• Surréalisme : mouvement superficiellement révolutionnaire et profondément réactionnaire, par Victor Serge (Carnets. 1936-1947, Éd. Agone, p. 156-159)

    2 janvier 1942. — Socialement conditionné à un degré désespérant. Une évasion (ou rébellion) entièrement manquée. (Les grandes évasions-rébellions qui ont donné des réussites : nihilisme russe des années 1860-1880, #marxisme, anarchisme ; découvertes intellectuelles fécondées par des fermentations de masses. Rôle du nombre, c’est-à-dire de l’ambiance sociale. L’évasion n’est possible que si se crée, en opposition avec la société, au sein de celle-ci, un milieu assez ample et vivant.)

    Définition : poésie et peinture de l’automatisme psychologique, afin de libérer les facultés d’expression de la raison et de toutes contraintes et de leur permettre d’atteindre ou de révéler ainsi une réalité plus profonde, plus vraie, plus originale que celle qui est organisée par la raison.

    Deux éléments en ceci : une révolte contre la raison abâtardie (bon sens, sens commun, sens bourgeois, abdication de l’effort intellectuel, conformismes) d’une époque de décadence, France saignée et enrichie du lendemain de la Première Guerre mondiale, bourgeoisie triomphante mais usée. En ce sens le mouvement peut être considéré comme révolutionnaire dans l’immédiat parce qu’il conduit à des prises de position contre ce qui règne (Henri Michaux : Je contre, très fort).

    Mais au-delà de la raison abâtardie du moment, sa critique vise l’intellect en soi (en soi, termes impropres, l’intellectuel est toujours socialement conditionné), plus exactement l’intelligence rationnelle qui a a bâti la science et la philosophie et prend l’essor avec la méthode expérimentale (Bacon, Descartes) à l’époque de la révolution industrielle, donc à partir de 1760. Vision objective du monde, irréligieuse ; formation d’une conscience claire qui se sent puissante, prodigieux levier révolutionnaire, puisque l’homme se découvre enfin lui-même, l’individualisme surmonté. Raideur, dureté, limites naturelles de la pensée claire à chaque moment de l’histoire de là ses retours sur elle-même, l’intérêt qu’elle porte à la pensée obscure, découverte du subconscient, intuition, religion, etc. ; ces retours féconds appuyés par les tendances sociales réactionnaires qui exploitent l’esprit religieux et la tradition l’inertie psychologique. Aspects révolutionnaires de la dialectique bergsonienne et sa tendance générale réactionnaire. Il reste que la conscience est essentiellement claire, d’autant plus riche peut-être qu’elle se nourrit mieux - avec maîtrise des éléments profonds de la vie, qui sont obscurs, plongeant au-delà, loin de la conscience.

    L’attitude négative des #surréalistes à l’égard de l’esprit scientifique rigoureux (ne peut être que rigoureux : objectivité incompatible avec complaisance), leur manque de culture scientifique (ignorance du marxisme, freudisme superficiel, André Breton ignore Pavlov, études de l’astrologie - A. B. et Pierre Mabille* sans connaissance de l’astronomie, intérêt pour la magie sans connaissance de la sociologie, de l’ethnologie et de l’histoire des religions) témoignent d’une débilité, recul devant l’effort sérieux, attrait de l’effet facile, plaisir de l’effervescence intellectuelle ; de là captivité intérieure… Bohème intellectuelle effervescente, relativement riche par rapport à la pensée académique sclérosée débile et inconsistante par rapport à la pensée révolutionnaire. De là, attrait de la pacotille : exploitation facile du bizarre, de la folie, du paradoxe (riches, certes, et révélateurs, mais qui requièrent plus d’attention réelle et de connaissance objective).

    Mouvement superficiellement révolutionnaire et profondément réactionnaire.

    Enrichissant dans la littérature et la peinture (ceci à considérer à part : crise des arts plastiques dans la décadence de la civilisation bourgeoise) par rapprochements nouveaux, audaces, appel à des moyens destructeurs de conventions, coups de sonde dans l’inconnu, rupture (beaucoup trop locale) avec l’inertie mentale.

    Contrepartie écrasante : vu l’impossibilité d’une rupture réelle par ces moyens médiocres et dans ce milieu bohème, chutes dans le sexualisme facile, le procédé, le charlatanisme même, le révolutionnarisme qui n’est que recherche du scandale (snobisme). Rien de ceci n’exclut la sincérité d’hommes appartenant à à une société où la sincérité est superficielle. « L’écriture automatique » et ses trucs : l’écrivain trichant avec lui-même. Consiste souvent à donner les brouillons pour des œuvres ; laisser-aller, contentement de soi-même, impuissance créatrice. Manière d’écrire d’A.B. : travail acharné, armé de dictionnaires pour recherche de mots rares ou d’associations imprévues, effort très rationnel tendant à donner l’impression d’un automatisme et n’arrivant qu’à l’ésotérique.

    Truquages littéraires, Jacqueline me disant : « Vous avez ’La chanteuse chantait...’ Le mot propre n’est pas : la poésie, j’aurais mis : "La chanteuse dormait... »› Du gongorisme à la plus plate littérature ornementale, la ligne de la recherche a été celle-ci : orner la réalité, dédaigner l’expression directe de la réalité. Est-ce Voltaire : « Ne dites pas : "la lune", dites : "l’astre des nuits..." ?

    Mauvaise qualité de la rébellion surréaliste : I. Strictement littéraire, n’est pas sortie des cafés de Paris et des revues - 2. A recherché l’effet choquant scandale, publicité , non l’effet révolutionnaire utile, libérateur : 3. Ne visait qu’un public sélectionné souvent riche (peinture bien vendue), #NRF ; - 4. Nature indigente des prises de position intérieures : plus de volonté de mépriser pour se grandir soi-même que de comprendre et d’apprécier ; stylisation pour se maintenir en dépit d’une certaine incohérence.

    À propos de l’enquête surréaliste « Le suicide est-il une solution ? », j’avais bien raison d’écrire dans #Littérature_et_révolution (1930) que les prolétaires et les révolutionnaires pensent à conquérir le monde, à bien se battre et non à la solution du suicide, qui est celle de jeunes bourgeois ou petits-bourgeois inadaptés ou désespérés. (Tout autre chose, le suicide des révolutionnaires qui peut être une solution ; rien de commun entre #Jacques_Rigaut — lord Patchogue — et A.A. Joffé, Marie Joffé, Evguenia Bosch, Paul et Laura Lafargue - c’est la ligne de la vie qui définit la valeur du point final.)

    Disais à Marseille : « Une découverte intéressante, dans le domaine de l’art, faite dans les plus mauvaises conditions, dans les cafés de Paris et l’atmosphère déliquescente du lendemain de la Première Guerre mondiale. »

    #surréalisme #Victor_Serge #André_Breton #écriture_automatique

  • Censure : quand le ministère de la Culture s’élevait contre la Place Beauvau
    https://actualitte.com/article/113020/interviews/censure-quand-le-ministere-de-la-culture-s-elevait-contre-la-place-beauv

    Que vous inspire cette interdiction gouvernementale d’un ouvrage jeunesse ?

    Jean-Jacques Aillagon : Elle est profondément anachronique, et de ce fait, choquante. Elle se fonde sur une loi de 1949, promulguée à un moment où l’état de la société et des mœurs n’étaient pas ceux d’aujourd’hui. Elle date d’une époque où le ministère de la Culture en tant que tel n’existait pas. C’est cette situation qu’il faut réformer.

    La décision qui a frappé le livre de Manu Causse est doublement contestable. Elle n’a de toute évidence, si j’en juge par leurs déclarations, donné lieu qu’à une concertation médiocre avec l’éditeur et l’auteur. Quant à l’installation de la commission auprès du ministre de la Justice et la notification de ses décisions par le ministre de l’Intérieur, elles sont aujourd’hui insupportables.

    Prend-on cependant le chemin de réformer cet état de fait ? J’en doute quand je constate qu’un arrêté du ministre de la Justice est venu, le 10 août dernier, encore une fois nommer des membres et des rapporteurs de la commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à la jeunesse !

    Imagine-t-on que la classification des films pourrait reposer sur les avis d’une commission installée auprès du ministre de la Justice et dont l’exécution serait confiée au ministre de l’Intérieur ? C’est pourtant la situation où se retrouve aujourd’hui la classification de la littérature jeunesse.

    #Censure #Littérature_jeunesse

  • 60 ans de “Max et les Maximonstres” : toujours le livre de jeunesse le plus subversif ?
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/sans-oser-le-demander/max-et-les-maximonstres-de-maurice-sendak-a-60-ans-pourquoi-la-punition-

    Le chef-d’œuvre de Maurice Sendak fête ses 60 ans. Max, puni pour avoir fait des bêtises, se retrouve sur l’île des Maximonstres. Comment interpréter ce voyage ? Comment recevoir ce livre pour enfants pas comme les autres, fait de monstres effrayants et dépourvus de paroles ?

    lol qui est le⋅a stagiaire qui a titré ça débilement au départ (url) alors que c’est pas du tout ce qui est dit dans le contenu ?

    #audio #radio #France_Culture #Maurice_Sendak #littérature_jeunesse #imagination #enfants #monstres

    • Oui ça doit être leur façon de prendre position dans le débat sur le time-out...
      Sur le livre :

      Soon after, he began work on another solo effort. The story was supposed to be that of a child who, after a tantrum, is punished in his room and decides to escape to the place that gives the book its title, the “land of wild horses”. Shortly before starting the illustrations, Sendak realized he did not know how to draw horses and, at the suggestion of his editor, changed the wild horses to the more ambiguous “Wild Things”, a term inspired by the Yiddish expression “vilde chaya” ("wild animals"), used to indicate boisterous children.

      He replaced the horses with caricatures of his aunts and uncles, caricatures that he had originally drawn in his youth as an escape from their chaotic weekly visits, on Sunday afternoons, to his family’s Brooklyn home. Sendak, as a child, had observed his relatives as being “all crazy – crazy faces and wild eyes”, with blood-stained eyes and “big and yellow” teeth, who pinched his cheeks until they were red. These relatives, like Sendak’s parents, were poor Jewish immigrants from Poland, whose remaining family in Nazi-occupied Europe were killed during the Holocaust while Sendak was in his early teens. As a child, however, he saw them only as “grotesques”.

      When working on the 1983 opera adaptation of the book with Oliver Knussen, Sendak gave the monsters the names of his relatives: Tzippy, Moishe, Aaron, Emile, and Bernard.

      https://en.m.wikipedia.org/wiki/Where_the_Wild_Things_Are

  • Les écrans : un désastre comportemental, intellectuel & cognitif.

    Une journée (le 6 février) sans téléphone portable, c’est bien (pour les malades que nous sommes).

    Entre 2 et 8 ans un enfant « moyen » consacre aux écrans récréatifs l’équivalent de 7 années scolaires complètes ou 460 jours de vie éveillée (1,25 année), ou encore l’exacte quantité du temps de travail personnel requis pour devenir un solide violoniste.

    Mais il faudrait aussi (365 jours sur 365) la suppression stricte, intégrale, immédiate et en tout lieux (y compris à l’école) des écrans pour tous les enfants de moins de 6 ans. Et la réduction à 30 mn à 1 h (tous usages cumulés) par jour pour tous les moins de 16 ans.

    Michel Desmurget le démontre dans son bouquin : sans quoi les jeunes générations d’aujourd’hui ne donneront que des crétins.

    Quelques extraits tirés au fil de ma lecture :

    « Selon les termes d’une étude récente, « seulement 3 % du temps consacré par les #enfants et #adolescents aux #médias_digitaux est utilisé à la création de contenus » (tenir un blog, écrire des programmes informatiques, créer des vidéos ou autres contenus « artistiques », etc.).

    .. Plus de 80 % des ados et préados déclarent ne « jamais » ou « quasiment jamais » utiliser leurs #outils_numériques pour faire œuvre créative. »

    « Croire que les #digital_natives sont des ténors du bit, c’est prendre ma charrette à pédale pr une roquette interstellaire ; croire que le simple fait de maîtriser une app informatique permet à l’utilisateur de comprendre quoi que ce soit aux éléments physiques & logiciels engagés »

    De « l’effarante débilité de cette triste fiction » des DigitalNatives… comme « un groupe mutant à la fois dynamique, impatient, zappeur, multitâche, créatif, friand d’expérimentations, doué pour le travail collaboratif, etc. Mais qui dit mutant dit différent…

    .. Dès lors, ce qui transparaît implicitement ici, c’est aussi l’image d’une génération précédente misérablement amorphe, lente, patiente, monotâche, dépourvue de #créativité, inapte à l’expérimentation, réfractaire au #travail_collectif, etc.

