person:alain finkielkraut

  • Varlam Shalamov versus Aleksandr Solzhenitsyn | The Charnel-House
    https://thecharnelhouse.org/2019/06/06/varlam-shalamov-versus-aleksandr-solzhenitsyn

    Few authors are so commonly cited in anticommunist literature as Aleksandr Solzhenitsyn. Since the appearance of The Gulag Archipelago in the early seventies, it has been invoked at every turn by everyone from the “new philosophers” of France to the Canadian self-help guru Jordan Peterson. No doubt Solzhenitsyn is a great author, from a purely literary standpoint. His reactionary politics are quite separate from this consideration, but ought to have been of much more concern to Jewish ex-Maoists like Bernard-Henri Lévy and Alain Finkielkraut (who are constantly on the lookout for left antisemitism, yet seem to ignore Solzhenitsyn’s numerous antisemitic statements).

    #urss #ex-urss #littérature

  • Qui a peur de la langue française ? | AOC media - Analyse Opinion Critique
    https://aoc.media/opinion/2019/06/04/qui-a-peur-de-la-langue-francaise

    Si l’on peut comprendre les mécanismes affectifs des sujets parlants, le problème est différent lorsque certaines personnes entretiennent ou légitiment ces affects en se posant comme des experts ou des professionnels de la langue. C’est le cas de l’Académie française, dont les compétences en linguistique relèvent du mythe. Mais c’est aussi le problème des publications à succès qui déplorent la mort imminente de la langue, sans s’embarrasser de la moindre justification scientifique. Certaines stratégies éditoriales mettent systématiquement en avant ces contributions. Tout ouvrage démagogique sur le français, émaillé de métaphores dramatiques de la langue martyrisée, à la chair rongée, malmenée, violée (employées par exemple aussi bien par Michael Edwards, Jean-Michel Delacomptée, Alain Borer, etc) a de fortes chances de bénéficier d’un retour élogieux dans le Figaro.

    Pour Bernard Cerquiglini, excédé par la rengaine servie par Alain Finkielkraut sur la mort de la langue française, non seulement ce discours décliniste et réactionnaire n’est pas nouveau (il existe depuis au moins le XVIIIe siècle), mais il est devenu un véritable « fonds de commerce ». Personne ou presque ne relève les inepties des grands déplorateurs, même lorsqu’elles sont grossières. Ainsi Delacomptée (auteur de Notre langue française, Fayard, 2018) fantasme sur le fait que les jeunes de Sartrouville de son temps auraient « respecté » la langue française, sans inventer de nouveaux mots comme les « jeunes des cités » actuels, ce qui est bien entendu aberrant, les jeunes ayant toujours fait évoluer la langue. De même, Finkielkraut (académicien) a pu déclarer sérieusement, lors d’un petit déjeuner organisé par l’UMP, qu’on ne pouvait pas avoir d’accent autre que le sien lorsqu’on nait en France (bonjour, Marseille !), tout en mélangeant allègrement des notions aussi peu solides que « accent beur » et « vote musulman ».

    Ce discours décliniste repose souvent sur des idéologies politiques. Ceux-là même qui, la main sur le cœur, disent aimer et défendre la langue française se servent souvent de la langue française comme prétexte pour mieux taper sur des cibles, qui sont très souvent les jeunes et les étrangers, les deux catégories étant de nos jours réunies sous la dénomination bien floue de « jeunes-de-cité ». Ainsi, le linguiste Alain Bentolila diffuse régulièrement, depuis une dizaine d’années, ce qu’il sait être une intox : l’idée selon laquelle certains jeunes ne possèderaient que 300 à 400 mots de vocabulaire. Bentolila ne s’appuie sur aucune étude scientifique et pour cause : 300 à 400 mots, c’est le vocabulaire d’un·e enfant de deux ans ! Il est rigoureusement impossible de trouver un ou une adulte francophone (sauf cas de pathologie langagière lourde) ne possédant que 300 à 400 mots de vocabulaire, quel que soit son milieu, quelle que soit sa classe sociale. Pourquoi alors répandre une telle intox ?

    On peut reconstruire le faux lien logique de Bentolila : certains jeunes n’ont pas de vocabulaire, ils sont alors violents (le rapport entre capacité d’expression et violence est pourtant bien plus complexe qu’un décompte de mots…). Et qui seraient ces jeunes violents sans vocabulaire ? Les « jeunes-de-cité » bien sûr. De même, les discours de Finkielkraut rejoignent des fantasmes sur l’arabisation du français, un épouvantail idéologique plutôt qu’une constatation linguistique. En effet, les études sérieuses sur le sujet ne relèvent que des emprunts de vocabulaire à la langue arabe, ce qui n’a rien de spectaculaire : le français a toujours emprunté à de nombreuses langues, sans que cela représente un quelconque danger.

    Est-ce à dire que critiquer tel mot ou tel usage fait de vous un·e horrible réactionnaire ? Les choses ne sont pas aussi simples. Se saisir de la langue, cela ne veut pas dire tenir un discours béat qui considère que toute évolution est bonne à prendre.

    Prenons l’exemple de l’anglais et de la vague des mots en –ing mis à l’honneur dans les magazines féminins qui parlent de showering, de bronzing, de juicing, de bath cooking, etc. On rencontre également ces mots dans le vocabulaire du travail et de l’entreprise, où on peut parler de co–lunching plutôt que de déjeuner. Mais est-ce vraiment l’anglais qui nous agace avec ces mots, ou plutôt ce que cette utilisation de l’anglais représente : une façon de glamouriser ce qui est bien peu glamour ? Le bath cooking parait être ainsi une tentative de « rendre cool » le fait de devoir prévoir ses menus sur une semaine… De même, parler du fait de cumuler plusieurs emplois comme d’un slashing permet de masquer une réalité économique difficile derrière des mots qui dessinent l’image d’un start-upper plein de vigueur.

    #Langue #Linguistique #Français #Fantasmes

  • Antisionisme et antisémitisme : un #amalgame à combattre
    https://mensuel.lutte-ouvriere.org//2019/03/09/antisionisme-et-antisemitisme-un-amalgame-combattre_117798.h

    L’agression verbale d’Alain Finkielkraut en marge d’une manifestation des gilets jaunes le 16 février 2019, dans un contexte où le ministère de l’Intérieur a annoncé des actes antisémites en hausse, a soulevé une émotion bien légitime mais aussi des polémiques politiciennes bien calculées. Intervenant peu après, lors du dîner annuel du Crif, le Conseil représentatif des institutions juives de France, Emmanuel Macron a assimilé l’antisémitisme et l’antisionisme.

    Reprenant à son compte une demande répétée des dirigeants du Crif, il a proposé de modifier la définition de l’antisémitisme pour y inclure l’antisionisme. Déjà en juillet 2017, recevant le Premier ministre israélien Netanyahou à l’Élysée à l’occasion de l’anniversaire de la rafle du Vél’d’Hiv’, Macron avait affirmé  : «  Nous ne céderons rien à l’antisionisme car il est LA forme réinventée de l’antisémitisme.  » Avant lui Manuel Valls, alors Premier ministre, avait déclaré en 2016 lors du dîner annuel du Crif  : «  L’antisionisme, c’est-à-dire tout simplement le synonyme de l’antisémitisme et de la haine d’Israël.  »

    Ces politiciens s’alignent ainsi derrière les dirigeants israéliens, leurs alliés indéfectibles au #Moyen_Orient, qui voudraient criminaliser toutes les critiques vis-à-vis de leur politique coloniale. Ils cherchent à flatter la fraction de l’électorat juif qui se reconnaît dans ces positions sionistes. En organisant une manifestation officielle à laquelle tous les chefs de partis ont pris part, Premier ministre en tête, les partis qui se succèdent au gouvernement depuis des décennies cherchent à faire oublier leurs responsabilités dans l’évolution de la situation politique et sociale qui rend possibles ces actes antisémites...

    – Combattre l’#antisémitisme, d’où qu’il vienne
    – Le combat du #Crif et des partisans inconditionnels d’Israël
    – Le #sionisme, longtemps rejeté par les Juifs
    – L’#internationalisme, seule voie pour les exploités

  • Les #gilets_jaunes vus de New York...

    Low Visibility

    Driving was already expensive in France when in January 2018 the government of President Emmanuel Macron imposed a tax that raised the price of diesel fuel by 7.6 centimes per liter and of gasoline by 3.8 centimes (about 9 and 4 cents, respectively); further increases were planned for January 2019. The taxes were an attempt to cut carbon emissions and honor the president’s lofty promise to “Make Our Planet Great Again.”

    Priscillia Ludosky, then a thirty-two-year-old bank employee from the Seine-et-Marne department outside Paris, had no choice but to drive into the city for work every day, and the cost of her commute was mounting. “When you pay regularly for something, it really adds up fast, and the increase was enormous,” she told me recently. “There are lots of things I don’t like. But on that I pushed.” In late May 2018, she created a petition on Change.org entitled Pour une Baisse des Prix du Carburant à la Pompe! (For a reduction of fuel prices at the pump!)

    Over the summer Ludosky’s petition—which acknowledged the “entirely honorable” aim of reducing pollution while offering six alternative policy suggestions, including subsidizing electric cars and encouraging employers to allow remote work—got little attention. In the fall she tried again, convincing a radio host in Seine-et-Marne to interview her if the petition garnered 1,500 signatures. She posted that challenge on her Facebook page, and the signatures arrived in less than twenty-four hours. A local news site then shared the petition on its own Facebook page, and it went viral, eventually being signed by over 1.2 million people.

    Éric Drouet, a thirty-three-year-old truck driver and anti-Macron militant also from Seine-et-Marne, created a Facebook event for a nationwide blockade of roads on November 17 to protest the high fuel prices. Around the same time, a fifty-one-year-old self-employed hypnotherapist named Jacline Mouraud recorded herself addressing Macron for four minutes and thirty-eight seconds and posted the video on Facebook. “You have persecuted drivers since the day you took office,” she said. “This will continue for how long?” Mouraud’s invective was viewed over six million times, and the gilets jaunes—the yellow vests, named for the high-visibility vests that French drivers are required to keep in their cars and to wear in case of emergency—were born.

    Even in a country where protest is a cherished ritual of public life, the violence and vitriol of the gilets jaunes movement have stunned the government. Almost immediately it outgrew the issue of the carbon taxes and the financial burden on car-reliant French people outside major cities. In a series of Saturday demonstrations that began in mid-November and have continued for three months, a previously dormant anger has erupted. Demonstrators have beaten police officers, thrown acid in the faces of journalists, and threatened the lives of government officials. There has been violence on both sides, and the European Parliament has condemned French authorities for using “flash-ball guns” against protesters, maiming and even blinding more than a few in the crowds. But the gilets jaunes have a flair for cinematic destruction. In late November they damaged parts of the Arc de Triomphe in Paris; in early January they commandeered a forklift and rammed through the heavy doors of the ministry of state—the only time in the history of the Fifth Republic that a sitting minister had to be evacuated from a government building.

    The gilets jaunes are more than a protest. This is a modern-day jacquerie, an emotional wildfire stoked in the provinces and directed against Paris and, most of all, the elite. French history since 1789 can be seen as a sequence of anti-elite movements, yet the gilets jaunes have no real precedent. Unlike the Paris Commune of 1871, this is a proletarian struggle devoid of utopian aspirations. Unlike the Poujadist movement of the mid-1950s—a confederation of shopkeepers likewise opposed to the “Americanization” of a “thieving and inhuman” state and similarly attracted to anti-Semitic conspiracy theories—the gilets jaunes include shopkeepers seemingly content to destroy shop windows. There is an aspect of carnival here: a delight in the subversion of norms, a deliberate embrace of the grotesque.

