organization:l’institut

  • « Aucun industriel de l’automobile n’a envie de vivre le cauchemar de Boeing »
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/04/19/aucun-industriel-de-l-automobile-n-a-envie-de-vivre-le-cauchemar-de-boeing_5


    Une voiture autonome d’Uber à Pittsburgh (Pennsylvanie, nord-est des Etats-Unis), en septembre 2016.
    ANGELO MERENDINO / AFP

    Chronique « Pertes & profits ». Êtes-vous un bon conducteur ? L’institut Ipsos a posé la question à un échantillon de conducteurs européens pour le compte de Vinci Autoroutes. La réponse est largement positive pour soi-même et franchement négative pour les autres. Plus de la moitié des personnes interrogées s’estiment calmes et vigilantes, mais jugent que leurs voisins sont irresponsables. Ainsi, 97 % des conducteurs reconnaissent qu’il est dangereux de consulter et d’envoyer des SMS en route, mais près du quart d’entre eux admettent le faire parce que, évidemment, ils connaissent leurs propres limites. L’inattention est la première cause de mortalité sur les routes.

    Que tout le monde se rassure, il sera bientôt beaucoup moins hasardeux d’écrire à son chéri, à ses enfants ou à son patron pendant le trajet, puisqu’il deviendra inutile de surveiller la route et même de tenir le volant. La voiture autonome frappe à la porte. BMW nous promet ses premiers modèles pour 2021.

    Pas étonnant que l’argent pleuve à torrents sur ce secteur qui laisse entrevoir une rupture totale dans la plus célèbre industrie mondiale. Toyota et le financier japonais Softbank ont annoncé, vendredi 19 avril, qu’ils allaient investir ensemble près d’un milliard de dollars (888 millions d’euros) dans la filiale véhicules autonome de Uber. Celle-ci, qui n’est pour l’instant qu’un grand laboratoire de recherche, est donc désormais valorisée plus de 7 milliards de dollars. Une bonne nouvelle pour le roi des plates-formes de réservation de taxis, à la veille de son introduction en Bourse. De quoi lui permettre d’atteindre la valorisation boursière stratosphérique de 100 milliards de dollars, soit deux fois plus que la valeur combinée de Renault et de PSA (40 milliards d’euros).

    Paris risqués
    Cette sainte alliance du financier, de la start-up et du constructeur automobile arrange tout le monde. Pour Uber, le pari de la voiture autonome est un passage presque obligé pour espérer un jour gagner de l’argent, alors qu’aujourd’hui, le revenu du chauffeur représente près de la moitié des coûts du service. Pour le constructeur aussi, l’enjeu est existentiel. Si désormais, toute voiture de moyenne gamme peut avancer toute seu…

    … et donc !? la voiture autonome, c’est côté pertes ou côté profits ?
    Peut-être, surtout que les unes et les autres ne concernent pas les mêmes acteurs.

    la suite derrière #paywall

  • Des légumes rustiques ressuscités à Lyon grâce à la mémoire russe des semences
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/04/04/des-legumes-rustiques-ressuscites-a-lyon-grace-a-la-memoire-russe-des-semenc

    Le plus grand conservatoire de semences du monde est russe et le 11 avril, c’est près de Lyon qu’il va ouvrir sa première antenne à l’étranger et contribuer à faire revivre des légumes et des végétaux de culture oubliés. La station de conservation de l’institut Vavilov qui collectionne à Saint-Petersbourg et depuis 1894 des semences du monde entier a été mise sur pied avec des partenaires français dans la commune de Charly (Rhône) sur un terrain sécurisé de quatre hectares.

    Sa création a pour enjeu de « développer au maximum la biodiversité cultivée », de manière à repérer les plantes résistantes à la sécheresse et aux maladies a indiqué à l’Agence France-presse (AFP), Benjamin Canon, du fonds pour la diversité biologique De Natura, coordinateur de ce projet qui réunit entreprises, associations, collectivités ainsi que les fondations du Crédit agricole.
    « Variétés résistantes aux maladies »

    L’institut russe Vavilov conserve et reproduit quelque 350 000 variétés de graines. Il organise la redistribution gratuite de ce patrimoine génétique fruitier ou légumier dans plusieurs pays, y compris dans les lieux d’origine d’où il avait parfois disparu. C’est ainsi que le chou quintal, délicieux dans la potée auvergnate, a été réintroduit l’automne dernier en Haute-Loire. Aussi, à l’occasion de l’ouverture de cette nouvelle antenne, trois variétés végétales seront solennellement semées : le maïs de Bresse, tout droit sorti du XVIIème siècle, un tournesol russe très mellifère à plusieurs tiges et plusieurs fleurs et un haricot grimpant.

    « Nous avons choisi des variétés résistantes aux maladies, qui attirent les insectes auxiliaires », dont la fonction est de protéger l’écosystème contre les insectes dits « ravageurs », a indiqué à l’AFP Stéphane Crozat, ethnobotaniste, fondateur du Centre de Ressources de Botanique Appliquée (CRBA) à Lyon et responsable scientifique du projet.

    #Biodiversité #Agriculture #Semences #Communs

  • Financer l’action sociale avec des fonds privés : les débuts laborieux des « contrats à impact social », Isabelle Rey-Lefebvre
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/03/07/les-debuts-laborieux-des-contrats-a-impact-social_5432627_3224.html

    Les CIS obéissent à une logique très macronienne, en associant le public et le privé. Seuls trois contrats ont été conclus en trois ans.

    Cela fait trois ans qu’ils existent, mais on ne peut pas dire qu’ils se soient vraiment imposés dans le paysage. Christophe Itier, haut commissaire à l’économie sociale et solidaire, tire, ce jeudi 7 mars, un premier bilan des contrats à impact social (CIS). Ils ont été lancés en 2016 par Martine Pinville, qui était alors secrétaire d’Etat chargée de l’économie sociale et solidaire d’Emmanuel Macron, ministre de l’économie. Et M. Itier entend leur redonner du souffle. Cette formule vient du Royaume-Uni, où elle a été expérimentée, dès 2010, sur l’insertion des prisonniers à leur sortie de la prison de Peterborough, parvenant à réduire le taux de récidive de 9 %.

    Les CIS obéissent à une logique très macronienne, en associant le public et le privé, cette fois dans le domaine de l’#action_sociale. Ces contrats réunissent quatre partenaires : une association ou un opérateur qui propose une innovation sociale ; un investisseur privé qui la finance ; une entité publique, Etat ou collectivité locale, qui remboursera l’investisseur avec intérêts (entre 3 % et 5 %) si les objectifs de performance fixés au contrat sont remplis ; et un évaluateur externe chargé de vérifier les résultats.

    « Mesurer les coûts évités »

    « C’est une nouvelle façon de concevoir l’action publique, plus tournée vers la prévention, en mesurant les coûts évités grâce à cette action et permettant aux associations de passer à une échelle supérieure, s’enthousiasme M. Itier. Plus de vingt pays ont adopté ce système, décliné en 120 projets, pour un investissement total de 400 millions d’euros. »

    Un premier appel à projets, en 2016, avait obtenu quinze réponses. Seuls trois contrats ont été conclus.

    En France, le bilan est bien plus modeste. Un premier appel à projets, en 2016, avait obtenu quinze réponses. Seuls trois contrats ont été conclus. Trois autres devaient être officialisés le 7 mars, pour un total de 9,7 millions d’euros. L’association La cravate solidaire a, après une longue année de mise au point, signé son CIS fin décembre 2018. Elle espère développer son activité de coaching des jeunes à la recherche d’un emploi : « Il ne s’agit pas seulement de trouver un costard au jeune, mais de lui donner confiance et le préparer à l’entretien », explique Nicolas Gradziel, l’un des trois fondateurs que ce projet a réunis à leur sortie d’école de commerce.

    Cette activité pourra ainsi, avec l’apport de 500 000 euros par les assurances Maif et Aviva, la Caisse des dépôts et le fonds Inco – ex-Comptoir de l’innovation, géré par le #groupe_SOS – s’étendre au Val-d’Oise et en Seine-Seine-Denis. Un camion itinérant, deux salariés et des bénévoles sillonneront les banlieues les plus oubliées. « Nous devrons prouver, à l’aide d’indicateurs, que notre méthode assure un plus grand succès à l’entretien d’embauche que si le jeune n’a pas bénéficié de nos conseils », précise M. Gradziel.

    L’association Wimoov, du groupe SOS, aide les chômeurs et bénéficiaires du #RSA à trouver des solutions de transports pour les inciter à accepter un emploi ou une formation qui leur semblent géographiquement hors de portée. « Ce sont de petites actions, avec un conseil personnalisé, explique Florence Gilbert, fondatrice de Wimoov. Par exemple, convaincre un chômeur de prendre sa bicyclette pour parcourir les cinq kilomètres qui le séparent de son emploi ou de la gare en lui proposant un vélo à prix réduit et un itinéraire rapide et sûr ; aider un jeune à passer son permis et acquérir une voiture à petit prix ; organiser un covoiturage avec de petits bus ; convaincre une ville de modifier les horaires d’un car. »

    Un CIS soutient l’activité de l’association Article Un, qui aide les jeunes ruraux boursiers à oser choisir des études longues et difficiles.
    Wimoov compte 130 conseillers en mobilité quotidienne, répartis dans 27 plates-formes financées par les collectivités locales. Ils conseillent, chaque année, 11 000 personnes. Dans ce cas, le CIS apporte 750 000 euros financés par la BNP, le Crédit coopératif, la Caisse des dépôts et toujours le fonds Inco. Il permet de développer un nouvel outil, numérique cette fois, pour un plus grand nombre de bénéficiaires, à un coût moindre, avec diagnostic par internet.
    Un troisième CIS soutient l’activité de l’association Article Un, qui aide les jeunes ruraux boursiers à oser choisir des études longues et difficiles. Il est financé par le fonds B, lancé à titre personnel par Emmanuel Faber, Président de Danone, souvent consulté par Emmanuel Macron.

    « Ambiguïté »

    Ce principe des CIS ne fait cependant pas l’unanimité. « Evaluer l’action sociale est une bonne chose et nous avons des progrès à faire dans ce domaine, admet Patrick Doutreligne, président de Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux, qui représente les trois quarts des intervenants dans le domaine sanitaire et social. Mais c’est toute l’ambiguïté de ces contrats à impact social : on voit bien que leur but n’est pas seulement d’être plus efficace mais d’abord de faire des économies d’argent public. Les indicateurs peuvent être biaisés et l’attribution de ces contrats rester opaque et source de conflits d’intérêts. »

    Conscient de la difficulté qu’ont les CIS à se multiplier, M. Itier cherche à en simplifier le processus. Il a confié cette mission à Frédéric Lavenir, président de l’Association pour le droit à l’initiative spécialisée dans le microcrédit, qui fera ses propositions d’ici au mois de juin.

    Quand le social finance les banques et les multinationales , Collectif
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/10/quand-le-social-finance-les-banques-et-les-multinationales_4880783_3232.html

    Les « investissements à impact social » posent des problèmes graves, qui remettent en question les missions de l’Etat, la nature du travail social et le rôle des associations, expliquent les membres d’un collectif d’associations de terrain.

    "Trois arguments sont mis en avant pour promouvoir les SIB : dans une période de pénurie d’argent public, faire appel au privé est une solution innovante ; la puissance publique ne prend aucun risque car les investisseurs ne sont payés que si les objectifs sont atteints ; à terme, le contribuable fait des économies. Tous sont fallacieux."

    Le gouvernement s’apprête à introduire en France les « investissements à impact social », avec, pour fer de lance, la création de « Social Impact Bonds » (SIB) pour lesquels il ne reste plus qu’à trouver une appellation « à la française ». Depuis la remise au gouvernement en septembre 2014 du rapport d’Hugues Sibille (alors vice-président du Crédit coopératif, dont il préside désormais la Fondation), le lobbying en faveur des SIB n’a jamais cessé.

    Le 4 février 2016, Le Monde publiait un article faisant la promotion des SIB, sous le titre « Quand les investisseurs privés financent l’action sociale », signé par Benjamin Le Pendeven, Yoann Lucas et Baptiste Gachet, qui sont aussi les auteurs du document « Social Impact Bonds : un nouvel outil pour le financement de l’innovation sociale » financé et diffusé par l’Institut de l’entreprise, un think tank dépendant des grands groupes industriels et financiers français.

    Depuis, une partie de la presse a suivi : Les Echos, La Croix, Libération et L’Humanité… Ces articles comportent nombre d’approximations sur le fonctionnement de ces produits financiers et en cachent les méandres qui permettent aux organismes financiers, aux consultants et aux cabinets d’audit de dégager des marges considérables.

    Trois arguments sont mis en avant pour promouvoir les SIB :
    – Dans une période de pénurie d’argent public, faire appel au privé est une solution innovante ;
    – La puissance publique ne prend aucun risque car les investisseurs ne sont payés que si les objectifs sont atteints ;
    – à terme, le contribuable fait des économies.
    Tous sont fallacieux.
    Supériorité du privé sur le public jamais démontrée

    Le premier argument est vieux comme le capitalisme. En réalité, la meilleure participation « innovante » du privé serait que les grands groupes multinationaux bancaires ou industriels payent les impôts dans les pays où ils réalisent leurs profits et que l’optimisation et l’évasion fiscales ne soient plus possibles (il n’y aurait alors plus de déficit budgétaire dans aucun pays de l’Union européenne).
    Le second est également faux : le vrai risque est toujours assumé par la puissance publique, qui paye en dernier ressort, soit en rémunérant dans des conditions exorbitantes les financeurs, soit en reprenant le programme à son compte en cas d’échec (comme cela a été le cas, par exemple, pour le tout premier SIB, censé réduire la récidive des prisonniers de Peterborough, en Grande-Bretagne, et abandonné en cours de route).

    La meilleure participation « innovante » du privé serait que les grands groupes multinationaux bancaires ou industriels payent les impôts dans les pays où ils réalisent leurs profits
    Pour le troisième, la supériorité du privé sur le public, aussi bien en termes d’efficacité que d’efficience, n’a jamais été démontrée.

    L’expérience des partenariats publics privés (PPP) prouve le contraire, comme le souligne le rapport de la commission des lois du Sénat.
    En clair, une autorité publique (souvent conseillée par les financeurs) qui souhaite engager une action dans un domaine social (insertion, récidive, décrochage scolaire, parentalité etc.), mais a des difficultés financières ou souhaite rompre avec le subventionnement des associations, s’adresse à un « organisme financier intermédiaire » (une banque qui, bien entendu, se rémunère). Cet intermédiaire récolte des fonds auprès d’investisseurs (banques, fondations d’entreprises, épargnants…) qui souhaitent s’impliquer dans le domaine social, tout en effectuant un investissement rentable.

    Un évaluateur de l’évaluateur de l’évaluateur
    L’autorité publique fixe (en principe) des objectifs à atteindre. L’intermédiaire sélectionne ensuite un « opérateur » qui peut être une association, mais aussi une entreprise privée (qui se rémunérera aussi) lequel sera chargé de la mise en œuvre.

    Un cabinet d’audit « indépendant » (également rémunéré) sera chargé de l’évaluation. Alors qu’il est très délicat d’évaluer des résultats dans le domaine social, dans certaines expériences en cours à l’étranger, il a été fait appel à un évaluateur de l’évaluateur et même un évaluateur de l’évaluateur de l’évaluateur (un nouveau marché pour les cabinets spécialisés).

    Bien entendu les thuriféraires français des SIB et le gouvernement nous promettent de faire mieux, puisque ce sera « à la française ».
    Au final, selon les résultats obtenus, les investisseurs vont recevoir, un retour sur investissement payé par l’autorité publique (donc par l’impôt des citoyens) à deux chiffres (jusqu’à 13 % voire, 15 % par an, selon les contrats).
    Un modèle prestataire
    Dans le système antérieur, une tout autre relation liait les associations (par définition non-lucratives) et les pouvoirs publics. Bons experts du terrain et du territoire, elles pouvaient conduire leur travail social, avec le plus souvent des professionnels, de façon relativement autonome, dans un climat de confiance et de coopération démocratique. Ce modèle est désormais déclaré caduc. À la mission de service public rémunérée par une subvention assortie de certaines contreparties se substitue aujourd’hui un modèle prestataire, régulé par la concurrence, au service de collectivités publiques se considérant elles-mêmes comme des entreprises.
    Les SIB sont bien une nouvelle forme de partenariats public-privé (PPP), tristement connus dans le domaine du BTP, dont les conséquences désastreuses ont déjà été soulignées à maintes reprises, y compris par la Commission des lois du Sénat qui parle de « bombes à retardement » pour les finances publiques (Rapport de la commission des lois du Sénat du 16 juillet 2014 sur les partenariats publics-privés (PPP) : « Les contrats de partenariat : des bombes à retardement ? »).

    Il s’agit, ni plus ni moins, de transformer les « dépenses sociales » en « investissement social » très rentable, sans risque puisque le retour sur investissement est garanti par l’Etat, en contrepartie d’hypothétiques économies au terme du contrat ! Il est significatif que ces actions mobilisent les plus « grands philanthropes » du monde, tels Goldman Sachs, Merrill Lynch ou encore la fondation Rockefeller…

    L’ensemble du dispositif repose en réalité sur un socle purement idéologique : le privé serait, par principe, plus efficace et moins cher que le public. Un postulat qui n’a jamais été démontré mais qui rapporte ! L’institut de l’entreprise, dans la quasi-totalité des exemples qu’il fournit dans son étude, démontre que la plupart des SIB induisent un retour sur investissement qui double le capital investi en trois ans ! Pour le SIB « Advance Programme » au Royaume-Uni qui porte sur l’emploi, pour un capital investi de 3 millions de livres, le retour certes maximum sur trois ans est de 3,3 millions.