    .. Drôle de tableau qui, a minima, dessine deux axes de réflexion. Le premier interroge les efforts déployés pour redéfinir positivement toutes sortes d’attributs psychiques dont on sait depuis longtemps qu’ils sont fortement délétères pour la #performance_intellectuelle : #dispersion, #zapping, #multitasking, impulsivité, impatience, etc. Le second questionne l’ubuesque acharnement mis en œuvre pour caricaturer et ringardiser les #générations_prédigitales. »

    « Les changements anatomiques [chez les gamers] dont se gaussent certains médias pourraient très bien poser, non les jalons d’un avenir intellectuel radieux, mais les bases d’un #désastre_comportemental à venir. »

    « les digital natives ou autres membres de je ne sais quelle confrérie des X, Y, Z, lol, zappiens ou C, n’existent pas. L’enfant mutant du numérique, que son aptitude à taquiner le #smartphone aurait transformé en omnipraticien génial des nouvelles technologies les + complexes que #Google Search aurait rendu infiniment plus curieux, agile et compétent que n’importe lequel de ses enseignants prédigitaux ; qui grâce aux jeux vidéo aurait vu son cerveau prendre force et volume ; qui grâce aux filtres de Snapchat ou Instagram aurait élevé sa créativité jusqu’aux + hauts sommets ; etc. ; cet enfant n’est qu’une légende. Il n’est nulle part dans la littérature scientifique. […] Ce qui est extraordinaire, c’est qu’une telle absurdité perdure contre vents et marées, &, en plus, contribue à orienter nos politiques publiques notamment dans le domaine éducatif. Car au-delà de ses aspects folkloriques, ce mythe n’est évidemment pas dénué d’arrière-pensées. Sur le plan domestique, d’abord, il rassure les parents en leur faisant croire que leurs rejetons sont de véritables génies du numérique et de la pensée complexe, même si, dans les faits, ces derniers ne savent utiliser que quelques (coûteuses) applications triviales.

    .. Sur le plan scolaire, ensuite, il permet, pour le plus grand bonheur d’une industrie florissante, de soutenir la numérisation forcenée du système et ce, malgré des performances pour le moins inquiétantes. »

    « Plus globalement, si un observateur ose s’alarmer du temps passé par les enfants devant les écrans de ttes sortes, la triste légion des tartufes conspue sans délai le fâcheux, arguant qu’il s’agit là d’une position « sexiste », représentant fondamentalement « un nouvel outil de #culpabilisation des mères » […] « pr nos néosuffragettes du droit à l’abrutissement, suggérer que les enfants passent bien trop de temps avec leurs écrans signifie juste, en dernière analyse, que « ns n’aimons pas les innovations qui rendent + faciles la vie des mères ».

    « Quand les adultes ont constamment le nez scotché sur leur mobile, les #interactions_précoces essentielles au #développement_de_l’enfant sont altérées. »

    « Une étude vous déplaît, trouvez-la alarmiste, idiote, dogmatique, moralisatrice, exagérée, excessive, biaisée, absurde, culpabilisante ou sexiste. Affirmez vaguement qu’on pourrait trouver d’autres recherches contradictoires tout aussi convaincantes (évidemment sans les citer).

    .. Criez aux heures noires de la prohibition, évoquez la censure, dénoncez les stratégies de la peur, beuglez votre haine de l’oppression culturelle. En désespoir de cause, caricaturez l’auteur, raillez sa #bêtise, faites-le passer pour un #crétin, un demeuré, un réactionnaire un triste sermonnaire ou un sombre élitiste. Tronquez, trompez, truquez. Mais, surtout, ne regardez jamais les faits, ne considérez jamais le cœur du travail discuté. Ce n’est pas si difficile. Avec un peu d’habitude, vous apprendrez aisément à masquer l’absolue vacuité de vos propos sous l’ombrage d’un humanisme paisible et rassurant. Une fois acquises les bases du job, vous parviendrez en quelques mots, avec la dextérité du virtuose illusionniste, à transformer la plus solide recherche en affligeante pitrerie. »

    L’explication de cette limite apparemment arbitraire des 3 ans ? « Cet âge semble constituer le seuil optimal à partir duquel inscrire efficacement dans les neurones des gosses la trace de la grenouille Budweiser, de la virgule Nike, de l’estampille Coca-Cola, du clown McDonald ou du mâle viril forcément fumeur. Selon une enquête du gpe Lagardère Publicité, dès 4 ans, + de 75 % des demandes d’achat émises par les enfants sont consécutives à une exposition publicitaire, pour un taux d’acceptation parental supérieur à 85 %. »

    « En disant, pas de télé avant 3 ans, on affiche sa bonne foi, sa probité et son indépendance. [et] en proscrivant la télé avant 3 ans, ce que l’on exprime vraiment, in fine, c’est l’idée selon laquelle l’exposition devient possible au-delà de cet âge »…

    « Avant 3 ans, petit humain n’est guère intéressant. Ce n’est qu’autour de cet âge qu’il devient une cible publicitaire pertinente et, de ce fait, une potentielle source de revenus pour les opérateurs. Peu importe alors que la télé ampute son développement. »

    « L’#industrie_audiovisuelle ne fut pas longue à réaliser le profit qu’elle pourrait tirer de cette césure. Elle accepta sans états d’âme d’abandonner le secondaire pr préserver l’essentiel. À travers ses relais experts & médiatiques elle opéra alors selon 2 axes complémentaires 1) en soutenant diligemment la condamnation des usages précoces (ce qui ne lui coûtait rien). 2) en se lançant dans une subtile (et efficace) campagne d’attiédissement des restrictions tardives. Ainsi, on ne parla plus d’une à 2 h par jour max, mais d’usages « excessifs ». »

    « La dernière étude en date montre, sans la moindre ambiguïté, que l’usage d’une #tablette « interactive » non seulement ne développe pas, mais altère lourdement le développement de la motricité manuelle fine chez des enfants d’âge préscolaire. »

    « Les recherches montrent que la tablette est, la plupart du temps, pour le jeune enfant, un écran « passif » servant à consommer des contenus audiovisuels dont on nous dit précisément qu’ils sont déconseillés (dessins animés, films, clips, etc.). »

    « Au-delà des variations de protocoles, de populations, d’approches et de méthodologies, le résultat n’a jamais varié : les contenus violents favorisent à court et long terme l’émergence de comportements agressifs chez l’enfant et l’adulte. »

    « Le lien empirique [entre contenus violents et agression] n’est donc plus à démontrer aujourd’hui, quoi qu’en disent les gamers et quelques démago-geeks qui caressent l’industrie du jeu violent dans le sens du poil. »

    « Les médias présentent souvent “les deux côtés” du débat associant violence médiatique et agression en appariant un chercheur avec un expert ou un porte-parole de l’industrie ou même un contradicteur universitaire, ce qui crée une fausse équivalence et la perception erronée que les travaux de recherches et le consensus scientifique font défaut. » Pourtant : « ds le NYT, le secr. géné. de l’Association de #psychologie déclarait que « les preuves sont écrasantes. Les contester revient à contester l’existence de la gravité ».

    Ce qui n’empêche pas « les bons petits soldats du numérique [de continuer], sous couvert d’expertise, à emplir l’espace collectif de leur affligeante #propagande. »

    « Les études qui ont mesuré l’exposition durant la petite enfance (avec ou sans analyse de contenus) ont démontré de manière constante que regarder la télévision est associé à des conséquences développementales négatives. Cela est observé pour l’attention, les performances éducatives, les fonctions exécutives et les productions langagières ». Autrement dit, pour les jeunes enfants, l’impact de la télévision n’est nullement complexe. Il est immuablement néfaste. Point. »

    « Prenez le lien entre #consommation_audiovisuelle précoce et déficits cognitifs tardifs. Même avec la meilleure volonté du monde, il semble diantrement difficile de rejeter l’hypothèse de causalité sachant, par exemple, que : (1) la présence d’une télé dans une maison effondre la fréquence, la durée et la qualité des interactions intrafamiliales ; (2) ces interactions sont fondamentales pour le #développement_cognitif du jeune enfant ; (3) certains outils statistiques reposant sur des protocoles dits « longitudinaux » ont permis d’établir la nature causale du lien observé, chez le jeune enfant, entre l’accroissement du temps d’écrans et l’émergence de retards développementaux. »

    « Il est aujourd’hui solidement établi que les écrans ont, sur la durée et la qualité de nos nuits, un impact profondément délétère. Certaines influences se révèlent relativement directes ; par ex, quand le sommeil est altéré, la mémorisation, les facultés d’apprentissage et le fonctionnement intellectuel diurne sont perturbés, ce qui érode mécaniquement la #performance_scolaire. Certaines influences s’avèrent plus indirectes ; par ex, quand le sommeil est altéré, le système immunitaire est affaibli, l’enfant risque davantage d’être malade et donc absent, ce qui contribue à augmenter les difficultés scolaires. Certaines influences émergent avec retard ; par ex, quand le sommeil est altéré, la maturation cérébrale est affectée, ce qui, à long terme, restreint le potentiel individuel (en particulier cognitif) et donc mécaniquement, le rendement scolaire. […] La plupart des influences sont multiples et il est évident que l’impact négatif des #écrans récréatifs sur la #réussite_scolaire ne repose pas exclusivement sur la détérioration du #sommeil. Ce dernier levier opère ses méfaits en synergie avec d’autres agents dont – nous y reviendrons largement – la baisse du temps consacré aux devoirs ou l’effondrement des #capacités_langagières et attentionnelles. Dans le même temps, cependant, il est clair aussi que l’influence négative des écrans récréatifs sur le sommeil agit bien au-delà du seul champ scolaire. Dormir convenablement se révèle essentiel pour abaisser le risque d’accident, réguler l’humeur et les émotions, sauvegarder la #santé, protéger le cerveau d’un #vieillissement_prématuré, etc. »

    « Ce qui ne s’est pas mis en place durant les âges précoces du développement en termes de langage, de #coordination_motrice, de prérequis mathématiques, d’#habitus_sociaux, de #gestion_émotionnelle, etc., s’avère de + en + coûteux à acquérir au fur et à mesure que le temps passe. »

    Les moins de 2 ans : « Les enfants de moins de deux ans consacrent, en moyenne, chaque jour, une cinquantaine de minutes aux écrans. […] La valeur paraît sans doute raisonnable de prime abord… elle ne l’est pas. Elle représente presque 10 % de la durée de veille de l’#enfant ; et 15 % de son temps « libre », c’est-à-dire du temps disponible une fois que l’on a retiré les activités « contraintes » telles que manger (sept fois par jour en moyenne avant 2 ans), s’habiller, se laver ou changer de couche. […] Cumulées sur 24 mois, ces minutes représentent plus de 600 heures. Cela équivaut à peu près aux trois quarts d’une année de maternelle ; ou, en matière de #langage, à 200 000 énoncés perdus, soit à peu près 850 000 mots non entendus. […] Pour le seul sous-groupe des usagers quotidiens, la moyenne de consommation s’établit à presque 90 mn. Autrement dit, plus d’1/3 des enfants de moins d’1 an ingurgitent 1 h 30 d’écrans par jour — […] principalement dans les milieux socioculturels les moins favorisés. […]

    .. En fonction des groupes étudiés, entre 1 h 30 et 3 h 30 d’usage journalier. Principale raison avancée par les #parents pour expliquer cette incroyable orgie : faire tenir les gamins tranquilles dans les lieux publics (65 %), pendant les courses (70 %) et/ou lors des tâches ménagères (58 %). Chaque jour, près de 90 % des enfants défavorisés regardent la #télévision ; 65 % utilisent des outils mobiles ; 15 % sont exposés à des consoles de jeux vidéo. En 4 ans, la proportion de bambins de - de 12 mois utilisant des écrans mobiles est passée de 40 à 92 %. »

    « La consommation numérique [Du 2-8 ans] : entre 2 et 4 ans, 2 h 45 par jour. […] Sur la dernière décennie, elles ont augmenté de plus de 30 %. Elles représentent quasiment 1/4 du temps normal de veille de l’enfant. Sur une année, leur poids cumulé dépasse allègrement 1 000 h. Cela veut dire qu’entre 2 et 8 ans un enfant « moyen » consacre aux écrans récréatifs l’équivalent de 7 années scolaires complètes ou 460 jours de vie éveillée (1,25 année), ou encore l’exacte quantité du temps de travail personnel requis pour devenir un solide violoniste. »

    « Durant la préadolescence [entre 8 et 12 ans], les enfants voient leur besoin de sommeil diminuer sensiblement. Chaque jour, ils gagnent naturellement entre 1 h 30 et 1 h 45 d’éveil. Cette « conquête », dans sa quasi-totalité, ils l’offrent à leurs babioles numériques.

    .. Ainsi, entre 8 et 12 ans, le temps d’écrans journalier grimpe à presque 4 h 40, contre 3 heures précédemment. […] Cumulé sur 1 an, cela fait 1 700 h, l’équivalent de deux années scolaires ou, si vous préférez, d’un an d’emploi salarié à plein-temps. »

    « Les préados issus de milieux défavorisés consacrent chaque jour presque 2 h de + aux écrans que leurs homologues + privilégiés. Pr sa + gde partie, cet écart provient d’un usage accru d’une part des contenus audiovisuels (+ 1h15) et d’autre part des réseaux sociaux (+ 30 mn). »

    « « Il existe une corrélation négative entre le bien-être socio-émotionnel et le temps consacré aux écrans ». Autrement dit, les préados & ados qui passent le moins de temps dans le monde merveilleux du cyber-divertissement sont aussi ceux qui se portent le mieux ! »

    .. Conclusion : nos gamins peuvent très bien se passer d’écrans ; cette abstinence ne compromet ni leur équilibre émotionnel ni leur intégration sociale. Bien au contraire ! »

    Les ados [13-18 ans] : « La consommation quotidienne de numérique atteint alors 6 h 40. […] Il équivaut à un quart de journée et 40 % du temps normal de veille. Cumulé sur un an, cela représente plus de 2 400 heures, 100 jours, 2,5 années scolaires ou encore la totalité du temps consacré de la sixième à la terminale, pour un élève de filière scientifique, à l’enseignement du français, des mathématiques et des Sciences de la Vie et de la Terre (SVT).

