• Des #mines pour sauver la planète ?

    Pour réaliser la #transition_énergétique, il faudrait extraire en vingt ans autant de métaux qu’au cours de toute l’histoire de l’humanité. C’est « l’un des grands #paradoxes de notre temps », constate #Celia_Izoard.

    Journaliste, traductrice et philosophe, Celia Izoard examine depuis plusieurs années les impacts sociaux et écologiques du développement des nouvelles technologies. Ce nouvel ouvrage s’intègre dans cette veine en explorant les effets délétères de la transition énergétique et numérique.

    La #transition verte nécessite d’extraire du #sous-sol des quantités colossales de #métaux. Ils seront ensuite destinés à la production des énergies bas carbone qui sauveront la planète. Cette course aux métaux supposée sauver la planète du dérèglement climatique n’aggrave-t-elle pas le chaos écologique, les dégâts environnementaux et les inégalités sociales ?

    Celia Izoard mène une vaste enquête sur ce phénomène mondial, inédit et invisible. Si d’autres ouvrages ont également mis en avant l’insoutenabilité physique d’une telle transition, la force de ce livre est d’élaborer un panorama de cette question grâce à des enquêtes de terrain et une analyse fournie sur les aspects culturels, politiques, économiques et sociaux des mines et des métaux.

    Le #mythe de la #mine_verte

    Au début du livre, Celia Izoard part à la recherche des mines du XXIe siècle, « responsables », « relocalisées », « 4.0 », ou encore « décarbonées, digitales et automatisées ». Par un argumentaire détaillé et une plongée dans des mines en #Espagne ou au #Maroc, l’autrice démontre que derrière ce discours promu par les institutions internationales, les dirigeants politiques et les milieux d’affaires se cache un autre visage. Celui de la mine prédatrice, énergivore et destructrice. Celui qui dévore l’habitat terrestre et le vivant.

    De façon locale, le processus de « radicalisation » de la mine industrielle est détaillé par le prisme de ses ravages sociaux. La mine est avant tout « une gigantesque machine de #déracinement » (p. 54), qui vide des espaces en expropriant les derniers peuples de la planète. En outre, la mine contemporaine expose les populations à diverses maladies et à l’intoxication. Dans la mine de #Bou-Azzer au Maroc, on extrait du « #cobalt_responsable » pour les #voitures_électriques ; mineurs et riverains souffrent de cancers et de maladies neurologiques et cardiovasculaires.

    L’ampleur globale de la #prédation du #secteur_minier au XXIe siècle est aussi esquissée à travers la production grandissante de #déchets et de #pollutions. Le secteur minier est l’industrie la plus polluante au monde. Par exemple, une mine industrielle de #cuivre produit 99,6% de déchets. Stockés à proximité des #fosses_minières, les stériles, de gigantesques volumes de roches extraits, génèrent des dégagements sulfurés qui drainent les #métaux_lourds contenus dans les roches et les font migrer vers les cours d’#eau. Les tuyaux des usines crachent en permanence les #résidus_toxiques qui peuvent, en fonction du #minerai traité, se composer de #cyanure, #acides, #hydrocarbures, #soude, ou des #poisons connus comme le #plomb, l’#arsenic, le #mercure, etc. Enfin, les #mines_zéro_carbone sont des #chimères car elles sont toutes très énergivores. La quantité nécessaire pour extraire, broyer, traiter et raffiner les métaux représentent environ 8 à 10% de l’#énergie totale consommée dans le monde, faisant de l’#industrie_minière un principal responsable du dérèglement climatique.

    La face sombre de la transition énergétique

    Dans la seconde partie, Celia Izoard montre que les élites sont « en train d’enfouir la crise climatique et énergétique au fond des mines » (p. 62). Cet impératif d’extraire des métaux pour la transition coïncide avec le retour de la question des #matières_premières sur la scène publique, dans un contexte où les puissances occidentales ont perdu leur hégémonie face à la Chine et la Russie.

    Depuis quand la transition implique-t-elle une relance minière et donc le passage des #énergies_fossiles aux métaux ? Cet argument se diffuse clairement à la suite de la publication d’un rapport de la Banque mondiale en 2017. En collaboration avec le plus gros lobby minier du monde (l’ICMM, International Council on Mining and Metals), le rapport stipule que l’industrie minière est appelée à jouer un rôle majeur dans la lutte contre le changement climatique – en fournissant des technologies bas carbones. #Batteries électriques, rotors d’éoliennes, électrolyseurs, cellules photovoltaïques, câbles pour la vague d’électrification mondiale, toutes ces infrastructures et technologies requièrent néanmoins des quantités faramineuses de métaux. La transition énergétique des sociétés nécessiterait d’avoir recours à de nombreux métaux de base (cuivre, #nickel, #chrome ou #zinc) mais aussi de #métaux_rares (#lithium, #cobalt, #lanthanide). L’#électrification du parc automobile français exige toute la production annuelle de cobalt dans le monde et deux fois plus que la production annuelle de lithium.

    Au XXIe siècle, la matière se rappelle donc brusquement aux puissances occidentales alors qu’elles s’en rêvaient affranchies dans les années 1980. Pourtant, les sociétés occidentales n’avaient évidemment jamais cessé de se fournir en matières premières en s’approvisionnant dans les mines et les industries délocalisées des pays du Sud. Ce processus de déplacement avait d’ailleurs contribué à rendre invisible la mine et ses pollutions du paysage et de l’imaginaire collectif.

    Sous l’étendard de la transition qui permet d’anticiper les contestations environnementales et de faire adhérer les populations à cette inédite course mondiale aux métaux se cache le projet d’une poursuite de la croissance et des modes de vie aux besoins énergétiques et métalliques démesurés. Cette nouvelle légende de l’Occident capitaliste justifie une extraction de métaux qui seront également destinés aux entreprises européennes du numérique, de l’automobile, l’aérospatial, l’armement, la chimie, le nucléaire et toutes les technologies de pointe.

    « Déminer le #capitalisme »

    Ce #livre explore ensuite dans une troisième partie l’histoire du capitalisme à travers celle de la mine et des métaux. Elle montre comment s’est fondé un modèle extractiviste reposant sur des idéologies : le Salut, le Progrès, le Développement – et désormais la Transition ? L’extractivisme est permis par l’élaboration et le développement d’un ensemble de croyances et d’imaginaires qui lui donnent une toute puissance. C’est ce que Celia Izoard nomme : la « #cosmologie_extractiviste » (p. 211). Accompagnée par une législation favorable et des politiques coloniales menées par l’État et la bourgeoisie, puis par l’industrialisation au XIXe siècle, cette matrice a favorisé notre dépendance à un régime minier. Aux yeux du peuple amazonien des Yanomamis, les Blancs sont des « mangeurs de terre » (p. 215).

    Comment sortir de cette vision du monde occidental structuré autour de la mine dont l’objectif est l’accumulation de capital et de puissance. La solution minière, comme technologique, à la crise climatique est un piège, affirme Celia Izoard. Le mouvement climat doit passer par la #décroissance_minérale, par un « sevrage métallique autant qu’un sevrage énergétique » (p. 291). La réduction des consommations énergétiques et matérielles est une solution réaliste. Le quotidien des occidentaux est surminéralisé à l’instar de l’objet emblématique de notre surconsommation quotidienne de métaux : le smartphone. Il contient à lui seul, sous la forme d’alliage complexe, plus de 50 métaux. Les métaux ne devraient-ils pas être réservés aux usages déterminés comme essentiels à la vie humaine ?

    Pour sortir du #régime_minier, il est d’abord urgent de rendre visible la surconsommation de métaux dans le débat public. D’une part, cela doit passer par des mesures politiques. Instaurer un bilan métaux au même titre que le bilan carbone car l’idéologie de la transition a créé une séparation illusoire entre les ressources fossiles toxiques (charbon, pétrole et gaz) et l’extraction métallique, considérée comme salutaire et indispensable. Ou encore cibler la surconsommation minérale des plus riches en distinguant émissions de luxe et émissions de subsistance, comme le propose déjà Andreas Malm. D’autre part, pour « déminer le capitalisme » (p. 281), cela devra passer par un processus de réflexions et de débats collectifs et démocratiques, de mouvements sociaux et de prises de consciences individuelles, en particulier dans les pays hyperindustrialisés dont la surconsommation de métaux est aberrante.

    Non content de contourner l’obstacle de la « transition énergétique », l’extractivisme pousse les frontières toujours plus loin, justifiant la conquête de nouveaux eldorados : le Groenland, les fonds océaniques, voire les minerais extraterrestres. Face au processus de contamination et de dégradation de la planète mené par le secteur minier et industriel, les luttes contre les projets s’intensifient. Récemment, ce sont les Collas, peuple indigène du Chili, qui s’opposent aux géants miniers. Ces derniers ont pour projet d’extraire du lithium dans le salar de Maricunga ; cela entraînera le pompage de millions de mètres cubes d’eau dans les profondeurs des déserts de sel, ces emblèmes de la cordillère des Andes. La communauté colla en sera d’autant plus affaiblie d’autant plus qu’elle souffre déjà de l’exode urbain et de l’assèchement de la région. Les éleveurs devront aussi abandonner leurs élevages et s’engager vers les immenses cités minières de la région. En outre, la transhumance, la biodiversité, une quarantaine d’espèces sauvages locales (le flamant rose chilien, les vigognes ou les guanacos, etc.), sont menacées. Appuyés par leur porte-parole Elena Rivera, ils ne comptent pas se laisser faire et ont fait un recours au Tribunal environnemental de Santiago, qui traite des nombreuses controverses écologiques dans le pays. Au XXIe siècle, les débats et luttes organisés autour de l’extraction au Chili, deuxième pays concentrant le plus de lithium sur la planète, prouvent que les pauvres et les derniers peuples de la planète sont en première ligne face aux effets délétères sous-jacents à la « transition verte ».

    https://laviedesidees.fr/Des-mines-pour-sauver-la-planete
    #changement_climatique #climat #extractivisme

  • Comment la société française a appris à mépriser les « paysans » et leurs « #patois »

    Les manifestations récentes par lesquelles le monde agricole français a fait entendre ses protestations et ses revendications ont, une fois de plus, fait apparaître des différences profondes, voire des fractures, entre le monde rural et le monde urbain et plus encore entre des images valorisantes de l’urbanité et dévalorisantes de la ruralité.

    La France moderne a été construite depuis Paris, lieu de la puissance politique, en développant un sentiment de supériorité de la capitale sur « la province » (le singulier est significatif) et des villes (supposées modernes) sur les campagnes (supposées arriérées). Au lieu d’être fédérale, vu sa diversité, « la France est un pays dont l’unité a été construite à coups de cravache […] par l’autorité de l’État central », selon Jean Viard.

    Les normes sociales valorisées ont donc été celles, urbaines, de la ville-capitale érigée en phare de l’État hypercentralisé. On le voit, par exemple, dans le fait qu’en français le mot urbain a le double sens « de la ville » et « poli, courtois » et que le mot paysan a le double sens de « rural, agricole » et « rustre, grossier ». Ce mode de relation est clairement confirmé par une analyse sociolinguistique plus large, comme on va le voir ci-après. En effet, la sociolinguistique a pour but d’étudier principalement deux choses : les effets de l’organisation d’une société sur les langues qu’on y parle et ce que la place faite aux langues révèle de l’organisation de cette société.
    Paris, ses bourgeois et leur langue érigés en modèle

    C’est en effet la langue de la capitale qui a été imposée notamment à partir de la Révolution française à l’ensemble des populations progressivement rattachées à la France. Elle est considérée comme la langue « normale » en France. Et c’est le français des classes supérieures parisiennes qui a été prescrit comme modèle d’expression. Ainsi le grammairien Vaugelas définissait-il ce « bon français » en 1647 :

    « La façon de parler de la plus saine partie de la Cour […] Quand je dis la cour, j’y comprends les femmes comme les hommes, et plusieurs personnes de la ville où le prince réside. »

    La prétendue supériorité universelle du français, par opposition à toutes les autres langues et d’autant plus aux « patois régionaux », affirmée dès 1784 par le pamphlétaire Rivarol, est régulièrement reprise dans les discours étatiques jusqu’à aujourd’hui, par exemple par le président de la République lui-même lorsqu’il inaugure une cité qui cultive les mythes sur la langue française.

    Tout au long du XIXe siècle, la construction de la nation française passe par cette vision de la langue française, que l’école de la IIIe République (1870-1940) est chargée de mettre en œuvre de façon particulièrement offensive.

    En 1951, le phonéticien Pierre Fouché poursuit cette vision suprémaciste de la langue de Paris et de ses classes dominantes en établissant pour l’enseignement une norme de prononciation du français sur le modèle d’une « conversation soignée chez des Parisiens cultivés ».
    Les « patois pauvres et corrompus » des campagnes « provinciales »

    Quant aux autres langues de France, comme on les appelle depuis 1999, elles ont, à l’inverse, été disqualifiées par le nom de « patois » au départ méprisant, par l’association au seul monde rural et à une arriération prétendue. L’origine du mot « patois » est discutée, mais il est très probable qu’il vienne du verbe « patoiller » qui veut dire soit « marcher dans la boue, barboter, patauger », soit « gesticuler, parler en faisant des signes avec les mains ». Dans les deux cas, c’est un terme péjoratif à l’origine.

    Or, tout ceci est doublement faux : ces langues étaient aussi celles des villes (à Marseille par exemple le provençal était la langue générale jusque dans les années 1920) et d’intellectuels (Frédéric Mistral, licencié en droit, a reçu le prix Nobel de littérature pour son œuvre toute en provençal).

    Mais les préjugés sont fondés sur un aveuglement pour ne voir que ce que l’on veut voir. Ainsi, on lit dans l’Encyclopédie (1765) :

    « Patois : Langage corrompu tel qu’il se parle presque dans toutes les provinces : chacune a son patois ; ainsi nous avons le patois bourguignon, le patois normand, le patois champenois, le patois gascon, le patois provençal, etc. On ne parle la langue que dans la capitale. »

    Le Dictionnaire de Furetière (1690) précisait :

    « Langage corrompu et grossier tel que celui du menu peuple, des paysans, et des enfants qui ne savent pas encore bien prononcer. »

    À la création de la 1ere République française, ses responsables considéraient ainsi que dans les provinces on parlait « ces jargons barbares et ces idiomes grossiers » à « éradiquer » (Rapport Barrère, publié en 1794). Pourquoi ? Parce que « nous n’avons plus de provinces et nous avons encore environ trente patois qui en rappellent les noms » dont « deux idiomes très dégénérés » et parce que « l’homme des campagnes, peu accoutumé à généraliser ses idées, manquera toujours de termes abstraits » à cause de cette « inévitable pauvreté de langage, qui resserre l’esprit » disait le Rapport Grégoire (publié en 1794). Il ajoutait « les nègres de nos colonies, dont vous avez fait des hommes, ont une espèce d’idiome pauvre », ne mesurant pas le racisme linguistique de son propos.

    Le mépris des provinciaux, des ruraux et de leurs langues, alimentés par ces préjugés conjugués, a été sans borne. Il a culminé au XIXe siècle sous la forme d’un véritable racisme, dont celui contre les Bretons ou les Méridionaux, bien attesté.

    À l’époque l’étude scientifique des langues n’existait pas encore. La sociolinguistique, qui se développe à partir des années 1950-1970, a montré par la suite que toutes les langues sont égales (y compris celles dites « patois ») : aucune n’est supérieure ou inférieure à une autre en raison de ses caractéristiques proprement linguistiques. Ce sont les hiérarchisations sociales qui se reflètent en hiérarchisation des langues ou de leurs variétés locales ou sociales particulières.

    Hélas, comme on l’observe trop souvent et encore plus à l’époque des « fake news », les connaissances scientifiques ont du mal à remplacer les croyances répandues dans l’opinion publique. C’est d’autant plus le cas quand il s’agit de langues en France, pays où a été instaurée une véritable religion nationale de la langue française accompagnée d’une sorte d’excommunication des autres langues.

    En conséquence, cette conception est encore présente de nos jours. Le Trésor de la Langue française (CNRS) la décrit ainsi :

    « Patois : Parler essentiellement oral, pratiqué dans une localité ou un groupe de localités, principalement rurales. Système linguistique restreint fonctionnant en un point déterminé ou dans un espace géographique réduit, sans statut culturel et social stable […]. Langage obscur et inintelligible. Synonymes : baragouin, charabia, jargon. »

    Le « plouc » et son parler aussi méprisés l’un que l’autre

    Aujourd’hui encore, le stéréotype du « plouc » est fortement voire principalement constitué de caractéristiques linguistiques (“phrase, accent, prononciation, langue”), comme le montre l’étude de Corentin Roquebert, qui conclut :

    « On peut relever l’association forte entre des catégories et des objets plus ou moins valorisés socialement, ce qui favorise l’expression d’un jugement social positif ou négatif sur une population : le beauf comme personnage raciste et sexiste, le hipster branché et cool qui n’aime pas le mainstream, la prononciation et l’accent du plouc. »

    Les préjugés glottophobes contre des « patois » supposés employés (uniquement) par des « paysans » sont toujours là. Et même quand les « paysans » et autres « provinciaux » ont finalement adopté le français, bon gré mal gré, on continue à stigmatiser les traces de leurs “patois” dans leurs façons de parler français : mots locaux, expressions, tournures, et surtout accent…

    Le pseudo raisonnement, fondé sur des préjugés, est circulaire : les « patois » ne sont pas de vraies langues puisqu’ils sont parlés par des « paysans »/les « paysans » sont des rustres puisqu’ils parlent « patois ». Les deux stéréotypes négatifs projetés simultanément sur les « paysans » et sur les « patois » (ou les « accents » qu’il en reste), associés les uns aux autres, se renforcent réciproquement et produisent un mépris de classe renforcé.

    https://theconversation.com/comment-la-societe-francaise-a-appris-a-mepriser-les-paysans-et-leu

    #mépris #France #fracture #rural #urbain #villes #campagnes #ruralité #dévalorisation #province #ville-capitale #centralisme #sociolinguistique #langue #bon_français #patois_régionaux #langues_régionales #Rivarol #mythe #nation #Etat-nation #Pierre_Fouché #préjugés #aveuglement #racisme_linguistique #préjugés #racisme #hiérarchisation #plouc #accents #mépris_de_classe

    • Le rapport de domination, en France, entre la capitale et le reste du pays est un fait difficilement contestable. Comme l’indique ce texte, cela se voit notamment par l’obligation, dictée par le pouvoir central d’État, établi à Paris, d’adopter sur tout le territoire la même langue. Pour autant, cet héritage centralisateur ne me semble pas être la seule explication dans la construction d’une idéologie de classe méprisante à l’encontre du monde paysan.

      On pourrait croire, en lisant ce texte, que le pays se résumait à un clivage entre Paris et « la province », cette dernière étant assimilée au « monde paysan », or le pays a compté quand même nombres de grandes villes sur le territoire, qui ont constitué autant de métropoles locales dont l’importance dans le développement du capitalisme en France a été tout aussi déterminante que celle de Paris. Ce n’est pas pour rien qu’aujourd’hui, le concept politique de « métropole » fait vibrer nombre de représentants de la classe dominante en Europe, y compris en France (et en Île-de-France).

      Témoignage personnel anecdotique : une partie de ma famille est nantaise et j’ai été frappé de constater à quel point les expressions de mépris anti-paysan, quasi-raciste, revenaient dans les propos de mes oncles et tantes. Cela dépasse de loin ce que j’ai entendu, en comparaison, à Paris, en tous cas, pour cette génération-là.

  • #Ukraine, #Israël, quand les histoires se rencontrent

    Dans son dernier livre, l’historien #Omer_Bartov revient sur l’histoire de sa famille et de son voyage de la Galicie ukraino-polonaise à Israël, à travers les soubresauts de l’histoire de la première partie du 20e siècle.

    Alors que les atrocités du conflit israélo-palestinien continuent de diviser les étudiants de prestigieux campus américains, l’universitaire Omer Bartov se propose d’analyser la résurgence de l’#antisémitisme dans le monde à la lumière de sa propre #histoire_familiale.

    Un #antisémitisme_endémique dans les campus américains ?

    L’historien Omer Bartov réagit d’abord aux polémiques qui ont lieu au sujet des universités américaines et de leur traitement du conflit israélo-palestinien : “il y a clairement une montée de l’antisémitisme aux États-Unis, comme dans d’autres parties du monde. Néanmoins, il y a aussi une tentative de faire taire toute critique de la politique israélienne. Cette tentative d’associer cette critique à de l’antisémitisme est également problématique. C’est un bannissement des discussions. Les étudiants, qui sont plus politisés que par le passé, prennent part à cette histoire”. Récemment, la directrice de l’Université de Pennsylvanie Elizabeth Magill avait proposé sa démission à la suite d’une audition controversée au Congrès américain, lors de laquelle elle n’aurait pas condamné les actions de certains de ses étudiants à l’encontre d’Israël.

    De Buczacz à la Palestine, une histoire familiale

    Dans son dernier livre Contes des frontières, faire et défaire le passé en Ukraine, qui paraîtra aux éditions Plein Jour en janvier 2024, Omer Bartov enquête sur sa propre histoire, celle de sa famille et de son voyage de la Galicie à la Palestine : “en 1935, ma mère avait onze ans et a quitté #Buczacz pour la #Palestine. Le reste de la famille est restée sur place et quelques années plus tard, ils ont été assassinés par les Allemands et des collaborateurs locaux. En 1995, j’ai parlé avec ma mère de son enfance en Galicie pour la première fois, des grands écrivains locaux comme Yosef Agnon. Je voulais comprendre les liens entre #Israël et ce monde juif qui avait disparu à Buczacz au cours de la #Seconde_Guerre_mondiale”.

    À la recherche d’un monde perdu

    Cette conversation a mené l’historien à consacrer une véritable étude historique à ce lieu et plus généralement à cette région, la #Galicie : “ce monde avait selon moi besoin d’être reconstruit. Ce qui le singularisait, c’était la diversité qu’il accueillait. Différentes communautés nationales, ethniques et religieuses avaient coexisté pendant des siècles et je voulais comprendre comment il s’était désintégré”, explique-t-il. Le prochain livre qu’il souhaite écrire en serait alors la suite : “je veux comprendre comment ma génération a commencé à repenser le monde dans lequel nous avons grandi après la destruction de la civilisation précédente”, ajoute-t-il.

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/france-culture-va-plus-loin-l-invite-e-des-matins/ukraine-israel-quand-les-histoires-se-rencontrent-9022449
    #multiculturalisme #histoire #crime_de_guerre #crime_contre_l'humanité #génocide #Gaza #7_octobre_2023 #nettoyage_ethnique #destruction #déplacements_forcés #Hamas #crimes_de_guerre #massacre #pogrom #occupation

    • Contes des frontières, faire et défaire le passé en Ukraine

      À nouveau Omer Bartov étudie Buczacz, a ville de Galicie qui servait déjà de point d’ancrage pour décrire le processus du génocide dans Anatomie d’un génocide (Plein Jour 2021). Cette fois, il étudie les perceptions et l’imaginaire que chacune des communautés juive, polonaise et ukrainienne nourrissait sur elle-même, ce a depuis les origines de sa présence dans ce territoire des confins de l’Europe.

