naturalfeature:sicile

  • 21.11.2018 – UE - Tunisie - Conseil d’association - Priorités stratégiques

    Décision n° 1/2018 du Conseil d’association UE-Tunisie du 9 novembre 2018 adoptant les priorités stratégiques UE-Tunisie pour la période 2018-2020

    (...)

    Consolider le partenariat privilégié UE-Tunisie : priorités stratégiques pour la période 2018-2020

    (...)

    2.3. Rapprochement entre les peuples, mobilité et migration

    Le rapprochement entre les sociétés tunisiennes et européennes constitue un pilier essentiel du partenariat privilégié, à travers le renforcement des échanges entre peuples, sociétés et cultures. Cette dimension mobilité revêt une importance particulière dans la mise en œuvre du partenariat pour la Jeunesse. La mise en œuvre effective de l’association de la Tunisie à Horizon 2020 et sa participation à Europe Créative et Erasmus+ seront les pierres angulaires de ces efforts.

    La gestion concertée de la migration est une priorité politique, tant pour la Tunisie que pour l’Union européenne. Les deux parties s’engagent à intensifier le dialogue et la coopération, notamment par la mise en œuvre du partenariat pour la mobilité, le renforcement de la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière, ainsi qu’une disponibilité européenne pour soutenir la mise en place d’un système d’asile tunisien. Cette coopération, qui reflétera aussi la dimension régionale de ces problématiques, inclura :

    -- la mise en œuvre de la stratégie nationale tunisienne en matière de migration, couvrant également l’asile et la protection internationale, y inclus la mise en œuvre d’un cadre législatif approprié,

    -- la conclusion des négociations d’accords de réadmission et de facilitation des visas,

    -- la bonne gouvernance de la migration légale, par une meilleure coordination avec les États membres de l’Union européenne dans le respect de leurs compétences, y compris à travers la mise en place de schémas pilotes de mobilité et une meilleure intégration des migrants dans les pays hôtes,

    --

    le soutien à la mobilisation des Tunisiens de l’étranger pour les investissements dans les secteurs innovants en Tunisie,

    -- le soutien à la prévention de la migration irrégulière, en particulier par une meilleure prise en compte des questions migratoires dans les stratégies de développement ; ceci passe également par une gestion des frontières renforcée et par des campagnes de sensibilisation sur les risques de la migration irrégulière,

    -- le soutien aux activités de prévention, et de lutte contre le trafic des migrants et la traite des êtres humains, y compris à travers la détection et la poursuite des réseaux criminels, et

    -- la consolidation de la coopération en matière de retour et réadmission, y compris à travers le soutien à la réinsertion durables des Tunisiens de retour.

    –-> https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.L_.2018.293.01.0039.01.FRA&toc=OJ:L:2018:293:TOC

    http://www.europeanmigrationlaw.eu/fr/articles/actualites/ue-tunisie-conseil-d-association-priorites-strategiques.html
    #externalisation #asile #migrations #réfugiés #Tunisie #EU #UE #Europe

    Commentaire de Claudia Charles sur la mailing-list Migreurop :

    En complément du message envoyé par Alizée, voici un article sur la décision n° 1/2018 du conseil d’association (en vertu de l’#accord_d'association UE - Tunisie) "adoptant les priorités stratégiques UE - Tunisie pour la période 2018 - 2020

    Le point sur « rapprochement entre les peuples, mobilité et migration » se résume (rien de nouveau) à l’adoption, par la Tunisie, d’une réglementation en matière de migration et d’asile, des mesurettes concernant la mobilité (ce qui était déjà dit à multiples occasions et enceintes (processus de Rabat, Sommet de Malte, FFU, partenariat pour la mobilité), et les #accords_de_réadmission / facilitation de #visa.

    L’#OIM aura sa part du gâteau : « la consolidation de la coopération en matière de retour et #réadmission, y compris à travers le soutien à la #réinsertion durables des Tunisiens de retour. »

    #IOM #retours #renvois #expulsions

    ping @_kg_

    • L’émigration irrégulière : Conception de l’opération et parade

      L’émigration vers l’Europe n’est pas un phénomène nouveau en Tunisie car elle date depuis 1970. Par contre, l’émigration irrégulière (la #Harga) entre les côtes tunisiennes et italiennes a commencé en 1990 lorsque l’#Italie a ratifié les accords #Schengen imposant ainsi des #visas d’entrée pour les ressortissants tunisiens.

      Une étude élaborée par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) montre qu’avant la révolution de 2011, 30% des Tunisiens de moins de 35 ans exprimaient le désir de migrer vers l’Europe. En raison de la #crise_économique qui ne cesse de frapper le pays durant la période de transition démocratique, ce chiffre a grimpé à 54% en 2017.

      La recrudescence de l’#émigration clandestine à partir de 2015 s’est traduite par des chiffres très alarmants. En effet, 119.369 migrants sont arrivés en Italie en 2017 alors que le nombre de victimes en 2016 est de 5000 selon un rapport publié par les Nations Unies.

      Face à cette situation préoccupante, l’Europe cherche à coordonner avec les #pays_de_transit en vue de trouver une solution à ce quelle considère une menace asymétrique qui pèse sur la sécurité de l’Occident.

      Aujourd’hui, les causes de l’émigration irrégulière sont connues et toute solution au problème doit passer par une combinaison de mesures politiques, économiques, sociales et sécuritaires.
      Sachant que les mesures politiques et socio-économiques ont fait l’objet de plusieurs études, le présent article est consacré à l’explication du volet opérationnel de l’émigration irrégulière. Une explication sans laquelle toute mesure sécuritaire reste incomplète et non concluante.

      Ainsi, après une présentation succincte de l’importance géographique de la Tunisie qui fait du pays un tremplin pour l’Europe, je prendrai en détails la conception de l’opération d’émigration clandestine avant de proposer les actions à entreprendre pour interdire ou contrer cette opération.

      1. Importance géographique de la Tunisie

      Selon une carte tracée par l’Union Européenne, les flux de l’émigration clandestine à destination de l’Europe suivent trois routes en mer méditerranéenne : La route occidentale qui passe par Gibraltar, la route centrale qui passe par la Tunisie et la Libye (carte nr1) et la route orientale qui passe par la Turquie et la mer Egée.

      Sur cette route centrale, la Tunisie occupe une place privilégiée. En effet, située sur le canal de Sicile qui constitue un pont entre l’Afrique et l’Europe et marquée par des conditions météorologiques clémentes sur la quasi-totalité de l’année, elle offre plusieurs possibilités pour rallier l’Italie (carte nr2) :

      Au nord, on trouve deux routes : La Galite-La Sardaigne (130 km) et Bizerte-Mazzara (175km).
      le nord-est présente trois options : Kélébia-Pantelleria (70km), Al Hawaria-Mazzara (160km) et Béni Khiar-Lampedusa (195km).
      au sud, trois autres itinéraires vers Lampedusa : à partir de Chebba (135km), de Kerkennah (140km) et de Zarzis (250km).

