• BALLAST | Rachida Brahim : « Mettre en lumière les crimes racistes, c’est nettoyer nos maisons »
    https://www.revue-ballast.fr/rachida-brahim-mettre-en-lumiere-les-crimes-racistes-cest-nettoyer-nos

    Durant sept ans, #Rachida_Brahim, doc­teure en socio­lo­gie, a exa­mi­né 731 #crimes_racistes — des attaques ou des meurtres com­mis de 1970 à 1997, en France conti­nen­tale. Ce minu­tieux tra­vail d’en­quête est deve­nu un livre, La Race tue deux fois : il vient de paraître aux édi­tions Syllepse. La notion de « #classe » révèle l’ordre hié­rar­chique socio-éco­no­mique qui archi­tec­ture l’en­semble de la socié­té ; celle de « genre » met au jour les rap­ports sociaux à l’œuvre entre les sexes ; celle de « race » explique, en tant que construc­tion his­to­rique, les #inéga­li­tés, #dis­cri­mi­na­tions et pro­cé­dés déshu­ma­ni­sants qui frappent les groupes mino­ri­taires. Penser la façon dont les trois s’en­tre­lacent porte un nom bien connu dans les mondes mili­tants et aca­dé­miques : l’#in­ter­sec­tion­na­li­té — un nom que le ministre de l’Éducation natio­nale, Jean-Michel Blanquer, a, tout à son intel­li­gence, récem­ment assi­mi­lé aux « inté­rêts des isla­mistes ». Pour com­prendre l’his­toire des crimes racistes et l’im­pu­ni­té dont leurs auteurs conti­nuent de béné­fi­cier, Rachida Brahim est for­melle : il faut ques­tion­ner les logiques raciales propres à notre ordre social. Nous l’a­vons rencontrée.

    #racisme

    • Plein de choses intéressantes dans cet article, mais entre autres à rajouter au dossier sur les #statistiques sur les assassinats policiers, principalement en #France mais aussi dans d’autres pays :
      https://seenthis.net/messages/601177

      #Violence_policière #Violences_policières #brutalité_policière #Assassinats_policiers #racisme #racisme_d_Etat #justice #impunité
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      Aussi sur le racisme à l’ #Université

      Cette mise en abyme, je l’ai vécue lors de ma soutenance de thèse : mon directeur de thèse et le président du jury m’ont expliqué que j’étais « hors-sujet ». D’après eux, le fait que je sois moi-même d’origine algérienne m’aurait empêchée de prendre de la distance avec le sujet. Car, si j’y étais parvenue, j’aurais compris que toute ces histoires de crimes n’étaient qu’une affaire de classe… Ce qu’on me demandait, en somme, c’était de nier les données d’archives, la parole des enquêtés et ma propre pensée pour demeurer, comme eux, aveugle à la race. Nous serions pourtant un certain nombre à être sincèrement ravis d’apprendre que c’en est vraiment fini de la race… Mais c’est intéressant, parce que ça confirme ce que Bourdieu, Passeron ou Foucault ont démontré il y a bien 50 ans maintenant, à savoir que l’Université, c’est l’École. Et c’est d’abord une institution étatique au même titre que la Police ou la Justice. Elle fait ce que l’État attend d’elle. Son but n’est pas de produire du savoir pour améliorer radicalement la société mais de maintenir une pensée dominante qui profite à l’ordre établi. Ce que l’Université évalue, ce n’est pas votre capacité à penser depuis votre propre densité mais votre capacité à vous soumettre.

      Puisqu’elle en parle, son directeur de thèse était #Laurent_Mucchielli et son jury de thèse en 2017 était composé de #Stéphane_Beaud (président du jury, qui refuse de croire au racisme et pense que ce ne sont que des histoires de classe...), #Françoise_Lorcerie, #Patrick_Simon, #Christian_Rinaudo, #Nacira_Guénif_Souilamas
      https://www.theses.fr/2017AIXM0163