    Escroquerie financière
    Mieux encore, certaines actions menées à l’étranger par le biais d’un financement SIB ont coûté en moyenne trois fois plus cher au contribuable que si l’action avait été financée directement par la puissance publique. Au-delà de l’escroquerie financière, les « investissements à impact social » posent des problèmes graves, qui remettent en question les missions de l’Etat, la nature du travail social et le rôle des associations.

    La mise en place des SIB pose en effet la question de la définition de l’intérêt général : si désormais c’est le secteur financier qui décide de soutenir une action sociale plutôt qu’une autre (tout en puisant dans les fonds publics, c’est-à-dire dans la poche du citoyen), selon la seule règle de la maximisation du profit et la minimisation des risques, à quoi servent encore les élus et toute la vie démocratique à laquelle contribuent les différents organes de la société civile ?

    Plus besoin de métiers en tant qu’espaces d’autonomie, de socialisation et de responsabilité, puisqu’il s’agit pour les professionnels de ce secteur de devenir les exécutants de logiques financières

    Si les investisseurs déterminent à la fois les actions à financer, les indicateurs de performance et les objectifs (chiffrés) à atteindre, quid de la doctrine même du travail social ? Le travail social ne consiste pas à poser des rustines sur les dégâts du capitalisme. Il vise à l’émancipation des personnes vulnérables dans une société capable de reconnaître sa responsabilité dans la production d’inégalités et cherchant sans cesse à y remédier…

    Il ne s’agit donc pas simplement de produire les prestations adaptées
    et rentables, à une « cohorte » d’individus ayant des besoins particuliers, mais, partant de leurs ressources, de travailler « avec » eux au changement, dans une perspective de court et moyen terme, sans jamais être sûr, à l’avance, de la performance… C’est le prix de la solidarité en actes, que ne connaît pas le commerce.

    #Usagers-marchandise
    Si les acteurs de terrain (en grande majorité les associations) sont obligés de compter sur des financements de type SIB, avec mise en concurrence des « projets » et soumission absolue au diktat financier pour les « heureux élus » – en imposant un management ad hoc qui peut aller jusqu’à la mise en place d’un directeur financier dans la structure – que reste-t-il de l’essence même de la vie associative, reposant, répétons-le, sur la capacité des citoyens à s’organiser eux-mêmes pour trouver, par eux-mêmes, des solutions innovantes à des problèmes qu’ils sont les seuls (ou les premiers) à identifier ?

    Dans un système du paiement au résultat appliqué au social, la notion de métier est niée et, avec elle, la dimension créative des acteurs de terrain. On comprend mieux pourquoi le Plan d’action en faveur du travail social qui soutient l’ouverture du travail social aux investissements à impact social s’appuie sur une refonte des métiers du travail social : la réflexion sur la pratique n’est plus considérée comme un élément central de la formation, il suffit de former les travailleurs sociaux à des fonctions de coordination ou à acquérir des compétences purement techniques, suivant le niveau de qualification (« Défendre les métiers sociaux », Le Monde du 23 juin 2015).

    En effet, plus besoin de métiers en tant qu’espaces d’autonomie, de socialisation et de responsabilité, puisqu’il s’agit pour les professionnels de ce secteur de devenir les exécutants de logiques financières qui passent par une « rationalisation » de l’action. Pour les usagers également, la relation avec les professionnels du social change de nature : plus question d’une rencontre avec l’autre, plus question d’être considéré comme un citoyen protégé par la collectivité, mais bel et bien de devenir une marchandise.

    Les SIB sont présentés comme un outil innovant pour financer l’action sociale. En fait il s’agit juste d’accommoder une vieille recette qui consiste à faire payer la collectivité publique au bénéfice du privé lucratif, à s’accaparer des financements publics et à instrumentaliser le travail social.

    Mécanique néolibérale
    Même dotée d’un visage « solidaire », la mécanique néolibérale ne quitte jamais ses fondamentaux : haro sur l’Etat (et la démocratie), haro sur les capacités des citoyens à s’organiser eux-mêmes (en dehors du sacro-saint marché), haro sur toutes celles et ceux qui œuvrent à la transformation de la société dans une optique de justice, d’égalité et de fraternité, du bien commun, de l’intérêt général. Non seulement il faut refuser de s’engager dans la voie des SIB, mais les rescrits fiscaux opaques, les optimisations et évasions fiscales doivent cesser.

    L’avenir n’est pas dans la financiarisation du social mais dans l’instauration de nouvelles formes de relations entre associations et autorités publiques, reposant sur une co-construction réelle, l’indépendance des structures et le respect des métiers.

    Premiers signataires : Jean Claude Boual (Président du Collectif des associations citoyennes), #Michel_Chauvière (Directeur de recherche émérite au CNRS), Gabrielle Garrigue (Avenir Educs), Eric Denoyelle (Collectif pour une éthique en travail social), #L’appel_des_Appels.

    #Borello :
    https://seenthis.net/messages/741504

    • Des milliardaires américains financent discrètement des campagnes de désinformation en Europe
      (Nooooon !?)

      Un petit groupe de très riches américains soutient indirectement plusieurs sites de « réinformation » et de campagnes publicitaires en ligne en Europe.

      Il n’y a pas que les Etats qui mènent des opérations de désinformation. Depuis plusieurs années, un petit groupe de milliardaires américains, qui financent dans leur pays l’aile droite du Parti républicain, ont aussi soutenu des campagnes de diffusion de fausses informations dans plusieurs pays de l’Union européenne.

      Contrairement aux agents de l’Internet Research Agency – l’organisation russe de propagande en ligne –, ces hommes d’affaires ne disposent pas d’équipes nombreuses, ni d’armées de faux comptes sur Twitter ou Facebook. Mais leur argent leur permet de financer de petits groupes d’activistes et des entreprises de communication politique spécialisées, dont l’action est ensuite démultipliée en ligne par l’achat de publicités sur les réseaux sociaux pour diffuser leur message.

      Au cœur du dispositif se trouve notamment Robert Mercer, le codirigeant du puissant fonds d’investissement Renaissance Technologies, et sa fille Rebekah, qui ont financé le lancement de Breitbart News, le site conspirationniste fer de lance de l’« alt-right » (« droite alternative », mouvance d’extrême droite) et de la campagne de Donald Trump. Steve Bannon, l’ancien conseiller du président, en était le rédacteur en chef. « Ce sont les Mercer qui ont posé les bases de la révolution Trump, expliquait M. Bannon en 2018 dans un entretien au Washington Post. Si vous regardez qui sont les donateurs politiques de ces quatre dernières années, ce sont eux qui ont eu le plus grand impact. »

      Vidéos des « gilets jaunes »
      Mais la générosité des Mercer ne s’arrête pas aux frontières des Etats-Unis. Ils financent également l’institut Gatestone, un think tank néoconservateur orienté vers l’Europe, qui publie des articles dans de nombreuses langues, dont le français. Mais aussi le média canadien The Rebel, qui s’intéresse beaucoup à l’actualité du Vieux Continent.

      #paywall (frustrant, vu l’intertitre…)

    • Des milliardaires américains financent discrètement des campagnes de désinformation en Europe (in extenso)
      https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/03/07/des-milliardaires-americains-financent-discretement-des-campagnes-de-desinfo

      Un petit groupe de très riches américains soutient indirectement plusieurs sites de « réinformation » et de campagnes publicitaires en ligne en Europe.

      Il n’y a pas que les Etats qui mènent des opérations de désinformation. Depuis plusieurs années, un petit groupe de milliardaires américains, qui financent dans leur pays l’aile droite du Parti républicain, ont aussi soutenu des campagnes de diffusion de fausses informations dans plusieurs pays de l’Union européenne.

      Contrairement aux agents de l’Internet Research Agency – l’organisation russe de propagande en ligne –, ces hommes d’affaires ne disposent pas d’équipes nombreuses, ni d’armées de faux comptes sur Twitter ou Facebook. Mais leur argent leur permet de financer de petits groupes d’activistes et des entreprises de communication politique spécialisées, dont l’action est ensuite démultipliée en ligne par l’achat de publicités sur les réseaux sociaux pour diffuser leur message.

      Au cœur du dispositif se trouve notamment Robert Mercer, le codirigeant du puissant fonds d’investissement Renaissance Technologies, et sa fille Rebekah, qui ont financé le lancement de Breitbart News, le site conspirationniste fer de lance de l’« alt-right » (« droite alternative », mouvance d’extrême droite) et de la campagne de Donald Trump. Steve Bannon, l’ancien conseiller du président, en était le rédacteur en chef. « Ce sont les Mercer qui ont posé les bases de la révolution Trump, expliquait M. Bannon en 2018 dans un entretien au Washington Post. Si vous regardez qui sont les donateurs politiques de ces quatre dernières années, ce sont eux qui ont eu le plus grand impact. »

      Vidéos des « gilets jaunes »

      Mais la générosité des Mercer ne s’arrête pas aux frontières des Etats-Unis. Ils financent également l’institut Gatestone, un think tank néoconservateur orienté vers l’Europe, qui publie des articles dans de nombreuses langues, dont le français. Mais aussi le média canadien The Rebel, qui s’intéresse beaucoup à l’actualité du Vieux Continent. En 2017, l’un de ses salariés, Jack Posobiec, avait très largement contribué à la diffusion des « MacronLeaks », ces e-mails volés à plusieurs membres de l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron publiés en ligne deux jours avant le deuxième tour de la présidentielle française. M. Posobiec avait été l’un des premiers à évoquer la publication des documents, et permis leur diffusion très rapide dans les sphères de la droite américaine.

      Lire sur le sujet :
      « MacronLeaks », compte offshore : l’ombre des néonazis américains
      La longue traîne des activités de Rebel Media Group, l’éditeur de The Rebel, s’étend sur plusieurs pays. En France, récemment, le site a envoyé son correspondant à Londres, Jack Buckby, et l’une de ses collaboratrices, Martina Markota, pour filmer des vidéos sensationnalistes des manifestations des « gilets jaunes ». Martina Markota, qui est Américano-Croate, mène aussi d’autres projets en Europe pour Rebel Media, comme ces vidéos consacrées à la « résistance culturelle » en Pologne ou sur les « mensonges des médias sur la patriotique Croatie ».

      La ligne du site et de ses différentes filiales est proche de celle de Breitbart News : ses articles dénoncent pêle-mêle l’immigration, l’islamisme, les gauches américaines, canadiennes, européennes… Le site dépeint une Europe au bord de l’effondrement, notamment à cause de l’immigration, et a fait campagne pour le Brexit.

      Sollicité par Le Monde, Ezra Levant, le fondateur de Rebel Media, n’a pas répondu à nos questions. Dans un courriel, il a estimé que « Le Monde qui fait un article sur l’ingérence étrangère, c’est comme si Harvey Weinstein dirigeait une enquête sur le harcèlement sexuel ». Il a par ailleurs demandé s’il devait transmettre ses réponses « à votre agent traitant à l’ambassade de Russie » – référence à une supposée instrumentalisation du Monde par le KGB pendant la guerre froide.

      « Haine et désinformation »

      Rebel Media bénéficie d’un autre soutien financier de poids. Le milliardaire Robert Shillman, qui a fait fortune dans les machines-outils avec sa société Cognex, a contribué à payer les salaires de journalistes du site. M. Shillman finance de très nombreux projets anti-islam, dont le centre Horowitz, décrit par l’organisation de lutte contre la haine SPLA comme la source « d’un réseau de projets donnant aux voix antimusulmanes et aux idéologies les plus radicales une plate-forme pour diffuser la haine et la désinformation ».

      Si l’investissement détaillé de M. Shillman dans Rebel Media n’est pas connu, en revanche, il est public que le milliardaire a financé les salaires de plusieurs « Shillman Fellows », qui travaillent ou ont travaillé pour Rebel Media. Par ses différentes fondations et des attributions de bourses (« fellowships »), M. Shillman a ainsi financé plusieurs groupes et militants d’extrême droite en Europe. Aux Pays-Bas, il est un important soutien du chef de file d’extrême droite Geert Wilders, qui reçoit depuis des années des aides par le biais de la fondation Horowitz. L’extrême droite américaine, qui admire M. Wilders et voit dans les Pays-Bas un terrain de lutte privilégié, y finance divers canaux de propagande politique.

      L’institut Gatestone, par exemple, qui a financé la production de vidéos dans le pays par Rebel Media, et notamment Gangster Islam, un petit film anti-immigration du journaliste Timon Dias, « fellow » rémunéré de l’institut. M. Dias a depuis lancé un projet de site anglophone d’actualité « branchée » et très à droite, The Old Continent, et travaille en parallèle pour Geenstijl (« aucun style », en néerlandais), un blog « politiquement incorrect » régulièrement accusé de sexisme et de racisme.

      Mais le rôle de Rebel Media et de ses généreux donateurs est encore plus surprenant dans les pays anglophones d’Europe. Fin 2018, The Times révélait que quatre militants de l’extrême droite britannique avaient bénéficié d’une bourse financée par Robert Shillman, et avaient été salariés par Rebel Media avec un financement du milliardaire américain. Ce petit groupe était dirigé par Tommy Robinson, fondateur du groupuscule d’extrême droite English Defense League et proche du parti UKIP et de son ex-chef Nigel Farage.

      Publicité anti-IVG

      Le groupe écrivait des articles et des vidéos anti-immigration et pro-Brexit. Le projet a tourné court en mai 2018, quand M. Robinson a été arrêté et condamné à treize mois de prison pour un reportage provocateur et islamophobe.

      Après son arrestation, Tommy Robinson a été l’objet d’articles prenant sa défense dans l’ensemble des médias financés par Robert Shillman ; le think tank Middle East Forum, qui compte parmi ses principaux contributeurs les frères Charles et David Koch, des milliardaires américains ultraconservateurs, a financé ses frais de justice, comme il l’avait fait en 2009 pour ceux de Geert Wilders.

      Le 26 février, Facebook a annoncé avoir supprimé les comptes de M. Robinson sur Facebook et sur Instagram, en raison de « violations répétées de nos règles, de la publication de contenus déshumanisants et d’appels à la violence contre les musulmans ». La mesure est exceptionnelle pour une figure politique connue ; son compte Facebook comptait plus d’un million d’abonnés ; il ne conserve que sa chaîne YouTube.

      Un autre compte Facebook a été brièvement inaccessible ce 26 février, géré par un homme qui apparaissait souvent dans les vidéos de M. Robinson et faisait partie du petit groupe financé par M. Shillman : Caolan Robertson. Cet ancien salarié de #Rebel_Media, qui a depuis claqué la porte avec fracas en accusant son ex-employeur de malversations financières, est un jeune militant de l’« alt-right », coutumier des coups d’éclat en ligne. En avril 2018, alors que l’Irlande s’apprête à voter pour le référendum sur le droit à l’avortement, sa silhouette apparaît subitement dans les fils Facebook de milliers d’internautes. Dans une vidéo publicitaire, on voit le jeune homme interpeller des femmes qui manifestent en faveur du droit à l’IVG ; le montage est conçu pour leur donner l’air ridicule.

      En quelques semaines, la #vidéo a été vue plus d’un million de fois – dans un pays de 4 millions d’habitants. Qui a financé cette publicité ? M. Robertson a affirmé qu’elle avait été payée par « une entreprise américaine ». Quelques semaines avant le vote, face au tollé suscité en Irlande par les nombreuses campagnes financées par des groupes étrangers et notamment américains, Facebook avait annoncé bloquer toutes les « publicités étrangères » et promis de publier les données liées à ces publicités. Près d’un an plus tard, les données sont toujours en cours de compilation, explique Facebook au Monde, mais devraient être mises en ligne « dans les prochaines semaines ». La vidéo où apparaît Caolan Robertston, elle, est toujours en ligne.

      #moneymakestheworldgoround (sometimes) #conspirationnisme

  • Un million de pauvres oubliés des statistiques Louis Maurin - 21/09/2018 - Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/un-million-de-pauvres-oublies-statistiques/00086201
    Source : http://www.observationsociete.fr/revenus/pauvrete/pauvresnoncomptes.html

    Officiellement, la France compte cinq millions de pauvres si l’on utilise le seuil à 50 % du niveau de vie médian. Ce chiffre ne comptabilise pas une grande partie de la population la plus pauvre. Probablement supérieure à un million de personnes. Revue de détail.

    1/ Les pauvres parmi les pauvres
    Les données sur la pauvreté ne prennent pas les plus pauvres, éloignés de tout système d’enregistrement statistique. Etablies à partir de données fiscales, les données officielles ne peuvent pas, de fait, comptabiliser les personnes qui vivent dans la plus grande misère, dans des bidonvilles, des squats ou à la rue. On estime que 140 000 personnes n’ont pas de domicile (données 2011). Une partie des étrangers sans papiers, les plus récemment arrivés, échappe aussi aux données. Les « gens du voyage » – au moins 250 000 personnes – sont eux aussi mal recensés par ce type d’enquête.

    2/ Les personnes qui vivent grâce au soutien familial
    Ce n’est pas tout. Une partie de la population dispose de très faibles revenus mais dépasse le seuil de pauvreté en raison de la prise en compte de l’ensemble des ressources du ménage. Ces personnes ne vivent pas dans la pauvreté au quotidien, mais elles seraient dans cette situation sans l’apport d’un revenu tiers. Elles se placent dans un rapport de dépendance vis-à-vis de l’apporteur des revenus. C’est le cas notamment de la plupart des femmes inactives dont le conjoint dispose d’un revenu suffisant pour que l’ensemble du ménage se situe au-dessus du seuil de pauvreté, mais qui, par elles-mêmes, n’ont aucune ressource.