      En outre, la Tunisie est devenue le seul pays de transit après la fermeture des routes partant de la Libye. En effet, le flux d’émigrés à partir de ce pays a significativement tari suite à la signature d’un mémorandum d’entente le 2 février 2017 entre Rome et Tripoli (appuyé par les dirigeants européens dans la déclaration de Malte). Aux termes de cet accord, l’Italie doit coopérer avec les forces armées et les garde-frontières libyennes afin de juguler l’afflux de migrants illégaux. Un dispositif a été alors mis en place et 20.000 émigrants ont été interceptés en 2017 et reconduits en Libye, dans des centres de détention. Ainsi, le flux venant essentiellement des pays du Sahel africain a basculé sur le territoire tunisien.
      2. Déroulement d’une opération d’émigration clandestine

      De prime abord, il est à signaler que Les voyages clandestins sont organisés par des réseaux criminels. Le trafic est devenu transnational et apporte beaucoup d’argent. Une étude publiée par le journal d’actualités américain « The Christian Science Monitor » souligne « l’apparition de groupes mafieux d’envergure internationale italiens, albanais, libyens et autres » qui se livrent à ce trafic et gagnent 400 milliards de dollars à travers leurs actions qui englobent toute la région. Selon la même étude, Le candidat à l’émigration clandestine à partir de la Tunisie doit dépenser entre 3000 et 8000 dinars.
      L’organisation d’une opération d’émigration irrégulière passe par trois phases :
      2.1. La phase de recrutement

      Il s’agit de se servir d’agents et intermédiaires pour chercher et d’identifier les postulants à l’émigration sur le territoire national. Les quartiers pauvres et les zones grises du pays sont visés en priorité. Le contact se fait soit directement de bouche à l’oreille dans les cafés et les lieux publics soit par internet et notamment à travers les réseaux sociaux. Ceux qui viennent des pays étrangers sont recrutés et regroupés dans les pays limitrophes avant de les transférer par des passeurs en Tunisie.
      2.2. La phase de préparation logistique

      Tout d’abord, il faut trouver des caches (locaux) où regrouper les postulants au voyage et stocker des vivres pour subvenir à leur besoin durant la période d’attente. Ensuite, on prévoit le moyen de transport. Il est généralement un moyen vétuste acheté à moindre coût pour effectuer un aller sans retour (canot pneumatique, embarcation ou un vieux chalutier). Ce moyen est dépourvu de tout équipement de sécurité, de navigation et de communication. Enfin, le chef de réseau doit coordonner avec ses agents locaux et ses pairs à l’étranger pour fixer les moyens et les procédures nécessaires pour passer et/ou diriger les émigrés sur le lieu du regroupement. Cette phase englobe aussi une collecte de renseignement sur les dispositifs de sécurité déployés sur le théâtre de l’opération.
      2.3. Phase de préparation du transit

      C’est la phase la plus importante car elle fait appel à une bonne expérience pour choisir l’itinéraire, la période propice au voyage et le passeur (patron) qui sera chargé de la traversée.

      2.3.1. Choix de l’itinéraire : Le choix de la route doit prendre en compte la caractéristique physique du milieu marin, la sûreté du transit et le temps mis pour la traversée :

      La route La Galite-La Sardaigne est relativement longue (130km). Elle traverse une zone connue par la faible densité du trafic maritime et le mauvais temps. Elle est donc favorable à la détection radar (difficulté de dissimulation) et défavorable à la navigation des petites embarcations.
      Les deux routes à destination de Mazzara à partir de Bizerte (175km) et de Hawaria (160km) sont similaires. Elles sont longues et traversent une zone de séparation de trafic par laquelle passe plusieurs centaines de navires par jour. La zone est caractérisée par des courants giratoires relativement forts. Elle est donc favorable à la dissimulation mais défavorable à la navigation des petites embarcations.
      La route Kélébia-Pantellaria est la plus courte (70km). Cependant, elle est risquée en raison des patrouilles, de la couverture radar et du dispositif de sécurité mis en place par les autorités italiennes.
      La route Béni Khiar-Lampedusa (195km) est longue et traverse une zone peu fréquentée sur une grande partie de l’année. Elle est donc très défavorable à l’emploi des embarcations pneumatiques qui sont handicapées par le manque d’autonomie et le mode de propulsion.
      Les deux routes à destination de Lampedusa à parir de Chebba (135km) et de Kerkenah (140km) sont très similaires. Elles ont la même distance et traversent la zone de pêche réservée délimitée par l’isobathe de 50m (la zone verte sur la carte nr3). C’est une zone de haut fond qui s’étend jusqu’aux approches de Lampedusa. Cette zone est très hospitalière pour les petits navires. Elle est fréquentée par plusieurs milliers de chalutiers et embarcations. L’environnement est donc très favorable à la navigation et la dissimulation.

      La route Zarzis-Lampedusa est la plus longue (250km). L’emploi de petites embarcations sur cette route est très risqué à moins qu’elles soient utilisées comme relais pour rallier une plate-forme plus grande stationnée au large (navire ou chalutier).

      2.3.2. Le critère de compétence : Les iles Kerkennah se distinguent par le nombre de compétences (des anciens pêcheurs) qui coopèrent avec les réseaux criminels. Ces pêcheurs reconvertis en passeurs sont chargés de la traversée. Cette reconversion s’explique par une pollution maritime qui a mis ces gens de mer au chômage. En effet, les déchets chimiques provenant des industriels dont notamment Thyna Petroleum Services (TPS) et Petrofac ont dégradé l’environnement marin détruisant ainsi la faune marine (poissons, poulpes et éponges). victime de cette pollution et de la pêche illicite, la mer n’est plus généreuse comme au bon vieux temps. D’après The Christian Science Monitor, “les pêcheurs gagnaient jusqu’à 40$ - 100$ par jour (entre 100 et 250 dinars tunisiens). Maintenant, ils ont du mal à gagner 4 à 7$ (entre 10 et 17 dinars) par jour”. Ils ce sont alors livrés aux contrebondiers et leurs embarcations sont vendues aux réseaux criminels à un coût qui fait trois fois le prix réel.

      C’est cette qualité de pêcheur qui explique l’enrôlement des Kerkéniens dans les réseaux de trafic de migrants. Les statistiques du ministère de l’intérieur montrent que la majorité des patrons d’embarcations arrêtés lors des opérations avortées sont originaires de l’archipel.

