• Technique du « parechoquage » : la police tue à nouveau pour un « refus d’obtempérer » - Contre Attaque
    https://contre-attaque.net/2024/03/14/technique-du-parechoquage-la-police-tue-a-nouveau-pour-un-refus-dobt

    14 mars 2024Technique policière, Violences policières

    Dans la nuit du mercredi 13 au jeudi 14 mars, un jeune homme qui circulait à scooter, à Aubervilliers en Seine-Saint-Denis, est mort après avoir été percuté par une voiture de police. Il n’avait que 18 ans et était originaire de La Courneuve. Il a été déclaré mort quelques heures après les faits, qui ont eu lieu en début de soirée. Il avait été victime d’un premier arrêt cardiaque, puis avait été réanimé et transporté à l’hôpital où il est décédé.

    Selon un témoin de la scène, « il y avait 2 personnes sur le scoot’ et la voiture de police a coupé la route, ils ont tamponné le mec et après il est rentré dans la camionnette ».

    Cette technique, appelée « parechoquage », consiste à percuter une personne pour l’arrêter. Sa légalisation est réclamée par les syndicats policiers depuis des années. Eric Zemmour avait ainsi déclaré : « Je suis favorable à ce que les Anglais font depuis quelques mois, c’est-à-dire ce qu’ils appellent le contact tactique ».

    Même si elle n’est pas légale en France, cette technique est utilisée par les policiers. Le 6 septembre dernier, à Élancourt, en banlieue parisienne, un adolescent de 16 ans est décédé après avoir été pris en chasse par une voiture de police. Un deuxième véhicule de police s’est mis sur son chemin et l’a percuté.

    Jeudi 13 avril 2023 à Paris, trois adolescents sur un scooter étaient percutés par une voiture de police. Une jeune fille de 17 ans avait été placée dans le coma et un jeune de 14 ans était hospitalisé dans un état grave. Les policiers avaient ouvert leur portière pour déstabiliser le scooter. Grâce aux images, trois policiers avaient été mis à pied.

    En 2007 déjà, deux jeunes avaient été tués à Villiers-le-Bel de la même manière, provoquant d’importantes émeutes.

    Pour rappel, les policiers ne peuvent engager une course-poursuite que pour les délits les plus graves. Et pas pour des refus d’obtempérer, qui sont exclus des consignes officielles. Les agents disent avoir poursuivi le jeune homme parce qu’il n’avait pas son casque. Justification encore plus absurde : on ne fonce pas sur une personne qui est particulièrement exposée car non protégée. D’ailleurs, les enfants d’Eric Zemmour et de Nadine Morano, qui commettaient des délits routiers sous l’emprise de drogue, ont été arrêtés tranquillement et sans être blessés.

    La police ne se contente pas de tuer ou mutiler avec ses armes ou ses méthodes d’arrestation, elle est aussi un danger sur la route. Le 12 décembre, en plein Paris, un homme de 84 ans était décédé après avoir été percuté, en plein jour, alors qu’il traversait sur un passage piéton au vert, par une colonne de policiers à moto de la BRAV. Le 18 décembre, à Senlis dans l’Oise, un homme âgé de 82 ans est mort après avoir été renversé par des gendarmes au niveau d’une station service. C’était à 16h30, alors qu’il faisait jour et que l’octogénaire traversait la rue. Samedi 23 décembre à Saint-Pierre-des-Corps, un jeune homme a été percuté par une voiture de police dans des circonstances troubles. Décédé lui aussi.
    Ces morts, par négligence ou par envie de « parechoquer » des êtres humains, s’ajoutent à la longue liste des vies volées par la police française.

    • Mort dans une collision avec la police en Seine-Saint-Denis : la famille du jeune homme décédé dépose plainte contre les policiers de la BAC
      https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/police/mort-dans-une-collision-avec-la-police-en-seine-saint-denis-la-famille-

      La famille du jeune homme décédé mercredi soir dans une collision avec une voiture de police à Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, dépose plainte contre les policiers, a appris vendredi 15 mars franceinfo auprès de son avocat Yassine Bouzrou, confirmant une information du Parisien. Le jeune homme est mort après avoir été percuté à scooter par une voiture de la BAC à la suite d’un refus d’obtempérer. La plainte sera déposée « du chef de violences volontaires, ayant entraîné la mort sans intention de la donner et de violences volontaires aggravées ».

      La famille, par la voix de leur avocat, conteste la version des policiers. Selon le parquet de Bobigny, « l’ensemble des vidéos de voie publique ont été récupérées » et « les premières exploitations confirment que le véhicule de police a dû se déporter de sa file de circulation, en raison d’une priorité non respectée d’un véhicule en cours d’identification ». C’est ainsi que le véhicule de police « s’est retrouvé face au scooter qui arrivait en sens inverse à vive allure après avoir déboîté pour doubler ». Une version également confirmée par les images de vidéosurveillance de l’accident diffusées jeudi soir par France 2.

      Le préfet de police de Paris soutient les policiers

      Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, affirme quant à lui que « cette vidéo corrobore en tout point ce que m’ont décrit mes effectifs » et qu’il n’a donc « aucune raison de remettre en cause la version de [ses] policiers ». Le préfet de police se dit « en totale solidarité avec [ses] effectifs » et ne laissera « pas dire que c’est un acte volontaire ».

    • « C’est la loi qui a permis à la police de tuer nos frères ! »
      https://www.flagrant-deni.fr/cest-la-loi-qui-a-permis-a-la-police-de-tuer-nos-freres

      Neuf mois après la mort de Nahel, l’Assemblée planche sur l’article L435-1 du Code de sécurité intérieure, largement dénoncé comme offrant un permis de tuer à la police. Interview croisée d’Amal Bentounsi, Mahamadou Camara et Issam El Khalfaoui, qui dénoncent le racisme institutionnalisé derrière ce texte de loi.

      Marche 21 Avril 2024
      https://marche21avril2024.my.canva.site/appelmarchecontreracismes

    • Racisme d’État
      Mort de Wanys : les personnels de l’éducation de la Courneuve dénoncent « un crime policier »
      https://www.revolutionpermanente.fr/Mort-de-Wanys-les-personnels-de-l-education-de-la-Courneuve-den

      En grève depuis maintenant 4 semaines, les personnels d’éducation de la Courneuve ont voté ce mardi un communique de solidarité envers les proches de Wanys, tué par la police. Un exemple important face au racisme d’État.

      Alors que le personnel de l’Éducation nationale est en grève depuis près de 4 semaines dans le 93 et que la mobilisation commence à s’étendre dans le 94 et le 95, Wanys, un jeune de 18 ans a été tué par la police ce 13 mars à Aubervilliers. Dans le cadre de la journée nationale de grève dans la fonction publique, la communauté éducative de la Courneuve, réunie en assemblée générale, a communiqué son soutien à la famille de Wanys et a appelé à participer à leur combat. Une démonstration de solidarité exemplaire.

      Ce 19 mars fut une journée de mobilisation contrastée dans la fonction publique. De fait, si 100 000 personnes ont défilé ce mardi dans les rues, la mobilisation de l’Éducation nationale enregistre un recul dans par rapport à la journée nationale de grève du 1er février. Ainsi, tandis que 47 % des professeurs du secondaire étaient en grève le 1er février, ils étaient 30 % de grévistes dans le secondaire ce 19 mars.

      Pour autant, la situation nationale contraste fortement avec la dynamique de grève du personnel de l’éducation dans le 93 qui dure depuis le 26 février pour exiger un plan d’urgence face au manque de moyens. En effet, depuis maintenant 4 semaines les travailleurs de l’éducation s’organisent avec les parents d’élèves dans des assemblées de quartiers, mènent des actions coup de poing en envahissant le rectorat de Versailles ou encore, s’organisent avec leurs élèves en manifestation et en faisant des vidéos sur TikTok.

      C’est dans ce contexte, que dans la nuit du 13 mars, à Aubervilliers, Wanys, un jeune de 18 ans a perdu la vie après avoir été percuté par une voiture de police qui le poursuivait. Si les policiers se sont empressés de qualifier sa mort d’accident survenu à la suite d’un « refus d’obtempérer », ils ont rapidement été contredits par une vidéo circulant sur internet. Dans la nuit de dimanche, une cinquantaine de jeunes ont attaqué le commissariat de la Courneuve pour exprimer leur colère. Alors que depuis 4 semaines, l’État refuse la mise en place d’un plan d’urgence comme le réclament les professeurs en grève, il lui aura fallu moins de 24 heures pour déployer des blindés et des snipers en urgence face à la nouvelle vague de colère.

      Pour ceux qui sont ses anciens enseignants ou ses voisins, l’injustice est frappante. Ainsi, ce 19 mars la communauté éducative de la Courneuve, réunie en assemblée générale, a communiqué son soutien à la famille de Wanys et a appelé à participer à leur combat. Une démonstration de solidarité qui est à suivre, car on aurait tort de penser que la mort de Wanys est sans rapport avec le manque de moyens pour l’éducation dans le 93. Ce sont tous les deux des expressions d’un racisme d’Etat qui opprime les quartiers populaires et qui doit être combattu par un front large comme nous le montre le personnel d’éducation de la Courneuve.

      Communiqué de la communauté éducative de La Courneuve réunie en assemblée générale le 19 mars

      Nous avons appris la mort de Wanys Rahou, tué par une voiture de police la semaine dernière à Aubervilliers. Ce nouveau crime policier endeuille toute la ville : Wanys était pour beaucoup d’entre nous un ancien élève, un voisin, un proche de nos élèves ou enfants. Les vidéos choquantes qui ont circulé sur les réseaux sociaux montrent la brutalité de l’action des forces de l’ordre, qui a amené à la blessure grave d’un autre jeune, également sur le scooter de Wanys.

      Nous partageons nos condoléances et notre soutien à leurs proches. Nous souhaitons rappeler une vérité simple : aucun•e jeune ne mérite de voir sa vie fauchée, pour quelque raison que ce soit. Cette mort s’inscrit dans une continuité de violences et de discriminations racistes que vivent nos élèves et enfants dès le plus jeune âge, de l’orientation scolaire subie aux contrôles policiers abusifs, contre laquelle nous nous insurgeons et que nous dénonçons pour beaucoup depuis longtemps. Combien encore d’élèves, d’ancien•nes élèves, de jeunes devront nous encore pleurer avant que cela ne cesse ?

      Nous revendiquons une école de la justice sociale, une école émancipatrice, une école qui permette à chaque jeune de vivre sa vie pleinement en grandissant. Nous revendiquons pour cela un plan d’urgence depuis plusieurs semaines déjà, dans un département qui cumule les difficultés sociales et la stigmatisation raciste de sa jeunesse. Face à cela, c’est à une nouvelle preuve de la violence policière que nous assistons.

      Depuis la mort de Wanys, tant de questions se posent à nous, personnel•les d’éducation et parents : comment protéger les jeunes ? Comment écouter leur colère ? Comment les accompagner et les soutenir face à ces violences ? Comment leur transmettre des valeurs essentielles comme la justice et l’égalité ? Les mots nous manquent souvent, et nous dénonçons qu’aucune mesure n’ait été prise par beaucoup de directions d’établissement en direction de la communauté éducative depuis le 13 mars (communication aux familles, cellule psychologique, temps banalisé,...). L’école que nous souhaitons et que nous vivons n’est pas fermée sur elle-même, imperméable à la vie de nos élèves et enfants.

      Nous dénonçons la réponse de l’État depuis la semaine dernière, qui a jugé opportun de mobiliser toujours plus de force policière dans la ville : 50 interpellations de jeunes pacifiques dimanche soir, 9 garde-à-vues. Nous demandons que le rôle des personnel•les d’éducation et des parents comme éducateurs et éducatrices soit remis au centre. Une nouvelle débauche de violence n’atténuera jamais la colère légitime des enfants et adolescent•es de La Courneuve, et ne réparera en rien le choc de la mort de Wanys. Nous nous étonnons que lorsqu’il s’agit de moyens policiers démesurés (chars blindés, sniper,...), le plan d’urgence se réalise plus vite que lorsque des établissements s’effondrent et qu’il manque des personnel•les d’éducation face aux jeunes.

      Enfin, nous exprimons notre soutien à la famille de Wanys dans leur quête de vérité et de justice, et notamment à la plainte déposée auprès du tribunal. Nous appelons à participer aux cagnottes en soutien à leur deuil et à leur combat. Nous participerons, en recueillement, à la marche blanche de jeudi, au départ de la mairie de la Courneuve.

      La communauté éducative de La Courneuve réunie en assemblée générale le 19 mars

    • Marche pour Wanys : « Personne ne devrait mourir comme ça » - Bondy Blog
      https://www.bondyblog.fr/societe/marche-pour-wanys-personne-ne-devrait-mourir-comme-ca

      Huit jours après le décès de Wanys R. dans une collision avec une voiture de police à Aubervilliers, près d’un millier de personnes ont participé à une marche blanche à La Courneuve, sa ville d’origine, pour réclamer justice.

  • SAINTE SOLINE, AUTOPSIE D’UN CARNAGE

    Le 25 mars 2023, une #manifestation organisée par des mouvements de défense de l’environnement à #Sainte-Soline (#Deux-Sèvres) contre les #megabassines pompant l’#eau des #nappes_phréatiques pour l’#agriculture_intensive débouche sur de véritables scènes de guerre. Avec près de 240 manifestants blessés, c’est l’une des plus sanglantes répressions de civils organisée en France depuis le 17 octobre 1961 (Voir en fin d’article le documentaire de Clarisse Feletin et Maïlys Khider).

    https://www.off-investigation.fr/sainte-solineautopsie-dun-carnage
    Vidéo :
    https://video.off-investigation.fr/w/9610c6e9-b18f-46b3-930c-ad0d839b0b17

    #scène_de_guerre #vidéo #répression

    #Sainte_Soline #carnage #méga-bassines #documentaire #film_documentaire #violences_policières #violence #Gérald_Darmanin #résistance #militarisation #confédération_paysanne #nasse
    #off_investigation #cortège #maintien_de_l'ordre #gaz_lacrymogènes #impuissance #chaos #blessés #blessures #soins #élus #grenades #LBD #quads #chaîne_d'élus #confusion #médic #SAMU #LDH #Serge_Duteuil-Graziani #secours #enquête #zone_rouge #zone_d'exclusion #urgence_vitale #ambulances #évacuation #plainte #justice #responsabilité #terrain_de_guerre #désinformation #démonstration_de_force #récit #contre-récit #mensonge #vérité #lutte #Etat #traumatisme #bassines_non_merci #condamnations #Soulèvements_de_la_Terre #plainte

    à partir de 1h 02’26 :

    Hélène Assekour, manifestante :

    « Moi ce que je voudrais par rapport à Sainte-Soline c’est qu’il y ait un peu de justice. Je ne crois pas du tout que ça va se faire dans les tribunaux, mais au moins de pouvoir un peu établir la vérité et que notre récit à nous puisse être entendu, qu’il puisse exister. Et qu’il puisse même, au fil des années, devenir le récit qui est celui de la vérité de ce qui s’est passé à Sainte-Soline ».

    • question « un peu de vérité », il y avait aussi des parlementaires en écharpe, sur place, gazé.es et menacé.es par les quads-à-LBD comme le reste du troupeau alors qu’ils protégeaient les blessés étendus au sol ; personne n’a fait de rapport ?

      Il y a eu une commission d’enquête parlementaire aussi, je crois, qui a mollement auditionné Gérald ; pas de rapport ?

  • 52% de policiers et gendarmes interrogés dans une étude considèrent que le succès de la mission prime sur le respect de la loi

    Des policiers et gendarmes ont répondu de manière volontaire à un questionnaire de la Défenseure des droits concernant leur pratique en matière de maintien de l’ordre et de secours à la personne.

    Plus de la moitié des policiers ou gendarmes (51,8%) considèrent que mener à bien leur mission est prioritaire sur le respect de la loi, selon une étude dévoilée mardi 27 février par la Défenseure des droits. Il s’agit d’un questionnaire rempli de manière volontaire et anonyme par 976 gendarmes et 655 policiers répartis sur sept départements. L’institution met en avant les perceptions « contrastées » des pratiques professionnelles des forces de l’ordre au sein de ces dernières.

    Si l’usage de la force pour obtenir des aveux est réprouvé par plus de 9 répondants sur 10, près de 6 sur 10 considèrent que dans « certains cas » (non précisés), l’utilisation de plus de force que ce qui est prévu dans les textes devrait être tolérée. Cette opinion est encore plus fortement répandue chez les policiers (69,1%, contre 54,2% chez les gendarmes). Une vision répressive du métier confirmée par le fait que plus de la moitié d’entre eux, policiers et gendarmes confondus, estiment que leur mission première est de faire respecter la loi, et d’arrêter les « délinquants », plutôt que de secourir les personnes en danger (un sur quatre), ou encore protéger les institutions républicaines (4%). Par ailleurs, seul un gendarme sur trois et moins d’un policier sur quatre (23,3%) pense que l’on peut faire confiance aux citoyens pour se comporter comme il faut.

    Les forces de l’ordre se considèrent aussi insuffisamment formées

    Les membres des forces de l’ordre interrogés pointent également du doigt le manque de formation au sein de leurs rangs : un sur cinq affirme connaître « bien » ou « parfaitement » la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, tandis que près de la moitié d’entre eux (45,7%) s’estime insuffisamment formée en matière de droits des citoyens et de règles de déontologie.

    L’étude révèle enfin l’œil critique qu’exercent les professionnels sur les contrôles d’identité : près de 40% des policiers et des gendarmes jugent que les contrôles fréquents ne sont pas ou peu efficaces pour garantir la sécurité d’un territoire.

    https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/police/plus-d-un-policier-ou-gendarme-sur-deux-considere-que-le-succes-de-sa-m

    #France #police #gendarmes #forces_De_l'ordre #étude #Défenseur_des_droits #maintien_de_l'ordre #mission #respect_de_la_loi #secours_de_personne_en_danger #formation #droits_fondamentaux #droits_humains #déontologie #contrôles_d'identité

  • Les nouvelles grenades du maintien de l’ordre - POLITIS
    https://www.politis.fr/articles/2024/02/eclats-et-traumatismes-sonores-les-nouvelles-grenades-du-maintien-de-lordre

    Début novembre, Politis dévoilait en exclusivité le résultat de la dernière commande de grenades de l’État, pour plus de 78 millions d’euros, la plus importante depuis plus de dix ans. En y regardant de plus près, plusieurs de ces grenades de maintien de l’ordre sont encore inconnues.Au milieu de cet achat, on trouve des « grenades à main à effet sonore », le lot n°7. Apparues en 2022, ces armes, classées comme « matériel de guerre », produisent un très fort effet assourdissant. Deux entreprises vont se les partager, et c’est Rivolier qui en remporte la plus grande partie. L’entreprise importe des armes de maintien de l’ordre via sa branche « sécurité-défense ». Mais aucune information n’est disponible sur cette arme.

    • « C’est un modèle de chez Condor », révèle à Politis une source policière. Une information confirmée par des documents techniques que nous avons pu nous procurer auprès de forces de l’ordre. Il s’agit de la #grenade_GL-307. Sous ce nom, on retrouve bien une « grenade à effet sonore ». Sur la fiche technique du fabricant brésilien, le descriptif parle de lui-même. « La grenade à effet sonore GL-307 a été conçue pour produire un effet de souffle bruyant et un aveuglement intense dans les opérations de contrôle des émeutes. » Avec un pictogramme « Ne pas ramasser » inscrit dessus, elle explose au bout de 2,5 secondes.

      Les grenades assourdissantes engendrent « un risque de traumatisme majeur » selon un spécialiste, consulté par Politis. (DR.)

      « À ce niveau, les dommages sur l’audition sont irréversibles »

      Son niveau sonore atteint des records dans l’arsenal français. Avec, jusqu’à 165 décibels à 10 mètres, elle surpasse le modèle actuel qui monte déjà à 160 dB. D’après BruitParif, l’observatoire du bruit en Île-de-France, « le seuil de douleur pour les oreilles est atteint à 120 décibels. À ce niveau, les dommages sur l’audition sont irréversibles. » Selon la documentation de Condor, à une distance de 2 mètres, l’intensité de la grenade de maintien de l’ordre atteint 175 dB.