    Many have said that the gilets jaunes are merely another “populist movement,” although the term is now so broad that it is nearly meaningless. Comparisons have been made to the Britain of Brexit, the United States of Donald Trump, and especially the Italy of Cinque Stelle. But the crucial difference is that the gilets jaunes are apolitical, and militantly so. They have no official platform, no leadership hierarchy, and no reliable communications. Everyone can speak for the movement, and yet no one can. When a small faction within it fielded a list of candidates for the upcoming European parliamentary elections in May, their sharpest opposition came from within: to many gilets jaunes, the ten who had put their names forward—among them a nurse, a truck driver, and an accountant—were traitors to the cause, having dared to replicate the elite that the rest of the movement disdains.

    Concessions from the government have had little effect. Under mounting pressure, Macron was forced to abandon the carbon tax planned for 2019 in a solemn televised address in mid-December. He also launched the so-called grand débat, a three-month tour of rural France designed to give him a better grasp of the concerns of ordinary people. In some of these sessions, Macron has endured more than six hours of bitter criticisms from angry provincial mayors. But these gestures have quelled neither the protests nor the anger of those who remain in the movement. Performance is the point. During the early “acts,” as the weekly demonstrations are known, members refused to meet with French prime minister Édouard Philippe, on the grounds that he would not allow the encounter to be televised, and that sentiment has persisted. Perhaps the most telling thing about the gilets jaunes is the vest they wear: a symbol of car ownership, but more fundamentally a material demand to be seen.

    Inequality in France is less extreme than in the United States and Britain, but it is increasing. Among wealthy Western countries, the postwar French state—l’État-providence—is something of a marvel. France’s health and education systems remain almost entirely free while ranking among the best in the world. In 2017 the country’s ratio of tax revenue to gross domestic product was 46.2 percent, according to statistics from the Organization for Economic Co-operation and Development (OECD)—the highest redistribution level of any OECD country and a ratio that allows the state to fight poverty through a generous social protection system. Of that 46.2 percent, the French government allocated approximately 28 percent for social services.

    “The French social model is so integrated that it almost seems a natural, preexisting condition,” Alexis Spire, a sociologist of inequality at the École des Hautes Études en Sciences Sociales, told me recently. A number of the gilets jaunes I met said that despite the taxes they pay, they do not feel they benefit from any social services, since they live far from urban centers. But anyone who has ever received housing assistance, a free prescription, or sixteen weeks of paid maternity leave has benefited from the social protection system. The effect of redistribution is often invisible.

    And yet the rich in France have gotten much richer. Between 1983 and 2015, the vast majority of incomes in France rose by less than one percent per year, while the richest one percent of the population saw their incomes rise by 100 percent after taxes. According to World Bank statistics, the richest 20 percent now earns nearly five times as much as the bottom 20 percent. This represents a stark shift from the Trente Glorieuses, France’s thirty-year economic boom after World War II. As the economist Thomas Piketty has pointed out, between 1950 and 1983, most French incomes rose steadily by approximately 4 percent per year; the nation’s top incomes rose by only one percent.

    What has become painfully visible, however, is the extent of the country’s geographical fractures. Paris has always been the undisputed center of politics, culture, and commerce, but France was once also a country that cherished and protected its vibrant provincial life. This was la France profonde, a clichéd but genuinely existing France of tranquil stone villages and local boulangeries with lines around the block on Sundays. “Douce France, cher pays de mon enfance,” goes the beloved song by the crooner Charles Trenet. “Mon village, au clocher aux maisons sages.” These days, the maisons sages are vacant, and the country boulangeries are closed.

    The story is familiar: the arrival of large multinational megastores on the outskirts of provincial French towns and cities has threatened, and in many cases asphyxiated, local businesses.1 In the once-bustling centers of towns like Avignon, Agen, Calais, and Périgueux, there is now an eerie quiet: windows are often boarded up, and fewer and fewer people are to be found. This is the world evoked with a melancholy beauty in Nicolas Mathieu’s novel Leurs enfants après eux, which won the Prix Goncourt, France’s most prestigious literary prize, in 2018.

    The expansion since the 1980s of France’s high-speed rail network has meant that the country’s major cities are all well connected to Paris. But there are many small towns where the future never arrived, where abandoned nineteenth-century train stations are now merely places for teenagers to make out, monuments of the way things used to be. In these towns, cars are the only way people can get to work. I met a fifty-five-year-old truck and taxi driver named Marco Pavan in the Franche-Comté in late November. What he told me then—about how carbon taxes can seem like sneers from the Parisian elite—has stayed with me. “Ask a Parisian—for him none of this is an issue, because he doesn’t need a car,” Pavan said. “There’s no bus or train to take us anywhere. We have to have a car.” I cited that remark in a Washington Post story I filed from Besançon; in the online comments section, many attacked the movement for what they saw as a backward anti-environmentalism—missing his point.

    Few have written as extensively as the French geographer Christophe Guilluy on la France périphérique, a term he popularized that refers both to the people and the regions left behind by an increasingly globalized economy. Since 2010, when he published Fractures françaises, Guilluy has been investigating the myths and realities of what he calls “the trompe l’oeil of a peaceful, moderate, and consensual society.” He is one of a number of left-wing French intellectuals—among them the novelist Michel Houellebecq, the historian Georges Bensoussan, and the essayist Michel Onfray—who in recent years have argued that their beloved patrie has drifted into inexorable decline, a classic critique of the French right since 1789. But Guilluy’s decline narrative is different: he is not as concerned as the others with Islamist extremism or “decadence” broadly conceived. For him, France’s decline is structural, the result of having become a place where “the social question disappears.”

    Guilluy, born in Montreuil in 1964, is something of a rarity among well-known French intellectuals: he is a product of the Paris suburbs, not of France’s storied grandes écoles. And it is clear that much of his critique is personal. As a child, Guilluy, whose family then lived in the working-class Paris neighborhood of Belleville, was forcibly relocated for a brief period to the heavily immigrant suburb of La Courneuve when their building was slated to be demolished in the midst of Paris’s urban transformation. “I saw gentrification firsthand,” he told Le Figaro in 2017. “For the natives—the natives being just as much the white worker as the young immigrant—what provoked the most problems was not the arrival of Magrebis, but that of the bobos.”

    This has long been Guilluy’s battle cry, and he has focused his intellectual energy on attacking what he sees as the hypocrisy of the bobos, or bourgeois bohemians. His public debut was a short 2001 column in Libération applying that term, coined by the columnist David Brooks, to French social life. What was happening in major urban centers across the country, he wrote then, was a “ghettoization by the top of society” that excluded people like his own family.

    Guilluy crystallized that argument in a 2014 book that won him the ear of the Élysée Palace and regular appearances on French radio. This was La France périphérique: comment on a sacrifié les classes populaires, in which he contended that since the mid-1980s, France’s working classes have been pushed out of the major cities to rural communities—a situation that was a ticking time bomb—partly as a result of rising prices. He advanced that view further in 2016 with La Crépuscule de la France d’en haut—now translated into English as Twilight of the Elites: Prosperity, the Periphery, and the Future of France—a pithy screed against France’s bobo elite and what he sees as its shameless embrace of a “neoliberal,” “Americanized society” and a hollow, feel-good creed of multicultural tolerance. In 2018, one month before the rise of the gilets jaunes, he published No Society, whose title comes from Margaret Thatcher’s 1987 comment that “there is no such thing as society.”

    In Guilluy’s view, an immigrant working class has taken the place of the “native” working class in the banlieues on the outskirts of major cities. This native class, he argues, has been scattered throughout the country and become an “unnoticed presence” that France’s elite has “made to disappear from public consciousness” in order to consolidate its grip on power. Cities are now the exclusive preserve of the elites and their servants, and what Guilluy means by “no society” is that the visible signs of class conflict in urban daily life have vanished. This is his trompe l’oeil: rich, insulated Parisians have convinced themselves that everything is fine, while those who might say otherwise are nowhere near. “The simmering discontent of rural France has never really been taken seriously,” he writes in Twilight of the Elites.

    Since November, much of the French press has declared that Guilluy essentially predicted the rise of the gilets jaunes. They seem, after all, a fulfillment of his prophecy about “the betrayal of the people” by the elites, even if he is always elusive about who exactly “the people” are. While critiques from the movement have remained a confused cloud of social media invective, Guilluy has served as its de facto interpreter.

    No Society puts into words what many in the gilets jaunes have either struggled or refused to articulate. This is the hazy middle ground between warning and threat: “The populist wave coursing through the western world is only the visible part of a soft power emanating from the working classes that will force the elites to rejoin the real movement of society or else to disappear.”

    For now, however, there is just one member of the elite whom the gilets jaunes wish would disappear, and calls for his violent overthrow continue even as the movement’s momentum subsides.

    An intense and deeply personal hatred of Macron is the only unifying cry among the gilets jaunes. Eighteen months before the uprising began, this was the man who captured the world’s imagination and who, after populist victories in Britain and the United States, had promised a French “Third Way.” Yet the Macronian romance is already over, both at home and abroad.

    To some extent, the French always turn against their presidents, but the anger Macron elicits is unique. This is less because of any particular policy than because of his demeanor and, most of all, his language. “Mr. Macron always refused to respond to us,” Muriel Gautherin, fifty-three, a podiatrist who lives in the Paris suburbs, told me at a December march on the Champs-Élysées. “It’s he who insults us, and he who should respond.” When I asked her what she found most distasteful about the French president, her answer was simple: “His words.”

    She has a point. Among Macron’s earliest actions as president was to shave five euros off the monthly stipends of France’s Aide personalisée au logement (APL), the country’s housing assistance program. Around the same time, he slashed France’s wealth tax on those with a net worth of at least €1.3 million—a holdover from the Mitterand era.

    Macron came to office with a record of unrelentingly insulting the poor. In 2014, when he was France’s economic minister, he responded to the firing of nine hundred employees (most of them women) from a Breton slaughterhouse by noting that some were “mostly illiterate.” In 2016 he was caught on camera in a heated dispute with a labor activist in the Hérault. When the activist gestured to Macron’s €1,600 suit as a symbol of his privilege, the minister said, “The best way to afford a suit is to work.” In 2018 he told a young, unemployed gardener that he could find a new job if he merely “crossed the street.”

    Yet nothing quite compares to the statement Macron made in inaugurating Station F, a startup incubator in the thirteenth arrondissement of Paris, housed in a converted rail depot. It is a cavernous consulate for Silicon Valley, a soaring glass campus open to all those with “big ideas” who can also pay €195 a month for a desk and can fill out an application in fluent English. (“We won’t consider any other language,” the organization’s website says.) Google, Amazon, and Microsoft all have offices in it, and in a city of terrible coffee, the espresso is predictably fabulous. In June 2017 Macron delivered a speech there. “A train station,” he said, referring to the structure’s origins, “it’s a place where we encounter those who are succeeding and those who are nothing.”

    This was the moment when a large percentage of the French public learned that in the eyes of their president, they had no value. “Ceux qui ne sont rien” is a phrase that has lingered and festered. To don the yellow vest is thus to declare not only that one has value but also that one exists.

    On the whole, the gilets jaunes are not the poorest members of French society, which is not surprising. As Tocqueville remarked, revolutions are fueled not by those who suffer the most, but by those whose economic status has been improving and who then experience a sudden and unexpected fall. So it seems with the gilets jaunes: most live above the poverty line but come from the precarious ranks of the lower middle class, a group that aspires to middle-class stability and seeks to secure it through palliative consumption: certain clothing brands, the latest iPhone, the newest television.