      2.3.3. Le choix de la période et lieu d’embarquement :

      C’est le critère le plus important pour décider de l’exécution de l’opération. Tout s’explique par la force et la direction du vent. Une étude élaborée par l’Institut Tunisien des Etudes Stratégiques ( ITES) montre des chiffres très significatifs tirés à partir des opérations avortées en 2017 :

      le gouvernorat de Sfax est classé premier sur la liste avec 62 opérations suivi par Nabeul (34 opérations), Bizerte (24 opérations) et Zarzis (11 opérations). En outre, les statistiques montrent que 60% de ces opérations sont effectuées pendant les mois de septembre et d’octobre, 14% pendant juin et juillet. Le reste (26%) est réparti sur toute l’année. Ceci s’explique par la force et la direction (moyenne sur toute l’année) du vent dans ces régions (voir tableau).
      En effet, dans la région de Sfax, le vent atteint sa force la plus faible durant septembre et octobre (inférieur à 10 km/h). Il souffle du secteur Est engendrant de petites vagues qui ne gênent pas le mouvement des embarcations qui naviguent bout au vent (face au vent). Les accidents qui surviennent durant cette période sont causés essentiellement par un manque de stabilité en raison d’un excès de chargement. Ces caractéristiques du vent qui s’ajoutent aux caractéristiques physiques de l’environnement et aux compétences des pêcheurs font de Kerkénah le port préféré pour l’embarquement.
      Le fait que Nabeul et Bizerte occupent respectivement la deuxième et la troisième place s’explique par le vent du secteur Ouest qui souffle sur ces régions et qui pousse les embarcations (vent arrière) sur les côtes de Pantellaria et Mazzara. Les itinéraires partant de la Galite vers la Sardaigne et de Béni Khiar vers Lampeduza, qui sont déjà discriminés par le facteur physique, sont écartés en raison du vent très défavorable (vent de travers).
      La place occupée par Zarzis (4ème place) s’explique uniquement par sa proximité des frontières libyennes et par le vent modéré qui domine la région.

      3. Comment lutter contre le fléau ?

      Tout d’abord, il faut signaler que nos voisins européens déploient leur force (Opération Sofia) sur nos frontières et cherchent à s’ingérer dans nos affaires intérieures sous prétexte de lutter contre l’immigration clandestine. Plusieurs déclarations de responsables européens rentrent dans ce sens :

      Le 15 février 2011, le ministre de l’intérieur italien Roberto Maroni propose de déployer des policiers italiens en Tunisie. Le 9 avril de la même année, il parle de « débarquement » de 22.000 Tunisiens sur les côtes italiennes.
      Le 26 mai 2011, le député maire de Nice, Christian Estrosi, déclare “On constate aussi qu’une partie d’entre eux (les imigrés) – et cela est plus grave – appartiennent aux 10 000 délinquants condamnés et évadés des prisons.”
      Le 3 juin 2018, le nouveau ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini déclare « Il y a de plus en plus de migrants clandestins qui arrivent de Tunisie ici. Ce ne sont pas des réfugiés de guerre mais bien souvent des délinquants et ex-détenus. »
      Dans son projet de rapport 2018/2044(INI), la commission spéciale sur le terrorisme demande au parlement européen « que le mandat de l’opération #EUNAVFOR_MED Sophia soit étendu et que sa portée territoriale soit élargie afin de mieux répondre à l’évolution des schémas migratoires tels que les débarquements fantômes en provenance de la Tunisie, et que la lutte contre le terrorisme soit spécifiquement couverte par son mandat ». Elle propose aussi de « saisir Conseil de sécurité de l’ONU en vue d’adopter une résolution permettant à Sophia d’accéder aux eaux territoriales des États côtiers afin d’effectuer des contrôles sur les navires suspects ».
      Ensuite, il faut appliquer les textes juridiques propres à la matière :
      le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée en 2000.
      notre réglementation intérieure en matière de lutte contre l’émigration clandestine et notamment la loi du 3 février 2004 relative à la traite des personnes et au trafic des migrants.
      Les accords bilatéraux (avec la France et l’Italie) concernant les migrants.

      Sur le plan opérationnel, la lutte doit se baser sur deux volets ; le renseignement et l’intervention. Le renseignement est la seule solution pour compenser le manque de moyens matériels dont souffrent nos unités.

      Aujourd’hui, l’intervention est handicapée par le manque d’unités navales et la diversité des intervenants en mer qui appartiennent aux différents ministères (marine nationale, garde maritime nationale et douane). Pour assurer notre souveraineté sur les espaces maritimes qui nous reviennent de droit et remplir nos missions en mer (dont la lutte contre l’émigration clandestine), il faut agir en deux directions :

      Adopter le concept de la sauvegarde maritime pour assurer la synergie des efforts entre tous les intervenants en mer,
      Déployer nos unités en fonction des impératifs du moment. A titre d’exemple, basculer des unités sur le port de Sfax, durant les mois de septembre et d’octobre pour couper la route à l’émigration clandestine entre Kerkennah et Lampedusa.

      Ainsi, ce sont quelques idées proposées aux décideurs pour les éclairer sur le coté opérationnel de l’émigration irrégulière. La guerre contre ce fléau ne peut être gagnée qu’avec la combinaison de mesures d’ordre économique et social.

      http://www.leaders.com.tn/article/25601-l-immigration-irreguliere-conception-de-l-operation-et-parade
      #émigration_irrégulière #migrations #asile #réfugiés #Tunisie #statistiques #chiffres #histoire #opération_sophia #externalisation
      ping @_kg_

  • Quoi de neuf sous le soleil de Sicile ? Migrations internationales et enjeux géopolitiques en mer #Méditerranée (2011-2017)

    Plan :
    Le #canal_de_Sicile, une histoire de passages et de disparitions en mer
    Le canal de Sicile au cœur de la « crise migratoire » ?
    De l’instrumentalisation de l’urgence à la mise en place de #Mare_Nostrum par le gouvernement italien (2011-2014)
    Du retour de #Frontex à la criminalisation des #ONG (2014-2017)
    Été 2017 : l’opération anti-ONG, ou le navire qui cache la forêt des relations italo-libyennes
    En guise d’épilogue

    http://journals.openedition.org/echogeo/15225#quotation
    #asile #migrations #réfugiés #sauvetages #Italie #Libye #mourir_en_mer

    L’auteure, #Camille_Schmoll, a écrit sur FB :

    un petit texte qui fait le point sur la « crise migratoire » vue du canal de Sicile. Les spécialistes connaissent déjà tout ça mais ça peut être utile comme ressource pédagogique. Enfin c’est le but.