    .. Autrement dit, sur une simple année, les écrans absorbent autant de tps qu’il y a d’heures cumulées d’enseignement du français, des maths et des SVT durant tt le secondaire. Mais cela n’empêche pas les sempiternelles ruminations sur l’emploi du tps trop chargé des écoliers. »

    « Si vs voulez exalter l’exposition de votre progéniture au numérique, assurez-vs que le petit possède en propre smartphone/tablette et équipez sa chambre en tv/console. Cette attention pourrira son sommeil, sa santé et ses résultats scolaires, mais au moins vous aurez la paix. »

    « Pr être pleinement efficace à long terme, le cadre restrictif ne doit pas être perçu comme une punition arbitraire, mais comme une exigence positive. Il est important que l’enfant adhère à la démarche et en intériorise les bénéfices. Quand il demande pourquoi il n’a « pas le droit » alors que ses copains font « ce qu’ils veulent », il faut lui expliquer que les parents de ses copains n’ont peut-être pas suffisamment étudié la question ; lui dire que les écrans ont sur son cerveau, son intelligence, sa concentration, ses résultats scolaires sa santé, etc., des influences lourdement négatives ; et il faut lui préciser pourquoi : moins de sommeil ; moins de temps passé à des activités plus nourrissantes, dont lire, jouer d’un instrument de musique, faire du sport ou parler avec les autres ; moins de temps passé à faire ses devoirs ; etc. Mais tout cela, évidemment, n’est crédible que si l’on n’est pas soi-même constamment le nez sur un écran récréatif.

    .. Au pire, il faut alors essayer d’expliquer à l’enfant que ce qui est mauvais pour lui ne l’est pas forcément pour un adulte, parce que le cerveau de ce dernier est « achevé » alors que celui de l’enfant est encore « en train de se construire ». »

    « ÉTABLIR DES RÈGLES, ÇA MARCHE ! […] Et que se passe-t-il si l’on retire la télé ? Eh bien, même s’il déteste ça, l’enfant va se mettre à lire. Trop beau pour être vrai ? Même pas ! Plusieurs études récentes ont en effet montré que notre brave cerveau supportait très mal le désœuvrement. Il a ainsi été observé, par exemple, que 20 minutes passées à ne rien faire entraînaient un niveau de fatigue mental plus important que 20 minutes passées à réaliser une tâche complexe de manipulation des nombres. Dès lors, plutôt que de s’ennuyer, la majorité des gens préfère sauter sur la première occupation venue même si celle-ci s’avère a priori rébarbative ou, pire, consiste à s’infliger une série de chocs électriques douloureux. Cette puissance prescriptive du vide, la journaliste américaine Susan Maushart l’a observée de première main, le jour où elle a décidé de déconnecter ses trois zombies adolescents169. Privés de leurs gadgets électroniques, nos heureux élus commencèrent par se cabrer avant progressivement, de s’adapter et de se (re)mettre à lire, à jouer du saxo, à sortir le chien sur la plage, à faire la cuisine, à manger en famille, à parler avec maman, à dormir davantage, etc. ; bref, avant de se (re)mettre à vivre. »
    « Si les neurones se voient proposer une « nourriture » inadéquate en qualité et/ou quantité, ils ne peuvent « apprendre » de manière optimale ; et plus la carence s’étire dans le temps, plus elle devient difficile à combler. »

    « Les expériences précoces sont d’une importance primordiale. Cela ne veut pas dire que tt se joue avant 6 ans, comme le claironne abusivement le titre français d’un best-seller américain des années 1970. Mais cela signifie certainement que ce qui se joue entre 0 et 6 ans influence profondément la vie future de l’enfant. Au fond, dire cela, c’est affirmer un truisme. C’est stipuler que l’apprentissage ne sort pas du néant. Il procède de manière graduelle par transformation, combinaison et enrichissement des compétences déjà acquises. Dès lors, fragiliser l’établissement des armatures précoces, notamment durant les « périodes sensibles », c’est compromettre l’ensemble des déploiements tardifs. »

    PAS D’ÉCRAN AVANT (AU MOINS) 6 ANS ! « En 6 ans, au-delà d’un monceau de conventions sociales et abstraction faite des activités « facultatives » comme la danse, le tennis ou le violon, le petit humain apprend à s’asseoir à se tenir debout, à marcher, à courir, à maîtriser ses excrétions, à manger seul, à contrôler et coordonner ses mains (pour dessiner, faire ses lacets ou manipuler les objets), à parler, à penser, à maîtriser les bases de la numération et du code écrit, à discipliner ses déchaînements d’émotions & pulsions, etc. Ds ce contexte, chaque minute compte. […] Cela signifie “juste” qu’il faut le placer ds un environnement incitatif, où la “nourriture” nécessaire est généreusement accessible. Or, les écrans ne font pas partie de cet environnement. […] Plusieurs études, sur lesquelles nous reviendrons également, ont ainsi montré qu’il suffisait, chez le jeune enfant, d’une exposition quotidienne moyenne de 10 à 30 minutes pour provoquer des atteintes significatives dans les domaines sanitaire et intellectuel. […] Ce dont a besoin notre descendance pr bien grandir, ce n’est donc ni d’Apple, ni de Teletubbies ; c d’humain. Elle a besoin de mots, de sourires, de câlins. Elle a besoin d’expérimenter, de mobiliser son corps, de courir, de sauter, de toucher, de manipuler des formes riches. Elle a besoin de dormir, de rêver, de s’ennuyer, de jouer à « faire semblant ». Elle a besoin de regarder le monde qui l’entoure, d’interagir avec d’autres enfants. Elle a besoin d’apprendre à lire, à écrire, à compter, à penser. Au coeur de ce bouillonnement, les écrans sont un courant glaciaire. Non seulement ils volent au développement un temps précieux & posent les fondations des hyperusages ultérieurs, mais en + ils déstructurent nombre d’apprentissages fondamentaux liés, par ex., à l’attention. »

    « En compilant les résultats obtenus, on observe que nombre de problèmes émergent dès la première heure quotidienne. En d’autres termes, pour tous les âges postérieurs à la prime enfance, les écrans récréatifs (de toutes natures : télé, jeux vidéo, tablettes, etc.) ont des impacts nuisibles mesurables dès 60 minutes d’usage journalier. Sont concernés, par exemple, les relations intrafamiliales, la réussite scolaire, la concentration, l’obésité, le sommeil, le développement du système cardio-vasculaire ou l’espérance de vie. […] Au-delà de la prime enfance, toute consommation d’écrans récréatifs supérieure à une heure quotidienne entraîne des préjudices quantitativement détectables et peut donc être considérée comme excessive. »

    De l’importance primordiale, autrement dit, de « maintenir en deçà de 30 (borne prudente) à 60 (borne tolérante) minutes l’exposition quotidienne aux écrans récréatifs des individus de 6 ans et plus.

    .. Précisons […] : un enfant qui ne consommerait aucun écran récréatif les jours d’école et regarderait un dessin animé ou jouerait aux jeux vidéo pendant 90 minutes les mercredis et samedis resterait largement dans les clous… »

    « Les écrans sapent l’intelligence, perturbent le développement du cerveau, abîment la santé, favorisent l’obésité, désagrègent le sommeil, etc. […] À partir de la littérature scientifique disponible, on peut formuler deux recommandations formelles :

    .. (1) pas d’écrans récréatifs avant 6 ans (voire 7 ans si l’on inclut l’année charnière de cours préparatoire) ; (2) au-delà de 6 ans, pas plus de 60 minutes quotidiennes, tous usages cumulés (voire 30 minutes si l’on privilégie une lecture prudente des données disponibles). »

    « Des heures passées principalement à consommer des flux audiovisuels (films, #séries, clips, etc.), à jouer aux jeux vidéo et, pour les plus grands, à palabrer sur les réseaux sociaux à coups de lol, like, tweet, yolo, post et selfies. Des heures arides, dépourvues de fertilité développementale. Des heures anéanties qui ne se rattraperont plus une fois refermées les grandes périodes de plasticité cérébrale propres à l’enfance et à l’adolescence. »

    « La #littérature_scientifique démontre de façon claire et convergente un effet délétère significatif des écrans domestiques sur la réussite scolaire : indépendamment du sexe, de l’âge, du milieu d’origine et/ou des protocoles d’analyses, la durée de consommation se révèle associée de manière négative à la #performance_académique. »

    « Le smartphone (littéralement « téléphone intelligent ») nous suit partout, sans faiblesse ni répit. Il est le graal des suceurs de cerveaux, l’ultime cheval de Troie de notre décérébration. Plus ses applications deviennent « intelligentes », plus elles se substituent à notre réflexion et plus elles nous permettent de devenir idiots. Déjà elles choisissent nos restaurants, trient les informations qui nous sont accessibles, sélectionnent les publicités qui nous sont envoyées, déterminent les routes qu’il nous faut emprunter, proposent des réponses automatiques à certaines de nos interrogations verbales et aux courriels qui nous sont envoyés, domestiquent nos enfants dès le plus jeune âge, etc. Encore un effort et elles finiront par vraiment penser à notre place. »

    « L’impact négatif de l’usage du smartphone s’exprime avec clarté sur la réussite scolaire : plus la consommation augmente, plus les résultats chutent. »

    Y compris en « filières d’excellence. Les études de médecine en offrent une bonne illustration. En France, le concours d’entrée admet, en moyenne, 18 candidats sur 100. À ce niveau d’exigence le smartphone devient rapidement un #handicap insurmontable. Prenez, par exemple, un étudiant non équipé qui se classerait 240e sur 2 000 et réussirait son concours. 2 h quotidiennes de smartphone le conduiraient à une 400e place éliminatoire. »

    Même chose s’agissant des réseaux sociaux : « Là encore, les résultats sont aussi cohérents qu’opiniâtrement négatifs. Plus les élèves (#adolescents et #étudiants principalement) consacrent de temps à ces outils, plus les performances scolaires s’étiolent. »

    Et les usages numériques à l’école : « En pratique, évidemment, personne ne conteste le fait que certains outils numériques peuvent faciliter le travail de l’élève. Ceux qui ont connu les temps anciens de la recherche scientifique, savent mieux que quiconque l’apport “technique” de la récente révolution digitale. Mais, justement, par définition, les outils et logiciels qui nous rendent la vie plus facile retirent de facto au cerveau une partie de ses substrats nourriciers. Plus nous abandonnons à la machine une part importante de nos activités cognitives et moins nos neurones trouvent matière à se structurer, s’organiser et se câbler. Dans ce contexte, il devient essentiel de séparer l’expert et l’apprenant au sens où ce qui est utile au premier peut s’avérer nocif pour le second. »

    « « Malgré des investissements considérables en ordinateurs, connexions internet et logiciels éducatifs, il y a peu de preuves solides montrant qu’un usage accru des ordinateurs par les élèves conduit à de meilleurs scores en #mathématiques et #lecture. » En parcourant le texte, on apprend que, après prise en compte des disparités économiques entre États & du niveau de performance initiale des élèves, “les pays qui ont moins investi dans l’introduction des ordinateurs à l’école ont progressé + vite, en moyenne, que les pays ayant investi davantage”. »

    Des chercheurs « se sont demandés si l’usage de logiciels éducatifs à l’école primaire (lecture, mathématiques) avait un effet sur la performance des élèves. Résultat : bien que tous les enseignants aient été formés à l’utilisation de ces logiciels, de manière satisfaisante selon leurs propres dires, aucune influence positive sur les élèves ne put être détectée. »

    « #Bill_Joy, cofondateur de #Sun_Microsystem et programmeur de génie, concluant comme suit une discussion sur les vertus pédagogiques du numérique : « Tout cela […] ressemble à une gigantesque perte de temps…

    .. Si j’étais en compétition avec les États-Unis, j’adorerais que les étudiants avec lesquels je suis en compétition passent leur temps avec ce genre de merde. »

    « L’introduction du #numérique dans les classes est avant tout une source de distraction pour les élèves. »

    « Dans une recherche réalisée à l’université du Vermont (États-Unis), pour un cours de 1 h 15, le temps volé par les activités distractives atteignait 42 %. »

    « Les résultats se révélèrent sans appel : tout dérivatif numérique (SMS, #réseaux_sociaux, #courriels, etc.) se traduit par une baisse significative du niveau de compréhension et de mémorisation des éléments présentés. »

    « De manière intéressante, une étude comparable avait précédemment montré que l’usage de l’ordinateur se révélait délétère même lorsqu’il servait à accéder à des contenus académiques liés à la leçon en cours. »