      À titre de comparaison, même si l’envergure est différente, l’explosion de l’usine chimique d’AZF en septembre 2001 à Toulouse a provoqué un pic sonore inférieur. Estimée à 170 dB, l’explosion a provoqué de graves séquelles auditives pour les victimes (...)

      Avec cet achat de plus de 78 millions d’euros, le gouvernement s’équipe de douze grenades de maintien de l’ordre différentes. Quatre fumigènes, quatre lacrymogènes, trois assourdissantes et une assourdissante et lacrymogène. Plusieurs projettent des fragments pouvant gravement blesser. De quoi faire face à tout type de contestation.

      Maintien de l’ordre : de nouveaux lance-grenades de 40 mm
      https://www.politis.fr/articles/2023/12/maintien-de-lordre-de-nouveaux-lance-grenades-de-40-mm

      Contrairement aux multicoups actuels qui disposent d’un barillet, ce nouveau modèle disposera de deux canons à la place. Depuis plusieurs années, les CRS qui utilisent les lanceurs six coups à barillets se plaignent de dysfonctionnements à répétition tels que l’enrayement régulier de l’arme. Testé depuis plus d’un an, ce nouveau type de lanceurs à double canon était surnommé, à ses débuts, « LGBT » pour « lance-grenades bi-tubes ». D’après l’appel d’offres, il sera accompagné de gilets permettant « d’emporter et d’utiliser rapidement une dotation de 20 grenades complètes ».

      [...]
      Ces dernières années, les commandes de matériel de maintien de l’ordre ont explosé. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, ce sont environ 380 millions d’euros qui ont été dépensés, en comptant les commandes en cours, comme celle du lance-grenades à double canon. Dans ces achats, on retrouve des armes, mais aussi les blindés de la gendarmerie Centaure, des fourgons aménagés pour le maintien de l’ordre et avec d’autres équipements. En mai 2023, une commande pour des boucliers et casques a également été lancée pour 40 millions d’euros.

      #maintien_de_l’ordre #police #armes_de_la_police #grenades_assourdissantes #lance-grenades

  • La France condamnée par la CEDH pour une nasse policière dans une manifestation en 2010
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/08/la-france-condamnee-par-la-cedh-pour-une-nasse-policiere-dans-une-manifestat

    La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné, jeudi 8 février, la France pour le recours sans base légale à une nasse policière lors d’une manifestation [pour les retraites] en 2010 à Lyon, estimant qu’il y avait eu des violations des #libertés de circulation, de réunion et d’expression. C’est la première fois que la France est condamnée pour cette pratique policière d’encerclement de manifestants, selon une source au sein de la cour.
    La CEDH note cependant que si l’utilisation d’une nasse policière était dépourvue de cadre légal à l’époque des faits, il y a près de quinze ans, le ministère de l’intérieur a, depuis, publié un nouveau schéma national de #maintien_de_l’ordre, en décembre 2021, qui encadre cette technique dans la doctrine des forces de l’ordre.
    [...]
    L’avocat des requérants, Me Patrice Spinosi, a salué « une victoire de principe, qui démontre que l’usage de la pratique des “nasses” ou de “l’encerclement” (…) était illicite en France avant l’entrée en vigueur du schéma national du maintien de l’ordre, en décembre 2021 ».
    « Selon la CEDH, le fait que cette pratique soit désormais encadrée n’équivaut pas à un blanc-seing pour les forces de l’ordre. Elle juge que l’usage disproportionné du “nassage” est susceptible de porter atteinte non seulement à la liberté d’aller et venir mais encore à la liberté d’expression », ajoute Me Spinosi dans une réaction transmise à l’Agence France-Presse.

    #CEDH Police #nasse #En_marche

  • J. Sapori : « La police nationale traverse une crise sans précédent sous la Cinquième République » - Actu-Juridique
    https://www.actu-juridique.fr/justice/j-sapori-la-police-nationale-traverse-une-crise-sans-precedent-sous-l

    En 2023, le nombre d’homicides a passé la barre symbolique du millier, en progression de 19% sur quatre ans !

    #homicides #brutalisation #police #cogestion #syndicats_policiers #maintien_de_l'ordre #police_judiciaire #atteintes_aux_personnes #grande_criminalité

    • La monsieur envisage les stratégies de réforme possibles : virer la police et tout miser sur la gendarmerie

      Entre continuer à ne rien faire et entamer un bras de fer périlleux avec les syndicats, il resterait, pour le ministère, la possibilité d’une stratégie médiane, écartant à la fois la stagnation mais, aussi l’hypothèse d’une réforme ambitieuse. Je m’explique. La Police Nationale et la Gendarmerie Nationale sont deux institutions conçues « en miroir », chacune disposant de services qui, dans une certaine mesure, doublent ceux de l’autre « maison ».

      Les Groupements Départementaux de la Gendarmerie sont des alter ego des Directions Départementales de la Police, la Gendarmerie Mobile l’est des CRS, tandis que les Sections de Recherche sont des duplicatas des services territoriaux de la Police Judiciaire. Il serait finalement assez aisé de renforcer les structures de la Gendarmerie au détriment de celles d’une Police Nationale considérée désormais comme ingouvernable. Je ne sais pas si cette stratégie sera mise en œuvre (elle risquerait de faire « tiquer » Bercy : un gendarme, ça coûte environ 25 % plus cher qu’un policier, puisqu’il est logé) mais de toute manière, même si c’était le cas, elle ne sera pas annoncée. Il existe quand même un voyant, qui permettra de constater que le processus est amorcé : l’évolution des effectifs des Sections de Recherche de la Gendarmerie, destinées peut-être, à terme, à remplacer l’antique Police Judiciaire dans la lutte contre la grande criminalité.

    • Ce commissaire divisionnaire retraité dit plutôt redouter que cela arrive (tout en espérant que cela coûte trop cher pour que ce soit fait) et qu’une police efficace nécessite un ministre qui ne soit pas un paltoquet de communicant mais un politique (Joxe pour modèle), l’instauration (ou réinstauration) de directions centrales de services et fonctions policières spécialisés, des formations elles-aussi adaptées à la spécificité des missions sans prétendre à une polyvalence aussi générale que vide de contenu, et prône la sempiternelle « simplification des procédures ».

  • Crosse en l’air ?
    https://lundi.am/Crosse-en-l-air

    Que les agriculteurs connaissent une impunité aussi remarquable en regard du nombre de détenus dans les prisons françaises et ne subissent pas, jusqu’à présent, les férocités policières et judiciaires toujours ordinaires mais de plus en plus banalisées depuis une dizaine d’années est chose appréciable.
    C’est ce que subissent les diverses autres masses de manifestants qui relève de l’insupportable.

    #maintien_de_l'ordre #violences_policières #double_standard

  • Piéton tué par la #BRAV-M : des policiers avaient alerté sur la #dangerosité des motards

    « Devons-nous attendre un accident mortel pour réagir ? » Deux mois avant la mort d’un piéton en décembre dernier à Paris, une quinzaine de policiers de cette unité décriée avaient dénoncé, en vain, la dangerosité de leurs #motards dans des rapports accablants. Depuis plusieurs années, les blessés s’accumulent.

    À la préfecture de police de Paris, l’annonce, le 12 décembre, de la mort d’un homme de 84 ans, percuté par une moto de la brigade de répression de l’action violente motorisée (BRAV-M) alors qu’il traversait un passage piéton dans le XIXe arrondissement de Paris, n’a pas surpris tout le monde. Notamment dans les rangs des compagnies d’intervention (CI), mobilisées à tour de rôle pour grimper à l’arrière des motos au sein de ces équipages décriés pour leur violence depuis leur création, en 2019, en plein mouvement des « gilets jaunes ».

    Casque blanc à l’avant pour le pilote, noir à l’arrière pour son passager, vêtements sombres, motos de sport banalisées : les BRAV-M sont déployées au coup par coup pour des missions de maintien de l’ordre à Paris, et de « sécurisation » dans les quartiers réputés difficiles en banlieue.

    Le 7 octobre 2023, soit un peu plus de deux mois avant la mort du piéton − qui fait l’objet d’une enquête judiciaire pour « homicide involontaire » −, une quinzaine de policiers passagers des BRAV-M avaient transmis à leur hiérarchie des rapports pointant du doigt la dangerosité et l’illégalité de la conduite de leurs collègues.

    Dans ces écrits, consignés au terme d’une journée particulièrement chaotique, ils signifiaient également leur refus de continuer de monter derrière des pilotes décrits comme hors de contrôle, évoquant une accumulation d’accidents et de blessés et des alertes émises auprès de responsables de la DOPC (direction de l’ordre public et de la circulation) de la préfecture de police depuis « des mois voire des années ». Vitesse folle, prise de risques inconsidérée et injustifiée, absence de contrôle hiérarchique : le contenu de ces rapports, consultés par Mediapart, est effarant.

    Ce samedi 7 octobre, des équipages de la BRAV-M, dont la devise est « Born to ride » (« Né pour rouler », en anglais), sont affectés à plusieurs missions de sécurisation un peu partout à Paris. Certaines motos sont stationnées au stade Charléty, dans le sud de la capitale, où le Paris Football Club doit affronter l’AJ Auxerre pour un match de ligue 2. D’autres patrouillent place de la Bastille ou boulevard Magenta, près de la place de la République.

    En fin d’après-midi, une des unités voit un scooter brûler un feu rouge rue de Bagnolet, dans l’Est parisien. Les policiers tentent d’interpeller le conducteur, qui ne s’arrête pas. L’annonce de ce « refus d’obtempérer » circule sur les ondes et, sans attendre aucun ordre, des motards, même ceux du stade Charléty (à une dizaine de kilomètres de là), décident de se joindre à la course-poursuite.

    Le scooter pris en chasse s’engage sur le périphérique saturé, puis sur l’autoroute, où il finit par chuter au niveau de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. Pendant ce temps, les motos de la BRAV-M convergent d’un peu partout dans Paris, à très grande vitesse.
    Plus de 180 kilomètres-heure

    Dans leurs rapports, les policiers passagers racontent : « Les motards ont décidé de partir à très vive allure, roulant à plus de 100 km/h en ville et slalomant entre les véhicules. Ils ont continué leur progression en interfile à 145 km/h sur un périphérique saturé. C’est inadmissible. Les motards ne sont pas conscients des risques qu’ils prennent pour leur propre vie, celles de leurs passagers, et celles des citoyens. D’autant plus que le Code de la route est complètement bafoué », écrit l’un d’entre eux, qui conclut : « Devons-nous attendre qu’il y ait un accident mortel pour réagir ? »

    Un autre relate que le pilote « a dépassé les 180 km/h [...] après avoir pris tous les risques possibles tout en étant conscient qu’à tout moment la moindre collision s’avérerait mortelle ». « Nous arrivons bien évidemment après l’intervention », ajoute-t-il. « Certains pilotes sont partis tellement vite qu’ils ont laissé leur passager sur place, avec le casque d’un passager encore attaché à la moto », précise encore le rapport.

    L’un des policiers passagers, équipé pour les opérations de maintien de l’ordre, explique s’être senti particulièrement vulnérable alors que la moto « slalomait entre les différents véhicules à vive allure ». « Après avoir fait part à un motocycliste du danger que représente la prise au vent [d’]un bouclier à de telles vitesses, celui-ci me répondra qu’à ma place il l’aurait lâché », relate-t-il. Un des fonctionnaires explique aussi avoir perdu une grenade goupillée place de la Bastille, et que le pilote aurait refusé de s’arrêter pour qu’il la ramasse…

    Plus grave encore, les policiers passagers des BRAV-M insistent sur le fait que ces comportements, à l’origine de « nombreuses blessures », ont été signalés à la hiérarchie de la DOPC à plusieurs reprises, et ce depuis des années. Sans, visiblement, que les motards aient fait l’objet d’un rappel à l’ordre.

    « Il ne se passe pas une vacation sans qu’il n’y ait une chute fortuite, et malgré de nombreuses discussions, rien ne semble changer », se plaint un fonctionnaire. « Il existe depuis de longs mois voire des années des griefs par rapport à leur conduite », explique un autre, évoquant une réunion en juin 2023 provoquée par « des accidents à répétition ». « Malgré de nombreuses blessures en service ainsi que de multiples discussions, il semblerait que les problèmes de comportement persistent et que les risques encourus ne cessent d’augmenter semaine après semaine », dit un troisième.

    –---

    Les BRAV-M, des unités uniques en France

    La première intervention officielle des BRAV-M (brigades de répression de l’action violente motorisées) dans les manifestations parisiennes date du 23 mars 2019, en plein mouvement des « gilets jaunes », sous la houlette du tout nouveau préfet de police de l’époque, Didier Lallement – remplacé par Laurent Nuñez à l’été 2022. Mais ces unités étaient déjà en gestation. Dès décembre 2018, sur décision du ministre de l’intérieur Christophe Castaner et du préfet Michel Delpuech, des binômes de policiers motorisés, interdits depuis la mort de Malik Oussekine en 1986, refont leur apparition dans les rues de Paris.

    Au départ, ce sont essentiellement des agents des brigades anticriminalité (BAC), non formés au maintien de l’ordre, qui sont mobilisés au sein de ces équipages. Car la particularité de la BRAV-M est qu’elle n’est pas une unité à proprement parler : depuis 2020, elle est composée d’agents appartenant aux compagnies d’intervention (CI) de la préfecture de police de Paris, mobilisés ponctuellement pour grimper à l’arrière des motos comme passagers. À l’avant, les motards, 150 policiers environ, appartiennent eux aussi à une compagnie d’intervention, « la 24 ».

    Déployées au coup par coup en fonction des événements prévus dans la capitale, les BRAV-M sont réparties en équipages de 18 motos organisées en trinômes. Elles sont devenues le symbole ambulant de ce que les manifestant·es reprochent aux forces de l’ordre françaises : une violence imprévisible, indiscriminée et gratuite.

    –---

    Pourquoi ces alertes et ces rapports sont-ils restés sans suite pendant des mois ? Selon nos informations, les écrits envoyés par les policiers le 7 octobre n’ont pas été enregistrés par la hiérarchie de la DOPC dans le système de courrier de la préfecture de police, baptisé « Alice », comme le veut la procédure.

    Les fonctionnaires auteurs des rapports n’ont été convoqués qu’à la mi-janvier, soit plus de trois mois après les incidents signalés, dans le cadre d’une « procédure d’enquête administrative ». Des convocations tombées, donc, quelques semaines après l’accident qui a causé la mort du piéton dans le XIXe arrondissement.

    Selon les informations de Mediapart, les procès-verbaux de convocation à ces auditions sont en effet datés du mois d’octobre, mais ne comportent aucune référence « Alice », ce qui interroge sur la réalité de la temporalité de la procédure.
    Le préfet de police pas informé

    Un autre détail pose question : l’enquête administrative chargée de faire la lumière sur les incidents du 7 octobre a été confiée à Patrick Lunel, qui n’est autre que… le responsable des motards de la BRAV-M mise en cause par leurs collègues. Patrick Lunel est par ailleurs connu pour avoir été commandant de la CSI 93, la compagnie de sécurisation et d’intervention de la Seine-Saint-Denis, quand elle s’est retrouvée au cœur d’une retentissante série de scandales.

    Une vingtaine d’enquêtes judiciaires avaient été ouvertes en 2019 et 2020 par le parquet de Bobigny pour des faits de vols, violences et faux en écriture publique. La majorité ont été classées faute de preuves, selon une source judiciaire, mais plusieurs des policiers de la CSI 93 ont été renvoyés devant la justice, et certains condamnés à de la prison ferme.

    Sollicité via la préfecture de police, Patrick Lunel n’a pas répondu à nos questions.

    Interrogée sur le contenu de ces rapports et l’absence de suites, la préfecture de police nous a indiqué que « les rapports des agents, transmis par mail un dimanche, ont été portés sans délai à la connaissance de l’ensemble de la chaîne hiérarchique, l’absence d’enregistrement par numéro ALICE n’ayant aucune incidence sur la remontée et la prise en compte d’information ».

    « Le délai de trois mois entre le déclenchement de l’enquête administrative et les premières auditions se justifie par la nécessité d’instruire l’ensemble des rapports, les contraintes opérationnelles, et la programmation de plusieurs actes s’agissant d’une affaire dans laquelle aucun blessé n’est à déplorer et alors même que le préfet de police, dès le 11 octobre, avait reçu l’ensemble de l’encadrement de la BRAV-M pour rappeler les règles de déontologie, notamment la nécessité de circuler à allure normale hors cas d’intervention d’urgence », a-t-elle justifié.

    « Le préfet de police tient à préciser que toute la lumière sera faite sur cette enquête administrative sur des faits qui se déroulaient dans le cadre initial d’un refus d’obtempérer commis par un individu finalement interpellé dans un secteur sensible de Seine-Saint-Denis où ont eu lieu de nombreuses prises à partie d’effectifs et nécessitant l’envoi de renforts dans les meilleurs délais », nous a encore précisé la préfecture.

    La hiérarchie de la DOPC a-t-elle dissimulé au préfet la colère qui montait dans les rangs des BRAV-M ? « Le préfet de police a été informé des crispations liées à la vitesse (c’est à ce titre qu’il reçoit les encadrants le 11 octobre), sans être informé précisément du fait du 7 octobre », nous a-t-on répondu.

    Autre interrogation : alors que les rapports du 7 octobre font état de « nombreux blessés en service », combien de policiers ont été blessés dans des accidents causés par les motards de la BRAV-M ? « À ce jour, la direction de l’ordre public et de la circulation recense contre les pilotes de la BRAV-M quatre cas de faute lourde de pilotage, avec blessé. Des enquêtes ont été ouvertes pour chacun des cas », indique la préfecture.

    Au moins un de ces accidents a eu des conséquences dramatiques. Selon nos informations, une jeune gardienne de la paix affectée dans une compagnie d’intervention a été grièvement blessée en juin 2022 dans un carambolage sur le périphérique parisien au niveau de la porte de la Villette alors qu’elle était passagère dans un équipage de la BRAV-M, accident dont elle conserve de graves séquelles.

    À ce sujet, la préfecture de police nous a indiqué que cet accident a fait « l’objet d’une enquête administrative, dont les conclusions ont été rendues : un conseil de discipline doit avoir lieu en mars 2024 ». « Dans l’attente, l’agent en cause a changé d’affectation et n’exerce plus sur la voie publique. L’enquête judiciaire est toujours en cours, elle est effectuée par l’IGPN [Inspection générale de la police nationale – ndlr] », a-t-elle précisé.
    « Roues arrière sur le périph’ »

    « Le grave accident dont a été victime la jeune policière aurait pourtant dû susciter un électrochoc, souffle un commissaire de la préfecture de police de Paris. Mais ça n’a rien changé, les motards de la BRAV-M continuent de faire des roues arrière sur le périph’ ! » « Ils sortent leur béquille sur l’autoroute pour faire des étincelles. Ils font les kékés, ça les amuse », renchérit un policier, lui aussi en poste à la préfecture.

    « Au fil des années, à force d’une série de petits renoncements, un laisser-aller s’est installé, poursuit ce fonctionnaire. Les motards de la BRAV-M, c’est un État dans l’État, il y a un gros sentiment d’impunité. » « Beaucoup sont jeunes, manquent de maturité. Ils sont portés aux nues par leur hiérarchie, et se sentent autorisés à tout faire », confirme le commissaire.

    Ni l’accident de la jeune policière ni les rapports du 7 octobre n’ont donc changé quoi que ce soit : le 12 décembre, à proximité de la « base » des motards, porte de la Villette, un de leurs équipages a percuté un passant. Cet homme de 84 ans a été grièvement blessé, souffrant notamment d’un traumatisme crânien. Transporté aux urgences, il est mort le lendemain. Le parquet de Paris avait précisé que l’accident avait eu lieu « vers 16 heures » et que le piéton traversait « au feu vert pour les piétons » tandis que les deux motos de la BRAV-M franchissaient un feu rouge.