    In mid-December Le Monde profiled a young couple in the movement from Sens in north-central France, identified only as Arnaud and Jessica. Both twenty-six, they and their four children live in a housing project on the €2,700 per month that Arnaud earns as a truck driver, including more than €1,000 in government assistance. According to statistics from France’s Institut national de la statistique et des études économiques (Insée), this income places them right at the poverty line for a family of this size, and possibly even slightly below it. But the expenses Arnaud and Jessica told Le Monde they struggled to pay included karate lessons for their oldest son and pet supplies for their dog. Jessica, who does not work, told Le Monde, “Children are so mean to each other if they wear lesser brands. I don’t want their friends to make fun of them.” She said she had traveled to Paris for gilet jaune protests on three separate weekends—journeys that presumably cost her money.

    Readers of Le Monde—many of them educated, affluent, and pro-Macron—were quick to attack Arnaud and Jessica. But the sniping missed their point, which was that they felt a seemingly inescapable sense of humiliation, fearing ridicule everywhere from the Élysée Palace to their children’s school. They were explaining something profound about the gilets jaunes: the degree to which the movement is fueled by unfulfilled expectations. For many demonstrators, life is simply not as they believed it would be, or as they feel they deserve. There is an aspect of entitlement to the gilets jaunes, who are also protesting what the French call déclassement, the increasing elusiveness of the middle-class dream in a society in which economic growth has not kept pace with population increase. This entitlement appears to have alienated the gilets jaunes from immigrants and people of color, who are largely absent from their ranks and whose condition is often materially worse.2 “It’s not people who don’t have hope anymore, who don’t have a place to live, or who don’t have a job,” Rokhaya Diallo, a French activist for racial equality, told me recently, describing the movement. “It’s just that status they’re trying to preserve.”

    The gilets jaunes have no substantive ideas: resentment does not an ideology make. They remain a combustible vacuum, and extremist agitators on the far right and the far left have sought to capitalize on their anger. Both Marine Le Pen of the recently renamed Rassemblement National and Jean-Luc Mélenchon of the left-wing La France Insoumise have tried hard to channel the movement’s grassroots energy into their own political parties, but the gilets jaunes have so far resisted these entreaties. The gilets jaunes also found themselves at the center of a diplomatic spat: in early February Italy’s deputy prime minister, Luigi Di Maio, met with two of their members on the outskirts of Paris in a jab at Macron. Two days later, France withdrew its ambassador to Rome for the first time since 1940, but the gilets jaunes have not attempted to exploit this attention for their own political gain. Instead there was infighting—a Twitter war over who had the right to represent the cause abroad and who did not.

    The intellectual void at the heart of an amorphous movement can easily fill with the hatred of an “other.” That may already be happening to the gilets jaunes. Although a careful analysis by Le Monde concluded that race and immigration were not major concerns in the two hundred most frequently shared messages on gilet jaune Facebook pages between the beginning of the movement and January 22, a number of gilets jaunes have been recorded on camera making anti-Semitic gestures, insulting a Holocaust survivor on the Paris metro, and saying that journalists “work for the Jews.” Importantly, the gilets jaunes have never collectively denounced any of these anti-Semitic incidents—a silence perhaps inevitable for a movement that eschews organization of any kind. Likewise, a thorough study conducted by the Paris-based Fondation Jean Jaurès has shown the extent to which conspiracy theories are popular in the movement: 59 percent of those surveyed who had participated in a gilet jaune demonstration said they believed that France’s political elites were encouraging immigration in order to replace them, and 50 percent said they believed in a global “Zionist” conspiracy.

    Members of the movement are often quick to point out that the gilets jaunes are not motivated by identity politics, and yet anyone who has visited one of their demonstrations is confronted with an undeniable reality. Far too much attention has been paid to the symbolism of the yellow vests and far too little to the fact that the vast majority of those who wear them are lower-middle-class whites. In what is perhaps the most ethnically diverse society in Western Europe, can the gilets jaunes truly be said to represent “the people,” as the members of the movement often claim? Priscillia Ludosky, arguably the first gilet jaune, is a black woman. “It’s complicated, that question,” she told me. “I have no response.”

    The gilets jaunes are also distinctly a minority of the French population: in a country of 67 million, as many as 282,000 have demonstrated on a single day, and that figure has consistently fallen with each passing week, down to 41,500 during “Act 14” of the protest on February 16. On two different weekends in November and December, other marches in Paris—one for women’s rights, the other against climate change—drew far bigger crowds than the gilets jaunes did. But the concerns of this minority are treated as universal by politicians, the press, and even the movement’s sharpest critics. Especially after Trump and Brexit, lower-middle-class and working-class whites command public attention even when they have no clear message.

    French citizens of color have been protesting social inequality for years without receiving any such respect. In 2005 the killing of two minority youths by French police in the Paris suburb of Clichy-sous-Bois ignited a string of violent uprisings against police brutality, but the government declared an official state of emergency instead of launching a grand débat. In 2009, the overseas departments of Guadeloupe and Martinique saw a huge strike against the high cost of living—a forty-four-day uprising that also targeted fuel prices and demanded an increase to the minimum wage. In 2017 an almost identical protest occurred in French Guiana, another French overseas department, where residents demonstrated against household goods that were as much as 12 percent more expensive than they were in mainland France, despite a lower minimum wage. The French government was slow to respond in both of these instances, while the concerns of the gilets jaunes have resulted in a personal apology from the president and a slew of concessions.

    Guilluy, whose analysis of la France périphérique ultimately fails to grapple significantly with France’s decidedly peripheral overseas territories, does not shy away from the question of identity. He sees a racial element to the frustrations of la France périphérique, but he does not see this as a problem. Some of the most frustrating moments in his work come when he acknowledges but refuses to interrogate white working-class behavior that seems to be racially motivated. “Public housing in outlying communities is now a last resort for workers hoping to be able to go on living near the major cities,” he writes in Twilight of the Elites, describing the recent astronomic rise in France’s urban real estate prices. “These projects, mostly occupied by immigrant renters, are avoided by white French-born workers. Barring some utterly unforeseeable turn of events, their expulsion from the largest urban centers will be irreversible.” It would not diminish Guilluy’s broader point about la France périphérique if he acknowledged that victims of structural changes can also be intolerant.

    Guilluy also regularly recycles anxieties over immigration, often from controversial theorists such as Michèle Tribalat, who is associated with the idea of le grand remplacement, the alleged “great replacement” of France’s white population by immigrants from North and Sub-Saharan Africa. In making his case about “the demographic revolution in process,” Guilluy has been accused of inflating his statistics. France, he wrote in Fractures françaises, “welcomes a little less than 200,000 legal foreigners every year.” But these claims were attacked by Patrick Weil, a leading French historian of immigration, who noted in his book Le sens de la République (2015) that Guilluy failed to consider that a large number of those 200,000 are temporary workers, students who come and go, and others of “irregular” status. Guilluy has not responded to these criticisms, and in any case his rhetoric has since grown more radical. In No Society he writes, “Multiculturalism is, intrinsically, a feeble ideology that divides and weakens.”

    Whether the gilets jaunes will eventually come to agree with him is a crucial question. Like Guilluy, they are responding to real social conditions. But if, following Guilluy’s lead, they ultimately resort to the language of race and ethnicity to explain their suffering, they will have chosen to become a different movement altogether, one in which addressing inequality was never quite the point. In some ways, they have already crossed that line.

    On the afternoon of Saturday, February 16, the prominent French intellectual Alain Finkielkraut got out of a taxi on the Boulevard Montparnasse. A crowd of gilets jaunes noticed him and began hurling anti-Semitic insults. The scene, recorded on video, was chilling: in the center of Paris, under a cloudless sky, a mob of visibly angry men surrounded a man they knew to be Jewish, called him a “dirty Zionist,” and told him, “go back to Tel Aviv.”

    Finkielkraut’s parents were Polish refugees from the Holocaust. He was born in Paris in 1949 and has become a fixture in French cultural life, a prolific author, a host of a popular weekly broadcast on France Culture, and a member of the Académie Française, the country’s most elite literary institution. In the words of Macron, who immediately responded to the attack, he “is not only an eminent man of letters but the symbol of what the Republic affords us all.” The irony is that Finkielkraut—another former leftist who believes that France has plunged into inexorable decline and ignored the dangers of multiculturalism—was one of the only Parisian intellectuals who had supported the gilets jaunes from the beginning.

    I spoke to Finkielkraut after the attack, and he explained that the gilets jaunes had seemed to him the evidence of something authentic. “I saw an invisible France, neglected and forgotten,” he said. “Wearing fluorescent yellow vests in order to be visible—of being a ‘somewhere’ as opposed to an ‘anywhere,’ as Goodhart has said—seemed to me an absolutely legitimate critique.” The British journalist David Goodhart, popular these days in French right-wing circles, is the author of The Road to Somewhere (2017), which sees populist anger as the inevitable response to the widening gulf between those “rooted” in a particular place and cosmopolitans at home anywhere. “France is not a ‘start-up nation,’” Finkielkraut told me. “It can’t be reduced to that.”

    Finkielkraut said that the attack was a sign that the reasonable critiques orginally made by the gilets jaunes had vanished, and that they had no real future. “I think the movement is in the process of degradation. It’s no longer a social movement but a sect that has closed in on itself, whose discourse is no longer rational.”

    Although the Paris prosecutor has opened an investigation into his attackers, Finkielkraut has not pressed charges. He told me that the episode, as violent as it was, did not necessarily suggest that all those who had worn yellow vests in recent months were anti-Semites or extremists. “Those who insulted me were not the nurses, the shopkeepers, or the small business owners,” he said, noting that he doubted he would have experienced the same prejudice at the roundabouts, the traffic circles across the country where gilets jaunes protesters gathered every Saturday. In a sense, these were the essence of the movement, which was an inchoate mobilization against many things, but perhaps none so much as loneliness. The roundabouts quickly became impromptu piazzas and a means, however small, of reclaiming a spirit of community that disappeared long ago in so many French towns and villages.

    In Paris, where the remaining gilets jaunes have now focused most of their energy, the weekly protests have become little more than a despicable theater filled with scenes like the attack on Finkielkraut. There is no convincing evidence that those still wearing yellow vests are troubled by the presence of bigotry in their ranks. What is more, many gilets jaunes now seem to believe that pointing out such prejudice is somehow to become part of a government-backed conspiracy to turn public opinion against them.

    Consider, for instance, a February 19 communiqué released in response to the attack on Finkielkraut from La France en Colère, one of the movement’s main online bulletins. “For many days, the government and its friends in the national media seem to have found a new technique for destabilizing public opinion and discrediting the Gilets Jaunes movement,” it begins. “We denounce the accusations and the manipulations put in place by this government adept at fake news.” But this is all the communiqué denounces; it does not address the anti-Semitic violence to which Finkielkraut was subjected, nor does it apologize to a national figure who had defended the movement when few others of his prominence dared to do the same.

    A month after our last conversation, I called Priscillia Ludosky back, to see if she had any reaction to the recent turn of events in the movement her petition had launched. She was only interested in discussing what she called the French government’s “systematic abuse to manipulate public opinion.” She also believes that a government-media conspiracy will stop at nothing to smear the cause. “If there was one person who ever said something homophobic, it was on the front page of every newspaper,” she told me.