    « Bien sûr, ce qui est vrai pour l’#ordinateur l’est aussi pour le smartphone. Ainsi, dans un autre travail représentatif de la littérature existante, les auteurs ont établi que les étudiants qui échangeaient des SMS pendant un cours comprenaient et retenaient moins bien le contenu de ce dernier. Soumis à un test final, ils affichaient 60 % de bonnes réponses, contre 80 % pour les sujets d’un groupe contrôle non distrait. Une étude antérieure avait d’ailleurs indiqué qu’il n’était même pas nécessaire de répondre aux messages reçus pour être perturbé. Il suffit, pour altérer la prise d’information, qu’un #téléphone sonne dans la salle (ou vibre dans notre poche). »

    "Pourquoi une telle frénésie ? Pourquoi une telle ardeur à vouloir digitaliser le système scolaire, depuis la maternelle jusqu’à l’université, alors que les résultats s’affirment aussi peu convaincants ? [… Parce que] « si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement ». C’est exactement ce qui se passe avec l’actuelle numérisation du système scolaire. En effet, alors que les premieres études n’avaient globalement montré aucune influence probante de cette dernière sur la réussite des élèves, les données les plus récentes, issues notamment du #programme_PISA, révèlent un fort impact négatif. Curieusement, rien n’est fait pour stopper ou ralentir le processus, bien au contraire. Il n’existe qu’une explication rationnelle à cette absurdité. Elle est d’ordre économique : en substituant, de manière plus ou moins partielle, le numérique à l’humain il est possible, à terme, d’envisager une belle réduction des coûts d’enseignement. […] "« Le monde ne possède qu’une fraction des enseignants dont il a besoin ». Car le cœur du problème est bien là. Avec la massification de l’enseignement, trouver des professeurs qualifiés se révèle de plus en plus compliqué, surtout si l’on considère les questions de rémunération. Pour résoudre l’équation, difficile d’envisager meilleure solution que la fameuse « révolution numérique ». […] Le « professeur » devient alors une sorte de passe-plat anthropomorphe dont l’activité se résume, pour l’essentiel, à indiquer aux élèves leur programme numérique quotidien tout en s’assurant que nos braves digital natives restent à peu près tranquilles sur leurs sièges. Il est évidemment facile de continuer à nommer « enseignants » de simples « gardes-chiourmes 2.0 », sous-qualifiés et sous-payés ; et ce faisant, d’abaisser les coûts de fonctionnement sans risquer une révolution parentale. […] [en Floride], les autorités administratives se sont révélées incapables de recruter suffisamment d’enseignants pour répondre à une contrainte législative limitant le nombre d’élèves par classe (vingt-cinq au #lycée). Elles ont donc décidé de créer des classes digitales, sans professeurs. Ds ce cadre, les élèves apprennent seuls, face à un ordinateur, avec pour unique support humain un « facilitateur » dont le rôle se limite à régler les petits problèmes techniques et à s’assurer que les élèves travaillent effectivement. Une approche « criminelle » selon un enseignant, mais une approche « nécessaire » aux dires des autorités scolaires. […] 95 % du budget de l’Éducation nationale passe en salaires ! »

    Conclusion :

    1) « Plus les élèves regardent la télévision, plus ils jouent aux jeux vidéo, plus ils utilisent leur smartphone, plus ils sont actifs sur les réseaux sociaux & plus leurs notes s’effondrent. Même l’ordinateur domestique, dont on nous vante sans fin la puissance éducative, n’exerce aucune action positive sur la performance scolaire.

    2) Plus les États investissent dans les « technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement » (les fameuses TICE), plus la performance des élèves chute. En parallèle, plus les élèves passent de temps avec ces technologies et plus leurs notes baissent.

    3) le numérique est avant tout un moyen de résorber l’ampleur des dépenses éducatives. […]

    4) Pour faire passer la pilule et éviter les fureurs parentales, il faut habiller l’affaire d’un élégant verbiage pédagogiste. Il faut transformer le cautère digital en une « révolution éducative », un « tsunami didactique » réalisé, évidemment, aux seuls profits des élèves. Il faut camoufler la paupérisation intellectuelle du corps enseignant et encenser la mutation des vieux dinosaures prédigitaux en pétillants (au choix !) guides, médiateurs, facilitateurs, metteurs en scène ou passeurs de savoir. Il faut masquer l’impact catastrophique de cette « révolution » sur la perpétuation et le creusement des inégalités sociales. Enfin, il faut éluder la réalité des usages essentiellement distractifs que les élèves font de ces outils. »

    « Si l’usage des écrans affecte aussi lourdement la réussite scolaire, c évidemment parce que leur action s’étend bien au-delà de la simple sphère académique. Les notes sont alors le symptôme d’une meurtrissure + large, aveuglément infligée aux piliers cardinaux de notre dévéloppement. Ce qui est ici frappé, c’est l’essence même de l’édifice humain en développement : langage + #concentration + #mémoire + QI + #sociabilité + #contrôle_des_émotions. Une agression silencieuse menée sans états d’âme ni tempérance, pr le profit de qqs-uns au détriment de presque tous. »

    « Le #cerveau_humain s’avère, quel que soit son âge, bien moins sensible à une représentation vidéo qu’à une présence humaine effective. C’est pr cette raison, notamment, que la puissance pédagogique d’un être de chair et d’os surpasse aussi irrévocablement celle de la machine. »

    « Pr favoriser le développement d’un enfant, mieux vaut accorder du tps aux interactions humaines : [...] l’une des méthodes les + efficaces pr améliorer le dév. de l’enfant passe par les interactions de haute qualité entre l’adulte et l’enfant, sans la distraction des écrans. »

    « Le temps total d’interaction volé par 60 mn quotidiennes de télé sur les 12 premières années de vie d’un enfant s’élève à 2 500 heures. Cela représente 156 journées de veille, presque 3 années scolaires et 18 mois d’emploi salarié à temps complet...

    .. Pas vraiment une paille, surtout si l’on rapporte ces données à des consommations non plus de une, mais de 2 ou 3 heures quotidiennes. Et, à ce désastre, il faut encore ajouter l’altération relationnelle engendrée par les expositions d’arrière-plan. »

    « La consommation d’écrans interfère fortement avec le développement du langage. Par ex., chez des enfants de 18 mois, il a été montré que chaque 1/2 h quotidienne supplémentaire passée avec un appareil mobile multipliait par 2,5 la probabilité d’observer des retards de langage. De la même manière, chez des enfants de 24 à 30 mois, il a été rapporté que le risque de #déficit_langagier augmentait proportionnellement à la durée d’exposition télévisuelle. Ainsi, par rapport aux petits consommateurs (moins de 1 heure par jour), les usagers modérés (1 à 2 heures par jour), moyens (2 à 3 heures par jour) et importants (plus de 3 heures par jour) multipliaient leur probabilité de retard dans l’acquisition du langage respectivement par 1,45, 2,75 et 3,05. [...] Le risque de déficit était quadruplé, chez des enfants de 15 à 48 mois, qd la consommation dépassait 2 h quotidiennes. Ce quadruplement se transformait même en sextuplement lorsque ces enfants avaient été initiés aux joies du petit écran avant 12 mois (sans considération de durée). »

    Plus augmente la consommation d’écrans et plus l’#intelligence_langagière diminue. « Notons que le lien alors identifié était comparable, par son ampleur, à l’association observée entre niveau d’intoxication au plomb (un puissant perturbateur endocrinien) et QI verbal [...] si vous détestez [le] marmot de vos horribles voisins & que vous rêvez de lui pourrir la vie [...], inutile de mettre du plomb ds sa gourde. Offrez-lui plutôt une télé/tablette/console de jeux. L’impact cognitif sera tout aussi dévastateur pr un risque judiciaire nul. »

    « Le jour où l’on substituera le numérique à l’humain, ce n’est plus 30 mois (comme actuellement) mais 10 ans qu’il faudra à nos enfants pour atteindre un volume lexical de 750 à 1 000 mots. »

    « Au-delà d’un socle fondamental, oralement construit au cours des premiers âges de la vie, c’est dans les livres et seulement dans les livres que l’enfant va pouvoir enrichir et développer pleinement son langage. »

    .. [...] « Chaque heure quotidienne de jeux vidéo entraînait un affaissement de 30 % du temps passé à lire seul. Des éléments qui expliquent, au moins pour partie, l’impact négatif des écrans récréatifs sur l’acquisition du code écrit ; impact qui compromet lui-même, en retour le déploiement du langage. Tout est alors en place pr que se développe une boucle pernicieuse auto-entretenue : comme il est moins confronté à l’écrit, l’enfant a + de mal à apprendre à lire ; comme il a + de mal à lire, il a tendance à éviter l’écrit et donc à lire moins ; comme il lit moins, ses compétences langagières ne se développent pas au niveau escompté et il a de plus en plus de mal à affronter les attendus de son âge. Remarquable illustration du célèbre "#effet_Matthieu". »

    Attention – « Chaque heure quotidienne passée devant le petit écran lorsque l’enfant était à l’école primaire augmente de presque 50 % la probabilité d’apparition de troubles majeurs de l’attention au collège. Un résultat identique fut rapporté dans un travail subséquent montrant que le fait de passer quotidiennement entre 1 et 3 heures devant la télévision à 14 ans multipliait par 1,4 le risque d’observer des difficultés attentionnelles à 16 ans. Au-delà de 3 heures, on atteignait un quasi-triplement. Des chiffres inquiétants au regard d’un résultat complémentaire montrant que l’existence de troubles de l’attention à 16 ans quadruplait presque le risque d’échec scolaire à 22 ans. »

    Un travail « du service marketing de #Microsoft, curieusement rendu public, [explique] que les capacités d’attention de notre belle humanité n’ont cessé de se dégrader depuis 15 ans [pour atteindre] aujourd’hui un plus bas historique : inférieures à celles du… poisson rouge. Cette altération serait directement liée au développement des technologies numériques. Ainsi, selon les termes du document, "les modes de vie digitaux affectent la capacité à rester concentré sur des périodes de temps prolongées". »

    « Sean Parker, ancien président de Facebook, admettait d’ailleurs que les réseaux sociaux avaient été pensés, en toute lucidité, pour "exploiter une vulnérabilité de la psychologie humaine". Pour notre homme, "le truc qui motive les gens qui ont créé ces réseaux c’est : “Comment consommer le maximum de votre temps et de vos capacités d’attention” ?" Ds ce contexte, pour vous garder captif, "il faut vous libérer un peu de dopamine, de façon suffisamment régulière. D’où le like ou le commentaire que vous recevez sur une photo, une publication. Cela va vous pousser à contribuer de plus en plus et donc à recevoir de plus en plus de commentaires et de likes, etc. C’est une forme de boucle sans fin de jugement par le nombre". Un discours que l’on retrouve quasiment mot pour mot chez Chamath Palihapitiya, ancien vice-président de Facebook (questions de croissance & d’audience). La conclusion de ce cadre repenti (qui déclare se sentir "immensément coupable") est sans appel : "Je peux contrôler ce que font mes enfants, et ils ne sont pas autorisés à utiliser cette merde !" »

    Conclusion – « Les écrans sapent les trois piliers les plus essentiels du développement de l’enfant.
    – 1) les interactions humaines. [...] Pour le développement, l’écran est une fournaise quand l’humain est une forge.

    – 2) le langage. [...] en altérant le volume et la qualité des échanges verbaux précoces. Ensuite, en entravant l’entrée dans le monde de l’écrit.

    – 3) la concentration. [...] Ds qqs dizaines ou centaines de milliers d’années, les choses auront peut-être changé, si notre brillante espèce n’a pas, d’ici là, disparu de la planète. En attendant, c’est à un véritable #saccage_intellectuel que nous sommes en train d’assister. »
    « La liste des champs touchés paraît sans fin : #obésité, #comportement_alimentaire (#anorexie/#boulimie), #tabagisme, #alcoolisme, #toxicomanie, #violence, #sexualité non protégée, dépression, sédentarité, etc. [...] : les écrans sont parmi les pires faiseurs de maladies de notre temps »

    Manque de sommeil : « c’est l’intégrité de l’individu tout entier qui se trouve ébranlée dans ses dimensions cognitives, émotionnelles et sanitaires les plus cardinales. Au fond, le message porté par l’énorme champ de recherches disponible sur le sujet peut se résumer de manière assez simple : un humain (enfant, adolescent ou adulte) qui ne dort pas bien et/ou pas assez ne peut fonctionner correctement. »
    « Le sommeil est la clé de voûte de notre intégrité émotionnelle, sanitaire et cognitive. C’est particulièrement vrai chez l’enfant et l’adolescent, lorsque le corps et le cerveau se développent activement. »

    Il est possible d’améliorer (ou de dégrader) « très significativement [le fonctionnement de l’individu] en allongeant (ou en raccourcissant) de 30 à 60 mn les nuits de notre progéniture. »

    « L’organisme peut se passer d’#Instagram, #Facebook, #Netflix ou GTA ; il ne peut pas se priver d’un sommeil optimal, ou tt du moins pas sans csquences majeures. Perturber une fonction aussi vitale pr satisfaire des distractions à ce point subalternes relève de la folie furieuse. »

    « Aux États-Unis, l’#espérance_de_vie augmenterait de presque un an et demi si la consommation télévisuelle moyenne passait sous la barre des 2 h quotidiennes. Un résultat comparable fut rapporté par une équipe australienne, mais à rebours. Les auteurs montrèrent en effet que la sédentarité télévisuelle amputait de quasiment deux ans l’espérance de vie des habitants de ce pays. Formulé différemment, cela veut dire "[qu’]en moyenne, chaque heure passée à regarder la télévision après 25 ans réduit l’espérance de vie du spectateur de 21,8 mn". En d’autres termes, publicité comprise, chaque épisode de Mad Men, Dr House ou Game of Thrones enlève presque 22 minutes à votre existence. »

    Conclusion | « La consommation d’#écran_récréatif a un impact très négatif sur la santé de nos enfants et adolescents. Trois leviers se révèlent alors particulièrement délétères.
    – 1) les écrans affectent lourdement le sommeil – pilier essentiel, pour ne pas dire vital, du développement.