    Selon les éléments recueillis par Mediapart, la particularité des BRAV-M est qu’elles peuvent décider de leur mobilisation sans consulter les autorités hiérarchiques de la direction de l’ordre public de la préfecture, dont elles dépendent, comme le démontrent les récits relatés dans les rapports du 7 octobre. Avec un objectif assumé : interpeller.

    Depuis le déploiement de cette unité unique en France, créée en 2019 pour intervenir quand les conditions habituelles du maintien de l’ordre sont dépassées − les précédentes brigades motorisées ont été interdites après le décès de Malik Oussekine en 1986 −, la BRAV-M est régulièrement décriée pour ses actions violentes.

    Ces binômes de policiers motorisés sont visés par plusieurs enquêtes judiciaires, notamment pour avoir agressé gratuitement un étudiant de 22 ans, ou encore pour avoir, pendant le mouvement contre la réforme des retraites, en mars 2023, roué de coups un jeune homme, Souleymane, 23 ans, tout en proférant des insultes racistes à son égard. Dernière affaire en date : des violences exercées sur un jeune réfugié en décembre, qui font l’objet d’une enquête administrative ouverte par le préfet de police, Laurent Nuñez.

    Dans un rapport publié en avril 2023, l’Observatoire parisien des libertés publiques (OPLP), créé à l’initiative de la Ligue des droits de l’homme (LDH) et du Syndicat des avocats de France (SAF), avait étrillé ces brigades, décrites comme « violentes et dangereuses, promptes à faire dégénérer les situations ». « La BRAV-M a développé un style qui puise dans les répertoires de la chasse, du film d’action, du virilisme et de l’intimidation », pouvait-on y lire.

    La mort du piéton en décembre et l’affaire des rapports sur la conduite « très accidentogène » des pilotes deux mois plus tôt viennent une nouvelle fois éclabousser la DOPC, chargée de la sécurisation de l’ensemble des événements et manifestations à Paris et en petite couronne. Elle sera donc sollicitée pour les cérémonies des Jeux olympiques de Paris, qui auront lieu dans six mois.

    La DOPC avait déjà été décapitée par l’affaire Benalla, qui avait emporté avec elle plusieurs des pontes de la préfecture. Jérôme Foucaud, un haut gradé sans expérience du maintien de l’ordre, avait alors été propulsé à la tête de cette direction. C’est lui qui avait été responsable du maintien de l’ordre pendant les manifestations des « gilets jaunes », et lui aussi qui avait signé le « télégramme » entérinant le dispositif de sécurisation de la finale de la Ligue des champions en mai 2022, restée dans les mémoires comme un fiasco d’ampleur internationale.

    Selon nos informations, le directeur de l’ordre public avait connaissance, depuis des mois, de la colère qui montait en interne contre les motards de la BRAV-M, sujet qui avait été évoqué au cours de plusieurs réunions. Interrogé à ce sujet via la préfecture de police, Jérôme Foucaud ne nous a pas répondu.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/310124/pieton-tue-par-la-brav-m-des-policiers-avaient-alerte-sur-la-dangerosite-d
    #forces_de_l'ordre #France #piétons #compagnies_d’intervention (#CI) #violence #violences_policières #banlieue #maintien_de_l'ordre #homicide_involontaire #rapport #Born_to_ride #vitesse #témoignage #DOPC #enquête_administrative #Patrick_Lunel #CSI_93 #vols #faux_en_écriture_publique #accidents #impunité

    –—

    ajouté à la #métaliste de #témoignages de #forces_de_l'ordre, #CRS, #gardes-frontière, qui témoignent de leur métier. Pour dénoncer ce qu’ils/elles font et leurs collègues font, ou pas :
    https://seenthis.net/messages/723573

  • Le ministère de l’Intérieur abandonne l’utilisation de produits marquants...
    https://www.aefinfo.fr/depeche/703249-le-ministere-de-l-interieur-abandonne-l-utilisation-de-produits-marqu

    Les produits marquants codés, utilisés pour marquer des individus soupçonnés d’avoir commis des violences, ne seront plus utilisés lors d’opérations de maintien de l’ordre, d’après les informations d’AEF info. Le ministère de l’Intérieur, qui a jugé les quelques utilisations peu convaincantes, préfère parler de la fin d’une « expérimentation » et évoque une « évaluation en cours ». Le ministère de la #Justice regrette la décision : « Peut-on s’offrir le luxe d’arrêter au motif que ce n’est pas une preuve irréfutable ? L’ADN non plus n’est pas une preuve irréfutable. »

    #produits_marquants #produit_de_marquage codé #PMC #police #maintien_de_l'ordre

  • Maintien de l’ordre : la France s’offre plus de 78 millions d’euros de grenades - POLITIS
    https://www.politis.fr/articles/2023/11/maintien-de-lordre-la-france-soffre-plus-de-78-millions-deuros-de-grenades

    e ministère de l’Intérieur vient de passer sa plus grande commande de grenades de maintien de l’ordre en plus de dix ans. Elle comprend des grenades lacrymogènes, mais aussi des explosives et assourdissantes, dont certaines jamais encore employées. [...]

    Parmi les lauréats, on retrouve aussi Alsetex, qui est, avec Nobel, l’un des deux principaux fournisseurs du gouvernement.

    Alsetex est en Sarthe !
    #violences_policières OUPS #maintien_de_l'ordre

    • Ils sont devenus fou même la gendarmerie s’inquiète de cette nouvelle autorisation de tirer au LBD à bout portant. Ce lanceur de balles de défense crache des balles de caoutchouc à 250 km/h. Le ministère de l’Intérieur donne l’autorisation de tuer à ses supplétifs. C’était déjà le cas mais cette décision doit venir des multiples recours des précédentes victimes survivantes aux violences policières. La gueule ravagée de Hedi à Marseille ne leur a pas suffit. Ils auraient sans doute préféré qu’il soit mort. Voici la réponse de ce gouvernement de fou furieux à la condamnation des violences policières. Il change la loi. Si ça continu, la france va finir comme les states avec plus de flingues que d’habitants.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/271023/le-ministere-de-l-interieur-reduit-la-distance-de-tir-des-lbd-malgre-leur-

    • [Liberté de la police] Le ministère de l’intérieur réduit la distance de tir des LBD malgré leur dangerosité
      https://www.mediapart.fr/journal/france/271023/le-ministere-de-l-interieur-reduit-la-distance-de-tir-des-lbd-malgre-leur-

      Ces cinq dernières années, plus de 35 personnes ont été blessées et une tuée par des tirs de lanceur de balles de défense. Pourtant, dans ses instructions, le ministère de l’intérieur a abaissé la distance réglementaire. Une décision que la gendarmerie conseille de ne pas suivre.

      La liste des blessés ne cesse de s’allonger. Hedi à Marseille, Virgil à Nanterre, Nathaniel à Montreuil, Mehdi à Saint-Denis, Abdel à Angers : tous ont été grièvement touchés par un tir de lanceur de balles de défense après les révoltes suscitées par la mort de Nahel en juin dernier. Mediapart a cherché à savoir quelle était la distance minimum de sécurité que les policiers doivent respecter lorsqu’ils tirent au LBD.

      Le ministère de l’intérieur et la Direction générale de la police nationale ont mis un mois à nous répondre. Et pour cause, cette distance réglementaire a tout simplement été supprimée des récentes instructions, remplacée par une distance dite « opérationnelle » correspondant à celle du fabricant de munitions. Auparavant, pour tirer, un policier devait respecter une distance minimum de 10 mètres. Selon les informations collectées par Mediapart, elle est désormais passée à 3 mètres.

      Une décision dangereuse que la gendarmerie nationale déconseille de suivre.

      Gravement touché au cerveau par un tir de LBD dans la nuit du 1er au 2 juillet, à Marseille, Hedi, 22 ans, subit depuis de multiples interventions chirurgicales. C’est le cas encore en octobre, alors que la prochaine est prévue en novembre. À ce jour, déjà confronté à une potentielle paralysie, Hedi ne sait toujours pas s’il pourra conserver l’usage de son œil gauche.
      Il fait partie des nombreuses victimes du LBD, une arme utilisée par la police et les gendarmes depuis le début des années 2000 (en remplacement du #flashball, apparu à la fin des années 1990). Muni d’un canon de 40 millimètres, ce fusil tire des balles de caoutchouc à plus de 250 km/heure (plus de 73 m/seconde). Le ministère de l’intérieur qualifie le LBD_« d’arme de force intermédiaire », alors même qu’elle est classée « catégorie A2 », c’est-à-dire #matériel_de_guerre, aux côtés notamment des lance-roquettes. Une classification qui laisse peu de doute sur sa létalité.

      Des instructions ministérielles d’août 2017 précisent que « le tireur vise de façon privilégiée le torse ainsi que les membres inférieurs », cibler la tête étant interdit. Lorsqu’une personne est touchée, le policier doit s’assurer de son état de santé et la garder sous surveillance permanente.
      Comme le rappelle une note du ministère de l’intérieur adressée à l’ensemble des forces de l’ordre, en février 2019, les fonctionnaires habilités doivent faire usage du LBD, selon le cadre prévu par le Code pénal et celui de la sécurité intérieure,
      « dans le strict respect des principes de nécessité et de proportionnalité »_.

      Hormis en cas de légitime défense, c’est-à-dire lorsque l’agent, un de ses collègues ou une tierce personne est physiquement menacée, des sommations doivent précéder le tir, qui doit se faire à une distance réglementaire, en deçà de laquelle les risques de lésions sont irréversibles. Mais quelle est cette distance ?

      Une nouvelle munition pas moins dangereuse

      Notre enquête nous a conduits à compulser les instructions ministérielles que nous avons pu nous procurer. Il faut remonter à 2013 pour voir figurer que le LBD « ne doit pas être utilisé envers une personne se trouvant à moins de 10 mètres ».
      Depuis, dans les notes de 2017, 2018 ou 2019, nulle trace de recommandations concernant la distance minimum de sécurité. Seul le règlement de l’armement de dotation de la gendarmerie nationale, mis à jour le 1er septembre 2023, rappelle que « le tir en deçà de 10 mètres, uniquement possible en cas de légitime défense, peut générer des risques lésionnels importants ».
      Interrogée, la Direction générale de la police nationale (#DGPN) n’a pas su nous répondre sur la distance réglementaire, arguant que la doctrine d’emploi du LBD 40 faisait « actuellement l’objet d’une réécriture ». Seule précision, les unités de police utilisent une nouvelle munition, appelée la munition de défense unique (MDU), « moins impactante » que l’ancienne, nommée la Combined tactical systems (CTS).
      Certes, depuis 2019, la MDU, moins rigide et légèrement moins puissante, est majoritairement utilisée par les policiers. Pour autant, elle n’en reste pas moins dangereuse, comme l’attestent les graves blessures qu’elle a pu occasionner, notamment sur Hedi ou sur plusieurs jeunes qui ont perdu un œil lors des révoltes à la suite du décès de Nahel.

      Ce qui est dangereux, c’est que le ministère et la DGPN ont banalisé l’usage du LBD.
      Un commissaire de police

      C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) conseille de conserver, avec cette nouvelle munition, une distance minimum de 10 mètres. En effet, dans une note interne, datée du 12 septembre 2022, adressée à la Direction générale de la gendarmerie nationale (#DGGN), et que Mediapart a pu consulter, il est stipulé que « par principe de sécurité et de déontologie », il doit être rendu obligatoire pour les gendarmes de ne pas tirer au LBD à moins de 10 mètres.
      Selon un officier, « au sein de la gendarmerie, nous privilégions l’usage du LBD pour une distance de 30 mètres pour faire cesser une infraction s’il n’y a pas d’autres moyens de le faire. Lorsque le danger est plus près de nous, à quelques mètres, nous tentons de neutraliser l’individu autrement qu’en ayant recours au LBD ».
      Quand bien même la nouvelle munition représente une certaine avancée, étant « moins dure et donc susceptible de faire moins de blessures », « elle reste néanmoins puissante et dangereuse. Évidemment, d’autant plus si elle est tirée de près ».

      Un haut gradé de la gendarmerie spécialisé dans le #maintien_de_l’ordre insiste : « Cette nouvelle munition ne doit pas conduire à modifier la doctrine d’emploi du LBD, ni à un débridage dans les comportements. » Il rappelle que le LBD est « l’ultime recours avant l’usage du 9 mm. Son usage ne doit pas être la règle. Ce n’est pas une arme de dispersion dans les manifestations ».

      Information inexacte

      Nous avons donc recontacté la police nationale pour qu’elle nous transmette les dernières directives mentionnant la distance minimum qu’un policier doit respecter. Le cabinet du ministre a, lui, répondu qu’une « distance minimum de sécurité serait communiquée. Il n’y a pas de raison que ce soit différent des gendarmes ». Et pourtant...
      Après moult relances, la Direction générale de la police a déclaré qu’il fallait prendre en compte « la distance opérationnelle des munitions » et « qu’en deçà de 3 mètres, le risque lésionnel est important », assurant que « les doctrines en ce domaine sont communes pour les forces de sécurité intérieures, police nationale et gendarmerie nationale ».
      Une information inexacte puisque la gendarmerie interdit de tirer au-dessous de 10 mètres.

      « Ce qui est dangereux, explique auprès de Mediapart un commissaire de police, c’est que le ministère et la DGPN ont banalisé l’usage du LBD, qui devait initialement être utilisé en cas d’extrême danger, comme ultime recours avant l’usage de l’arme. »

      Un pas a été franchi pour légitimer des tirs de très près.
      Un commandant, spécialisé dans le maintien de l’ordre

      Depuis, après avoir été « expérimenté dans les banlieues, il a été utilisé, depuis 2016 [en fait, depuis le début des années 2000, ndc], dans les manifestations et les mobilisations contre la loi Travail [où la pratique s’est généralisée, ndc]. En enlevant toute notion de distance minimum de sécurité, le ministère gomme la dangerosité de cette arme et des blessures qu’elle cause ».
      Pour ce commissaire, « c’est un nouveau verrou qui saute. On peut toujours contester cette distance, qui était déjà peu respectée, mais elle introduisait néanmoins un garde-fou, aussi ténu soit-il ».
      Avec l’apparition des nouvelles munitions « présentées comme moins impactantes, un pas a été franchi pour légitimer des tirs de très près », nous explique un commandant spécialisé dans le maintien de l’ordre. Ainsi, dans les nouvelles instructions du ministère, « la distance minimum n’existe plus ». « Pire, poursuit ce commandant, on a vu apparaître les termes employés par le fabricant de la munition qui parle de “distance opérationnelle”. »
      En effet, dans une instruction relative à l’usage des armes de force intermédiaire, datée du 2 août 2017 et adressée à l’ensemble des fonctionnaires, sont précisées les « distances opérationnelles », allant de 10 à 50 mètres pour l’ancienne munition, et de 3 à 35 mètres pour la nouvelle. C’est sur cette instruction que s’appuie aujourd’hui la DGPN.
      Selon ce gradé, « même d’un point de vue purement opérationnel, c’est absurde. Car le point touché par le tireur est égal au point qu’il a visé à environ 25 mètres et pas en deçà. Donc il faudrait donner cette distance et non une fourchette ».
      « Avec une distance aussi courte que 3 mètres, c’est presque tirer à bout portant. Et c’est inviter, davantage qu’ils ne le faisaient déjà, les policiers à tirer de près avec des risques gravissimes de blessures. Non seulement les agents manquent de formation, mais avec ces directives, ils vont avoir tendance à sortir leur LBD comme une simple matraque et dans le plus grand flou », conclut-il, rappelant « le tir absolument injustifié de la BAC sur le jeune qui a eu le cerveau fracassé à Marseille [en référence à Hedi – ndlr] ».

      Les déclarations faites à la juge d’instruction du policier Christophe I., auteur du tir de LBD, qui a grièvement blessé Hedi à la tête, en juillet, révèlent l’ampleur des conséquences de la banalisation d’une telle arme.
      Le policier explique que le soir des faits, « il n’y avait pas de consignes particulières sur l’utilisation des armes ». Que Hedi ait pu être atteint à la tête ne le surprend pas. Une erreur aux conséquences dramatiques qui ne semble pas lui poser problème : « J’ai tiré sur un individu en mouvement, dit-il. Le fait de viser le tronc, le temps que la munition arrive, c’est ce qui a pu expliquer qu’il soit touché à la tête. » En revanche, il nie que les blessures d’Hedi aient pu être occasionnées par le LBD, allant même jusqu’à avancer qu’elles peuvent « être liées à sa chute » au sol [moment ou des bouts du projectile se sont incrustés dans sa tête avant d’être découvert par le personnel soignant, obvisously, ndc]

      Dans d’autres enquêtes mettant en cause des tirs de LBD, les déclarations des policiers auteurs des tirs affichent à la fois la dangerosité de cette arme et la banalisation de son usage. L’augmentation du nombre de #manifestants blessés, en particulier lors des mobilisations des gilets jaunes, avait d’ailleurs conduit le Défenseur des droits, Jacques Toubon, à demander, en janvier 2019, la « suspension » du recours au LBD dans les manifestations.
      La France, un des rares pays européens à autoriser le LBD
      Depuis, plusieurs organisations non gouvernementales, parmi lesquelles le Syndicat des avocats de France, la Confédération générale du travail ou le Syndicat de la magistrature, ont saisi la justice pour en demander l’interdiction. En vain. Après avoir essuyé un refus du Conseil d’État de suspendre cette arme, les organisations syndicales ont vu leur requête jugée irrecevable par la Cour européenne des droits de l’homme en avril 2020, estimant que les « faits dénoncés ne relèvent aucune apparence de violation des droits et libertés garanties par la Convention et […] que les critères de recevabilité n’ont pas été satisfaits ».

      À l’annonce du refus du Conseil d’État d’interdire le LBD, le syndicat de police majoritaire, Alliance, avait salué « une sage décision ». Son secrétaire général adjoint, qui était alors Frédéric Lagache, avait précisé auprès de l’AFP que « si le Conseil d’État avait prononcé l’interdiction, il aurait fallu à nouveau changer de doctrine et revenir à un maintien de l’ordre avec une mise à distance ».
      Un discours bien différent de celui de ses homologues allemands, qui ont refusé d’avoir recours au LBD (utilisé dans deux Länder sur seize). En effet, comme le rappelle le politiste Sebastian Roché dans son livre La police contre la Rue, en 2012, le premier syndicat de police d’Allemagne, par la voix d’un de ses représentants, Frank Richter, s’était opposé à ce que les forces de l’ordre puissent avoir recours à cette arme : « Celui qui veut tirer des balles de caoutchouc [comme celles du LBD – ndlr] accepte consciemment que cela conduise à des morts et des blessés graves. Cela n’est pas tolérable dans une démocratie. »
      En Europe, la France est, avec la Grèce et la Pologne, l’un des rares pays à y avoir recours.

      #LBD #LBD_de_proximité #armes_de_la_police #Darmanin #à_bout_portant #terroriser #mutiler #police #impunité_policière #militarisation #permis de_mutiler #permis_de_tuer

    • Ni oubli, ni pardon
      https://piaille.fr/@LDH_Fr/111308175763689939

      Le 27 octobre 2005, Zyed & Bouna 17&15 ans meurent à l’issue d’une course poursuite avec des policiers qui seront relaxés. Ils font partie d’une liste trop longue des victimes d’une violence ordinaire dont les auteurs ne sont jamais poursuivis. Cette impunité doit cesser.

    • en 2012, le premier syndicat de police d’Allemagne, par la voix d’un de ses représentants, Frank Richter, s’était opposé à ce que les forces de l’ordre puissent avoir recours à cette arme : « Celui qui veut tirer des balles de caoutchouc [comme celles du LBD – ndlr] accepte consciemment que cela conduise à des morts et des blessés graves. Cela n’est pas tolérable dans une démocratie. »

      En Europe, la France est, avec la Grèce et la Pologne, l’un des rares pays à y avoir recours.