      En France, entre les années 70 et fin 90, alors que la notion de crime raciste occupait fréquemment la sphère militante et médiatique, elle ne constituait pas une catégorie juridique dans la sphère judiciaire. La mésentente concernant le traitement des crimes racistes semble trouver son origine dans le fait que deux conceptions d’une même réalité ont pu coexister pendant une trentaine d’années : la réalité du groupe concerné par ces violences d’une part et celle émanant du droit étatique d’autre part. Alors que pour les premiers, le caractère raciste des violences ne faisait aucun doute, pour les parlementaires l’idée même d’un mobile raciste a régulièrement été rejetée. D’un point de vue législatif, il a fallu attendre l’année 2003 pour que la France adopte une loi permettant de prendre en compte l’intention raciste d’un crime. Depuis cette date, sous certaines conditions, le mobile raciste peut constituer une circonstance aggravante dans les infractions de type criminel. Cette thèse s’intéresse à ces deux vérités et aux circonstances qui ont déterminé leur existence. Elle vise notamment à interroger le rôle joué par le droit étatique dans la production et le maintien des catégories ethnoraciales par delà la politisation des violences qui en résultent. D’un point de vue empirique, l’enquête a consisté à confronter la parole des militants ayant dénoncé une double violence, celle provoquée par les agressions d’une part et celle induite par leur traitement pénal d’autre part, à un ensemble de sources archivistiques émanant des services du ministère de l’Intérieur et du Parlement. D’un point de vue théorique, les apports de la sociologie et de l’histoire de l’immigration ont été complétés en intégrant les réflexions des théories de l’ethnicité et de la Critical Race Theory. En définitive, cette recherche met en évidence le fait que l’universalisme républicain fait partie intégrante du processus de racialisation. En revenant sur les dispositions majeures de la politique d’immigration et sur la figure stigmatique de l’homme arabe, un premier axe s’intéresse à la manière dont le droit étatique a particularisé une catégorie d’individus en participant à la production des catégories ethnoraciales. Un deuxième axe vise à caractériser les crimes racistes qui ont été dénoncés entre les années 70 et fin 90. Un dernier axe enfin étudie la carrière juridique du mobile raciste durant cette même période. Il expose la manière dont la législation antiraciste a invisibilisé la question des crimes racistes et maintenu les catégories ethnoraciales en appliquant des règles universelles à des groupes qui ont auparavant été différenciés.

    • La race tue deux fois

      « De telles listes sont dressées depuis les années 1970. Compilées par plusieurs générations de militants, elles sont enfouies dans les caves des archives associatives et présentent toutes le même format, à la fois sec et funeste. On y trouve la date du crime, le nom de la victime, suivis d’une ou deux phrases laconiques. Elles frappent par leur rudesse, leur longueur et leur nombre. Poser une liste conduit inexorablement à en trouver une autre quelques jours plus tard. Ces listes expriment l’idée d’une #injustice. Elles dénoncent le racisme et l’#impunité du racisme. Elles pointent du doigt les crimes, mais également la grande majorité des #procès qui ont fini par des peines légères avec sursis ou des acquittements, quand ce n’est pas un non-lieu qui est venu clore l’affaire.

      Elles disent en substance que la #racialisation, autrement dit le fait de placer des personnes dans une catégorie raciale afin d’asseoir un #rapport_de_pouvoir et d’en tirer profit, tue deux fois. La première #violence touche à l’#intégrité_physique de la personne. La seconde violence a lieu à l’échelle institutionnelle. Elle est une conséquence du #traitement_pénal qui ignore la nature raciste des crimes jugés. »

      De la grande vague de violence de #1973 dans le sud de la #France aux #crimes_policiers des années 1990 en passant par les crimes racistes jalonnant les années 1980, cet ouvrage, issu d’une #base_de_données de plus de 700 cas, nous invite à prendre la mesure de cette histoire à l’heure où le #racisme_institutionnel et l’action de la #police continuent chaque année à être à l’origine de nombreux #morts.

      https://www.syllepse.net/la-race-tue-deux-fois-_r_65_i_821.html
      #livre #histoire

  • Cet obscur désir de protéger la nation

    Pour Nacira Guénif les pulsions totalitaires de Valls et de Hollande puisent dans un passé politique qui les hante.

    http://www.politis.fr/articles/2016/02/cet-obscur-desir-de-proteger-la-nation-34088

    Malgré un positionnement politique et des origines culturelles très différentes, ce texte de Nacira Guénif et celui ci-dessous d’Aurélien Véron se rejoignent dans l’analyse du penchant autoritariste actuel inquiétant du Président et du gouvernement français.

    #Hollande #Valls #PS #autoritarisme #état-d'urgence #déchéance-de-la-nationalité #répression
    #Nacira-Guénif

  • Le Garçon arabe : le français impossible

    "Alter ego en négativité de la fille voilée, son acolyte si son allié objectif, « le garçon arabe »a fait une irruption d’autant plus puissante sur la scène et symbolique qu’il condense lui aussi dans son corps les questions de l’ethnicité et du genre. D’abord, il est un revenant du passé colonial. Il incarne l’un des avatars de l’indigène devenu immigré puis musulman. Ensuite, il est la cause du voilement des filles qui, sinon, seraient menacées d’être violées par ce « sauvageon ». Le garçon arabe revient de loin. Il resurgit d’une mémoire enfouie, celle de la colonie et de l’Orient où les hommes occidentaux allaient à la rencontre des éphèbes de la rive sud de la Méditerranée. Il suffit de lire la littérature de Gide à Genet en passant par Nerval ou les récits de Flaubert pour se convaincre du caractère hautement valorisé des émois partagés ou imposés à des garçons arabes.