    Du coup : #ressources_pédagogiques

  • Quoi de neuf sous le soleil de Sicile ?

    http://journals.openedition.org/echogeo/15225

    Durant l’été 2017, une étrange bataille navale s’est déroulée en Méditerranée, impliquant ONG, État italien, forces armées libyennes et militants d’extrême-droite européens. Revenir sur cet événement et sa généalogie, c’est l’occasion de mettre en lumière les racines d’un conflit qui s’inscrit dans la continuation de processus et de politiques migratoires déjà en place. C’est aussi montrer ce que la question migratoire comporte d’éléments de mise en scène et d’instrumentalisation, à distance de la réalité des traversées et des flux.

    2Cet article propose ainsi de faire le point, à partir du canal de Sicile, sur les dynamiques récentes du passage, du contrôle migratoire et de leur instrumentalisation politique en Méditerranée. Remonter le fil de ce qu’il est coutume de nommer « la crise migratoire » des années 2011-2017, tout en l’inscrivant dans un contexte temporel plus large, permet d’identifier les éléments de rupture et de continuité qui ont marqué la prise en charge de la question migratoire dans cette région, ainsi que ses différents acteurs et les enjeux politiques qui la caractérisent.

    #migration #asile #sicile #italie #déportation

  • En Sicile, « une chose très belle est arrivée, nous avons été envahis par les immigrés » - Libération
    http://www.liberation.fr/planete/2018/01/09/en-sicile-une-chose-tres-belle-est-arrivee-nous-avons-ete-envahis-par-les

    A Palerme, Catane et Sutera, loin de voir les migrants comme une menace, la population facilite leur intégration. Ils sont perçus comme une chance pour le sud de l’Italie, frappé par la désertification et le chômage.

    « Si vous me demandez combien il y a d’immigrés à Palerme, je ne vous réponds pas 60, 70 ou 80 000. Quiconque arrive à Palerme est palermitain. » Dans son immense bureau du Palais des aigles qu’il occupe pratiquement sans interruption depuis plus d’un quart de siècle, Leoluca Orlando, maire de la capitale sicilienne, affiche sa détermination. Le démocrate-chrétien de gauche qui a transformé en profondeur Palerme en se dressant contre la mafia et en misant notamment sur le tourisme - l’époustouflant centre historique arabo-normand a été déclaré « patrimoine mondial de l’humanité » en 2015 - revendique fièrement sa politique d’accueil des étrangers : « Palerme, qui était une ville migrante au niveau de ses monuments, est finalement redevenue migrante dans sa population. » Et de poursuivre : « L’avenir a deux noms : Google et Ali l’immigré. Google exprime la connexion virtuelle et Palerme est aujourd’hui la ville la mieux câblée et informatisée de toute la Méditerranée. Ali le migrant représente la connexion humaine. Nous voulons être une ville accueillante et moderne. »

    Secourus au large

    Malgré la crise et le chômage, la Sicile, à l’instar de Palerme, bouscule les préjugés qui voudraient que l’arrivée massive d’étrangers, conjuguée aux difficultés économiques, soit synonyme de bombe politique et sociale. « Pour un responsable politique, le thermomètre du consensus, c’est l’élection. En juin, j’ai été le seul maire d’Italie élu au premier tour, pointe Leoluca Orlando. J’ai obtenu plus de voix qu’il y a cinq ans. Je crois que les migrants nous interrogent sur ce que nous sommes en tant qu’être humains. » Cours d’italien pour les immigrés, accueil des mineurs étrangers, centres d’hébergement pour les demandeurs d’asile… La municipalité de Palerme multiplie les initiatives pour faciliter l’intégration.

    A l’autre bout de l’île, le port de #Catane, sur la côte orientale de la Sicile, est confronté depuis plusieurs années aux débarquements de bateaux chargés de désespérés. « Surtout depuis la seconde moitié de 2013 », précise le préfet adjoint Tommaso Mondello, chargé d’organiser le débarquement des migrants. Avec la fermeture de la route balkanique, l’essentiel des arrivées depuis le sud de la Méditerranée s’effectue désormais par le canal de Sicile. Les occupants des embarcations sont le plus généralement secourus au large, puis acheminés directement dans les ports de Pozzallo, Augusta ou Catane, sans passer comme autrefois par la petite île de Lampedusa. « Catane est désormais la principale porte d’entrée en Europe. Le port est plus grand, donc plus pratique pour les débarquements », souligne Mondello.

    En trois ans, près d’un demi-million de personnes sont arrivées par la mer en Italie. Environ 120 000 pour la seule année 2017. La plupart des migrants tentent de poursuivre leur voyage vers le nord de l’Europe ou sont redistribués dans d’autres régions italiennes, mais des dizaines de milliers de personnes restent chaque année sur place, en Sicile, dans l’attente d’un permis de séjour ou d’un statut de réfugié politique.

    « Le système d’accueil des migrants dans le port est bien rodé,assure le préfet adjoint. Nous coordonnons l’ensemble. On se met en contact avec les gardes-côtes pour connaître l’heure précise de l’arrivée. La préfecture avertit tous les acteurs qui participent au débarquement : police, mairie, protection civile, services sociaux, Croix-Rouge, organisations humanitaires. » Ainsi, les volontaires de la Communauté catholique de Sant’Egidio, qui s’occupent à leur arrivée des mineurs non accompagnés, sont constamment reliés par WhatsApp et prêts à tout moment à descendre au port.

    « Depuis le 10 août 2013, date du premier débarquement à Catane, notre vie a un peu changé, indique Rosaria, une jeune bénévole. Ce jour-là, en plein été, une embarcation est arrivée tout près de la plage avec, à bord, quelques jeunes. A quelques mètres de la côte, ils ont plongé et six d’entre eux se sont noyés. Cela a frappé la ville. » A ses côtés, une autre membre de la communauté, Angela Pascarella, illustre la mobilisation de la population : « A partir du 10 août, on a commencé à envoyer des messages. Nous avions besoin de couvertures, de serviettes, de nourriture. Ici c’était plein à craquer », se souvient-elle en indiquant la grande pièce de l’association située dans le cœur de Catane, à deux pas de la cathédrale Sant’Agata. « Toute la population nous a apporté quelque chose. Les Siciliens répondent présents pour l’accueil des migrants. »

    « Accueillir les vivants »

    C’est le cas de Gaetano, un fonctionnaire sexagénaire qui vient régulièrement donner un coup de main à la soupe populaire, à proximité de la gare de Catane : « Quand on voit des gens dans le besoin, on ne peut pas rester sans rien faire. Dans le passé, nous avons été des émigrés et donc nous savons ce que veut dire être accueillis dans un pays étranger. Par conséquent, on sent le besoin d’aider. Pour nous, c’est normal. Nous ne sommes pas comme certains pays du nord de l’Europe, qui comptent avec une calculatrice combien de personnes ils doivent ou non faire entrer. Nous, nous aidons le plus possible. »