      La fin de l’article de Mediapart, dont est extrait le passage ci dessus, a part, dans son seen à elle : https://seenthis.net/messages/1023468

    • Quelques nuances de LBD
      https://lundi.am/Quelques-nuances-de-LBD

      Dans une enquête parue ce vendredi, Médiapart révèle que les policiers devaient jusqu’à présent respecter une distance de 10 à 15 mètres pour tirer sur un individu. Cette distance minimale aurait été supprimée des récentes instructions du ministère de l’Intérieur. Elle est désormais passée à seulement trois mètres. Laurent Thines, neurochirugien et poète engagé contre les armes (sub)létales, nous a transmis ces impressions.

    • @sombre je dirais bien #oupas moi aussi : la pratique récente du LBD en fRance semble indiquer que les policiers, préfets et le ministre ont bien lu la notice en détail et estimé que la couleur rouge était un indicateur de zones à viser en priorité, pour faire respecter l’ordre.

    • @PaulRocher10
      https://twitter.com/PaulRocher10/status/1721262476933706174

      Près de 12 000 tirs policiers sur la population civile en 2022, soit 33 tirs par jour. Voilà ce que montrent les derniers chiffres sur le recours aux armes « non létales ». Hormis les années des #giletsjaunes (2018/19), c’est un nouveau record.

      Au-delà du nombre élevé de tirs sur 1 année, la tendance est frappante. En 2022, les policiers ont tiré 80 fois plus qu’en 2009. Pourtant, ni les manifestants ni la population générale ne sont devenus plus violents. La hausse des violences est celle des #violencespolicières

      Ces données du min. de l’intérieur n’affichent pas les tirs de grenades (assourdissantes, lacrymogène) et ignorent les coups de matraque. Même pour les armes comptabilisées, on assiste à une sous-déclaration. Le niveau réel des #violencespolicières est donc encore plus élevé

      Souvent on entend que les armes non létales seraient une alternative douce aux armes à feu. Pourtant, les derniers chiffres confirment la tendance à la hausse des tirs à l’arme à feu. Pas d’effet de substitution, mais un effet d’amplification de la violence

      Ces derniers temps, on entend beaucoup parler de « décivilisation ». Si elle existe, ces chiffres montrent encore une fois qu’elle ne vient pas de la population . Les données disponibles (⬇️) attestent qu’elle se tient sage, contrairement à la police
      https://www.acatfrance.fr/rapport/lordre-a-quel-prix

  • Comment le Raid, novice en maintien de l’ordre, a provoqué la mort de Mohamed Bendriss à Marseille | Gauche Police
    https://www.mediapart.fr/journal/france/280823/comment-le-raid-novice-en-maintien-de-l-ordre-provoque-la-mort-de-mohamed-

    L’enquête sur le tir de #LBD fatal à un jeune homme de 27 ans, à laquelle Mediapart et « Libération » ont eu accès, montre comment cette unité d’exception a été mise au service d’un rétablissement de l’ordre spectaculaire alors qu’elle n’avait ni l’équipement, ni les compétences, ni le raisonnement adaptés à cette situation d’émeute. 
    Camille Polloni

    Le 2 juillet, à 00 h 58, au niveau du 73, rue de Rome à Marseille, #Mohamed_Bendriss, au guidon de son scooter, est atteint par deux tirs de lanceur de balles de défense (LBD). Il remonte alors le long d’une colonne de véhicules du #Raid, déployés pour « rétablir l’ordre » à #Marseille. Le jeune homme de 27 ans parvient à continuer sa route et s’effondre deux minutes plus tard devant chez sa mère, cours Lieutaud. 
    Mohamed Bendriss est le seul mort recensé lors de ces nuits d’émeutes qui ont suivi la mort de Nahel Merzouk, tué par un tir policier à Nanterre. L’un des deux impacts de #LBD, au thorax, a provoqué une crise cardiaque ayant entraîné sa mort. L’autre a laissé une marque sur l’intérieur de sa cuisse droite. Sous l’effet d’un troisième projectile, un « #bean_bag » tiré à trois ou quatre mètres, le phare de son scooter a éclaté. 
    Le 10 août, soit six semaines après les faits, trois policiers du Raid soupçonnés d’être à l’origine de ces tirs sont mis en examen pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». L’information judiciaire, qui se poursuit, vise à déterminer s’ils ont agi dans les règles et de manière proportionnée. L’enquête confiée à l’Inspection générale de la #police nationale (IGPN) et à la police judiciaire (PJ), à laquelle Mediapart et Libération ont eu accès, permet d’éclaircir dans quelles conditions le Raid est intervenu ce soir-là à Marseille et pourquoi il a décidé d’ouvrir le feu. 
    Les dépositions des mis en cause et d’une trentaine de témoins (policiers ou non), ainsi que l’exploitation de nombreuses vidéos, révèlent que cette unité d’exception au sein de la police, particulièrement peu préparée à assurer des missions de maintien de l’ordre, obéit à des logiques à part. Elles montrent aussi que très tôt, le Raid a eu conscience de sa possible implication dans le décès de Mohamed Bendriss et a préféré en discuter collectivement, en interne, plutôt que d’en référer à la justice .
     
    « Mohamed a été tué par une balle de LBD 40, tirée avec une arme non adaptée et illégale, par une unité spéciale inadaptée au #maintien_de_l’ordre, couverte par la hiérarchie du Raid qui a dissimulé le crime en connaissance de cause », affirme Arié Alimi, l’avocat de la veuve de Mohamed Bendriss. 

    Au soir du 1er juillet, comme les deux jours précédents, le Raid est déployé à Marseille pour faire face à des #émeutes et #pillages de magasins. Sur décision de #Gérald_Darmanin, c’est la première fois que cette unité d’élite, spécialisée dans les prises d’otages et les interventions antiterroristes, est ainsi employée à lutter contre des #violences_urbaines en métropole. 
    « On se demandait ce qu’on foutait là », résume en garde à vue Alexandre P., un des policiers mis en examen. « C’était ma toute première nuit d’émeute dans ma carrière, ajoute son collègue Jérémy P. Nous ne sommes pas du tout formés pour ce genre d’émeute, nous ne sommes pas habitués à cela. Nous n’avons même pas de protection adaptée. » 
    Dans les rues de Marseille, le Raid se déplace en convoi de sept véhicules. À sa tête, le « PVP » (« petit véhicule de protection »), un blindé très reconnaissable avec un opérateur du Raid juché sur une tourelle. Ce soir-là, c’est Alexandre P. qui s’y colle. Son rôle : « signaler aux autres des faits suspects » et « assurer la protection du convoi ». Pour ce faire, il dispose d’un #LBD_multicoups, approvisionné par six munitions. 
    « Nous devions suivre le PVP où qu’il aille, sans jamais nous séparer ni changer la position de la colonne », explique un opérateur assis dans un autre véhicule. Le convoi est là pour impressionner, mais aussi pour interpeller si nécessaire, ou disperser un attroupement.  
    Si les fonctionnaires du Raid sont novices en maintien de l’ordre, ce sont de bons tireurs : habilités à toutes les armes, ils s’entraînent plus souvent que les autres policiers. Signe qu’ils appartiennent à une unité à part, chacun d’entre eux peut choisir ses armes et les embarquer en mission sans formalités particulières. Au point que leur hiérarchie est incapable de déterminer, a posteriori, qui a pris quoi. 
    Au total, dans la nuit du 1er au 2 juillet, les 22 opérateurs composant la colonne ont tiré 107 « bean bags » (des projectiles en petits sacs compacts remplis de billes), 30 munitions de LBD, 10 #grenades lacrymogènes et 4 grenades de désencerclement . Ils n’ont rempli aucune « fiche TSUA » (traitement et suivi de l’usage des armes), obligatoire après chaque tir pour les policiers classiques, en gage de traçabilité. Ils ne sont pas non plus équipés de caméras-piétons et leurs échanges radio, en circuit fermé, ne font l’objet d’aucun enregistrement.

    Un premier tir depuis la tourelle 
     
    Lors du « briefing », la hiérarchie du Raid a appelé ses troupes à faire preuve d’une vigilance particulière sur les deux-roues, qui pourraient leur tourner autour et s’attaquer à elles. « Nous avions la sensation que les scooters étaient les leaders d’une guérilla urbaine, explique l’un des policiers placés en garde à vue, puis relâché sans suite. Nous avions la crainte de recevoir des cocktails Molotov comme les collègues de Strasbourg, qui se sont même fait tirer dessus à la kalachnikov… Les collègues de Nîmes se sont fait tirer dessus au 9 mm. » 
    C’est dans ce contexte que les policiers assistent, peu avant 1 heure du matin, à une scène qui attire leur attention. Alors qu’ils sont requis en centre-ville, pour sécuriser un magasin Foot Locker pillé, ils voient un piéton courir vers eux, tenant à la main un sac de marchandises volées. À sa hauteur, un scooter semble le suivre et se livrer à un étrange manège : il pourrait être son complice ou essayer d’arracher son butin. Dans tous les cas, « il y a matière à interpeller », estime Alexandre P. depuis sa tourelle. 
    Alors que certains de ses collègues mettent pied à terre, le policier tire au LBD à deux reprises. Il vise d’abord le piéton, puis se retourne vers le scooter de Mohamed Bendriss, qui « continue d’avancer alors qu’on lui demande de s’arrêter ». 
    « J’ai considéré son geste d’accélérer en direction du convoi comme un geste d’agression », explique Alexandre P., estimant sa distance de tir à dix mètres. « Je n’ai pas visé la tête, je voulais arrêter ce putain de scooter », qui « fonce sur nous », « met en péril notre capacité opérationnelle » et pourrait représenter « une menace », ajoute-t-il. « Je me protégeais et je protégeais les personnels du convoi à terre. »

    Le policier constate que le scooter continue sa route. Sur le moment, il n’aurait même pas été certain de toucher Mohamed Bendriss. Les images, qu’il a visionnées par la suite, le lui confirment : « On voit mon projectile sortir de la veste du scooter du conducteur. […] C’est ma balle de défense qui sort de sa veste et qui vient tomber par terre. » C’est probablement ce tir qui a atteint Mohamed Bendriss en pleine poitrine. 
    « J’ai toujours fait mon travail dans les règles de l’art ; je ne veux pas la mort des gens », a indiqué Alexandre P. aux enquêteurs. « J’ai jamais été aussi stressé alors que j’ai vécu l’Hyper Cacher. C’est le ciel qui me tombe sur la tête. » Contacté par Mediapart et Libération, son avocat, Dominique Mattei, n’a pas souhaité s’exprimer. 

    Un « bean bag » dans le phare 

    « Au départ, c’est le monsieur du fourgon qui était sur le toit qui tirait et ses collègues se sont mis à faire pareil », indique à l’IGPN une riveraine, témoin de la scène. Une fois le scooter hors de portée d’Alexandre P., d’autres fonctionnaires prennent effectivement le relais : ils sortent du deuxième véhicule de la colonne, un multivan Volkswagen.
    Les agents « E » et « F » (désignés ainsi dans l’enquête pour préserver leur #anonymat) tirent chacun un « bean bag » en direction du piéton, touché dans le dos, et parviennent à l’interpeller. Nabil B. sera condamné à quatre mois de prison ferme pour le vol de deux paires de Nike
    Au même moment, Jérémy P., le passager arrière gauche du multivan, se retrouve face au scooter. Celui-ci n’est plus qu’à une dizaine de mètres et fait « des embardées de droite à gauche ». Depuis leur fenêtre, des riveraines en déduisent que « le conducteur a dû être touché » et tente de garder l’équilibre. « Je me suis senti clairement en danger […] car je ne parvenais pas à comprendre ses intentions », avance de son côté Jérémy P. Il crie « stop » et met en joue Mohamed Bendriss avec son fusil « bean bag ». 
    « Le scooter n’a jamais ralenti, j’ai vu qu’il n’avait pas les mains sur les freins car il se rapprochait de plus en plus. À trois mètres de moi, je me suis rendu compte qu’il était trop près pour que je lui tire dessus, alors j’ai visé la calandre. […] Je l’ai impacté au phare, qui était éclairé et qui a explosé. Il a volé en mille morceaux, il y avait des éclats au sol. » 
    Quatre jours après les faits, c’est bien une munition « bean bag », fichée dans le phare du scooter, qui met les enquêteurs sur la piste du Raid . « Je suis certain d’avoir tiré en direction de son scooter et non de sa personne », répète Jérémy P. face à la juge d’instruction qui le met en examen. Son avocate, Chantal Fortuné, n’a pas souhaité s’exprimer. 
    Le troisième mis en examen soupçonné du tir à la cuisse 
    Malgré ce nouveau tir, le scooter continue à remonter le convoi. Grâce aux #vidéos récoltées au fil de l’enquête, l’IGPN établit qu’en quelques secondes, six détonations – des tirs de LBD ou de « bean bags » – retentissent. Ils ont du mal à attribuer la dernière, mais considèrent qu’il pourrait s’agir du tir de LBD qui a touché Mohamed Bendriss à la cuisse. 
    Un fonctionnaire fait office de suspect privilégié : Sylvain S., conducteur de la Laguna en troisième position dans le convoi. Sur certaines images, le canon de son LBD dépasse de sa fenêtre. « Je n’ai pas fait usage de cette arme », faute de « fenêtre de tir » satisfaisante, assure pourtant ce policier. « Le tir éventuel qui m’est reproché, c’est une blessure au niveau de la cuisse et c’est improbable au niveau de l’angle de tir », ajoute-t-il. Il est tout de même mis en examen. Son avocat, Nicolas Branthomme, n’a pas souhaité s’exprimer. 
    Comment comprendre que le Raid ait vu Mohamed Bendriss comme une menace ? Par des réflexes propres à son fonctionnement, mais inconnus du grand public. « Tout ce qui s’approchait de notre bulle de protection était considéré comme dangereux », résume l’un des opérateurs lors de sa garde à vue. « Il faut vraiment être stupide pour forcer un barrage de convoi du Raid », complète un autre, pour lequel « on ne pouvait pas se retrouver avec des émeutiers au milieu [du] convoi ». 
    Tous le répètent : au sein de leur colonne, deux médecins sont là pour prendre en charge d’éventuels blessés. Ils ont d’ailleurs porté assistance à Nabil B., le voleur de baskets. S’ils ne se sont pas inquiétés du sort de Mohamed Bendriss, c’est parce qu’il a continué sa route sans encombre et paraissait en bonne santé. 
     
    Vingt-six jours pour envoyer une vidéo

    Pour aboutir à la convocation de toute la colonne du Raid les 8 et 9 août, le placement en garde à vue de cinq fonctionnaires susceptibles d’avoir tiré et la mise en examen de trois d’entre eux, les juges d’instruction et les enquêteurs de l’IGPN ont mené un énorme travail de collecte et de recoupement d’indices pendant un mois. 
    La nuit des faits, le scooter de Mohamed Bendriss, abandonné devant chez sa mère et volé dans la foulée, est retrouvé par un équipage de la brigade anticriminalité (BAC) à 3 heures du matin. Coïncidence : deux des trois policiers qui contrôlent et interpellent le voleur seront mis en examen, trois semaines plus tard, pour des « violences aggravées » contre Hedi R. la même nuit.  
    À la recherche du deux-roues, l’IGPN apprend le 6 juillet qu’il est stocké dans un commissariat marseillais et découvre qu’un « bean bag » est resté encastré dans le phare. Comprenant alors que le Raid pourrait être impliqué, la « police des polices » envoie une série de réquisitions à cette unité pour connaître l’équipement de ses membres, la chronologie de ses interventions au cours de la nuit et la composition de ses équipages. Elle obtient des réponses rapides, mais pas toujours complètes. 

    En parallèle, la #géolocalisation téléphonique de Mohamed Bendriss montre qu’il se trouvait au 54, rue de Rome à 00 h 57, puis sur le cours Lieutaud une minute plus tard. L’IGPN lance aussitôt une enquête de voisinage, récupère les images issues de caméras de la ville et de plusieurs commerces. Certaines retracent le trajet de Mohamed Bendriss, d’autres la progression de la colonne du Raid dans le centre-ville. 
    Une vidéo amateur de 25 secondes, tournée par une habitante de la rue de Rome depuis sa fenêtre, s’avère même cruciale. Elle montre l’interaction entre les policiers et le scooter, et permet aux enquêteurs de distinguer, à l’oreille, six détonations. Auditionnée par l’IGPN, la vidéaste prête un étrange serment sur procès-verbal : « Conformément à vos instructions, je m’engage à ne pas diffuser ce film à qui que ce soit ou à le montrer. Je prends acte qu’en cas de diffusion je pourrais être poursuivie par la justice. J’ai compris ce que vous me dites, je m’engage à respecter la loi. » La loi n’impose pourtant rien de tel. 
    Le 11 juillet, au détour d’un courrier sur la géolocalisation de ses véhicules, la patronne locale du Raid mentionne l’existence d’une caméra sur le « petit véhicule de protection », filmant en continu la progression du convoi. « Je vous précise que je tiens à votre disposition les enregistrements », indique la commissaire divisionnaire qui coordonne les antennes de l’échelon zonal sud du Raid (Marseille, Nice, Montpellier et Toulouse). 
    Cette vidéo n’est finalement transmise à l’IGPN que le 28 juillet, deux jours après une nouvelle réquisition formelle et presque un mois après les faits. Ce sont pourtant ces images de bonne qualité qui montrent, le plus clairement, le tir probablement fatal à Mohamed Bendriss. 
    Comme l’écrit l’IGPN dans son exploitation, « alors que le scooter progresse face au convoi, la veste de Mohamed Bendriss fait un mouvement soudain et s’étire de manière brusque du côté gauche. Au même instant, un objet rond et noir de petite taille se détache de la silhouette de Mohamed Bendriss semblant provenir du pan de la veste qui vient de sursauter et chute au sol ». Cet objet, qui tombe sur les rails du tram, « ressemble au projectile tiré par un LBD ». 

    Un visionnage collectif
    Pourquoi le Raid n’a-t-il pas, de lui-même, transmis cette vidéo ? Si l’on se fie à leurs dépositions, les policiers de l’unité, dont le chef de l’antenne marseillaise et la coordinatrice zonale elle-même, craignaient pourtant depuis plusieurs semaines que le Raid soit impliqué dans le décès de Mohamed Bendriss. 
    Le 4 juillet, les premiers articles de presse évoquent le décès d’un conducteur de scooter touché par un tir de LBD à Marseille, dans des circonstances encore floues. A posteriori, les policiers du Raid expliquent s’être posé la question d’un lien avec leur intervention, mais l’adresse où a été retrouvé le jeune homme a tendance à les rassurer : ils ne se sont pas rendus cours Lieutaud. « L’adjoint au chef d’antenne a dit que nous n’étions pas concernés », affirme Alexandre P., pour qui « l’information était classée ». 
    Le doute persiste cependant, raconte leur chef d’antenne. « Des sources internes à la police semblent insister en pensant que le tir pourrait être celui d’une personne de la colonne. Avec mon adjoint, nous décidons par acquit de conscience de questionner les gars de manière globale. Certains nous font remonter qu’un scooter a traversé le dispositif au moment de l’interpellation rue de Rome et certains disaient qu’en traversant le dispositif, il a certainement essuyé des tirs. Ces déclarations ont motivé chez nous le souhait de visionner les images du PVP. » 
    Plusieurs opérateurs du Raid confirment qu’un débriefing ou une « réunion de crise » a eu lieu pour clarifier la position de chacun, regarder ensemble les images et identifier les potentiels tireurs. Si aucun ne donne la date de ce visionnage collectif, la coordinatrice zonale la situe « avant » la réception des réquisitions de l’IGPN, c’est-à-dire entre le 4 et le 6 juillet. Alexandre P., lui, estime qu’elle a eu lieu « suite aux réquisitions IGPN ». « Ça fait à peu près un mois qu’on sait qu’on est reliés à la mort de ce jeune homme », résume-t-il. 
    Selon ses dires, la coordinatrice a déjà connaissance des images lorsqu’elle rédige sa première réponse à l’IGPN , le 6 juillet, dans laquelle elle relate les événements marquants de la nuit du 1er au 2. Et semble s’appuyer dessus quand elle décrit, avec précision, « l’interpellation d’un individu sortant du magasin Foot Locker un sac à la main ». 
    « Un individu en scooter venait à sa rencontre. Les deux individus prenaient la fuite, le scooter forçait le passage de la colonne du Raid et parvenait à s’enfuir malgré l’usage de MFI [moyens de force intermédiaires – ndlr]. L’auteur du vol était interpellé rue de la Palud, en état d’ébriété et impacté par un tir de MFI. » Pour autant, dans son courrier, la #commissaire_divisionnaire ne propose pas à l’#IGPN de lui transmettre la vidéo du PVP. 
    D’après elle, plusieurs agents « se sont signalés rapidement » à leur hiérarchie, « beaucoup pensant avoir tiré, sans certitude cependant ». Mobilisés plusieurs nuits de suite sur les émeutes à Marseille, ils ne se souviennent pas de tous leurs faits et gestes et confondent parfois les scènes entre elles. Le 26 juillet, le Raid transmet finalement à l’IGPN une liste de cinq fonctionnaires « se trouvant sur le flanc gauche » du convoi – donc « susceptibles d’avoir utilisé » leurs armes contre Mohamed Bendriss. Au moment de se rendre à la convocation de l’IGPN, ils ont eu plus d’un mois pour préparer leurs réponses.