    In the days after the attack, Finkielkraut lamented not so much the grim details of what had happened but the squandered potential of a moment that has increasingly descended into paranoid feverishness. As he told me: “This was a beautiful opportunity to reflect on who we are that’s been completely ruined.”

    https://www.nybooks.com/articles/2019/03/21/low-visibility-france-gilet-jaunes

  • Lettre de Dominique Eddé à Alain Finkielkraut

    Rédigée le 23 février dernier, cette lettre à Alain Finkielkraut a été acceptée par le journal Le Monde qui demandait qu’elle lui soit « réservée », puis elle a été recalée, sans préavis, 9 jours plus tard alors qu’elle était en route pour l’impression. Elle finit part être publiée le 9 mars par l’Orient le jour

    https://www.lorientlejour.com/article/1160808/lettre-a-alain-finkielkraut.html

    "Peut-être aurez-vous l’oreille du pouvoir en leur faisant savoir qu’ils ne cloueront pas le bec des opposants au régime israélien en clouant le bec des enragés. On a trop l’habitude en France de prendre les mots et les esprits en otage, de privilégier l’affect au mépris de la raison chaque fois qu’est évoquée la question d’Israël et de la Palestine. On nous demande à présent de reconnaître, sans broncher, que l’antisémitisme et l’antisionisme sont des synonymes. Que l’on commence par nous dire ce que l’on entend par sionisme et donc par antisionisme. Si antisioniste signifie être contre l’existence d’Israël, je ne suis pas antisioniste. Si cela signifie, en revanche, être contre un État d’Israël, strictement juif, tel que le veulent Netanyahu et bien d’autres, alors oui, je le suis. Tout comme je suis contre toute purification ethnique. "

    #antisionisme #antisémitisme

  • Un très beau texte
    Lettre à Alain Finkielkraut - Dominique EDDE - L’Orient-Le Jour

    https://www.lorientlejour.com/article/1160808/lettre-a-alain-finkielkraut.html

    Cher Alain Finkielkraut,

    Permettez-moi de commencer par vous dire « salamtak », le mot qui s’emploie en arabe pour souhaiter le meilleur à qui échappe à un accident ou, dans votre cas, une agression. La violence et la haine qui vous ont été infligées ne m’ont pas seulement indignée, elles m’ont fait mal. Parviendrais-je, dans cette situation, à trouver les mots qui vous diront simultanément ma solidarité et le fond de ma pensée ? Je vais essayer. Car, en m’adressant à vous, je m’adresse aussi, à travers vous, à ceux qui ont envie de paix.

    Peut-être vous souvenez-vous. Nous nous sommes connus au début des années 1980 à Paris, aux éditions du Seuil, et soigneusement évités depuis. Lors de l’invasion du Liban par Israël, vous n’aviez pas supporté de m’entendre dire qu’un immeuble s’était effondré comme un château de cartes sous le coup d’une bombe à fragmentation israélienne. Cette vérité-là blessait trop la vôtre pour se frayer un chemin. C’est l’arrivée impromptue dans le bureau où nous nous trouvions, de l’historien israélien Saul Friedländer, qui permit de rétablir la vérité. Il connaissait les faits. J’ai respiré. Vous êtes parti sans faire de place à ma colère. Il n’y avait de place, en vous, que pour la vôtre. Durant les décennies qui ont suivi, le syndrome s’est accentué. Vous aviez beau aimer Levinas, penseur par excellence de l’altérité, il vous devenait de plus en plus difficile, voire impossible, de céder le moindre pouce de territoire à celle ou celui que vous ressentiez comme une menace. Cette mesure d’étanchéité, parfaitement compréhensible compte tenu de l’histoire qui est la vôtre, n’eût posé aucun problème si elle ne s’était transformée en croisade intellectuelle. Cette façon que vous avez de vous mettre dans tous vos états pour peu que survienne un désaccord n’a cessé de m’inspirer, chaque fois que je vous écoute, l’empathie et l’exaspération. L’empathie, car je vous sais sincère, l’exaspération, car votre intelligence est décidément mieux disposée à se faire entendre qu’à entendre l’autre.

    Le plus clair de vos raisonnements est de manière récurrente rattrapé en chemin par votre allergie à ce qui est de nature à le ralentir, à lui faire de l’ombre. Ainsi, l’islam salafiste, notre ennemi commun et, pour des raisons d’expérience, le mien avant d’être le vôtre, vous a-t-il fait plus d’une fois confondre deux milliards de musulmans et une culture millénaire avec un livre, un verset, un slogan. Pour vous, le temps s’est arrêté au moment où le nazisme a décapité l’humanité. Il n’y avait plus d’avenir et de chemin possible que dans l’antériorité. Dans le retour à une civilisation telle qu’un Européen pouvait la rêver avant la catastrophe. Cela, j’ai d’autant moins de mal à le comprendre que j’ai la même nostalgie que vous des chantiers intellectuels du début du siècle dernier. Mais vous vous êtes autorisé cette fusion de la nostalgie et de la pensée qui, au prix de la lucidité, met la seconde au service de la première. Plus inquiétant, vous avez renoncé dans ce « monde d’hier » à ce qu’il avait de plus réjouissant : son cosmopolitisme, son mélange. Les couleurs, les langues, les visages, les mémoires qui, venues d’ailleurs, polluent le monde que vous regrettez, sont assignées par vous à disparaître ou à se faire oublier. Vous dites que deux menaces pèsent sur la France : la judéophobie et la francophobie. Pourquoi refusez-vous obstinément d’inscrire l’islamophobie dans la liste de vos inquiétudes ? Ce n’est pas faire de la place à l’islamisme que d’en faire aux musulmans. C’est même le contraire. À ne vouloir, à ne pouvoir partager votre malaise avec celui d’un nombre considérable de musulmans français, vous faites ce que le sionisme a fait à ses débuts, lorsqu’il a prétendu que la terre d’Israël était « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Vous niez une partie de la réalité pour en faire exister une autre. Sans prendre la peine de vous représenter, au passage, la frustration, la rage muette de ceux qui, dans vos propos, passent à la trappe.

    Vous avez cédé à ce contre quoi Canetti nous avait brillamment mis en garde avec Masse et puissance. Vous avez développé la « phobie du contact » à partir de laquelle une communauté, repliée comme un poing fermé, se met en position de défense aveugle, n’a plus d’yeux pour voir hors d’elle-même. Cette posture typique d’une certaine politique israélienne, et non de la pensée juive, constitue, entre autre et au-delà de votre cas, la crispation qui rend impossible l’invention de la paix. C’est d’autant plus dommage qu’il y a fort à parier que le monde dont vous portez le deuil est très proche de celui d’un nombre considérable de gens qui vivent en pays arabes sous la coupe de régimes mafieux et/ou islamistes. Pourquoi ceux-là comptent-ils si peu pour vous ? Pourquoi préférez-vous mettre le paquet sur vos ennemis déclarés que donner leur chance à de potentiels amis ? Le renoncement à l’idéal, dont j’évoque longuement la nécessité dans mon dernier livre sur Edward Said, est un pas que vous ne voulez pas franchir. J’entends par idéal la projection de soi promue au rang de projet collectif. Or, le seul rêve politique qui vaille, on peut aussi l’appeler utopie, c’est celui qui prend acte de la réalité et se propose d’en tirer le meilleur et non de la mettre au pas d’un fantasme. C’est précisément le contraire de l’idéal en circuit fermé qui fonctionne sur le mode d’une fixation infantile et nous fait brusquement découvrir, à la faveur d’une mauvaise rencontre, qu’il nourrit la haine de ceux qui n’ont pas les moyens de ne pas haïr. Cet homme qui vous a injurié a tout injurié d’un coup : votre personne, les Juifs et ceux que cette ignominie écœure. Il ne suffit toutefois pas de le dire pour le combattre et moins encore pour épuiser le sujet. À cet égard, je vous remercie d’avoir précisé à la radio que l’antisémitisme et l’antisionisme ne pouvaient être confondus d’un trait.

  • Lettre à Alain Finkielkraut, par Dominique EDDE (L’Orient-Le Jour), via @mona
    https://www.lorientlejour.com/article/1160808/lettre-a-alain-finkielkraut.html

    Cher Alain Finkielkraut, je vous demande et je demande aux responsables politiques de ne pas minorer ces petites victoires du bon sens sur la bêtise, de la banalité du bien sur la banalité du mal. Préférez les vrais adversaires qui vous parlent aux faux amis qui vous plaignent. Aidez-nous à vous aider dans le combat contre l’antisémitisme : ne le confinez pas au recours permanent à l’injonction, l’intimidation, la mise en demeure. Ceux qui se font traiter d’antisémites sans l’être ne sont pas moins insultés que vous. Ne tranchez pas à si bon compte dans le vécu de ceux qui ont une autre représentation du monde que vous. Si antisionisme n’est plus un mot adapté, donnez-nous-en un qui soit à la mesure de l’occupation, de la confiscation des terres et des maisons par Israël, et nous vous rendrons celui-ci. Il est vrai que beaucoup d’entre nous ont renoncé à parler. Mais ne faites pas confiance au silence quand il n’est qu’une absence provisoire de bruit. Un mutisme obligé peut accoucher de monstres. Je vous propose pour finir ce proverbe igbo : « Le monde est comme un masque qui danse : pour bien le voir, il ne faut pas rester au même endroit. »

    • Lettre à Alain #Finkielkraut - Dominique EDDE - L’Orient-Le Jour

      En général avec Finkielkraut ou BHL, je préfère quand on les ignore tant leur pensée est totalement oblitérée, mais la lettre de Dominique Edde est tellement belle (Merci @mona de me l’avoir fait connaître sur twitter) que ça méritait d’être dûment référencé ici, voire discuté. Je vous encourage chaudement à la lire avec attention.

      Morceaux choisis :

      « Vous êtes parti sans faire de place à ma colère. »

      « votre intelligence est décidément mieux disposée à se faire entendre qu’à entendre l’autre. »

      « nous sommes défaits. Oui, le monde arabe est mort. Oui, tous les pays de la région, où je vis, sont morcelés, en miettes. Oui, la résistance palestinienne a échoué. Oui, la plupart desdites révolutions arabes ont été confisquées. Mais le souvenir n’appartient pas que je sache au seul camp du pouvoir, du vainqueur. Il n’est pas encore interdit de penser quand on est à genoux. »

      « Ne faites pas confiance au silence quand il n’est qu’une absence provisoire de bruit. Un mutisme obligé peut accoucher de monstres. Je vous propose pour finir ce proverbe igbo : « Le monde est comme un masque qui danse : pour bien le voir, il ne faut pas rester au même endroit. »

      l’islam salafiste, notre ennemi commun et, pour des raisons d’expérience, le mien avant d’être le vôtre, vous a-t-il fait plus d’une fois confondre deux milliards de musulmans et une culture millénaire avec un livre, un verset, un slogan. Pour vous, le temps s’est arrêté au moment où le nazisme a décapité l’humanité.

      #antisémitisme #anisionisme #israël #palstine #occupation #démolition #colonisation #liban #humanité #extrémisme

    • Oui, le monde arabe est mort. Oui, tous les pays de la région, où je vis, sont morcelés, en miettes. Oui, la résistance palestinienne a échoué. Oui, la plupart desdites révolutions arabes ont été confisquées. Mais le souvenir n’appartient pas que je sache au seul camp du pouvoir, du vainqueur. Il n’est pas encore interdit de penser quand on est à genoux.

    • @val_k

      Cher Alain Finkielkraut,

      Permettez-moi de commencer par vous dire « salamtak », le mot qui s’emploie en arabe pour souhaiter le meilleur à qui échappe à un accident ou, dans votre cas, une agression. La violence et la haine qui vous ont été infligées ne m’ont pas seulement indignée, elles m’ont fait mal. Parviendrais-je, dans cette situation, à trouver les mots qui vous diront simultanément ma solidarité et le fond de ma pensée ? Je vais essayer. Car, en m’adressant à vous, je m’adresse aussi, à travers vous, à ceux qui ont envie de paix.