    Depuis 2013, cette mobilisation ne s’est pas démentie. Une solidarité exceptionnelle s’est mise en place et s’est peu à peu structurée un peu partout en Sicile, assurée en grande partie par les associations de bénévoles mais aussi par des responsables locaux courageux. En octobre 2013, Giuseppe Grizzanti, médecin et maire du petit bourg de #Sutera, reçoit un appel de la préfecture d’Agrigente. Une embarcation a fait naufrage à proximité de Lampedusa. Il y a plus de 300 morts. Les autorités veulent savoir s’il y a de la place dans le cimetière municipal pour enterrer quelques victimes. « Nous n’avions pas de tombes disponibles, se désole le maire. Mais c’est alors que nous avons pensé qu’au lieu d’accueillir les morts, nous pourrions accueillir les vivants. D’autant qu’à Sutera, il y a beaucoup de maisons vides. »

    Après-guerre, Sutera comptait environ 5 000 habitants. Mais à partir des années 60, la petite commune perchée à 600 mètres d’altitude, a commencé à se vider de ses habitants, partis vers le nord pour participer à l’effort d’industrialisation de l’Italie. « Le quartier du Rabato, une ancienne casbah qui rappelle la présence arabe vers 1 100, était jadis l’un des plus peuplés. Il y avait au moins 500 personnes. Aujourd’hui, il n’y a pas plus de 30 familles », constate Giuseppe Grizzanti. Hussein, un jeune Pakistanais arrivé à Sutera il y a deux mois, a été accueilli dans une maison au milieu des ruelles escarpées qui font du Rabato « l’un des bourgs les plus beaux d’Italie ».

    Antidote contre le crime

    Comme pour d’autres villages du Mezzogiorno, la présence des migrants a permis de relancer la démographie, et les subventions de l’Etat pour l’accueil des réfugiés aident l’activité économique de la commune. Notamment à travers la location des maisons et le financement de l’association des Girasoli, qui gère le programme d’intégration. « Au début, nous avons hébergé quinze personnes, et puis peu à peu nous sommes arrivés à 50, détaille le responsable de l’organisation, Nunzio Viellaro. Ils viennent de Tunisie, du Sri Lanka en passant par le Nigeria, la Gambie, le Pakistan, l’Afghanistan… Grâce à leurs enfants, l’école reste ouverte. A tel point qu’en 2016, il y a eu six naissances à Sutera. Cinq étaient des enfants d’étrangers. Ils font aujourd’hui partie intégrante du village. »

    Ce que confirme Margareth, une jeune Nigériane qui vit avec ses trois enfants dans une petite maison à deux étages, dans le centre du bourg : « Ici à Sutera, c’est trop bien. Tout le monde est sympa. Ils prennent vraiment soin de nous, à 100 %. Les voisins sont fantastiques. Je veux rester ici parce que les gens y sont chaleureux et gentils. » Aucune hostilité notable parmi la population. Tout juste le garde-champêtre, Sandro, qui fait remarquer : « Pour le village c’est bien, mais il faudrait qu’ils travaillent, et ici il n’y a pas de travail, ni pour nous ni pour eux. » Margareth, elle, fait des ménages. Mais faute d’emplois sur place, les nouveaux venus seront pour la plupart condamnés, à terme, à repartir vers le nord, sur les mêmes routes que celles employées autrefois par les émigrés de Sutera. « Ils restent généralement ici quelques mois, le temps d’obtenir des papiers ou de suivre une formation, puis ils partent et sont remplacés par d’autres migrants », explique Vitellaro.

    « Les Siciliens souffrent comme nous, il n’y a pas de travail », souffle Youssef, un Algérien de 39 ans assis à la soupe populaire de Catane. Certains migrants sont exploités dans les champs agricoles, d’autres sont rackettés par la mafia, mais « il n’y a pas beaucoup de racistes en Sicile, il faut dire la vérité », insiste Youssef. Pour Orlando, la présence des migrants est un antidote contre la criminalité organisée : « Jusqu’à l’âge de 30 ans, je n’ai pas vu pas vu un seul immigré à Palerme. Parce que la mafia les repoussait. Elle a peur de la diversité. » Et de s’enthousiasmer : « Depuis que je suis maire et que la mafia ne gouverne plus la ville, une chose extrêmement belle est arrivée : nous avons été envahis par les immigrés. »

    Un sentiment partagé par le journaliste et écrivain Gaetano Basile, pour qui la présence des étrangers permet en partie à la Sicile de retrouver sa vocation de carrefour de la Méditerranée : « L’unification italienne[au milieu du XIXe siècle, ndlr] a été un désastre. Elle nous a coupés du sud : il fallait que l’on parle, que l’on s’habille, que l’on se tourne uniquement vers le nord. On est devenus comme des Savoyards. De ce point de vue, l’arrivée des migrants aujourd’hui nous fait du bien, ils font revivre des quartiers qui étaient abandonnés. Ma ville renaît grâce à eux. » Pour preuve, ajoute Basile, les marchés comme celui de Ballaro, dans le cœur de Palerme, mélangent saveurs, épices, musiques et dialectes comme du temps des Normands, des Arabes, des Juifs puis des Espagnols : « Cela permet d’imaginer ce qu’était Palerme en l’an 1 000. Vers midi, on sent les cuisines orientales, le safran, tout un tas d’odeurs qui ne sont pas les nôtres, le tout mélangé à la tomate et au basilic. Alors je me dis : Palerme est encore vivante. »
    Eric Jozsef Rome, de notre correspondant

    #immigration #accueil #hospitalité #Sicile #Palerme #méditerranée

  • Ainsi, #maryline_baumard nous invite à la suivre :
    https://twitter.com/marylinebaumard/status/749582522313535488

    Je vous propose de suivre mon blog #A bord de l’#Aquarius pour une campagne de sauvetage de migrants

    Bon, en fait, elle fait son travail (rémunéré j’espère) pour lemonde.fr.
    Car elle est

    Journaliste au Monde embarquée sur l’#Aquarius

    #malaise #ambiguïté #confusion
    Une campagne de sauvetage de migrants, est-ce que ce sont des animaux ? Des oiseaux en voie de disparition ?

  • Les réfugiés en situation de détresse en mer : agir et assister

    L’organisation allemande Pro Asyl a publié en avril 2015, en allemand et en anglais, un guide à destination des marins croisant des personnes en situation de détresse en mer, en vue de rappeler les bases du droit de la mer et du sauvetage, et de promouvoir les droits des migrant.e.s en mer.

    La coalition Boats4People, La Cimade et Migreurop viennent de traduire en français ce document très utile. Il est désormais disponible en ligne.