  • De plus en plus d’Ehpad au bord de l’asphyxie financière, entre crise de confiance et hausse des coûts
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/08/21/de-plus-en-plus-d-ehpad-au-bord-de-l-asphyxie-entre-crise-de-confiance-et-ha

    Partout en France, des établissements accueillant des personnes âgées ne parviennent plus à boucler leur budget, et certains sont contraints de fermer, comme à Lanobre, dans le Cantal. Les maires déplorent le manque de soutien de l’Etat.

    https://justpaste.it/dcu5y

    • Il y a plein de choses qui me hérissent dans cet article parce qu’on y reprend sans aucune retenue le point de vue managérial des chefs d’établissement : « l’insuffisante compensation par l’État des fortes revalorisations salariales depuis deux ans » [...] « le recours à l’intérim, pour pallier les difficultés de recrutement, fait exploser les charges salariales. » […]

      De même qu’on devrait s’abstenir de relayer ce type d’informations : « 48 % des établissements en France – comptait, en décembre 2022, 85 % d’Ehpad en déficit. »

      Il n’en reste pas moins que l’article confirme les symptômes d’une crise déjà identifiée du modèle des Ehpad. Une crise prenant de plus en plus d’ampleur et qui ne tient pas seulement au « mode de financement », tel qu’évoqué à la fin de l’article.

      La façon dont doit être organisée le solidarité générationnelle concerne a priori tout le monde. Ce n’est rien d’autre qu’un choix politique, dépassant largement les questions des choix gestionnaires de volume de dotations et de compensations budgétaires de l’État.

      Il n’en reste pas moins que des fortunes existent et ne servent à rien d’autre qu’à accumuler toujours plus de valeur. La question politique immédiate serait donc de savoir si l’on veut que ces ressources existantes soient réorientées (de force) vers les besoins réels de la société, notamment pour ce qui devrait permettre aux vieux et aux vielles de mieux terminer leur existence.

    • la menace des gestionnaires en déficit d’un transfert vers des H.P où il n’y a pas de lits ne tient pas.

      La France doit se préparer au défi du grand âge
      ÉDITORIAL, 12 août 2022
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/12/la-france-doit-se-preparer-au-defi-du-grand-age_6137857_3232.html

      Alors que les 85 ans et plus vont croître de près de 90 % entre 2030 et 2050, la gériatrie reste le parent pauvre d’un système hospitalier déjà à bout de souffle et le maintien des personnes âgées chez elles réclame toujours une vraie politique nationale de prévention de la perte d’autonomie.

      Grand âge : « La certitude du réchauffement climatique n’a d’égale que l’inéluctabilité du vieillissement de la population »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/20/grand-age-la-certitude-du-rechauffement-climatique-n-a-d-egale-que-l-ineluct

      Responsable du cercle de réflexion Matières grises
      Le gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure du défi que représente l’explosion à venir du nombre de personnes âgées de plus de 75 ans, estime Luc Broussy, responsable du cercle de réflexion Matières grises, dans une tribune au « Monde ». Il prône des investissements massifs.

      Grand âge : « Il faut mettre l’héritage au service d’une politique publique ambitieuse »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/21/grand-age-il-faut-mettre-l-heritage-au-service-d-une-politique-publique-ambi

      Face à l’augmentation drastique du nombre de personnes dépendantes et des besoins de financement afférents, une solution solidaire et équitable consisterait à créer un prélèvement additionnel sur les plus gros patrimoines, proposent la professeure Lucie Castets et l’adjoint à la maire de Paris Antoine Guillou dans une tribune au « Monde »

      j’ai déniché les deux derniers articles là https://justpaste.it/2irhn

      #vieux #or_gris #Ehpad #ARS #CCAS #maltraitance #salaire #démissions #dépendance #fiscalité #maintien_à_domicile

    • Face au marasme financier des Ehpad, une réponse de l’Etat jugée non structurante
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/08/21/face-au-marasme-financier-des-ehpad-une-reponse-de-l-etat-jugee-non-structur

      La solution qui consisterait à augmenter le prix des séjours en Ehpad public ou associatif est envisagée par les acteurs du secteur. Mais 76 % des résidents ont des revenus inférieurs au tarif moyen des établissements (...)

      https://justpaste.it/bph8t

    • il reste donc la solution de légaliser l’euthanasie et d’ouvrir le marché à une startup innovante de la silver économie financée par la BPI :-)

      ça serait étonnant que Macron n’ait pas quelques amis déjà sur les starting-blocks, non ?

  • Michel Kokoreff : « L’impossible réforme de la police traduit une fragilité du pouvoir »
    https://qg.media/2023/08/18/michel-kokoreff-limpossible-reforme-de-la-police-traduit-une-fragilite-du-pouv

    Avec l’éclatement des émeutes de 2023, l’histoire se répète. Comme en 2005, elles ont été déclenchées par une rencontre mortelle avec la police. Si les similitudes entre ces démonstrations de colère sont évidentes, des nouveautés émergent. Premières émeutes post-Covid, venant de quartiers très fragilisés par la crise sanitaire, elles ont aussi donné lieu à des pillages sans précédent dans les centres-villes. Ce qui frappe le plus, c’est toutefois la faiblesse de la réponse gouvernementale, uniquement sécuritaire, sans gestes forts. Le sociologue Michel Kokoreff, spécialiste des violences urbaines, dresse pour QG le constat d’un déni collectif dicté par la dépendance toujours croissante du pouvoir politique français aux forces de l’ordre

    • Je suis toujours emmerdé avec les analyses sur la « dépendance » du pouvoir aux « forces de l’ordre », comme si ça dénotait une faiblesse de ce pouvoir politique.

      Or, si le pouvoir a lui-même une idéologie autoritaire, ça n’est pas une faiblesse : c’est logiquement l’instrument de son pouvoir. De la même façon que les ordonnances du premier quinquennat, et les 49.3 du second.

      L’idéologie même des macronistes, c’est depuis des décennies de répéter à tout bout de champ, à chaque dîner en ville, dans chaque plateau télé, dans chaque édito…, qu’« on ne peut pas réformer dans ce pays, ouin ouin les syndicats, ouin ouin les fonctionnaires, ils bloquent tout le temps on peut rien faire… ». Et que donc avec Macron, on va (enfin) faire du Tatcher et passer en force.

      Donc passer en force, ça veut dire 49.3 et répression violente des mouvements sociaux : pas par faiblesse, mais parce que c’est le principe même de ce pouvoir. Ce que Kokoreff nomme d’ailleurs « co-gestion », et pas « fragilité » comme retenu dans le titre.

    • Les incapables. Ils ont allumé un feu et n’ont aucune solution pour l’éteindre
      https://reflets.info/articles/les-incapables

      Qu’est -ce qui a changé depuis… toujours ? Rien. La société est incapable de proposer un cadre équitable, un vivre ensemble, une répartition des richesses acceptable. Les politiques qui se succèdent s’évertuent à ne rien changer. Et quand la marmite explose, ils accusent ceux qui mijotaient dedans.

      [en accès libre jusqu’au 31 aout]

    • @arno :

      Donc passer en force, ça veut dire 49.3 et répression violente des mouvements sociaux : pas par faiblesse, mais parce que c’est le principe même de ce pouvoir. Ce que Kokoreff nomme d’ailleurs « co-gestion », et pas « fragilité » comme retenu dans le titre.

      D’aucuns disaient dans les « temps anciens » que la « pédagogie », c’est l’art de faire fermer sa gueule à un gosse ...

      #co-gestion certes mais #totalitarisme quand même.

      A force de nous indigner, on va tous·tes finir sous antidépresseurs (zombification) ou sous psychédéliques micro-dosés (développement personnel) si on est riche, mâle, blanc et cadre dirigeant dans une start up.

    • « Frères », le film d’Ugo Simon disponible gratuitement sur #AuPoste
      https://www.auposte.fr/freres-le-film-dugo-simon-disponible-gratuitement-sur-au-poste

      Au départ, un film de fin d’études (et pas n’importe où : la Fémis, Paris) qui devient un film à part entière, capte la force et la souffrance de Diané Bah, Mahamadou Camara et Farid El Yamni — dont les frères ont croisé la route mortelle des forces de l’ordre. En 45 minutes, fortes et denses, c’est leur combat, et leur sourire, la vérité qui éclate, les mensonges auxquels il faut faire (af)front, qui surgissent.

  • Blessures causées par LBD pendant les gilets jaunes : une étude inédite de 7 services d’urgence | The American Journal of Emergency Medicine | Au Poste
    https://www.auposte.fr/blessures-causees-par-lbd-pendant-les-gilets-jaunes-une-etude-inedite-de-7-s

    Etude inédite de 7 services urgence. « L’utilisation de #LBD pendant les “gilets jaunes” a été associée à un taux élevé de blessures à la tête, au visage, aux yeux ou au cou chez les patients blessés. »

    (...) 49 % des patients ont subi des blessures à la tête, au visage, aux yeux ou au cou (...)

    https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0735675723003789?via%3Dihub

    sachant que la précision des LBD a été nettement améliorée, on se gardera d’en conclure à une intention criminelle.

    #police #maintien_de_l'ordre #meurtres_ratés #médecine

  • #Francesco_Sebregondi : « On ne peut pas dissocier les violences policières de la question du racisme »

    Après avoir travaillé pour #Forensic_Architecture sur les morts d’#Adama_Traoré et de #Zineb_Redouane, l’architecte #Francesco_Sebregondi a créé INDEX, pour enquêter sur les #violences_d’État et en particulier sur les violences policières en #France et depuis la France. Publié plusieurs semaines avant la mort de Nahel M., cet entretien mérite d’être relu attentivement. Rediffusion d’un entretien du 22 avril 2023

    C’est en 2010 que l’architecte, chercheur et activiste Eyal Weizman crée au Goldsmiths College de Londres un groupe de recherche pluridisciplinaire qui fera date : Forensic Architecture. L’Architecture forensique avait déjà fait l’objet d’un entretien dans AOC.

    Cette méthode bien particulière avait été créée à l’origine pour enquêter sur les crimes de guerre et les violations des droits humains en utilisant les outils de l’architecture. Depuis, le groupe a essaimé dans différentes parties du monde, créant #Investigative_Commons, une communauté de pratiques rassemblant des agences d’investigation, des activistes, des journalistes, des institutions culturelles, des scientifiques et artistes (la réalisatrice Laura Poitras en fait partie), etc. Fondé par l’architecte Francesco Sebregondi à Paris en 2020, #INDEX est l’une d’entre elles. Entre agence d’expertise indépendante et média d’investigation, INDEX enquête sur les violences d’État et en particulier sur les violences policières en France et depuis la France. Alors que les violences se multiplient dans le cadre des mouvements sociaux, comment « faire en sorte que l’État même s’équipe de mécanismes qui limitent les excès qui lui sont inhérents » ? Si la vérité est en ruines, comment la rétablir ? OR

    Vous avez monté l’agence d’investigation INDEX après avoir longtemps travaillé avec Forensic Architecture. Racontez-nous…
    Forensic Architecture est né en 2010 à Goldsmiths à Londres. À l’origine, c’était un projet de recherche assez expérimental, pionnier dans son genre, qui cherchait à utiliser les outils de l’architecture pour enquêter sur les violations des #droits_humains et en particulier du droit de la guerre. La période était charnière : avec l’émergence des réseaux sociaux et des smartphones, les images prises par des témoins étaient diffusées très rapidement sur des réseaux souvent anonymes. La quantité d’#images et de #documentation_visuelle disponible commençait à augmenter de manière exponentielle et la démocratisation de l’accès à l’#imagerie_satellitaire permettait de suivre d’un point de vue désincarné l’évolution d’un territoire et les #traces qui s’y inscrivaient. La notion de #trace est importante car c’est ce qui nous relie à la tradition de l’enquête appliquée plus spécifiquement au champ spatial. Les traces que la #guerre laisse dans l’#environnement_urbain sont autant de points de départ pour reconstruire les événements. On applique à ces traces une série de techniques d’analyse architecturale et spatiale qui nous permettent de remonter à l’événement. Les traces sont aussi dans les documents numériques, les images et les vidéos. Une large partie de notre travail est une forme d’archéologie des pixels qui va chercher dans la matérialité même des documents numériques. On peut reconstituer les événements passés, par exemple redéployer une scène en volume, à partir de ses traces numériques en image.

    Quels en ont été les champs d’application ?
    À partir du travail sur les conflits armés, au sein de Forensic Architecture, on a développé une série de techniques et de recherches qui s’appliquent à une variété d’autres domaines. On commençait à travailler sur les violences aux frontières avec le projet de Lorenzo Pezzani et Charles Zeller sur les bateaux de migrants laissés sans assistance aux frontières méditerranéennes de l’Europe, à des cas de #violences_environnementales ou à des cas de violences policières… L’origine de notre approche dans l’enquête sur des crimes de guerre faisait qu’on avait tendance à porter un regard, depuis notre base à Londres, vers les frontières conflictuelles du monde Occidental. On s’est alors rendus compte que les violences d’État qui avaient lieu dans des contextes plus proches de nous, que ce soit en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou en Grèce, pouvaient bénéficier d’un éclairage qui mobiliserait les mêmes techniques et approches qu’on avait à l’origine développées pour des situations de conflits armés. Tout cela est en lien assez direct avec la militarisation de la #police un peu partout dans le Nord global, le contexte occidental, que ce soit au niveau des #armes utilisées qu’au niveau des #stratégies employées pour maintenir l’ordre.

    La France vous a ensuite semblé être un pays depuis lequel enquêter ?
    Je suis revenu vivre en France en 2018 en plein milieu de la crise sociale autour du mouvement des Gilets jaunes et de son intense répression policière. Dès ce moment-là, il m’a semblé important d’essayer d’employer nos techniques d’enquête par l’espace et les images pour éclairer ce qui était en train de se passer. On en parlait aussi beaucoup. En 2020, j’ai dirigé les enquêtes sur la mort d’Adama Traoré et de Zineb Redouane pour le compte de Forensic Architecture depuis la France avec une équipe principalement française. C’était une période d’incubation d’INDEX en quelque sorte. Ces enquêtes ont initié notre travail sur le contexte français en rassemblant des moyens et une équipe locale.
    On est aujourd’hui dans un rapport de filiation assez clair avec Forensic Architecture même si INDEX est structurellement autonome. Les deux organisations sont très étroitement liées et entretiennent des relations d’échange, de partage de ressources, etc. Tout comme Forensic Architecture, INDEX est l’une des organisations du réseau international Investigative Commons qui fédère une douzaine de structures d’investigation indépendantes dans différents pays et qui travaillent à l’emploi des techniques d’enquêtes en sources ouvertes dans des contextes locaux.

    Il existe donc d’autres structures comme INDEX ?
    Elles sont en train d’émerger. On est dans cette phase charnière très intéressante. On passe d’une organisation reconnue comme pionnière dans l’innovation et les nouvelles techniques d’enquête à tout un champ de pratiques qui a encore beaucoup de marge de développement et qui, en se frottant à des contextes locaux ou spécifiques, vient éprouver sa capacité à interpeller l’opinion, à faire changer certaines pratiques, à demander de la transparence et des comptes aux autorités qui se rendent responsables de certaines violences.

    On utilise depuis toujours le terme d’enquête dans les sciences humaines et sociales mais l’on voit aujourd’hui que les architectes, les artistes s’en emparent, dans des contextes tous très différents. Qu’est-ce que l’enquête pour INDEX ?
    On emploie le terme d’#enquête dans un sens peut-être plus littéral que son usage en sciences humaines ou en recherche car il est question de faire la lumière sur les circonstances d’un incident et d’établir des rapports de causalité dans leur déroulement, si ce n’est de responsabilité. Il y a aussi cette idée de suivre une trace. On travaille vraiment essentiellement sur une matière factuelle. L’enquête, c’est une pratique qui permet de faire émerger une relation, un #récit qui unit une série de traces dans un ensemble cohérent et convaincant. Dans notre travail, il y a aussi la notion d’#expertise. Le nom INDEX est une contraction de « independant expertise ». C’est aussi une référence à la racine latine d’indice. Nous cherchons à nous réapproprier la notion d’expertise, trop souvent dévoyée, en particulier dans les affaires de violences d’État sur lesquelles on travaille.

    Vos enquêtes s’appuient beaucoup sur les travaux d’Hannah Arendt et notamment sur Vérité et politique qui date de 1964.
    On s’appuie beaucoup sur la distinction que Hannah Arendt fait entre #vérité_de_fait et #vérité_de_raison, en expliquant que les vérités de fait sont des propositions qui s’appuient sur l’extérieur, vérifiables, et dont la valeur de vérité n’est possible qu’en relation avec d’autres propositions et d’autres éléments, en particuliers matériels. La vérité de raison, elle, fait appel à un système de pensée auquel on doit adhérer. C’est à partir de cette distinction qu’Arendt déploie les raisons pour lesquelles #vérité et #politique sont toujours en tension et comment la pratique du politique doit s’appuyer sur une série de vérités de raison, sur l’adhésion d’un peuple à une série de principes que le pouvoir en place est censé incarner. Ainsi, le pouvoir, dépendant de cette adhésion, doit tenir à distance les éléments factuels qui viendraient remettre en cause ces principes. C’est ce qu’on essaye de déjouer en remettant au centre des discussions, au cœur du débat et de l’espace public des vérités de fait, même quand elles sont en friction avec des « #vérités_officielles ».
    Du temps d’Hannah Arendt, le politique avait encore les moyens d’empêcher la vérité par le régime du secret. C’est beaucoup moins le cas dans les conditions médiatiques contemporaines : le problème du secret tend à céder le pas au problème inverse, celui de l’excès d’informations. Dans cet excès, les faits et la vérité peuvent se noyer et venir à manquer. On entend alors parler de faits alternatifs, on entre dans la post-vérité, qui est en fait une négation pure et simple de la dimension sociale et partagée de la vérité. Si on veut résister à ce processus, si on veut réaffirmer l’exigence de vérité comme un #bien_commun essentiel à toute société, alors, face à ces défis nouveaux, on doit faire évoluer son approche et ses pratiques. Beaucoup des techniques développées d’abord avec Forensic Architecture et maintenant avec INDEX cherchent à développer une culture de l’enquête et de la #vérification. Ce sont des moyens éprouvés pour mettre la mise en relation de cette masse critique de données pour faire émerger du sens, de manière inclusive et participative autant que possible.