      Comment des voisins partageant un sol commun ont-ils élaboré des récits fondateurs de leurs #identités jusqu’à opposer leurs #mémoires ? comment se voyaient-ils les uns les autres, mais également eux-mêmes ; quels #espoirs nourrissaient-ils ? Les #mythes ont ainsi influencé a grande histoire, le #nationalisme, les luttes, et de façon plus intime les espoirs individuels, voire les désirs de partir découvrir un monde plus arge, nouveau, moderne. Ce livre, qui traite de ces récits « nationaux », de a construction de l’identité et de l’opposition qu’elle peut induire entre les différents groupes, apparaît comme une clé de compréhension du passé autant que du présent. Aujourd’hui avec a guerre en Ukraine, sa résonance, son actualité sont encore plus nettes.

      https://www.editionspleinjour.fr/contes-des-fronti%C3%A8res
      #livre #identité

    • Anatomie d’un génocide

      Buczacz est une petite ville de Galicie (aujourd’hui en Ukraine). Pendant plus de quatre cents ans, des communautés diverses y ont vécu plus ou moins ensemble – jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, qui a vu la disparition de toute sa population juive. En se concentrant sur ce seul lieu, qu’il étudie depuis l’avant-Première Guerre mondiale, Omer Bartov reconstitue une évolution polarisée par l’avènement des nationalismes polonais et ukrainien, et la lutte entre les deux communautés, tandis que l’antisémitisme s’accroît.

      À partir d’une documentation considérable, récoltée pendant plus de vingt ans – journaux intimes, rapports politiques, milliers d’archives rarement analysées jusqu’à aujourd’hui –, il retrace le chemin précis qui a mené à la #Shoah. Il renouvelle en profondeur notre regard sur les ressorts sociaux et intimes de la destruction des Juifs d’Europe.

      https://www.editionspleinjour.fr/anatomie-d-un-g%C3%A9nocide

  • « Affirmer que la #transition_énergétique est impossible, c’est le meilleur moyen de ne jamais l’engager »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/22/affirmer-que-la-transition-energetique-est-impossible-c-est-le-meilleur-moye

    Partant du double constat selon lequel il n’y a jamais eu, par le passé, de remplacement d’une source d’énergie par une autre ; et que les transformations énergétiques se sont toujours faites de manière additive (les énergies s’ajoutant les unes aux autres), certains historiens en déduisent, à tort selon nous, qu’il n’y aurait aucun horizon pour une sortie des fossiles. Cette sortie des fossiles (le « transitioning away from fossil fuels », dans le langage forgé à la COP28) serait donc condamnée par avance.

    Tel est le message récurrent de Jean-Baptiste Fressoz [chroniqueur au Monde] notamment, dans ses ouvrages ou tribunes, qui visent toutes à réfuter ce qu’il considère comme « la fausse promesse de la transition ».

    Or, ce déclinisme écologique est non seulement grandement infondé, mais également de nature à plomber les ambitions dans la lutte contre le changement climatique. Affirmer que la transition est impossible, c’est le meilleur moyen de ne jamais l’engager. A rebours de ce défaitisme, nous voulons ici affirmer, avec force, qu’il est possible de réussir cette transition.

    Certes, à l’exception des années de crise – financière en 2008-2009, sanitaire en 2020-2021 –, les émissions de CO2 n’ont jamais cessé d’augmenter, bien que sur un rythme ralenti, d’environ + 1 % annuel au cours des années 2010, contre + 3 % annuels dans les années 2000. Car, dans le même temps, la population mondiale continuait à augmenter, tout comme la satisfaction des besoins énergétiques d’une part croissante de cette population.

    Pourtant le désempilement des énergies a déjà lieu dans certaines régions du monde : c’est le cas en Europe, par exemple, qui a engagé sa transition énergétique. Parallèlement, des acteurs de plus en plus nombreux – Etats, entreprises, chercheurs, citoyens – intègrent aujourd’hui la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans leurs stratégies et comportements. L’ambition n’est pas encore assez affirmée, la mise en œuvre des transformations pas assez rapide et efficace, mais le mouvement est enclenché. Comment l’ignorer ?

    Sobriété, efficacité et investissements
    Le 11 janvier, Fatih Birol, directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), indiquait que les capacités installées dans l’année en énergies renouvelables avaient augmenté de 50 % entre 2022 et 2023. Pour la part des renouvelables dans la production d’électricité, l’AIE attend le passage de 29 % à 42 % en 2028 (de 12 % à 25 % pour les seules énergies éolienne et solaire). Depuis 1975, le prix des panneaux photovoltaïques est passé de 100 dollars par watt à moins de 0,5 dollar par watt aujourd’hui, soit une réduction de 20 % du coût pour chaque doublement des capacités installées ; c’est la mesure du taux d’apprentissage de la technologie. Et alors que la question du stockage de l’électricité devient de plus en plus cruciale, on constate le même taux d’apprentissage pour les batteries : depuis 1992, chaque fois que double le nombre de batteries produites, leur coût diminue de 18 %.

    Il est clair que ces progrès spectaculaires ne contredisent pas la thèse de l’additivité des énergies : si depuis 2016 les investissements dans les énergies décarbonées dépassent largement les investissements dans les énergies fossiles, ces derniers ont à nouveau augmenté après la baisse de 2020. Et la sortie des fossiles ne se vérifiera vraiment que le jour où l’augmentation de la production d’énergie décarbonée sera supérieure en volume à celle de la consommation totale d’énergie.

    Pour atteindre cet objectif, sobriété et efficacité énergétique sont indispensables afin de maîtriser la croissance de la demande. Mais il est également évident que sobriété et efficacité ne suffiront pas. Pour atteindre le plafonnement des émissions avant 2030, il faudra décupler les investissements dans ces énergies décarbonées, et notamment dans les pays du Sud, afin de faire baisser le volume des énergies fossiles : c’est la condition sine qua non pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Nous sommes conscients qu’il s’agit d’un processus long et difficile, mais osons le dire : il n’y a pas d’autre solution, et nous pouvons y arriver.

    De nouvelles alliances s’imposent
    Serions-nous condamnés par l’histoire ? Faut-il prendre acte de notre impuissance supposée, ou poser un renversement complet du système comme condition préalable à la transition ? Dans les deux cas, cela serait très risqué, et franchement irresponsable.

    Car il n’y a pas de fatalité ! On trouve sur le site du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) une citation d’Albert Camus : « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prédire, mais de le faire. » C’est dans cette perspective que s’inscrivent tous les acteurs des COP et des négociations internationales – que certains stigmatisent comme un « grand cirque » –, pour qui « dire, c’est faire ».

    Evidemment, dire ne suffit pas, et il faut aussi mobiliser des moyens puissants, politiques et financiers. Il faut également affronter ceux – lobbys industriels et politiques – qui, par fatalisme ou par intérêt, freinent cette transformation. Enfin, comme le suggère le philosophe Pierre Charbonnier, la création de nouvelles alliances s’impose entre ceux qui ont compris que la transition servait leurs intérêts, et surtout ceux de leurs enfants.

    La démarche des sciences de la nature et de la physique consiste à s’appuyer sur des constats d’observation pour en tirer des lois immuables. Elle s’applique mal cependant aux sciences sociales. Mais ces obstacles ne doivent pas empêcher de penser l’avenir, à la manière de Gaston Berger, le père de la prospective, qui ne cessait de rappeler : « Demain ne sera pas comme hier. Il sera nouveau et il dépendra de nous. Il est moins à découvrir qu’à inventer. »

    Signataires : Anna Creti, économiste, chaire Economie du climat, université Paris-Dauphine ; Patrick Criqui, économiste, CNRS, université Grenoble-Alpes ; Michel Derdevet, président de Confrontations Europe, Sciences Po ; François Gemenne, politiste, HEC Paris ; Emmanuel Hache, économiste, IFP énergies nouvelles et Institut de relations internationales et stratégiques ; Carine Sebi, économiste, chaire Energy for Society, Grenoble Ecole de Management.

  • The myth of meritocracy: who really gets what they deserve?

    Sorting people by ‘merit’ will do nothing to fix inequality

    Michael Young was an inconvenient child. His father, an Australian, was a musician and music critic, and his mother, who grew up in Ireland, was a painter of a bohemian bent. They were hard-up, distractible and frequently on the outs with each other. Michael, born in 1915 in Manchester, soon found that neither had much time for him. Once when his parents had seemingly forgotten his birthday, he imagined that he was in for a big end-of-day surprise. But no, they really had forgotten his birthday, which was no surprise at all. He overheard his parents talk about putting him up for adoption and, by his own account, never fully shed his fear of abandonment.

    Everything changed for him when, at the age of 14, he was sent to an experimental boarding school at Dartington Hall in Devon. It was the creation of the great progressive philanthropists Leonard and Dorothy Elmhirst, and it sought to change society by changing souls. There it was as if he had been put up for adoption, because the Elmhirsts treated him as a son, encouraging and supporting him for the rest of their lives. Suddenly he was a member of the transnational elite: dining with President Roosevelt, listening in on a conversation between Leonard and Henry Ford.

    Young, who has been called the greatest practical sociologist of the past century, pioneered the modern scientific exploration of the social lives of the English working class. He did not just aim to study class, though; he aimed to ameliorate the damage he believed it could do. The Dartington ideal was about the cultivation of personality and aptitudes whatever form they took, and the British class structure plainly impeded this ideal. What would supplant the old, caste-like system of social hierarchy? For many today, the answer is “meritocracy” – a term that Young himself coined 60 years ago. Meritocracy represents a vision in which power and privilege would be allocated by individual merit, not by social origins.

    Inspired by the meritocratic ideal, many people these days are committed to a view of how the hierarchies of money and status in our world should be organised. We think that jobs should go not to people who have connections or pedigree, but to those best qualified for them, regardless of their background. Occasionally, we will allow for exceptions – for positive discrimination, say, to help undo the effects of previous discrimination. But such exceptions are provisional: when the bigotries of sex, race, class and caste are gone, the exceptions will cease to be warranted. We have rejected the old class society. In moving toward the meritocratic ideal, we have imagined that we have retired the old encrustations of inherited hierarchies. As Young knew, that is not the real story.

    Young hated the term “welfare state” – he said that it smelled of carbolic – but before he turned 30 he had helped create one. As the director of the British Labour party’s research office, he drafted large parts of the manifesto on which the party won the 1945 election. The manifesto, “Let Us Face the Future”, called for “the establishment of the Socialist Commonwealth of Great Britain – free, democratic, efficient, progressive, public-spirited, its material resources organised in the service of the British people”. Soon the party, as it promised, raised the school-leaving age to 15, increased adult education, improved public housing, made public secondary school education free, created a national health service and provided social security for all.

    As a result, the lives of the English working class were beginning to change radically for the better. Unions and labour laws reduced the hours worked by manual labourers, increasing their possibilities of leisure. Rising incomes made it possible for them to buy televisions and refrigerators. And changes, partly driven by new estate taxes, were going on at the top of the income hierarchy, too. In 1949, the Labour chancellor of the exchequer, Stafford Cripps, introduced a tax that rose to 80% on estates of £1m and above, or about £32m in contemporary inflation-adjusted terms. (Disclosure: I’m a grandson of his.) For a couple of generations afterward, these efforts at social reform both protected members of the working classes and allowed more of their children to make the move up the hierarchy of occupations and of income, and so, to some degree, of status. Young was acutely conscious of these accomplishments; he was acutely conscious, too, of their limitations.

    Just as happened in the US, college attendance shot up in Britain after the second world war, and one of the main indicators of class was increasingly whether you had been to university. The middle-class status of meagerly compensated librarians reflected a vocational requirement for an education beyond secondary school; that the better-paid assembly-line workers were working-class reflected the absence of such a requirement. Working-class consciousness – legible in the very name of the Labour party, founded in 1900 – spoke of class mobilisation, of workers securing their interests. The emerging era of education, by contrast, spoke of class mobility – blue collars giving way to white. Would mobility undermine class consciousness?

    These questions preyed on Young. Operating out of a community studies institute he set up in Bethnal Green, he helped create and nurture dozens and dozens of programmes and organisations, all attending to social needs he had identified. The Consumers’ Association was his brainchild, along with its magazine, Which?. So was the Open University, which has taught more than 2 million students since Young founded it in 1969, making it the largest academic institution in the UK by enrolment. Yet education mattered to him not just as a means of mobility, but as a way to make people more forceful as citizens, whatever their station – less easily bulldozed by commercial developers or the government planners of Whitehall. Late in life, he even set up the School for Social Entrepreneurs. Over the decades, he wanted to strengthen the social networks – the “social capital”, as social scientists say these days – of communities that get pushed around by those who were increasingly claiming a lion’s share of society’s power and wealth.

    What drove him was his sense that class hierarchies would resist the reforms he helped implement. He explained how it would happen in a 1958 satire, his second best-seller, entitled The Rise of the Meritocracy. Like so many phenomena, meritocracy was named by an enemy. Young’s book was ostensibly an analysis written in 2033 by a historian looking back at the development over the decades of a new British society. In that distant future, riches and rule were earned, not inherited. The new ruling class was determined, the author wrote, by the formula “IQ + effort = merit”. Democracy would give way to rule by the cleverest – “not an aristocracy of birth, not a plutocracy of wealth, but a true meritocracy of talent.” This is the first published appearance of the word “meritocracy”, and the book aimed to show what a society governed on this principle would look like.

    Young’s vision was decidedly dystopian. As wealth increasingly reflects the innate distribution of natural talent, and the wealthy increasingly marry one another, society sorts into two main classes, in which everyone accepts that they have more or less what they deserve. He imagined a country in which “the eminent know that success is a just reward for their own capacity, their own efforts”, and in which the lower orders know that they have failed every chance they were given. “They are tested again and again … If they have been labelled ‘dunce’ repeatedly they cannot any longer pretend; their image of themselves is more nearly a true, unflattering reflection.”

    But one immediate difficulty was that, as Young’s narrator concedes, “nearly all parents are going to try to gain unfair advantages for their offspring”. And when you have inequalities of income, one thing people can do with extra money is to pursue that goal. If the financial status of your parents helped determine your economic rewards, you would no longer be living by the formula that “IQ + effort = merit”.

    Those cautions have, of course, proved well founded. In the US, the top fifth of households enjoyed a $4tn increase in pretax income between 1979 and 2013 – $1tn more than came to all the rest. When increased access to higher education was introduced in the US and Britain, it was seen as a great equaliser. But a couple of generations later, researchers tell us that higher education is now a great stratifier. Economists have found that many elite US universities – including Brown, Dartmouth, Penn, Princeton, and Yale – take more students from the top 1% of the income distribution than from the bottom 60%. To achieve a position in the top tier of wealth, power and privilege, in short, it helps enormously to start there. “American meritocracy,” the Yale law professor Daniel Markovits argues, has “become precisely what it was invented to combat: a mechanism for the dynastic transmission of wealth and privilege across generations.”

    Young, who died in 2002 at the age of 86, saw what was happening. “Education has put its seal of approval on a minority,” he wrote, “and its seal of disapproval on the many who fail to shine from the time they are relegated to the bottom streams at the age of seven or before.” What should have been mechanisms of mobility had become fortresses of privilege. He saw an emerging cohort of mercantile meritocrats who can be insufferably smug, much more so than the people who knew they had achieved advancement not on their own merit but because they were, as somebody’s son or daughter, the beneficiaries of nepotism. The newcomers can actually believe they have morality on their side. So assured have the elite become that there is almost no block on the rewards they arrogate to themselves.

    The carapace of “merit”, Young argued, had only inoculated the winners from shame and reproach.

    Americans, unlike the British, don’t talk much about working-class consciousness; it is sometimes said that all Americans are, by self-conception, middle class. But this, it turns out, is not currently what Americans themselves think. In a 2014 National Opinion Research Center survey, more Americans identified as working-class than as middle-class. One (but only one) strand of the populism that tipped Donald Trump into power expressed resentment toward a class defined by its education and its values: the cosmopolitan, degree-laden people who dominate the media, the public culture and the professions in the US. Clinton swept the 50 most educated counties, as Nate Silver noted shortly after the 2016 election; Trump swept the 50 least. Populists think that liberal elites look down on ordinary Americans, ignore their concerns and use their power to their own advantage. They may not call them an upper class, but the indices that populists use to define them – money, education, connections, power – would have picked out the old upper and upper-middle classes of the last century.

    And many white working-class voters feel a sense of subordination, derived from a lack of formal education, and that can play a part in their politics. Back in the early 1970s, the sociologists Richard Sennett and Jonathan Cobb recorded these attitudes in a study memorably titled The Hidden Injuries of Class. This sense of vulnerability is perfectly consistent with feeling superior in other ways. Working-class men often think that middle-class and upper-class men are unmanly or undeserving. Still, a significant portion of what we call the American white working class has been persuaded that, in some sense, they do not deserve the opportunities that have been denied to them.

    They may complain that minorities have unfair advantages in the competition for work and the distribution of government benefits. Nevertheless, they do not think it is wrong either that they do not get jobs for which they believe they are not qualified, or that the jobs for which they are qualified are typically less well paid. They think minorities are getting “handouts” – and men may feel that women are getting unfair advantages, too – but they don’t think the solution is to demand handouts for themselves. They are likely to regard the treatment of racial minorities as an exception to the right general rule: they think the US mostly is and certainly should be a society in which opportunities belong to those who have earned them.

    If a new dynastic system is nonetheless taking shape, you might conclude that meritocracy has faltered because, as many complain, it isn’t meritocratic enough. If talent is capitalised efficiently only in high tax brackets, you could conclude that we have simply failed to achieve the meritocratic ideal. Maybe it is not possible to give everyone equally good parenting, but you could push more rigorously for merit, making sure every child has the educational advantages and is taught the social tricks that successful families now hoard for their children. Why isn’t that the right response?

    Because, Young believed, the problem was not just with how the prizes of social life were distributed; it was with the prizes themselves. A system of class filtered by meritocracy would, in his view, still be a system of class: it would involve a hierarchy of social respect, granting dignity to those at the top, but denying respect and self-respect to those who did not inherit the talents and the capacity for effort that, combined with proper education, would give them access to the most highly remunerated occupations. This is why the authors of his fictional Chelsea Manifesto – which, in The Rise of the Meritocracy, is supposed to serve as the last sign of resistance to the new order – ask for a society that “both possessed and acted upon plural values”, including kindliness, courage and sensitivity, so all had a chance to “develop his own special capacities for leading a rich life”. Even if you were somehow upholding “IQ + effort = merit”, then your equation was sponsoring a larger inequality.

    This alternative vision, in which each of us takes our allotment of talents and pursues a distinctive set of achievements and the self-respect they bring, was one that Young had learned from his schooling at Dartington Hall. And his profound commitment to social equality can seem, in the mode of schoolhouse utopias, quixotic. Yet it draws on a deeper philosophical picture. The central task of ethics is to ask what it is for a human life to go well. A plausible answer is that living well means meeting the challenge set by three things: your capacities, the circumstances into which you were born, and the projects that you yourself decide are important. Because each of us comes equipped with different talents and is born into different circumstances, and because people choose their own projects, each of us faces his or her own challenge. There is no comparative measure that would enable an assessment of whether your life or my life is better; Young was right to protest the idea that “people could be put into rank order of worth”. What matters in the end is not how we rank against others. We do not need to find something that we do better than anyone else; what matters, to the Dartingtonians, is simply that we do our best.

    The ideal of meritocracy, Young understood, confuses two different concerns. One is a matter of efficiency; the other is a question of human worth. If we want people to do difficult jobs that require talent, education, effort, training and practice, we need to be able to identify candidates with the right combination of aptitude and willingness and provide them incentives to train and practice.

    Because there will be a limited supply of educational and occupational opportunities, we will have to have ways of allocating them – some principles of selection to match people to positions, along with appropriate incentives to ensure the necessary work gets done. If these principles of selection have been reasonably designed, we can say, if we like, that the people who meet the criteria for entering the schools or getting the jobs “merit” those positions. This is, to enlist some useful philosophers’ jargon, a matter of “institutional desert”. People deserve these positions in the sense in which people who buy winning lottery tickets deserve their winnings: they got them by a proper application of the rules.

    Institutional desert, however, has nothing to do with the intrinsic worthiness of the people who get into college or who get the jobs, any more than lottery winners are people of special merit and losers are somehow less worthy. Even on the highest levels of achievement, there is enormous contingency at play. If Einstein had been born a century earlier, he might have made no momentous contributions to his field; a Mozart who came of age in the early 20th century and trained on 12-tone rows might not have done so either. Neither might have made much use of their aptitudes had they grown up among the Amazonian Nukak.

    And, of course, the capacity for hard work is itself the result of natural endowments and upbringing. So neither talent nor effort, the two things that would determine rewards in the world of the meritocracy, is itself something earned. People who have, as The Rise of the Meritocracy bluntly put it, been repeatedly “labelled ‘dunce’” still have capacities and the challenge of making a meaningful life. The lives of the less successful are not less worthy than those of others, but not because they are as worthy or more worthy. There is simply no sensible way of comparing the worth of human lives.

    Put aside the vexed notion of “merit”, and a simpler picture emerges. Money and status are rewards that can encourage people to do the things that need doing. A well-designed society will elicit and deploy developed talent efficiently. The social rewards of wealth and honour are inevitably going to be unequally shared, because that is the only way they can serve their function as incentives for human behaviour. But we go wrong when we deny not only the merit but the dignity of those whose luck in the genetic lottery and in the historical contingencies of their situation has left them less rewarded.

    Yes, people will inevitably want to share both money and status with those they love, seeking to get their children financial and social rewards. But we should not secure our children’s advantages in a way that denies a decent life to the children of others. Each child should have access to a decent education, suitable to her talents and her choices; each should be able to regard him- or herself with self-respect. Further democratising the opportunities for advancement is something we know how to do, even if the state of current politics in Britain and the US has made it increasingly unlikely that it will be done anytime soon. But such measures were envisaged in Young’s meritocratic dystopia, where inheritance was to hold little sway. His deeper point was that we also need to apply ourselves to something we do not yet quite know how to do: to eradicate contempt for those who are disfavoured by the ethic of effortful competition.