    Conseils pour capitaines et équipages

    Vous êtes propriétaire ou affréteur de yachts et de bateaux à moteur ? Vous vous préparez à mettre à l’eau votre ou vos navires ? Sachez que depuis quelques années, le monde maritime est de plus en plus confronté au sort des réfugiés. Aujourd’hui, en tant que skipper ou capitaine de bateau, vous devez être préparé à rencontrer des réfugiés en situation de détresse sur des embarcations inadaptées à la navigation, aussi bien en haute mer que dans les eaux territoriales : en mer Égée, en mer de Sicile ou de Malte, en Méditerranée Occidentale, aux Canaries, ou dans les eaux situées le long de la côte de l‘Afrique de l’Ouest.

    http://cimade-production.s3.amazonaws.com/publications/images/112/original/Pro_Asyl_Detresse_en_mer_Couv400.jpg?1455637898
    http://www.lacimade.org/publications/112

    #mer #asile #haute-mer #réfugiés #migrations #sauvetage #droit_de_la_mer
    cc @reka

  • À bord du « #Phoenix » pour une expédition de #sauvetage réussie en #Méditerranée

    Alors que plus de 150 000 migrants sont arrivés en Europe via la Méditerranée depuis le début de l’année, le journaliste italien Stefano Liberti a pu participer début juillet à une opération de secours privée au large de la Libye, au cours de laquelle 217 personnes originaires d’Afrique subsaharienne ont été sauvées. Il a navigué à bord du Phoenix, affrété par une ONG – #MOAS – financée par deux riches courtiers en assurances.

    http://www.mediapart.fr/journal/international/010815/bord-du-phoenix-pour-une-expedition-de-sauvetage-reussie-en-mediterranee?o
    #asile #migrations #réfugiés #naufrage #mourir_en_mer

    • Le texte complet, reçu via la newsletter Migreurop :

      À bord du "Phoenix" pour une expédition de sauvetage réussie en Méditerranée

      01 août 2015 | Par Stefano Liberti

      Alors que plus de 150 000 migrants sont arrivés en Europe via la Méditerranée depuis le début de l’année, le journaliste italien Stefano Liberti a pu participer début juillet à une opération de secours privée au large de la Libye, au cours de laquelle 217 personnes originaires d’Afrique subsaharienne ont été sauvées. Il a navigué à bord du Phoenix, affrété par une ONG – MOAS – financée par deux riches courtiers en assurances.

      « On a déjà sauvé 9 000 migrants, mais on voudrait faire bien davantage. Personne ne mérite de mourir en mer. » Regina Catrambone a le regard fort de ses idées. En 2014, cette Italienne de 39 ans originaire de Reggio Calabria a fondé avec son mari Christopher l’ONG “Migrant Offshore Aid Station” (MOAS), spécialisée dans le secours des migrants en Méditerranée. Ces deux courtiers en assurances en zones de conflit ont investi toute leur épargne dans cette entreprise : 8 millions de dollars pour acheter un bateau de 40 mètres (le Phoenix) et recruter une équipe de secouristes. Depuis, ils ont commencé à sillonner la mer à la recherche de migrants en détresse. Et ils ont trouvé une nouvelle raison de vivre : « Nous avons mis nos ressources dans un projet qui nous passionne. Chaque personne que nous sauvons nous donne l’impression que nous dépensons notre argent pour une bonne cause. »

      La création de MOAS relève d’un éclair. C’était un jour d’été, en 2013. Le couple était en vacances en Méditerranée au moment même où le pape François se rendait à Lampedusa, pour son premier voyage pastoral. Dans son homélie, le Pontife dénonçait la « mondialisation de l’indifférence », le sentiment d’accoutumance qui aurait gagné l’Europe face à la mort en mer de milliers de migrants. Les Catrambone, qui venaient juste de quitter Lampedusa, ont suivi la cérémonie à la télé sur leur bateau. Tout d’un coup, Regina a vu un manteau flotter entre les vagues. Sans doute avait-il appartenu à un migrant disparu en mer, supposa le capitaine.

      Cette image, elle l’a perçue comme un appel à l’action. « On doit faire quelque chose. On ne peut pas rester spectateurs inertes de ce drame », a-t-elle dit à son mari. Christopher a mis son approche pragmatique à la recherche d’une solution et ensemble ils ont commencé à imaginer leur entreprise. Un an après, MOAS était officiellement lancé. En 2014, le Phoenix a levé l’ancre fin août et est resté en mer pendant deux mois. Cette année, il a commencé en mai et devrait rester opérationnel jusqu’à octobre. « Mais on aimerait continuer aussi pendant l’automne et l’hiver. Tout dépend de l’argent. » MOAS a lancé une campagne de crowdfunding pour financer ses opérations futures.

      « La zone des opérations »

      À bord du Phoenix du 1er au 5 juillet pour une mission en haute mer, nous partons du port sicilien de Trapani et nous nous dirigeons vers la « zone des opérations », un vaste espace maritime à une distance comprise entre 30 et 40 milles des côtes libyennes, près d’un large réseau de puits de pétrole offshore dénommé Bouri. « Presque tous les sauvetages se font dans cette zone », dit Marco Cauchi, chef de l’équipe de recherche et de secours. L’homme sait de quoi il parle : il a travaillé dans l’armée maltaise pendant trente ans et participé à des centaines d’opérations. Il est une encyclopédie vivante des flux migratoires à travers la Méditerranée : il était en poste quand, en 1992, environ 4 000 Albanais avaient forcé l’interdiction de la Marine et étaient arrivés à Malte à bord de deux grands bacs (ils ont tous été renvoyés sur-le-champ par avion). Par la suite, il a participé au rapatriement de quelques centaines d’Érythréens dans un vol charter à Asmara, un épisode qui a attiré sur son gouvernement une pléthore de critiques internationales. Il était le chef des opérations au moment où l’Italie et Malte se renvoyaient la balle des sauvetages en mer, ce qui retardait souvent les opérations. « Il m’est arrivé de faire des choses dont je ne suis pas très fier », confie-t-il. Le gouvernement maltais est tristement célèbre pour son attitude brutale envers les migrants, qu’il enferme jusqu’à 18 mois dans des structures délabrées tout en cherchant à ne pas les faire débarquer sur l’île. En tant que militaire, Cauchi était obligé de se tenir aux ordres, mais il se souvient avec une pointe d’orgueil du jour où il a désobéi à ses chefs qui lui ordonnaient d’ignorer une embarcation avec une femme qui venait d’accoucher. « Ils m’ont dit de faire semblant de ne rien voir et de laisser filer le bateau vers l’Italie. La femme saignait, le bébé devait être soigné. Je le leur ai dit. Ils ont insisté. C’était trop. J’ai refusé de suivre les ordres et je suis monté dans le bateau. J’aurais pu être licencié mais, si je m’étais comporté différemment, je n’aurais plus pu dormir tranquillement. »

      Pour MOAS, Cauchi coordonne une équipe de quatre personnes : chaque fois qu’ils repèrent un bateau en détresse, ils sautent sur leur zodiac et vont chercher les migrants pour les transborder au bord du Phoenix. « C’est stressant mais excitant en même temps. Dans les derniers mois, on a sauvé près de 5 000 personnes. » Une autre équipe dirige les deux drones à détection infrarouge qui volent sans cesse sur la « zone des opérations ». Quant au suivi médical, il est assuré par une équipe de Médecins sans frontières (MSF), qui a établi un partenariat avec MOAS.