    L’#architecture_forensique, même si elle est pluridisciplinaire, s’appuie sur des méthodes d’architecture. En quoi est-ce particulièrement pertinent aujourd’hui ?
    L’une des techniques qui est devenue la plus essentielle dans les enquêtes que l’on produit est l’utilisation d’un modèle 3D pour resituer des images et des vidéos d’un événement afin de les recouper entre elles. Aujourd’hui, il y a souvent une masse d’images disponibles d’un événement. Leur intérêt documentaire réside moins dans l’individualité d’une image que sur la trame de relations entre les différentes images. C’est la #spatialisation et la #modélisation en 3D de ces différentes prises de vue qui nous permet d’établir avec précision la trame des images qui résulte de cet événement. Nous utilisons les outils de l’architecture à des fins de reconstitution et de reconstruction plus que de projection, que ce soit d’un bâtiment, d’un événement, etc.

    Parce qu’il faut bien rappeler que vos enquêtes sont toujours basées sur les lieux.
    L’environnement urbain est le repère clé qui nous permet de resituer l’endroit où des images ont été prises. Des détails de l’environnement urbain aussi courants qu’un passage piéton, un banc public, un kiosque à journaux ou un abribus nous permettent de donner une échelle pour reconstituer en trois dimensions où et comment une certaine scène s’est déroulée. Nous ne considérons pas l’architecture comme la pratique responsable de la production de l’environnement bâti mais comme un champ de connaissance dont la particularité est de mettre en lien une variété de domaines de pensées et de savoirs entre eux. Lorsqu’on mobilise l’architecture à des fins d’enquête, on essaye de faire dialoguer entre elles toute une série de disciplines. Nos équipes mêmes sont très interdisciplinaires. On fait travailler des vidéastes, des ingénieurs des matériaux, des juristes… le tout pour faire émerger une trame narrative qui soit convaincante et qui permette de resituer ce qui s’est passé autour de l’évènement sous enquête.

    L’historienne Samia Henni qui enseigne à Cornell University aux États-Unis, et qui se considère « historienne des environnements bâtis, détruits et imaginés », dit qu’apprendre l’histoire des destructions est aussi important que celles des constructions, en raison notamment du nombre de situations de conflits et de guerres sur la planète. Quand on fait du projet d’architecture, on se projette en général dans l’avenir. En ce qui vous concerne, vous remodélisez et reconstituez des événements passés, souvent disparus. Qu’est-ce que ce rapport au temps inversé change en termes de représentations ?
    Je ne suis pas sûr que le rapport au temps soit inversé. Je pense que dans la pratique de l’enquête, c’est toujours l’avenir qui est en jeu. C’est justement en allant chercher dans des événements passés, en cherchant la manière précise dont ils se sont déroulés et la spécificité d’une reconstitution que l’on essaye de dégager les aspects structurels et systémiques qui ont provoqué cet incident. En ce sens, ça nous rapproche peut-être de l’idée d’#accident de Virilio, qui est tout sauf imprévisible.
    L’enjeu concerne l’avenir. Il s’agit de montrer comment certains incidents ont pu se dérouler afin d’interpeller, de demander des comptes aux responsables de ces incidents et de faire en sorte que les conditions de production de cette #violence soient remises en question pour qu’elle ne se reproduise pas. Il s’agit toujours de changer les conditions futures dans lesquelles nous serons amenés à vivre ensemble, à habiter, etc. En cela je ne pense pas que la flèche du temps soit inversée, j’ai l’impression que c’est très proche d’une pratique du projet architectural assez classique.

    Vous utilisez souvent le terme de « violences d’État ». Dans une tribune de Libération intitulée « Nommer la violence d’État » en 2020, encore d’actualité ces temps-ci, l’anthropologue, sociologue et médecin Didier Fassin revenait sur la rhétorique du gouvernement et son refus de nommer les violences policières. Selon lui, « ne pas nommer les violences policières participe précisément de la violence de l’État. » Il y aurait donc une double violence. Cette semaine, l’avocat Arié Alimi en parlait aussi dans les colonnes d’AOC. Qu’en pensez-vous ?
    Je partage tout à fait l’analyse de Didier Fassin sur le fait que les violences d’État s’opèrent sur deux plans. Il y a d’une part la violence des actes et ensuite la violence du #déni des actes. Cela fait le lien avec l’appareil conceptuel développé par Hannah Arendt dans Vérité et politique. Nier est nécessaire pour garantir une forme de pouvoir qui serait remise en question par des faits qui dérangent. Cela dit, il est important de constamment travailler les conditions qui permettent ou non de nommer et surtout de justifier l’emploi de ces termes.

    Vous utilisez le terme de « violences d’État » mais aussi de « violences policières » de votre côté…
    Avec INDEX, on emploie le terme de « violences d’État » parce qu’on pense qu’il existe une forme de continuum de violence qui s’opère entre violences policières et judiciaires, le déni officiel et l’#impunité de fait étant des conditions qui garantissent la reproduction des violences d’État. Donc même si ce terme a tendance à être perçu comme particulièrement subversif – dès qu’on le prononce, on tend à être étiqueté comme militant, voire anarchiste –, on ne remet pas forcément en question tout le système d’opération du pouvoir qu’on appelle l’État dès lors qu’on dénonce ses violences. On peut évoquer Montesquieu : « Le #pouvoir arrête le pouvoir ». Comment faire en sorte que l’État même s’équipe de mécanismes qui limitent les excès qui lui sont inhérents ? Il s’agit a minima d’interpeller l’#opinion_publique sur les pratiques de l’État qui dépassent le cadre légal ; mais aussi, on l’espère, d’alimenter la réflexion collective sur ce qui est acceptable au sein de nos sociétés, au-delà la question de la légalité.

    Ce que je voulais dire c’est que Forensic Architecture utilise le terme de « violences d’État » ou de « crimes » dans un sens plus large. Sur le site d’INDEX, on trouve le terme de « violences policières » qui donne une information sur le cadre précis de vos enquêtes.
    On essaye d’être le maillon d’une chaîne. Aujourd’hui, on se présente comme une ONG d’investigation qui enquête sur les violences policières en France. Il s’agit d’être très précis sur le cadre de notre travail, local, qui s’occupe d’un champ bien défini, dans un contexte particulier. Cela reflète notre démarche : on est une petite structure, avec peu de moyens. En se spécialisant, on peut faire la lumière sur une série d’incidents, malheureusement récurrents, mais en travaillant au cœur d’un réseau déjà constitué et actif en France qui se confronte depuis plusieurs décennies aux violences d’État et aux violences policières plus particulièrement. En se localisant et étant spécifique, INDEX permet un travail de collaboration et d’échanges beaucoup plus pérenne et durable avec toute une série d’acteurs et d’actrices d’un réseau mobilisé autour d’un problème aussi majeur que l’usage illégitime de la force et de la violence par l’État. Limiter le cadre de notre exercice est une façon d’éprouver la capacité de nos techniques d’enquête et d’intervention publique à véritablement amorcer un changement dans les faits.

    On a parfois l’impression que la production des observateurs étrangers est plus forte, depuis l’extérieur. Quand la presse ou les observateurs étrangers s’emparent du sujet, ils prennent tout de suite une autre ampleur. Qu’en pensez-vous ?
    C’est sûr que la possibilité de projeter une perspective internationale sur un incident est puissante – je pense par exemple à la couverture du désastre du #maintien_de_l’ordre lors de la finale de la Ligue des champions 2022 au Stade de France qui a causé plus d’embarras aux représentants du gouvernement que si le scandale s’était limité à la presse française –, mais en même temps je ne pense pas qu’il y ait véritablement un gain à long terme dans une stratégie qui viserait à créer un scandale à l’échelle internationale. Avec INDEX, avoir une action répétée, constituer une archive d’enquêtes où chacune se renforce et montre le caractère structurel et systématique de l’exercice d’une violence permet aussi de sortir du discours de l’#exception, de la #bavure, du #dérapage. Avec un travail au long cours, on peut montrer comment un #problème_structurel se déploie. Travailler sur un tel sujet localement pose des problèmes, on a des difficultés à se financer comme organisation. Il est toujours plus facile de trouver des financements quand on travaille sur des violations des droits humains ou des libertés fondamentales à l’étranger que lorsqu’on essaye de le faire sur place, « à la maison ». Cela dit, on espère que cette stratégie portera ses fruits à long terme.

    Vous avez travaillé avec plusieurs médias français : Le Monde, Libération, Disclose. Comment s’est passé ce travail en commun ?
    Notre pratique est déjà inter et pluridisciplinaire. Avec Forensic Architecture, on a souvent travaillé avec des journalistes, en tant que chercheurs on est habitués à documenter de façon très précise les éléments sur lesquels on enquête puis à les mettre en commun. Donc tout s’est bien passé. Le travail très spécifique qu’on apporte sur l’analyse des images, la modélisation, la spatialisation, permet parfois de fournir des conclusions et d’apporter des éléments que l’investigation plus classique ne permet pas.

    Ce ne sont pas des compétences dont ces médias disposent en interne ?
    Non mais cela ne m’étonnerait pas que ça se développe. On l’a vu avec le New York Times. Les premières collaborations avec Forensic Architecture autour de 2014 ont contribué à donner naissance à un département qui s’appelle Visual Investigations qui fait maintenant ce travail en interne de façon très riche et très convaincante. Ce sera peut-être aussi l’avenir des rédactions françaises.

    C’est le cas du Monde qui a maintenant une « cellule d’enquête vidéo ».
    Cela concerne peut-être une question plus générale : ce qui constitue la valeur de vérité aujourd’hui. Les institutions qui étaient traditionnellement les garantes de vérité publique sont largement remises en cause, elles n’ont plus le même poids, le même rôle déterminant qu’il y a cinquante ans. Les médias eux-mêmes cherchent de nouvelles façons de convaincre leurs lecteurs et lectrices de la précision, de la rigueur et de la dimension factuelle de l’information qu’ils publient. Aller chercher l’apport documentaire des images et en augmenter la capacité de preuve et de description à travers les techniques qu’on emploie s’inscrit très bien dans cette exigence renouvelée et dans ce nouveau standard de vérification des faits qui commence à s’imposer et à circuler. Pour que les lecteurs leur renouvellent leur confiance, les médias doivent aujourd’hui s’efforcer de convaincre qu’ils constituent une source d’informations fiables et surtout factuelles.

    J’aimerais que l’on parle du contexte très actuel de ces dernières semaines en France. Depuis le mouvement contre la réforme des retraites, que constatez-vous ?
    On est dans une situation où les violences policières sont d’un coup beaucoup plus visibles. C’est toujours un peu pareil : les violences policières reviennent au cœur de l’actualité politique et médiatique au moment où elles ont lieu dans des situations de maintien de l’ordre, dans des manifestations… En fait, quand elles ne touchent plus seulement des populations racisées et qu’elles ne se limitent plus aux quartiers populaires.

    C’est ce que disait Didier Fassin dans le texte dont nous parlions à l’instant…
    Voilà. On ne parle vraiment de violences policières que quand elles touchent un nombre important de personnes blanches. Pendant la séquence des Gilets jaunes, c’était la même dynamique. C’est à ce moment-là qu’une large proportion de la population française a découvert les violences policières et les armes dites « non létales », mais de fait mutilantes, qui sont pourtant quotidiennement utilisées dans les #quartiers_populaires depuis des décennies. Je pense qu’il y a un problème dans cette forme de mobilisation épisodique contre les violences policières parce qu’elle risque aussi, par manque de questionnements des privilèges qui la sous-tendent, de reproduire passivement des dimensions de ces mêmes violences. Je pense qu’au fond, on ne peut pas dissocier les violences policières de la question du racisme en France.
    Il me semble aussi qu’il faut savoir saisir la séquence présente où circulent énormément d’images très parlantes, évidentes, choquantes de violences policières disproportionnées, autour desquelles tout semblant de cadre légal a sauté, afin de justement souligner le continuum de cette violence, à rebours de son interprétation comme « flambée », comme exception liée au mouvement social en cours uniquement. Les enquêtes qu’on a publiées jusqu’ici ont pour la plupart porté sur des formes de violences policières banalisées dans les quartiers populaires : tirs sur des véhicules en mouvement, situations dites de « refus d’obtempérer », usages de LBD par la BAC dans une forme de répression du quotidien et pas d’un mouvement social en particulier. Les séquences que l’on vit actuellement doivent nous interpeller mais aussi nous permettre de faire le lien avec la dimension continue, structurelle et discriminatoire de la violence d’État. On ne peut pas d’un coup faire sauter la dimension discriminatoire des violences policières et des violences d’État au moment où ses modes opératoires, qui sont régulièrement testés et mis au point contre des populations racisées, s’abattent soudainement sur une population plus large.

    Vous parlez des #violences_systémiques qui existent, à une autre échelle…
    Oui. On l’a au départ vu avec les Gilets jaunes lorsque les groupes #BAC ont été mobilisés. Ces groupes sont entraînés quotidiennement à faire de la #répression dans les quartiers populaires. C’est là-bas qu’ils ont développé leurs savoirs et leurs pratiques particulières, très au contact, très agressives. C’est à cause de cet exercice quotidien et normalisé des violences dans les quartiers populaires que ces unités font parler d’elles quand elles sont déployées dans le maintien de l’ordre lors des manifestations. On le voit encore aujourd’hui lors de la mobilisation autour de la réforme des retraites, en particulier le soir. Ces situations évoluent quotidiennement donc je n’ai pas toutes les dernières données mais la mobilisation massive des effectifs de police – en plus de la #BRAV-M [Brigades de répression des actions violentes motorisées] on a ajouté les groupes BAC –, poursuivent dans la logique dite du « contact » qui fait souvent beaucoup de blessés avec les armes utilisées.

    Avez-vous été sollicités ces temps-ci pour des cas en particulier ?
    Il y aura tout un travail à faire à froid, à partir de la quantité d’images qui ont émergé de la répression et en particulier des manifestations spontanées. Aujourd’hui, les enjeux ne me semblent pas concerner la reconstitution précise d’un incident mais plutôt le traitement et la confrontation de ces pratiques dont la documentation montre le caractère systémique et hors du cadre légal de l’emploi de la force. Cela dit, on suit de près les blessures, dont certaines apparemment mutilantes, relatives à l’usage de certaines armes dites « non létales » et en particulier de #grenades qui auraient causé une mutilation ici, un éborgnement là… Les données précises émergent au compte-goutte…
    On a beaucoup entendu parler des #grenades_offensives pendant le mouvement des Gilets jaunes. Le ministère de l’Intérieur et le gouvernement ont beaucoup communiqué sur le fait que des leçons avaient été tirées depuis, que certaines des grenades le plus souvent responsables ou impliquées dans des cas de mutilation avaient été interdites et que l’arsenal avait changé. En fait, elles ont été remplacées par des grenades aux effets quasi-équivalents. Aujourd’hui, avec l’escalade du mouvement social et de contestation, les mêmes stratégies de maintien de l’ordre sont déployées : le recours massif à des armes de l’arsenal policier. Le modèle de grenade explosive ou de #désencerclement employé dans le maintien de l’ordre a changé entre 2018 et 2023 mais il semblerait que les #blessures et les #mutilations qui s’ensuivent perdurent.

    À la suite des événements de Sainte-Soline, beaucoup d’appels à témoins et à documents visuels ont circulé sur les réseaux sociaux. Il semblerait que ce soit de plus en plus fréquent.
    Il y a une prise de conscience collective d’un potentiel – si ce n’est d’un pouvoir – de l’image et de la documentation. Filmer et documenter est vraiment devenu un réflexe partagé dans des situations de tension. J’ai l’impression qu’on est devenus collectivement conscients de l’importance de pouvoir documenter au cas où quelque chose se passerait. Lors de la proposition de loi relative à la sécurité globale, on a observé qu’il y avait un véritable enjeu de pouvoir autour de ces images, de leur circulation et de leur interprétation. Le projet de loi visait à durcir l’encadrement pénal de la capture d’image de la police en action. Aujourd’hui, en voyant le niveau de violence déployée alors que les policiers sont sous les caméras, on peut vraiment se demander ce qu’il se passerait dans la rue, autour des manifestations et du mouvement social en cours si cette loi était passée, s’il était illégal de tourner des images de la police.
    En tant que praticiens de l’enquête en source ouverte, on essaye de s’articuler à ce mouvement spontané et collectif au sein de la société civile, d’utiliser les outils qu’on a dans la poche, à savoir notre smartphone, pour documenter de façon massive et pluri-perspective et voir ce qu’on peut en faire, ensemble. Notre champ de pratique n’existe que grâce à ce mouvement. La #capture_d’images et l’engagement des #témoins qui se mettent souvent en danger à travers la prise d’images est préalable. Notre travail s’inscrit dans une démarche qui cherche à en augmenter la capacité documentaire, descriptive et probatoire – jusqu’à la #preuve_judiciaire –, par rapport à la négociation d’une vérité de fait autour de ces évènements.

    Le mouvement « La Vérité pour Adama », créé par sa sœur suite à la mort d’Adama Traoré en 2016, a pris beaucoup d’ampleur au fil du temps, engageant beaucoup de monde sur l’affaire. Vous-mêmes y avez travaillé…
    La recherche de la justice dans cette appellation qui est devenue courante parmi les différents comités constitués autour de victimes est intéressante car elle met en tension les termes de vérité et de justice et qu’elle appelle, implicitement, à une autre forme de justice que celle de la #justice_institutionnelle.
    Notre enquête sur la mort d’Adama Traoré a été réalisée en partenariat avec Le Monde. À la base, c’était un travail journalistique. Il ne s’agit pas d’une commande du comité et nous n’avons pas été en lien. Ce n’est d’ailleurs jamais le cas au moment de l’enquête. Bien qu’en tant qu’organisation, INDEX soit solidaire du mouvement de contestation des abus du pouvoir policier, des violences d’État illégitimes, etc., on est bien conscients qu’afin de mobiliser efficacement notre savoir et notre expertise, il faut aussi entretenir une certaine distance avec les « parties » – au sens judiciaire –, qui sont les premières concernées dans ces affaires, afin que notre impartialité ne soit pas remise en cause. On se concentre sur la reconstitution des faits et pas à véhiculer un certain récit des faits.

    Le comité « La Vérité pour Adama » avait commencé à enquêter lui-même…
    Bien sûr. Et ce n’est pas le seul. Ce qui est très intéressant autour des #comités_Vérité_et_Justice qui émergent dans les quartiers populaires autour de victimes de violences policières, c’est qu’un véritable savoir se constitue. C’est un #savoir autonome, qu’on peut dans de nombreux cas considérer comme une expertise, et qui émerge en réponse au déni d’information des expertises et des enquêtes officielles. C’est parce que ces familles sont face à un mur qu’elles s’improvisent expertes, mais de manière très développée, en mettant en lien toute une série de personnes et de savoirs pour refuser le statu quo d’une enquête qui n’aboutit à rien et d’un non-lieu prononcé en justice. Pour nous, c’est une source d’inspiration. On vient prolonger cet effort initial fourni par les premiers et premières concernées, d’apporter, d’enquêter et d’expertiser eux-mêmes les données disponibles.

    Y a-t-il encore une différence entre images amateures et images professionnelles ? Tout le monde capte des images avec son téléphone et en même temps ce n’est pas parce que les journalistes portent un brassard estampillé « presse » qu’ils et elles ne sont pas non plus victimes de violences. Certain·es ont par exemple dit que le journaliste embarqué Rémy Buisine avait inventé un format journalistique en immersion, plus proche de son auditoire. Par rapport aux médias, est-ce que quelque chose a changé ?
    Je ne voudrais pas forcément l’isoler. Rémy Buisine a été particulièrement actif pendant le mouvement des Gilets jaunes mais il y avait aussi beaucoup d’autres journalistes en immersion. La condition technique et médiatique contemporaine permet ce genre de reportage embarqué qui s’inspire aussi du modèle des reporters sur les lignes de front. C’est intéressant de voir qu’à travers la militarisation du maintien de l’ordre, des modèles de journalisme embarqués dans un camp ou dans l’autre d’un conflit armé se reproduisent aujourd’hui.