    Il faut y ajouter toute une partie de jeunes adultes qui connaissent des difficultés d’insertion sur le marché du travail, contraints soit de rester vivre chez leurs parents, soit d’y revenir. Au total, la Fondation Abbé Pierre estime que 640 000 personnes sont contraintes de vivre hébergées par la famille ou des relations, dont 150 000 enfants de plus de 25 ans qui n’ont pas pu prendre leur autonomie faute de moyens et 340 000 enfants de plus de 25 ans contraints de revenir vivre chez leurs parents.

    La solidarité au sein du couple ou de la famille, voire des amis, fait qu’une partie de la population dispose d’un niveau de vie supérieur au seuil de pauvreté uniquement parce que l’on prend en compte le revenu de ceux qui l’aident. Pris individuellement, ces adultes entreraient dans les chiffres de la pauvreté, même s’ils vivent dans un ménage qui globalement n’est pas pauvre.

    3/ Ceux qui sont hébergés en collectivité
    Tous ceux qui vivent durablement en collectivité ne sont pas davantage comptabilisés par l’Insee. L’institut ne prend en effet en compte que les ménages individuels. En France, 1,5 million de personnes sont dans ce cas (données 2015), toujours selon l’Insee. Un million de personnes âgées vivent en maison de retraite : toutes ne sont pas pauvres, mais combien disposent de plus de 850 euros par mois ? Il faut y ajouter notamment les immigrés qui vivent dans des foyers de travailleurs, les détenus (70 000), en passant par les établissements sanitaires de long séjour (pour les personnes lourdement handicapées notamment), où les résidents doivent être rares à disposer de revenus supérieurs au seuil de pauvreté… La société Adoma, qui a remplacé la Sonacotra 1, loge à elle seule 60 000 personnes, dont une grande majorité de travailleurs immigrés âgés aux très faibles ressources.

    4/ Les ménages étudiants
    Les ménages où la personne de référence est étudiante sont aussi écartés de l’enquête de l’Insee. Ces ménages regroupent environ 400 000 personnes. Cette population mélange de jeunes étudiants qui « galèrent », doivent travailler quelques heures en complément de leurs études, et d’autres aux conditions de vie nettement plus favorable du fait du soutien financier de leurs parents, que l’on peut difficilement intégrer à la population pauvre.

    SDF, personnes âgées, femmes inactives, travailleurs immigrés en foyer, détenus, étudiants… « La France invisible » 2 des statistiques de la pauvreté a des visages très différents. L’Insee ne publie aucune donnée sur le sujet, mais le nombre de pauvres est très probablement supérieur d’au moins un million aux données officielles de la pauvreté, si l’on additionne l’ensemble de ces catégories. « Probablement » parce qu’en réalité il n’existe aucune estimation de ce chiffre…

    Il faut se méfier de tout simplisme. En Europe, on mesure la pauvreté de façon relative au niveau de vie médian de la population. Prendre en compte ces « invisibles » ferait baisser le niveau de vie médian de l’ensemble de la population et aurait pour effet… de réduire le seuil de pauvreté. Par construction, la statistique appréhende mal les populations qui ne vivent pas dans des logements dits « ordinaires ». Il n’y a pas une pauvreté « cachée » par les services statistiques officiels. On peut malgré tout constater qu’aucun chercheur ou aucun organisme statistique ne s’est penché sur la question, au moins dans les années récentes. Plutôt que d’exagérer la pauvreté en France en élargissant la définition par le haut, comme c’est souvent le cas, il serait préférable de mieux connaître ceux qui ne rentrent pas dans les « cases » statistiques habituelles de la pauvreté et qui pourtant ne se résument pas à une poignée de marginaux.

    L’invisibilité statistique peut conduire à une invisibilité sociale tout court. La pauvreté dans les maisons de retraite ou la pauvreté en « dépendance » (pour ceux qui dépendent de revenu d’une tierce personne) mériteraient en particulier d’être mieux étudiées.

    Cet article est publié en partenariat avec le Centre d’observation de la société. http://www.observationsociete.fr/revenus/pauvrete/pauvresnoncomptes.html

  • La politique antiterroriste vue par les musulmans
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/10/02/la-politique-antiterroriste-vue-par-les-musulmans_5363287_3224.html

    Une équipe de chercheurs universitaires a interrogé des musulmans sur le lien entre politique contre la radicalisation de l’islam et discriminations.

    La politique antiterroriste vue par les musulmans
    Une équipe de chercheurs universitaires a interrogé des musulmans sur le lien entre politique contre la radicalisation de l’islam et discriminations.

    Des associations militantes ont accusé, ces dernières années, la politique antiterroriste d’être porteuse de biais islamophobes. A leurs yeux, elle cible certains types de convictions et de pratiques religieuses, indûment retenus comme des indicateurs pertinents de dangerosité. En bref, ils accusent l’Etat d’être discriminatoire envers les musulmans dans sa conception et sa mise en œuvre de politiques antiterroristes, qu’elles soient répressives, préventives ou de renseignement.

    Une équipe d’universitaires a cherché à savoir si les musulmans eux-mêmes percevaient les choses de la sorte, et dans quelle mesure la politique antiterroriste et les discriminations étaient liées. La question leur semblait d’autant plus légitime que la France s’est tournée, après les assassinats commis par Mohammed Merah en 2012, puis plus encore après les attentats de 2015, vers une stratégie fondée sur la traque de la radicalisation. « A partir du moment où on a réfléchi en termes de radicalisation, on a mis l’accent sur une population considérée comme potentiellement radicalisable : les musulmans », résume Francesco Ragazzi, coordinateur de l’étude.

    Financé par l’Open Society Foundation de George Soros, ce travail a été conçu dans le cadre du Centre d’étude sur les conflits - Liberté et sécurité. Les universitaires se sont adjoint un « comité consultatif », où les associations militantes étaient bien représentées (Collectif contre l’islamophobie en France [CCIF], Stop le contrôle au faciès…), mais où était aussi présente la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Pour la première fois, leur étude fournit des données quantitatives sur l’impact des politiques antiterroristes sur la population musulmane.

    Les chercheurs se sont appuyés sur un sondage réalisé par téléphone du 5 février au 3 mars par l’IFOP. L’institut a extrait d’une population globale de 8 300 personnes un double échantillon. Le premier est composé de 426 personnes se disant musulmanes. Le second, de 501 individus sans relation avec la religion musulmane et représentatif de la population, sert de groupe témoin. Plusieurs séries de questions visaient à mesurer leur expérience personnelle et leur perception subjective de la discrimination, des politiques antiterroristes, leurs relations aux institutions ou encore leurs pratiques quotidiennes.

    Premier enseignement, pas forcément attendu : les musulmans se sentent individuellement exposés aux politiques antiterroristes (à travers le contact avec les forces de sécurité, mais aussi avec les travailleurs sociaux ou les éducateurs) dans les mêmes proportions que les non-musulmans. Ils indiquent même moins souvent avoir été en contact avec la police, dans ce cadre, que le reste de la population. Pourtant, un grand nombre d’entre eux (37,1 % contre 20,8 %) ont le sentiment d’être ciblés délibérément par les agents de cette politique, notamment les forces de police, et d’être moins bien traités par eux. Ils estiment le plus souvent être ciblés en raison de la couleur de leur peau (34,8 %) ou de leur origine (37 %) plus que de leur religion (15,2 %).

    Pourquoi l’hiatus qui se manifeste dans cette perception ? Parmi tous les facteurs étudiés par les chercheurs, l’un se révèle le plus efficace pour l’expliquer. Il s’agit de l’expérience passée de la discrimination. Le fait d’avoir été discriminé au cours des cinq dernières années abaisse systématiquement le niveau de confiance dans les institutions : plus une personne a été discriminée, moins elle a confiance dans les institutions. C’est aussi l’expérience de la discrimination au cours des cinq années passées qui explique le mieux un changement de comportement lorsqu’on est confronté à la politique antiterroriste (consultation des sites Internet, rapport aux médias, tenues vestimentaires, engagement politique et religieux…).

    Or les musulmans ont plus souvent (58,1 %) que les autres (26,9 %) le sentiment d’avoir été discriminés, que ce soit en cherchant un travail (29,8 % contre 13,6 % du groupe témoin), un logement (23,7 % contre 7,2 %), à l’école (17,6 % contre 5,4 %), lors d’un contrôle de police (24,4 % contre 4,8 %)… Ils n’attribuent pas majoritairement la discrimination dont ils ont été victimes à leur religion (citée par 23,5 %), mais d’abord à leur origine ou à la couleur de leur peau (58,3 %). Ces discriminations saperaient en quelque sorte la confiance dans les institutions et donc dans la légitimité de leur action, y compris antiterroriste.

    • Le texte ? On peu le demander gentiment, le texte en clair ?

      Les abus du Canada sont incroyables et trop bien cachés. Envers la terre, envers le territoire, envers les habitants déjà. Un pays pareil, tant vanté par le commun, aucun paywall ne peut se justifier face à la denonciation de ses exactions. Si ?!

      J’dis ça, en l’air.

    • Tout à fait..., Simon Roger partage sûrement cet avis.

      Au Canada, troisième réserve pétrolière mondiale, le poison de l’or noir de l’Alberta
      Par Simon Roger

      Publié le 06 Septembre 2018
      Contaminations (5/7). La province canadienne est souillée et défigurée par l’exploitation des sables bitumineux, qui empoisonne les fleuves, les lacs et les populations amérindiennes.

      A la sortie du long virage qui laisse entrevoir les premiers chalets de Fort Chipewyan, un panneau invite tout individu témoin d’un crime à contacter la cellule téléphonique mise à disposition par la police.

      La localité de 900 âmes du nord de l’Alberta, accessible par la route seulement quelques semaines par an, lorsque le froid est si mordant qu’il fige le lit des rivières en une glace suffisamment épaisse pour laisser circuler les véhicules, n’a pourtant pas le profil d’une cité de la peur. Ses habitants sont d’ailleurs bien incapables de se remémorer le moindre acte criminel commis ces dernières années dans le village peuplé de Premières Nations Mikisew Cree et Athabasca Chipewyan, deux groupes amérindiens parmi les cinquante composantes autochtones du Canada.

      La population de « Fort Chip », pourtant, débute la journée avec la boule au ventre, redoutant de tomber malade et inquiète pour l’avenir du lac dont la rive méridionale domine le panorama. Au milieu de l’hiver, seules quelques taches sombres rompent la monotonie de cette ligne d’horizon d’un blanc infini : elles signalent les îlots sur lesquels la végétation émerge du manteau neigeux.

      D’une superficie de près de 8 000 km2, le lac est de loin la plus grande retenue d’eau d’Alberta et de l’Etat voisin du Saskatchewan. Il est aussi la principale source de subsistance pour les populations amérindiennes, habituées depuis toujours à pêcher le grand brochet et le doré jaune dans l’Athabasca, à traquer le caribou, l’élan ou le bison dans les forêts alentour et à récolter des baies dans la nature environnante. Un mode de vie ancestral qui semble de moins en moins compatible avec une autre histoire albertaine, débutée celle-là vers la fin des années 1960, celle de l’extraction du pétrole issu des sables bitumineux.

      « On ne fait que survivre au jour le jour, maugrée Ray Ladouceur, un pêcheur de 76 ans. Depuis plus d’un demi-siècle, je vis du produit de ma pêche. Aujourd’hui, l’eau est polluée et le gouvernement a dû interdire la commercialisation de la pêche. »
      « On ne fait que survivre au jour le jour, maugrée Ray Ladouceur, un pêcheur de 76 ans. Depuis plus d’un demi-siècle, je vis du produit de ma pêche. Aujourd’hui, l’eau est polluée et le gouvernement a dû interdire la commercialisation de la pêche. » .
      « On ne fait que survivre au jour le jour, maugrée Ray Ladouceur, un pêcheur de 76 ans. Depuis plus d’un demi-siècle, je vis du produit de ma pêche. Quand les entreprises minières ont commencé à déverser leurs eaux usées dans la rivière Athabasca, qui se jette dans le lac, elles ont contaminé le poisson. Aujourd’hui, l’eau est polluée et le gouvernement a dû interdire la commercialisation de la pêche. » « Jusqu’où irons-nous, nous, les êtres humains, dans la destruction de toute chose ? », s’interroge le vieil homme avant de confier avoir perdu une quinzaine de membres de sa famille, victimes de cancers. Les rejets industriels qui affectent l’air, l’eau et le sol en seraient la cause.

      Infirmière au centre de santé, Jane Lepine recense de plus en plus de cas de cancers de l’estomac, du poumon ou du foie, de diabètes, de pathologies neurodégénératives, « parmi la population adulte, mais également chez les enfants de Fort Chipewyan ». « Cet endroit est une décharge publique de substances contaminantes, se désole l’infirmière, pour qui la prévalence de ces maladies ne peut être dissociée des émissions des activités pétrolières. Malheureusement, on manque de données sanitaires qui confirmeraient nos craintes. » Ce n’est pourtant pas faute d’avoir alerté l’autorité de santé de la province, Health Alberta, et son équivalent fédéral, Health Canada, qui a compétence pour agir dans les réserves indiennes dont fait partie le territoire de Fort Chipewyan.

      « Se faire soigner coûte très cher ici »
      Mais jusqu’à présent, les questions de la population locale n’ont reçu que des réponses très parcellaires. Cette quête de vérité obsède aussi John O’Connor. Ce médecin irlandais est arrivé au Canada il y a trente ans pour y remplacer un collègue européen ; il a fini par s’installer à demeure à Fort McMurray, la grande agglomération du nord de l’Alberta.

      Depuis 2000, lorsque plusieurs familles lui ont demandé d’y assurer quelques consultations hebdomadaires, le praticien s’intéresse au sort du village. « Je suivais déjà d’autres populations indiennes, mais pas Fort Chip, qui a la particularité d’être une communauté très isolée et condamnée à vivre en autosuffisance, explique John O’Connor. La route hivernale n’est ouverte que deux mois par an. Le reste du temps, il faut prendre l’avion pour aller se faire soigner à Fort McMurray, mais ça coûte très cher. »

      « Avant on se baignait dans le lac. Maintenant on ne peut plus. Mon grand-père chasse mais il ne trouve plus d’animaux. La plupart des jeunes s’en foutent des problèmes de pollution », se désole Chantel Wanderingspirit, 20 ans, au café de la station-service de Fort Chipewyan.
      « Avant on se baignait dans le lac. Maintenant on ne peut plus. Mon grand-père chasse mais il ne trouve plus d’animaux. La plupart des jeunes s’en foutent des problèmes de pollution », se désole Chantel Wanderingspirit, 20 ans, au café de la station-service de Fort Chipewyan. .
      Au gré de ses allers et venues, le médecin accumule les témoignages. « Les discussions tournaient beaucoup autour des changements de l’environnement, comme la raréfaction du nombre d’oiseaux, la mauvaise qualité de la viande issue de la chasse, les difformités constatées sur certains poissons… avec une préoccupation centrale, la qualité de l’eau du lac, décrit le praticien. J’ai observé ensuite des pathologies que je n’aurais jamais pensé identifier parmi une population d’un millier de personnes, par exemple plusieurs cas de cancers des voies biliaires, une maladie qui touche en temps normal un individu sur 100 000. » Il en informe les chefs des Premières Nations, interroge ses collègues médecins à Fort McMurray puis interpelle, en 2005, les autorités de santé. Sans réponse de ces dernières.

      Ce mutisme prendra fin après la diffusion par la télévision nationale canadienne CBC, quelques mois plus tard, d’un sujet relayant les questionnements de John O’Connor. Contraint de réagir à l’écho médiatique du reportage, Health Canada dépêche trois médecins sur place en mars 2006.

      Devant les journalistes qui couvrent la visite au centre de santé de Fort Chipewyan, l’un des représentants de l’agence fédérale boit un verre d’eau du robinet : preuve est faite que l’eau est parfaitement potable ! Aucune mesure sanitaire ne s’impose, concluent les trois experts avant de rejoindre leur avion en esquivant les questions de l’auditoire.

      « Taux de cancers plus élevés de 29 % »
      Les autorités de santé s’intéressent en revanche de près au docteur un peu trop suspicieux. Une procédure de radiation pour « mauvais comportement » dans le dossier de Fort Chip est ouverte contre John O’Connor par le collège des médecins et chirurgiens d’Alberta. La procédure ne s’éteindra qu’en novembre 2009, grâce à l’intervention d’un avocat et des habitants qui lancent une pétition pour soutenir leur médecin.

      Au même moment, fin 2009, sont rendues publiques les conclusions d’un rapport de l’Alberta Cancer Board sur l’incidence des cancers à Fort Chipewyan entre 1995 et 2006. Le document confirme l’augmentation de plusieurs types de pathologies (cancer des voies biliaires, du sang, du système lymphatique) et exige des études complémentaires afin d’en préciser les causes et d’évaluer l’état de santé général de la population. Une demande, là encore, classée sans suite.

      George Poitras est un ancien chef de la communauté indienne Mikisew Cree de Fort Chipewyan. « C’est David contre Goliath. Tout le delta est contaminé. Moins de 1 % des terres exploitées par les compagnies pétrolières ont été restaurées en cinquante ans. » SAMUEL BOLLENDORFF POUR LE MONDE
      « Ces taux de cancers 29 % plus élevés que la moyenne sont-ils de cause héréditaire, liés au mode de vie ou d’origine environnementale ? Nous avons plus que jamais besoin d’une étude impartiale, complète et rigoureuse pour répondre à cette question », insiste John O’Connor. Au centre de santé, on répond poliment que les informations – logiquement publiques – ne sont pas disponibles.