      Peut-être vous souvenez-vous. Nous nous sommes connus au début des années 1980 à Paris, aux éditions du Seuil, et soigneusement évités depuis. Lors de l’invasion du Liban par Israël, vous n’aviez pas supporté de m’entendre dire qu’un immeuble s’était effondré comme un château de cartes sous le coup d’une bombe à fragmentation israélienne. Cette vérité-là blessait trop la vôtre pour se frayer un chemin. C’est l’arrivée impromptue dans le bureau où nous nous trouvions, de l’historien israélien Saul Friedländer, qui permit de rétablir la vérité. Il connaissait les faits. J’ai respiré. Vous êtes parti sans faire de place à ma colère. Il n’y avait de place, en vous, que pour la vôtre. Durant les décennies qui ont suivi, le syndrome s’est accentué. Vous aviez beau aimer Levinas, penseur par excellence de l’altérité, il vous devenait de plus en plus difficile, voire impossible, de céder le moindre pouce de territoire à celle ou celui que vous ressentiez comme une menace. Cette mesure d’étanchéité, parfaitement compréhensible compte tenu de l’histoire qui est la vôtre, n’eût posé aucun problème si elle ne s’était transformée en croisade intellectuelle. Cette façon que vous avez de vous mettre dans tous vos états pour peu que survienne un désaccord n’a cessé de m’inspirer, chaque fois que je vous écoute, l’empathie et l’exaspération. L’empathie, car je vous sais sincère, l’exaspération, car votre intelligence est décidément mieux disposée à se faire entendre qu’à entendre l’autre.

      Le plus clair de vos raisonnements est de manière récurrente rattrapé en chemin par votre allergie à ce qui est de nature à le ralentir, à lui faire de l’ombre. Ainsi, l’islam salafiste, notre ennemi commun et, pour des raisons d’expérience, le mien avant d’être le vôtre, vous a-t-il fait plus d’une fois confondre deux milliards de musulmans et une culture millénaire avec un livre, un verset, un slogan. Pour vous, le temps s’est arrêté au moment où le nazisme a décapité l’humanité. Il n’y avait plus d’avenir et de chemin possible que dans l’antériorité. Dans le retour à une civilisation telle qu’un Européen pouvait la rêver avant la catastrophe. Cela, j’ai d’autant moins de mal à le comprendre que j’ai la même nostalgie que vous des chantiers intellectuels du début du siècle dernier. Mais vous vous êtes autorisé cette fusion de la nostalgie et de la pensée qui, au prix de la lucidité, met la seconde au service de la première. Plus inquiétant, vous avez renoncé dans ce « monde d’hier » à ce qu’il avait de plus réjouissant : son cosmopolitisme, son mélange. Les couleurs, les langues, les visages, les mémoires qui, venues d’ailleurs, polluent le monde que vous regrettez, sont assignées par vous à disparaître ou à se faire oublier. Vous dites que deux menaces pèsent sur la France : la judéophobie et la francophobie. Pourquoi refusez-vous obstinément d’inscrire l’islamophobie dans la liste de vos inquiétudes ? Ce n’est pas faire de la place à l’islamisme que d’en faire aux musulmans. C’est même le contraire. À ne vouloir, à ne pouvoir partager votre malaise avec celui d’un nombre considérable de musulmans français, vous faites ce que le sionisme a fait à ses débuts, lorsqu’il a prétendu que la terre d’Israël était « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Vous niez une partie de la réalité pour en faire exister une autre. Sans prendre la peine de vous représenter, au passage, la frustration, la rage muette de ceux qui, dans vos propos, passent à la trappe.

      Vous avez cédé à ce contre quoi Canetti nous avait brillamment mis en garde avec Masse et puissance. Vous avez développé la « phobie du contact » à partir de laquelle une communauté, repliée comme un poing fermé, se met en position de défense aveugle, n’a plus d’yeux pour voir hors d’elle-même. Cette posture typique d’une certaine politique israélienne, et non de la pensée juive, constitue, entre autre et au-delà de votre cas, la crispation qui rend impossible l’invention de la paix. C’est d’autant plus dommage qu’il y a fort à parier que le monde dont vous portez le deuil est très proche de celui d’un nombre considérable de gens qui vivent en pays arabes sous la coupe de régimes mafieux et/ou islamistes. Pourquoi ceux-là comptent-ils si peu pour vous ? Pourquoi préférez-vous mettre le paquet sur vos ennemis déclarés que donner leur chance à de potentiels amis ? Le renoncement à l’idéal, dont j’évoque longuement la nécessité dans mon dernier livre sur Edward Said, est un pas que vous ne voulez pas franchir. J’entends par idéal la projection de soi promue au rang de projet collectif. Or, le seul rêve politique qui vaille, on peut aussi l’appeler utopie, c’est celui qui prend acte de la réalité et se propose d’en tirer le meilleur et non de la mettre au pas d’un fantasme. C’est précisément le contraire de l’idéal en circuit fermé qui fonctionne sur le mode d’une fixation infantile et nous fait brusquement découvrir, à la faveur d’une mauvaise rencontre, qu’il nourrit la haine de ceux qui n’ont pas les moyens de ne pas haïr. Cet homme qui vous a injurié a tout injurié d’un coup : votre personne, les Juifs et ceux que cette ignominie écœure. Il ne suffit toutefois pas de le dire pour le combattre et moins encore pour épuiser le sujet. À cet égard, je vous remercie d’avoir précisé à la radio que l’antisémitisme et l’antisionisme ne pouvaient être confondus d’un trait.

      Peut-être aurez-vous l’oreille du pouvoir en leur faisant savoir qu’ils ne cloueront pas le bec des opposants au régime israélien en clouant le bec des enragés. On a trop l’habitude en France de prendre les mots et les esprits en otage, de privilégier l’affect au mépris de la raison chaque fois qu’est évoquée la question d’Israël et de la Palestine. On nous demande à présent de reconnaître, sans broncher, que l’antisémitisme et l’antisionisme sont des synonymes. Que l’on commence par nous dire ce que l’on entend par sionisme et donc par antisionisme. Si antisioniste signifie être contre l’existence d’Israël, je ne suis pas antisioniste. Si cela signifie, en revanche, être contre un État d’Israël, strictement juif, tel que le veulent Netanyahu et bien d’autres, alors oui, je le suis. Tout comme je suis contre toute purification ethnique. Mandela était-il antisémite au prétexte qu’il défendait des droits égaux pour les Palestiniens et les Israéliens ? L’antisémitisme et le négationnisme sont des plaies contre lesquelles je n’ai cessé de me battre comme bien d’autres intellectuels arabes. Que l’on ne nous demande pas à présent d’entériner un autre négationnisme – celui qui liquide notre mémoire – du seul fait que nous sommes défaits. Oui, le monde arabe est mort. Oui, tous les pays de la région, où je vis, sont morcelés, en miettes. Oui, la résistance palestinienne a échoué. Oui, la plupart desdites révolutions arabes ont été confisquées. Mais le souvenir n’appartient pas que je sache au seul camp du pouvoir, du vainqueur. Il n’est pas encore interdit de penser quand on est à genoux.

      Un dernier mot avant de vous quitter. Je travaille au Liban avec des femmes exilées par la guerre, de Syrie, de Palestine, d’Irak. Elles sont brodeuses. Quelques-unes sont chrétiennes, la plupart musulmanes. Parmi ces dernières, trois ont perdu un fils. Toutes sont pratiquantes. Dieu est pour ainsi dire leur seul recours, leur seule raison de vivre. Réunies autour d’une grande table, sur laquelle était posée une toile de chanvre, nous étions une douzaine à dessiner un cargo transportant un pays. Chacune y mettait un morceau du sien. L’une un tapis, l’autre une porte, une colonne romaine, un champ d’olivier, une roue à eau, un coin de mer, un village du bord de l’Euphrate. Le moment venu d’introduire ou pas un lieu de culte, la personne qui dirigeait l’atelier a souhaité qu’il n’y en ait pas. Face à la perplexité générale, il a été proposé que ces lieux, s’il devait y en avoir, soient discrets. À la suggestion d’ajouter une synagogue, l’une des femmes a aussitôt réagi par ces mots : « S’il y a une église et une mosquée, il faut mettre une synagogue pour que chacun puisse aller prier là où il veut. Et elle a ajouté avec le vocabulaire dont elle disposait : « Nous ne sommes pas antisémites, nous sommes antisionistes. » Toutes ont approuvé, faisant valoir que « dans le temps », tout ce monde-là vivait ensemble.

      Cher Alain Finkielkraut, je vous demande et je demande aux responsables politiques de ne pas minorer ces petites victoires du bon sens sur la bêtise, de la banalité du bien sur la banalité du mal. Préférez les vrais adversaires qui vous parlent aux faux amis qui vous plaignent. Aidez-nous à vous aider dans le combat contre l’antisémitisme : ne le confinez pas au recours permanent à l’injonction, l’intimidation, la mise en demeure. Ceux qui se font traiter d’antisémites sans l’être ne sont pas moins insultés que vous. Ne tranchez pas à si bon compte dans le vécu de ceux qui ont une autre représentation du monde que vous. Si antisionisme n’est plus un mot adapté, donnez-nous-en un qui soit à la mesure de l’occupation, de la confiscation des terres et des maisons par Israël, et nous vous rendrons celui-ci. Il est vrai que beaucoup d’entre nous ont renoncé à parler. Mais ne faites pas confiance au silence quand il n’est qu’une absence provisoire de bruit. Un mutisme obligé peut accoucher de monstres. Je vous propose pour finir ce proverbe igbo : « Le monde est comme un masque qui danse : pour bien le voir, il ne faut pas rester au même endroit. »

      Dominique EDDÉ est romancière et essayiste. Dernier ouvrage : « Edward Said. Le roman de sa pensée » (La Fabrique, 2017).

      –—
      Note de l’auteure

      Rédigée le 23 février dernier, cette lettre à Alain Finkielkraut a été acceptée par le journal Le Monde qui demandait qu’elle lui soit « réservée », puis elle a été recalée, sans préavis, 9 jours plus tard alors qu’elle était en route pour l’impression.

      L’article qui, en revanche, sera publié sans contrepoids ce même jour, le 5 mars, était signé par le sociologue Pierre-André Taguieff. Survol historique de la question du sionisme, de l’antisionisme et de « la diabolisation de l’État juif », il accomplit le tour de force de vider le passé et le présent de toute référence à la Palestine et aux Palestiniens. N’existe à ses yeux qu’un État juif innocent mis en péril par le Hamas. Quelques mois plus tôt, un article du sociologue Dany Trom (publié dans la revue en ligne AOC) dressait, lui aussi, un long bilan des 70 ans d’Israël, sans qu’y soient cités une seule fois, pas même par erreur, les Palestiniens.

      Cette nouvelle vague de négationnisme par omission ressemble étrangement à celle qui en 1948 installait le sionisme sur le principe d’une terre inhabitée. Derrière ce manque d’altérité ou cette manière de disposer, à sens unique, du passé et de la mémoire, se joue une partie très dangereuse. Elle est à l’origine de ma décision d’écrire cette lettre. Si j’ai choisi, après le curieux revirement du Monde, de solliciter L’Orient-Le Jour plutôt qu’un autre média français, c’est que le moment est sans doute venu pour moi de prendre la parole sur ces questions à partir du lieu qui est le mien et qui me permet de rappeler au passage que s’y trouvent par centaines de milliers les réfugiés palestiniens, victimes de 1948 et de 1967.

      Alors que j’écris ces lignes, j’apprends qu’a eu lieu, cette semaine, un défilé antisémite en Belgique, dans le cadre d’un carnaval à Alost. On peine à croire que la haine et la bêtise puissent franchir de telles bornes. On peine aussi à trouver les mots qui tiennent tous les bouts. Je ne cesserai, pour ma part, d’essayer de me battre avec le peu de moyens dont je dispose contre la haine des Juifs et le négationnisme, contre le fanatisme islamiste et les dictatures, contre la politique coloniale israélienne. De tels efforts s’avèrent de plus en plus dérisoires tant la brutalité ou la surdité ont partout des longueurs d’avance.