    – 2) Les écrans augmentent fortement le degré de sédentarité tt en diminuant significativement le niveau d’#activité_physique. Or, pr évoluer de manière optimale et pour rester en bonne santé, l’organisme a besoin d’être abondamment & activement sollicité. Rester assis nous tue !

    – 3) Les contenus dits « à risque » (sexuels, tabagiques, alcooliques, alimentaires, violents, etc.) saturent l’espace numérique. Aucun support n’est épargné. Or, pour l’enfant et l’adolescent, ces contenus sont d’importants prescripteurs de normes (souvent inconsciemment). »

    « Ce que nous faisons subir à nos enfants est inexcusable. Jamais sans doute, dans l’histoire de l’humanité, une telle expérience de décérébration n’avait été conduite à aussi grande échelle. 
    7 règles essentielles :

    1) AVANT 6 ANS, pas d’écrans (du tout)
    2) APRÈS 6 ANS, pas + de 30 mn à 1 h par jour (tout compris)
    3) pas dans la chambre
    4) pas de contenus inadaptés
    5) pas le matin avant l’école
    6) pas le soir avant de dormir
    7) une chose à la fois.

    #éducation_nationale

  • Interview de Michel Ragon : #Henry_Poulaille - L’ami
    https://www.partage-noir.fr/interview-de-michel-ragon-henry-poulaille-l-ami

    ❝— « Itinéraire » : Tu étais très jeune lorsque tu es arrivé à Paris . Pourquoi as-tu cherché à rencontrer Poulaille, un écrivain qui devait tout de même être impressionnant ? Son caractère n’était pas des plus faciles, tous ceux qui l’ont connu l’attestent... — Michel Ragon : En fait, je correspondais avec lui depuis un certain temps déjà. A Nantes, où j’habitais, j’avais établi une correspondance avec plusieurs écrivains d’expression populaire : Emile Guillaumin, Ludovic Massé, quelques autres encore et, bien (...) #Itinéraire n°12 : « Henry Poulaille »


    #Littérature_prolétarienne #Michel_ragon
    [Source :_@narlivres]
    https://www.partage-noir.fr/IMG/pdf/itineraire_poulaille2.pdf

  • #Louis_Guilloux
    https://www.partage-noir.fr/louis-guilloux

    ❝De Louis Guilloux, on connaît surtout l’œuvre tour à tour militante, déchirante, douloureuse ou enthousiaste, mais toujours ancrée dans son temps et généreuse, pleine de doute et chargée malgré tout de conviction, de foi et d’espérance. Littérature « populiste » ou « prolétarienne », Louis Guilloux s’est toujours refusé à prendre part aux polémiques qui entouraient sa production, car son œuvre, c’était lui... Fidèle à lui-même comme aux siens, l’œuvre de Louis Guilloux, fils d’un modeste cordonnier militant (...) #Itinéraire n°12 : « Henry Poulaille »


    #Albert_Camus #Henry_Poulaille #Littérature_prolétarienne
    [Source :_@narlivres]
    https://www.partage-noir.fr/IMG/pdf/itineraire_poulaille2.pdf

  • Tristan Rémy
    https://www.partage-noir.fr/tristan-remy

    ❝« Poulaille répète constamment qu’il n’est pas d’accord avec Rémy, mais il ne peut pas se fâcher avec lui, il tient à son amitié. » P.-A. Loffler, Journal de Paris d’un exilé (22 mai 1933). #Itinéraire_-_Une_vie,_une_pensée n°12 : « Henry Poulaille »


    #Henry_Poulaille #Tristan_Rémy #Littérature_prolétarienne
    https://www.partage-noir.fr/IMG/pdf/itineraire_poulaille2.pdf

  • Wu Ming 1 sur la gauche, les conspi, et l’Italie de 2022

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/090922/quand-la-gauche-ne-fait-pas-son-travail-le-conspirationnisme-remplit-l-esp

    Dans ce contexte [Italie sous pandémie], la gauche, même radicale, a complètement failli à sa fonction critique. Or l’absence de critique radicale construite et argumentée est la voie ouverte aux fantasmes conspirationnistes. C’est mathématique, si l’espace est vide, il sera rempli par les complotistes.

    Quel est l’état de la gauche italienne à l’approche des élections italiennes du 25 septembre ?

    Cadavérique. Bien sûr, il existe des mouvements de jeunes inquiets pour le climat, des mobilisations comme celle du Val de Suse, comparable avec votre ZAD, et il existe beaucoup de choses au niveau local. Mais à l’échelon national, la pandémie a donné le coup de grâce à une situation déjà très mauvaise. La gauche institutionnelle, le Parti démocrate (PD), est plus à droite que Macron, c’est dire. Même le mot de gauche est désormais haï. Beaucoup de gens ne l’utilisent plus. Et comme ils ne peuvent se dire « ni de droite ni de gauche », parce qu’ils savent que c’est la rhétorique fasciste, ils ne disent rien.

    • ESSAIS

      « Quand la gauche ne fait pas son travail, le conspirationnisme remplit l’espace »

      L’un des membres du collectif bolognais Wu Ming revient pour Mediapart sur les élections italiennes et le livre décisif qu’il a écrit sur le complotisme en général et QAnon en particulier.

      Joseph Confavreux

      9 septembre 2022 à 18h48


      En 1999, « Luther Blissett », un pseudonyme collectif subversif militant et artistique publie, chez l’éditeur italien Einaudi, un livre intitulé Q, qui devient rapidement un best-seller. L’intrigue du roman, traduit en français au Seuil l’an dernier, se déroule entre 1517 et 1555 et tisse un long duel à distance entre un hérétique aux multiples noms et un agent provocateur papiste répandant de fausses informations au moyen de lettres signées du nom biblique Qohélet.

      Vingt ans plus tard, les premières traces du mouvement QAnon sont pétries de références à cet ouvrage. Au point que lorsque des adeptes de ce mouvement convaincu de lutter aux côtés de Donald Trump contre un complot pédocriminel et sataniste réussissent à pénétrer dans le Capitole le 6 janvier 2021, le collectif italien Wu Ming, héritier du Luther Blissett Project, croule sous les demandes d’entretien pour savoir « s’il était vraiment plausible que ce qui avait déclenché un processus culminant dans une attaque du Parlement de la plus grande puissance mondiale, ça pouvait avoir été une blague inspirée d’un roman ».

      Tel est le point de départ de l’enquête généalogique menée par Wu Ming 1, Roberto Bui, l’un des membres du collectif Wu Ming, dans l’ouvrage Q comme complot. Comment les fantasmes de complot défendent le système, que publient les éditions Lux.

      Le livre, centré sur le phénomène QAnon, mais qui analyse aussi d’autres phénomènes similaires comme la prétendue mort dissimulée du chanteur Paul McCartney, la croyance que les Américains ne seraient jamais allés sur la lune ou les DUMB (Deep Underground Military Bases) dans lesquelles des monstres garderaient des millions d’enfants prisonniers, constitue sans doute l’ouvrage le plus précis publié récemment sur des sujets où le fantasme, l’invective, le mépris ou les banalités tiennent le plus souvent lieu de propos.

      En premier lieu, l’ouvrage emploie un procédé rhétorique simple mais efficace qui consiste à cesser de parler de « théories du complot » pour traduire « conspiracy theory », en rappelant que le terme de « theory » n’a pas le même sens en anglais, où il désigne davantage une hypothèse, voire une élucubration, qu’en français ou en italien, où il est nimbé d’une aura de sérieux. En s’intéressant à des « fantasmes de complots », à des narratifs, à des mécanismes, à des généalogies, à des correspondances, il est plus aisé de comprendre ce qui se joue qu’en opposant mécaniquement une théorie frelatée à une vérité établie.

      Ensuite, il refuse de stigmatiser et de pathologiser celles et ceux qui tombent dans le « trou du lapin » – référence à Alice au pays des merveilles désignant le glissement vers une réalité alternative –, et de juger « complotiste quiconque ne se content[e] pas des narrations officielles, des apparences immédiates, des argumentaires du pouvoir ».

      La pire erreur, juge l’auteur, serait de lier l’emprise de QAnon à un problème de stupidité, d’ignorance ou de maladie mentale, d’autant qu’elle se loge dans une erreur complémentaire, « celle qui consiste à croire que les sectes ne recrutent qu’à droite, parmi les fascistes et les réactionnaires variés. L’éducation, l’intelligence, la santé mentale, l’appartenance à la gauche : rien de tout cela n’immunis[e] automatiquement contre QAnon. »

      Enfin, il se démarque d’une attitude inverse, répandue dans une certaine gauche, qui consiste à minimiser l’importance et les effets de ces fantasmes de complot, au motif qu’il existe de véritables conspirations des puissants, et que ces derniers se servent du syntagme et stigmate « complotiste » pour délégitimer leurs adversaires. Certes, se jouent derrière le rideau des décisions défavorables, voire déflagratoires pour les peuples. Certes, les fantasmes satanistes, les emprises ésotériques ou les délires collectifs ne datent pas d’aujourd’hui. Mais le phénomène QAnon signale l’entrée dans une nouvelle ère du fantasme complotiste qui ne peut se balayer facilement, parce qu’elle entrave la possibilité de s’émanciper des méfaits du système économique et politique contemporain.

      « Si les fantasmes de complot étaient si répandus, s’ils avaient une telle emprise, cela signifiait qu’ils remplissaient une fonction. Une fonction systémique », écrit ainsi l’auteur. En arrachant le sujet du complotisme à la morale pour effectuer un massif travail d’histoire et d’analyse, Q comme complot valide l’hypothèse qu’il formule, dès son sous-titre, à savoir que cette fonction systémique consiste, in fine, à protéger un système à bout de souffle.

      « Pour utiliser une métaphore d’électricien, le conspirationnisme était la prise de terre du capitalisme : il évacuait la tension vers le bas et empêchait que les personnes soient foudroyées par la conscience que le système devait être changé », écrit Wu Ming 1.

      Entretien sur QAnon, les mécanismes du complotisme mais aussi les élections italiennes à venir.

      Qu’est-ce que Wu Ming et comment le situer par rapport au Luther Blissett Project ?

      Wu Ming 1 : Le Luther Blissett Project regroupait une centaine d’artistes et d’activistes, partageant le même nom, pour revendiquer des actions politiques, des performances de rue, des vidéos, des fanzines, des canulars médiatiques, des livres, des émissions de radio…

      Il était explicitement construit pour brouiller l’identité de ses auteurs, et construire un personnage mythique et provocateur qui se situe quelque part entre le bandit social et le « trickster », le filou. Nous avions choisi le nom d’un footballeur connu pour ses piètres performances au début des années 1990.

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      « Luther Blissett » est devenu très populaire dans la culture populaire italienne à la fin des années 1990, et sa célébrité a culminé avec la publication du roman Q, que nous avions été quelques-uns à écrire, qui s’est vendu à plus de 700 000 exemplaires et a été traduit en de nombreuses langues.

      Après la publication de ce roman, cinq d’entre nous ont décidé de se consacrer plus spécifiquement à l’écriture et de prendre un nom collectif. Wu Ming est un jeu de mots, car en chinois, selon l’intonation, cela peut signifier « sans nom » ou « cinq noms » : à l’époque nous étions cinq, maintenant nous ne sommes plus que trois.

      En refusant de mettre nos noms sur les couvertures des livres, de passer à la télévision ou d’être photographiés, nous voulions refuser la machine médiatique consistant à transformer les écrivains en stars, mais nos noms ne sont pas secrets. Je suis Roberto et je suis Wu Ming 1, non parce que je serais le chef, mais parce que nous avons choisi nos noms de plume en fonction d’un simple ordre alphabétique !

      Nous avons écrit des livres et des essais, seul ou à plusieurs, en cherchant souvent à publier des objets narratifs non identifiés, hybrides d’enquête et de littérature. Ce livre-ci, j’ai mis trois ans à l’écrire, mais il est le fruit de deux décennies de recherches sur les fantasmes de complot que nous avions étudiés, démontés et parfois inventés depuis l’époque du Luther Blissett Project.

      Vous sentez-vous en partie responsable de l’essor du mouvement QAnon ?