    “It is good sense to appoint individual people to jobs on their merit,” Young wrote. “It is the opposite when those who are judged to have merit of a particular kind harden into a new social class without room in it for others.” The goal is not to eradicate hierarchy and to turn every mountain into a salt flat; we live in a plenitude of incommensurable hierarchies, and the circulation of social esteem will always benefit the better novelist, the more important mathematician, the savvier businessman, the faster runner, the more effective social entrepreneur. We cannot fully control the distribution of economic, social and human capital, or eradicate the intricate patterns that emerge from these overlaid grids. But class identities do not have to internalise those injuries of class. It remains an urgent collective endeavour to revise the ways we think about human worth in the service of moral equality.

    This can sound utopian, and, in its fullest conception, it undoubtedly is. Yet nobody was more practical-minded than Young, institution-builder par excellence. It is true that the stirrings of Young’s conscience responded to the personal as well as the systemic; dying of cancer in a hospital ward, he worried whether the contractor-supplied African immigrants who wheeled around the food trolleys were getting minimum wage. But his compassion was welded to a sturdy sense of the possible. He did not merely dream of reducing inherited privilege; he devised concrete measures to see that it happened, in the hope that all citizens could have the chance to develop their “own special capacities for leading a rich life”. He had certainly done exactly that himself. In the imaginary future of The Rise of the Meritocracy, there was still a House of Lords, but it was occupied solely by people who had earned their places there through distinguished public service. If anyone had merited a place in that imaginary legislature, it would have been him.

    That was far from true of the House of Lords he grew up with, which was probably one reason why his patron Leonard Elmhirst declined a peerage when offered one in the 1940s; in the circles he moved in, he made clear, “acceptance would neither be easy for me to explain nor easy for my friends to comprehend”. So it is more than a little ironic that when Young, the great egalitarian, was offered a peerage in 1978, he took it. Naturally, he chose for himself the title Baron Young of Dartington, honouring the institution he had served as a trustee since the age of 27. As you would expect, he used the opportunity to speak about the issues that moved him in the upper house of the British parliament. But there is a further, final irony. A major reason he had accepted the title (“guardedly”, as he told his friends) was that he was having difficulties meeting the expense of travelling up to London from his home in the country. Members of the Lords not only got a daily allowance if they attended the house; they got a pass to travel free on the railways. Michael Young entered the aristocracy because he needed the money.

    https://www.theguardian.com/news/2018/oct/19/the-myth-of-meritocracy-who-really-gets-what-they-deserve
    #mythe #méritocratie #inégalités

    via @freakonometrics

  • Sans #transition. Une nouvelle #histoire de l’#énergie

    Voici une histoire radicalement nouvelle de l’énergie qui montre l’étrangeté fondamentale de la notion de transition. Elle explique comment matières et énergies sont reliées entre elles, croissent ensemble, s’accumulent et s’empilent les unes sur les autres.
    Pourquoi la notion de transition énergétique s’est-elle alors imposée ? Comment ce futur sans passé est-il devenu, à partir des années 1970, celui des gouvernements, des entreprises et des experts, bref, le futur des gens raisonnables ?
    L’enjeu est fondamental car les liens entre énergies expliquent à la fois leur permanence sur le très long terme, ainsi que les obstacles titanesques qui se dressent sur le chemin de la #décarbonation.

    https://www.seuil.com/ouvrage/sans-transition-jean-baptiste-fressoz/9782021538557
    #livre #Jean-Baptiste_Fressoz

    • « #Transition_énergétique » : un #mythe qui nous mène dans le mur

      Transition énergétique, ce mot est partout aujourd’hui. Dans les discours du gouvernement, la communication des entreprises fossiles, des multinationales, dans les rapports scientifiques.. Le message est clair, face à l’urgence climatique, il nous faut opérer une transition énergétique pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et décarboner les économies d’ici à 2050. La notion de de #transition part de l’idée que nous devrions répéter les transition du passé, du bois au charbon puis du charbon au pétrole pour désormais aller vers le nucléaire et les renouvelables et ainsi échapper au chaos climatique. Pour Jean-Baptiste Fressoz, chercheur au CNRS, la transition énergétique n’est qu’une #fable créée de toute pièce par le capital et que toute l’histoire déconstruit. Dans son livre “ Sans transition” il écrit “Rien de plus consensuelle que la transition énergétique, rien de plus urgent que de ne pas y croire” L’historien des sciences le rappelle “après deux siècles de “transitions énergétiques”, l’humanité n’a jamais brûlé autant de pétrole et de gaz, autant de charbon et même de bois”. À l’échelle mondiale, il faut dire que la transition énergétique est invisible. Depuis le début du XXème siècle, les énergies et les ressources que l’on utilise se sont accumulées sans se remplacer. L’histoire de l’énergie est donc une histoire d’accumulation et de symbiose. Même la consommation de charbon, considéré comme l’énergie de la révolution industrielle, a battu un nouveau record en 2023. Les énergies renouvelables ne remplacent pas les fossiles, elles s’ y additionnent. Et les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter Alors la transition énergétique n’est-elle qu’une illusion ? Pour Jean Baptiste Fressoz, en se basant sur une lecture fausse du passé selon laquelle chaque énergie serait venue en remplacer une autre, nous nous empêchons de construire une politique climatique rigoureuse. Pourquoi la transition énergétique nous empêche de penser convenablement le défi climatique ? Comment cette notion s’est-elle imposée ? Et en quoi est-il urgent de ne pas y croire et de penser autrement nos réponses au plus grand défi du siècle ? Réponses dans cet entretien de Paloma Moritz avec Jean Baptiste Fressoz.

      https://www.blast-info.fr/emissions/2024/transition-energetique-un-mythe-qui-nous-mene-dans-le-mur-Inu5q1eWT0WwT7X

      #audio #podcast

  • Le colonialisme israélien se déploie aussi sur le terrain économique - CONTRETEMPS
    https://www.contretemps.eu/economie-palestinienne-colonialisme

    Taher Labadi 20 décembre 2023

    En éclairant les mécanismes de pouvoir multiples qui opèrent dans le champ de l’économie, #Taher_Labadi montre dans cet article que le colonialisme israélien est un système global qui oscille entre expulsion de la population palestinienne, oppression politique et surexploitation, et que l’économie est un terrain privilégié où se déploient les rapports coloniaux.

    Taher Labadi est chercheur à l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo), à Jérusalem. Ses recherches portent sur l’économie politique de la Palestine, et plus généralement sur l’économie en situation coloniale.

    *
    Penser l’économie palestinienne dans son contexte colonial

    La Palestine aura certainement fait couler beaucoup d’encre ces deux derniers mois. Prise entre l’émotion et les injonctions politico-médiatiques, la recherche universitaire s’invitait aussi aux débats pour apporter son éclairage sur une actualité dense et tragique. Moins présente, l’analyse économique aurait dû pourtant retenir notre attention, à la condition toutefois de savoir informer utilement le sujet. La théorie économique dominante, en effet, continue d’appréhender les phénomènes qu’elle étudie en recourant à la seule grammaire du marché, et se trouve par conséquent bien démunie pour penser les conflits et les pouvoirs qui se nouent jusque dans l’économie, où à ses abords immédiats. Tout au plus, ses données agrégées et autres formalismes abstraits nous donnent-ils une estimation des coûts du conflit, ou de l’occupation militaire, et l’on comprend finalement bien trop peu ce que sont l’activité et les processus économiques dans la guerre, et en contexte palestinien.

    Or d’importantes controverses parcourent, depuis plus d’une décennie désormais, le champ des études palestiniennes, notamment liées à la mise au point et au choix des outils théoriques et méthodologiques permettant de lire et de dire ce contexte particulier. Cela est aussi vrai de la recherche en économie où l’on a assisté à un retour en force de l’économie politique, dont l’objet n’a plus été le marché ou la croissance mais les rapports de dominations qui se logent et se créent dans l’économie. Cette secousse disciplinaire va ici de pair avec une critique de plus en plus étendue du régime économique établi à la suite des accords d’Oslo en 1993 ainsi que du modèle conceptuel (néolibéral) qui lui est sous-jacent. Une critique qui fait à la fois écho à l’impasse dans laquelle se trouve le projet national palestinien et à l’échec de la « solution à deux États », et se traduisant par une quête de nouveaux cadres d’analyse[1].

    Parmi ceux-là, les Settler Colonial Studies (études du colonialisme de peuplement) nous invitent à mettre en cohérence les diverses dominations et violences produites dans les relations du mouvement sioniste, et plus tard d’Israël, à la société palestinienne[2]. Ce cadre a pour avantage notable de remédier à la fragmentation des études palestiniennes qui résulte des ruptures historiques (1948, 1967, 1993) et du morcellement géographique (Cisjordanie, Gaza, Israël, Jérusalem). La comparaison des expériences américaines, sud-africaine, australienne, algérienne et palestinienne a aussi d’intéressant qu’elle tempère le traitement d’exception souvent appliqué à cette dernière. La prise en compte du rapport colonial, enfin, permet de compenser une approche marxiste exclusive qui tend à rabattre tout antagonisme au conflit entre classes sociales. L’examen ici des mécanismes de pouvoir multiples qui opèrent sur le terrain même de l’économie se veut une contribution à la compréhension de la guerre en cours.

    L’économie comme terrain de l’élimination et du remplacement

    Sur le terrain de l’économie en effet, différentes logiques d’action sont à l’œuvre. La première est une élimination et un remplacement justement caractéristiques des #colonialismes_de_peuplement. Dès la fin du 19ème siècle, le mouvement sioniste entreprend de s’approprier des terres en Palestine pour y installer une nouvelle population de colons. Un processus qui s’accélère avec l’occupation britannique du pays en 1917 puis la mise en place du mandat de la Société des nations. La conquête de l’économie est alors un moyen décisif pour renforcer la démographie juive et s’assurer du contrôle des territoires. Elle s’avère aussi un moyen puissant de déstabilisation de la société arabe palestinienne.

    Cette conquête de l’économie trouve son expression très pratique dans l’adoption du mot d’ordre de #Jewish_Land (terre juive) et la création de différents fonds sionistes dédiés à l’achat de terres, dont le Fonds national juif. Appropriées de manière marchande et privée, ces terres sont néanmoins retirées du marché et considérées comme propriétés inaliénables du « peuple juif », ce qui constitue un premier pas vers l’institution d’une souveraineté proprement politique. Plusieurs dizaines de localités palestiniennes disparaissent ainsi avant même l’épisode de la Nakba sous l’effet de la colonisation.

    Un second mot d’ordre est celui de #Jewish_Labor (travail juif), lequel consiste à encourager les coopératives agricoles tenues par le mouvement sioniste, puis par extension l’ensemble des employeurs juifs ou britanniques, à prioriser l’emploi de travailleurs juifs. Ces derniers trouvent en effet des difficultés à se faire embaucher, y compris par les patrons juifs qui préfèrent recourir à une main-d’œuvre arabe moins couteuse et plus expérimentée dans le travail de la terre. Le chômage devient un défi majeur et de nombreux colons finissent par repartir en Europe.

    Ainsi contrairement à l’idée reçue, la formation des #kibboutz durant la première moitié du 20ème siècle ne doit pas grand-chose à l’importation des idéaux socialistes et bien plus aux impératifs de la colonisation en cours. L’organisation collective et la mise en commun des ressources répondent d’abord à la nécessité de réduire le coût du travail juif face à la concurrence du travail arabe[3]. Les kibboutz sont à cet égard plutôt inspirés des artels russes, des coopératives de vie formées entre travailleurs originaires d’un même lieu afin d’améliorer les chances de survie dans un environnement concurrentiel. Il n’est pas question ici d’opposition, ni même de défection face au capitalisme.

    Soutenus par l’Organisation sioniste, les kibboutz permettent une meilleure absorption des colons en même temps qu’une complète exclusion des travailleurs arabes. Et ce n’est que plus tard, une fois les contours coloniaux du kibboutz bien définis et son efficacité économique assurée, que le #mythe_de_communautés_autogérées répondant à un idéal socialiste s’est développé, nourrissant l’imaginaire des nouvelles vagues de colons venus d’Europe. Il reste que les kibboutz ont toujours fourni un contingent plus élevé que la moyenne de combattants et de commandants dans les rangs des organisations paramilitaires sionistes durant toute la période du mandat britannique.

    Le syndicat juif de l’#Histadrout créé en 1920 est un autre acteur majeur de cette première conquête de l’économie. Celui-ci est à la tête d’un empire économique colossal composé de colonies agricoles, de coopératives de transport, d’établissements industriels, commerciaux et financiers lesquels sont employés dans la constitution d’enclaves économiques exclusivement juives[4]. Le syndicat va même jusqu’à recruter des « gardiens du travail » qui se rendent sur les chantiers et dans les usines pour intimider les employeurs et les travailleurs et exiger par la menace le débauchage des ouvriers arabes et le recrutement de colons juifs[5]. Cette conquête est donc loin d’être sans violences.

    Les mots d’ordre de Jewish Land et de Jewish Labor prévalent encore après la Nakba, puis à la suite de l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, dans une économie israélienne mobilisée par la colonisation et que structure toujours la prévalence accordée à la population juive. A la différence que l’élimination de la population palestinienne autochtone est désormais soutenue par un appareil étatique, et se voit systématisée par un ensemble de politiques et de lois. Or la spoliation des terres et la ségrégation des habitants n’exclut pas pour autant une politique d’intégration économique visant à tirer parti d’une présence palestinienne inévitable, en même temps qu’elle sert à la contrôler.

    Une ségrégation qui facilite l’exploitation économique

    Lorsqu’en 1967 Israël s’empare de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, ses ambitions annexionnistes sont contrariées par la présence d’environ un million de Palestiniens, laquelle constitue un défi démographique, politique et sécuritaire. L’administration militaire opte alors pour une intégration de facto des nouveaux territoires conquis, tout en refusant la citoyenneté à leurs habitants. Cela lui permet d’établir un système strict de ségrégation et de hiérarchisation des relations entre les deux populations, palestinienne et israélienne. Les mesures employées alors sont à bien des égards comparables à celles qui sont à l’œuvre depuis 1948, en Israël même, face aux Palestiniens dits « de l’intérieur »[6].

    Se dégage ici une logique d’exploitation, consistant à tirer le meilleur parti des opportunités offertes par le contrôle des territoires et de leurs habitants. Outre la #mainmise_sur_les_ressources_naturelles (eau, pétrole, gaz…), Israël multiplie les politiques dans l’objectif d’accroître la dépendance économique et ainsi mieux user à son avantage des capitaux, de la force de travail ou encore des marchés de consommation palestiniens. C’est notamment l’administration israélienne qui accorde jusqu’en 1993 les autorisations nécessaires pour construire une maison, forer un puit, démarrer une entreprise, sortir ou entrer sur le territoire, importer ou exporter des marchandises.

    Des mesures sont prises pour empêcher toute concurrence palestinienne et encourager au contraire des relations de sous-traitance au profit des producteurs israéliens. L’essor de certaines branches d’activité comme la cimenterie, le textile ou la réparation automobile est de ce fait directement lié aux besoins de l’économie israélienne. De même que les cultures requises par Israël ou destinées à l’exportation vers l’Europe se substituent progressivement à celles plus diversifiées destinées aux marchés local et régional. La population palestinienne devient en retour très largement tributaire des importations en provenance d’Israël pour satisfaire ses propres besoins de consommation.

    Cette situation ne change pas fondamentalement après 1993 et la création de l’Autorité palestinienne. Les prérogatives accordées à cette dernière sont constamment remises en cause sur le terrain, et c’est l’administration israélienne qui garde la maitrise des régimes commercial, monétaire et financier, ainsi que des frontières et de la majeure partie des territoires. La zone C, directement sous contrôle militaire israélien et inaccessible au gouvernement palestinien, couvre encore 62% de la Cisjordanie. De 1972 à 2017, Israël a ainsi absorbé 79 % du total des exportations palestinienne et se trouve à l’origine de 81% de ses importations[7].

    L’emploi dans l’économie israélienne d’une main-d’œuvre en provenance de Cisjordanie et de Gaza est encore un aspect de cette exploitation coloniale. Régulée par l’administration israélienne qui délivre les permis de circulation et de travail, la présence de ces travailleurs vient compenser une pénurie de main-d’œuvre israélienne, en fonction de la conjoncture et pour des secteurs d’activité précis (principalement le bâtiment, l’agriculture, la restauration). Ainsi la récession économique israélienne entre 1973 et 1976 n’a quasiment pas d’impact sur le chômage israélien et se traduit en revanche par une réduction du nombre de travailleurs palestiniens venant des territoires occupés[8].

    Vulnérable, corvéable et révocable à tout moment, cette main-d’œuvre compte en moyenne pour un tiers de la population active palestinienne au cours des décennies 1970 et 1980. Puis le déclenchement de la Première Intifada et les actions de boycott économique engagés par la population palestinienne à la fin des années 1980 incitent l’administration israélienne à réduire drastiquement la présence de ces travailleurs. Ceux-là sont remplacés durant un temps par une main-d’œuvre migrante en provenance d’Asie. Mais le phénomène redevient majeur en Cisjordanie depuis une dizaine d’années et avait même repris ces derniers mois avec la bande de Gaza, malgré le blocus.

    En 2023, 160 000 Palestiniens de Cisjordanie – soit 20 % de la population active employée de ce territoire – travaillaient en Israël ou dans les colonies, auxquels s’ajouteraient environ 50 000 travailleurs employés sans permis. On comptait également quelques 20 000 travailleurs en provenance de la bande de Gaza[9]. Ces travailleurs perçoivent un salaire moyen qui représente entre 50 et 75 % de celui de leurs homologues israéliens. Ils sont en outre exposés à la précarité, à la #discrimination et aux abus. Le nombre d’accidents du travail et de décès sur les chantiers de construction est considéré comme l’un des plus élevés au monde[10].

    L’économie au service de la contre-insurrection

    S’il répond d’abord à une logique d’exploitation de la main-d’œuvre autochtone, l’emploi de travailleurs palestiniens s’avère aussi un excellent moyen de policer la population. Pour obtenir un permis de travail en Israël ou dans les colonies, un Palestinien de Cisjordanie ou de Gaza doit veiller à ce que son dossier soit approuvé par l’administration militaire israélienne. Il doit alors ne pas prendre part à toute activité syndicale ou politique jugée hostile à l’occupation, de même que ses proches parents. Des familles et parfois des villages entiers prennent ainsi garde à ne faire l’objet d’aucune « interdiction sécuritaire » pour ne pas se voir priver du permis de travail israélien.

    La dépendance des Palestiniens envers l’économie israélienne participe par conséquent de leur vulnérabilité politique. Une vulnérabilité d’autant plus redoutable que c’est l’administration israélienne qui régule l’accès aux territoires occupés, ou même la circulation en leur sein. La fermeture des points de passage et la restriction du trafic sont alors régulièrement employées comme un moyen de sanction, dans une logique ouvertement contre-insurrectionnelle. La population palestinienne est rapidement menée au bord de l’asphyxie économique, voire maintenue dans un état de crise humanitaire durable comme l’illustre le cas de la bande de Gaza sous blocus depuis 2007.

    L’Autorité palestinienne se trouve tout particulièrement exposée face à ce genre de pratique punitive. Ses revenus sont composés en grande partie (67 % en 2017) de taxes collectées par l’administration israélienne, notamment sur les importations palestiniennes. Or celle-ci ponctionne et suspend régulièrement ses reversements en exerçant un chantage explicite. Les recettes du gouvernement palestinien dépendent aussi de l’aide internationale, non moins discrétionnaire et politiquement conditionnée[11]. Une situation qui explique pour beaucoup son incapacité à agir en dehors du terrain balisé par Israël et les bailleurs de fonds.

    Cette ingénierie politique et sociale qui passe par l’économie touche également le secteur privé de différentes manières. Ces dernières années ont vu un nombre croissant d’entreprises en Cisjordanie requérir de manière proactive leur intégration au système de surveillance israélien dans l’objectif de bénéficier d’un régime avantageux dans l’exportation de leurs marchandises[12]. En temps normal, une cargaison est acheminée une première fois par camion jusqu’au point de contrôle israélien le plus proche. Là, elle est déchargée pour subir une inspection de plusieurs heures, avant d’être chargée sur un second camion pour être transportée à destination, en Israël même, ou vers un pays tiers.

    Les exportateurs palestiniens sont ainsi pénalisés par des coûts élevés de transport, sans parler du temps perdu et des risques de voir les marchandises endommagées par ces procédures fastidieuses. Le nombre de camions, et par conséquent le volume de marchandises transportées, est aussi fortement limité par l’engorgement qu’on observe quotidiennement sur les points de contrôle, à quoi peut s’ajouter la simple décision israélienne de mettre un frein à la circulation à tout moment et pour quelque raison que ce soit. Par contraste, la mise en place de couloirs logistiques, dits « door-to-door », vient considérablement fluidifier et réduire le coût du fret commercial.

    Moyennant le suivi d’un protocole strict établi par l’armée israélienne, des entreprises pourront acheminer leurs cargaisons à bon port en ne recourant qu’à un seul camion israélien et sans être inquiétées aux points de contrôle. Elles doivent pour cela aménager une cour fermée et sécurisée pour le chargement, équipée de caméras de surveillance reliées en fil continu au point de contrôle militaire le plus proche. Elles fournissent également des données détaillées sur leurs employés dont le dossier doit aussi être approuvé par l’administration militaire. Enfin, chaque camion est équipé d’un système de localisation GPS permettant la surveillance de l’itinéraire suivi à travers la Cisjordanie.

    L’économie palestinienne prise dans une guerre totale

    Il est certainement difficile de prendre toute la mesure du bouleversement radical que vivent actuellement les territoires occupés et avec eux, l’activité économique palestinienne. Plusieurs organismes palestiniens ou internationaux s’efforcent déjà de comptabiliser les pertes matérielles de la guerre en cours, et d’évaluer ses répercussions sur le PIB et le chômage palestiniens. Toute solution politique au conflit, dit-on, devra nécessairement s’accompagner d’un volet économique, et l’anticipation des coûts de la reconstruction et de la remise à flot de l’économie palestinienne constitue à chaque nouvelle guerre un gage de réactivité face à l’urgence pour les différentes parties concernées.

    Aux destructions en masse causées par les bombardements israéliens s’ajoutent en effet le renforcement du siège sur la bande de Gaza mais aussi sur la Cisjordanie, ainsi que la révocation de tous les permis de travail israéliens, ou encore le retard infligé dans le reversement des taxes à l’Autorité palestinienne. L’institut palestinien MAS évoque à cet égard une récession économique grave dont les effets se font déjà sentir dans le cours de la guerre et qui sera probablement amenée à se prolonger à ses lendemains. Le PIB aurait connu une perte d’au moins 25 % à la fin 2023 tandis que le chômage pourrait atteindre les 30 % de la population active en Cisjordanie, pour 90 % dans la bande de Gaza[13].

