiao, une ancienne « ingénieure neuronale » qui a accidentellement perdu toute sa mémoire, et qui tente de la retrouver en explorant tranquillement ce fameux et effrayant « pays des souvenirs ».
Une nouvelle kafkaïenne dans un monde kafkaïen
Un récit qui se voulait « kafkaïen », référence, peut-être, à l’absurdité d’un tel endroit où les souvenirs s’évanouissent à peine le seuil en est franchi. L’exercice semble avoir convaincu, puisque la nouvelle a gagné le deuxième prix du concours de science fiction organisé par la Jiangsu Science Writers Association. La travail effectué par l’IA, qui a récolté 3 votes sur 6, concourait avec 17 autres histoires.
Parmi le jury, un seul membre avait été informé du fait que le récit était le produit d’une intelligence artificielle. Un autre juge, qui a étudié en profondeur la création de contenu par IA, a déclaré avoir reconnu la plume d’un cerveau non-humain, et avoir d’emblée écarté ce récit qui n’était pas conforme aux règles du concours et « manquait d’émotion ».
Shen Yang, de son côté, se réjouit : « C’est la première fois qu’une IA remporte un prix littéraire dans l’histoire de la littérature et de l’intelligence artificielle. » Il a déclaré vouloir partager au plus vite sa manière de faire pour que chacun puisse à son tour écrire de la bonne fiction assisté d’une IA.
Dans le contexte actuel, il n’en fallait pas beaucoup plus pour créer du débat, alors que Clarkesworld, célèbre magazine de science fiction, interrompait en février dernier la reception de manuscrit, submergé par les textes produits par des entités non-humaines.
Fu Ruchu, éditrice chinoise, s’interroge sur le futur de l’écriture de science-fiction, un genre qui selon elle s’intéresse de manière globale un peu moins au langage. Même si elle reconnait que le récit présenté par Shen Yang et son IA est bien construit et n’est pas dénué de logique, elle ajoute : « le rapport au langage dans cette nouvelle est très pauvre, il se pourrait qu’il s’appauvrit encore plus avec le temps. »