      Absolument pas. Mais il est très plausible que l’initiateur de ce jeu horrible connaissait notre roman. Il y a trop de coïncidences, notamment avec ce personnage qui envoie des messages cryptiques signés « Q », affirmant qu’il est très bien placé dans les cercles du pouvoir et qu’une bataille finale se prépare. La première personne qui a envoyé une de ces fameuses « Q drop » sur le forum 4chan connaissait sans doute notre roman et nos canulars sur le pédosatanisme. Mais voulait-elle seulement jouer de la crédulité des partisans de Trump, s’amuser un peu, ou partageait-elle les fantasmes ? Toujours est-il que le phénomène lui a sans doute échappé, même si le tout début de QAnon demeure mystérieux. Quoi qu’il en soit, nous ne sommes pas impliqués dans la création de QAnon, mais les échos entre les débuts du phénomène et ce que nous avions écrit m’ont poussé à vouloir approfondir la manière dont ce qui était au départ un jeu avait été exploité pour devenir un monstre.

      Comment expliquez-vous le succès inédit de QAnon parmi les différents fantasmes de complot qui ont pu exister ?

      C’était le bon narratif dans le bon tempo. En réalité, il s’agit d’une synthèse d’histoires, de mouvements, de symboles, de croyances qui sont présents depuis déjà longtemps, mais qui ont vu en Donald Trump, à son accession à la Maison Blanche, cette figure messianique espérée par beaucoup.

      Mais QAnon n’aurait pu connaître un tel succès sans les réseaux sociaux et un moment où l’information était principalement formée par eux. QAnon était un réseau dans le réseau. Il était une forme mimétique du Net et se développait en même temps que lui, en pouvant ainsi toucher des millions de personnes.

      Aujourd’hui, la situation est quelque peu différente, avec la défaite électorale de Trump en 2020, l’envahissement du Capitole le 6 janvier et les mesures prises par les grandes plateformes, QAnon est devenu moins visible.

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      Mais le phénomène continue à se développer, avec des courants plus souterrains, qui doivent continuer à nous inquiéter. En particulier ce qu’on peut apercevoir d’une hybridation entre QAnon et des mouvements New Age, écologistes, post-hippies, que nous avons longtemps associés à la gauche et qui adoptent des narratifs de plus en plus complotistes à la faveur de la pandémie de Covid et de la façon dont elle a été gérée.

      On voit apparaître une sorte de « droite cosmique » qui associe les thématiques habituelles de la droite dure en les inscrivant dans une sorte de constellation spirituelle et une esthétique psychédélique. QAnon a fourni le contexte de cette inquiétante jonction avec le New Age, et le management de la pandémie a créé les conditions pour que cela devienne un phénomène global.

      Si QAnon est un phénomène du XXIe siècle qui n’aurait jamais pu avoir lieu au XXe siècle, ses racines sont cependant très anciennes. Il reprend des narratifs remontant au Moyen Âge, telles les accusations faites aux juifs de se nourrir du sang d’enfants. Un apport de ce livre est ainsi, par la généalogie, de montrer que QAnon n’est pas un phénomène purement américain, comme on l’a beaucoup dit. Oui, l’arbre se trouve aux États-Unis, mais les racines se trouvent en Europe. Ce qui explique aussi pourquoi les phénomènes post-QAnon contemporains se développent aussi et facilement de ce côté de l’Atlantique.

      Vous écrivez que QAnon a réussi la singularité conspirationniste. Qu’est-ce que cela signifie ?

      La singularité est un concept jugeant qu’il existe un moment où un changement qui pourrait paraître isolément anodin fait en réalité franchir un seuil séparant un monde où il reste des repères d’un espace chaotique. Au printemps 2020, aidé par le Covid, QAnon avait réalisé cette « singularité conspirationniste », ce passage soudain d’un état à un autre, à une échelle vaste et imprévisible, en tout cas disproportionnée par rapport au déclencheur.

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      Un militant brandit un grand panneau "Q" lors d’un meeting de Donald Trump, le 2 août 2018, à Wilkes Barre, en Pennsylvanie. © Photo Rick Loomis / Getty Images via AFP
      La singularité conspirationniste, c’est ainsi le point où de nombreuses communautés conspirationnistes se rencontrent et se fondent. QAnon a absorbé et digéré tout ce qui tournait autour des ovnis, des Kennedy, du « grand remplacement », des reptiliens, des juifs, des satanistes…

      QAnon n’est toutefois pas le premier exemple de singularité conspirationniste. Après la Révolution française, il existe une forme similaire de convergence des différents fantasmes de complot, notamment sous la plume du prêtre français Augustin Barruel, qui décrit la Révolution française comme l’aboutissement d’un complot préparé depuis deux mille ans par les francs-maçons, les Illuminati et d’autres groupes…

      À vous lire, les fantasmes conspirationnistes et les conjurations réelles fonctionnent de façon très différente.

      Il est essentiel de ne pas oublier que les conspirations existent réellement. L’histoire politique en compte plein. Le crime organisé est fondé là-dessus. Mais les complots réels, qu’il s’agisse du Watergate ou des fausses preuves forgées pour envahir l’Irak, ont un objet précis, impliquent un nombre d’acteurs limités, sont souvent imparfaits et découverts, et sont le reflet d’un moment historique donné.

      Au contraire, les complots fantasmés apparaissent vastes et illimités, et reposent sur le sentiment que tout ce qui arrive, même quand cela a l’air d’aller à son encontre, fait partie du plan. Et ils sont anhistoriques, transcendant toutes les époques et les contextes, puisqu’ils sont en cours depuis siècles.

      En quoi les fantasmes de complot protègent-ils le système ?

      Ils renforcent plus qu’ils ne minent l’état des choses. Parce qu’ils servent de distraction sur les fonctionnements réels du capitalisme, notamment par la surpersonnalisation. Bill Gates peut être considéré comme un adversaire. La vision de la santé promue par la fondation Gates, qui travaille avec des multinationales comme BASF, Dow Chemical, GlaxoSmithKline, Novartis et Pfizer, s’adosse à une infatigable défense de la propriété intellectuelle et impose des modèles néfastes dans les pays du Sud, est une cible légitime. Mais avec l’idée que Gates aurait planifié la pandémie pour implanter des nanoparticules dans notre corps pour le contrôler à distance, le principal résultat obtenu est d’inhiber les critiques portant sur ce qu’il fait vraiment.

      Chaque minute consacrée aux chemtrails est soustraite aux vraies batailles en faveur de l’environnement.

      Wu Ming 1
      Les fantasmes conspirationnistes piratent les énergies qui pourraient servir de carburant à la révolution et au changement social : le mécontentement, la rage, le sentiment d’être maltraité par le système. Même si les personnes qui adhèrent à ces fantasmes de complot pensent sincèrement être contre le système, en réalité, elles le renforcent. On a vu comment les mouvements sociaux étaient facilement délégitimés quand ils étaient accusés d’être complotistes.

      Les fantasmes de complot antisémites sur Rothschild n’ont jamais atteint le capital financier, mais ont mené à l’assassinat de millions de personnes. Les légendes haineuses sur Soros et l’immigration n’ont pas non plus atteint le capital mais ont fait croître la xénophobie. Chaque minute consacrée aux chemtrails est soustraite aux vraies batailles en faveur de l’environnement. De cette manière, les fantasmes de complot semblent viser haut mais frappent en réalité bas.

      QAnon a dépeint les puissants comme de vrais vampires. Le sang n’est ainsi plus une métaphore de la force de travail, du temps de vie, de l’existence prolétarienne dans les rapports sociaux : c’est du sang, un point c’est tout. Bu par Hillary Clinton, George Soros ou Joe Biden. Et croire en QAnon aide aussi à ne pas se sentir floué : on dirait que Trump ne fait rien pour les pauvres, mais en réalité il mène une bataille secrète contre les pédophiles qui contrôlent la planète…

      Pourquoi jugez-vous que le livre d’Umberto Eco, Le Pendule de Foucault, est essentiel pour comprendre les conspirationnismes contemporains ?

      Quand j’ai lu ce livre dans les années 1980, alors que j’étais encore adolescent, je n’ai rien compris, il y avait trop de références mystiques, d’occultisme. Mais je l’ai repris après avoir entendu parler de QAnon et c’est un ouvrage en tous points prémonitoire. C’est un vrai chef-d’œuvre pour comprendre les mécanismes à l’œuvre dans les complots et c’est pour cela que j’ai demandé au fils d’Umberto Eco la permission d’emprunter les noms des personnages du Pendule de Foucault pour dialoguer avec eux dans mon ouvrage.

      Au départ, l’histoire est celle de trois éditeurs qui veulent imiter et parodier la logique fallacieuse des complotistes en en produisant un qui expliquerait l’histoire entière du monde. « Nous – les sardoniques – nous voulions jouer à cache-cache avec les diaboliques, leur montrant que, si complot cosmique il devait y avoir, nous savions, nous, en inventer un, que plus cosmique que ça vous pouvez toujours courir », s’amusent-ils.

      Naît ainsi ce qu’ils nomment « Le Plan » qui, pour résumer, juge que les conspirateurs de toutes les époques, ou prétendus tels – des templiers aux Juifs, des rose-croix au francs-maçons, des jésuites aux nazis – avaient cherché à contrôler les courants telluriques, le monde souterrain. Tous les événements de l’histoire – chaque guerre, conjuration et révolution – auraient dépendu de ce qui se passait littéralement sous terre. Dans leur reconstitution burlesque, Hitler n’aurait jamais eu comme intention principale d’exterminer les Juifs mais voulait leur dérober un message pour devenir le maître du monde.

      Mais ces trois éditeurs, partis avec l’intention de se moquer d’une telle approche, commencent à y succomber, à voir le monde sur un mode hallucinatoire en reliant tous les éléments épars à la lueur d’un grand complot venu de loin.

      Le roman d’Eco n’est pas, selon moi, une parodie du conspirationnisme, comme l’ont pensé certains critiques superficiels, mais un apologue sur le fait qu’il est vain, contre-productif et même dangereux de parodier les complotistes. C’est un récit édifiant qui rappelle que la satire sur le conspirationnisme peut amuser ceux qui étaient déjà sceptiques, mais pour ceux qui voient des complots partout, les caricatures ou les interprétations excessives n’existent pas.

      On a parlé de « post-ironie » pour évoquer la version endurcie et aiguisée de la communication de l’alt-right américaine. La post-ironie produit des « énoncés invulnérables » parce que, présentés comme des « plaisanteries », ils désarment préventivement la moindre critique, alors que leurs contenus odieux abaissent chaque fois le curseur de l’acceptable.

      Comment lutter contre les fantasmes de complot si ni l’ironie ni la démystification ne fonctionnent ?

      Le fact-checking [vérification des faits] est nécessaire, mais n’est pas du tout suffisant, et ne permet pas de convaincre les personnes qui croient aux fantasmes de complot. Or, c’est grave, non seulement cela protège le système, mais cela déchire des familles entières. Si votre mère tombe dans le « trou du lapin », ce n’est pas en lui mettant la réalité sous les yeux que vous l’en ferez sortir. Mais si elle tombe dans le trou, c’est parce qu’elle souffre, qu’elle cherche un sens à sa vie, qu’elle est fâchée avec la politique, qu’elle est impuissante face à la pollution… La question est donc moins de répéter que les narratifs conspirationnistes sont faux, mais de comprendre à quels besoins ils répondent, quelles frustrations ils révèlent, et d’offrir d’autres solutions.

      Le travail de Conspiracy Watch est accablant, ils font beaucoup plus de mal que de bien.

      Wu Ming 1
      L’autre aspect important est de comprendre les noyaux de vérité autour desquels se forment les fantasmes complotistes, car il en existe toujours. Tout fantasme de complot, même le plus insensé, part toujours d’un noyau de vérité, même s’il élève ensuite des balivernes dessus.

      La troisième chose essentielle est de ne pas mépriser les gens qui y croient, comme le font de nombreux « fact-checker ». Le travail de Conspiracy Watch est à cet égard accablant, ils font beaucoup plus de mal que de bien. Il ne faut pas partir des choses qui nous séparent mais de ce qu’on peut partager : oui, le système est abominable ; oui, il y a des puissants qui se foutent de vous ; oui, la planète est en train d’être détruite. Mais pas forcément de la manière dont vous le pensez.

      Une partie de votre livre est consacrée au « virocentrisme », une notion que Wu Ming a déjà développée ailleurs. Que désignez-vous ainsi et en quoi est-ce un souci ?

      En Italie, nous avons sans doute eu la pire gestion de la pandémie dans le monde, avec un confinement très strict, militarisé, et la désignation de boucs émissaires, en envoyant des drones pour repérer si personne n’allait faire un jogging sur une plage ou une randonnée en forêt, alors que le risque de contagion était nul.

      Tout était centré sur l’obsession inatteignable de rendre la contagion impossible, mais sans jamais remettre en cause le fait que la médecine de proximité avait été laminée, que la privatisation de la santé était avancée, et que donc tout le monde se retrouvait massé aux urgences, où beaucoup de gens se sont contaminés.

      La Lombardie, qui est la région où la mortalité a été la plus forte, est aussi la région où la santé avait été la plus brutalement privatisée et centralisée. Mais en dépit de cela, nos gouvernements faisaient peser le développement de la maladie sur la seule responsabilité personnelle, sans jamais regarder les structures sous-jacentes. On situait tout sur un plan moral, jamais sur un plan politique.

      Dans ce contexte, la gauche, même radicale, a complètement failli à sa fonction critique. Or l’absence de critique radicale construite et argumentée est la voie ouverte aux fantasmes conspirationnistes. C’est mathématique, si l’espace est vide, il sera rempli par les complotistes.