    Mais nous ne sommes pas là face à un affrontement entre deux États souverains et l’appauvrissement de la population palestinienne, de même que les risques sérieux de famine ne sont pas fortuits. Des rapports publiés à la suite des précédentes guerres confirment la volonté délibérée de l’armée israélienne de s’en prendre aux moyens matériels de subsistance[14]. Il en va de même des restrictions imposées sur le trafic de personnes et de marchandises, lesquelles ne s’appliquent pourtant pas aux agriculteurs de Cisjordanie dont les productions sont venues suppléer à l’interruption de l’activité agricole en Israël et ainsi participer à son effort de guerre.

    Cette multiplicité des mécanismes à l’œuvre et les diverses logiques de pouvoir qu’ils recouvrent montrent que l’économie n’est pas une victime collatérale de l’affrontement colonial en cours mais en constitue bien un terrain privilégié. La question dès lors n’est pas vraiment celle des coûts de la guerre et de la reconstruction, pas plus qu’elle ne devrait être celle des points de croissance à gagner pour remporter le silence des populations. Mais elle est plutôt celle des moyens à mettre en œuvre pour prémunir la société palestinienne d’une dépossession, d’un enrôlement ou encore d’un assujettissement qui se produisent dans l’économie même, et contre une guerre qui se veut plus que jamais totale.

    *

    Illustration : « Les toits de Jérusalem », 2007. Sliman Mansour, peintre palestinien.
    Notes

    [1] Taher Labadi, 2020, « Économie palestinienne : de quoi parle-t-on (encore) ? », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 147 | 2020, DOI : https://doi.org/10.4000/remmm.14298

    [2] Omar Jabary Salamanca, Mezna Qato, Kareem Rabie, Sobhi Samour (ed.), 2012, Past is Present : Settler Colonialism in Palestine, Settler colonial studies, Hawthorn.

    [3] Shafir Gershon, 1989, Land, Labor and the Origins of the Israeli-Palestinian Conflict, 1882 – 1914, Cambridge University Press, Cambridge.

    [4] Sternhell Zeev, 2004, Aux origines d’Israël : entre nationalisme et socialisme, Fayard, Paris.

    [5] George Mansour, 1936, The Arab Worker under the Palestine Mandate, Jerusalem.

    [6] Aziz Haidar, 1995, On the margins : the Arab population in the Israeli economy, New York, St. Martin’s Press.

    [7] CNUCED, 2018, Rapport sur l’assistance de la CNUCED au peuple palestinien : évolution de l’économie du territoire palestinien occupé, 23 juillet, Genève.

    [8] Leila Farsakh, 2005, Palestinian Labor Migration to Israel : Labor, Land and Occupation, Routlege, London.

    [9] MAS, 2023, How To Read the Economic and Social Implications of the War on Gaza, Gaza War Economy Brief Number 4, Ramallah.

    [10] CNUCED, op. cit.

    [11] Taher Labadi, 2023, Le chantage aux financements européens accable la Palestine, OrientXXI URL : https://orientxxi.info/magazine/le-chantage-aux-financements-europeens-accable-la-palestine,6886

    [12] Walid Habbas et Yael Berda, 2021, « Colonial management as a social field : The Palestinian remaking of Israel’s system of spatial control », Current Sociology, 1 –18.

    [13] MAS, op. cit.

    [14] UN, 2009, Rapport de la Mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies sur le conflit de Gaza.
    Bibliographie indicative

    Anaheed Al-Hardan, « Decolonizing Research on Palestinians : Towards Critical Epistemologies and Research Practices, » Qualitative Inquiry, vol. 20, no. 1 (2014), pp. 61–71

    Rana Barakat, « Writing/Righting Palestine Studies : Settler Colonialism, Indigenous Sovereignty and Resisting the Ghost(s) of History, » Settler Colonial Studies, vol. 8, no. 3 (2018), pp. 349–363 ;

    Toufic Haddad, Palestine Ltd. : Neoliberalism and Nationalism in the Occupied Territory, London/New York : I. B. Taurus and Co. Ltd., 2016.

    Adam Hanieh, « Development as Struggle : Confronting the Reality of Power in Palestine, » Journal of Palestine Studies, vol. 45, no. 4 (2016), pp. 32-47

    Nur Masalha, The Palestine Nakba : Decolonising History, Narrating the Subaltern, Reclaiming Memory, London/New York : Zed Books, 2012.

    Omar Shweiki and Mandy Turner, dirs., Decolonizing Palestinian Political Economy : De-development and Beyond, New York : Palgrave Macmillan, 2014.

    Linda Tabar [et al.], Critical Readings of Development under Colonialism : Towards a Political Economy for Liberation in the Occupied Palestinian Territories, Ramallah : Rosa Luxemburg Foundation/Center for Development Studies, 2015.

    Alaa Tartir, Tariq Dana, and Timothy Seidel, ed., Political Economy of Palestine : Critical, Interdisciplinary, and Decolonial Perspectives, Cham : Palgrave Macmillan, 2021.

    Lorenzo Veracini, « The Other Shift : Settler Colonialism, Israel, and the Occupation, » Journal of Palestine Studies, vol. 42, no. 2 (2013), pp. 26–42.

    Patrick Wolfe, « Purchase by Other Means : The Palestine Nakba and Zionism’s Conquest of Economics, » Settler Colonial Studies, vol. 2, no. 1 (2012), pp. 133-171.

    Omar Jabary Salamanca [et al.], eds., Past is Present : Settler Colonialism in Palestine, Settler Colonial Studies, vol. 2, no. 1 (2012).

    #colonialisme_israélien_terrain_économique #main-d’œuvre_palestinienne #révocation_des_permis_de_travail_en_Israël #corruption_de_l’Autorité_palestinienne

  • Projet de loi immigration : neuf questions pour comprendre la situation migratoire en France, avant l’ouverture des débats au Sénat

    Vous vous emmêlez les pinceaux entre immigrés, étrangers et demandeurs d’asile ? Vous vous demandez combien la France en accueille et en expulse ? Franceinfo vous éclaire, alors que s’ouvrent les débats législatifs au Sénat.

    C’est le texte qui risque d’enflammer la fin de l’année au Parlement. Le projet de loi sur l’immigration arrive dans l’hémicycle du Sénat, lundi 6 novembre, avec plus de sept mois de retard sur le calendrier initial du gouvernement. Destiné à renforcer la lutte contre l’immigration illégale, mais aussi à créer un titre de séjour pour les travailleurs sans papiers exerçant des métiers « en tension », ce texte fait l’objet d’intenses tractations partisanes, sans garantie à ce stade de réunir derrière lui une majorité d’élus.

    Héritier d’une longue série de lois sur la question migratoire, ce nouvel épisode législatif s’inscrit dans une histoire de progression continue de la part des immigrés dans la population française depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ces dernières années, par rapport à son poids démographique, la France est pourtant loin de briller par son ouverture quand on la compare à ses homologues européens. Franceinfo vous aide à mieux appréhender la situation.
    1 Y a-t-il beaucoup d’immigrés en France ?

    La population est composée à 87% de personnes nées en France, auxquelles s’ajoutent 2% de Français nés à l’étranger, selon des chiffres de l’Insee pour l’année 2022. Les immigrés, que l’on définit comme les résidents de la France nés à l’étranger sans la nationalité française, représentent donc un habitant sur dix. La plupart sont toujours étrangers, mais plus d’un tiers sont devenus français au cours de leur vie.

    Petit à petit, la part des immigrés dans la population française progresse : cette proportion était de 5% en 1946, 7% en 1975, 8% en 2006 et désormais 10%, toujours selon l’Insee. Jusqu’au milieu des années 1970, l’immigration était majoritairement masculine, en réponse aux besoins de main-d’œuvre de l’après-guerre et des Trente Glorieuses. La crise économique a ensuite freiné l’arrivée de travailleurs, tandis que l’immigration familiale a continué sa progression. Depuis une quinzaine d’années, les femmes sont majoritaires parmi l’ensemble de la population immigrée. Près de la moitié des immigrés vivant en France sont originaires d’Afrique, souvent d’Algérie, du Maroc et de Tunisie, et un tiers sont venus d’autres pays d’Europe, à commencer par le Portugal, l’Italie et l’Espagne.
    2 L’immigration s’accélère-t-elle ces dernières années ?

    En 2021, 246 000 immigrés supplémentaires sont venus s’installer en France, tandis que 45 000 autres ont quitté le territoire, soit un solde migratoire positif de 201 000 personnes, selon des estimations de l’Insee. Loin de toute explosion, la tendance est à une lente augmentation du solde migratoire depuis 2009, voire à une stabilisation relative depuis 2014, sous l’effet notamment des restrictions liées à la crise du Covid-19 à partir de 2019. Dans un pays vieillissant comme la France, où la mortalité augmente et la natalité recule, le solde migratoire est devenu le principal moteur de la croissance de la population, qui n’a progressé que de 0,3% en 2022.

    Cette progression de l’immigration en France s’inscrit dans un contexte de forte instabilité internationale. Entre 2012 et 2022, le nombre de personnes déplacées de force dans le monde à cause de conflits ou d’autres menaces a plus que doublé, selon l’Agence des Nations unies pour les réfugiés. Ces mouvements contraints se font souvent au sein du pays concerné, voire vers les pays voisins, mais ils finissent parfois par atteindre l’Union européenne. Depuis 2012, le nombre de demandeurs d’asile dans le monde a été multiplié par presque six, d’après l’ONU. Derrière ces chiffres se cachent toujours des histoires de femmes et d’hommes, souvent dramatiques. En dix ans, près de 60 000 migrants ont péri ou disparu dans le monde, dont près de la moitié en Méditerranée, selon l’ONU.
    3 La France accueille-t-elle plus d’immigrés que ses voisins ?

    A l’échelle de l’UE, les seules données existantes portent sur les immigrants (venus s’installer en France depuis l’étranger, qu’ils soient étrangers ou pas), et non sur les seuls immigrés (nés étrangers). La France est le troisième pays ayant accueilli le plus de nouveaux immigrants en 2021, avec 336 000 arrivées, derrière l’Allemagne et l’Espagne, selon l’agence européenne des statistiques, Eurostat. La hiérarchie s’inverse toutefois considérablement lorsque l’on rapporte le nombre d’immigrants arrivés cette année-là à la population totale des pays. Avec cinq nouveaux immigrants pour 1 000 habitants, la France est en queue du peloton européen.

    Il est aussi possible de comparer la proportion d’étrangers (incluant des personnes nées en France) dans les pays européens. La France arrive en 15e position des Etats de l’UE, avec 8% d’étrangers parmi sa population en 2022, selon l’Insee. Dix pays comptent plus de 10% d’étrangers, parmi lesquels nos voisins espagnols (11%), allemands (13%), belges (13%) et, loin devant, luxembourgeois (47%).
    4 Quelle est l’ampleur de l’immigration irrégulière en France ?

    Aucun indicateur fiable ne permet de savoir combien de personnes sans papiers vivent dans le pays. « La France a beaucoup moins de clandestins que la plupart des pays d’Europe », assurait le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en 2021, sur X, évaluant leur nombre à « 600 000 à 700 000 ». Les estimations s’appuient parfois sur le nombre de bénéficiaires de l’aide médicale d’Etat (AME), un dispositif d’accès aux soins destiné aux personnes en situation irrégulière. Ils étaient 403 000 fin septembre 2022, selon un rapport de l’Assemblée nationale. En 2019, une étude de l’Irdes, un organisme de recherche, estimait toutefois que la moitié des personnes éligibles à l’AME n’y avaient pas recours. L’un de ses auteurs a donc suggéré de multiplier par deux le nombre de bénéficiaires pour approcher du nombre de migrants irréguliers, qui avoisinerait donc 800 000 personnes.

    L’estimation de Gérald Darmanin et celle fondée sur les données de l’AME suggèrent, sans certitude, qu’environ un immigré sur dix en France est en situation irrégulière. Ces personnes ne disposent ni d’une nationalité européenne, ni d’un visa, ni d’un titre de séjour, ni d’un récépissé attestant qu’elles sont engagées dans une démarche de régularisation (demande d’asile, etc.).
    5 Qui sont les demandeurs d’asile ?

    Un demandeur d’asile est une personne étrangère qui sollicite la protection de la France pour échapper à une persécution. Ce statut est reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays. » Les demandeurs d’asile doivent se rendre en préfecture, puis transmettre leur dossier à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), qui statue sur leur sort. En attendant une réponse, les demandeurs peuvent rester sur le sol français, en toute légalité, et bénéficier d’une allocation temporaire, sous conditions de ressources. Ils sont également éligibles à la protection universelle maladie (ex-couverture maladie universelle).

    Au terme de la procédure, les demandeurs peuvent obtenir le statut de réfugié, notamment au titre de la convention de Genève de 1951, qui protège toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ». A défaut, ils peuvent prétendre au bénéfice de la protection subsidiaire. Celle-ci, plus rare, est destinée aux civils fuyant un conflit armé et aux personnes menacées d’exécution ou de torture.

    En France, en 2022, près d’un quart des premières demandes d’asile concernait des mineurs, selon l’Ofpra (lien vers un fichier PDF). Parmi ces quelque 30 000 dossiers déposés, 980 l’ont été pour des mineurs non accompagnés (MNA), sans représentant de l’autorité parentale. Ces enfants isolés, qui présentent « des parcours de vie traumatiques », ont été près de 15 000 à entrer dans les dispositifs de protection de l’enfance des conseils départementaux l’an dernier, selon le ministère de la Justice (lien vers un fichier PDF). L’accès au statut de MNA est parfois problématique, du fait de la difficulté à établir avec certitude l’âge de certains jeunes.
    6 La France accorde-t-elle beaucoup l’asile ?

    En 2022, l’Ofpra s’est prononcée sur près de 135 000 demandes d’asile, selon le ministère de l’Intérieur (lien vers un fichier PDF). Moins d’un tiers des candidats ont reçu une réponse favorable en première instance. En cas de rejet, il est possible de déposer un recours devant la Cour nationale du droit d’asile. Cette juridiction a rendu 67 000 décisions en 2022, donnant raison à un requérant sur cinq. Au total, l’asile en France a été accordé à 56 000 personnes en 2022. Toutes procédures confondues, le taux synthétique de protection offerte aux demandeurs s’est élevé à 41%, selon le ministère. (L’historique de ces données n’existe que de manière incomplète, hors mineurs accompagnés, d’où les chiffres moindres présentés ci-dessous.)

    L’an dernier, la France a été le deuxième pays européen à recevoir et à accepter le plus de demandes d’asile, derrière l’Allemagne, selon Eurostat. En matière d’accueil, Berlin a accordé sa protection à trois fois plus de personnes que Paris. La France fait figure de pays exigeant, surtout au stade initial des demandes d’asile : elle est l’un des cinq pays européens qui ont rejeté la plus grande proportion de dossiers en première instance en 2022, d’après les données d’Eurostat.

    En fin de compte, 13% des demandes acceptées dans l’Union européenne l’ont été en France, alors que la population française représente 15% du total des habitants de l’UE.
    7 Quels sont les autres titres de séjour accordés aux étrangers extra-européens ?

    Les titres de séjour humanitaires accordés aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux étrangers malades ne représentent qu’une petite part du total. En 2022, 34% des délivrances de premiers titres de séjour avaient un motif étudiant, 28% un motif familial et 16% un motif économique, selon des estimations du ministère de l’Intérieur (lien vers un fichier PDF). En quinze ans, les admissions liées aux études ont plus que doublé, tandis que les délivrances pour motifs familiaux, en tête jusqu’en 2020, ont stagné. L’immigration de travail, partie de loin, est celle qui progresse le plus vite.

    Fin 2022, quelque 3,8 millions de personnes vivaient en France avec un titre de séjour valide ou un document provisoire de séjour, selon les autorités. Parmi elles, plus de la moitié possédaient un document valable dix ans ou plus (carte de résident, carte de séjour « retraité », certificat de résidence pour Algérien...), et environ les trois quarts avaient un titre d’une durée d’au moins un an (visa de long séjour « étudiant », notamment).
    8 Qui accorde le plus de titres de séjour en Europe ?

    L’an dernier, le pays qui a délivré le plus de premiers permis de séjour dans l’UE a été la Pologne, devant l’Allemagne et l’Espagne, selon Eurostat. La France n’a été que le cinquième pays en matière de délivrance d’autorisations de résidence de plus de trois mois, mais le premier pour les seuls permis étudiants. Une nouvelle fois, la France se retrouve en fond de tableau si l’on rapporte le nombre total de permis à la population de chaque pays : la France en a accordé 478 pour 100 000 habitants, alors que la moyenne européenne est de 770 pour 100 000 habitants.

    9 Que deviennent les personnes déboutées en France ?

    Sauf exceptions, notamment liées aux mineurs, les personnes en situation irrégulière qui se sont vu refuser l’asile, et la délivrance ou le renouvellement de tout autre titre de séjour, ne peuvent légalement rester en France. Dès lors, elles peuvent faire l’objet d’une mesure d’éloignement. La plus répandue est l’obligation de quitter le territoire français (OQTF), qui doit leur être notifiée par la préfecture. Un délai de 30 jours permet aux personnes visées par une OQTF de s’organiser pour partir d’elles-mêmes – ce que font la moitié d’entre elles, affirmait le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin lors d’une audition au Sénat en 2022. Passé ce terme, elles s’exposent à un éloignement par la contrainte. Dans les autres cas, notamment pour menace à l’ordre public, une OQTF sans délai ou une expulsion peut être prononcée.

    En 2022, 19 429 personnes en situation irrégulière ont quitté la France, dont plusieurs milliers d’Albanais, d’Algériens et de Roumains, selon le ministère de l’Intérieur (lien vers un ficher PDF). Ce total a augmenté de 16% en un an, mais les niveaux sont restés inférieurs à ce qu’ils étaient avant la crise du Covid-19. Plus de la moitié de ces départs se sont faits dans le cadre d’un éloignement forcé, impliquant un recours aux forces de l’ordre. Les autres sorties du territoire, plus difficiles à recenser, ont été des initiatives personnelles, parfois avec une aide au retour (administrative, matérielle ou financière).

    Dans les faits, seule une minorité des personnes déboutées quitte effectivement le pays. Celles qui restent vivent parfois des années dans la clandestinité, jusqu’à réussir à régulariser leur situation du fait de leur ancienneté sur le territoire, de l’évolution de leur composition familiale ou de leur situation professionnelle. En 2022, 34 000 personnes ont été régularisées dans le cadre d’une admission exceptionnelle au séjour, dont les deux tiers pour motifs familiaux et un peu moins d’un tiers pour raisons de travail, selon le ministère de l’Intérieur (lien vers un fichier PDF). Cette question de la régularisation des travailleurs sans papiers, que l’exécutif envisage de faciliter dans le cas des métiers en tension, sera au menu des discussions des parlementaires ces prochaines semaines.

    https://www.francetvinfo.fr/societe/immigration/infographies-projet-de-loi-immigration-neuf-questions-pour-mieux-compre
    #mythe #stéréotypes #visualisation #graphiques #démographie #chiffres #statistiques #migrations #France #renvois #expulsions #éloignement #asile #réfugiés

    ping @karine4

  • This Russian exile fights Putin’s imperialism. If you don’t want to hear from him, he gets it
    https://www.latimes.com/entertainment-arts/books/story/2023-07-25/mikhail-zugar-war-and-punishment-book-on-russian-imperialism

    Une histoire de dingues.

    https://www.youtube.com/watch?v=BXqPNlng6uI&pp=ygURdGhlIGVuZCA1aGUgZG9pcnM%3D


    The killer awoke before dawn / he put his boots on".

    Quand on a été élevé dans un monde laïque ou protestant modéré on a du mal à voir l’importance des mythes et religions pour les gens moins éclairés et plus malheureux. La raison compte peu pour le développement de la pensée qui se laisse inspirer par les mythologies au service du pouvoir.

    Pour le camp bourgeois l’impérialisme est quelque chose de culturel, une émanation de l’âme slave cruelle avide de pouvoir. C’est un Russe qui vous le dit, alors ça doit être vrai, enfin parce que c’est notre Russe apprivoisé à nous.

    C’est une belle image qui sert parfaitement l’intention de définir l’action impérialiste états-unienne comme civilisatrice. Chez Zygar on est loin du travail de Lénine et des autres économistes et chercheurs socialistes qui par leur analyses des relation économiques et militaires entre les pays et les classes nous ont ouvert les yeux sur les raisons de la souffrance humaine au vingtième siècle.

    L’époque impérialiste est en train de se révéler comme l’anthropocène / le capitalocène qui se terminera vraisemblablement avec l’éradication de l’espèce humaine. Heureusement qu’il y a les nouveaux griots avec leurs histoires et mythes pour nous dire qu’il y a des bons et des mauvais qui représentent ce qui est notre essence humaine éternelle, et croyez moi mes enfants, le bien triomphera sur les forces des tenèbres slaves car dieu, enfin notre dieu à nous, le veut, DEUS VULT.

    Pour les tarés religeux à Dallas et Washington il a fallu un Cyrille de Moscou et son fidèle Poutine pour les exiter davantage que l’extase des prières contre les mollahs de Téhéran. Zygar étoffe leur conte abominable avec plein de détails afin de faire avaler le récit aux amateurs de l’american way of life moins fanatiques.

    25.7.2024 by Stuart Miller - On the Shelf : War and Punishment: Putin, Zelensky, and the Path to Russia’s Invasion of Ukraine

    Russian dissident Mikhail Zugar on his book ’War and Punishment’

    Mikhail Zygar was the founding editor in chief of TV Rain, Russia’s lone independent news television station until it went into exile in 2022, and the author of “All the Kremlin’s Men” and “The Empire Must Die.” But when Russia invaded Ukraine, his friend Nadia, who is Ukrainian, stopped speaking to him, considering him an “imperialist,” never mind that he wrote much of that first book at her home.

    On the one hand, Zygar knows that’s unfair. “It is a mistake to blame everyone who has a Russian passport, and it might be counterproductive,” he said in an interview from London, where he’s doing press for his new book, “War and Punishment: Putin, Zelensky, and the Path to Russia’s Invasion of Ukraine.”

    When I asked whether it was fear for his personal safety or the inability to pursue independent journalism in Russia that led him to move to Berlin last year, he says those reasons were both secondary. “I felt a sense of moral obligation,” he explains. “You could not live in Hitler’s Germany; you cannot live in Putin’s Russia. It’s just impossible.”

    And yet he doesn’t strongly protest Nadia’s reproach. “I will never argue with a Ukrainian before the war is over,” he says. Indeed, the first sentences of his book take Nadia’s side: “This book is a confession,” he starts, saying that every Russian who let Putin continue down his path bears some responsibility for the war.

    But Zygar at least feels he has taken up arms: “The goal of this book is to fight imperialism.” To change the future, the author believes we must understand the past. He opens his book in the 1600s, well before Russia or Ukraine were countries with set borders and identities, and he writes entirely in the present tense as he journeys through the centuries.