      De Mare Nostrum à Triton

      Mais comment fonctionne cette entreprise de secours privé ? Quel est son mandat légal ? Est-elle en compétition avec la mission Triton, coordonnée par Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières extérieures ? « Pas du tout, on travaille dans le même cadre », dit Regina. « On suit les instructions du Centre de coordination du sauvetage maritime (MRCC) à Rome. Chaque fois qu’on repère un bateau, on les informe avant même de commencer les opérations de sauvetage. Et eux, de leur côté, ils nous contactent s’ils reçoivent un appel au secours et qu’ils voient qu’on est le moyen le plus proche ou le plus indiqué pour cette action. » À cet égard, l’initiative de MOAS est différente des précédentes expérimentations de secours privé, comme celle menée par le Cap Anamur en 2003. À l’époque, une ONG allemande avait affrété ce cargo et avait commencé à croiser dans le canal de Sicile à la recherche de migrants en détresse. Quand ils ont finalement intercepté un zodiac et accompagné à terre 37 Ghanéens et Nigérians, les autorités italiennes se sont braquées et ont arrêté le capitaine ainsi qu’une partie de l’équipage en les poursuivant pour aide à l’immigration illégale. Les marins ont été finalement acquittés, mais leur procès a duré cinq ans. Entre-temps, tous les Subsahariens qu’ils avaient pris à bord ont été rapatriés.

      Aujourd’hui, les temps ont changé. L’Italie ne refoule plus les migrants vers la Libye, comme elle l’a fait en 2009-2010 à la suite d’un accord signé par le leader Mouammar Kadhafi et l’ancien premier ministre Silvio Berlusconi – Rome a été condamné en 2012 par la Cour européenne des droits de l’homme pour cette pratique. À la suite de deux énormes naufrages près de Lampedusa, en octobre 2013, au cours desquels près de 600 migrants érythréens et syriens sont morts à quelques milles des côtes, le gouvernement italien a lancé l’opération Mare Nostrum, qui a secouru quelque 140 000 personnes en un an. Mais certains politiciens en Europe ne voyaient pas d’un bon œil le fait que l’Italie mène cette opération, à laquelle ils reprochaient de faciliter le travail des passeurs et d’augmenter le nombre des arrivées. Mare Nostrum a été finalement arrêtée en novembre 2014 par le nouveau gouvernement de Matteo Renzi et remplacée par la mission Triton, coordonnée par Frontex avec des ressources plus modestes et un mandat plus limité.

      Initialement conçue comme une simple patrouille des frontières dotée de 3 millions d’euros par mois (un tiers de ce que l’Italie seule dépensait pour Mare Nostrum), la mission Triton n’était pas censée intervenir au-delà de 30 milles des côtes italiennes. Les conséquences étaient prévisibles : les départs n’ont pas diminué et les morts ont énormément augmenté. Il a fallu la plus grande tragédie en Méditerranée depuis la Seconde Guerre mondiale, le 18 avril 2015 – avec un bilan d’environ 800 victimes – pour pousser les gouvernements européens à renforcer la mission Triton et la doter de ressources additionnelles. La mer est désormais plus surveillée et les naufrages sont moins fréquents. Presque tous les jours, des sauvetages ont lieu, menés aussi bien par les patrouilles militaires sous le commandement Frontex que par les bateaux privés comme le Phoenix.

      « Ce voyage est une loterie »

      Nous ne sommes pas loin des gisements de Bouri quand nous recevons un appel du MRCC. On nous dit d’aller chercher 217 migrants sauvés par deux autres bateaux privés engagés dans les sauvetages, l’Argos et le Dignity 1, affrétés par Médecins sans frontières. Les opérations de transbordement commencent en pleine nuit et se déroulent pendant trois heures. En utilisant les zodiacs, l’équipe dirigée par Cauchi transfère les migrants de ces deux bateaux sur le Phoenix. Le premier groupe est composé de ressortissants d’Afrique francophone – Côte d’Ivoire, Mali, Guinée, etc. Que des hommes, entre vingt et trente ans, au niveau d’instruction variable : certains sont diplômés, d’autres n’ont pas terminé leurs études supérieures. Quelques-uns viennent de quitter leur pays : ils ont traversé le désert du Sahara pour s’embarquer vers l’Europe. D’autres ont vécu en Libye pendant des années et ont décidé de partir à cause de l’instabilité dans ce pays.

      Le deuxième groupe est anglophone : parmi les passagers ghanéens et nigérians, 40 femmes et 7 enfants. Il s’agit principalement de familles ayant vécu en Libye assez longtemps. Leurs récits sont un mélange de désespoir et de violence. « On a été obligé de quitter ce pays », dit Newton, un garagiste nigérian de 25 ans qui est parti avec sa femme et leur petite fille de 5 mois, Prudence. « Il y a trop de gens armés en Libye et ils s’en prennent souvent aux Noirs. »

      Ils sont tous partis la veille sur un zodiac sans GPS. Personne à bord ne s’y connaissait en navigation. Les passeurs leur ont juste dit : « Dirigez-vous vers le nord et vous serez secourus. » Ils savaient très bien qu’il s’agissait d’un voyage risqué : rien qu’en 2014, 3 419 personnes sont mortes en Méditerranée, selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). « Ce voyage est une loterie. Tu peux perdre ou gagner. Mais si tu ne joues pas, c’est sûr que tu ne gagneras pas », dit Emmanuel, un comptable ghanéen de 48 ans qui s’est fait limoger au dernier changement de gouvernement et aujourd’hui rêve de « réinventer » sa vie en Europe.