      Que les choses soient claires : l’antisémitisme n’est pas, de mon point de vue, un racisme comme un autre. Il est le mal qui signe la limite irrationnelle de l’humain dans notre humanité. Le combattre de toutes nos forces n’est pas affaiblir la Palestine, c’est la renforcer. Alerter un certain milieu intellectuel et politique sur les dangers d’une mémoire sioniste exclusive, c’est l’alerter sur la grave injustice qu’elle signifie, mais aussi sur le désastreux effet d’huile sur le feu antisémite que peut produire cette occultation de l’autre.

      D.E.

    • Et aussi

      Note de l’auteure

      Rédigée le 23 février dernier, cette lettre à Alain Finkielkraut a été acceptée par le journal Le Monde qui demandait qu’elle lui soit « réservée », puis elle a été recalée, sans préavis, 9 jours plus tard alors qu’elle était en route pour l’impression.

      L’article qui, en revanche, sera publié sans contrepoids ce même jour, le 5 mars, était signé par le sociologue Pierre-André Taguieff. Survol historique de la question du sionisme, de l’antisionisme et de « la diabolisation de l’État juif », il accomplit le tour de force de vider le passé et le présent de toute référence à la Palestine et aux Palestiniens. N’existe à ses yeux qu’un État juif innocent mis en péril par le Hamas. Quelques mois plus tôt, un article du sociologue Dany Trom (publié dans la revue en ligne AOC) dressait, lui aussi, un long bilan des 70 ans d’Israël, sans qu’y soient cités une seule fois, pas même par erreur, les Palestiniens.


      #le_monde

    • @touti : quand tu préconises Tor, c’est « Tor Browser » ou le réseau Tor ? J’ai pas encore osé me lancer dans ce truc car ça m’a l’air complexe.
      Sinon, j’utilise un service qui fournit des accès à des VPN, ce qui me permet de « délocaliser » mon IP, d’anonymiser mes connections et d’en crypter le contenu. Ça s’appelle « Cyberghost » et c’est payant aussi, mais bon ...

    • Oui TOR browser, et ça utilise le réseau TOR, faut arrêter d’avoir peur (les médias dominants ont bien travaillé avec le dark web, raaaa bouououuoouh TOR c’est le mal) , c’est aussi simple que n’importe quel navigateur.

    • Euh ... En fait, c’est pas le darquouèbe qui me fout les jetons, c’est la complexité technique du bouzin. Faudra que je teste sur une vieille machine sous Linux.
      Sinon, à propos de Cyberghost, un peu de doc ici même :
      https://www.tomsguide.com/us/cyberghost-vpn,review-4458.html

      Mais si j’arrive à maîtriser Tor (et son « brouteur »), j’abandonne derechef mon service payant. (Désolé @monolecte d’avoir squatté ton post avec mes angoisses techniques.)

    • Non mais ya rien à faire, tu ouvres TorBrowser et c’est fini. C’est juste un Firefox pré-configuré pour passer par Tor. Dès que tu l’allumes il fait un chemin au hasard dans les nœuds Tor, et du coup c’est comme si tu faisais ta requête depuis ailleurs (mais le nœud sortant est aussi en France). À tout moment t’as une entrée de menu « rouvrir avec un autre chemin » si tu veux le changer.

  • #gilets_jaunes et antisémitisme : l’éternel procès
    https://nantes.indymedia.org/articles/44632

    Alain Finkielkraut a été pris à partie par des Gilets Jaunes lors de l’acte XIV, à Paris. Sa propension notable à être insulté dans l’espace public n’ont dissuadé ni le principal intéressé, ni les médias de masse d’en conclure que notre mouvement est gangrené par l’antisémitisme.

    #Racisme #Racisme,gilets_jaunes

  • BALLAST | Samuel Hayat : « Les mouvements d’émancipation doivent s’adapter aux circonstances »
    https://www.revue-ballast.fr/samuel-hayat-les-mouvements-demancipation

    Samuel Hayat, chargé de recherche au CNRS, sait la révolution de 1848 sur le bout des doigts. Mais loin de se borner à l’indispensable étude scientifique des jours anciens, il s’empare volontiers du débat public : son article sur le soulèvement hétéroclite des #gilets_jaunes contre la vie chère, paru début décembre 2018, a attiré notre attention — et celle de nombreux lecteurs. « Rien n’est garanti, mais tout est ouvert », concluait-il. Deux mois ont passé. Les « #actes » se succèdent, chaque samedi, et font face à la répression. La commune lorraine de #Commercy a lancé un appel, suivi, à la coordination nationale du mouvement avec pour socle la démocratie directe, le partage des richesses et le rejet du #sexisme, de l’#homophobie et du #racisme. Et si l’extrême droite affiche, de jour en jour, son amertume à l’endroit de ce qu’elle tient pour une « #gauchisation »1 du mouvement, l’agression antisémite subie par Alain Finkielkraut n’en jette pas moins un froid — sitôt exploité par l’ensemble du personnel médiatique et gouvernemental, en dépit de la condamnation unanime des figures du mouvement. Revenons, donc, sur cette mobilisation que Samuel Hayat nous présente comme « #révolutionnaire, mais sans #révolution au sens étroitement #politique ».

  • Le buzz Finkielkraut, une presse conservatrice et réactionnaire au service de Macron
    https://nantes.indymedia.org/articles/44625

    Comme lors de Nuits debout, Alain Finkielkraut vient s’imposer dans un manifestation publique qu’il critique. Alors qu’il invite sur France culture Zemmour qui défend l’action de Pétain et de Vichy, Finkielkraut s’étonne des conséquence de la propagande qu’il favorise, comme Macron qui voulait commémorer la mémoire de Mauras et de Pétain. Cela échappe à la « presse de préfecture ».

    #Racisme #Répression #Resistances #antifascisme #gilets_jaunes #Racisme,Répression,Resistances,antifascisme,gilets_jaunes

  • Assimiler l’antisionisme à l’antisémitisme : la dangereuse voie vers une pénalisation dénoncée
    https://nantes.indymedia.org/articles/44624

    Les insultes dont l’académicien Alain Finkielkraut a été la cible en marge d’une manifestation des gilets jaunes samedi 16 février ont soulevé une vague d’indignation unanime dans la classe politique, qui a dénoncé dans son ensemble la résurgence d’un antisémitisme crasse déguisée en antisionisme.

    #Racisme #Répression #Resistances #antifascisme #Racisme,Répression,Resistances,antifascisme

  • Les Juifs, les sionistes et les députés. André Markowicz — L’AUTRE QUOTIDIEN
    https://www.lautrequotidien.fr/articles/2019/2/19/les-juifs-les-sionistes-et-les-dputs-chronique-dandr-markowicz

    (...) J’ai dit ailleurs à quel point j’avais été choqué par la présence de Netanyahou aux commémorations de la rafle du Vel d’Hiv. Parce qu’Israël utilise ce qu’il appelle la Shoah (et que je ne peux appeler que le Génocide juif) comme bouclier, comme prétexte pour sa politique d’agression militaire et colonialiste. Non, Israël n’a aucun titre pour parler au nom des Juifs dans leur ensemble, dans le monde. Israël parle pour les Israéliens. Et, pour revenir au yiddish, je rappellerai, une fois encore, que le yiddish ne figure pas parmi les langues de Yad Vashem — n’y figure que l’hébreu, ce qui est, là encore, une monstruosité, acceptée par chacun, visiblement. (Et je devrais parler, en même temps, de cette autre catastrophe, — du scandale du refus de l’Occident après guerre d’accueillir ces milliers de survivants qui se retrouvaient sans rien et sans nulle part où vivre sans être exposés à la haine... ). Les Juifs, en tant que tels, ne sont pas destinés à être les agents d’Israël. — Que certains le soient, c’est leur problème à eux. Je les combats, par ce que j’écris. Je ne les insulte pas. Je ne les envoie pas « à Tel Aviv » . Et je ne les promets pas aux flammes de l’Enfer... dont, quelques fois, un certain nombre d’agités me menacent.

    Le sionisme est un nationalisme. — Tous les nationalismes sont mortifères. Tous, sans exception. Tous, ils tuent dès qu’ils sont au pouvoir.

    D’un côté les nationalismes. De l’autre côté les religions. Et elles aussi, quand elles sont au pouvoir, où qu’elles soient, elles tuent. De l’immanence à la transcendance, même combat de mort et de bêtise. Le communautarisme. Qu’il soit juif, musulman ou n’importe quoi d’autre.

    N’avons-nous pas de lois pour réprimer ce qui s’est passé contre Alain Finkielkraut ? — Il y a eu des injures ? — Oui. L’injure publique est punie par la loi. Il y a eu des cris antisémites ? Oui. L’antisémitisme est, lui aussi, d’ores et déjà, puni par la loi. Et cette loi a tout lieu de s’exercer... — Combien de fois, hélas, ne s’exerce-t-elle pas ?...

    Mais si les députés français acceptent aujourd’hui de considérer que critiquer le sionisme serait, de par la loi, faire acte d’antisémitisme, alors, ils signeraient la victoire des barbus — de tous les fanatiques et, parmi eux, de celui-là même, affublé d’un gilet jaune de circonstance, contre lequel ils disent se dresser.

  • Alain Badiou | Sinistre comédie d’un raciste habillé en anti-raciste
    https://lemediapresse.fr/idees/alain-badiou-sinistre-comedie-dun-raciste-habille-en-anti-raciste

    La chasse des réseaux sociaux, des complotistes de tout genre, des enragés de l’Occident et de la race blanche est aujourd’hui ouverte contre, en particulier, mon amie de longue date, celle avec qui j’ai longtemps réalisé sur le net l’émission totalement libre « Contre-courant », notamment diffusée par Mediapart, et qui tente aujourd’hui d’échapper, à la direction […]

  • #gilets_jaunes et antisémitisme : l’éternel procès
    https://nantes.indymedia.org/articles/44600

    Alain Finkielkraut a été pris à partie par des Gilets Jaunes lors de l’acte XIV, à Paris. Sa propension notable à être insulté dans l’espace public n’ont dissuadé ni le principal intéressé, ni les médias de masse d’en conclure que notre mouvement est gangrené par l’antisémitisme.

    #Racisme #Répression #Resistances #antifascisme #Racisme,Répression,Resistances,antifascisme,gilets_jaunes

  • Chèr⋅es ami⋅es, la récente remise sur le tapis du débat antisémitisme/antisionisme, la manif d’aujourd’hui, la loi que certaines personnes voudraient faire… tout cela me remue toujours, et me remémore un très modeste et très petit texte-manifeste que j’avais écrit en août 2014 en plein durant les bombardements sur Gaza. Écrit du point de vue d’une personne de culture juive, extérieur à Israël, donc.

    Je ne l’ai jamais vraiment publié ni donc diffusé. Je n’ai jamais trop su où le mettre, car je ne voulais pas spécialement le publier en mon nom, et j’aurais voulu que ce soit en plusieurs langues dès le départ. Je ne savais pas si je prenais un nom de domaine « juste » pour ça… et donc en devant payer. Au final je l’ai laissé dans un coin. Pourtant depuis 5 ans déjà, c’est possible que ça dise encore quelque chose, et je suis toujours à peu près d’accord avec moi-même.

    – Est-ce que c’est toujours pertinent, intéressant, de publier ça ?
    Si oui…
    – Est-ce que je dois le reformuler pour le rendre encore plus intemporel, ou est-ce que je dois laisser le contexte dans lequel il a été écrit, avec une phrase disant que c’est toujours d’actu quand même ?
    – Où le mettre ? Sur un nom de domaine dédié ? Mais du coup quoi, en français, en anglais ? Ou sur un Github avec un compte anonyme ? Ou Medium, ou autre ?

    Enfin bref, j’en sais rien. Et comme on est plus intelligent à plusieurs, si vous avez des remarques…

    Juif, pas Israélien

    Je suis juif, ou je viens d’une famille de culture juive, mais je ne suis pas Israélien.