    “I think it’s important to try and imagine those historical figures as real people, as today’s politicians,” he explains. “They were humans like us, not monuments made of bronze.”

    While there’s plenty of Ukrainian history in the book, Zygar says there are more complete histories of that country. “I’m not writing about Ukraine, I’m writing about Russia,” he says. “It’s like writing a crime story through the eyes of the criminal. It’s the history of Russian crimes.”

    The long, detailed and complicated history may confound Westerners, but Zygar’s target audience is Russians, people who have been “brainwashed” for hundreds of years.

    “They have to understand that imperialistic propaganda is the reason for this war,” he says. “We need to stop trying to understand Putin’s motivations — there’s no history that can justify his brutality. Destroying the imperialist idea is the only possibility for Russia to become a decent, democratic nation. That’s going to take a lot of time.”

    Zygar, who has been labeled a “foreign agent” by Putin’s government, won’t be doing a book signing in Moscow any time soon, but he says the book will be smuggled in digitally. “The only way any independent work is seen in Russia now is that way, through social media or YouTube and other sites,” he says. “I’m much more privileged than my colleagues in the Soviet era, when people had to copy books by hand to pass around.”
    The cover of Mikhail Zygar’s “War and Punishment” includes close crops of Vladimir Putin’s and Volodymyr Zelensky’s eyes.

    The government has not yet banned his previous books, simply slapping stickers on them reading, essentially, “Don’t buy this. It’s written by a foreign agent.” That, of course, has boosted sales. “Everybody wants to read the dangerous books before they’re completely forbidden,” he says.

    For all its historical scope, the book is largely focused on the post-Soviet era, with characters ranging from Boris Yeltsin to Paul Manafort. Zygar says he is always asking himself “What if” questions. “There were a lot of possibilities to have a different history and different outcome,” he says, noting that in 2000 Putin wanted Russia to join NATO. “What if that idea had been accepted — there was a chance to prevent him from becoming this bloody dictator.”

    He also argues that President George W. Bush’s invasion of Iraq was an inspiration for Putin’s subsequent strongman behavior in Ukraine. And he believes the now-cornered leader is buying time, hoping Donald Trump gets reelected. “He thinks if Trump wins it can save him,” he says. “Do they have a Plan B? I don’t think so.”

    He quickly adds, though, that the West doesn’t bear the blame for the war. “The biggest blame goes to Putin, then the Russian system and the oligarchs.”

    Nor does he blame only leaders. In the first paragraph of “War and Punishment,” he writes: “Regrettably Russian culture is also to blame for making all these horrors possible.” And throughout the book, he examines the views and influence of cherished Russian literary lions such as Alexander Pushkin, Nikolai Gogol, Fyodor Dostoevsky and Joseph Brodsky.

    “In Russian society, even liberal Russians who oppose the war have a tendency to say please don’t touch our special culture, please don’t touch Pushkin, he is our saint,” Zygar says.

    Zygar calls not for cancellation but for reckoning, just as the British have reexamined Rudyard Kipling and other imperialists. “If we want to heal ourselves from the disease our nation is suffering from, then we need to be honest with ourselves,” he says. “We have to admit that the idea of Russian exceptionalism and greatness can be poisonous and that great Russian literature is to partly blame.”

    The landscape in Russia has shifted even since Zygar finished writing, most recently with the Wagner mercenaries’ semi-rebellion. “This war is making the decay of this regime happen much quicker and Putin is not the same person he used to be,” Zygar says.

    A post-Putin era may arrive sooner rather than later — and the country may be destabilized or even slide into civil war, Zygar says — but nothing would change his call for a reset on Russia’s understanding of itself.

    “I don’t believe Russia is doomed to be a dictatorship, that an empire is the only way,” he says. “I believed in the true possibility of change during the protests in 2012, but I was wrong. We’ve had a lot of chances. I hope they are not gone forever.”

    #Russie #mythes #religion

  • #Anselm - Le Bruit du temps

    Un film qui éclaire l’œuvre d’un artiste et révèle son parcours de vie, ses inspirations, son processus créatif, et sa fascination pour le #mythe et l’#histoire. Le passé et le présent s’entrelacent pour brouiller la frontière entre film et peinture, permettant de s’immerger dans le monde de l’un des plus grands artistes contemporains, #Anselm_Kiefer.


    https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/68186_0
    #art #art_et_politique #WWII #seconde_guerre_mondiale #Allemagne #film #documentaire #film_documentaire #Wim_Wanders #peinture #sculpture

  • How Far Can Sharks Smell Blood | Field & Stream
    https://www.fieldandstream.com/survival/how-far-can-sharks-smell-blood

    Sharks do have an exceptional sense of smell, among their other formidable attributes. But, they cannot detect a drop of your blood from a mile away. And, even if they could, the odds they would attack are very slim. In this article, we’ll explain the incredible sensory powers of the ocean’s most feared apex predator and dispel the mile-away myth.

    #odorat #requin #mythes

  • Why the international community is failing urban refugees: four myths about protracted displacement

    This paper challenges decision makers’ and humanitarian practitioners’ reliance on stereotypes about protracted displacement. It questions received ideas about camps and about displaced people’s experiences in towns and cities.

    It is structured around four such ‘myths’, examining each in turn, before discussing the lived realities refugees face, especially when seeking informal work in urban areas. These four myths maintain the status quo in funding and programming priorities that privilege camps, and that prevent hundreds of thousands of displaced people from finding more dignified, productive and meaningful lives in urban areas. It is time to switch to in situ support within urban areas, and to improve conditions for both interally displaced people/refugees and local populations working in the informal sector.

    https://www.iied.org/21631iied
    #mythes #urban_refugees #réfugiés_urbains #camps_de_réfugiés #réfugiés

  • Comment le travail des immigrés contribue à limiter la pénurie de #main-d’œuvre en #France

    Comment le travail des immigrés contribue à limiter la pénurie de main-d’œuvre en France
    Agents de sécurité, aides-soignantes, médecins hospitaliers… Les travailleurs venus d’autres pays sont essentiels pour faire fonctionner de nombreux secteurs. Enquête sur un déni français, loin du fantasme de la submersion démographique agité par l’extrême droite.
    Par Marie Charrel
    Il se souvient des poèmes et des dessins d’enfants, des saluts depuis les fenêtres, et même des chocolats qu’un matin une jeune femme bravant le confinement lui avait offerts. Eboueur dans la petite couronne parisienne, Bakary (il préfère ne pas donner son nom) pensait que les gestes de solidarité envers sa profession durant la pandémie de Covid-19 avaient changé les choses. « Soudain, on nous célébrait, nous, les premières lignes et les immigrés, sans qui le pays ne tient pas debout », raconte cet Ivoirien de 43 ans, arrivé en France il y a quinze ans. Bakary aimerait ne pas être le seul à se souvenir des poèmes. Lui a une carte de résident, mais il s’inquiète pour ses collègues, nombreux, qui n’en ont pas. « Parfois, je suis en colère, parfois, je pleure. Entre les patrons bien contents d’exploiter les sans-papiers et ceux qui voudraient nous mettre dehors, où sont passés ceux qui applaudissaient les héros du Covid ? »
    Depuis sa présentation en conseil des ministres, début 2023, le projet de loi relatif à l’immigration, qui devrait être examiné par le Sénat début novembre, déchire la classe politique, et plus encore : il met en lumière les tabous et crispations de la société française sur le sujet. En particulier l’article 3, qui propose de créer un « titre de séjour » pour les métiers en tension, afin de régulariser temporairement les sans-papiers y travaillant.
    Le président du parti Les Républicains, Eric Ciotti, qui en a fait une ligne rouge, agite régulièrement le risque d’un « appel d’air migratoire », reprenant un argument cher à l’extrême droite. A l’opposé, certains membres de la majorité soulignent que ces sans-papiers sont indispensables à notre économie. « Sans eux, des pans entiers de notre pays ne pourraient fonctionner », ont écrit une trentaine de parlementaires, allant du MoDem et de Renaissance à Europe Ecologie-Les Verts, dans une tribune publiée, lundi 11 septembre, par Libération.
    Le sujet n’est pas seulement franco-français. « Partout en Europe, des secteurs se sont retrouvés confrontés à une pénurie de main-d’œuvre encore plus criante au sortir de la pandémie, poussant certains Etats à revoir leur politique d’immigration », rappelle Jean-Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). « Nous avons besoin d’une immigration de main-d’œuvre qualifiée », assurait la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, mercredi 13 septembre. Et pour cause : le nombre des décès dépasse aujourd’hui celui des naissances dans l’Union européenne (UE) vieillissante. Si, après deux années de baisse, sa population a crû de 2,8 millions de personnes en 2022, pour atteindre 448,4 millions d’habitants, c’est largement grâce aux flux migratoires, montrent les données d’Eurostat. « Aujourd’hui, 100 % de la croissance de la force de travail de l’UE est liée à l’immigration », résume M. Dumont.
    La France, elle, accueille moins d’immigrés que ses voisins – leur nombre a progressé de 36 % entre 2000 et 2020, d’après les Nations unies (ONU), contre 75 % en Allemagne, 121 % dans les pays nordiques et 181 % en Europe du Sud. Il n’empêche : la crise sanitaire a souligné à quel point une série de secteurs ne pourraient pas tourner sans eux. Selon la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail, les immigrés, qui représentent 10,3 % de la population française, pèsent 38,8 % des employés de maison, 28,4 % des agents de gardiennage et de sécurité ou encore 24,1 % des ouvriers non qualifiés du BTP.
    Une étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) datée de février 2022 montre qu’ils représentent également 17 % des médecins hospitaliers et que près de la moitié (44,4 %) des travailleurs immigrés sont regroupés en Ile-de-France, où ils sont 60 % des aides à domicile. « Les entreprises désœuvrées face au manque de bras sont de plus en plus pragmatiques et sortent des sentiers battus pour trouver des candidats : elles se tournent donc vers ces profils », explique Théo Scubla, fondateur d’Each One, un cabinet spécialisé dans l’inclusion de réfugiés et d’immigrés en entreprise.
    Bien sûr, la barrière de la langue et le besoin de qualification constituent de sérieux freins à l’emploi, sans parler de l’administratif, aux méandres kafkaïens. Pour les dépasser, les entreprises souhaitant s’engager dans cette voie, y compris les PME, se font souvent accompagner par des associations ou sociétés spécialisées. (...) Mais les services ne sont pas les seuls à se tourner vers ces travailleurs. « On en parle moins, mais les besoins sont aussi massifs dans l’industrie, qui s’est historiquement construite grâce à la main-d’œuvre étrangère : les Italiens dans la Lorraine de la fin du XIXe siècle, les Polonais dans les années 1930 ou encore les Portugais et Nord-Africains venus entre 1965 et 1975 », rappelle Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, la banque publique d’investissement.
    Les 160 entreprises du cluster de la « Mecanic Vallée », qui emploient 12 000 salariés en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, en zone rurale et périurbaine, ouvrent 800 nouveaux postes de tourneurs-fraiseurs et autres opérateurs de machines chaque année. « C’est deux fois plus qu’avant le Covid, et nous échouons à tous les pourvoir, tant les candidats manquent, raconte Hervé Danton, délégué général de l’association qui regroupe ces industriels. Alors, nous allons chercher des Ukrainiens et des Maliens déjà installés dans la région, ou des Portugais et des Polonais dans leur pays. » Des profils dont il estime le nombre à environ 300 dans ces entreprises.
    « Des patrons nous paient en retard ou pas du tout » Confronté aux mêmes difficultés, Olivier Fontaine, patron de Filair, une PME de vingt-cinq salariés fabriquant des équipements en inox à La Mothe-Saint-Héray (Deux-Sèvres), a embauché un réfugié syrien de 36 ans grâce à une association d’insertion, en mars 2022. Celui-ci travaille sur un poste de soudage électrique que l’entreprise échouait à pourvoir jusque-là. « Nous sommes dans le Sud-Ouest rural, je craignais que son intégration dans l’équipe pose question, mais tout s’est bien passé : son engagement et son désir de travailler ont vite fait oublier les différences culturelles », témoigne-t-il.
    Lui est venu en France pour motif humanitaire, comme 14,6 % des personnes admises sur le territoire en 2021, selon l’Insee. L’immigration estudiantine (32,4 %) représente le principal flux migratoire, loin devant les entrées pour motifs économiques (13,3 %), mais aussi le regroupement familial (31,7 %) – une démarche en général entreprise par le primo-arrivant après des années de présence dans le pays.
    Nihad Boukaibat est ainsi arrivée du Maroc en mai 2022 pour rejoindre son mari, installé dans la région lyonnaise. La jeune femme de 28 ans a presque aussitôt intégré, comme dix-neuf autres personnes exilées, un programme de quinze semaines mené par l’association de formation Weavers et l’entreprise Accor (cours de français, de numérique, apprentissage des métiers de l’hôtellerie…), à l’issue duquel elle s’est vu offrir un CDI dans l’un des hôtels lyonnais du groupe. « J’ai trouvé un emploi stable et à temps plein rapidement, dans une équipe où je ne me sens pas étrangère. Je suis très reconnaissante », raconte-t-elle. Carole Lathouche, directrice de l’hôtel Mercure où travaille Nihad, confie que les salariés des établissements participants ont également été sensibilisés à l’accueil de ces recrues, et qu’elle est prête à renouveler l’expérience. Signe que l’intégration est amplement facilitée lorsqu’elle est accompagnée.
    Des histoires comme celle de Nihad Boukaibat, il y en a des milliers en France. Mais il y a celles, aussi, qui révèlent l’autre face du travail immigré, bien plus sombre. En particulier celui des sans-papiers. « Parce qu’on ne peut pas se plaindre, des patrons nous paient en retard ou pas du tout, exigent des heures sup au pied levé, refusent les arrêts maladie. J’en ai connu des comme ça, ils en profitent », raconte Mamadou (il n’a pas souhaité donner son nom), 33 ans, cuisinier à Nice. Arrivé de Mauritanie en 2015 pour étudier la sociologie, il s’est retrouvé sans titre de séjour après son diplôme, en 2019. « Pourtant, je paie des impôts depuis 2017. J’ai gardé toutes mes fiches d’imposition et j’ai toujours travaillé sous mon nom. » Aujourd’hui, il est salarié d’un restaurant dont le patron a accepté de lancer les démarches administratives avec lui, afin qu’il soit régularisé. Mais combien d’autres, avant, ont refusé de l’aider ? « Il y a une véritable hypocrisie dans l’hôtellerie-restauration, dénonce Nicolas Bergerault, le fondateur de l’Atelier des chefs, une entreprise qui anime des cours de cuisine aux particuliers et des formations aux métiers de services. Beaucoup d’établissements offrent des conditions de travail déplorables et se plaignent de peiner à recruter. La solution n’est pas d’aller chercher des immigrés ou des sans-papiers contraints d’être corvéables à merci, mais d’améliorer ces conditions. » Il n’en va pas autrement dans la sous-traitance en cascade du BTP, le nettoyage et les plates-formes de livraison, où les témoignages comme celui de Mamadou sont légion. « C’est le fond du problème : ces pratiques s’apparentent à du dumping social organisé », déplore Gérard Ré, membre du collectif immigration de la CGT. La confédération syndicale réclame la régularisation de ces personnes, soulignant également qu’on ne peut pas se contenter de les considérer uniquement comme une force de travail. « Sans régularisation, l’Etat valide le fait que des travailleurs n’ont pas les mêmes droits que les autres sur notre sol », ajoute M. Ré. Sachant que le nombre total de sans-papiers, en emploi ou non, est estimé de 300 000 à 750 000 personnes, selon les sources.
    La France a pourtant une longue expérience de l’immigration, rappelle-t-il. Celle-ci a pris son essor au XIXe siècle, au moment où les autres pays européens étaient encore des terres d’émigration. Trois grandes vagues migratoires se sont succédé, à la fin du XIXe siècle, durant les années 1920, puis pendant les « trente glorieuses ». Chaque fois, il s’est agi d’une immigration de travail. Chaque fois, ces vagues ont été marquées par des « ruptures brutales lors des crises économiques qui les ont suivies », soulignent les travaux de l’historien Gérard Noiriel. En 1934, la France expulse les Polonais à la suite de la crise de 1929 et la poussée des ligues d’extrême droite. En 1972, la circulaire Marcellin-Fontanet freine l’entrée des travailleurs étrangers, alors que la croissance marque le pas.
    « Depuis la fin du XIXe, les mêmes arguments xénophobes ressurgissent régulièrement : le fantasme de la submersion démographique, la crainte des étrangers qui volent nos emplois et pervertissent la nation », relève Laurent Dornel, historien à l’université de Pau et des pays de l’Adour. « Cela explique pourquoi la classe politique française, également prisonnière des amalgames avec le problème des banlieues et de la question coloniale non digérée, échoue aujourd’hui à mener une politique migratoire rationnelle », estime Catherine Wihtol de Wenden, politologue spécialiste des migrations à Sciences Po. Pourtant, les travaux d’économistes, de sociologues, de démographes européens comme américains démontant ces arguments ne manquent pas. A l’exemple de ceux sur les finances publiques. « Les immigrés touchent des aides sociales et allocations, mais ils paient aussi des taxes, impôts et contributions sociales : la difficulté est de mesurer la différence », résume Lionel Ragot, économiste à l’université Paris-Nanterre, auteur d’une étude sur le sujet en 2021. Les différentes évaluations n’utilisent pas toujours la même méthodologie. « Mais toutes montrent que l’incidence des immigrés sur le budget public est à peu près neutre », explique Hippolyte d’Albis, de l’Ecole d’économie de Paris.
    Que dire du marché du travail ? « Il convient de différencier les vagues d’immigration massives et temporaires de l’immigration régulière et étalée dans le temps », explique Anthony Edo, spécialiste du sujet au Cepii. Cela dépend, en outre, du niveau de diplôme des arrivants, de la reconnaissance ou non de leurs qualifications et de la vitesse à laquelle ils peuvent accéder au marché du travail – d’où l’importance de politiques d’intégration efficaces. En la matière, les travaux de David Card, économiste à Berkeley (Californie) et prix Nobel d’économie 2021, font référence. Il s’est penché sur l’« exode de Mariel », lorsque, en 1980, 125 000 Cubains expulsés par le régime de Fidel Castro par le port de Mariel se sont installés aux Etats-Unis, dont près de la moitié à Miami. L’économiste a étudié comment la ville de Floride avait « absorbé » ces arrivées, en comparant l’évolution des indicateurs économiques avec ceux de quatre autres villes. Résultat : ce choc migratoire n’a pas fait exploser le chômage ni fait plonger les salaires.
    « A court terme, l’arrivée d’immigrés peut néanmoins freiner la progression des salaires de personnes de mêmes qualifications peu élevées dans le pays d’arrivée – le plus souvent, il s’agit d’ailleurs des immigrés des vagues précédentes », nuance Anthony Edo. « Mais il faut également prendre en compte les effets indirects et de complémentarité, ajoute Ekrame Boubtane, chercheuse associée à l’Ecole d’économie de Paris. L’afflux d’immigrées peu qualifiées, notamment des Philippines, aux Etats-Unis, a ainsi augmenté l’offre d’aides à domicile pour les enfants et augmenté par ricochet le taux d’emploi des femmes américaines qui les ont embauchées », explique-t-elle, citant entre autres les travaux de l’économiste américaine Patricia Cortes. Si l’on s’en tient au seul produit intérieur brut, l’effet est nettement positif – les immigrés consomment et se logent, gonflant mécaniquement l’activité. Cependant, leur contribution est d’autant plus forte que leur niveau de qualification est haut. Une étude du Cepii de juin rappelle ainsi qu’entre 1965 et 2010 l’immigration aux Etats-Unis a entraîné une augmentation supplémentaire de 8 % des brevets par habitant. Et qu’en France la hausse de 1 point de pourcentage de travailleurs immigrés qualifiés dans un département permet aux entreprises locales de déposer 5,2 % de brevets supplémentaires.
    « L’immigration qualifiée pourrait être un véritable atout pour l’innovation et le dynamisme économique de la France », insiste Emmanuelle Auriol, de l’Ecole d’économie de Toulouse. « Mais à tant s’enliser dans des considérations sécuritaires et complexités administratives, elle oublie qu’elle doit fournir de sérieux efforts si elle veut attirer les cerveaux que d’autres pays, comme les Etats-Unis ou le Canada, se disputent », explique Camille Le Coz, chercheuse au Migration Policy Institute, un centre de réflexion indépendant. L’Allemagne, elle, l’a compris également et voit l’extrême droite se renforcer. Le sujet soulève aussi les craintes d’une partie de la population, notamment au regard des problèmes de logement. Pourtant, « la peur d’une pénurie croissante de salariés suscite un sentiment d’urgence dans l’industrie et a fait basculer le gouvernement vers une politique prioritaire d’attractivité de la main-d’œuvre qualifiée », expliquent Dorothée Kohler et Jean-Daniel Weisz, du cabinet Kohler Consulting & Coaching, auteurs d’une étude sur le sujet pour Bpifrance publiée en septembre.Pour combler les besoins vertigineux – deux millions de postes étaient vacants outre-Rhin fin 2022 –, il n’est désormais plus nécessaire de justifier, pour les employeurs, être à la recherche de personnel pour des métiers en tension. Le gouvernement s’apprête, en outre, à faciliter l’acquisition de la double nationalité et à réduire les barrières administratives à l’entrée sur le territoire pour les travailleurs, afin de limiter les freins à l’intégration. Il espère ainsi convaincre les nouveaux arrivants et leurs familles de rester durablement en Allemagne.

    https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/09/22/comment-le-travail-des-immigres-contribue-a-limiter-la-penurie-de-main-d-uvr

    #étrangers #migrations #France #travail #immigration #travailleurs_étrangers #pénurie #pénurie_de_main_d'oeuvre #déni #mythe #régularisation #sans-papiers #statistiques #chiffres

    déjà sur seenthis ici :
    https://seenthis.net/messages/1017964

  • vous en conjure, les Sapiens Sapiens, cessez de vous cacher derrière votre petit doigt et de prétendre que vous tondez-coupez-élaguez-bouturez-tuteurez-rafraîchissez-sarclez les plantes « parce qu’elles en ont besoin » ou « parce que ça leur fait du bien » ! La végétation était là cinq cents millions d’années avant vous et durant tout ce temps elle se débrouillait très correctement sans vos « services », merci pour elle ! La réalité c’est que vous ne faites pas cela dans son intérêt mais uniquement pour la plier à vos fantasmes, vous faites cela parce que vous êtes des psychopathes, des tortionnaires et des assassins ! Si vous voulez réellement avoir quelque attitude bénéfique pour « la Nature » ne vous occupez absolument pas d’elle, n’y fichez jamais les pieds, tenez-vous le plus loin possible, asseyez-vous dans un coin (non, pas sur l’herbe !), restez immobiles et surtout ne touchez à rien. Là oui, là vous ne serez peut-être plus une nuisance pour l’environnement.