      « En 2017, plus de vingt personnes sont mortes à Fort Chip, presque toutes d’un cancer. C’est devenu une chose normale », relève Warren Simpson. A 48 ans, cet ancien salarié de plusieurs entreprises de sables bitumineux, qui fait face lui-même à son deuxième cancer, admet que peu de ses concitoyens osent pointer du doigt les industries. « C’est compliqué de scier la branche sur laquelle on est assis. »

      Ici comme partout ailleurs en Alberta, le pétrole règne en maître. Sur la route du cimetière de Fort Chipewyan se dresse un lycée. Il a été construit grâce aux subsides de la compagnie Shell Albian, comme le signale un panneau placé bien en évidence. Un peu plus loin sur la même chaussée apparaît un vaste complexe sportif, avec son terrain de hockey et sa piscine. Ces équipements ont été financés par le premier groupe pétrolier canadien, Syncrude, dont le logo orne la façade du bâtiment devant lequel se rangent, en fin d’après-midi, les pick-up qui laissent tourner leur moteur pour résister aux températures glaciales.

      « Notre industrie est le plus gros employeur de personnes autochtones au Canada, avance Terry Abel, vice-président de l’Association des producteurs de pétrole du Canada (CAPP en anglais). Au cours des dernières années, l’industrie bitumineuse a participé pour 4 milliards de dollars canadiens [2,5 milliards d’euros] au chiffre d’affaires des entreprises autochtones. Aucun autre secteur ne réalise un volume d’affaires équivalent avec elles », assène le dirigeant au siège de la CAPP, dans le quartier des affaires de Calgary, la capitale économique de l’Alberta.

      Des sables bitumineux faciles d’accès
      Le Canada possède la troisième réserve pétrolière de la planète, derrière le Venezuela et l’Arabie saoudite. Plus de 95 % de cet or noir imprègne les sables bitumineux, l’hydrocarbure non conventionnel composé de sable, de bitume et d’eau (80 % à 85 % de silice et d’argile pour environ 10 % de bitume).

      Selon les projections du Centre de recherches internationales associant Sciences Po et le CNRS (CERI), l’exploitation des sables bitumineux devrait apporter, au cours des vingt prochaines années, 200 milliards de dollars par an à l’économie canadienne. Seule la Russie pourrait se prévaloir d’une telle manne, mais ses gisements bitumineux, localisés en Sibérie, sont à des latitudes trop extrêmes pour envisager une activité rentable.

      Un site industriel de Syncrude, le premier groupe pétrolier canadien. La neige et le ciel virent au jaune, et les odeurs de soufre et d’ammoniac envahissent l’air de Fort McMurray.
      Un site industriel de Syncrude, le premier groupe pétrolier canadien. La neige et le ciel virent au jaune, et les odeurs de soufre et d’ammoniac envahissent l’air de Fort McMurray. .
      Les sables d’Alberta, en revanche, sont faciles d’accès. Autour de Fort McMurray, le bitume affleure à moins de 70 mètres de profondeur : il est extractible à l’aide de pelles géantes. Dans les deux autres gisements de la province, plus profonds, Peace River et Cold Lake, les compagnies recourent à la technique dite « in situ » : elles forent des puits et y injectent de la vapeur d’eau pour liquéfier le bitume, aspiré ensuite vers la surface. Ensemble, ces trois gisements couvrent une zone exploitable de 142 000 km2, plus vaste que la superficie de l’Angleterre, qui fit du Canada un dominion de la Couronne britannique en 1867.

      A cette époque, Fort Chipewyan était le haut lieu du commerce de fourrure de la région. Fondé en 1788 par la Compagnie du Nord-Ouest, le plus vieux comptoir de l’Alberta vivait au rythme des saisons de trappe et des campagnes de pêche sur le lac. Une existence à laquelle les doyens des communautés indiennes ont pu goûter, avant que l’industrialisation ne vienne rompre cet équilibre.

      « Quand j’étais enfant, on pouvait boire l’eau du lac, parfaitement limpide, et la forêt autour de Fort Chip était d’un vert profond, se remémore Ed Marten, conseiller au centre de santé local. Aujourd’hui, l’eau est couleur chocolat et la végétation est flétrie. »

      A la suite de la mise en route des premières installations minières en 1973, « des trappeurs sont tombés malades après avoir bu l’eau des rivières environnantes. On a vu arriver, venant du Sud, des fumées et des cendres des installations de Syncrude. On se disait que quelque chose ne tournait pas rond », retrace le Mikisew Cree de 65 ans, atteint d’un cancer à l’estomac, comme sa mère, morte en 2017.

      « Rejets durables »
      La génération d’Ed Marten a connu aussi le départ forcé pour le pensionnat catholique, « coupé des miens, de ma langue et de ma culture ». Ce passé douloureux est perceptible dans d’autres communautés indiennes, comme à Fort Smith, à 200 kilomètres plus au nord.

      Un panneau routier y signale le passage de la frontière avec la province voisine des Territoires du Nord-Ouest, mais rien ne distingue la localité de 2 500 habitants de sa cousine albertaine. Même quadrillage urbain, mêmes habitations colorées, même concentration humaine autour des points cardinaux de la vie dans le Grand Nord que représentent les stations-service et les épiceries.

      « Mon peuple vit ici depuis des milliers d’années. Tout ce que nous savons, nous le devons à la terre et à l’eau », confie François Paulette, un chef de la communauté Smith’s Landing.
      « Mon peuple vit ici depuis des milliers d’années. Tout ce que nous savons, nous le devons à la terre et à l’eau », confie François Paulette, un chef de la communauté Smith’s Landing. .
      François Paulette, un des chefs de la communauté Smith’s Landing, a préféré s’installer à la lisière de la forêt bordée par l’Athabasca. Dans cette zone où la rivière est agitée de puissants rapides, l’eau reste libre de glace au plus fort de l’hiver. « Un peu plus loin, on trouve un autre cours d’eau, Dog River, sur le plateau canadien, indique-t-il d’un geste ample. Mon peuple vit ici depuis des milliers d’années. Tout ce que nous savons, nous le devons à la terre et à l’eau. »

      « Mais il fut un temps [au début des années 1960] où le gouvernement décida de nous expulser de nos terres, prétextant que notre manière de vivre était en voie d’extinction, poursuit le chef de la communauté Déné, retiré à ses parents à l’âge de 6 ans pour l’école paroissiale. Quant à l’eau, il faudrait être naïf ou stupide d’espérer ne pas être touché par l’industrialisation. Les usines de pâte à papier, et après elles les compagnies de sables bitumineux, ont consommé beaucoup d’eau et rejeté beaucoup de déchets dans la rivière. »

      Le « traité no 8 », le texte qui régit depuis 1899 les rapports entre les communautés du nord de l’Alberta et la Couronne d’Angleterre, accorde aux populations indiennes un droit inaliénable de chasse et de pêche. Que vaut cet engagement sur des étendues de terres et d’eau souillées par les activités humaines ?, interpelle François Paulette.

      La région de Fort Smith n’a pourtant pas de pétrole, pas plus que celle de Fort Chip. Mais elles sont toutes deux irriguées par le réseau hydrographique de l’Athabasca. C’est par cette veine immense et ses affluents que les infrastructures pétrolières installées à plus de 200 km en amont diffusent leur poison liquide.

      « Le programme de suivi de la qualité de l’eau mis en place par le gouvernement d’Alberta n’est pas adapté aux risques des activités industrielles, soutient l’hydrogéologue canadien Gilles Wendling. On n’étudie pas, par exemple, les effets cumulatifs de ces rejets durables. » C’est l’une des revendications de l’association Keepers of the Water Athabasca (« Gardiens de l’eau de l’Athabasca »), qui tente de mesurer les impacts hydrographiques de l’exploitation des sables bitumineux, très consommatrice d’eau. L’ONG créée en 2006 recourt à l’expertise de chercheurs indépendants comme Gilles Wendling. « On en avait assez de la propagande des industriels et des agences gouvernementales de régulation, explique Jule Asterisk, l’une des porte-parole de Keeper. Les résistances sont très fortes lorsqu’on se penche sur ce sujet. »

      Dans la région de Fort McMurray, l’extraction des sables bitumineux se fait à partir de mines à ciel ouvert, comme cette unité du groupe pétrolier Suncor.
      Dans la région de Fort McMurray, l’extraction des sables bitumineux se fait à partir de mines à ciel ouvert, comme cette unité du groupe pétrolier Suncor. SAMUEL BOLLENDORFF POUR LE MONDE
      Sujet de tension entre la société civile, les autorités et les industriels, la question de l’eau n’épargne pas la sphère académique d’Edmonton, la capitale administrative de la province. Dans les bâtiments de briques rouges qui donnent à l’université d’Alberta un petit air de campus anglais, une étude alimente particulièrement la controverse, celle du professeur David Schindler. Connu pour avoir identifié, dans les années 1970-1980, les pluies acides comme vecteur de la mortalité des poissons des Grands Lacs, le biologiste a publié en 2010 la première étude d’importance sur la rivière Athabasca et ses affluents. Son équipe a retrouvé dans l’eau treize types de métaux lourds attribués à l’industrie des sables bitumineux, parmi lesquels du mercure, du nickel, du plomb, du thallium, de l’uranium et de l’arsenic.

      « Les concentrations de métaux lourds sont toutes très basses, en amont comme en aval des installations de sables bitumineux, et elles n’ont pas varié depuis des décennies », affirme de son côté William Shotyk, titulaire de la chaire d’agriculture et d’environnement de l’université d’Alberta, à partir de mesures collectées en 2016. Pour ce géologue, fier de faire visiter le laboratoire ultramoderne construit grâce aux fonds d’Alberta Innovates, l’agence de recherche financée par la province et le secteur pétrolier, « on retrouve les mêmes valeurs de contaminants que celles que l’on peut observer au nord de la Norvège, dans la région la mieux préservée d’Europe ! »

      « Risque extrême »
      « Soutenir qu’une industrie qui brûle de fortes quantités de pétrole et utilise des solvants chimiques en grand nombre ne génère pas de pollution n’est tout simplement pas crédible, rétorque le biologiste, aujourd’hui retraité. La question n’est pas de savoir si la pollution est avérée ou non, mais jusqu’à quel point elle affecte la biosphère. »

      Six mois après l’étude de David Schindler, un autre rapport scientifique a corroboré ses résultats, les experts de la Société royale du Canada ont notamment relevé le haut niveau de toxicité « chronique » des eaux rejetées par l’industrie dans ses bassins de décantation. Un an plus tard, la presse albertaine rendait public un document confidentiel du ministère de l’environnement qui qualifiait la contamination de la rivière Athabasca de « sujet de première importance ».

      Robert Grandjambe, guide et trappeur à Fort Chipewyan. « On mange du poisson du lac, du caribou, du canard sauvage. 90 % de notre alimentation provient du lac et des bois... Parfois, je me demande si nous voulons vraiment sauver l’environnement. »
      Robert Grandjambe, guide et trappeur à Fort Chipewyan. « On mange du poisson du lac, du caribou, du canard sauvage. 90 % de notre alimentation provient du lac et des bois... Parfois, je me demande si nous voulons vraiment sauver l’environnement. » .
      Masqués par la neige abondante de l’hiver, ces lacs artificiels vérolent peu à peu le paysage du nord de l’Alberta. Après un demi-siècle d’activité pétrolière, ils contiennent, en volume cumulé, 1 300 milliards de litres d’eau polluée, et pourraient nécessiter 50 milliards de dollars de frais d’assainissement, selon les calculs de Pembina. L’institut canadien spécialisé dans l’énergie a alerté à plusieurs reprises sur les fuites de certains bassins remplis de déchets industriels. « C’est un risque extrême sur le plan environnemental, confirme Simon Dyer, le directeur de Pembina à Edmonton, d’autant que le gouvernement d’Alberta continue d’exempter les entreprises de nettoyer ces bassins, comme la réglementation les y oblige. » En 2008, Syncrude avait été condamné à une amende de 3 millions de dollars à la suite de la mort de 1 600 canards qui s’étaient posés sur l’un des bassins de la compagnie pétrolière.

      La forêt boréale porte elle aussi les stigmates de cette addiction à l’or noir. Depuis la route bosselée et glissante qui relie Fort Chipewyan à Fort McMurray, l’agglomération de 75 000 habitants développée pour et par l’industrie bitumineuse, les futaies d’épinettes, de sapins, de mélèzes et de peupliers font apparaître d’impressionnantes trouées. Certaines sont dues aux feux de forêts qui embrasent régulièrement l’Ouest canadien pendant l’été. Mais les clairières résultent aussi des coupes dictées par les compagnies extractives.

      Cette déforestation n’est pas sans effets sur la biodiversité animale. Le caribou figure au premier rang des espèces les plus menacées. « En coupant les arbres, on crée des corridors qui permettent aux prédateurs comme le loup d’accéder plus facilement aux hordes de caribous », déjà fragilisés par le réchauffement climatique, explique Simon Dyer. Dans certaines régions de l’Alberta, leur population a décliné de 80 % depuis les années 2000, note l’Institut Pembina.

      Regroupé dans le parc national Wood Buffalo, le plus grand troupeau du monde de bisons des bois en liberté pourrait être la prochaine victime collatérale de l’industrie pétrolière. Inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1983, cette aire naturelle n’est qu’à 30 km d’un énorme projet d’exploitation de sables bitumineux porté par le consortium sino-canadien Teck Resources. Cette mine à ciel ouvert, d’une superficie de 290 km2, permettrait d’extraire 260 000 barils de pétrole par jour pendant plus de quarante ans.

      « Sentiment de honte »
      Teck assure que le projet n’affectera pas l’« intégrité » du parc. Les conclusions de l’entreprise, relayées par l’agence canadienne d’évaluation environnementale, ne convainquent pas les communautés riveraines, qui ont alerté l’Unesco. Dans leur rapport de mission, les experts onusiens estiment que le Canada manque à ses devoirs de protection et demandent aux autorités de mettre en œuvre d’ici à la fin 2018 les dix-sept recommandations énumérées dans leur synthèse.

      Près du parc naturel de Wood Buffalo, classé au patrimoine mondial de l’Unesco.
      Près du parc naturel de Wood Buffalo, classé au patrimoine mondial de l’Unesco. SAMUEL BOLLENDORFF POUR LE MONDE
      « Le gouvernement refuse de choisir entre croissance économique et exigence environnementale, analyse Becky Kostka, et les petites communautés indiennes du Nord ne pèsent pas face aux besoins énergétiques des grandes villes du sud de la province, Edmonton et Calgary. » La responsable des terres et des ressources de la Première Nation de Fort Smith, qui n’est pas d’ascendance indienne, dénonce aussi un problème de mentalité : « La plupart des Canadiens ignorent le sort des Premières Nations ou alors ils éprouvent un sentiment de honte face aux missions catholiques qui les ont colonisées par le passé. »

      Avec l’expansion de l’activité bitumineuse, la colonisation prend un autre visage en Alberta, celui d’hommes blancs célibataires, originaires des quatre coins du Canada et parfois même des Etats-Unis ou d’Europe, tous aimantés par « Fort McMoney » (le surnom de Fort McMurray) et sa ceinture d’usines fumantes et crépitantes. Car en dépit des variations du prix du pétrole, les sables bitumineux restent le meilleur filon pour amasser des dollars.

      Souvent installée dans des baraquements à la sortie de la ville, cette population uniforme écume à la nuit tombée les bars de la ville. Entre deux pintes de bière, Brad et ses collègues natifs d’Ontario ou du Nouveau-Brunswick, à l’autre bout du pays, partagent la même motivation. Opérateurs pour Syncrude, ils gagnent 150 000 dollars par an, « cinq fois plus que ce que l’on pourrait toucher dans nos provinces d’origine », précise Brad. « L’eau n’est pas polluée et le Canada est bien moins émetteur de gaz à effet de serre qu’un pays comme la Chine », ajoute son ami Daven.

      « Il faut stopper cette industrie sale »
      De toute façon, « les sables bitumineux, c’est comme la politique, mieux vaut ne pas aborder le sujet si vous voulez conserver vos amis, ironise Denis Roy, électricien pendant quarante ans à Fort McMurray. Bien sûr que l’industrie pétrolière contamine la région, confie le retraité, mais personne ne veut perdre son boulot. »

      Selon les prévisions de la CAPP, la production de pétrole brut (issu des sables bitumineux de l’Ouest canadien) devrait passer de 2,3 millions de barils par jour en 2015 à 4,8 millions en 2030. « Tant que la demande mondiale de pétrole sera forte, l’industrie canadienne des sables pétrolifères souhaitera y répondre », commente sobrement Terry Abel, le numéro deux des producteurs de pétrole.

      De Calgary à Fort Chipewyan, 900 km plus au nord, personne n’envisage la fin prochaine de l’exploitation des gisements bitumineux. « On a besoin l’un de l’autre, résume Archie Waguam, le chef des Mikisew Cree de Fort Chip, à propos des compagnies pétrolières. Et puis, si c’est nécessaire, on peut sortir un carton rouge et bloquer un projet trop nocif pour l’environnement. » Mais le leader indien préfère sortir son carnet de chèques et faire prospérer les affaires des siens. En décembre 2017, les Mikisew Cree et la Première Nation de Fort McKay ont conclu une participation de 49 % dans un parc de stockage du pétrolier Suncor d’un montant historique de 500 millions de dollars.

      Le tableau blanc sur lequel Archie Waguam a griffonné les priorités de sa communauté pour les cinq ans à venir fait apparaître le développement économique en tête de liste, et la santé en cinquième position. Les permis d’exploitation accordés aux compagnies pétrolières assurent aux Premières Nations des revenus de plusieurs millions de dollars chaque année. « On a plusieurs joint-ventures avec les pétroliers et on développe nos propres affaires. On vient par exemple de lancer la construction d’un hôtel de luxe à Fort McMurray », se vante le responsable.