    Avec la dimension du direct en plus…
    Au-delà de ce que ça change du point de vue de la forme du reportage, ce qui pose encore plus question concerne la porosité qui s’est établie entre les consommateurs et les producteurs d’images. On est dans une situation où les mêmes personnes qui reçoivent les flux de données et d’images sont celles qui sont actives dans leur production. Un flou s’opère dans les mécanismes de communication entre les pôles de production et de réception. Cela ouvre une perspective vers de formes nouvelles de circulation de l’information, de formes beaucoup plus inclusives et participatives. C’est déjà le cas. On est encore dans une phase un peu éparse dans laquelle une culture doit encore se construire sur la manière dont on peut interpréter collectivement des images produites collectivement.

    https://aoc.media/entretien/2023/08/11/francesco-sebregondi-on-ne-peut-pas-dissocier-les-violences-policieres-de-la-

    #racisme #violences_policières

    ping @karine4

    • INDEX

      INDEX est une ONG d’investigation indépendante, à but non-lucratif, créée en France en 2020.

      Nous enquêtons et produisons des rapports d’expertise sur des faits allégués de violence, de violations des libertés fondamentales ou des droits humains.

      Nos enquêtes réunissent un réseau indépendant de journalistes, de chercheur·es, de vidéastes, d’ingénieur·es, d’architectes, ou de juristes.

      Nos domaines d’expertise comprennent l’investigation en sources ouvertes, l’analyse audiovisuelle et la reconstitution numérique en 3D.

      https://www.index.ngo

  • « Aujourd’hui mes #idéaux comptent plus que ma carrière » : #CRS depuis 12 ans, #Laurent_Nguyen préférerait renoncer à son métier qu’à son #humanité

    "Je m’appelle Laurent Nguyen, j’ai 44 ans, #gardien_de_la_paix et affecté en CRS depuis 12 ans. Moi, j’ai pris la décision d’entrer dans la #police quand j’avais 30 ans. J’avais des idées assez proches de l’#extrême_droite, et pour moi, la #sécurité était la première des #libertés qu’on devait garantir. On a tendance à considérer que les #manifestants sont complices des #casseurs. Et puis c’est une manière de se protéger psychologiquement, de se dire : ’De toutes façons, ils n’avaient qu’à pas être là, il y a un ordre de dispersion, il y a des casseurs. Donc, le #droit_de_manifester, bon, ça fait partie de la loi, effectivement, mais à un moment donné, on ne peut pas avoir des manifs tout le temps. Il y a des gens qui sont élus, bah si vous n’êtes pas contents, c’est comme ça’. J’étais dans ce logiciel-là, ça m’allait très bien.
    J’ai été vite déçu en CRS, déjà de ne pas trouver la cohésion que j’espérais trouver. Quand vous arrivez, que vous pensez sauver la France, que vous êtes confrontés aussi au désespoir de certains collègues dans des commissariats qui travaillent dans des conditions abominables. C’est difficile à vivre en tant que policier, ce sentiment d’#impuissance.
    J’ai le souvenir d’une mission à #Calais. On intervient un matin très tôt pour évacuer des migrants qui dorment dans la forêt. Et j’ai en face de moi un garçon qui a trois ans, qui a l’âge de mon fils. Et moi, je pense à mon fils, et que tu laisse ton humanité ressortir, tu te dis : ’Quelle #injustice pour cet enfant d’être là, dormir dans une forêt boueuse de #Dunkerque.' C’est pas normal qu’on en arrive là. Moi, j’en suis arrivé à vivre une très profonde #dépression. Je suis passé pas loin de me foutre en l’air. Et donc moi, après avoir vécu cette période, où je prends le choix que mon fils ait un père, bah, qu’est-ce que je peux lui transmettre ?
    Au départ du mouvement des #gilets_jaunes, j’ai tout de suite éprouvé de la sympathie pour ces gens, parce que c’étaient des revendications qui semblaient tout à fait légitimes. Je pense que beaucoup de policiers ont ressenti aussi cette sympathie, cette proximité. Il y avait une gêne chez beaucoup de mes collègues, et quand on a eu les premières scènes de violence, qui ont été diffusées dans les médias, moi, j’ai eu le sentiment qu’il y avait une forme de soulagement chez certains policiers, parce que ça leur permettait de régler un petit peu ce #problème_de_conscience en désignant un #ennemi. Moi, qui avait pris parti publiquement au sein de ma compagnie en faveur des gilets jaunes, parce que je défendais leurs revendications qui selon moi étaient justes, j’ai commencé à voir des collègues qui m’ont pris à partie, en me reprochant de soutenir les gilets jaunes, parce que si tu soutiens les gilets jaunes, tu soutiens les casseurs. Vous avez des gens qui ne peuvent même plus offrir des cadeaux de Noël à leurs enfants, qui ne peuvent pas les emmener en vacances, qui perdent leur boulot, qui ne savent pas comment ils vont s’en sortir, qui n’ont plus d’espoir. Est-ce qu’on peut comprendre aussi qu’à un moment donné ils puissent péter les plombs ? Alors il y en a qui disent que #réfléchir, c’est #désobéir, ou alors qu’il ne faut pas avoir d’états d’âme. Mais moi, je ne veux pas me priver de mon #âme, je ne veux pas me priver de ma #conscience, et moi, on m’a souvent reproché d’être un #idéaliste, comme si c’était une tare. Mais aujourd’hui je le revendique. Oui, j’ai des idéaux et aujourd’hui oui, mais idéaux comptent plus que ma #carrière et comptent plus que mon avenir personnel. Si je dois perdre mon boulot, bah, je perdrai mon boulot. C’est trop précieux pour moi de m’être trouvé, d’avoir trouvé mon humanité pour courir le risque de la perdre.

    https://twitter.com/ARTEfr/status/1684820991116185600

    Source : le #film_documentaire diffusé sur arte :
    Au nom du #maintien_de_l'ordre


    https://www.arte.tv/fr/videos/101352-000-A/au-nom-du-maintien-de-l-ordre-1-2
    ... qui n’est plus disponible sur le site web d’arte (et que je n’a pas trouvé ailleurs en ligne)

    #travail #forces_de_l'ordre #témoignage #France #liberté #déception #conditions_de_travail

    –—

    ajouté à la #métaliste de #témoignages de #forces_de_l'ordre, #CRS, #gardes-frontière, qui témoignent de leur métier. Pour dénoncer ce qu’ils/elles font et leurs collègues font, ou pas :
    https://seenthis.net/messages/723573

    • #flic, formellement il ne l’est plus depuis deux ans je crois, ex syndicaliste policier, son discours est rodé de manière à présenter les policiers comme victimes de l’administration policière et de leurs supérieurs.

      edit lorsque je ne savais rien de lui, j’avais trouvé son témoignage émouvant, tiens un facho dont le travail ignoble fait évoluer les vues ? là, je vois ces choses comme un marketing qui vise à humaniser la police et me souviens que ces animaux de plateaux sont occupé à faire mentir un dicton adapté au cas ( « flic suicidé à moitié pardonné », winch means : il n’y a pas de pardon qui tienne) en venant se faire aimer. leur pub, c’est un peu comme si il fallait publier du Cantat une fois par semaine. y a un moment où la prise de conscience c’est de fermer sa gueule.
      #hochet_de_gauche #ouin_ouin

  • Dans la tête d’un flic

    Sept policiers sortent de leur devoir de réserve pour raconter leur quotidien, leurs attentes et leurs craintes. Un documentaire passionnant sur une parole rare et sans filtre, sans angélisme ni procès d’intention.

    D’un côté, la mort d’Adama Traoré, la blessure grave infligée à Théo L., les violences à l’encontre de citoyens lors des manifestations contre la « loi travail », les débordements, les bavures. De l’autre, les cocktails Molotov brûlant grièvement un policier, l’attentat de Magnanville et son couple de fonctionnaires assassinés à leur domicile et, au quotidien, les insultes, les crachats, la violence, la déconsidération, la hiérarchie qui, souvent, reste muette et le taux de suicide, de 36 % supérieur à la moyenne nationale... L’incompréhension grandissante entre les forces de l’ordre et les citoyens crée une fracture dangereuse pour l’État. Brisant le devoir de réserve que la fonction leur impose, de nombreux policiers battent régulièrement le pavé depuis 2016, pour manifester leur colère. Sept d’entre eux sortent du silence et se livrent à François Chilowicz.

    https://www.arte.tv/fr/videos/075214-000-A/dans-la-tete-d-un-flic

    https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/53717_0

    #documentaire #film #film_documentaire #police #témoignage #maintien_de_l'ordre #forces_de_l'ordre #France

    –—

    ajouté à la #métaliste de #témoignages de #forces_de_l'ordre, #CRS, #gardes-frontière, qui témoignent de leur métier. Pour dénoncer ce qu’ils/elles font et leurs collègues font, ou pas :
    https://seenthis.net/messages/723573

  • Mort de #Nahel  : IL EST URGENT DE MENER UNE VÉRITABLE #RÉFORME DU #MAINTIEN_DE_L’ORDRE

    Nahel est mort. Il a été tué à bout portant par un policier. Il avait 17 ans. Nous publions une analyse du contexte dans lequel sa mort s’inscrit. Nous appelons à la justice, mais aussi à une révision des règles d’utilisation des armes à feu par la police et à la fin du racisme systémique dans l’application des lois.

    Mardi 27 juin 2023, à 8h 15. Un policier tue par balle Nahel, un mineur de 17 ans, lors d’un contrôle routier à Nanterre, en banlieue parisienne. Dans la voiture se trouvent deux autres garçons âgés de 17 et 14 ans. Deux jours plus tard, le policier auteur du tir mortel est mis en examen pour «  homicide volontaire par une personne dépositaire de l’autorité publique  ». Maintenu en détention provisoire, il fait actuellement l’objet d’une enquête officielle de l’Inspection générale de la police (IGPN).

    D’après la vidéo rendue publique et que nous avons analysée, le tir semble constituer un recours illégal à la force meurtrière.

    Depuis ce nouveau drame, des mobilisations nationales sont organisées partout en France. La colère de la population doit être entendue.

    Il est urgent de mener une véritable réforme du maintien de l’ordre et de reconnaître enfin le racisme systémique dans l’application de la loi.
    Ce que nous dénonçons  :

    les règles actuelles du maintien de l’ordre en France ne sont pas conformes aux normes internationales  ;

    l’incapacité de longue date à mettre fin au profilage racial  ;

    l’incapacité à garantir la responsabilité des agents qui font un usage excessif de la force.
    Ce que nous demandons :

    une réforme complète des règles régissant l’utilisation des armes à feu et de la force meurtrière par les responsables de l’application des lois  ;

    la fin du dangereux déni des autorités concernant les effets du racisme systémique dans le maintien de l’ordre  ;

    la création d’un organisme indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes déposées contre des agents des forces de l’ordre.

    Combien de Nahel n’ont pas été filmés  ?

    Combien de policiers n’ont pas été jugés  ?

    Combien de familles de victimes attendent encore justice  ?

    Les autorités françaises ne peuvent plus délibérément refuser d’admettre la réalité et laisser couver ces injustices.Il est urgent que le gouvernement agisse. Pour ne pas condamner la France à voir les mêmes drames se reproduire.

    Contrôles routiers   : un problème de longue date

    Les tirs mortels, lors de contrôles routiers par la police, sont un problème de longue date. Il s’est aggravé ces dernières années.

    Le tir mortel d’un policier sur Nahel - le plus récent d’une longue série d’homicides illégaux commis par la police lors de contrôles routiers - souligne l’urgence d’une refonte totale des règles françaises régissant l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, qui sont dangereusement imprécises et permissives.

    Nils Muižnieks, directeur régional Europe d’Amnesty International

    En 2017, un article ajouté au Code de la sécurité intérieure a élargi les motifs d’utilisation des armes à feu. Si le recours à la force doit répondre à une «  absolue nécessité  » et à «  une stricte proportionnalité  », l’usage des armes à feu et de la force meurtrière n’est plus strictement limité aux seuls cas de «  menace imminente de mort  » ou «  de blessure grave  ». Il est autorisé dès lors qu’il existe un risque "présumé" ou "anticipé" de blesser d’autres personnes.

    Cette formulation, trop vague, laisse une trop grande part d’arbitraire et de liberté d’appréciation aux policiers et est contraire au droit international relatif aux droits humains. L’homicide de Nahel est un exemple tragique des failles de ce cadre juridique. La vidéo montre clairement que l’avancée du véhicule ne constituait pas une menace pour les policiers.

    Le jour de la mort de Nahel, la député Caroline Abadie, vice-présidente de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, a déclaré dans une interview  : «  C’est quand même la police qui détient le droit de faire usage de la force. […] On est dans un état de droit, il faut […] rappeler les fondamentaux, quand il y a un barrage de police, on s’arrête, point barre […] Il faut aussi rappeler ces principes basiques17.  » Ce raisonnement, largement répandu, est erroné.

    Selon le droit international, le simple fait qu’une personne refuse d’obtempérer ou tente de s’enfuir, sans mettre en danger la vie de quiconque, n’est pas une raison suffisante pour utiliser une arme à feu. Un refus d’obtempérer à un ordre d’arrêter une voiture ne constitue pas en soi un motif légitime de recours à la force.  L’usage d’une arme à feu dans une telle situation ne peut être justifié que par des considérations autres que le simple fait qu’un véhicule a forcé un poste de contrôle  : il doit y avoir une menace imminente de mort ou de blessure grave pour des tiers.

    👉 Ce que nous dénonçons.

    Le cadre juridique français sur les règles d’utilisation des armes à feu n’est pas conforme au droit international relatif aux droits humains ni aux normes internationales en la matière. 
    👉 Ce que nous demandons.

    Les responsables de l’application des lois ne doivent être autorisés à utiliser leurs armes à feu qu’en dernier recours, en situation de légitime défense ou pour défendre des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessure grave. 

    Le poids du racisme systémique

    Si les autorités doivent revoir la politique générale de la police en matière d’utilisation des armes à feu, elles doivent aussi prendre des mesures significatives pour lutter contre le racisme systémique dans le maintien de l’ordre.

    En France, l’utilisation illégale des armes à feu dans le contexte de contrôles routiers semble en effet être associée à un préjugé raciste, puisque beaucoup des victimes d’homicides illégaux survenus dans ce contexte sont des personnes racisées. Selon l’agence de presse Reuters, la majorité des personnes tuées par la police dans un véhicule étaient racisées. Nahel était lui-même français d’origine algérienne. 

    En 2021, avec une coalition d’organisations (la Maison communautaire pour un développement solidaire, Pazapas, le Réseau Égalité, Antidiscrimination, Justice interdisciplinaire, Human Rights Watch et Open Society Justice Initiative) nous avons engagé une action de groupe contre l’État français pour son inaction depuis des années. Nous avons saisi la plus haute juridiction administrative française, reprochant aux autorités de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour empêcher et sanctionner les contrôles d’identité au faciès menés par la police, malgré des preuves accablantes faisant état de discrimination systémique. 

    Les pratiques de contrôle au faciès ne naissent pas de rien.

    Le profilage racial est à la fois une cause et une conséquence du racisme systémique. De telles pratiques n’existent pas dans un contexte vierge et leur prévalence en France peut être considérée comme un reflet de la persistance d’un racisme sociétal systémique.

    TendayiAchiume,Ex-rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance
    👉 Ce que nous dénonçons.

    L’incapacité de longue date à mettre fin au profilage racial.
    👉 Ce que nous demandons.

    La fin du dangereux déni des autorités concernant les effets du racisme systémique dans le maintien de l’ordre.

    Le grand déni des autorités

    «  Nous sommes préoccupés par le meurtre d’un jeune homme de 17 ans d’ascendance nord-africaine par la police en France mardi dernier. Nous notons qu’une enquête a été ouverte concernant des allégations d’homicide volontaire. Le moment est venu pour le pays de s’attaquer sérieusement aux problèmes profonds liés au racisme et à la discrimination dans le contexte du maintien de l’ordre. Nous tenons également à insister sur l’importance du respect du droit de réunion pacifique. Nous demandons aux autorités de veiller à ce que le recours à la force par la police afin de lutter contre les éléments violents durant les manifestations respecte toujours les principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité, de non-discrimination, de précaution et de responsabilité. Toute allégation de recours disproportionné à la force doit rapidement faire l’objet d’une enquête.  » 

    Cette brève déclaration d’une porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a immédiatement suscité de vives réactions.

    Le ministère français des Affaires étrangères a déclaré en retour  : «  Toute accusation de racisme ou de discrimination systémiques par les forces de l’ordre en France est totalement infondée. […] L’usage de la force par la police et la gendarmerie nationales est régi par les principes d’absolue nécessité et de proportionnalité, strictement encadré et contrôlé  ».

    Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, a répondu sur BFMTV : «  Non, certainement pas, il n’y a pas de racisme dans la police.  »

    Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, lors d’une interview au journal britannique The Telegraph : «  Je leur répète avec vigueur qu’il est inacceptable de dire que la police française est raciste, c’est totalement inacceptable  ». Selon ce même article, le ministre a écarté les accusations concernant le tir mortel, le qualifiant d’«  incident isolé  » dans un maintien de l’ordre qui «  respecte l’état de droit et fait son travail dans des conditions difficiles  ». 

    Six jours après la mort de Nahel, la présidente du Parlement français, Yaël Braun-Pivet, a même affirmé haut et fort  : «  La police exerce sa mission de façon merveilleuse  !  ».

    Ces déclarations de haut·es responsables du gouvernement français sont symptomatiques d’un refus de reconnaître l’existence d’un recours excessif à la force dans le cadre du maintien de l’ordre et d’un racisme systémique dans l’application des lois.

    Les affres de l’impunité

    Le déni des autorités renforce le sentiment d’impunité des forces de l’ordre et alimente une violence pourtant maintes fois dénoncée.

    En 2005, dans notre rapport sur les graves violations commises par des responsables de l’application des lois en France
    En 2009 , dans notre rapport «  France : des policiers au-dessus des lois  »
    En 2018, quand la France a été épinglée dans l’affaire Naguib Toubache
    👉 Ce que nous dénonçons.

    Ces dernières années, plusieurs de nos recherches montrent que, dans les affaires où des responsables de l’application des lois sont mis en cause, l’enquête – lorsqu’enquête il y a – n’est pas conforme aux critères de rapidité, d’indépendance, d’impartialité et d’efficacité établis par les normes internationales relatives aux droits humains.
    👉 Ce que nous demandons.

    La reconnaissance du caractère systémique du racisme dans le maintien de l’ordre et la création d’un organisme indépendant disposant de ressources suffisantes pour enquêter sur toutes les allégations de graves violations des droits humains imputées à des agents de la force publique.

    L’homicide de Nahel ne saurait être séparé de ce contexte. Il est impossible de ne pas y voir le manque d’action concrète de l’État français pour garantir l’obligation de rendre des comptes et mettre en œuvre une réforme systémique garantissant la non-répétition des pratiques abusives récurrentes. Il est urgent de mener une véritable réforme du maintien de l’ordre et de reconnaître enfin le racisme systémique dans l’application des lois.

    https://www.amnesty.fr/actualites/mort-de-nahel-reformer-utilisation-des-armes-a-feu-et-mettre-fin-au-racisme-

    #Amnesty #racisme_systémique #armes_à_feu #armes #police #normes_internationales #responsabilité #contrôles_routiers #refus_d'obtempérer #déni #impunité

    ping @karine4

  • BRI & RAID [850 agents] - Maintien de l’ordre
    https://maintiendelordre.fr/bri-raid

    Armements utilisés en violences urbaines
    Fusils à pompes, bean bags, grenades lacrymogènes et assourdissantes

    En plus des grenades utilisées en maintien de l’ordre et du LBD, la BRI et le RAID utilisent leur propre équipement.

    Dans le cas des violences urbaines, la protection des personnes et des biens est assurée par les forces de l’ordre « conformément aux règles de droit commun » en relevant des articles 122-5 du code pénal (légitime défense des personnes et des biens) et 122-7 (état de nécessité). Les policiers ont donc le droit d’intervenir avec leurs armes « sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace », comme le rappellent les deux articles.