    Tout autre comportement est intrinsèquement meurtrier, et le fait que les « bonnes intentions » (sic) soient l’arme du crime ne saurait constituer une circonstance atténuante.

    #MamieNicoleEstEncoreDeBonneHumeur.

    • N’avais-je pas déjà pondu moult dazibaos du même style ? Bah si, c’est bien possible, mais puisque visiblement ce fut sans effet et que la gabegie continue je suis bien obligée de radoter. Quel sacerdoce d’être dictateuse !

    • En zone sèche, on peut éviter de laisser trop de broussaille se déssecher sous les arbres.
      Ce qu’on enlève on peut le couper en morceaux plus petits (éventuellement le broyer) et le laisser sur place largement éparpillé sur le sol, pour que ces débris végétaux se décomposent et soient mangés par les insectes et les micro-organismes.
      Ainsi le carbone qu’ils contiennent reste dans les êtres vivants ou le sol, et n’alimente pas le CO2 de l’atmosphère (ce qui se passe si on brûle ces « déchets » végétaux).

      Parce qu’il y a, en zone méditerranéenne, toujours un risque de feu (qui relargue énormément de CO2 dans l’atmosphère).
      Et hélas des humains, il y en a partout : leur étourderie ou leur folie, peut toujours laisser trainer un mégot ...

  • ★ LES RELIGIONS - Socialisme libertaire

    « La terreur enfanta les premiers dieux », a dit un poète latin. 

    « Oui, Très-Saint Père qui, représentant du va-nu-pieds Jésus, donnez modestement votre mule à baiser, si de navrants imbéciles se prosternent ainsi devant vos sacrés orteils, c’est parce qu’un beau jour, le singe dégrossi qui fut notre ancêtre, eut par trop peur du tonnerre : de cette peur, l’idée religieuse naquit.
    Il n’y a que les esprits les plus incultes qui puissent encore s’imaginer les religions créées tout d’une pièce. Les générations spontanées, dans l’ordre moral comme dans l’ordre physique, sont beaucoup plus rares qu’on ne croit. Il faut, pour que l’éclosion ait lieu, que tous les éléments constitutifs se soient eux-mêmes développés, rapprochés et combinés. L’observateur superficiel, seul, peut croire que ça se fait tout d’un coup : en réalité, une religion, pas plus qu’un homme, ne se façonne en cinq minutes.
    Combien ils durent frissonner nos primitifs ancêtres ! Tout leur était mystère et hostilité : la foudre, le cyclone, la neige, la tempête, l’épidémie, les monstres, grandis par l’imagination, qui sortaient de leurs retraites pour livrer bataille à l’homme ! Toutes ces forces inhérentes à l’éternelle matière, tous ces êtres redoutables, leur parurent supérieurs à eux, pauvres animaux nus et ignorants, tous devinrent des dieux qu’ils cherchèrent à fléchir, auxquels ils prêtèrent leurs passions, avec lesquels ils tentèrent d’entrer en pourparlers (...)

    #Charles_Malato #anarchisme #antireligion #anticléricalisme #religions #mythes #crédulité #superstitions #peurs #obscurantisme #rationalisme #émancipation...

    ⏩ Lire l’article complet...

    ▶️ https://www.socialisme-libertaire.fr/2023/03/les-religions.html

  • Le CNR : derrière le mythe, une opération politique
    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/05/10/le-cnr-derriere-le-mythe-une-operation-politique_657535.html

    À l’occasion de l’hommage de Macron à Jean Moulin, le 8 mai à Lyon, la CGT a tenu à placer la manifestation de protestation sous le signe de la défense de « l’héritage social de la Résistance ». Elle s’est revendiquée de Jean Moulin qui, selon elle, « a unifié toutes les résistances derrière le programme du #CNR ».

    Pour bien des organisations sociales, le Conseil national de la Résistance (CNR) serait la matrice de toutes les avancées des 80 dernières années, en particulier la Sécurité sociale et la retraite par répartition. #Ambroise_Croizat, ministre #PCF du Travail et de la Sécurité sociale en 1945-1946, est célébré comme un héros de la classe ouvrière. Mais le CNR camouflait une opération politique.

    En unifiant la #Résistance, #Jean_Moulin, ex-préfet en mission pour de Gaulle, visait à réaliser derrière ce général réactionnaire l’union de tous les partis, de la droite jusqu’au PCF. L’objectif était de remettre en selle l’appareil d’État français, en s’émancipant le plus possible de la tutelle américaine et en évitant toute révolte sociale. Le programme du CNR, les « jours heureux », était l’habillage social de cette unité politique. Dans cette alliance, le PCF apportait son influence parmi les classes populaires et son réseau militant capable d’encadrer les travailleurs qui espéraient que leur vie change après la guerre. En échange, de Gaulle allait donner au PCF trois puis cinq ministères dans les gouvernements issus du CNR.

    Le rôle du PCF et de la #CGT entre 1944 et 1947 fut de promettre aux travailleurs des jours heureux lointains pour leur faire accepter les sacrifices immédiats, rationnement, travaux pénibles, et la remise en place de l’ordre social. #Maurice_Thorez, dirigeant du PCF et ministre d’État, fustigea « la grève, arme des trusts » et exhorta les mineurs de charbon à « produire, produire et encore produire » pour gagner la bataille de la production. À ceux qui n’avaient pas oublié le rôle de la police sous Pétain, à ceux qui entendaient maintenir des milices armées, il ordonna : « Une seule police, une seule armée ». La police de Macron et Darmanin qui éborgne aujourd’hui les manifestants est la lointaine héritière de la police pétainiste blanchie par le gouvernement issu du CNR.

    L’État rebâti sous l’égide de #de_Gaulle et Thorez n’était en rien celui des travailleurs. À quelques exceptions près, les grands patrons qui avaient fait des affaires pendant l’occupation allemande conservèrent leurs usines. Les nationalisations tant vantées permirent la reconstruction et l’approvisionnement de leurs entreprises détruites. Même les concessions faites aux travailleurs, les assurances sociales et la retraite, profitaient aux patrons : construire un système collectif d’assurance maladie ou vieillesse leur permettait de maintenir les salaires au plus bas.

    Symbole du fait que le gouverne­ment issu du CNR défen­dait coûte que coûte les intérêts de la bourgeoisie française : le 8 mars 1945, de Gaulle faisait bombarder et massacrer plusieurs dizaines de milliers d’Algériens à ­Sétif et Guelma parce qu’ils avaient osé se révolter contre l’ordre colonial. Les ministres du PCF et les chefs de la CGT apportèrent leur caution à ces massacres.

    Taire cette histoire serait se préparer à livrer une nouvelle fois les travailleurs à leurs exploiteurs.

    #mythe #stalinisme

  • Le mythe de la métropole attractive
    https://metropolitiques.eu/Le-mythe-de-la-metropole-attractive.html

    Que recouvrent les politiques de promotion de l’« attractivité » métropolitaine ? Ce dossier montre que si elles sont en partie impuissantes et traversées par de nombreuses contradictions, elles ont des implications bien réelles sur les territoires et les populations. ▼ Voir le sommaire du dossier ▼ Depuis le début des années 1990 en Europe occidentale, l’injonction à promouvoir « l’attractivité des territoires » s’est généralisée à tous les niveaux de gouvernement. Les États, mais également les régions et #Dossiers

    / #métropole, attractivité

    #attractivité
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_intro_dossier_mythemetropoloeattractivex.pdf

  • #Makhno #Makhnovtchina #Russie #Ukraine #histoire #bolchevisme #anarchisme

    ★ MAKHNO : POUR LE Xe ANNIVERSAIRE DU MOUVEMENT INSURRECTIONNEL MAKHNOVISTE EN UKRAINE (1928)...

    « Comme l’on sait, la honteuse trahison des dirigeants bolcheviks aux idées de la révolution d’Octobre amènera tout le parti bolchevik et son pouvoir "révolutionnaire prolétarien", établi sur le pays, à conclure une paix infâme avec les empereurs allemands, Wilhelm II, et autrichien, Karl, puis à une lutte encore plus infâme, à l’intérieur du pays, d’abord contre l’anarchisme, ensuite contre les Socialistes Révolutionnaires de gauche et le socialisme en général. En juin 1918, j’ai rencontré Lénine au Kremlin (...) »

    https://www.socialisme-libertaire.fr/2022/12/makhno-pour-le-xe-anniversaire-du-mouvement-insurrectionnel-ma

    ★ NESTOR MAKHNO : POUR LE Xe ANNIVERSAIRE DU MOUVEMENT INSURRECTIONNEL MAKHNOVISTE EN UKRAINE (1928). « Comme l’on sait, la honteuse trahison des dirigeants bolcheviks aux idées de la révolution d’Octobre amènera tout le parti bolchevik et son pouvoir...

    • Pour compléter, sur cette épisode de la révolution russe (la répression par l’#Armée_rouge de l’armée de l’anarchiste paysan Makhno) :

      – 3 textes de Trotsky (ci-dessous)
      – un texte de Jean-Jacques Marie
      https://cahiersdumouvementouvrier.org/lukraine-hier-et-aujourdhui
      – un entretien avec Éric Aunoble (historien chargé de cours à l’Université de Genève)
      https://comptoir.org/2017/10/26/eric-aunoble-makhno-etait-lun-des-milliers-de-dirigeants-dinsurrections-lo

      La Révolution et les otages (Leur morale et la nôtre, Trotsky, 1938)

      Staline fait arrêter et fusiller les enfants de ses adversaires, fusillés eux-mêmes sur des accusations fausses. Les familles lui servent d’otages pour contraindre les diplomates soviétiques, capables d’émettre un doute sur la probité de Iagoda ou de Ejov, à revenir de l’étranger. Les moralistes de la “Neuer Weg” croient devoir rappeler à ce propos que Trotsky usa “lui aussi” en 1919 d’une loi des otages. Mais il faut citer textuellement : “L’arrestation des familles innocentes par Staline est d’une barbarie révoltante. C’est encore une action barbare quand elle est commandée par Trotsky (1919).” Voilà bien la morale idéaliste dans toute sa beauté ! Ses critériums sont aussi mensongers que les normes de la démocratie bourgeoise : on suppose dans les deux cas l’égalité où il n’y a pas l’ombre d’égalité.

      N’insistons pas ici sur le fait que le décret de 1919 ne fit très probablement fusiller personne d’entre les parents des officiers dont la trahison nous coûtait des vies sans nombre et menaçait de tuer la révolution. Au fond, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Si la révolution avait fait preuve dès le début de moins d’inutile générosité, des milliers de vies eussent été épargnées par la suite. Quoi qu’il en soit, je porte l’entière responsabilité du décret de 1919. Ce fut une mesure nécessaire dans la lutte contre les oppresseurs. Ce décret, comme toute la guerre civile, que l’on pourrait aussi appeler à juste titre une “révoltante barbarie”, n’a d’autre justification que l’objet historique de la lutte.

      Laissons à un Emil Ludwig et à ses pareils le soin de nous faire des portraits d’un Abraham Lincoln orné de petites ailes roses. L’importance de Lincoln vient de ce que, pour atteindre le grand but historique assigné par le développement du jeune peuple américain, il ne recula pas devant l’application des mesures les plus rigoureuses quand elles furent nécessaires. La question n’est même pas de savoir lequel des belligérants subit ou infligea les plus lourdes pertes. L’histoire a des mesures différentes pour les cruautés des sudistes et des nordistes dans la guerre de Sécession des Etats-Unis. Que de méprisables eunuques ne viennent pas soutenir que l’esclavagiste qui, par la ruse et la violence, enchaîne un esclave est devant la morale l’égal de l’esclave qui, par la ruse et la violence, brise ses chaînes !

      Quand la Commune de Paris eut été noyée dans le sang et que la canaille réactionnaire du monde entier se mit à traîner son drapeau dans la boue, il se trouva de nombreux philistins démocrates pour flétrir, avec la réaction, les Communards qui avaient exécuté 64 otages et parmi eux l’archevêque de Paris. Marx n’hésita pas un instant à prendre la défense de cette sanglante action de la Commune. Dans une circulaire du Conseil Général de l’Internationale, Marx rappelle – et l’on croit entendre des laves bouillonner sous ces lignes – que la bourgeoisie usa du système des otages dans la lutte contre les peuples des colonies et dans la lutte contre son propre peuple. Parlant ensuite des exécutions méthodiques des Communards prisonniers, il écrit : “Il ne restait plus à la Commune, pour défendre la vie de ses combattants prisonniers, qu’à recourir à la prise des otages, coutumière chez les Prussiens. La vie des otages fut perdue et reperdue du fait que les Versaillais continuaient a fusiller leurs prisonniers. Eût-il été possible d’épargner les otages après l’horrible carnage dont les prétoriens de Mac-Mahon marquèrent leur entrée dans Paris ? Le dernier contrepoids à la sauvagerie du gouvernement bourgeois – la prise des otages – allait-il n’être que dérision ?” Tel fut le langage de Marx sur l’exécution des otages, bien qu’il eût derrière lui, au Conseil Général de l’Internationale, bon nombre de Fermer Brockway, de Norman Thomas et autres Otto Bauer. L’indignation du prolétariat mondial, devant les atrocités commises par les Versaillais, était encore si grande que les brouillons réactionnaires préférèrent se taire, en attendant des temps meilleurs pour eux, – et ces temps, hélas ! ne tardèrent pas à venir. Les moralistes petits-bourgeois unis aux fonctionnaires de Trade Unions et aux phraseurs anarchistes ne torpillèrent la Première Internationale que lorsque la réaction eut décidément triomphé.

      Quand la révolution d’Octobre résistait aux forces réunies de l’impérialisme sur un front de 8 000 kilomètres, les ouvriers de tous les pays suivaient cette lutte avec une sympathie si ardente qu’il eût été risqué de dénoncer devant eux comme une “révoltante barbarie” la prise des otages. Il a fallu la dégénérescence totale de l’Etat soviétique et le triomphe de la réaction en divers pays pour que les moralistes sortissent de leurs trous… et vinssent au secours de Staline. Car, si les mesures de répression prises pour défendre les privilèges de la nouvelle aristocratie ont la même valeur morale que les mesures révolutionnaires prises dans la lutte libératrice, Staline est pleinement justifié, à moins que… à moins que la révolution prolétarienne ne soit condamnée en bloc.

      Messieurs les moralistes, tout en cherchant des exemples d’immoralité dans la guerre civile de Russie, sont obligés de fermer les yeux sur le fait que la guerre civile en Espagne a aussi rétabli la loi des otages, dans la période en tout cas où il y eut une véritable révolution des masses. Si les détracteurs ne se sont pas encore permis de condamner la “révoltante barbarie” des ouvriers d’Espagne, c’est seulement parce que le terrain de la péninsule ibérique est trop brûlant sous leurs pieds. Il leur est beaucoup plus commode de revenir à 1919. C’est déjà de l’histoire. Les vieux ont eu le temps d’oublier, les jeunes n’ont pas eu celui d’apprendre. Pour la même raison, les Pharisiens de toutes nuances reviennent avec tant d’opiniâtreté sur #Cronstadt et Makhno : les sécrétions morales peuvent ici se donner libre cours !

      _______________

      Lettre à W. Thomas (Trotsky, juillet 1937)

      Makhno : en lui-même, c’était un mélange de fanatique et d’aventurier. Mais il devint le centre des tendances qui provoquèrent l’insurrection de Cronstadt. La cavalerie est, de façon générale, la partie la plus réactionnaire de l’armée. Le cavalier méprise le piéton. Makhno a créé une cavalerie avec des paysans qui fournissaient leurs propres chevaux. Ce n’étaient pas les paysans pauvres écrasés que la révolution d’Octobre éveilla pour la première fois, mais les paysans aisés et repus qui avaient peur de perdre ce qu’ils avaient. Les idées anarchistes de Makhno (négation de l’État, mépris du pouvoir central) correspondaient on ne peut mieux à l’esprit de cette cavalerie koulak. J’ajoute que la haine pour l’ouvrier de la ville était complétée chez Makhno par un antisémitisme militant. Tandis que nous soutenions contre Denikine et Wrangel [4] une lutte à mort, les makhnovistes, confondant les deux camps, essayaient d’avoir une politique indépendante.. Le petit-bourgeois (koulak), qui avait pris le mors aux dents,pensait qu’il pouvait dicter ses conceptions contradictoires d’une part aux capitalistes et de l’autre aux ouvriers. Ce koulak étaitarmé. Il fallait le désarmer. C’est précisément ce que nous avons fait.

      Votre tentative de conclure que les fourberies de Staline découlent de l’ « amoralisme » des bolcheviks est radicalement fausse. Dans la période où la révolution luttait pour l’émancipation des masses opprimées, elle appelait toutes choses par le nom et n’avait nul besoin de fourberies. Le système des falsifications provient de ce que la bureaucratie stalinienne lutte pour les privilèges d’une minorité et qu’elle a besoin de dissimuler et de masquer ses objectifs véritables. Au lieu de rechercher l’explication dans les conditions matérielles du développement historique, vous créez une théorie du « péché originel » qui convient à l’Église, mais pas à la révolution socialiste.

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      Lettre aux bolcheviks-léninistes chinois (#Trotsky, 22 septembre 1932)

      A la tête du mouvement paysan se trouvent des communistes ou des sympathisants ; n’est-il donc pas évident que les ouvriers et les paysans doivent, lorsqu’ils se rencontreront, s’unifier sous le drapeau du communisme ?

      Malheureusement, le problème n’est pas si simple. Je m’appuierai sur l’expérience de la #Russie. Durant les années de la guerre civile, la paysannerie, dans différentes régions, créait ses propres troupes de partisans, et parfois même, naissaient des armées entières. Quelques-uns de ces corps d’armée se considéraient comme bolcheviks et étaient souvent dirigés par des ouvriers. D’autres restaient sans parti et avaient à leur tête le plus souvent d’anciens sous-officiers paysans. Il y avait aussi l’armée “ anarchiste ” sous le commandement de Makhno. Tant que les armées de partisans agissaient sur le revers de l’armée blanche, elles servaient la cause de la révolution. Certaines d’entre elles se remarquaient par un héroïsme et une ténacité particulière. Mais, dans les villes, ces armées entraient souvent en conflit avec les ouvriers et avec les organisations locales du parti. Les conflits naissaient aussi lors de la rencontre des partisans et de l’armée rouge régulière, et dans certains cas, cela prenait un caractère aigu et morbide.

      La rude expérience de la guerre civile nous a démontré la nécessité dé désarmer les corps d’armée des paysans dès que l’armée rouge assumait le pouvoir dans une région débarrassée des gardes blancs. Les meilleurs éléments, les plus conscients et les plus disciplinés, s’intégraient dans les rangs de l’armée rouge. Mais la plus grande partie des partisans tentait de conserver une existence indépendante, et entrait souvent en lutte armée directe avec le pouvoir soviétique. Il en fut ainsi avec l’armée “anarchiste”, indirectement koulak par son esprit, de Makhno, mais pas seulement avec elle. De nombreux corps paysans, luttant fermement contre la restauration des propriétaires fonciers, se transformaient après la victoire en une arme de la contre-révolution.

      Les conflits armés entre les paysans et les ouvriers, quelle qu’en soit l’origine dans les cas particuliers, que ce soit la provocation consciente des gardes blancs, le manque de tact des communistes, ou le concours malheureux dés circonstances, avaient à leur base la même cause sociale : la situation de classe et l’éducation différenciée des ouvriers et des paysans. L’ouvrier aborde les problèmes sous l’angle socialiste ; le paysan sous l’angle petit-bourgeois. L’ouvrier tente de socialiser la propriété qu’il a reprise à ses exploiteurs ; le paysan, tente, lui, de la partager. L’ouvrier veut faire servir les châteaux et les parcs dans l’intérêt général ; le paysan, pour peu qu’il ne puisse les partager, est enclin à brûler les châteaux et à déboiser les parcs. L’ouvrier fait effort pour résoudre les problèmes à l’échelle étatique, et selon un plan ; mais le paysan aborde tous les problèmes à l’échelle locale, et se conduit d’une façon hostile envers le plan du centre, etc…

      Il est évident que le paysan peut lui aussi s’élever jusqu’à un point de vue socialiste. Sous le régime prolétarien, une masse de plus en plus grande de paysans se rééduque dans l’esprit socialiste. Mais cela exige du temps, – des années, et même des décades. Si l’on n’envisage que la première étape de la révolution, alors les contradictions entre le socialisme prolétarien et l’individualisme paysan prennent souvent un caractère aigu.

      #Makhno #Makhnovtchina #Russie #Ukraine #histoire #bolchevisme #anarchisme #mythe #antisémitisme #révolution_russe #anarchisme #armée_paysanne #bolchévisme

    • L’éternel conflit entre l’anarchisme et le marxisme-léninisme...

      La Makhnovtchina ou Kronstadt resteront pour longtemps le symbole de la division entre ’communisme’ étatique, autoritaire et le communisme-libertaire... une plaie ouverte qui a du mal à cicatriser. Chacun sa voie.

      Nous nous garderons ici de tergiverser pendant des heures sur ces sujets épineux... /

      « Prenez le révolutionnaire le plus radical et placez-le sur le trône de toutes les Russies, ou confiez-lui un pouvoir dictatorial […] et avant un an il sera devenir pire que le Tsar lui-même. »

      ★ Mikhaïl Bakounine (1870)

      « Les marxistes prétendent que la dictature, seule - leur dictature bien évidemment - permettrait d’exprimer la volonté populaire. Notre réponse est celle-ci : nulle dictature n’a d’autre objectif que sa perpétuation et elle ne peut conduire qu’à l’esclavage du peuple la tolérant ; la liberté ne peut résulter que de la liberté, c’est à dire de la rébellion du peuple laborieux et de sa libre organisation. »

      ★ Mikhaïl Bakounine (1873)

      « Staline n’est pas tombé de la lune. Staline et le stalinisme ne sont que les conséquences logiques d’une évolution préalable et préparatoire, elle-même résultat d’un terrible égarement, d’une déviation néfaste de la Révolution. Ce furent Lénine et Trotski - c’est-à-dire leur système - qui préparèrent et engendrèrent Staline. »

      ★ Voline, in La Révolution inconnue (1947)

    • Ce n’est pas très sérieux de répondre à un trotskyste (donc marxiste et léniniste) en l’associant au « marxisme-léninisme » (qui n’a jamais eu rien à voir avec le marxisme ni le léninisme, mais seulement avec le stalinisme et surtout avec tous les mouvements nationalistes d’obédience maoïste). En outre, en tant que marxiste, léniniste et trotskyste, je ne me vois aucun rapport avec un quelconque communisme étatique et autoritaire. Je suis également pour la disparition de l’État, mais, concevant celui-ci comme l’outil nécessaire de la classe dominante, je ne conçois pas sa disparition sans celle des classes sociales et de l’exploitation.