      Si les montants de ces tractations demeurent confidentiels, l’existence de négociations entre populations locales et secteur privé est connue de tous. « Qu’est-ce qui est préférable, poursuivre une entreprise pour atteinte à l’environnement et prendre le risque de perdre devant la justice, ou négocier directement avec elle des compensations financières ? », argumente Melody Lepine, qui défend les intérêts des Mikisew Cree auprès de l’industrie.

      Au milieu de l’hiver, seules quelques taches sombres rompent la monotonie du lac Athabasca : elles signalent les îlots sur lesquels la végétation émerge du manteau neigeux.
      Au milieu de l’hiver, seules quelques taches sombres rompent la monotonie du lac Athabasca : elles signalent les îlots sur lesquels la végétation émerge du manteau neigeux. SAMUEL BOLLENDORFF POUR LE MONDE
      Parmi les habitants de Fort Chip, tout le monde ne goûte pas le pragmatisme des élus indiens. « L’argent est l’autre fléau qui mine notre communauté », s’inquiète le guide et trappeur Robert Grandjambe, qui dénonce pêle-mêle la corruption de certains chefs et les enveloppes de 350 dollars distribuées par les compagnies pétrolières, selon plusieurs témoins, aux participants à leurs réunions publiques.

      « C’est l’argent qui mène le monde aujourd’hui, constate aussi Alice Rigney, la responsable du centre local pour les jeunes. Mon père a vécu quatre-vingt-dix ans, il n’avait que ce qu’il pêchait dans le lac et ce qu’il trouvait dans la nature, mais il est mort heureux. Il faut stopper cette industrie sale qui contamine l’eau et pollue la planète. » « Personne n’ignore aujourd’hui que les énergies fossiles aggravent l’état de la planète, et pourtant elles continuent de se développer, note l’ancien chef des Mikisew Cree de Fort Chipewyan, George Poitras. C’est comme si quelqu’un vous frappait et que vous lui répondiez : ne t’arrête pas, continue de frapper. »

      Contaminations : sept reportages dans des zones souillées à tout jamais
      Depuis dix mois, Le Monde s’est associé au photographe Samuel Bollendorff pour explorer et rendre compte d’une réalité à peine imaginable. Des zones entières du globe, des villes, des forêts, des lacs, des océans, sont devenues impropres au développement humain, souillées à tout jamais, peut-être le prélude à notre monde de demain. Ces territoires se situent majoritairement dans les pays qui ont vu naître l’industrialisation.

      Sept journalistes se sont succédé d’Anniston aux États-Unis à Dzerjinsk en Russie, de Fort Chipewayn au Canada, à Regencia au Brésil, de Fukushima au Japon à « la terre des feux » à côté de Naples, jusqu’au grand gyre du Pacifique. Ils ont enquêté sur ces millions de kilomètres carrés contaminés aux produits chimiques, aux hydrocarbures, à la radioactivité. Et ont découvert des paysages dévastés ainsi que des populations rongées par un mal invisible, le lent poison qui s’est infiltré dans leur environnement, avec l’assentiment des autorités. Leurs reportages ont été rassemblés dans une série baptisée « Contaminations », que nous publions du 1er au 8 septembre en sept volets.

      Au premier abord, dans les images, tout semble paisible, harmonieux, rassurant : une mer calme, une forêt éclairée par une lumière douce… Mais derrière cette séduction apparente, la réalité est toxique. Car la contamination est bien souvent invisible à l’œil nu. Et c’est tout l’intérêt de cette démarche photographique : elle donne l’illusion de la beauté bucolique à l’endroit même où la nature est empoisonnée. Le travail photographique de Samuel Bollendorff est aussi exposé à Visa pour l’image, le festival international du photojournalisme à Perpignan, du 1er au 16 septembre.

  • L’ouvrage « La tentation radicale » d’O. Galland et d’A. Muxel : une enquête défectueuse | Jean Baubérot
    https://blogs.mediapart.fr/jean-bauberot/blog/100418/l-ouvrage-la-tentation-radicale-d-o-galland-et-d-muxel-une-enquete-d

    Questions et réponses auraient été différentes si la composition de l’échantillon avait permis une véritable comparaison… et si la perspective avait été plus distanciée. La #laïcité en est un exemple type ou les préoccupations des acteurs adultes (proviseurs, enseignants[8]) sont reprises, sans tenir compte des travaux effectués sur la question. Ainsi est proposée l’affirmation : il est normal que « les jeunes filles qui souhaitent porter le voile en raison de leurs convictions religieuses ne puissent pas le faire à l’école ». Je suis sûr que, n’ayant pas accompli les longs dépouillements sophistiqués issus de tout le lourd dispositif mis en place par l’équipe, vous n’avez aucune idée du groupe qui s’est montré le moins en accord avec cet item, le groupe des « chrétiens » ou celui des « musulmans ». Je ne vous fournirai pas la réponse afin de maintenir l’insoutenable suspens qui va vous faire précipiter chez votre libraire favori pour acheter l’ouvrage !

    Je ferai seulement remarquer que la loi de 2004 interdit les « signes religieux ostensibles » et, avec la circulaire, nommément la kipa : tout le « système politique » s’est d’ailleurs évertué à nous dire qu’il ne s’agissait pas d’une loi « antivoile ». Galland serait-il en « rupture » avec ce système ? Bref, si la question avait été posée, selon les termes de la loi et à l’échantillon que je suggère, les résultats n’auraient sans doute pas été les mêmes.

    D’autre part, impertinent comme je suis, j’aurais complété la seconde question, l’affirmation « les cantines scolaires devraient servir des plats différents selon les convictions religieuses des élèves » par « …comme l’armée française le fait pour ses soldats »[9], histoire d’inciter les élèves à enrichir leur réflexion sur la laïcité, par la connaissance de la différence entre la laïcité scolaire et la laïcité militaire que, curieusement, aucun membre du « système politique » n’aborde.

    La laïcité elle-même est réduite à ces deux questions. Aucune question, par exemple, sur la présence ou non de crèches dans les bâtiments publics, ou sur les dites racines chrétiennes de la France… ou il aurait été, pourtant, intéressant de comparer les réponses des musulmans et des catholiques. Et je n’ai fait qu’une allusion à un autre sous-échantillon : les « sans religion ». Tout simplement parce que l’ouvrage ne fait état d’aucune question qui aurait pu mesurer leur propre « radicalité ». Pourtant, j’en ai une sur les lèvres : « est-il légitime de croire qu’il y a une seule vraie religion » ?

    • La fabrique du coupable musulman | Par Patrick Simon, Socio-démographe
      https://aoc.media/analyse/2018/06/15/fabrique-coupable-musulman

      Depuis une quinzaine d’années [1], les populations musulmanes sont au cœur de débats publiques virulents en France, comme dans de nombreux pays européens. Ils portent aussi bien sur l’organisation et la représentation de l’Islam, sur les formes d’expression religieuse dans l’espace public et dans les institutions, que sur les modalités de participation dans l’école (élèves et parents) ou les entreprises, et plus généralement tout ce qui rend visible l’existence de musulman.e.s . Les unes de la presse magazine s’enchaînent sans discontinuer, faisant mine de s’inquiéter comme l’Express du 26 septembre 2012 avec « La peur de l’islam » ou dénonçant cet « Islam sans gêne » (Le Point du 30 Octobre 2012), voire la « Conquête islamique » (Valeurs Actuelles du 4 octobre 2017). Les cassandres médiatiques diagnostiquent l’irrémédiable incompatibilité de l’islam et de la République et l’inassimilabilité des musulman.e.s, tandis que des responsables politiques de premier plan, dont un ancien premier ministre, convertissent la laïcité en machine d’exclusion massive. Le choc des attentats de 2015 a renforcé ce contexte de chasse aux sorcières et pendant que la spirale à stigmatisation s’emballe, les antiracistes se déchirent sur le vocabulaire approprié pour qualifier la situation : islamophobie ou racisme anti-musulman ?

      Dans ce contexte de surenchère où les faits divers déformés tiennent lieu de vérité sociologique, on attend des sciences sociales qu’elles informent le débat public avec des recherches documentées en prise avec les dynamiques sociales et politiques, nourries de travaux empiriques. Contrairement aux commentaires fréquents des pouvoirs publics, les recherches sur l’Islam et les musulmans en France se sont beaucoup développées, et le cumul des connaissances atteint désormais une masse critique très significative. C’est en revanche du côté des recherches quantitatives que le déficit perdure. Or les données statistiques tendent à fournir des arguments d’autorité dans les débats publics, et leur absence ne permet pas de contrer la contestation de nombre de travaux monographiques de qualité quand ils ne vont pas dans le sens des attentes politiques.

      Commentant en 2010 les données disponibles sur les personnes musulmanes, Claude Dargent relevait qu’elles étaient très largement lacunaires : non seulement la religion est rarement renseignée dans les grandes enquêtes de la statistique publique, mais même quand c’est le cas, les musulmans qui ne représentent que 7% de la population française ne constituent que de très petits effectifs dans les enquêtes et sondages en population générale. Le nombre de personnes musulmanes lui-même fait l’objet d’estimations les plus diverses et fantaisistes, avec des fourchettes de 5 à 10 millions de personnes pour l’ancien ministre de l’intérieur Claude Guéant, 8 millions pour le polémiste très droitier Jean-Paul Gourevitch qui voit des musulmans cachés partout, voire près de 30 millions pour les contempteurs du grand remplacement qui ont intérêt à faire du nombre pour crédibiliser leur rhétorique.

      Ces surenchères se nourrissent de l’idée qu’il n’est pas possible de connaître vraiment le nombre de musulmans, précisément parce que les données manquent, ou lorsqu’elles existent, qu’il y a un intérêt à minimiser leur présence. Les Français sont d’ailleurs ceux qui surestiment le plus la proportion de musulmans dans leur pays (à 31% au lieu de 7,5%) si l’on en croit le sondage « The perils of misperceptions » réalisé par Ipsos-Mori en 2016.

      Or les choses changent : l’enquête Trajectoires et Origines (TeO) réalisées en 2008-2009 par l’Ined et l’Insee comprend un échantillon représentatif de 5 700 personnes se déclarant musulmanes enquêtées en France métropolitaine, et d’autres enquêtes enregistrent la religion ce qui permet des analyses spécifiques sur les musulmans. On connaît donc avec une fiabilité certaine le nombre de personnes se déclarant musulmanes en 2008 – 4,1 millions – et on dispose d’informations détaillées sur leurs pratiques et trajectoires sociales. De nombreux travaux plus monographiques ont été conduits : les recherches sur l’islam en France éclairent de manière plus substantielle la situation des musulmans. Mais cela ne répond pas à l’accusation lancée aux musulman.e.s de ne pas jouer le jeu de l’intégration républicaine. Un nouveau type d’enquêtes est alors apparu pour instruire le procès : les musulman.e.s ne seraient-ils et elles pas en train de faire sécession, repliés sur leur communauté, en rupture avec la loi commune, résolument contre la laïcité mais également contre l’égalité entre femmes et hommes, homophobes, antisémites et pour faire bonne mesure se détachant de l’identité nationale française ?

      L’intérêt inquiet pour les attitudes, et plus largement les valeurs et représentations du monde des musulman.e.s, s’est ainsi retrouvé dans deux enquêtes récentes, celle conduite pour l’Institut Montaigne dans le cadre du rapport « Un islam français est possible » et l’enquête dirigée par Olivier Galland et Anne Muxel La tentation radicale. Je voudrais relier la discussion des résultats – fortement médiatisés – de ces deux enquêtes pour en interroger les prémices et les méthodes développées tant elles me semblent procéder d’une même logique de procès à charge à l’encontre des personnes musulmanes. Pour le dire simplement, il ne s’agit pas de reprocher aux enquêtes de traiter des formes de radicalité ou de fondamentalisme religieux, mais plutôt de discuter la manière de le faire et l’interprétation des résultats.

      L’institut Montaigne a publié en septembre 2016 un rapport intitulé « Un islam français est possible ». Son objet était principalement pour Hakim Ekl Karoui, son principal rédacteur, d’apporter une lecture critique de l’organisation institutionnelle de l’islam en France et de proposer une série de recommandations pour le réformer, qu’il a complétées par la suite dans un essai paru en 2018. Mais avant de développer ce qui fait l’essentiel de son propos, le rapport livre les résultats d’un sondage réalisée par l’IFOP sur un échantillon de 1 029 personnes se déclarant musulmanes ou « de culture musulmane », c’est-à-dire ayant au moins un parent musulman mais ne se considérant plus comme tel.

      L’enquête fournit des éléments de cadrage sur les pratiques religieuses des personnes interrogées, mais entreprend surtout de saisir leurs rapports à la société, aux normes et aux institutions, leurs valeurs et leur opinions et attitudes. En toile de fond se dessine l’enjeu de cette connaissance : « proposer des solutions susceptibles d’accélérer la sereine insertion de la majorité silencieuse [des musulmans], mais aussi des mesures destinées à combattre le fondamentalisme, tout en ramenant le plus grand nombre possible de musulmans – souvent des jeunes – tentés par l’intégrisme vers des croyances et des idées en phase avec les valeurs républicaines » [2].

      Pour identifier les personnes musulmanes, l’IFOP a exploité un panel de 15 459 personnes où la question de la religion est posée pour tirer un échantillon de 874 musulmans et 155 personnes « de culture musulmane ». La justification de la présence de ces 155 non-musulmans, mais venant de familles musulmanes, n’est pas très claire, alors que par ailleurs les attitudes des musulmans ne sont pas comparées à celles de non musulmans. Cette absence de comparaison conduit à « exemplariser » les valeurs, normes et attitudes enregistrées, comme si seuls les musulmans devaient les développer alors qu’elles pourraient s’appliquer à beaucoup de non musulmans.

      C’est le cas notamment des questions sur la laïcité, interprétées de manière relativement négative alors qu’elles abordent le sujet de façon ambiguë. À partir de la question : « En France, la laïcité permet-elle de pratiquer librement sa religion ? », les auteurs concluent à une contestation de la laïcité lorsque les réponses sont négatives. Or il n’est pas nécessaire d’être musulman pour considérer que la laïcité coercitive développée ces dernières années complique la pratique religieuse. On peut adhérer ou pas à cette interprétation de la laïcité, mais de là à en déduire une « attitude de retrait et de séparation du reste de la société », il y a un pas que les auteurs franchissent trop rapidement. A ce compte, une partie significative de la population non musulmane nourrit des visées fondamentalistes.

      Autre exemples d’ambiguïté des questions retenues pour tirer le portrait du rigorisme musulman : dans les questions relatives à la mixité entre les sexes, notamment le fait d’accepter de se faire soigner par un médecin d’un autre sexe que le sien, de serrer la main à une personne de l’autre sexe ou de lui faire la bise, les musulmans font preuve d’une relative absence de sélection sexuée : plus de 90 % acceptent de se faire soigner par une personne de l’autre sexe et 88 % à lui serrer la main. Le rapport relève néanmoins que 30 % ne font pas la bise. Mais en quoi cette attitude est-elle spécifique aux musulmans ? Sait-on seulement combien de non-musulmans n’ont pas envie de faire la bise à l’école, au travail et plus généralement dans la vie sociale ? D’autres indicateurs construits sur la position à l’égard du port du voile ou de la burqa, de la consommation halal ou de la loi religieuse comportent leur part d’ambivalence et pourraient conduire à des interprétations plus nuancées que celles qui sont développées.

      Le problème central avec ces questions à sens multiples est leur utilisation pour construire une typologie des musulmans en les classant « des plus modérés aux plus autoritaires ». Selon cette typologie , 46 % des personnes musulmanes ou de culture musulmane sont « totalement sécularisées ou en voie d’intégration dans le système de valeur de la France contemporaine », 25 % développent une forte identité religieuse mais « acceptent la laïcité » et 28 % « réunissent des musulmans qui ont adopté un système de valeurs clairement opposé aux valeurs de la République ». Ce dernier groupe, qualifié de musulmans « rigoristes », est présenté comme en rupture avec la société.

      Cette conclusion spectaculaire n’a pas manqué de susciter les commentaires politiques alarmistes sur les dérives des musulmans en France et de faire fleurir les raccourcis de « rigoristes » à « djihadistes ». Une illustration récente est venue de Gérard Collomb dans son interview sur BFM/RMC au sujet du port du voile par une représentante étudiante de l’UNEF à Paris 4. Le ministre de l’intérieur a ainsi jugé choquant le port du voile par la syndicaliste, se demandant si « cet islam veut converger avec la culture française » et enchaînant sur l’attirance de jeunes musulmans pour Daech en citant les 28% de l’enquête.

      On comprend un peu mieux le problème quand la seule comparaison dans l’enquête entre les attitudes des musulmans déclarés et des personnes de « culture musulmane » (mais qui ont dit qu’elles n’avaient pas de religion) montre une étrange proximité de positions : si 28 % des musulmans sont dans le groupe des « rigoristes », c’est le cas de 21 % des non-musulmans. C’est-à-dire que des personnes sans religion adhèrent à des attitudes présentées comme le signe d’une forme de radicalisme religieux. Ce problème dans le design des questions et leur interprétation pourrait ne relever que d’un débat scientifique si les conséquences politiques de la publication des résultats n’avaient pas produit des effets stigmatisants sur les musulman.e.s de France qui n’en demandaient pas tant.