    Je vis dans un autre pays quelconque du globe. Ma culture, mon éducation, est liée à l’endroit où j’ai fais ma vie.

    Le gouvernement ou les grands médias de l’endroit où je vis ne condamnent pas fermement, clairement, explicitement, les massacres et les crimes de guerre perpétrés sur la population palestienne. Ils ne demandent aucune sévère sanction contre l’État d’Israël à l’échelle des relations internationales.

    Pire encore, ils affirment que les personnes révoltées par ce qui se passe en Palestine, et notamment à Gaza, sont peu ou prou antisémites.

    Je tiens donc à affirmer que je ne supporte en aucun cas l’État israélien, ni les nombreux citoyens qui approuvent ses actions.

    Je suis contre toute forme de colonisation et d’impérialisme.

    Je condamne tous les discours assimilant ou liant indéfectiblement l’ensemble des juifs à l’État d’Israël, et en particulier ceux des gouvernements et associations qui défendent ou aident cet État.

    Je condamne l’utilisation de tout procédé linguistique ou argumentaire visant à faire croire à un conflit symétrique.

    Lorsque je pense à l’histoire européenne d’une partie de ma famille, je suis révolté lorsque je vois le Mur, les barbelés, les miradors, les humiliations, la ghettoïsation, les bombardements et les meurtres infligés aux Palestiniens.

    Tout ceci ne se fera pas en mon nom.

    Je vous invite, selon vos centres d’intérêts, à lutter politiquement, littérairement, artistiquement ou mystiquement contre ces injustices.

    Août 2014 / #JuifPasIsraélien #JewNotIsraeli

    #juif #Israël #Palestine #notinmyname

    • Cher @rastapopoulos

      Merci pour ce partage

      Et ici, sans doute, le mot « partage » n’est pas galvaudé.

      Ton texte si court soit-il sur un sujet si difficile a de belles qualités. Et on ne peut pas douter, pas une seule seconde, de ses intentions louables. En revanche je dois te dire que je lui préfère une argumentation plus développée qui est celle par exemple de Claude Askolovitch. signalée ici ( https://seenthis.net/messages/747159 )

      Je te donne un seul exemple. Quand tu écris

      Je suis contre toute forme de colonisation et d’impérialisme.

      On ne peut, en quelque sorte, que te donner raison. Singulièrement pour ce qui est de la politique actuelle, et même passée jusqu’à un certain point, d’Israël (je vais revenir sur ce certain point justement). Et de fait les bombardements de Gaza en 2014 ont été l’apogée sans doute de ce qui mérite d’être condamné, et de l’être sans ambiguïté ce dont nos gouvernements successifs se sont tous tenus très éloignés de faire pour des raisons de real politik qui les regardent mais dont ils devraient se demander aujourd’hui si justement le peu de représentativité de cette real politik forcenée n’est pas en train justement de leur exploser à la figure.

      Et je suis à peu près certain que tu dois être favorable, de ce que je sais de toi au travers de ce que je lis dans tes signalements et autres participations dans seenthis, à une solution dite à deux états. Et pour cela on pourrait te demander de te pencher sur toutes les cartes particulièrement nombreuses dans le temps du « partage » (le mot est mal choisi, je le fais exprès) des territoires entre ceux palestiniens et ceux israéliens. Or quelle que soit la carte, si reculée soit-elle dans le temps jusqu’en 1948, que tu choisiras, elle sera déjà celle d’une colonisation.

      Et je présume que je n’ai pas besoin de te rappeler que de 1945 à 1948, les Juifs d’Europe ayant survécu à la destruction n’avaient d’une part plus où que ces soit où aller et que le camp des vainqueurs n’a pas assumé sa responsabilité de libérateur des camps, côté Russe, n’en parlons pas, mais du côté de la Grande Bretagne et des Etats-Unis, les quotas pour accueillir les survivants étaient ridiculement bas, le sionisme alors était une question de survie. Avec toute l’hypocrisie qui la caractérise la Grande Bretagne a réglé le problème en abandonnant sa colonie palestinienne, ce qu’elle aurait sans doute pas fait si la même colonie avait eu certaines richesses à faire valoir.

      Le sionisme contemporain, singulièrement sa pratique coloniale dans les territoires occupés et au delà d’eux est abject et devrait oui, être viscéralement condamné, ce qui ne se produira jamais en Occident puisque nos pays sont englués à la fois dans des logiques et real politik et une mauvaise conscience qui n’est pas prête de s’éteindre, même avec les derniers et dernières survivantes de la destruction des Juifs d’Europe.

      Que les députés de la REM se ridiculisent et montrent une fois de plus leur manque édifiant de profondeur à la fois politique et historique est une chose, je tente de me rassurer en me disant que quelques filtres et autres fusibles devraient rendre l’adoption d’une telle loi très compliquée, parce qu’à ce moment-là j’imagine qu’il faudra également légiférer contre tant et tant de stigmatisations. En revanche la question est bien là, les antisémites en France se proclament antisionnistes, non pas qu’ils et elles soient particulièrement sensibles à la souffrance du peuple palestinien mais parce que cela leur permet de contourner l’illégalité de leur antisémitisme pour lequel nul n’a de doute.

      Quant au retentissement de ce qui est en train de devenir l’affaire des injures antisionnistes envers le philosophe Alain Finkielkraut, je suis frappé par le caractère hystérique des réactions d’une part, mais d’autre part aussi je suis étonné par le caractère admirablement artificiel et fabriqué de l’affaire. Je trouve très curieux d’une part que cette confrontation soit advenue fortuitement et quand bien même un tel accident statistique était advenu quelle est la probabilité pour qu’au même moment il y ait à la fois une équipe de télévision sur les lieux et un peloton de CRS pour s’interposer et prendre la défense du philosophe. Enfin quelle est également la probabilité pour que les insultes émanant d’une foule soit aussi respectueuse des limites de la légalité des insultes, « sale sioniste » (qui n’est pas interdit) en lieu et place de « sale juif » (qui est un délit) ?

      Et pour terminer il ne faut évidemment pas tomber dans le piège de dire ou même de sous entendre que Finkielkraut puisse mériter son sort, en revanche il ne me paraît pas injustifié de rappeler utilement que ses propos habituellement rances constituent une provocation continue pour laquelle il y aurait moyen de le poursuivre sans doute, qu’en l’état il bénéficie d’une immunité très douteuse et rappeler la phrase de Brecht à propos de la violence : on s’indigne beaucoup de la violence des crues, on ne parle jamais de celle des berges qui emprisonnent le fleuve dans son lit.

      Amicalement.

      Phil

    • Bon ça fait un mois que j’ai cet onglet ouvert pour un jour te répondre @philippe_de_jonckheere mais je ne trouve jamais le temps.

      Juste pour un point important quand même, le sionisme et la colonisation du territoire palestinien n’a évidemment pas commencé en 1948, ni même en 1945, ni même pendant la guerre.

      Deux articles du même moment :
      Antisionisme, antisémitisme et idéologie coloniale, Alain Gresh
      https://seenthis.net/messages/761437
      À propos des sémites et des antisémites, des sionistes et des antisionistes, Shlomo Sand
      https://seenthis.net/messages/763267
      Et sans manichéisme :

      Le fait que le sionisme ne soit pas parvenu à sauver les juifs d’Europe, et que les survivants aient souhaité émigrer en Amérique, et malgré la perception du sionisme comme étant une entreprise coloniale au plein sens du terme, n’altèrent pas une donnée significative : le diagnostic sioniste concernant le danger qui planait sur la vie des juifs dans la civilisation européenne du vingtième siècle (nullement judéo-chrétienne !), s’était avéré exact. Théodore Herzl, le penseur de l’idée sioniste, avait, mieux que les libéraux et les marxistes, compris les judéophobes de son époque.

      Cela ne justifie pas, pour autant, la définition sioniste selon laquelle les juifs forment un peuple-race. Cela ne justifie pas davantage la vision des sionistes décrétant que la Terre Sainte constitue la patrie nationale sur laquelle ils auraient des droits historiques. Les sionistes ont, cependant, créé un fait accompli politique, et toute tentative de l’effacer se traduirait par de nouvelles tragédies dont seront victimes les deux peuples qui en ont résulté : les Israéliens et les Palestiniens.

      Et il n’y a pas de manière simple de se dépatouiller de ce fait accompli, quand bien même on le réprouverait, et quand bien même on penserait qu’à l’époque (trop tard.) il y avait d’autres moyens possibles, et que les européens ont des raisons d’avoir honte de n’avoir pas su ré-intégrer ces survivants, au lieu de les pousser ailleurs (un ailleurs avec déjà d’autres gens).

      Bref, dans tous les cas ce texte était (est) un coup de gueule, un tract, pas une argumentation, donc oui évidemment ya plein de choses plus détaillées à dire autour.

      Amicalement de même :)

  • Lettre ouverte à Alain Finkielkraut, par Alain Badiou 18 Avril 2016 - nouvel obs
    https://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20151112.OBS9357/lettre-ouverte-a-alain-finkielkraut-par-alain-badiou.amp

    "Vous vous êtes mis vous-même dans une trappe obscure. Et je crois deviner que vous commencez à comprendre que là où vous êtes, ça sent le moisi, et pire encore."

    Lors des discussions, publiques et publiées, que nous avons eues naguère, je vous avais mis en garde contre le glissement progressif de votre position, et singulièrement de votre crispation identitaire, que je savais être à l’époque sans doute déjà très réactive, mais que je considérais comme loyale et sincère, du côté d’un discours qui deviendrait indiscernable de celui des extrêmes-droite de toujours.

    C’est évidemment le pas que, malgré mes conseils éclairés, vous avez franchi avec le volume « l’Identité malheureuse » et le devenir central, dans votre pensée, du concept proprement néo-nazi d’Etat ethnique . Je n’en ai pas été trop surpris, puisque je vous avais averti de ce péril intérieur, mais, croyez-le, j’en ai été chagrin : je pense toujours en effet que n’importe qui, et donc vous aussi, a la capacité de changer, et – soyons un moment platoniciens – de se tourner vers le Bien.

    Mais vous vous êtes irrésistiblement tourné vers le Mal de notre époque : ne savoir opposer à l’universalité, abstraite et abjecte, du marché mondial capitaliste, que le culte, mortifère dès qu’il prétend avoir une valeur politique quelconque, des identités nationales, voire, dans votre cas, « ethniques », ce qui est pire.

    J’ajoute que votre instrumentation sur ce point de « la question juive » est la forme contemporaine de ce qui conduira les Juifs d’Europe au désastre, si du moins ceux qui, heureusement, résistent en nombre à cette tendance réactive ne parviennent pas à l’enrayer. Je veux dire, la bascule du rôle extraordinaire des Juifs dans toutes les formes de l’universalisme (scientifique, politique, artistique, philosophique…) du côté du culte barbare et sans issue autre que meurtrière d’un Etat colonial. Je vous le dis, comme à tous ceux qui participent à ce culte : c’est vous qui, aujourd’hui, par cette brutale métamorphose d’un sujet-support glorieux de l’universalisme en fétichisme nationaliste, organisez, prenant le honteux relais de l’antisémitisme racialiste, une catastrophe identitaire sinistre. 

    Dans le groupe des intellectuels qui vous accompagnent dans cette vilenie anti-juive, on me traite volontiers d’antisémite. Mais je ne fais que tenir et transformer positivement l’universalisme hérité non seulement d’une immense pléiade de penseurs et de créateurs juifs, mais de centaines de milliers de militants communistes juifs venus des milieux ouvriers et populaires. Et si dénoncer le nationalisme et le colonialisme d’un pays déterminé est « antisémite » quand il s’agit d’Israël, quel nom lui donner quand il s’agit, par exemple, de la France, dont j’ai critiqué bien plus radicalement et continûment, y compris aujourd’hui, les politiques, tant coloniales que réactionnaires, que je ne l’ai fait s’agissant de l’Etat d’Israël ? Direz-vous alors, comme faisaient les colons en Algérie dans les années cinquante, que je suis « l’anti-France » ? Il est vrai que vous semblez apprécier le charme des colons, dès qu’ils sont israéliens.