      Quant aux dires de Voline, ils sont crétins. Il est courant de penser dans l’idéologie dominante que le stalinisme est, à la fois, la continuation et la faillite du léninisme. L’erreur de ce raisonnement commence avec l’identification tacite du bolchevisme, de la Révolution d’Octobre et de l’Union Soviétique. Le processus historique, qui consiste dans la lutte des forces hostiles, est remplacé par l’évolution du bolchevisme dans le vide. Cependant le bolchevisme est seulement un courant politique, certes étroitement lié à la classe ouvrière, mais non identique à elle. Et, outre la classe ouvrière, il existe en U.R.S.S. plus de cent millions de paysans, de nationalités diverses, un héritage d’oppression, de misère et d’ignorance.

      Représenter le processus de dégénérescence de l’Etat Soviétique comme l’évolution du bolchevisme pur, c’est ignorer la réalité sociale au nom d’un seul de ses éléments isolé d’une manière purement logique. Trouver dans la putréfaction de la bureaucratie staliniste un argument définitif contre le #bolchevisme, c’est raisonner à l’envers, en idéaliste achevé et sans la moindre analyse de classe.

    • « L’Etat - c’est nous. »

      Lénine, in Compte rendu du XIe Congrès du parti communiste, 27 mars 1922.

      La messe est dite.

      Nous sommes intimement persuadé que toute construction étatique quelle soit bourgeoise, démocratique, despotique, révolutionnaire ou ouvrière conduisent obligatoirement à une impasse et surtout à notre domination.

      Comme l’a écrit un auteur anarchiste, avec raison, toutes —il écrit bien TOUTES— les révolutions de "gauche" (pour simplifier) ont échoués, ont été confisqués et ont toutes abouti à un bain de sang ou une dictature.

      Révolutions confisquées systématiquement par une nouvelle caste, une nomenklatura qui s’imposent par la bureaucratie étatique, la terreur : une domination en remplace une autre.
      Loin des romances révolutionnaires idéalisées, la réalité est là et elle est sinistre.
      L’histoire du monde malheureusement confirme ces faits, à nos yeux.

      La Révolution des Soviets a aussi été confisquée, notamment au tournant sanglant de la répression de Kronstadt. Les Kronstadiens exigeaient la mise en pratique des fondements de la révolution d’Octobre :

      "Election libres des soviets, liberté de parole et de presse pour les ouvriers et paysans, les anarchistes, les socialistes révolutionnaires de gauche".
      On connaît la suite...

      > Utiliser des périphrases à l’infini ne changera rien à cela.

      "...dégénérescence de l’Etat Soviétique" : le mot fétiche est lâché ;-) !

      > Pour notre part, c’est typique de l’art de la langue de bois trotskyste.
      C’est dit sans aucune animosité. J’ai de très bons ami-e-s trotskystes ("chapelle" LO) et l’on se respecte mutuellement en connaissance de nos divergences... :-)

      "L’État, le gouvernement, quels qu’en soient la forme, le caractère, qu’il soit autoritaire ou constitutionnel, monarchique ou républicain fasciste, nazi ou bolchevik, est de par sa nature même conservateur, statique, intolérant et opposé au changement. S’il évolue parfois positivement c’est que, soumis à des pressions suffisamment fortes, il est obligé d’opérer le changement qu’on lui impose, pacifiquement parfois, brutalement le plus souvent, c’est-à-dire par les moyens révolutionnaires. De plus, le conservatisme inhérent à l’autorité sous toutes ses formes devient inévitablement réactionnaire. Deux raisons à cela :
      la première c’est qu’il est naturel pour un gouvernement, non seulement de garder le pouvoir qu’il détient, mais aussi de le renforcer, de l’étendre et de le perpétuer à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières. Plus forte est l’autorité, plus grands l’État et ses pouvoirs, plus intolérable sera pour lui une autorité similaire ou un pouvoir politique parallèle. La psychologie gouvernementale impose une influence et un prestige en constante augmentation, nationalement et internationalement, et il saisira toutes les occasions pour les accroître. Les intérêts financiers et commerciaux soutenant le gouvernement qui les représente et les sert, motivent cette tendance. La raison d’être fondamentale de tous les gouvernements, sur laquelle les historiens des temps passés fermaient volontairement les yeux, est si évidente aujourd’hui que les professeurs eux-mêmes ne peuvent plus l’ignorer.
      "

      ★ Emma Goldman, in L’Individu, la Société et l’État (1940).

      Trotsky a conservé une "auréole" grâce à une virginité historique tronquée : il n’a pas pu exercer pleinement le pouvoir (maudit comme disait si bien Louise Michel) auquel il se destinait et son assassinat terrifiant par un sbire stalinien... assassinat qui a horrifié Emma Goldman qui avait exprimée toute son empathie après ce terrible évènement.

      Le créateur de l’Armée Rouge fut le bourreau (entre autres) de l’anarchisme et pour notre part il ne fait aucun doute qu’il serait devenu le tyran de l’URSS, si Staline n’avait prit les devants dans cette folle et mortifère course au pouvoir.

      L’anarchisme est avant tout une émancipation individuelle et collective. Ce n’est pas pour rien qu’il a été persécuté tout à la fois par la bourgeoisie, le capitalisme, les stalinismes, les fascismes, les régimes autoproclamés "prolétaires"... bref, tous ceux qui veulent maintenir un Etat et une classe dirigeante... et ce malgré leurs dénégations souvent hypocrites.

      Tant qu’il existera des Etats pour servir le pouvoir et inversement, il n’y aura pas d’avancée pour l’humanité.

      « Nous savons que nous-mêmes ne sommes pas sans défaut et que les meilleurs d’entre nous seraient vite corrompus par l’exercice du pouvoir.
      Nous prenons les hommes pour ce qu’ils sont — et c’est pour cela que nous haïssons le gouvernement de l’homme par l’homme (...) Loin de vivre dans un monde de visions et d’imaginer les hommes meilleurs qu’ils ne sont, nous les voyons tels qu’ils sont, et c’est pourquoi nous affirmons que le meilleur des hommes est rendu essentiellement mauvais par l’exercice de l’autorité.
       »

      ★ Kropotkine, in L’anarchie (1896)

      Pour nous aucun doute, l’URSS stalinienne était un capitalisme d’Etat dictatorial et il n’en pouvait pas être autrement... tout comme le maoïsme est devenu aussi un capitalisme étatique militaro-policier. C’est inéluctable et c’est aux antipodes d’une soi-disant "dégénérescence"... une sémantique bien pratique pour masquer les choses.

      Les têtes changent, les mots changent, les maîtres changent mais la domination d’une minorité reste. Que se soit en URSS (et ses satellites), en Chine, en Corée, au Viêt-Nam, au Cambodge, à Cuba, etc. la nomenklatura (la bourgeoisie "prolétaire") est toujours là pour s’imposer, ouvrir des camps (goulags, laogai, etc.) mettre en place un régime policier... la longue litanie des exactions commises, bien évidemment, "au nom du peuple" déferlent... car c’est toujours "au nom du peuple" que les pires saloperies se font. Le pouvoir est toujours l’ennemi du peuple...

      En Anarchie il n’y a pas, et c’est tant mieux, de figure providentielle, de "messie", de sauveur ’infaillible’... il se remet toujours en question... et s’il existe de nombreuses figures libertaires emblématiques, elles peuvent êtres toutes remises en question (comme Proudhon souvent vilipendé, avec raison, pour la bassesse de ces propos sexistes et antisémites)... les icônes sont antinomiques de l’esprit anarchiste.
      Nous sommes, l’anarchisme est très iconoclaste.

      Un changement de maître (que se soit un "Président", "Führer", "Caudillo", "Conducător", "Duce", "Père des peuples", "Grand Timonier", "Líder Máximo"...) ne changera jamais rien.

      "Avec l’anarchie comme but et comme moyen, le communisme devient possible. Sans cela, il serait forcément la servitude et, comme telle, il ne pourrait exister."

      ★ Kropotkine in "Communisme et Anarchie" (1903)

      "Nous savons en tant qu’anarchistes, que tout changement dirigé d’en haut ne vise qu’à renforcer le système de domination."

      ★ Fédération anarchiste de Santiago - Chili - mai 2022

      Il faut sortir des fantasmes, des idées reçues, des on-dit, des rumeurs et des caricatures sur l’anarchisme véhiculés par tous les pouvoirs. L’anarchisme ne cherche en aucun cas le pouvoir, il n’a pas de dogme. L’anarchisme n’est pas un parti politique. Il n’y a pas de ’stratégie’ politique/politicienne (ça on le laisse aux bonimenteurs politicards) car nous ne sommes en aucun cas une "avant-garde". L’anarchisme n’a pas, non plus, toutes les réponses car il n’y a pas de solution miracle...

      > On voulait éviter de longues tergiversations :-) c’est raté ! car tu vas très certainement vouloir rebondir... sachant que l’on ne va pas se convaincre mutuellement, on ne fera plus de grandes réponses...

      "Chacun cherche sa route ; nous cherchons la nôtre et nous pensons que le jour où le règne de la liberté et de l’égalité sera arrivé, le genre humain sera heureux."

      ★ Louise Michel

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      > Lettre à Luigi Fabbri sur la « Dictature du prolétariat », par Errico Malatesta (30 juillet 1919) :

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2018/09/lettre-a-luigi-fabbri-sur-la-dictature-du-proletariat.html

      > Anarchistes vs bolcheviks - COMMENT IL NE FAUT PAS FAIRE LA RÉVOLUTION !

      https://cqfd-journal.org/Comment-il-ne-faut-pas-faire-la

      > 1934 : EMMA GOLDMAN EXPLIQUE POURQUOI LA DICTATURE BOLCHEVIK N’A RIEN À VOIR AVEC LE COMMUNISME

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2021/12/1934-emma-goldman-explique-pourquoi-la-dictature-bolchevik-n-a

      > LA VÉRITÉ SUR LES BOLCHEVIKS par Emma Goldman (1918)

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2019/04/la-verite-sur-les-bolcheviks.html

      > LES BOLCHEVIQUES TUENT LES ANARCHISTES par Emma Goldman et Alexander Berkman (1922)

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2016/10/les-bolcheviques-tuent-les-anarchistes.html

      > Rudolf Rocker : De la nature de l’État, extrait de Les Soviets trahis par les bolcheviks (1921)

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2022/12/de-la-nature-de-l-etat.html

    • Le mot « dégénérescence » t’apparait sans doute comme un gros mot, il n’en demeure pas moins appuyé sur une analyse de classe qui, selon nous, est la seule manière de comprendre ce qui s’est passé en URSS : le rôle du parti bolchévique, la terreur rouge, la bureaucratisation, le stalinisme, la répression et l’assassinat de plusieurs générations de révolutionnaires.

      Situer les processus dans les principes d’organisation du parti bolchévique (certains osent jusqu’à dénoncer le marxisme lui-même...), c’est comme situer la politique de Terreur de Robespierre dans les idées des philosophes des lumières... Ca n’a pas de sens.

      Le pouvoir, c’est ce dont la classe exploitée devra s’emparer pour réorganiser la société sur la base des besoins et d’une rationalité capable de répondre à tous les enjeux qui se posent à l’humanité aujourd’hui. Le pouvoir ouvrier, c’est-à-dire les travailleurs eux-mêmes en charges des moyens de production après avoir exproprié la bourgeoisie, c’est ce qui sera nécessaire pour passer à l’étape suivante de l’histoire de l’humanité : une mondialisation de la production et des échanges qui s’effectue au profit des peuples et des individus, et non plus au profit d’une infime minorité de propriétaires parasites.

      Aux risques de la confiscation de ce pouvoir, les travailleurs devront s’armer de principes et d’outils pour y faire face. Et surtout de victoires ! C’est à ces conditions qu’ils pourront dans la durée inverser les rapports sociaux, conditions de la société communiste. Sans ces principes & outils (et conscience de classe !), de pouvoir il n’en auront pas, ou pas suffisamment, et ce sont les garants actuels de l’ordre social qui prendront leur revanche sanglante.

      Nous ne plaçons pas l’État et ses politiques au-dessus des rapports sociaux de production. Pour nous les marxistes, l’État n’est qu’une conséquence, une expression seconde des rapports sociaux de production qui fondent la société. D’où la nécessité des transformations de ces derniers pour rendre possible la disparition de l’État et l’organisation communiste de la société.

      Or, si la nouvelle classe possédante — le prolétariat — n’a pas son Etat pour se défendre et s’organiser, il n’y aura pas de révolution sociale, ni aucune transformation réelle & durable des rapports sociaux.

      Je ne cherche naturellement pas à te convaincre, mais puisqu’on nous lit peut-être, gageons que notre échange intéressera quelques-uns :)

    • mais puisqu’on nous lit peut-être, gageons que notre échange intéressera quelques-uns :)

      Certes, il y aura toujours un intérêt à confronter des opinions sur la thématique « marxisme-communisme-anarchisme ». Alors je souhaiterais connaître vos points de vue respectifs à propos d’un mouvement émancipateur plus actuel comme le #zapatisme. Il semblerait que ce mouvement ait été, à l’échelle globale, porteur d’espoir et l’est surement encore.

    •  ;-) Pourquoi « plus actuel » ?

      L’anarchisme est très actuel même s’il ne fait pas la une de l’actualité. ;-)

      Nous ne sommes pas « spécialistes » du zapatisme, mais il semble assez proche du municipalisme libertaire, comme l’expérience du Rojava.

      C’est, effectivement, une expérience originale et émancipatrice... on oserait dire anarcho-compatible.

      > Voici un article du ML (organe de la FA) sur le sujet :

      LES REBELLES ZAPATISTES :

      https://monde-libertaire.net/?article=LES_REBELLES_ZAPATISTES

    • Je pense personnellement qu’il n’y a pas plus « anarcho-compatibles » que les expériences émancipatrices du Chiapas et du Rojava. Après, se pose la question du rapport de force d’un point de vue géopolitique ... extrêmement défavorable pour les « rebelles ».
      Maintenant, il ne reste qu’à se persuader que ces luttes ne sont pas vaines et que leurs valeurs infuseront dans nos sociétés prétendument « développées ».

      (Je tague #municipalisme_libertaire ainsi que #Murray_Bookchin pour accéder aux sources très abondantes ici même sur Seenthis)

    • Zapatisme ou pas, le système politique vermoulu mexicain n’a reçu aucune égratignure. Et ne parlons même pas de la classe possédante mexicaine qui a à peine entendu parler du sous-commandant Marcos... La réalité, c’est qu’en absence d’une opposition ouvrière organisée, défendant ses intérêts de classe, le capitalisme a poursuivi sa prédation, toujours de façon de plus en plus débridée et criminelle contre la population. On a bien eu droit en France à l’enthousiasme du Monde Diplomatique et derrière lui d’une frange un peu « radicale » de la petite-bourgeoisie de gauche, mais cela ne permet pas d’aller beaucoup plus loin.

    • > Zapatisme ou Rojava ont le mérite d’exister.
      > Même si cela reste local (nous sommes pour le fédéralisme libertaire autogestionnaire), même si nous sommes internationalistes, il faut les soutenir.

      A force de tout relativiser on plonge dans l’expectative et le nombrilisme.

      Avec ce raisonnement simpliste, on peut donc affirmer que LO et l’Union Communiste Internationaliste ne servent à rien puisque le capitalisme se porte extrêmement bien France et en Europe !
      Où est la fameuse révolution prolétarienne sous la bannière de l’Union Communiste trotskyste, "l’avant-garde marxiste"... selon les images d’Epinal du romantisme trotskyste ;-) ?!

      > Restons dans le réel et non dans des fantasmes. Le Rojava et le Chiapas c’est du réel...

      « La pensée libertaire constitue l’espoir et la chance des derniers hommes libres. » ★ Albert Camus

    • Encore une fois, tu n’es pas sérieux. Ce n’est pas les révolutionnaires, et à plus forte raison quand ils sont minoritaires et à contre-courant, qui décident des situations révolutionnaires en France ni nulle part ailleurs. En revanche, ils militent au quotidien et sans relâche pour que les situations explosives — qui ne manqueront pas d’arriver — se transforment en de telles situations révolutionnaires. Et deviennent historiquement déterminantes. Si "l’avant-garde marxiste" (qui te fait pouffer) n’existe pas, il y aura certes des révoltes, des mobilisations, il y aura des expériences de toutes sortes, mais il n’y aura pas de révolution prolétarienne. Or, pour les militants de LO, il n’y a que ça qui compte si l’on veut « réellement » changer le monde.

    • Ceci dit, on ne peut vraiment dire que le comité internationale de la quatrième Internationale (#CIQI ou #ICQF de son acronyme anglo-saxon) ait pu en quelque façon infléchir les politiques ultralibérales des autres états occidentaux assujettis au capitalisme financiarisé.
      Quant à la petite bourgeoisie « un peu radicale », ce sera toujours le « marché de niche » de la contestation anticapitaliste.
      Mais au lieu de voir le verre à moitié vide, apprécions le fait que cette frange très limitée ne se soit pas orienté vers une autre forme de « radicalité ». Je sais, ça ne fonde un rapport de force. Ça a juste le mérite d’exister et je ne désespère pas que le communisme libertaire (municipalisme, zapatisme, etc) vienne remplacer la social-démocratie moribonde.

      [edit : je n’avais pas vu la réponse de @socialisme_libertaire] ;-)

    • Il n’y a plus d’internationale ni nulle part de parti ouvrier de masse. C’est bien le problème. En revanche, il y a un petit tas de « Quatrième Internationale » qui, bien que ne représentant rien (tant sur le plan théorique que sur le plan organisationnel), n’ont pas peur du ridicule. Pathétique et aussi un problème.

    • Quant à vouloir « remplacer la #social-démocratie », cette gauche gouvernementale & patronale, je ne comprends pas bien ce que cela signifie.

      Dans le monde ouvrier, qui est le seul à pouvoir renverser le capitalisme, la social-démocratie n’a plus que quelques militants de la LFI. Qui, certes, auront une capacité de nuisance en cas d’explosion sociale, mais pour le moment ses membres n’ont d’ambition que de propulser leurs politiciens au gouvernement de la #bourgeoisie.

      Ce qui pourrait utilement « remplacer la social-démocratie », c’est chez les travailleurs une véritable conscience de classe, une conscience nette de leurs intérêts et de leur rôle historique + une expérience concentrée des luttes. Car c’est sur cette base que l’#expropriation de la #classe_capitaliste, dont tout dépend, pourra se réaliser définitivement.

      Nous voulons tous faire valoir les droits nationaux des peuples écrasés par l’#impérialisme & stopper l’évolution vers la barbarie dans presque toutes les régions du monde (exploitation, impérialisme, misère sociale/morale/culturelle, développement inégal, sous-développement, saccages environnementaux, etc.). Mais pour cela, pour permettre à l’humanité de rompre avec cette phase de son histoire, il ne s’agit pas de compter sur des oasis dans un univers capitaliste fait de prédations et de mort, mais d’armer politiquement et moralement les #travailleurs — la seule #classe_révolutionnaire, la seule force en mesure de réaliser la révolution. Il n’y a pas d’autre voie.

      En attendant, le #nationalisme_kurde, même atténué et élargi à ce que les dirigeants du Rojava appellent le #confédéralisme_démocratique, a toujours été dépendant des décisions de l’impérialisme et reste aujourd’hui une voie sans issue. Quant à la révolte paysanne du #Chiapas, organisée par les #zapatistes, si elle a permis à de nombreux paysans ruinés, terrorisés, chassés de leurs terres, de retrouver il y a 30 ans quelques espoirs, elle ne s’est pas étendue et ne menace toujours en rien le pouvoir du capital. Pire, on en migre désormais pour les États-Unis. Et fini les références au #guévarisme ; ne reste qu’un discours sur le confédéralisme démocratique, le #féminisme et l’#écologie_sociale qui ne mange pas de pain et séduit encore (à l’international) une partie de la gauche « radicale »…

      #classe_ouvrière #révolution_sociale #lutte_de_classe

    • @recriweb

      « Ce n’est pas les révolutionnaires, et à plus forte raison quand ils sont minoritaires et à contre-courant, qui décident des situations révolutionnaires en France ni nulle part ailleurs. »

      > Nous sommes bien d’accord, c’est ce que nous voulions entendre après ta diatribe sur le Zapatisme... ;-)

      Notre boutade sur LO/UCI a servi à quelque chose :-)

      Nous sommes lucides : le mouvement révolutionnaire anarchiste est ultra-minoritaire et sans une prise de conscience du prolétariat (et même au-delà) rien ne se fera.
      Même constat pour l’extrême-gauche.

      Ceci dit nous sommes souvent ensemble dans les luttes dans les entreprises et ailleurs. Cela compte.

      Nous avons beaucoup de points communs et le même objectif : le communisme universel... mais la route diffère pour y arriver. Nous rejetons le manichéisme simpliste qui conduit à un repli sur soit sans avenir. Il est vrai qu’il est douillet de rester entre nous et de rester dans une bulle d’autosatisfaction !
      Nous rejoignons ce que dit un mouvement libertaire (l’UCL pour ne pas la nommer) quand il affirme que nous nous situons "dans la la continuité du mouvement libertaire ouvrier international, nous en reprenons les idées-forces sans rejeter les acquis positifs des autres courants".
      Nous avons pas mal d’affinité avec Rosa Luxemburg et le conseillisme. On pourrait multiplier les exemples.

      Le souci c’est que nous n’avons jamais rien vu de semblable dans la presse de LO (dont nous suivons régulièrement le site national)... le centralisme très dogmatique (notions exécrables pour nous) de ce courant trotskyste explique surement en grande partie cette attitude. C’est un carcan insupportable pour nous autres communistes-libertaires ;-) !
      Suivre quasi aveuglément la « ligne du parti », être au « garde-à-vous » (on sait... cela va te faire bondir) est impensable en milieux libertaires.
      Réciter « Le Capital » comme d’autres ânonnent le Coran ou la Bible, c’est une attitude étrangère au mouvement libertaire.

      Comme dit plus haut, l’anarchisme a beaucoup de figures emblématiques mais cela ne tombe jamais dans l’admiration béate ni un suivisme aveugle.
      Perso, je n’ai jamais lu une critique contre Marx ou Engels dans la presse LO ! Cela relève du « blasphème » ?? ;-)
      On note une approche un peu différente au sein du NPA (voir le bouquin de Besancenot « Affinités non électives, pour un dialogue sans langues de bois entre marxistes et anarchistes »)... enfin de ce qu’il en reste suite aux nombreuses scissions en son sein...

      Beaucoup de libertaires se disent marxiens (pas marxistes) car Marx a apporté beaucoup de choses dans la compréhension du capitalisme, etc.
      Quand (oui quand ?) verrons nous la même approche vis-à-vis de Bakounine, Goldman ou Kropotkine par un trotskyste ?