      La radicalisation religieuse et politique est devenue une question brûlante pour la recherche après les attentats de 2015. Parmi les projets financés par le programme « Attentats-Recherche » du CNRS figure l’enquête dont est issu l’ouvrage La tentation radicale : enquête auprès des lycéens dirigé par Olivier Galland et Anne Muxel (PUF). L’enjeu de l’enquête est de mesurer l’impact des idées radicales et les facteurs de leur appropriation par les enquêtés. Le ciblage sur les musulmans n’est pas explicite au début mais devient évident dans la constitution de l’échantillon et dans le traitement de l’enquête. En effet, si le dispositif comprend une enquête quantitative auprès de lycéens âgés de 15 à 17 ans doublée d’entretiens individuels et collectifs avec ce même public et une enquête « témoin » avec des jeunes du même groupe d’âge, les lycées enquêtés ont été choisis dans 4 académies (Créteil, Aix-Marseille, Dijon et Lille) en sur-représentant les lycées professionnels et polyvalents de sorte à avoir une forte représentation de « lycéens d’origine populaire et immigrée », dont des élèves musulmans. De fait 26% des 6 814 lycéens enquêtés dans 23 lycées se déclarent de religion musulmane, ce qui est bien plus que la moyenne en France (7,5% en population générale, mais sans doute plutôt 10% pour ces classes d’âge).

      S’intéressant à la radicalité, les promoteurs de l’enquête en fournissent une définition générale visant « un ensemble d’attitudes ou d’actes marquant la volonté d’une rupture avec le système politique, économique, social et culturel, et plus largement avec les normes et les mœurs en vigueur dans la société » et entendent couvrir non seulement la radicalité religieuse mais également la radicalité politique (sans fondement religieux). Pour autant, les analyses traitent séparément ce qui relève du religieux (le chapitre 2 sur la radicalité religieuse par Olivier Galland) et du politique (le chapitre 4 sur la radicalité politique par Anne Muxel). Curieusement le livre ne traite pas de leurs interactions, c’est-à-dire des usages politiques du religieux ou inversement du rôle de la religion dans la radicalité politique, de telle sorte que les deux chapitres ne conversent pas entre eux.

      À aucun moment, Anne Muxel ne mobilise la catégorie du religieux dans ses analyses de l’extrémisme politique. Cette déconnexion est d’autant plus étonnante que les spécificités de la radicalisation religieuse sont fortement débattues et déterminent l’interprétation que l’on peut avoir des passages à la violence à fondement religieux : cela tient-il avant tout d’une disposition de la religion – essentiellement l’islam – à générer les comportements de rupture violente, dont le terrorisme, ou la violence religieuse n’est-elle qu’une dimension de la violence politique ? Pour manichéenne qu’elle soit, cette alternative résume une partie des débats et on attendait de l’enquête qu’elle démêle l’écheveau des déterminations de la radicalité.

      Ce n’est pas précisément ce qu’elle fait dans les différents chapitres qui balaient de nombreux thèmes brulants mais selon des perspectives hétérogènes et parfois contradictoires. Aux deux chapitres sur les radicalités religieuses ou politiques s’ajoutent des chapitres sur les réactions des lycéens aux attentats de 2015, la réception des théories du complot et les relations entre frustration, discriminations et radicalité. J’ai déjà exposé dans une tribune du journal Le Monde mes critiques sur la façon dont le chapitre d’Olivier Galland dresse un procès à charge contre les jeunes lycéen.e.s musulman.e.s, et je voudrais résumer ici l’argumentaire sur les problèmes de l’administration de la preuve dans cette enquête.

      Tout d’abord, l’absence de représentativité de l’échantillon ne serait pas problématique si les singularités des comportements n’étaient pas attribuées au groupe spécifique des musulman.e.s. Or une partie des attitudes en matière de normes sexuelles et sexuées, notamment l’homophobie supposée des musulmans, se rencontrent également dans des segments de la population française qui n’ont pas été enquêtés ici. Le biais d’observation renforce l’interprétation de particularisme musulman.

      Deuxièmement, et c’est là ma critique la plus importante, les questions utilisées pour construire les indicateurs de radicalité et d’absolutisme religieux sont mal construites, ambiguës et équivoques. Si les enquêtes en psychosociologie ont testé des grilles de questions sur les attitudes autoritaires, réactionnaires, libérales etc, la façon d’enregistrer de façon non équivoque les attitudes à l’égard de l’homosexualité, la laïcité, ou l’absolutisme religieux est relativement fluctuante. Dans cette enquête, l’homophobie est captée par une question formulée ainsi « l’homosexualité est une façon comme une autre de vivre sa sexualité ». Celles et ceux qui sont en désaccord avec cette phrase sont considérés comme hostiles à l’homosexualité, mais il aurait été préférable d’utiliser une question directe mettant en évidence une hostilité à l’égard de l’homosexualité plutôt qu’une appréciation de type sociologique : on peut très bien considérer qu’il y a une façon spécifique de vivre sa sexualité en tant qu’homosexuel.le sans que cela soit nécessairement négatif.

      L’indicateur d’absolutisme religieux est déterminant dans les analyses décrivant les liens entre religion et radicalité. Or il n’est construit qu’à partir de deux propositions – « Il y a une seule vraie religion » et « lorsque la religion et la science s’opposent sur la question de la création du monde, c’est plutôt la religion qui a raison » – dont le registre de signification déborde le domaine de l’absolutisme ou du rigorisme religieux. Les lycéens interrogés qui se disent musulmans sont 35% à avoir choisi la première réponse et 81 % la seconde, alors que les chrétiens ne sont respectivement que 10% et 27% à les ratifier. Les élèves sans religion sont évidemment très peu concernés par ces orientations. De façon prévisible, l’indicateur d’absolutisme distingue essentiellement des musulmans (75% des « absolutistes » sont musulmans), de telle sorte que tous les comportements raccrochés à l’absolutisme sont explicables par l’appartenance religieuse. Il y a là un mécanisme d’endogénéité, pour utiliser une expression courante en statistique, ou un biais tautologique. Ainsi donc, l’analyse singularise les musulmans dans un indicateur, et explique ensuite que c’est la religion qui détermine la tolérance à la violence ou la propension à la déviance.

      Là encore, la déviance est approchée à partir de questions qui associent des transgressions civiques, comme conduire sans permis ou tricher aux examens, à des version explicites de violence, comme affronter les forces de l’ordre et la police. Ces attitudes extrêmement hétérogènes sont néanmoins traitées comme un continuum et associées dans l’indicateur qui devient synonyme d’une forme de disposition à la violence radicale. Celle-ci devient religieuse si l’enquêté trouve « acceptable dans certains cas de combattre les armes à la main pour sa religion ». Or le contexte de ce recours aux armes est laissé indéterminé et la façon dont les lycéens comprennent cette proposition apparaît variable pour les auteur.e.s qui relèvent que les lycéens peuvent avoir à l’esprit le droit à se défendre de minorités religieuses persécutées.

      Les enseignements des groupes de discussion, qui ont été mis en place par les chercheurs en plus des questionnaires, soulignent la diversité des interprétations derrière les réponses à ces propositions. C’est pourtant sur cette base qu’Olivier Galland conclut à un « effet islam » sur l’adhésion à des idées absolutistes et à la justification de la guerre religieuse, tandis que les propriétés scoio-économiques ou l’expérience des discriminations n’expliqueraient pas ou très peu ces orientations. Que ces conclusions soient ensuite infirmées par le chapitre dédié aux discriminations ne conduit pas les promoteurs de l’enquête à modifier leurs conclusions générales.

      On retrouve avec cette enquête, et les raccourcis qu’elle propose, les limites observées dans l’enquête de l’institut Montaigne, à savoir la confection d’indicateurs ad hoc pour démontrer la rupture des musulmans avec les normes collectives, une forme de particularisme engageant à l’affrontement avec la société et, dans le contexte actuel d’actes terroristes, à une violence radicale qui trouverait sa source essentiellement dans l’engagement religieux. Il ne s’agit pas de critiquer le principe d’enquêtes sur les valeurs, les opinions et attitudes des musulman.e.s, jeunes ou moins jeunes, mais d’en discuter la construction et la mise en œuvre. Chacune présente des limites méthodologiques qui fragilisent leurs conclusions. Elles contribuent de fait à la fabrique de la figure des musulman.e.s en coupable idéal, réactionnaire potentiellement violent en rupture de République. Certes, ce ne sont que 28% de rigoristes pour l’institut Montaigne ou 32% d’absolutistes pour Galland et Muxel, mais le message que ces enquêtes font passer est très clair : il y a une propension endogène à l’islam qui génère les dispositions radicales et violentes. Inutile de chercher d’autres explications, qu’elles soient sociales, liées à des trajectoires ou des expériences de stigmatisation ou de discrimination.

      Olivier Galland avait d’ailleurs annoncé la couleur dans un article de la revue Le Débat, quelques mois avant la publication du livre. Profitant de la controverse ouverte par l’ouvrage de Gérald Bronner et Etienne Géhin contre la sociologie critique, il dénonçait à son tour la « sociologie du déni » qui ignore les ratés de l’intégration des jeunes d’origine immigrée, et tout particulièrement des musulmans en France. Prenant pour cible l’enquête TeO de l’Ined, il reprochait à Vincent Tiberj et à moi de ne pas avoir perçu les mécanismes de radicalisation religieuse à l’oeuvre et de développer « une conception victimaire de la population immigrée ».

      Il est vrai que dans cette enquête nous n’avons pas cherché à savoir si les immigrés et leurs descendants pensent bien ou mal, mais plutôt à savoir ce qu’ils font et, solidairement, ce que la société et les institutions leur font, c’est-à-dire s’ils ont accès dans les mêmes conditions que les autres aux ressources de la société. Et la réponse que fournie l’enquête TeO est que les promesses d’égalité contenues dans le modèle républicain sont plus ou moins tenues pour les immigrés et leurs descendants d’origine européenne, mais très peu pour ceux d’origine maghrébine ou africaine. Nous n’avons pas décidé que ces derniers étaient des victimes, et nous utilisons du reste très peu cette terminologie. Nous montrons les conséquences de structures inégalitaires dans la société française qui sont non seulement fondées sur la classe sociale, mais également sur l’origine ethno-raciale et, pour ce qui concerne les personnes se déclarant musulmanes, sur la religion. Les inégalités et discriminations qu’elles et ils rencontrent sont démontrées par les résultats des analyses conduites sur la masse de données produites par l’enquête sur l’éducation, l’emploi, le logement, la vie familiale, la santé et les relations sociales.

      S’agissant du sentiment national, nous avons non seulement demandé aux enquêtés s’ils se sentaient français, mais également s’ils pensaient qu’ils étaient vus comme des français. Là encore les résultats sont sans ambiguïté : alors que près de 90% des descendants d’immigrés du Maghreb ou d’Afrique sub-saharienne se sentent français, ils sont plus de 40% à dire qu’ils ne sont pas considérés comme tels dans leur quotidien. Les personnes se déclarant musulmanes déclarent encore plus que les autres ne pas être vues comme françaises. Cette assignation aux origines ou à la religion et ce défaut de reconnaissance sont partagés par les Français d’origine turque ou asiatique et même par les Français des départements de l’Outre-mer. Nous en concluons que ce déni de francité révèle un problème d’acceptation que la diversité des origines, de la couleur de peau ou des religions et qu’il est une donnée constitutive de la société française. Nous montrons alors combien on ne peut oublier le rôle que joue la société dans son ensemble dans les processus d’intégration, plutôt que d’instruire à charge en rejetant la faute sur les immigré.e.s et leurs descendant.e.s.

      À ce titre, nous faisons effectivement une sociologie du déni, celle qui s’intéresse aux processus d’exclusion et de rejet dont toutes les enquêtes devraient se préoccuper. L’information existe dans les deux enquêtes qui sont discutées ici, mais leurs auteurs ont choisi d’autres pistes d’analyse. Qu’il soit permis de considérer qu’elles échouent sur deux plans déterminants du point de vue des sciences sociales : elles ratent une partie essentielle des processus à expliquer et elles renforcent les préjugés à l’égard des musulmans en France.

      [1] Il y a toujours une part d’arbitraire à fixer le début d’une séquence historique. La construction d’un problème public procède par étapes et dans le cas du « problème musulman » celui-ci présente une généalogie ancienne réactivée par le cadrage des grèves dans l’industrie automobile en 1982 et 1983 et la première controverse sur le voile à l’école de Creil en 1989. On peut néanmoins situer la montée en puissance du « problème musulman » aux débats aboutissant au vote de la loi sur les signes religieux à l’école de 2004 (voir A.Hajjat et M.Mohammed, Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le « problème musulman », La Découverte, 2013).

      [2] Institut Montaigne, Un islam français est possible, Septembre 2016, p.14.

  • L’agriculture biologique a de meilleures performances économiques que la conventionnelle

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/12/06/l-agriculture-biologique-a-de-meilleures-performances-economiques-que-la-con

    Selon l’Insee, dans les trois secteurs d’activité étudiés, le vin, le maraîchage et la production laitière, les agriculteurs bio obtiennent de bons résultats.

    L’agriculture verte n’a pas à rougir de ses performances économiques. Bien au contraire. L’étude intitulée « Les acteurs économiques et l’environnement », publiée mardi 5 décembre par l’Insee, montre, dans trois secteurs d’activité – le vin, le maraîchage et la production laitière –, que les agriculteurs bio dament le pion à leurs homologues tenants d’une agriculture conventionnelle sur le plan du résultat de leurs exploitations.

    Cet éclairage est d’autant plus intéressant que le sujet a encore été peu abordé. L’enjeu est d’avoir un échantillon suffisamment représentatif pour pouvoir tirer une analyse pertinente. L’institut a choisi de travailler sur les données 2013 et de se concentrer sur trois productions au sein desquelles la proportion d’exploitations bio est significative : le maraîchage (11 %), la viticulture (6 %) et le lait de vache (3 %). Ces produits sont aussi les plus plébiscités dans le panier des consommateurs.

    L’échantillon choisi par l’Insee compte 1 800 fermes en agriculture biologique qui ont été comparées à 28 000 exploitations dites « conventionnelles », sélectionnées dans les mêmes branches d’activité. Les viticulteurs bio ont en moyenne un chiffre d’affaires de 17 000 euros par hectare, soit 46 % de plus qu’en conventionnel.

    Recours plus important aux circuits courts

    Un écart qui s’explique d’abord par une meilleure valorisation des vins, avec des prix supérieurs de 10 % à 40 %. Mais aussi par une plus forte présence en zone d’appellation d’origine protégée (AOP). Et, malgré des frais de personnel une fois et demie supérieurs, l’excédent brut d’exploitation (EBE) atteint en moyenne 6 400 euros à l’hectare, contre 3 700 euros pour le viticulteur conventionnel.

    En maraîchage, le chiffre d’affaires moyen des producteurs bio est inférieur à celui de leurs homologues conventionnels (10 900 euros, contre 12 500 euros à l’hectare). Mais l’EBE, lui, est supérieur (3 300 euros contre 2 500 euros à l’hectare). Le fait d’utiliser moins d’engrais et de pesticides allège la facture.

    De même, le coût réduit des aliments et une meilleure valorisation du prix du lait (+ 18 %) permettent de compenser la différence de chiffre d’affaires des éleveurs laitiers bio, confrontés à une baisse de productivité d’un quart. Les aides à l’agriculture bio calculées à l’hectare soutiennent aussi les éleveurs. Résultat, leur EBE est, en moyenne, supérieur de 20 %.

    Autre facteur explicatif de la meilleure performance économique des exploitations vertes : un recours plus important aux circuits courts pour commercialiser leurs produits. C’est le cas pour 90 % des maraîchers bio et pour 70 % des viticulteurs bio.

  • Où vivent les pauvres ? L’Insee infirme définitivement la thèse de la France périphérique
    http://www.lagazettedescommunes.com/311993/ou-vivent-les-pauvres-linsee-infirme-definitivement-la-these-d

    Les deux tiers des personnes pauvres vivent au coeur des grands pôles urbains. En livrant la répartition des personnes pauvres par type de territoire (1), l’Insee apporte une réponse détaillée à la question « où vivent les pauvres ? ».

    L’institut permet de quantifier ce qui relevait de l’évidence pour de nombreux d’observateurs : les plus démunis vivent dans les communes les plus peuplées, là aussi où habitent les plus riches , et où les inégalités de revenus sont les plus grandes. Le tiers qui reste vit pour 17 % dans les communes périurbaines, pour 13,4 % dans les petites et moyennes agglomérations ou leurs communes proches (2) et 5,4 % dans les communes rurales isolées. La France périurbaine et rural ne regroupe qu’une minorité de personnes pauvres.

    #pauvres #villes #inégalités

  • LE SCANDALE DU DIESEL ALLEMAND AUX EFFETS MAL MESURÉS, par François Leclerc
    http://www.pauljorion.com/blog/2017/07/25/le-scandale-du-diesel-allemand-aux-effets-mal-mesures-par-francois-lecle

    À quoi tient la réputation de qualité de la production industrielle allemande et la prospérité du pays qui en découle ? Les scandales à répétition qui secouent son secteur automobile aux États-Unis et en Europe mettent la première à rude épreuve, en attendant la suite. Tout a commencé avec Volkswagen, puis s’est étendu à l’ensemble de la profession pour finalement atteindre Bosch en tant que sous-traitant fabricant des moteurs.

    Triste époque ! par leur ampleur, les amendes auxquelles les constructeurs sont condamnés pour le trucage des émissions de CO2 de leurs véhicules rappellent celles que les banques ont subies pour le même motif de tricherie. Comme si, les structures capitalistiques des premières où on retrouve les secondes aidant, les mêmes comportements prévalent par osmose dans les mondes économique et financier.

    Les constructeurs multiplient les rappels coûteux de millions de leurs voitures pour les modifier. Mais le mal est fait, l’industrie automobile allemande est descendue de son piédestal et a perdu sa réputation d’excellence dans le domaine du diesel. Les conséquences commerciales sont inévitables et se font déjà sentir sur les marchés d’exportation.