      Quel est l’état de la gauche italienne à l’approche des élections italiennes du 25 septembre ?

      Cadavérique. Bien sûr, il existe des mouvements de jeunes inquiets pour le climat, des mobilisations comme celle du Val de Suse, comparable avec votre ZAD [zone à défendre], et il existe beaucoup de choses au niveau local. Mais à l’échelon national, la pandémie a donné le coup de grâce à une situation déjà très mauvaise. La gauche institutionnelle, le Parti démocrate (PD), est plus à droite que Macron, c’est dire. Même le mot de gauche est désormais haï. Beaucoup de gens ne l’utilisent plus. Et comme ils ne peuvent se dire « ni de droite ni de gauche », parce qu’ils savent que c’est la rhétorique fasciste, ils ne disent rien.

      À propos de fascisme, que pensez-vous de l’expression de « post-fasciste » employée au sujet du parti Fratelli d’Italia, qui fait la course en tête dans les sondages ?

      Fratelli d’Italia est l’héritier en ligne directe du Mouvement social italien, un parti fondé en 1946 par les vétérans de la collaboration avec le nazisme. Il est donc issu de ladite « République sociale italienne », ou République de Salo, l’État fasciste établi par Mussolini dans le centre et le nord de l’Italie entre 1943 et 1945, après sa libération par les SS et alors que les Alliés contrôlaient le sud de l’Italie.

      Le chantage au risque fasciste ne fait plus peur à personne.

      Même si la constitution interdisait les partis fascistes, le Mouvement social italien, ouvertement néofasciste, a été toléré. Et le parti de Giorgia Meloni est le produit assumé de cette histoire. Mais le chantage au risque fasciste brandi, encore cette fois, par les partis néolibéraux a été fait tellement de fois que l’argument éculé du moindre mal ne fait plus peur à personne.

      Le dégoût de la politique a atteint des proportions astronomiques et beaucoup - dont je fais partie - ne vont plus voter. Si la participation dépasse les 50 %, ce sera déjà beaucoup. Bien sûr, on n’attend pas pour voter d’être d’accord avec 100 % du programme d’un parti, mais là, quand on est de gauche, on ne peut pas partager plus que 10 % de ce que nous proposent les partis en lice.

      Quelles leçons tirez-vous de l’effondrement du Mouvement Cinq Étoiles ?

      Le Mouvement Cinq Étoiles n’était qu’apparence, et n’avait pas de substance. C’était un mouvement poujadiste repeint en vert, et encore la couche de peinture était extrêmement fine. Quand ils étaient alliés avec la Ligue du Nord, ils ont suivi sa politique sur les migrants. Quand ils ont changé d’alliance pour se rapprocher du PD, ils ont suivi sa politique ultralibérale. Ils ont été punis par leur base électorale parce qu’ils ne constituaient pas une alternative réelle. Et, depuis mon poste d’observation, je remarque aussi qu’ils ont constitué un pont pour plusieurs personnes de gauche vers le conspirationnisme.

      Joseph Confavreux

      Boîte noire
      L’entretien a été réalisé à Paris mercredi, en anglais et, à la demande de Wu Ming 1, aucune photo n’a été prise de l’auteur.

    • viser haut, frapper bas

      il se démarque d’une attitude (...) répandue dans une certaine gauche, qui consiste à minimiser l’importance et les effets de ces fantasmes de complot, au motif qu’il existe de véritables conspirations des puissants, et que ces derniers se servent du syntagme et stigmate « complotiste » pour délégitimer leurs adversaires.

      (...) on peut apercevoir d’une hybridation entre QAnon et des mouvements New Age, #écologistes, post-hippies, que nous avons longtemps associés à la gauche et qui adoptent des narratifs de plus en plus complotistes à la faveur de la #pandémie de #Covid et de la façon dont elle a été gérée.

      Wu Ming, pour une nouvelle #littérature_épique - Rencontre avec un collectif anonyme, Isabelle Mayault
      https://www.cairn.info/revue-du-crieur-2018-1-page-64.htm

      #Wu_Ming #Roberto_Bui #histoire #enquête #conspirations #fantasme_complotiste #conspis #trou_du_lapin #réalité_alternative #QAnon #fact-checking #droite_cosmique #singularité conspirationniste (2020) #surpersonnalisation

  • Des colonies à l’Empire fasciste. La conquête de l’Afrique racontée aux enfants italiens

    En Italie, la conquête et la colonisation de l’Afrique se sont inscrites dans la #littérature pour l’enfance au fur et à mesure de l’occupation des territoires, en correspondance avec l’évolution idéologique qui l’accompagna. Dans les dernières décennies du XIXe siècle, lorsque l’Italie libérale entreprend l’occupation de la #corne_de_l’Afrique, en Érythrée puis en #Somalie, la colonisation trouve quelques échos dans les romans de #Salgari. On trouve aussi des textes qui célèbrent l’#héroïsme des soldats tombés au combat en affrontant des indigènes barbares et cruels, et d’autres qui critiquent la politique coloniale de l’État. Au début du XXe siècle, les ambitions coloniales semblent avoir été mises entre parenthèses ; des #romans africains d’aventures, écrits sur le mode de la #parodie, tournent en ridicule les Africains pour faire rire les plus petits. Ensuite la guerre de Libye (1911-1912) marque un tournant, et dans les ouvrages publiés au moment de la campagne perce la nouvelle idéologie nationaliste. Après la Grande Guerre, le fascisme au pouvoir veut créer la « conscience coloniale » des Italiens, en y associant la littérature pour l’enfance. Lors de la guerre d’Éthiopie paraissent de nombreux #contes et #romans qui racontent la #campagne_militaire sous diverses formes fictionnelles, allant du conte au roman. Cette production présentera la conquête éthiopienne comme une #aventure enthousiasmante pour les enfants italiens, et la colonisation comme un immense bienfait pour les enfants indigènes.

    https://journals.openedition.org/strenae/322

    #impérialisme #Italie #colonialisme_italien #Italie_coloniale #histoire #colonialisme #colonisation #Italie #Erythrée #nationalisme #littérature_pour_enfants

    –—

    ajouté à la métaliste sur la #colonialisme_italien :
    https://seenthis.net/messages/871953

    via @olivier_aubert

  • Claude Ponti
    https://www.arteradio.com/son/61670535/claude_ponti_1_3

    Claude Ponti est né en 1948 à Lunéville (Lorraine). C’est l’un des souverains pontifes de la littérature jeunesse, avec 8,6 millions de livres vendus en France depuis 1986, parfois traduits en italien, en roumain, en japonais ou en chinois. Un dessinateur-auteur culte, occasionnellement dramaturge et romancier, avec plus de 80 ouvrages publiés pour l’essentiel à L’École des Loisirs, dont les incontournables « Okilélé », « Pétronille et ses 120 petits » ou encore « Blaise et le château d’Anne Hiversère ». Source : Bookmakers - Arte Radio

  • Fictions pour la jeunesse : les nouvelles héroïnes cassent-elles vraiment les stéréotypes de genre ?
    https://theconversation.com/fictions-pour-la-jeunesse-les-nouvelles-hero-nes-cassent-elles-vrai

    Hermione connaît un succès particulier, amplifié par l’engagement féministe de son interprète à l’écran Emma Watson. Les caractéristiques d’Hermione et les prises de position publiques d’Emma Watson semblent se conforter. Hermione est louée pour son intelligence et son rôle central dans l’intrigue, même si elle apparaît peu transgressive dans l’univers d’Harry Potter.

    Emma Watson, quant à elle, a été largement plébiscitée comme figure féministe dans une autre enquête que nous avons menée, cette fois-ci auprès d’étudiants et étudiantes. Pour les jeunes femmes comme pour les jeunes hommes, Emma Watson est la figure féministe la plus citée, à hauteur de 40 %, en réponse à un questionnaire ayant obtenu 2000 réponses dans des établissements de Nouvelle-Aquitaine.

    Au-delà de la prédominance d’Hermione, le caractère transgressif des personnages féminins de « young adult » est discuté par les personnes interrogées : si elles font preuve de force physique et d’intelligence, elles dépendent presque toujours, affectivement, d’un personnage masculin, avec lequel elles entretiennent une romance réelle ou latente. L’hétérosexualité presque obligatoire de ces personnages est relevée par le public pour lequel un personnage féminin transgressif n’est ni nécessairement hétérosexuel, ni nécessairement engagé dans une romance.

    Janice Radway a mis en évidence ce canevas narratif des romans Harlequin dès 1984 dans son étude classique, Reading the Romance, hélas jamais traduite intégralement en français (voir la conclusion de l’ouvrage traduite par Brigitte Le Grignou en 2001). Radway explique comment ce déroulement de l’intrigue, sans cesse renouvelé, reconduit un schéma patriarcal tout en permettant aux lectrices de vivre fantasmatiquement une autre fin que celle de leurs relations hétérosexuelles réelles.

    Or, malgré l’évolution des caractéristiques des personnages, le principe narratif se répète dans les productions contemporaines.

    #Littérature_jeunesse #Tropes #Amour

  • Tristan
    http://blogs.editions-anacharsis.com/tristan/index.php

    Le Roman de Tristan en prose, qu’on appellera ici plus sobrement Tristan, est un phénomène de littérature colossal, un monument, une Iliade des chevaliers, l’ultime flamboiement – d’une clarté tragique – de l’idéal chevaleresque. Un roman de l’épuisement de la matière littéraire médiévale, qui l’essore jusqu’à ce qu’il en ait exprimé l’ultime goutte. Il vaut la peine de pouvoir être lu, à ce seul titre. Source : Éditions Anacharsis

  • Mouvement transgenre et misogynie
    https://www.affranchie.fr/post/mouvement-transgenre-et-misogynie

    Il y a quelques temps, surfant sur internet à mes heures perdues, je cliquais sur un article proposant des livres « pro LGBT » pour enfants. J’espérais y trouver un beau livre racontant l’histoire de deux princes amoureux qui tentent de construire un château magique pour se protéger du méchant dragon homophobe. C’était sans compter sur le T goulûment accroché au LGB. A la place on me recommanda d’offrir à mes enfants (que je n’ai pas, hallelujah) un livre intitulé : « Jack (not Jackie) ».

    […]

    Le refrain est toujours le même lorsque l’on interroge les origines de cette « transidentité » : une non conformité aux stéréotypes. C’est ainsi que, dans le documentaire de Louis Theroux en faveur de la transition des enfants, un couple amène son petit garçon chez une « thérapeute du genre » afin d’obtenir des réponses. Le père explique que tout a commencé lorsque le petit Sebastian a eu le malheur de demander un « costume de fille » pour Halloween. Durant les semaines qui ont suivi, Sebastian s’est transformé en cliché de petite fille, ne jurant que par le rose et les poupées. Interrogée par le journaliste, la « thérapeute du genre » explique qu’il est possible que Sebastian soit transgenre puisque « c’est un enfant qui persiste à ne pas être conforme à son genre depuis qu’il a 18 mois ».

    Dans un article nommé « Jordy, née dans le mauvais corps est devenue Victoire » publié par le journal La Voix du Nord, Jordy nous explique ce qui fait de lui une fille : « De 10 à 14 ans, j’ai fait de la danse moderne, j’étais le seul garçon. En cinquième, j’ai eu mon premier sac à main. Je n’ai pas compris tout de suite ce qui se passait. » Sac à main et danse, voilà une « enfance au féminin » nous informe le journal. Sa mère ajoute : « quand j’allais faire des courses, il me réclamait des jupettes, des chemisiers. À Noël, il laissait de côté les camions, les tracteurs que la famille lui offrait, il ne voulait que des poupons. »

    Fin 2019, le Huffington Post intitulait l’un de ses articles « J’ai su dès l’age de 3 ans que j’avais un cerveau de garçon dans un corps de fille ». La journaliste interrogeait une adolescente de 14 ans préférant se faire appeler « Joe » qui se fait actuellement injecter des bloqueurs de puberté pour ne pas devenir une femme. Joe a donc un cerveau de garçon, nous annonce-t-on sans hésitation. Qu’est-ce qu’un cerveau de garçon ? L’article nous l’explique : « Il voulait porter des pantalons plutôt que des robes ; il aimait la couleur bleu, pas rose ; il préférait les pyjamas Ben 10 plutôt que ceux avec des fleurs. » Je me demande quel stade du développement in utero empêche les garçon d’aimer les fleurs. Joe nous raconte aussi ce moment décisif lorsque, à l’age de 5 ans, elle s’est coupée les cheveux avec une paire de ciseau et qu’après s’être vue dans le miroir avec des cheveux courts elle a déclaré : « je suis clairement un garçon ».

    #littérature_jeunesse #enfant #genre #transactivisme #stéréotypes #sexisme

    • Alors depuis plusieurs années, je me pose la question : comment est-ce qu’un mouvement social aussi réactionnaire, sexiste et basé sur une idéologie aussi abjecte a-t-il pu prétendre un instant s’accaparer l’attention et le soutient de personnes luttant réellement pour le progrès social ? Et comme moi de nombreuses féministes sont étonnées de voir avec quelle facilité une petite bande de néo-libéraux nord américains est parvenue à faire reculer des décennies de lutte contre les stéréotypes sexistes et à prétendre, dans un revirement incroyable, que les hommes sont maintenant les femmes les plus oppressées de la planète.