      L’ouverture d’esprit ne signifie nullement renier ses convictions.

      Perso, je lis souvent avec profit les éditoriaux du bulletin d’entreprise qu’un ami de LO m’envoi régulièrement !
      Combien de militants LO lisent Le Monde Libertaire... ou un autre journal anarchiste ?!? ;-)

      On sait aussi que Bakounine a participé à la traduction russe du Capital de Marx et que le militant communiste libertaire italien Carlo Cafiero a rédigé en 1878 un livre intitulé « Abrégé du Capital de Karl Marx » !

      > Comme a dit un anarchiste : la division du monde révolutionnaire entre marxiste et anarchiste est une querelle de famille que ne regarde que nous ;-)

      Bonne journée à toi :-)

    • Nous recevons bien sûr la presse anarchiste et la lisons. Nous invitons aussi chaque année à notre fête annuelle toutes les organisations anarchistes de France (dont l’UCL pour ne pas la nommer) et du monde (mais peu consentent à venir). Et nous sommes tous lecteurs de ses meilleurs théoriciens...

      Tu écris, en évitant la traditionnelle accusation de sectarisme (un exploit) : « Nous rejetons le manichéisme simpliste qui conduit à un repli sur soi sans avenir. Il est vrai qu’il est douillet de rester entre nous et de rester dans une bulle d’autosatisfaction ! »

      A quoi au juste fais-tu référence ? En évoquant un supposé « manichéisme simpliste », par exemple, fais-tu référence à notre attachement au rôle historique de la classe ouvrière et notre refus déterminé de le diluer dans les « oppressions spécifiques » ?

      Par « replis sur soi », fais-tu référence à notre refus de nous aligner politiquement et organisationnellement derrière des organisations réformistes ou des mouvements qui sont étrangers aux intérêts de classe des travailleurs ? – pour nous, dans une période comme celle que nous traversons, le seul moyen de survivre.

      Je passe sur la « bulle d’autosatisfaction », qui relève plus de la provocation gratuite que de l’argument. Il est vrai que notre rigueur et notre « centralisme démocratique » nous a permis de traverser cette période de coma du mouvement ouvrier (et nous espérons être encore là quand il se réveillera), mais cela ne nous empêche pas d’être « minoritaires » (comme je le disais plus haut). Vraiment pas de quoi se pavaner.

      Je trouve intéressant ta remarque pour le moins bienveillante à l’égard du NPA dans sa version #Besancenot. Nous revenons ici sur sa révision de la révolution russe, à laquelle tu fais référence : https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2017/10/28/la-revolution-doctobre-1917-des-lecons-toujours-dactualite_9

      Quant à l’évolution du #NPA lui-même, nous venons de publier ceci : https://mensuel.lutte-ouvriere.org//2023/01/23/scission-du-npa-les-consequences-de-lopportunisme_472797.htm

      Quant à notre critique de #Marx et d’#Engels, nous pouvons en avoir sur des détails dus à leur époque, mais l’essentiel, en effet – le #matérialisme_dialectique, la lutte de classe, l’analyse de classe de l’État, etc. – constitue le socle idéologique de notre engagement révolutionnaire.

    • @Recriweb

      C’est un bon début ;-)

      Mais, désolé de le dire, cela reste une attitude minoritaire au sein du militantisme trotskyste et au-delà, marxiste.
      Cela reste très superficiel : il suffit de parcourir les nombreux sites marxistes pour lire des articles crasses et injurieux sur l’anarchisme.

      Nous sommes lucides et savons bien qu’il existe aussi du sectarisme chez certains libertaires... bien que cela soit parfaitement antinomique !
      Nous balayons devant notre porte car c’est juste la vérité.

      Comme nous disions au départ, les cicatrices historiques sont loin d’être guéries !
      Beaucoup pensent, surement avec raison, que la prise du pouvoir (que nous rejetons) par des marxistes rimera à nouveau avec des persécutions contre les anarchistes...

      On ne peut pas refaire l’histoire ;-)

      Merci pour cet échange cordial et fructueux !

    • Le but, c’est la prise du pouvoir par les travailleurs eux-mêmes (dont les marxistes, les anarchistes, etc.). Et il n’y a pas de gènes du marxisme qui pousse nécessairement à la répression des anarchistes (ça n’a aucun sens), mais des situations particulières de la révolution et des rapports sociaux. Quand je dis que les victoires seront déterminantes, c’est parce qu’elles seules empêcheront le mouvement révolutionnaire de pourrir et de se diviser.

      Mais oui — ceci pour finir :) — :

      à quoi bon discuter sans cesse de ces problèmes. Nous ne nous convaincrons pas par la discussion.

      Que chacun s’empare donc de sa théorie pour agir, s’il le peut. Et c’est sur les actes que nous pourrons juger de la valeur pratique, réelle de telle ou telle analyse. Bien sûr, c’est ce que chacun prétend faire, en se contentant de son immobilisme, ou en se servant de sa petite taille pour l’excuser.

      Mais n’y a-t-il pas autre chose à faire entre groupes qui se veulent révolutionnaires ?

      Il est évident que si un groupe réussit à diriger dans un pays quelconque, même petit, une révolution prolétarienne, il confirmera par là-même - à tort ou à raison - la valeur de ses analyses. Mais sans attendre cela, n’y a-t-il pas aujourd’hui d’autres confrontations possibles ? Des confrontations qui ne soient pas uniquement la reproduction sans fin de raisonnements qui sont rudimentaires pour les uns, et des contorsions pour les autres.

      N’y a-t-il pas dans nos pratiques militantes aux uns et aux autres, dans nos analyses quotidiennes, des exemples concrets qui permettent de vérifier à la lumière des faits telle ou telle analyse, ou de vérifier comment telle ou telle théorie inspire réellement, ou n’inspire pas du tout, nos analyses quotidiennes ? N’y a-t-il pas dans notre travail, tout simplement des choses dont les uns et les autres peuvent s’enrichir, chacun gardant l’activité politique de son choix (ou en changeant s’il le souhaite) ? Ce dont souffrent le plus nos groupes, c’est de leur petite taille sur des années et des années, compromettant ainsi la formation et la qualification des plus jeunes et, souvent, déformant les plus vieux. Voilà la confrontation que nous proposons, voilà la discussion que nous souhaitons et qui n’est pas celle sur laquelle se jettent, après d’innombrables autres, les camarades de la RSL.

      Certains en tireront comme conclusion que nous fuyons la discussion théorique. Libre à eux. A notre époque, nous avons beaucoup de théories et de candidats théoriciens, mais pour lesquels il nous manque malheureusement pas mal de vérifications pratiques et de candidats à de telles vérifications.

      Voilà pourquoi nous souhaitons que des échanges réels soient possibles : pour confronter des expériences.

      Si ces confrontations sont si difficiles, n’est-ce pas malheureusement parce que beaucoup de groupes ne militent pas réellement et se contentent de camper sur des positions « théoriques » qui leur semblent résoudre tout par elles-mêmes et remplacer l’action au lieu de l’inspirer.

      S’il est un phénomène auquel nous avons assisté d’innombrables fois dans l’extrême-gauche et plus spécialement dans le mouvement trotskyste depuis plus de cinquante ans, c’est bien celui-ci. Devant leurs propres échecs ou incapacités, et celui des autres révolutionnaires contemporains, des groupes ou des militants se mettent en quête de ce qui est erroné non pas dans leurs propres activités ou analyses quotidiennes mais dans les théories et les programmes du passé. Foin des « contorsions théoriques », « inextricables » ou pas : sans théorie révolutionnaire pas d’action révolutionnaire, donc si l’action n’existe pas, c’est que la théorie était mauvaise. CQFD.

      Habituellement les groupes dits « capitalistes d’État » (c’est-à-dire ceux qui définissent l’URSS comme un capitalisme d’État) se contentent de mettre en cause Trotsky et ses analyses. Les camarades de la Revolutionary Socialist League, eux, n’y vont pas par quatre chemins. S’ils n’ont pas réussi, c’est la faute non seulement de Trotsky, mais aussi de Lénine et de Marx lui-même.

      C’est donc du côté de l’anarchisme qu’ils regardent pour corriger les erreurs de Marx, tout en se réservant de ne prendre qu’une pincée de cet anarchisme comme ils ne prennent qu’une pincée de marxisme. Mais l’éclectisme ici n’est pas seulement un déguisement du scepticisme et un élégant moyen de prendre ses distances avec tout le mouvement révolutionnaire passé, c’est aussi une façon d’éviter de pousser ses idées jusqu’au bout... même si ce renoncement se cache sous le prétexte de repenser la théorie et la pratique, de faire une nouvelle « synthèse ».

      Mais si nous partons de l’idée que les échecs du mouvement révolutionnaire prolétarien contemporain doivent nous amener à nous poser des questions sur la validité des théories et des analyses fondamentales sur lesquelles il s’appuie, est-ce vraiment sérieux d’en appeler contre Marx à l’anarchisme ? Car si depuis plus de cent ans, depuis que marxisme et anarchisme se sont affrontés comme théories, méthodes, pensées et pratiques opposées, le bilan du premier, aussi bien pour l’analyse et la compréhension du monde que pour l’impact sur celui-ci, n’est-il pas immense alors que celui du second est nul ? Et même si l’on peut dresser aujourd’hui une sorte de constat d’impuissance apparente du mouvement trotskyste, n’est-ce pas la même chose pour le mouvement anarchiste et même en pire, d’autant plus que celui-ci a un passé bien plus long, et a connu àcertaines périodes et dans certains pays, des possibilités que le mouvement trotskyste n’a encore jamais connues, mais que le mouvement anarchiste a été totalement incapable d’utiliser. […]

      https://mensuel.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-1986-1993-trilingue/article/trotskysme-ou-anarchisme-les-vrais-6621

    • Merci à vous d’avoir explicité vos points de vue. Je ne sais pas encore si l’échange aura été constructif mais disons qu’il sera parvenu à mettre en avant des problématiques liées à tout mouvement révolutionnaire.

      Pour alimenter la réflexion :

      https://www.cetri.be/Zapatisme-la-rebellion-qui-dure#nb12

      A la fois « identitaire, révolutionnaire et démocrate », la rébellion des indigènes zapatistes du Chiapas lutte « pour la dignité » et « contre le capitalisme ». Vingt ans après l’insurrection du 1er janvier 1994, elle est toujours là, opiniâtre et évolutive dans son profil et son rapport au politique. Pourtant le contexte ne lui sourit guère. Et l’« autonomie de fait » qu’elle construit sur le terrain étonne autant par son zèle que par sa précarité.

      Bonne lecture ! :-)

    • @recriweb

      Merci pour le lien : je pense avoir lu ce texte qui date de 1987 et de vos démêlés avec la Revolutionary Socialist League...

      "il n’y a pas de gènes du marxisme qui pousse nécessairement à la répression des anarchistes (ça n’a aucun sens)..." (sic)

      > Il ne faut pas et jamais oublier que dans TOUS les régimes qui se réclament du marxisme (à tort ou à raison, ce n’est pas vraiment notre souci), il y a eu de la répression et des persécutions contre les anarchistes.

      On ne croit pas au hasard, nous ne sommes pas naïf à ce point ;-)

      "Hommes et femmes, savez-vous que l’État est votre pire ennemi ? C’est une machine qui vous écrase pour mieux soutenir vos maîtres. Ceux que l’on nomme la classe dirigeante. L’État est un pillard à la solde des capitalistes et vous êtes naïfs d’en attendre du secours."

      ★ Emma Goldman (1893)

      >> Pour notre part, nous avons fait le tour du sujet... ;-)

      🛑 Pour les personnes intéressées, une (petite) sélection de textes sur les sujets du pouvoir et de l’étatisme sur notre Blog :

      ==================================================

      ★ L’ANARCHIE DE A À Z : « E » COMME ÉTAT

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2019/04/l-anarchie-de-a-a-z-e-comme-etat.html

      ★ L’ÉTAT, VOTRE PIRE ENNEMI

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2015/11/l-etat-votre-pire-ennemi.html

      ★ L’ÉTAT EST UNE CONSTRUCTION THÉORIQUE

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2019/01/l-etat-est-une-construction-theorique.html

      ★ Bakounine : Les États, c’est la guerre permanente   ! (1870)

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2019/12/les-etats-c-est-la-guerre-permanente.html

      ★ IL N’Y A PAS DE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2019/02/il-n-y-a-pas-de-gouvernement-revolutionnaire.html

      ★ Nestor Makhno : Le pouvoir « soviétique », son présent et son avenir (1931)

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2019/09/le-pouvoir-sovietique-son-present-et-son-avenir.html

      ★ ANTI-ÉTATISME

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2017/02/anti-etatisme.html

      ★ L’ÉTAT ET MASSACRE MASSIF

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2018/02/l-etat-et-massacre-massif.html

      ★ MAKHNO : LA LUTTE CONTRE L’ETAT (1926)

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2016/06/la-lutte-contre-l-etat.html

      ★ LE POUVOIR C’EST L’ENNEMI DU PEUPLE

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2016/02/le-pouvoir-c-est-l-ennemi-du-peuple.html

      L’ANARCHIE DE A À Z : « K » COMME KRONSTADT (OU LA FAILLITE DU LÉNINISME)

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2019/03/l-anarchie-de-a-a-z-k-comme-kronstadt-ou-la-faillite-du-lenini

    • ★ Emma Goldman, in « L’Individu, la Société et l’État » (1940) :

      "L’État, le gouvernement, quels qu’en soient la forme, le caractère, qu’il soit autoritaire ou constitutionnel, monarchique ou républicain fasciste, nazi ou bolchevik, est de par sa nature même conservateur, statique, intolérant et opposé au changement. S’il évolue parfois positivement c’est que, soumis à des pressions suffisamment fortes, il est obligé d’opérer le changement qu’on lui impose, pacifiquement parfois, brutalement le plus souvent, c’est-à-dire par les moyens révolutionnaires. De plus, le conservatisme inhérent à l’autorité sous toutes ses formes devient inévitablement réactionnaire. Deux raisons à cela : la première c’est qu’il est naturel pour un gouvernement, non seulement de garder le pouvoir qu’il détient, mais aussi de le renforcer, de l’étendre et de le perpétuer à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières. Plus forte est l’autorité, plus grands l’État et ses pouvoirs, plus intolérable sera pour lui une autorité similaire ou un pouvoir politique parallèle. La psychologie gouvernementale impose une influence et un prestige en constante augmentation, nationalement et internationalement, et il saisira toutes les occasions pour les accroître. Les intérêts financiers et commerciaux soutenant le gouvernement qui les représente et les sert, motivent cette tendance. La raison d’être fondamentale de tous les gouvernements, sur laquelle les historiens des temps passés fermaient volontairement les yeux, est si évidente aujourd’hui que les professeurs eux-mêmes ne peuvent plus l’ignorer (...)
      Il fut un temps où l’État n’existait pas. L’homme a vécu dans des conditions naturelles, sans État ni gouvernement organisé. Les gens étaient groupés en petites communautés de quelques familles, cultivant le sol et s’adonnant à l’art et à l’artisanat. L’individu, puis plus tard la famille, était la cellule de base de la vie sociale ; chacun était libre et l’égal de son voisin. La société humaine de cette époque n’était pas un État mais une association volontaire où chacun bénéficiait de la protection de tous. Les aînés et les membres les plus expérimentés du groupe en étaient les guides et les conseillers. Ils aidaient à régler les problèmes vitaux, ce qui ne signifie pas gouverner et dominer l’individu. Ce n’est que plus tard qu’on vit apparaître gouvernement politique et État, conséquences du désir des plus forts de prendre l’avantage sur les plus faibles, de quelques-uns contre le plus grand nombre (...)
      L’absolutisme politique a été aboli parce que l’homme s’est aperçu, au cours des siècles, que le pouvoir absolu est un mal destructeur. Mais il en va de même de tous les pouvoirs, que ce soit celui des privilèges, de l’argent, du prêtre, du politicien ou de la soi-disant démocratie. Peu importe le caractère spécifique de la coercition s’il revêt la couleur noire du fascisme, le jaune du nazisme ou le rouge prétentieux du bolchevisme. Le pouvoir corrompt et dégrade aussi bien le maître que l’esclave, que ce pouvoir soit aux mains de l’autocrate, du parlement ou du soviet. Mais le pouvoir d’une classe est plus pernicieux encore que celui du dictateur, et rien n’est plus terrible que la tyrannie de la majorité.
      "

    • Un tas de références qui reposent, au yeux des marxistes, sur un contresens éculé qu’Emma Goldman n’est jamais parvenue à dépasser, un contresens étranger à toutes analyse de classe, genre : l’État est la « conséquence du désir des plus forts de prendre l’avantage sur les plus faibles, de quelques-uns contre le plus grand nombre ». C’est pourquoi il serait intrinsèquement mauvais : « le conservatisme est inhérent à l’autorité sous toutes ses formes », « l’État est de par sa nature même conservateur, statique, intolérant et opposé au changement ». Ces billevesées psychologisantes (et curieusement fatalistes) sont puériles.

      L’objectif est de se donner les moyens de renverser la classe capitaliste, de l’exproprier dans son intégralité et, partant, de partout détruire ses États et d’écraser ses instruments de répression. Pour cela, il faudra que la classe révolutionnaire (la classe ouvrière) se dote des outils nécessaires pour faire table rase. Et jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas autrement qu’en s’organisant pour être plus fort que l’ennemi que l’on remporte une bataille – et à plus forte raison une révolution mondiale. En effet, il nous faudra des outils nationaux et internationaux pour prendre des décisions décisives et s’assurer qu’elles seront appliquées. Parce que nous aurions « l’autoritarisme » dans le sang ? Non, parce que la machine de guerre que nous aurons en face ne nous permettra pas de faire l’économie d’une armée capable de riposter à tous les projets de dévastation.

      Ce faisant, c’est évident, armons-nous aussi des outils qui permettront d’empêcher que parmi ces hommes nécessaires, démocratiquement élus, qui prendront les décisions, il puisse y en avoir avec des projets contradictoires et nuisibles. Donc des dirigeants révocables à tout moment par les travailleurs eux-mêmes organisés (en conseils, en soviets, en comité, on verra comment ils les construirons, sur quelles bases, et comment ils les appelleront).

      Mais à ce propos, une référence, un classique du marxisme : L’État et la révolution, de #Lénine (1917) – pour comprendre notre point de vue (et rétablir l’équilibre face à toutes les références données plus haut) :
      https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/08/er00t.htm

      Le sommaire (principal) :

      CHAPITRE I. LA SOCIETE DE CLASSES ET L’ETAT

      1. L’Etat, produit de contradictions de classes inconciliables
      2. Détachements spéciaux d’hommes armés, prisons, etc.
      3. L’Etat, instrument pour l’exploitation de la classe opprimée
      4. « Extinction » de l’Etat et révolution violente

      CHAPlTRE II. L’ETAT ET LA REVOLUTION. L’EXPERIENCE DES ANNEES 1818-1851

      1. La veille de la révolution
      2. Le bilan d’une révolution
      3. Comment Marx posait la question en 1852

      CHAPITRE III. L’ETAT ET LA REVOLUTION. L’EXPERIENCE DE LA COMMUNE DE PARIS (1871). ANALYSE DE MARX

      1. En quoi la tentative des communards est-elle héroïque ?
      2. Par quoi remplacer la machine d’Etat démolie ?
      3. Suppression du parlementarisme
      4. Organisation de l’unité de la nation
      5. Destruction de l’Etat parasite

      CHAPITRE IV. SUITE. EXPLICATIONS COMPLEMENTAIRES D’ENGELS

      1. La « question du logement »
      2. Polémique avec les anarchistes
      3. Lettre à Bebel
      4. Critique du projet de programme d’Erfurt
      5. L’introduction de 1891 à La Guerre civile en France de Marx
      6. Engels et le dépassement de la démocratie

      CHAPITRE V. LES BASES ECONOMIQUES DE L’EXTINCTION DE L’ETAT

      1. Comment Marx pose la question
      2. La transition du capitalisme au communisme
      3. Première phase de la société communiste
      4. Phase supérieure de la société communiste

  • #Immigration : le #mythe de « l’appel d’air »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/11/immigration-le-mythe-de-l-appel-d-air_6157358_3232.html

    Les migrants choisiraient leur pays d’arrivée en fonction de la qualité des prestations sociales, selon le concept d’« appel d’air ». Rien de plus faux, expliquent les chercheurs. Durcir la politique migratoire fixerait même les exilés sur leur terre d’accueil.

  • Immigration : le #mythe de « l’appel d’air »

    Les migrants choisiraient leur pays d’arrivée en fonction de la qualité des prestations sociales, selon le concept d’« appel d’air ». Rien de plus faux, expliquent les chercheurs. Durcir la politique migratoire fixerait même les exilés sur leur terre d’accueil.

    Histoire d’une notion. Avant même que le projet du gouvernement sur l’immigration soit connu, la droite et l’extrême droite ont entonné un refrain qui accompagne, depuis vingt ans, toutes les controverses sur les flux migratoires : si la France améliore ses conditions d’accueil, elle créera un redoutable « appel d’air ». La présence de centres d’hébergement, l’accès aux allocations, la prise en charge des soins médicaux ou la promesse de régularisations encouragent, selon elles, les migrants à rejoindre la France : ces politiques généreuses « aspireraient la misère du monde », résume, en 2019, le philosophe Jérôme Lèbre dans la revue Lignes.

    Repris ces dernières semaines par Eric Ciotti (Les Républicains, LR) ou Jordan Bardella (Rassemblement national, RN), ce « discours connu de la #mythologie d’extrême droite », selon Jérôme Lèbre, s’est imposé dans le débat, y compris à gauche, au début des années 2000, lors des polémiques sur le camp de Sangatte (Pas-de-Calais). Il repose sur l’idée que les migrants se comportent comme les sujets rationnels et éclairés de la théorie libérale classique : informés par la presse, les réseaux sociaux et le bouche-à-oreille, ils pèsent avec soin, avant de quitter leur pays, les avantages et les inconvénients de chaque destination afin de repérer les contrées les plus hospitalières.

    Si cette logique semble inspirée par le bon sens, elle ne correspond nullement à la réalité, et surtout à la complexité, des parcours migratoires. L’appel d’air est un « mythe », constate, en 2021, l’Institut Convergences Migrations, qui rassemble six cents chercheurs en sciences sociales issus de plusieurs institutions : il n’est en rien « corroboré par les travaux de recherche ». Les études internationales consacrées aux déterminants de la migration montrent en effet qu’il n’existe, selon l’institut, « aucune corrélation » entre la qualité des politiques d’accueil et l’orientation des flux migratoires.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/11/immigration-le-mythe-de-l-appel-d-air_6157358_3232.html#xtor=AL-32280270-%5B
    #appel_d'air #asile #migrations #réfugiés #vocabulaire #terminologie