      La plupart des passagers du Phoenix ne viennent pas de zones de conflit. Certains d’entre eux fuient la violence en Libye, ce qui n’est pas une raison suffisante pour obtenir l’asile politique selon les conventions internationales. Il s’agit de migrants économiques, ceux-là même qui selon tous les responsables européens devraient être renvoyés chez eux, au moment où un schéma de rapatriement communautaire sera mis en place. Regina Catrambone en est consciente. « Ils doivent trouver leur voie quand ils débarquent. Ce qui suit le sauvetage ne dépend que d’eux-mêmes et des décideurs. »

      Originaires d’Afrique de l’Ouest, les migrants ont peu de chance d’obtenir l’asile en Europe. © Stefano Liberti
      Regina n’est pas une activiste. Elle ne condamne pas la politique d’immigration de l’Union européenne. Elle sait très bien que ce qu’elle fait peut être perçu comme une critique à l’égard des responsables politiques, qui ne font pas assez pour sauver les migrants en mer. Mais ce n’est pas ce message qu’elle veut livrer. « Notre approche est différente. Nous croyons que si les autorités publiques ne sont pas en mesure de garantir un service, un philanthrope privé doit s’engager en première ligne. Nous allons continuer avec MOAS. Et nous espérons que d’autres suivront notre exemple. Personne ne mérite de mourir en mer, notamment à cet âge », dit-elle en regardant la petite Prudence alors que le Phoenix s’approche des côtes italiennes, où ses 217 passagers vont entamer leur nouvelle vie.

    • Cecilia Strada: #Emergency da oggi in mare con il Moas

      In queste ore parte da Malta la nuova missione umanitaria dell’ente non profit che nel 2015 ha salvato 11mila persone. La novità è la prima volta in mare dell’ong guidata dalla figlia di Gino Strada: «Operiamo da anni nei luoghi da dove i profughi scappano, è giusto esserci anche nel Mediterraneo»

      http://www.vita.it/it/article/2016/06/06/cecilia-strada-emergency-da-oggi-in-mare-con-il-moas/139679

    • Dichiarazione congiunta delle ONG impegnate in operazioni di Ricerca e Soccorso nel Mediterraneo

      Traduciamo e pubblichiamo la dichiarazione congiunta delle ONG impegnate nelle operazioni di ricerca e soccorso nel Mediterraneo: Sea-Watch, Proem-Aid, Proactiva Open Arms, SOS Mediterranée, Hellenic Rescue Team, Jugend Rettet, Humanitarian Pilots Initiative, SMHumanitario, United Rescue Aid. Ad esse si aggiungono le organizzazioni indipendenti per i diritti umani in mare Human Rights at Sea e International Maritime Rescue Federation

      http://www.a-dif.org/2017/03/31/dichiarazione-congiunta-delle-ong-impegnate-in-operazioni-di-ricerca-e-soccor
      Traduction de la déclaration disponible en anglais ici:
      https://www.humanrightsatsea.org/wp-content/uploads/2017/03/20170302-NGO-Code-of-Conduct-FINAL-SECURED.pdf

  • Charles Heller raconte l’histoire révoltante de ces migrants abandonnées à la mort dans un canot pneumatique au large de la Libye.

    via @cdb_77 sans qui je n’aurai pas su l’existence de cette émission qui relate le très utile et remarquable travail de Charles Heller.

    http://www.rts.ch/la-1ere/programmes/vacarme/6424585-vacarme-du-16-01-2015.html

    ❝Jamais on n’avait vu ça dans le canal de Sicile. Durant l’année 2014, plus de 200’000 migrants ont tenté la traversée entre l’Afrique et l’Europe sur des bateaux clandestins. Près de 3’500 sont morts en route. Ce qui en fait l’itinéraire maritime le plus meurtrier au monde. Au moment où l’opération italienne de sauvetage Mare Nostrum est remplacée par l’opération européenne de surveillance Triton, que risqueront ceux qui tenteront, demain, ce voyage périlleux ?

    Reportages à Pozzallo, ville balnéaire de Sicile, qualifiée par son maire de « nouvelle Lampedusa ».

    Le bateau abandonné à la mort

    En mars 2011, à bord d’un zodiac, 72 migrants quittent la Libye en guerre à destination de l’Italie. A court de carburant, ils lancent des appels de détresse. Les garde-côtes italiens sont avertis, l’OTAN et les militaires présents en Méditerranée aussi. Personne ne viendra les secourir. 63 personnes, dont 20 femmes et 3 enfants mourront.

    Ce drame fait aujourd’hui l’objet de plusieurs plaintes pour non-assistance à personne en danger. Charles Heller, chercheur suisse de l’université de Londres, a documenté ce naufrage dans son film « Traces liquides ». Un naufrage durant lequel une seule personne entendait les appels des migrants : le Père Mussie Zerai. Un prêtre érythréen vivant à Rome et en charge de la communauté catholique érythréenne et éthiopienne de Suisse.

    Reportage de Véronique Marti.
    Réalisation : Rodolphe Bauchau.
    Production : Marc Giouse.
    [Réduire -]
    Sur le même sujet

    #migrations #asile #mourir_en_mer #charles_heller

  • Plus de 3500 migrants secourus par la #marine_italienne en un week-end

    Depuis vendredi, plusieurs milliers de migrants, essentiellement des Syriens et des Erythréens, ont été secourus par des bâtiments italiens dans le canal de Sicile, une zone allant de l’île italienne aux côtes tunisiennes et libyennes.

    http://www.rfi.fr/europe/20140824-plus-3500-migrants-secourus-marine-italienne-week-end-frontex-eurosur-a

    #migration #Méditerranée #secours #asile #réfugiés #Mare_Nostrum

  • Ce moustique qui a résolu un meurtre | Passeur de sciences
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/06/09/ce-moustique-qui-a-resolu-un-meurtre

    L’histoire n’est pas jeune puisque l’article en question a été publié en 2006 dans les comptes-rendus du 21e Congrès de l’International Society for Forensics Genetics. Tout commence avec la découverte du corps d’un prostitué transsexuel sur une plage de Sicile. La victime git sur le sable, en partie dissimulée aux regards par de petits buissons. Elle est de toute évidence morte étranglée. Rapidement, les soupçons des policiers italiens se portent sur un homme d’affaires « raffiné » (dixit l’étude...), dont la voiture a été aperçue dans le secteur la nuit du meurtre.

    Le suspect habite dans un quartier éloigné de la plage et chez lui, les enquêteurs ne trouvent aucune preuve de la présence du prostitué, ni empreintes digitales ni matériel biologique contenant de l’ADN. Ils saisissent toutefois des vêtements de l’homme d’affaires, qui comportent de minuscules fragments de feuilles, ainsi qu’une paire de tennis. Et puis il y a cette petite tache sur un mur. Il s’agit d’une femelle moustique, visiblement écrasée après avoir fait son repas de sang humain. A l’aide d’un papier filtre humidifié, un membre de la police scientifique absorbe une partie de ce sang séché. Le reste sera gratté délicatement du mur avec le cadavre de l’insecte piqueur.

    Tin tin tin...