    • N’oublions pas que ces hommes sont des membres de la classe dominante éduqués à la misogynie et dont la vision des femmes est réduite à une caricature misogyne. Pendant que les féministes s’évertuent à combattre une féminité imposée, ces hommes la célèbrent et la cultivent de manière particulièrement insultante.

    • mais la conclusion de ce livre est que les comportements non conformes de Jackie tout au long de l’histoire sont des signes qu’elle n’est pas une vraie fille. Imaginons maintenant qu’une enfant tombe sur ce livre. Elle aime jouer avec des petites voitures, courir dans les bois et observer la vie des insectes. Parfois elle préférerait être un garçon pour être libre de crier et de porter des vêtements confortables. Elle ouvre les pages de ce livre et apprend qu’elle n’est pas normale, qu’une vraie fille n’aime pas ce genre de choses, que ce sont des désirs de garçons et qu’elle en est probablement un.

    • En 2015, Caitlyn (Bruce) Jenner, vedette américaine transgenre richissime et ancien champion olympique ayant reçu le prix du Courage ainsi que celui de Femme de l’Année en vertu de son pénis, déclara que « la chose la plus difficile dans le fait d’être une femme est de choisir sa garde-robe ».

  • Lire Sholem Aleykhem en temps de confinement
    https://www.en-attendant-nadeau.fr/2020/04/29/lire-aleykhem

    L’évocation du milieu interlope du théâtre juif à ses débuts passe par l’accumulation de péripéties plus ou moins vraisemblables, qui tout en maintenant un substrat réaliste rappellent constamment le roman populaire ou le roman-feuilleton, avec ses scènes mouvementées et ses aventures en cascade : arrivée du théâtre ambulant dans la bourgade juive, qui vient enchanter la vie quotidienne et provoque la fuite ou l’enlèvement rocambolesques des deux jeunes héros, ces « étoiles vagabondes » qui, comme dans la légende, s’attirent invinciblement sans jamais se rejoindre ; voyages initiatiques qui éprouvent la vocation artistique à l’aune du desserrement des restrictions de la vie traditionnelle ; accomplissement de l’art, payé au prix fort de la solitude, des trahisons amoureuses et de la culpabilité induite par le processus de rupture. Condensé par la fantaisie carnavalesque et le foisonnement du « roman comique », c’est tout le douloureux apprentissage de la modernité et de l’acquisition de l’individualité émancipée au crible de l’expérience personnelle qui est symbolisé de façon transposée à travers la verve romanesque. À la suite du processus d’émigration outre-Atlantique, la description se fait de plus en plus satirique, à mesure que la perte de l’innocence accompagne le dévoiement de l’idéalisme initial, traduisant la dégradation des valeurs par les compromissions de l’art naïf de l’origine, au profit de la marchandisation des talents, annonçant déjà le futur star-system hollywoodien et dénonçant la médiocrité du répertoire et des performances artistiques. Sholem Aleykhem, lui-même peu satisfait de ses deux séjours américains (la Première Guerre mondiale le contraint à revenir y passer les dernières années de sa vie), n’a de cesse de montrer l’envers du rêve émigrant et pastiche avec ironie le melting pot linguistique et l’abâtardissement de la langue et des coutumes du Vieux Monde.

    #Sholem_Aleykhem #livre #littérature_yiddish #Yiddish
    ping @febrile

  • Listes de #livres mis en #accès_libre par les maisons d’#édition.
    #gratuit

    Éditions La Découverte
    https://editionsladecouverte.fr/art_home/article.php?id=14351

    Dans ces circonstances exceptionnelles, La Découverte a décidé de rendre certains de ses ouvrages accessibles en ligne durant toute la durée du confinement, avec l’accord et l’enthousiasme des auteurs et autrices concerné·e·s. Nous espérons que cela vous permettra de vous occuper mais aussi que cela contribuera à votre réflexion sur l’après et vous permettra de vous projeter dans d’autres horizons.

    Chez soi de Mona Chollet (à lire ici)

    Abondance et liberté du philosophe Pierre Charbonnier (à lire ici)

    Fabuler la fin du monde de Jean-Paul Engélibert (à lire ici)

    L’An 2440 de Louis-Sébastien Mercier (à lire ici)

    * Le droit à la paresse de Paul Lafargue (à lire ici)

    Éditions Amsterdam
    https://fr.calameo.com/accounts/6196393

    Les Briques rouges
    http://www.editionsamsterdam.fr/les-briques-rouges

    Quentin Ravelli
    Les briques rouges
    Dettes, logement et luttes sociales en Espagne

    En Espagne, la brique (ladrillo) est bien davantage qu’un matériau de construction. Elle est l’un des rouages essentiel du capitalisme. Elle est au coeur de la crise de suraccumulation que connait le pays depuis le début des années 2000. Située dans la région de la Sagra en Castille, l’enquête au long cours de Quentin Ravelli, issue d’un documentaire cinématographique, parvient à reconstituer la biographie d’une marchandise ordinaire sur laquelle repose un système entier de domination économique et politique.
    « Pour Angel, la cinquantaine, le choc est ce jour-là violent : il court, nerveux et angoissé, de l’extrudeuse à la “guillotine”, du “piano” au poste de contrôle. Habitué à la tuile, il a dû se reconvertir à la brique en une matinée. Il tremble, il sue, il s’énerve pour un rien. Derrière lui, un enchevêtrement de tapis roulants grincent et crient en acheminant la terre des carrières, tandis que la grosse caisse du mélangeur d’argile, surnommé le “moulin”, pousse des râles graves qui résonnent sous les tôles à chaque passage de la meule. Devant lui, l’extrudeuse ronronne. Sous pression, elle pousse sans fin un gros ruban d’argile chaud et fumant – une brique infinie, un churro géant. »

    Le Propriétaire absent
    http://www.editionsamsterdam.fr/le-proprietaire-absent

    Takiji Kobayashi
    Le propriétaire absent

    À mi-chemin du reportage et du roman, Le Propriétaire absent peint la vie des paysans à Hokkaido dans les années 1920. Partis défricher et coloniser l’île par milliers après son annexion définitive à la fin du XIXe siècle, ces migrants découvrent les duretés de l’exploitation et de la lutte. Dans cet ouvrage, l’auteur livre, par des voies détournées, quelque chose de sa propre expérience et dénonce les abus de la Hokkaidô Takushoku Bank, qui l’emploie alors et qui s’en sépare quand paraît ce roman à charge. Après la publication du
    Bateau-usine, voici un autre ouvrage majeur de la littérature prolétarienne japonaise.

    « Les fabriques de conserves, les bâtiments de l’administration coloniale, les grandes banques, les usines de XX, les canaux, les entrepôts, les parcs, les villas, les automobiles, les bateaux à vapeurs, le quai au charbon… tout ça se mélange, ça hurle comme dans un grand tourbillon. À marcher dans cette ville saturée, on en vient même à douter que quelque part dans ce monde puissent exister des ­paysans tout tordus et couverts de boue. Herbe, montagne, épis, rivières, engrais – c’est ça, un village de paysans ! À ceci près que les habitants d’Otaru, ils n’ont peut-être jamais vu de leurs propres yeux, pas même une fois, un vrai paysan. […] La seule chose, c’est qu’on ne peut plus se laisser avoir éternellement comme des “paysans”. »

    La Petite Ville
    http://www.editionsamsterdam.fr/la-petite-ville

    Éric Chauvier
    La petite ville

    Depuis la fermeture de son abattoir, de sa mine d’or et de ses usines, la petite ville de Saint-Yrieix la Perche, située en Haute Vienne, connaît une déprise démographique et économique. Les mutations du capitalisme ont produit une ville sans qualité. Dans une enquête anthropologique où se mêlent mélancoliquement l’histoire intime du narrateur et l’histoire sociale des habitants de Saint-Yrieix, Éric Chauvier revient sur les traces de son enfance.

    « C’est ici, sur une carte mentale, la mienne probablement, dans un nœud de mémoire, à Saint-Yrieix la Perche, petite ville française du sud du département de la Haute-Vienne, que je suis né (Une nuit de neige et de vent, je m’en souviens comme si c’était hier), le 17 novembre 1971, dans une chambre de la maternité de la ville. Tout au long du xxe siècle naissent en ce lieu des milliers ­d’Arédiens – le nom donné aux habitants de Saint-Yrieix la Perche, étymologiquement référés à Arédius, le saint qui, dit-on, fonda la ville (Ton père était venu à la maternité avec tes grands-parents…). Mais aujourd’hui ce temps est révolu (C’était une nuit très froide), car ce lieu prévu pour donner la vie (Il y avait des congères le long des routes), comme la plupart des usines, comme l’abattoir, comme les magasins du centre-ville, comme les enfants courant dans les rues, criant, riant, explorant ce monde – qui va bientôt disparaître –, a disparu à jamais. »

    #littérature_prolétarienne #sciences_sociales

    Les Liens qui libèrent
    Bullshit Jobs - David Graeber
    https://fr.calameo.com/read/006196667134f1b042fa2

    #travailleurs_exposés (exposés pour leur utilité sociale pas reconnue ou bien pour le seul bénéfice des patrons)

    La Fabrique
    https://lafabrique.fr/offres-epub

    En attendant la réouverture des librairies, La fabrique vous offre 10 livres en téléchargement libre et gratuit.

    Grégoire Chamayou
    Théorie du drone

    Le drone est l’instrument d’une violence à distance, où l’on peut voir sans être vu, toucher sans être touché, ôter des vies sans jamais risquer la sienne. Cette forme de violence télécommandée, […]

    Andreas Malm
    L’anthropocène contre l’histoire

    Du delta du Nil aux cercles polaires, le constat est effrayant : la Terre se réchauffe dans des proportions qui nous mènent aujourd’hui au seuil de la catastrophe. Le concept d’Anthropocène, s’il […]

    Eric Hazan
    La dynamique de la révolte

    Un livre d’histoire ? oui et non. Oui, parce qu’on y parcourt quelque 220 ans d’émeutes, soulèvements, insurrections et révolutions, depuis la prise de la Bastille jusqu’à la chute de Ben Ali […]

    Alain Badiou, Pierre Bourdieu, Judith Butler, Georges Didi-Huberman, Sadri Khiari, Jacques Rancière
    Qu’est-ce qu’un peuple ?

    Peuple, un mot qui implique la disparition de l’État existant ? Populaire, un adjectif à travers lequel les dominés acceptent les conditions les plus défavorables à leur propre langage ? « Nous, le […]

    Mathieu Rigouste
    La domination policière

    La violence policière n’a rien d’accidentel, elle est rationnellement produite et régulée par le dispositif étatique. La théorie et les pratiques de la police française sont profondément enracinées dans le système colonial […]

    Kristin Ross
    L’imaginaire de la Commune

    William Morris, Élisée Reclus, Pierre Kropotkine : ce ne sont pas les premiers noms qui viennent à l’esprit s’agissant de la Commune de Paris. S’ils tiennent dans ce livre un rôle important, […]

    Joëlle Fontaine
    De la résistance à la guerre civile en Grèce

    Platon, Aristote, l’invention de la démocratie : c’est une tout autre image de la Grèce que montre ce livre, celle d’un pays sacrifié et humilié – comme il l’est aujourd’hui. On y […]

    Françoise Vergès
    Un féminisme décolonial

    Dans le débat public, être décolonial est une infamie. Dans les universités, dans les partis de gauche et d’extrême gauche, les syndicats, les associations féministes, partout on traque une « pensée décoloniale » infiltrée […]

    Houria Bouteldja
    Les Blancs, les Juifs et nous

    Ce livre est un cri – pas un cri de guerre, plutôt un cri de paix. Plus exactement, c’est une série de claques alternant avec des caresses. Appliquées à qui ? Aux Blancs […]

    La Révolution russe, une histoire française
    Éric Aunoble
    La Révolution russe, une histoire française

    En France, la révolution russe est devenue un repoussoir, le moment fondateur d’un totalitarisme aussi terrifiant que le nazisme. Elle n’est plus envisagée que sous l’angle de ses victimes, aussi bien dans le […]

    Les éditions Libertalia
    https://www.editionslibertalia.com/blog/epub-et-pdf-en-acces-libre

    Pour vous accompagner pendant le confinement, nous vous offrons les versions numériques de quelques-uns de nos livres.
    D’autres titres s’ajouteront ces prochains jours.
    • Mon histoire, Rosa Parks : epub (540 ko) / pdf (626 ko).
    • Trop classe !, Véronique Decker : epub (214 ko) / pdf (283 ko).
    • Appel à la vie, Raoul Vaneigem : epub (153 ko) / pdf (229 ko).
    • Les Historiens de garde, Blanc, Chéry & Naudin : epub (379 ko) / pdf (545 ko)

    Codine, Panaït Istrati : epub (152 ko) / pdf (328 ko)

    Raisons d’agir
    La Casse du siècle. À propos des réformes de l’hôpital public
    Pierre-André Juven, Frédéric Pierru et Fanny Vincent
    http://www.raisonsdagir-editions.org/wp-content/uploads/Casse_siecle_pages.pdf