    L’émoi qui se lit à longueur de colonne aujourd’hui en France et construit le stéréotype du « garçon arabe » n’est certes pas de même nature ; il en est même l’exacte inverse. Il ne s’agit plus de jouissance, mais d’horreur face à des actes qualifiés de violents, sauvages, barbares et dont les auteurs ne peuvent être que des jeunes hommes incivilisés et incivilisables. Le traitement médiatique des « tournantes », tentative pour attribuer les viols collectifs aux seuls fils d’indigènes, aussi bien arabes que noirs, puis celui des « violences urbaines » de l’automne 2005, scandent le thème d’une altérité de l’intérieur, indésirable.

    Pour comprendre le renversement qui s’opère entre la figure désirable du garçon arabe des colonies et celle détestable de l’Arabe des banlieues françaises, il faut faire un détour par un passage du Voyage au bout de la nuit de Céline. Les Arabes y sont les figurants invertis et vicieux d’une scène où un cafetier se plaint de leur présence car, contrairement aux Polonais, ils ne boivent pas, pendant que sa serveuse, elle, entame ses heures supplémentaires en partant avec deux d’entre eux, assurée qu’ils sauront payer sa docilité. La différence - de taille - entre les récits exotiques et l’atmosphère étouffante du Voyage est que les premiers se passent dans un ailleurs lumineux au point d’être parfois aveuglant, pendant que le second s’enlise dans une périphérie improbable et poisseuse, parfaite préfiguration des banlieues lépreuses des descendants des deux Arabes qui se tiennent dans un coin, presque invisibles... " (#Nacira_Guénif_Souilamas)

    http://bougnoulosophe.blogspot.be/2013/02/le-garcon-arabe-le-francais-impossible.html

  • "Beurette" et double contrainte

    « Dans chaque invitation à l’émancipation s’inscrit en filigrane le renvoi à la culture dépréciée dont les filles ne parviendraient pas à se défaire. […] Cette invitation est donc déclinée lorsque les filles éprouvent les limites d’une liberté estompée par le manque de moyens matériels et institutionnels. Cultivées dans l’illusion d’un dilemme inéluctable, les filles se montrent de plus en plus rétives à ce type de schéma directeur, dans lequel le sens unique et l’impasse codifient leur circulation. Refusant d’être condamnées à l’intégration virtuelle au prix d’une négation des siens et d’elles-mêmes, elles balisent des voies alternatives. Leur multiplicité croissante témoigne d’une capacité critique qui signe, plus que bien des postures imitant l’émancipation, un affranchissement à l’œuvre. Prises entre les feux croisés de cette injonction ambivalente, les filles rompent le charme du discours émancipateur lorsqu’elles découvrent le potentiel aliénant. Elles savent qu’en s’y conformant, elles se soumettent à une domination culturelle jamais plus assurée qu’en étant adossée à une domination sociale pérenne. »

    ( #Nacira_Guénif_Souilamas , Des « #beurettes » aux descendants d’immigrants nord-africains )

    #féminisme
    #acculturation
    #émancipation

  • « Alter ego en négativité de la fille voilée, son acolyte si ce n’est son allié objectif, le « garçon arabe » a fait une irruption d’autant plus puissante sur la scène médiatique et symbolique qu’il condense lui aussi dans son corps les question de l’ethnicité et du genre (...) Prenant prétexte de l’existence d’une minorité violente, certains s’autorisent à franchir le pas et désignent tous les descendants d’immigrants nord-africains comme des violeurs potentiels en leur imputant le viol, collectif ou pas, et le voilement des filles qu’ils côtoient. Pas à pas, est consommé un enfermement dans un virilisme impossible à défaire. Comme la fille voilée, cette figure est d’autant plus détestable qu’elle échappe à toute forme d’érotisation et qu’elle occupe sur la scène symbolique la place qui lui est assignée : celle du déviant sexuel en raison d’un virilisme exacerbé. Le garçon arabe est d’autant plus conforme aux attentes de la société française qu’il endosse le rôle qui lui est distribué : celui qui n’a pas compris que l’hétérosexualité n’est conforme qu’à condition d’accepter la porosité des frontières entre masculin et féminin. Pour ceux qui incarnent cette survivance du masculin superlatif absolu, l’identité sexuée ne pourrait se construire que dans le déni de l’autre et donc de soi. Les usages et abus de la figure du « garçon arabe » sont multiples. Le « déficit d’intégration » de ces Français postcoloniaux ne viendrait ni de leur inadéquation sociale ni de leur inadaptation au marché de l’emploi. Il se logerait dans leur corps, dans leur capacité à le soumettre aux règles de l’autocontrainte prescrites par le processus de civilisation français. Il incarnerait la preuve qu’en France le sexisme est le propre de minorités ethnicisées en raison de leur origine arabe et/ou musulmane, car il aurait définitivement les classes « blanches protégées ». Bref , le garçon arabe incarne pour l’heure le coupable idéal... » #Nacira_Guenif_Souilamas #postcolonial #Immigration