    Les constructeurs allemands ont tardivement réagi et le gouvernement a pris l’initiative, voyant avec inquiétude un fleuron de son activité industrielle durement mis en cause. Un plan défensif de sauvetage du diesel a été collectivement élaboré devant la menace que représente l’interdiction de la circulation des véhicules diesels dans des villes comme Stuttgart, le siège de Daimler et de Porsche et Munich, celui de BMW ! Mais le problème ne sera pas résolu pour autant, car il est craint que l’augmentation de la consommation qui résultera de la modification des réglages augmente les rejets de CO2… Sauver le diesel ne va pas être simple, d’autant que tous les véhicules utilitaires et poids lourds sont motorisés ainsi.

    Le scandale a rebondi avec les révélations de l’hebdomadaire Der Spiegel selon lequel un cartel clandestin aurait été constitué par les grands fabricants allemands de l’automobile. Comparé, le vaste trucage de onze millions de véhicules diesel par le groupe Volkswagen serait peu de choses si comme cela semble bien parti les faits se confirment. Ce groupe, déjà très éprouvé, aurait pris les devants en informant les autorités de l’existence du cartel, espérant bénéficier de la politique de la Commission qui encourage ce type d’initiative en exonérant son auteur de toute amende ! Il aurait encore pu être tenté de régler discrètement l’affaire, vu le contexte, mais Der Spiegel a dévoilé le pot aux roses.

    Liés à l’origine à la manipulation des émissions polluantes mais ayant ensuite élargi leur champ d’action (1), des groupes de travail secrets auraient fonctionné depuis les années 90, formant une entente strictement proscrite au nom du respect de la concurrence et de la protection des consommateurs. On peut toutefois s’attendre à ce que la Commission et l’Office anti-cartel allemand instruisent cette nouvelle affaire avec lenteur, vu ses nouvelles conséquences sur l’industrie automobile allemande. Non seulement en raison du montant des amendes qui sont prévues dans ce cas (2) mais également des conséquences financières qui commencent à en résulter.

    Les quatre plus grands constructeurs allemands représentent en effet 43% du chiffre d’affaires des 30 entreprises de l’index boursier DAX. Et leur cours est fortement à la baisse, leur PER (ratio cours sur bénéfices) ayant déjà chuté à 8, la moyenne de celui des 26 autres compagnies étant de 26. Les détenteurs de leurs actions ainsi que les souscripteurs des fonds de pension qui sont dans ce cas vont en faire les frais.
    Mais cela ne s’arrête pas là. Conséquence du cumul des milliards d’euros d’amendes déjà reçues, ainsi que des procès intentés par les clients et fournisseurs qui sont encore à venir, l’industrie automobile allemande est financièrement atteinte. Il ne faudrait pas en rajouter alors que le secteur est en pleine mutation, dans la perspective de la venue de la voiture à propulsion électrique qui s’accélère, ce qui réclame de lourds investissements dans les nouvelles technologies. Or le savoir-faire allemand réside dans la maitrise du diesel et les constructeurs ne sont pas en pointe dans ce domaine ! L’affaire ne se limite donc pas à un contre-temps passager : une des bases de la croissance économique allemande et de ses résultats à l’exportation est menacée.

    L’institut allemand Ifo publie un baromètre du moral des entrepreneurs faisant référence. Déjouant les attentes, elle rend compte de son humeur « euphorique » dans son dernier bulletin. Entraînés par la force de l’habitude et leur vision court-termiste, les 7.000 chefs d’entreprises interrogés ont-ils pris la mesure de ce qui se passe ?

    (1) Les échanges auraient porté sur le développement de véhicules, les systèmes de freinage, les moteurs diesel et essence, les transmissions et les systèmes d’échappement.

    (2) Daimler en a fait l’expérience l’an dernier, la Commission lui a infligé un milliard d’euros d’amende pour s’être mis d’accord sur les prix de vente de ses camions avec trois autres fabricants européens. L’amende peut aller jusqu’à 10% du chiffre d’affaires de l’entreprise, et donc atteindre presque 50 milliards d’euros pour les constructeurs allemands, en se basant sur leurs revenus de 2016. 

    Pour faire suite à la publication de Simplicissimus : https://seenthis.net/messages/617499

    #Allemagne #Industrie #Pollution #Diesel #Carambouille #Daimler #Porsche #BMW #Volkswagen #Bosch #Automobile #Ad-Blue

  • Une Exposition New-Yorkaise Présente une Artiste Saoudienne

    http://www.arabianow.fr/exposition-new-york-artiste-saoudienne

    Pour changer un peu.

    L’institut d’art arabe et islamique de New York a inauguré le 4 mai, une exposition présentant les oeuvres d’une artiste saoudienne originaire de Djeddah, Dana Awartani. Son art, comme celui d’autres artistes du Moyen-Orient, capture l’ampleur de l’art et de la culture du monde arabe et musulman.

    Plus connue pour son oeuvre réalisée avec du sable lors d’un festival d’art contemporain saoudien, le travail de Dana Awartani complète les oeuvres de l’artiste nonagénaire iranienne Farmanfarmaian ou encore l’artiste indienne Hashmi.

    #art #arabie_saoudite

  • Possédons-nous un « Vrai Moi » ?
    http://www.internetactu.net/2017/03/06/possedons-nous-un-vrai-moi

    L’institut international pour la #cognition et la culture (ICCI), qui regroupe un grand nombre de spécialistes des sciences cognitives (parmi les participants dont nous avons déjà parlé dans nos colonnes, on citera par exemple Dan Sperber, Pascal Boyer ou encore Harvey Whitehouse, que nous avons présenté récemment à propos de (...)

    #Articles #Recherches #biais_cognitifs #éthique #psychologie

  • Deux livres pour appréhender l’Islam

    Un frère dominicain, Adrien Candiard, membre de L’institut dominicain d’études orientales, propose un vade-mecum pour « Comprendre l’Islam ou plutôt pourquoi on n’y comprend rien ». Pas seulement à cause de toutes les bêtises entendues dans les bouches des politiques ou des journalistes dont le seul but est de susciter la haine et la guerre entre des communautés pour leur plus grand profit, du moins le croient-ils. Mais aussi parce que l’Islam dont on entend parler n’a rien à voir avec la réalité de cette religion profondément divisée entre des courants antagoniques qui semblent se référer au même texte, le Coran. Cette division n’est pas propre à l’Islam bien entendu. Elle se retrouve dans toutes les religions. Partout, des sectes pensent détenir la seule vision possible des textes sacrés.

    Sabrina Mervin dans « Histoire de l’Islam » cherche aussi à faire comprendre en utilisant les outils de l’Histoire. Elle commence par les prémisses pour arriver aux courants de pensée en passant par le droit islamique et sa méthode. Elle offre enfin les bases de trois dictionnaires : « Mots et thèmes », « Acteurs et Institutions » et « Les lieux ». Son ouvrage est sous titré : « Fondements et doctrines » et elle remplit son contrat.

    #théologie #islam
    http://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2016/09/07/deux-livres-pour-apprehender-lislam

  • #Sans-domicile : que veulent dire les chiffres ?

    L’#Insee vient de communiquer les premiers résultats de sa seconde grande enquête, en une dizaine d’années, sur les sans domicile. L’institut compte 141 500 personnes sans domicile, soit une augmentation de près de 50 % en dix ans. Que signifient ces chiffres ? Le point de vue de Julien Damon.

    https://o.twimg.com/2/proxy.jpg?t=HBhUaHR0cDovL2ltZy5zY29vcC5pdC9LVy1qRlBTb0paZ05nLTRqdEJKLUE0WFh
    http://www.inegalites.fr/spip.php?page=analyse&id_article=1796
    #SDF #sans-abri #statistiques #chiffres #France
    via @ville_en

  • Le Mali a exporté 70,2 tonnes d’or en 2015
    mardi, 12 juillet 2016
    http://www.agenceecofin.com/or/1207-39497-le-mali-a-exporte-70-2-tonnes-d-or-en-2015

    (Agence Ecofin) - L’institut national de statistiques du Mali a déclaré samedi dernier que le pays a exporté en 2015 un chiffre record de 70,2 tonnes d’or, en hausse par rapport aux 53,2 tonnes d’or exportées l’année précédente. Cette performance est due, apprend-on, à une production accrue des mineurs artisanaux.

    La production d’or du pays en 2015 a été évaluée à 2,2 milliards $. Des 70,2 tonnes d’or exportés, 46,5 tonnes proviennent des producteurs industriels, une hausse de 0,7 tonne par rapport à 2014. Les 23,7 tonnes restantes ont été produites par les mineurs artisanaux, une hausse de 16,3 tonnes par rapport à 2014.

    « Ces chiffres montrent que l’exploitation minière à petite échelle est en mouvement. C’est un secteur dynamique qui pourrait produire presque autant que les sociétés minières. Voilà pourquoi les autorités doivent l’organiser », a déclaré Abdoulaye Pona, président de la Chambre des Mines. Selon le ministère des mines, le Mali dispose de 350 sites pour l’exploitation minière à petite échelle et plus d’un million de personnes sont impliquées dans l’industrie.

    Le Mali est le troisième plus grand producteur d’or en Afrique derrière l’Afrique du Sud et le Ghana.

    Louis-Nino Kansoun

  • Les données personnelles de millions d’électeurs mexicains fuitent en ligne
    http://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/04/25/les-donnees-personnelles-de-millions-d-electeurs-mexicains-fuitent-en-ligne_

    Nom, adresse, date de naissance, emploi, identité des parents, numéro d’identification nationale… Les données personnelles et récentes de plus de 80 millions d’électeurs mexicains ont été accessibles librement en ligne, sans mot de passe ou autre système de sécurité, stockées sur un serveur Amazon.

    C’est ce qu’a révélé vendredi 22 avril Chris Vickery, un spécialiste de la sécurité informatique texan, qui dit avoir découvert cette base de données gigantesque le 14 avril. C’est la même personne qui avait, en décembre dernier, annoncé l’existence d’une base de données contenant des informations sur 191 millions d’électeurs américains, elle aussi accessible librement.

    L’Institut électoral national du Mexique, l’organisme qui recense les données des électeurs, a confirmé cette information, mais affirme ne pas être à l’origine de cette fuite. Elle pourrait venir, selon lui, d’un des neufs partis mexicains, à qui il fournit une copie de ces documents. Dans un entretien au site Motherboard, une représentante de l’institut assure que la base de données originale est stockée hors ligne et qu’elle est transmise aux partis sur des CD, des disques durs ou des clés USB. L’institut a annoncé avoir porté plainte pour « crime électoral ».

  • Les internautes français sont multi-écrans et très très sociaux, selon Médiamétrie
    http://www.usine-digitale.fr/article/les-internautes-francais-sont-multi-ecrans-et-tres-tres-sociaux-selon

    "Dans son rapport annuel, L’année Internet 2015, Mediamétrie confirme la percée des accès mobiles à Internet. L’institut de mesure des audiences révèle que désormais près de 70 % des Français ont un accès soit par téléphone mobile, soit par tablette. Selon l’enquête, 81,2 % des Français, soit 42 millions de personnes accèdent à Internet. En un an, le nombre d’internautes a crû de 447 000. Si l’accès par ordinateur a reculé de 0,4 %, le nombre d’accès par smartphone a augmenté de 8 % et celui des « tablonautes » a bondi de 34 %."

    #veille

  • Obama a fabriqué une présidence sur mesure pour The Donald
    http://www.dedefensa.org/article/obama-a-fabriqueune-presidence-sur-mesure-pour-the-donald

    Obama a fabriqué une présidence sur mesure pour The Donald

    C’est le sondage le plus significatif symboliquement sur Donald Trump comme hypothétique candidat à la présidence d’une part, sur la crédibilité et l’influence du président Obama d’autre part. L’institut de sondage Zogby a fait une enquête sur l’hypothèse d’un affrontement pour la présidence entre Trump et Obama, et Trump ne serait pas loin de l’emporter : 38% pour Trump, 41% pour Obama. Compte tenu de la réputation de The Donald comme clown et “candidat impossible” pour une fonction de cette importance, compte tenu de la pompe, de l’autorité et de la symbolique approchant une sacralisation-Système qui caractérisaient (imparfait impératif) cette fonction et donc l’homme qui l’assume, c’est un résultat impressionnant.

    Cela ne dit rien, ni du résultat (...)

  • Le taux de chômage au plus haut depuis près de vingt ans
    http://www.lesechos.fr/economie-france/social/021531242688-le-taux-de-chomage-au-plus-haut-depuis-pres-de-vingt-ans-11813

    Après l’annonce il y a une semaine d’ un très fort rebond des inscrits à #Pôle_emploi en octobre , l’Insee a fait état ce jeudi d’une nette et inattendue dégradation du marché de l’#emploi au troisième trimestre. L’institut a annoncé une hausse du taux de #chômage, mesuré au sens du Bureau international du travail, de 0,2 point cet été. Il culmine désormais à 10,2 % en métropole et à 10,6 % (+ 0,2) en incluant l’outre-mer. De tels sommets n’avaient plus été atteints depuis 1997 (10,4 en métropole et 10,7 % avec l’outre-mer, pics historiques), soit près de vingt ans.
    A quelques jours du premier tour des élections régionales , dimanche, c’est une nouvelle douche froide pour le gouvernement et le camp socialiste.

  • Les premières géographes universitaires en France : enquête sur les débuts d’une féminisation disciplinaire (1913-1928)

    Dans le premier quart du XXe siècle, la géographie universitaire française connaît une féminisation lente et difficile, mais réelle, accélérée par la Grande Guerre. C’est le temps des pionnières, autant dans les revues disciplinaires que dans l’institution académique. Cependant, si plusieurs noms sont déjà connus parmi ces premières géographes féminines, il s’agit ici de systématiser l’étude, de quantifier et d’expliquer le phénomène, et d’évaluer la réalité de cette présence dans un champ scientifique jeune mais considéré comme particulièrement rétif aux femmes, en particulier dans le travail de terrain. A ce titre, une large place est accordée aux marges de la discipline, aux outsiders masculins et féminins et à la comparaison internationale, pour donner une vision plus équilibrée d’une évolution jusqu’ici sous-estimée.

    http://cybergeo.revues.org/27138
    #femmes #géographie #épistémologie #genre

    • Sirens within the IGU - an analysis of the role of women at International Geographical Congresses (1871-1996)

      1Like the history of women in science, the history of female geographers is a complex one. We have tried to study the role of women in geography during the last 130 years, from the first International Geographical Congress (Antwerpen, 1871) to the 28th (Den Hague, 1996). As students, as researchers and as teachers, women are nowadays an integral part of geographical congresses. But when the first international geographical congress started, there were virtualy no female participants. Women in science existed in two forms : outside the scientific institutions or as wives, daughters or secretaries accompanying male scientists and scholars. The congressional life for women at that time was the “Ladies’ Program”, which remained even in the mid-twentieth century. After the First World War, and from the sixties, women could gradually participate to the scientific commissions of the International Geographical Union (IGU). The shift from the Ladies’ Program to the feminist session is another fundamental change in the last decades.

      http://cybergeo.revues.org/5257

  • Les dérapages incontrôlés des maths

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/09/14/les-derapages-incontroles-des-maths_4756789_1650684.html

    Stéphan Clémençon se souvient parfaitement de son arrivée à Télécom Paris Tech, en 2007. A sa grande surprise, ce spécialiste en statistiques découvrait un département en souffrance. «  Il fallait remplir les classes avec des cours de maths financières. Un comble pour une école d’ingénieurs en télécom  ! Alors j’ai bataillé un peu pour convaincre que les statistiques pouvaient servir à bien des choses, surtout avec le ­développement des gigantesques bases de données des géants d’Internet. Aujourd’hui, nous refusons du monde  !  »

    Une preuve de plus que les maths sont partout. Mais pas toujours pour le meilleur  ! Une sonde martienne se disloque à cause d’une erreur d’unité métrique de la NASA en 1999. Chômage et ­dettes des Etats explosent depuis 2008 après l’explosion de bulles financières entretenues par des équations douteuses. L’outil de prédiction de la grippe de ­Google, incarnation de la toute-puissance des algorithmes, surestime de près du double l’épidémie de fin 2012 aux Etats-Unis. En janvier 2013, le Fonds monétaire international concède que son modèle a sous-estimé de moitié l’effet des réductions budgétaires sur la croissance de pays en crise. Ce mois-ci, une équipe annonce n’avoir pu reproduire que 39 résultats de psychologie sur 100 étudiés  : les autres n’étaient pas statistiquement significatifs. Et que dire de la dizaine d’erreurs judiciaires imputées à des calculs probabilistes incorrects recensés par Leila Schneps et Coralie Colmez dans leur livre Les Maths au tribunal (Seuil, 288 p., 20 euros)  ?

    « il est normal que cela finisse par ​intéresser des gens », constate Jean-Pierre Kahane, mathématicien de l’Académie des sciences et membre du Comité consultatif national d’éthique. « C’est une illusion de penser que nos travaux ne serviront pas. Le savoir est là, il peut échapper. Mais il ne faut pas perdre de vue le champ d’applications et les hypothèses de ce savoir », estime Jean-Pierre Bourguignon, mathématicien, actuel président du ​Conseil européen de la recherche.

    Car c’est bien plus souvent du mésusage des mathématiques qu’il s’agit. « Avec les sondages, on continue à commettre des erreurs mathématiques de base, explique Jean Chiche, statisticien et chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Par exemple, considérer comme indépendantes des variables qui ne le sont pas : niveau d’études, profession, lieu d’habitation... On écrit “toutes choses égales par ailleurs”, mais les choses ne sont bien souvent pas égales par ailleurs. »

    Devant l’autorité naturelle liée au ​chiffre et à sa prétendue objectivité et neutralité, il est néanmoins tentant de s’emparer de quelques formules magiques. Nous avons choisi trois domaines – connu pour l’un, largement ignorés pour les deux autres –, afin d’en mesurer les conséquences dramatiques.