    À l’aide de fusils de calibre 12, les agents tirent des munitions dites « bean bags », des petits sacs de toiles remplis de billes de plomb. À bout portant, les tirs de munitions bean bag comme de LBD, peuvent devenir des tirs létaux. En 2014, la Société française de médecine d’urgence (SFMU), publie un rapport sur cette arme : « Le bean bag présente un potentiel létal non négligeable à moins de 3 mètres par manque de déploiement ou encore par rupture du sachet et pénétration des plombs. À une distance supérieure ou égale à 7 mètres, même parfaitement déployé, le bean bag peut être responsable de lésions sévères, voire mortelles. » Une autre étude de 2021, cette fois-ci américaine, analyse une quarantaine de cas. L’un d’eux est celui d’un homme visé au thorax à une distance de 8 mètres. Il décèdera 15 minutes après.

    [...]

    En cas de crise, la BRI-PP qui compte une centaine d’agents, peut adopter la formation BRI-UCT (Unité contre-terroriste) et ainsi passer à plus de trois cents membres. Dans cette configuration, la BRI-UCT est appuyée par d’autres unités de la préfecture de police de Paris avant tout pour sécuriser le périmètre. On peut retrouver des policiers des CSI, de BAC de nuit, de la DSPAP mais aussi des unités de la DOPC. Dans ce cadre, la BRI-UCT fait également partie de la force d’Intervention de la Police Nationale, #FIPN. Cette force est aussi composée du #RAID et du GIPN.

    #police #BRI #maintien_de_l'ordre #armes_de_la_police #fusil #beanbags #LBD

  • À Marseille, le RAID tire à vue - POLITIS
    https://www.politis.fr/articles/2023/07/nahel-mort-a-marseille-le-raid-tire-a-vue

    La cité phocéenne, secouée par des affrontements après la mort de Nahel, a vu le RAID déployé dans ses rues. Plusieurs vidéos montrent cette unité d’élite réaliser des tirs à des distances potentiellement létales. Un homme y est mort après un « probable » tir « de type flash-ball ».

    Des coups de feu, parfois très proches. Dans une rue marseillaise, peu après minuit, dans la nuit du 30 juin au 1er juillet, des gens courent, visés par des tirs à moins de quatre mètres. Certains s’effondrent avant de se relever et de fuir. Les munitions sont en réalité des « bean bags », des petits sacs de toiles remplis de billes de plomb. En face d’eux, des hommes en noir, casqués et armés de #fusils de #calibre_12, le même pour les fusils de chasse. Il s’agit du #RAID, une unité d’élite de la #police qui intervient en cas d’attaques terroristes, de prises d’otages et dans la lutte contre le grand banditisme. Ce soir-là, pas de terroristes ni de criminels de grandes envergures, mais de simples jeunes révoltés.

    Le lendemain de cette scène de traque, dans la nuit du 1er au 2 juillet, Mohammed décède d’un arrêt cardiaque dans le même quartier. Le parquet estime que le décès de ce livreur Uber Eats et jeune père de famille de 27 ans a probablement été causé « par un choc violent au niveau du thorax provoqué par le tir d’un projectile de type flash-ball ». Présent lors des affrontements, il n’était là que pour prendre des photos, d’après sa femme contactée par RTL. Le parquet de Marseille a annoncé ouvrir une enquête pour « coups mortels avec usage ou menace d’une arme ».

    Flash-Ball, #LBD ou #bean_bag, le type de blessure engendrée par ces armes est relativement équivalent, la munition étant sphérique et relativement molle. Mais, comme le montre la scène du 1er juillet au soir, des tirs à moins de trois mètres sont effectués par le RAID. Encadré, le LBD est prévu pour un usage optimal entre 25 et 30 mètres. « En deçà des intervalles de distances opérationnels, propres à chaque munition, cette arme de force intermédiaire peut générer des risques lésionnels plus importants », rappelle une circulaire de 2017 de la police nationale.

    Pourtant, des vidéos des dernières émeutes montrent des policiers tirer à moins d’un mètre, comme à Montfermeil le 30 juin. Pour l’utilisation des bean bags, alors qu’une autre victime est dans le coma à Mont-Saint-Martin après un tir du RAID (article de La Voix du Nord), les consignes de tirs sont inconnues. Contacté pour obtenir plus d’informations sur les règles d’emploi, le ministère de l’Intérieur n’a pas répondu à nos sollicitations.

    #militarisation #maintien_de_l'ordre

    • After the Riots, the Police Terrorize Marseille
      https://www.thenation.com/article/world/france-marseille-police-nahel

      Marseille, France—Many of the faces in the crowd were young and brown. It was June 29 in #Marseille. Two days prior in Nanterre, a cop fatally shot Nahel Merzouk, 17, in the head during a routine traffic stop. The police had claimed self-defense, but a video released by a witness showed an officer pointing and firing a gun directly into the youth’s car.

      That first night, there were arrests and fires in cities around Nanterre, but the anger quickly spread across France. Police responded by sending helicopters, armored vehicles, tactical units, and the French equivalent of SWAT teams. Over six days, police arrested between 3,600 and 4,000 people. About a third of them were minors—some as young as 11. Many of the detained protesters were men and boys of color like Nahel, who was of Algerian and Moroccan descent. While the government promises “swift, tough, and systematic” sanctions for those arrested, the confrontations have left French cities reeling. Marseille, in particular, has become a flashpoint in the media coverage of riots and looting.

      The scale and swiftness of police repression that descended upon French cities has been shocking. French media and politicians across the spectrum have turned police officers and a mayor and his family who escaped “attempted assassination”—an event that may not be connected to the riots—into the main victims of the unrest. But several people have died, including a 27-year-old in Marseille whose death is seen as “probably” due to the impact of a “Flash-Ball type projectile” (a rubber or foam pellet), a 50-year-old shot by a stray bullet in French Guyana, and a young man who fell from the roof of a grocery store during a looting near Rouen.

    • Pour le RAID, les consignes de tirs sont inconnues. Contacté pour obtenir plus d’informations sur les règles d’emploi, le ministère de l’Intérieur n’a pas répondu à nos sollicitations.

      Politis compte attaquer le RAID au tribunal administratif pour non respect de la procédure de tir ? #LOL #MDR (et accessoirement d’un arrêt cardiaque dû au tir du RAID à l’insu de son plein gré #le_coup_est_parti_tout_seul)

      Le mieux est d’attendre la dissolution de l’ONU. Et superbe article de The Nation.

  • Chez les policiers, de la fatigue, peu de débats et la crainte que les émeutes ne soient pas terminées
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/05/chez-les-policiers-de-la-fatigue-peu-de-debats-et-la-crainte-que-les-emeutes

    (...) une crainte parcourt l’institution : l’éventualité d’un nouveau cycle de tensions en cas de révélations tardives de graves blessures ou, pire, de mort, causées par les forces de l’ordre au cours des affrontements. Le risque est identifié depuis longtemps et des affaires émergent.

    Après des révélations du quotidien en ligne La Marseillaise, le parquet de Marseille a confirmé l’ouverture d’une information judiciaire pour « coups mortels avec usage ou menace d’une arme » à la suite de la mort d’un homme âgé de 27 ans dans la nuit du samedi 1er au dimanche 2 juillet, probablement à la suite d’un tir de Flash-Ball ou de lanceur de balles de défense (#LBD). Et, à Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle), un homme circulant en voiture a été grièvement atteint, selon ses proches, par une munition antiémeute de type « beanbag », vendredi 30 juin, sans doute après un tir de l’antenne locale du #RAID (Recherche, assistance, intervention, dissuasion), l’une des unités d’élite de la police.

    [...]

    Engagé avec la CRS 45 à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), ce policier expérimenté a découvert, ébahi, les modes d’actions nouveaux, pensés, élaborés, des émeutiers. Des barricades pour bloquer des voies d’accès stratégiques. Des attaques sur les flancs. Des ballons de baudruche remplis de liquide inflammable et lancés dans les fourgons puis enflammés à distance par des tirs de mortiers. « Ils ne craignaient pas du tout le contact, dit-il. Avec la volonté évidente de causer des dégâts humains. » Mobilité, coordination : la souplesse des assaillants a aussi contribué à épuiser les forces de l’ordre.
    https://justpaste.it/d5g08

    #révolte #émeutes #police #maintien_de_l'ordre

  • Emeutes urbaines : à Mont-Saint-Martin, un jeune homme dans le coma, interrogations sur l’intervention du RAID au cours d’une « nuit terrifiante »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/04/emeutes-urbaines-a-mont-saint-martin-un-jeune-homme-dans-le-coma-interrogati

    Pour cette nuit, onze agents du RAID sont « engagé[s] » dans cette commune d’à peine 10 000 habitants pour « assurer la sécurité des personnes et des biens », peut-on lire dans un tweet du préfet du département. La veille, selon la municipalité, la buvette du stade, une dizaine de véhicules et un établissement pour autistes ont brûlé ; il y a eu aussi des affrontements avec les forces de l’ordre dans la cour de l’école Jean-de-la-Fontaine.

    Vers « minuit cinquante une heure », Aimène, Yorick et Mimoun décident d’aller se ravitailler à la boutique d’une pompe à essence de Rodange, au Luxembourg. A peine cinq kilomètres à parcourir. Aimène prend le volant d’une Clio 3 blanche qui appartient à la mère de Yorick. Celui-ci s’assoit derrière le conducteur, Mimoun du côté passager. A peine parti, il faut revenir : l’un d’eux a oublié ses cigarettes. Léger détour. Juste avant de passer sur la chicane et un ralentisseur de la rue de Verdun, Aimène, vitre baissée, rétrograde en seconde. « Je tourne la tête à gauche, j’aperçois des policiers dans le noir, je vois une lampe torche qui nous éclaire et j’entends “poc” », raconte Mimoun. Aimène ne répond plus.

    « Moi, je ne comprends pas. J’entends la voiture en surrégime, je dis “Aimène, qu’est-ce que tu fais, avance” », poursuit Yorick. « Il y a du sang partout, je prends le volant pour éviter le terre-plein devant nous, je tourne à droite sur la rue de Marseille. Aimène est inconscient. Putain, il a pris une balle », lance Mimoun. Selon le récit des deux passagers, la voiture aurait continué sa course sur 500 mètres, le pied de la victime étant resté sur l’accélérateur. « On arrive à se stationner un peu plus loin à l’entrée de la bretelle NR2, détaille Mimoun. Je lui mets un tissu dans le cou, je pensais que le sang sortait par là ; mais ça n’a servi à rien, je ne savais pas qu’il coulait de la tête. » Yorick : « J’appelle les pompiers tout en disant à Aimène de ne pas s’endormir ; ils ne répondent pas, alors je contacte quelqu’un. » A ce moment-là, aucun policier ne les aurait suivis pour leur porter un éventuel secours.

    « Il y a une volonté de faire la lumière »

    A 1 h 10, le téléphone de Nordine, 28 ans, vibre. « Il me dit “Aimène a pris une balle. Viens”, se souvient-il. On arrive avec deux amis et je suis choqué : je lui retire sa casquette et un sachet entré dans sa tête, je vois un trou. » Il filmera le projectile dans la casquette ensanglantée. Direction les urgences de l’hôpital de Mont-Saint-Martin ; là-bas, on ne peut pas le traiter. « On évoque la possibilité de l’héliporter à Nancy, mais à cause des orages [prévus par Météo-France], on nous dit qu’il ne pouvait pas décoller », raconte Maya.

    Aimène est donc transporté en ambulance à l’hôpital d’Arlon, pour subir une opération à 3 h 50. Depuis, le jeune homme a été plongé dans le coma, son état de santé reste extrêmement fragile. La famille a le droit de lui rendre visite chaque jour de 16 heures à 17 h 30.

    [...]

    Dans le quartier, des habitants, qui disent ne pas avoir participé aux émeutes, ont assuré au Monde qu’ils ont été « pris pour cible » par des membres de cette unité d’élite lors de cette nuit « terrifiante ». Certains ont été touchés. On constate aussi des impacts sur des voitures. Toujours dans la même zone, à l’angle des rues de Marseille et Verdun où, selon ces témoignages, des membres du #RAID auraient été dissimulés ou allongés, selon eux, dans les buissons. « Des jeunes m’ont dit que ça tirait à tout va, explique Serge de Carli, le maire de Mont-Saint-Martin (divers gauche). J’ai posé des questions, une enquête est en cours. »

    A 1 h 10, soit quelques minutes après la blessure d’Aimène, un habitant a filmé une scène dans laquelle on voit trois voitures roulant à faible allure, dans des circonstances indéterminées, puis le RAID tirer en leur direction. « C’est comme si on était à la fête foraine, assure au Monde Théo Palmieri, 21 ans, l’un des chauffeurs. Je déposais un ami, il n’y a pas eu d’insulte ou de geste de notre part. »

    https://justpaste.it/a0hc4
    https://seenthis.net/messages/1008575

    #révolte #émeutes #maintien_de_l'ordre #armes_de_la_police #beanbags

    • Projectile en sachet — Wikipédia
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Projectile_en_sachet

      Un projectile en sachets ou un sac à pois (traduction de l’anglais : bean bag rounds, littéralement : « munitions à sac de haricots ») est une munition pour arme à feu, dont les cartouches contiennent des sachets. Ces sachets peuvent contenir du plomb, du sable ou des billes d’acier. Une fois tiré, le sachet se déplie et frappe la cible par le côté plat. Ces munitions peuvent contenir de la teinture pour repérer la cible par la suite, ou bien des agents chimiques pour l’affecter directement. Les cartouches peuvent être tirées depuis un fusil ou un lance grenade1.

      Elles sont utilisées dans plusieurs pays pour contrôler les foules. Elles ont par exemple été utilisées lors des Manifestations de Ferguson en 2014 aux États-Unis2 et aussi dans les Manifestations de 2019 à Hong Kong contre la loi d’extradition3, sur les Hongkongais, et aussi dans les Manifestations de 2019 au Chili.

    • Jeune homme dans le coma lors d’émeutes à Mont-Saint-Martin : ouverture d’une information judiciaire
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/07/jeune-homme-dans-le-coma-lors-d-emeutes-a-mont-saint-martin-ouverture-d-une-

      Yassine Bouzrou, l’avocat de la famille de la victime – le même qui suit l’affaire de Nahel M. – explique au Monde qu’il « trouve que la procureure de la République du Val-de-Briey a fait preuve de beaucoup de réserves en affirmant qu’à ce stade, on ne peut pas accuser mon client de quoi que ce soit ». Il ajoute : « Elle n’a pas cherché non plus à criminaliser la victime comme le font trop souvent ses confrères. Les investigations vont pouvoir se poursuivre et démontrer qu’un agent du RAID a fort probablement tiré sur mon client. »

      maintenant qu’après plus de 3000 arrestations la presse est disponible (cf. le meurtre d’Alhoussein Camara à Angoulème qui fini par faire l’objet d’un article dans Le Monde) le parquet fait varier ses scénars, prend des précautions

      #Aimène_Bahouh

    • Émeutes : un jeune homme toujours dans le coma après un tir policier, son avocat [Yassine Bouzrou] dénonce l’« hostilité » des juges
      https://www.leparisien.fr/faits-divers/emeutes-un-jeune-homme-toujours-dans-le-coma-apres-un-tir-policier-son-av

      Il dénonce l’ « hostilité » des magistrats. Une requête en dépaysement a été déposée auprès du procureur général de Nancy par Me Yassine Bouzrou, avocat de la famille d’Aimène B., un jeune homme de 25 ans toujours dans le coma après avoir été touché le 30 juin par un tir d’un policier du Raid, à Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle), pendant les émeutes.

      L’avocat dénonce le « refus » des juges d’instruction Nancy de lui donner accès au dossier de l’affaire, après l’ouverture début juillet d’une information judiciaire pour « tentative d’homicide volontaire ». Une opposition « inacceptable » et qui « interroge quant à leurs motivations », a-t-il estimé mardi dans une lettre transmise au procureur général de Nancy, demandant le renvoi de l’affaire à un autre tribunal.

      « Des éléments doivent être dissimulés »

      Me Bouzrou dit avoir reçu une fin de non-recevoir lundi, après avoir sollicité une copie de la procédure auprès du tribunal judiciaire. Il indique avoir essuyé un nouveau refus lorsqu’il a tenté de joindre le greffier, le secrétariat lui ayant répondu que le dossier n’était « actuellement pas en forme pour être consulté ».

      « Le fait d’avoir besoin de mettre en forme le dossier avant d’en donner connaissance à la partie civile permet de craindre que des éléments doivent être dissimulés avant sa consultation », juge Me Bouzrou dans le communiqué.

      « Un souci de protection du policier »

      « Le refus des magistrats instructeurs d’instruire ce dossier et de communiquer aux parties civiles les éléments du dossier démontre une hostilité qui ne peut s’expliquer que par un souci de protection du fonctionnaire de police qui a commis une infraction extrêmement grave », ajoute-t-il, précisant que ce dernier n’a - « à (sa) connaissance » - « toujours pas été mis en examen ».

      Dénonçant aussi des « liens habituels » entre les policiers du Raid, basés à Nancy, et les magistrats et le parquet de cette même ville, Me Bouzrou demande un renvoi de la procédure vers un autre tribunal.

      #indépendance_des_juges #justice

  • Emeutes urbaines : le recours aux unités d’élite de la police et de la gendarmerie, une stratégie inédite et « assumée »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/03/emeutes-urbaines-le-recours-aux-unites-d-elite-de-la-police-et-de-la-gendarm

    Deux jours après la mort de Nahel M., 17 ans, tué d’une balle à bout portant par un policier à l’occasion d’un contrôle routier, personne ne s’attendait à voir mobilisés les effectifs de cette prestigieuse unité [la BRI], ni ceux du RAID (Recherche, assistance, intervention, dissuasion), du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et de leurs antennes locales, davantage rompus aux prises d’otages et à l’interception de « go fast » qu’à la gestion des « VU » – les violences urbaines.

    Oubliées, les consignes de retenue données lors des premiers affrontements. Avec la multiplication de scènes de pillage et d’extrême violence, les images accablantes du contrôle routier qui a coûté la vie au jeune Nahel M. ont disparu des écrans en quelques heures, au profit de séquences apocalyptiques, avenues en flammes, centres commerciaux dévalisés, gerbes des mortiers d’artifice tirés contre des bâtiments publics.
    Depuis la place Beauvau, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a compris que l’opinion se retournait, que le risque d’un procès en incompétence – pire à ses yeux : en laxisme – excédait désormais celui, pourtant bien réel, d’une nouvelle bavure. Politiquement, il a aussi estimé avoir les coudées franches. Contrairement à un Nicolas Sarkozy empêtré dans ses mensonges après la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré, deux adolescents électrocutés après une course-poursuite avec des policiers, en octobre 2005, n’a-t-il pas jugé « extrêmement choquantes » les images du contrôle routier mortel de Nanterre, filmées par une passante et devenues virales ?

    « Démonstration de force »

    Le ton et la méthode changent. « Des instructions d’intervention systématiques ont été données aux forces de l’ordre », tweete-t-il le jeudi 29 juin. Le matin même, dans le cadre du dispositif Coordination opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires, une première décision a autorisé les pelotons de sécurité et d’intervention de la gendarmerie à agir en zone police. Puis est venue celle d’engager sur le terrain les unités d’élite de la police et de la gendarmerie. Pour une « démonstration de force totalement assumée et revendiquée, affirme l’entourage du ministre, avec un double objectif opérationnel et psychologique ».

    Il s’agit de reprendre l’initiative en bousculant les émeutiers, loin de la stratégie habituelle du maintien de l’ordre, qui consiste théoriquement à tenir les manifestants à distance. Les blindés du RAID et de la BRI sont engagés au plus près des affrontements.

    https://justpaste.it/9tr69

    #Nahel #révoltes #maintien_de_l'ordre #BRI #RAID #GIGN