    Prévoir les risques financiers

    « Des professeurs de maths enseignent à leurs étudiants comment faire des coups boursiers. Ce qu’ils font relève, sans qu’ils le sachent, du crime contre l’humanité. » Lorsque l’ancien premier ministre Michel Rocard lance cette accusation dans Le Monde, le 3 novembre 2008, beaucoup de mathématiciens sont choqués. Les vendeurs des produits financiers ayant conduit à la crise ne sont- ils pas plus responsables que les équations complexes utilisées pour en estimer le risque ? Pourtant, la crise financière a réveillé les consciences et remis sur le tapis les questions de la responsabilité des scientifiques dans l’usage de leurs découvertes.

    Ouvrons la boîte noire. A l’origine de la crise, il y a des produits financiers complexes comme les CDO (collateralized debt obligations), portefeuilles d’obligations d’entreprises et de prêts bancaires. Pour donner un prix à ce mélange hétérogène, les experts ont ressorti un vieux théorème disant que peu ou prou, on pouvait mêler simplement les différentes valeurs de risques de chacun des titres, faisant fi de certaines corrélations dévastatrices, en vertu desquelles le défaut sur un actif pouvait entraîner la chute de l’autre. Le tout adoubé par les agences de notation.

    La suite est connue : peu chers, abondants et bien notés, les CDO ont eu du succès. Mais l’explosion de défaut de remboursement de crédits immobiliers les a fait soudain chuter ; les prix calculés par les formules hasardeuses n’étant pas ​corrects, tout le monde a voulu s’en débarrasser, accentuant la chute.

    Autre erreur commise : une mauvaise perception de l’aléa. Les banques doivent évaluer leur pire perte en cas d’accident « rare » (une chance sur 100 ou sur 1 000 par exemple). Et constituer des réserves, qui immobilisent des fonds. Des modèles ont été proposés, tenant compte des fluctuations des titres, mais escamotant parfois l’amplitude de ces variations. Comme si le constructeur d’une digue évaluait la fréquence d’une crue sans s’intéresser à la hauteur des vagues. Evidemment, cela a marché tant que les variations étaient peu importantes. Mais celles de 2007-2008, ​- exceptionnelles, ont balayé toutes ces ​estimations.

    « Il fallait des réponses rapides et efficaces, on s’est donc borné à utiliser des modèles un peu frustes. Les responsables ont fait comme si les maths étaient solides alors qu’elles reposaient sur des hypothèses non vérifiées », note Stéphan Clémençon, directeur de la chaire « Apprentissage statistique » à Télécom ParisTech. Charles-Albert Lehalle, chercheur à Capital Fund Management, ancien responsable de la recherche dans la banque d’investissement du Crédit agricole, précise : « Les bases mathématiques de ces modèles de risque étaient bonnes, c’est leur application dans des contextes incorrects qui a posé problème. »

    Libérer les détenus

    Prévenir la récidive. Tous les pays occidentaux ont fait de cet objectif une priorité. Aux Etats-Unis, c’est même une obsession. Au point de mettre en doute la capacité de jugement des juges. Ainsi est né, dans les années 1960, le souci d’objectiver les risques de chaque condamné. Désormais, la plupart des Etats américains disposent de systèmes dits actuariels qui dressent un portrait du criminel. La nature des faits et leur nombre y côtoient l’âge, le sexe, les revenus, la situation de famille, le passé criminel des parents, le statut dans l’emploi... De vingt à quarante données sont ainsi enregistrées. L’ordinateur applique alors un modèle statistique dit de « régression logistique ». Et « score » le risque de récidive... « Les juges s’en inspirent pour fixer une peine ou pour accorder une libération conditionnelle, explique Sonja Starr, professeure de droit à l’université du Michigan, dans la revue Law and Economics Working ​Papers. Mais cette décision est prise en fonction de l’histoire du criminel, pas de son histoire criminelle. »

    « Ça donne un sentiment d’objectivité, mais en réalité, cela pose des problèmes innombrables, notamment éthiques », ​insiste Virginie Gautron, maître de conférences à l’université de Nantes. Ainsi, un condamné qui habite dans un quartier à fort niveau de criminalité est considéré comme plus susceptible de récidiver. Il en va de même si ses parents ont été condamnés. « Pire, se désole la chercheuse : comme on sait que les délinquants sexuels ont souvent été d’abord abusés, avoir été victime devient un handicap dans le profil. C’est la double peine. »

    Les problèmes sont également d’ordre pratique, ajoute Seena Fazel, professeur de psychiatrie légale à l’université d’Oxford. Le psychiatre a passé en revue les nombreux algorithmes utilisés. « Leurs résultats sont assez bons pour prédire la faible récidive. Mais très mauvais avec les prétendus individus dangereux : pas loin de 50 % d’erreurs. »
    Faut-il alors les écarter ? « Je l’ai cru mais, j’ai changé d’avis. Parce qu’au​jourd’hui, nous n’avons plus les moyens budgétaires de bien évaluer tous les délinquants par entretien. Il faut toutefois réserver ce profilage aux cas où une erreur n’aura pas de conséquence grave pour celui qui la subit. Donc l’interdire pour l’attribution d’une peine ou d’une remise en liberté, mais l’autoriser pour déterminer l’ampleur d’un suivi psychiatrique, d’un pointage au commissariat ou d’une cure de désintoxication. »

    C’est la position qu’a retenue le syndicat des personnels de l’administration pénitentiaire, le Snepap- FSU. La France teste dans six départements, et avec la plus grande discrétion, des logiciels de
    « scoring » élaborés au Canada. Pour le syndicat, l’outil doit rester « une béquille » à l’usage des éducateurs, donc interdite aux juges. Sera-t-il entendu ?

    Evaluer les profs

    La place des mathématiques agite ​depuis longtemps le monde de l’école. Les littéraires dénoncent leur rôle dans la sélection des meilleurs élèves. Les physiciens, chimistes et biologistes leur reprochent de transformer leur matière en simple objet de problèmes à résoudre.

    Aux Etats-Unis, un tout autre aspect de la science des nombres a créé le tumulte : l’évaluation des enseignants. Les parents réclamaient de « bons profs » ? Les mathématiciens ont proposé leurs modèles dits « à valeur ajoutée ». Le principe en est assez simple, explique la mathématicienne Cathy O’Neil : « Un élève est soumis chaque année à des tests normalisés. On analyse ses résultats précédents, le niveau de sa classe, sa situation familiale et sociale, etc. Et un logiciel très perfectionné, appuyé sur la méthode dite de régression quantile, lui prédit un score. Puis compare avec son résultat au test. Il ne reste plus qu’à rapprocher tous les élèves d’un même prof pour voir l’influence d’un enseignant. »

    Washington, New York, Los Angeles, Chicago... Une à une, les grandes villes américaines ont adopté le modèle dans les années 2000, pour attribuer des primes ou titulariser les meilleurs enseignants et sanctionner les moins bons. « Sauf que ces tests sont biaisés et même inopérants », poursuit Cathy O’Neil, qui, sur son blog, Mathbabe, chasse les abus de sa science préférée.

    Son confrère John Ewing, président de l’association Math for America, a, de son côté, dressé une liste de dysfonctionnements. Il a notamment constaté qu’il n’y avait aucune corrélation entre les résultats d’un professeur avec une classe et avec une autre ; pas davantage dans ses performances d’une année sur l’autre. Or, conséquence dommageable, devant l’importance de cette évaluation, bien des enseignants renoncent aux apprentissages non notés, ceux qui nourrissent la curiosité et le travail en groupe.

    Conscients que « les résultats aux tests ne traduisent pas l’accomplissement d’un élève », pour reprendre la formule de John Ewing, les enseignants de Chicago ont fait grève en 2012 pour dénoncer le poids des modèles mathématiques. Sans grand résultat. Dans les pays anglo-saxons, l’évaluation par valeur ajoutée gagne du terrain. En France, il n’en est, pour l’heure, pas question.

    Quels remèdes ?

    Promis, juré, les nouvelles règles de la finance vont corriger les errements passés. Il est vrai que les garanties demandées aux banques ont été relevées et que des audits plus sérieux des modèles de risque sont diligentés. « Mais la formation continue pèche toujours. Il serait bon aussi de favoriser la mixité entre les jeunes et les plus expérimentés. Trop souvent, les jeunes devenaient opérationnels sans vraiment connaître les produits sur ​lesquels ils travaillaient », suggère ​le chercheur Charles- Albert Lehalle.

    « A la suite de la multiplication des problèmes liés aux statistiques dans des articles scientifiques, les revues ont monté leur niveau d’exigence pour la publication : augmentation de la taille des échantillons, seuil de significativité plus élevé, dépôt des données brutes et des logiciels utilisés pour répliquer l’expérience... », note aussi Jean-François Royer, de la Société française de statistique.
    Leila Schneps voudrait aussi relever le niveau de l’expertise en justice et dans la police scientifique.

    « Il faudrait systématiquement et dès l’instruction faire appel à un statisticien. Et établir une liste de tests statistiques et de logiciels acceptables dans les enquêtes et les procès », affirme-t-elle. L’institut Newton, de Cambridge, consacrera aux mathématiques en sciences criminelles un cycle d’un semestre, en 2016. « Avec une centaine de mathématiciens du monde entier », souligne Leila Schneps. Mais pour l’heure, aucun Français.

    D’autres, enfin, font remarquer que les mathématiques peuvent être la solution aux problèmes qu’elles ont pu engendrer. En effet, analyser les pannes ou les crises demande aussi des outils complexes...
    C’est loin d’être terminé. Car une vague nouvelle se lève, gourmande en maths : le big data. Ce terme générique désigne le traitement et l’analyse d’une grande masse d’informations (traces numériques laissées sur Internet, ensembles de gènes et de protéines, capteurs divers dans l’industrie ou la santé...). Or il n’est plus possible de travailler sur ces nouveaux objets avec de « vieux » outils. Les étudiants l’ont compris, qui plébiscitent les formations de « scientifiques des données » et leur large panel d’applications pour la sécurité (prévision de la délinquance, lutte antiterroriste), la santé et le bien-être (médicaments personnalisés, recherche de nouvelles molécules...), ou l’économie en général (assurances, commerce...). De plus en plus, des automates prendront des décisions ou anticiperont des phénomènes, sans qu’on sache vraiment ce que contiennent ces boîtes noires.

    « Lors des dernières élections américaines, le marketing politique a été très loin, relève Cathy O’Neil. En disposant de l’adresse IP [numéro d’identification attribué à chaque appareil connecté à un réseau informatique] de chaque individu cible, vous pouvez adapter votre site à son profil... C’est l’asymétrie complète : le candidat sait tout de vous, vous ne savez rien de lui. ​Mathématiquement, c’est solide, mais pour la démocratie, c’est un danger. »

    Les dérapages arriveront forcément. Bien entendu, les mathématiciens n’en ​seront pas les seuls responsables. Mais il leur sera impossible de faire comme si ces outils leur avaient juste échappé.

  • Les premières géographes universitaires en France : enquête sur les débuts d’une féminisation disciplinaire (1913-1928)
    http://cybergeo.revues.org/27138

    Dans le premier quart du XXe siècle, la géographie universitaire française connaît une #féminisation lente et difficile, mais réelle, accélérée par la Grande Guerre. C’est le temps des pionnières, autant dans les revues disciplinaires que dans l’institution académique. Cependant, si plusieurs noms sont déjà connus parmi ces premières géographes féminines, il s’agit ici de systématiser l’étude, de quantifier et d’expliquer le phénomène, et d’évaluer la réalité de cette présence dans un champ scientifique jeune mais considéré comme particulièrement rétif aux femmes, en particulier dans le travail de terrain. A ce titre, une large place est accordée aux marges de la discipline, aux outsiders masculins et féminins et à la comparaison internationale, pour donner une vision plus équilibrée d’une évolution jusqu’ici sous-estimée.

    #géographie #femmes

    • Sirens within the IGU - an analysis of the role of women at International Geographical Congresses (1871-1996)

      Like the history of women in science, the history of female geographers is a complex one. We have tried to study the role of women in geography during the last 130 years, from the first International Geographical Congress (Antwerpen, 1871) to the 28th (Den Hague, 1996). As students, as researchers and as teachers, women are nowadays an integral part of geographical congresses. But when the first international geographical congress started, there were virtualy no female participants. Women in science existed in two forms : outside the scientific institutions or as wives, daughters or secretaries accompanying male scientists and scholars. The congressional life for women at that time was the “Ladies’ Program”, which remained even in the mid-twentieth century. After the First World War, and from the sixties, women could gradually participate to the scientific commissions of the International Geographical Union (IGU). The shift from the Ladies’ Program to the feminist session is another fundamental change in the last decades.

      http://cybergeo.revues.org/5257

      #historicisation

  • En Islande, il est désormais interdit de tuer les Basques - SudOuest.fr
    http://www.sudouest.fr/2015/04/29/en-islande-il-est-desormais-interdit-de-tuer-les-basques-1907363-4758.php

    “Bien entendu, cette abrogation fait avant tout sourire : nous avons des lois dans notre pays qui interdisent de tuer des Basques" a lancé Jónas Guðmundsson, des propos relayés par le site Iceland Review. Il a également ajouté avec malice que cela pourrait s’avérer positif pour attirer les touristes venus d’Euskadi :

    Au moins, les lieux sont sans danger pour eux désormais !

    #gorafi_encore_plagié

    • http://en.wikipedia.org/wiki/Sp%C3%A1nverjav%C3%ADgin

      The year 1615 was a difficult year in Iceland with ice up to shores until late summer and considerable loss of livestock. In mid-summer three Basque whaling vessels got into Reykjarfjörður in Westfjords. Icelanders and the Basques had a mutual agreement at the beginning as they both had benefited from the enterprise. When the ships were ready for departure in late September a terrible gale arose and the ships were driven on the rocks and crushed. Most of the crew members survived (approx. 80). The captains Pedro de Aguirre and Esteban de Telleria wintered at Vatneyri (Patreksfjörður) and left for home the following year. The crew of Martin de Villafranca split into two groups; one entered Ísafjarðardjúp, the other went to Bolungarvík and later to Þingeyri.

      The first conflict aroused when one group entered the empty house of a merchant of Þingeyri and took some dried fish. As retaliation, on 5 october, at night, a group of iceland forces entered the hut where the basques where sleeping and killed 14 of them, only one young man called García, scaped. Captain Martín de Villafranca of San Sebastián, whose father and grandfather had both been involved in Terra Nova whaling was among those who were killed. The bodies were mutilated and sunken into water. Jón Guðmundsson the Learned wrote about the injust and cruel deaths “dishonored and sunken into sea, as if they were the worst pagans and not inocent christians” Three days after the first slaying, Ari Magnússon summoned a council at Súðavík and twelve judges agreed to declare outlaws all basques.

      On 13 October Martin and the other 17 of his group were killed at Æðey and Sandeyri in Ísafjarðardjúp, while they were fishing by the troops comanded by Ari Magnússon. Acording to Jón Guðmundsson, the victims were stabbed in the eyes, their ears, noses and genitals mutilated. The captain, Martín de Villafranca, was injuried in the shoulder and chest with an axe, anyhow he managed to scape into the sea but he was stoned in the water and dragged to the shore were he was tortured to death.

      Two verdicts were instigated by sheriff Ari Magnússon of Ögur, Ísafjarðardjúp in October 1615 and January 1616. The Basques were considered criminals after their ships were wrecked and in accordance with the Icelandic law book of 1281 it was decided that the only right thing to do was to kill as many of them as possible.

      #histoire #massacre

    • #pêche_maritime, #Pays_Basque, #Islande, #baleine
      http://mediabask.naiz.eus/eu/info_mbsk/20150430/lisland-annule-une-loi-qui-permettait-de-tuer-les-pecheurs-basques-i

      ...
      Cette cérémonie clôturait toute une série de rencontres organisées par l’Institut Etxepare afin de commémorer les 400 ans de cette tuerie de pêcheurs basques. Les rencontres avaient débuté par un congrès international auquel 29 chercheurs de sept universités de divers pays ont participé.

  • #Centres_fédéraux pour requérants : les sites choisis tomberont « au fur et à mesure »

    L’institut de la #Gouglera (FR) est pour l’instant le seul futur centre fédéral connu de la grande réforme de Simonetta Sommaruga. A ce stade, 100 options ont été proposées à la Confédération et 20 restent encore en lice

    Avec sa restructuration, Berne entend disposer de 5000 places pour requérants, réparties dans six régions de Suisse. Au lieu des 1600 qu’offrent les cinq centres d’enregistrement actuellement gérés par la Confédération. Chacune de ces régions est censée abriter un centre de procédure fédéral, autour duquel graviteront deux à trois « centres de départ ». 1280 places sont prévues en Suisse romande, 620 pour Berne, 840 pour la Suisse du Nord-Ouest, 870 pour Zurich, 700 pour la Suisse orientale et 690 pour la sixième région, constituée de la Suisse centrale et du Tessin.

    Cette réforme est complexe. D’autres « centres fédéraux » existent déjà, mais ils ne sont réquisitionnés que pour une période limitée. Rien à voir donc avec les emplacements définitifs recherchés par la Confédération, avec son modèle à six régions.

    http://www.letemps.ch/Page/Uuid/48ec27d4-bc4a-11e4-b1aa-59105399a835/Centres_f%C3%A9d%C3%A9raux_pour_requ%C3%A9rants_les_sites_choisis_tomberont_

    #asile #migration #restructuration #Suisse