    Vous vous êtes mis vous-même dans une trappe obscure, une sorte d’anti-universalisme borné et dépourvu de tout avenir autre qu’archi-réactionnaire. Et je crois deviner (je me trompe ?) que vous commencez à comprendre que là où vous êtes, ça sent le moisi, et pire encore. Je me dis que si vous tenez tant à ce que je vienne à l’anniversaire de votre émission (à laquelle j’ai participé quatre fois, du temps où vous étiez encore fréquentable, quoique déjà avec quelques précautions), ou que je participe encore à ladite émission, c’est que cela pourrait vous décoller un peu de votre trou. « Si Badiou, le philosophe platonicien et communiste de service, accepte de venir me voir dans la trappe où je suis » - pensez-vous peut-être - « cela me donnera un peu d’air au regard de ceux, dont le nombre grandit, qui m’accusent de coquetterie en direction du Front National. »

    Voyez-vous, j’ai déjà été critiqué dans ce que vous imaginez être mon camp (une certaine « gauche radicale », qui n’est nullement mon camp, mais passons) pour avoir beaucoup trop dialogué avec vous. Je maintiens, sans hésitation, que j’avais raison de le faire. Mais je dois bien constater, tout simplement, que je n’en ai plus envie. Trop c’est trop, voyez-vous. Je vous abandonne dans votre trou, ou je vous laisse, si vous préférez, avec vos nouveaux « amis ». Ceux qui ont fait le grand succès des pleurs que vous versez sur la fin des « Etats ethniques », qu’ils prennent désormais soin de vous. Mon espoir est que quand vous comprendrez qui ils sont, et où vous êtes, le bon sens, qui, si l’on en croit la philosophie classique, est le propre du sujet humain, vous reviendra.

    Alain Badiou
    #Alain_Finkielkraut #Alain_Badiou

  • Gilets jaunes : 52% des Français pensent que le mouvement doit cesser
    https://www.latribune.fr/economie/france/gilets-jaunes-52-des-francais-pensent-que-le-mouvement-doit-cesser-807783.

    D’après un sondage Ifop réalisé pour le Journal du dimanche, seuls 38% des Français interrogés estiment que les Gilets jaunes doivent poursuivre leurs actions. 10% ne se prononcent pas.

    52% des Français estiment que les Gilets jaunes doivent maintenant cesser leur mouvement et leurs actions. C’est ce qu’il ressort d’un sondage réalisé par l’institut Ifop pour le Journal du dimanche. Ils n’étaient que 37% à vouloir l’arrêt du mouvement, lors du précédent sondage Ifop mené les 8 et 9 janvier derniers. L’institut de sondage n’avait jamais mesuré un niveau si faible d’approbation depuis le début du mouvement, il y a trois mois jour pour jour.

    D’après cette enquête, seules 38% des personnes interrogées jugent que les manifestants doivent poursuivre leurs actions et 10% ne se prononcent pas.

    Par ailleurs, plus d’un tiers des personnes interrogées (34%) se déclarent désormais opposées ou hostiles aux manifestants et 16% y sont indifférentes. Lors de la précédente enquête de l’Ifop, réalisée au début du mois, 55% des sondés approuvaient le mouvement et 29% le blâmaient.

    La décrue tendancielle de la mobilisation s’est poursuivie lors de l’acte 14, qui a réuni samedi 16 février 41.500 manifestants, soit 10.000 de moins que le 9 février, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur.

    Par ailleurs, la manifestation des gilets jaunes qui s’est tenue à Paris a été marquée par des injures antisémites proférées à l’encontre de l’académicien Alain Finkielkraut. Le parquet de Paris a ouvert une enquête et l’ensemble de la classe politique et intellectuelle a condamné cette agression verbale.

    Le sondage de l’Ifop a été réalisé en ligne du 13 au 14 février auprès d’un échantillon de 1.012 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

  • Des débats vraiment faux ou faussement vrais | Pierre Bourdieu
    http://lmsi.net/Des-debats-vraiment-faux-ou

    Alors qu’Emmanuel Macron lance un grand « débat » en guise de réponse au mouvement des gilets jaunes, il nous a semblé utile de reproduire ce texte paru dans Sur la télévision, et consacré aux « débats de société » tels que les médias audiovisuels les conçoivent et les mettent en scène. Certains des « invités permanents » (et notamment Luc Ferry et Alain Finkielkraut...) sont, vingt ans après, hélas les mêmes que ceux qu’évoque Pierre Bourdieu. Mais ce qui a hélas encore moins changé, c’est la structure et la scénographie de ces débats doublement « faux » : par leur objet (des faux problèmes, ou pire : des vrais problèmes mal posés) et par leurs dispositifs de verrouillage de la parole... auxquels s’ajoutent désormais les milliers de policiers mobilisés à chaque moment de ce « grand débat national ». Source : Les (...)

  • Les gilets jaunes et les « leçons de l’histoire »
    https://nantes.indymedia.org/articles/43722

    Dans une tribune publiée par le journal Le Monde (20/11/2018), le sociologue Pierre Merle écrit que « le mouvement des « gilets jaunes » rappelle les jacqueries de l’Ancien Régime et des périodes révolutionnaires ». Et il s’interroge : « Les leçons de l’histoire peuvent-elles encore être comprises ? » Je suis convaincu, moi aussi, qu’une mise en perspective historique de ce mouvement social peut nous aider à le comprendre. C’est la raison pour laquelle le terme de « jacquerie » (utilisé par d’autres commentateurs et notamment par Eric Zemmour, l’historien du Figaro récemment adoubé par France Culture dans l’émission d’Alain Finkielkraut qui illustre parfaitement le titre de son livre sur « la défaite de la pensée ») ne me paraît pas (...)

    #Médias #Resistances #/ #précarité #actions #directes #exclusion #chômage #Médias,Resistances,/,précarité,actions,directes,exclusion,chômage

  • Les gilets jaunes et les « leçons de l’histoire » Gérard Noiriel - 21 novembre 2018 - Le Blog de Gérard Noiriel
    https://noiriel.wordpress.com/2018/11/21/les-gilets-jaunes-et-les-lecons-de-lhistoire

    Dans une tribune publiée par le journal Le Monde (20/11/2018), le sociologue Pierre Merle écrit que « le mouvement des « gilets jaunes » rappelle les jacqueries de l’Ancien Régime et des périodes révolutionnaires ». Et il s’interroge : « Les leçons de l’histoire peuvent-elles encore être comprises ? »

    Je suis convaincu, moi aussi, qu’une mise en perspective historique de ce mouvement social peut nous aider à le comprendre. C’est la raison pour laquelle le terme de « jacquerie » (utilisé par d’autres commentateurs et notamment par Eric Zemmour, l’historien du Figaro récemment adoubé par France Culture dans l’émission d’Alain Finkielkraut qui illustre parfaitement le titre de son livre sur « la défaite de la pensée ») ne me paraît pas pertinent. Dans mon Histoire populaire de la France, j’ai montré que tous les mouvements sociaux depuis le Moyen Age avaient fait l’objet d’une lutte intense entre les dominants et les dominés à propos de la définition et de la représentation du peuple en lutte. Le mot « jacquerie » a servi à désigner les soulèvements de ces paysans que les élites surnommaient les « jacques », terme méprisant que l’on retrouve dans l’expression « faire le Jacques » (se comporter comme un paysan lourd et stupide).

    Le premier grand mouvement social qualifié de « jacquerie » a eu lieu au milieu du XIVe siècle, lorsque les paysans d’Ile de France se sont révoltés conte leurs seigneurs. La source principale qui a alimenté pendant des siècles le regard péjoratif porté sur les soulèvements paysans de cette époque, c’est le récit de Jean Froissart, l’historien des puissants de son temps, rédigé au cours des années 1360 et publié dans ses fameuses Chroniques. Voici comment Froissart présente la lutte de ces paysans : « Lors se assemblèrent et s’en allèrent, sans autre conseil et sans nulles armures, fors que de bâtons ferrés et de couteaux, en la maison d’un chevalier qui près de là demeurait. Si brisèrent la maison et tuèrent le chevalier, la dame et les enfants, petits et grands, et mirent le feu à la maison […]. Ces méchants gens assemblés sans chef et sans armures volaient et brûlaient tout, et tuaient sans pitié et sans merci, ainsi comme chiens enragés. Et avaient fait un roi entre eux qui était, si comme on disait adonc, de Clermont en Beauvoisis, et l’élurent le pire des mauvais ; et ce roi on l’appelait Jacques Bonhomme ».

    Ce mépris de classe présentant le chef des Jacques comme « le pire des mauvais » est invalidé par les archives qui montrent que les paysans en lutte se donnèrent pour principal porte-parole Guillaume Carle « bien sachant et bien parlant ». A la même époque, la grande lutte des artisans de Flandre fut emmenée par un tisserand, Pierre de Coninck décrit ainsi dans les Annales de Gand : « Petit de corps et de povre lignage, il avoit tant de paroles et il savoit si bien parler que c’estoit une fine merveille. Et pour cela, les tisserands, les foulons et les tondeurs le croyoient et aimoient tant qu’il ne sût chose dire ou commander qu’ils ne fissent ».

    On a là une constante dans l’histoire des mouvements populaires. Pour échapper à la stigmatisation de leur lutte, les révoltés choisissent toujours des leaders « respectables » et capables de dire tout haut ce que le peuple pense tout bas. D’autres exemples, plus tardifs, confirment l’importance du langage dans l’interprétation des luttes populaires. Par exemple, le soulèvement qui agita tout le Périgord au début du XVIIe siècle fut désigné par les élites comme le soulèvement des « croquants » ; terme que récusèrent les paysans et les artisans en se présentant eux mêmes comme les gens du « commun », Ce fut l’un des points de départ des usages populaires du terme « commune » qui fut repris en 1870-71, à Paris, par les « Communards ».

    Les commentateurs qui ont utilisé le mot « jacquerie » pour parler du mouvement des « gilets jaunes » ont voulu mettre l’accent sur un fait incontestable : le caractère spontané et inorganisé de ce conflit social. Même si ce mot est inapproprié, il est vrai qu’il existe malgré tout des points communs entre toutes les grandes révoltes populaires qui se sont succédé au cours du temps. En me fiant aux multiples reportages diffusés par les médias sur les gilets jaunes, j’ai noté plusieurs éléments qui illustrent cette permanence.

    Le principal concerne l’objet initial des revendications : le refus des nouvelles taxes sur le carburant. Les luttes antifiscales ont joué un rôle extrêmement important dans l’histoire populaire de la France. Je pense même que le peuple français s’est construit grâce à l’impôt et contre lui. Le fait que le mouvement des gilets jaunes ait été motivé par le refus de nouvelles taxes sur le carburant n’a donc rien de surprenant. Ce type de luttes antifiscales a toujours atteint son paroxysme quand le peuple a eu le sentiment qu’il devait payer sans rien obtenir en échange. Sous l’Ancien Régime, le refus de la dîme fut fréquemment lié au discrédit touchant les curés qui ne remplissaient plus leur mission religieuse, et c’est souvent lorsque les seigneurs n’assuraient plus la protection des paysans que ceux-ci refusèrent de payer de nouvelles charges. Ce n’est donc pas un hasard si le mouvement des gilets jaunes a été particulièrement suivi dans les régions où le retrait des services publics est le plus manifeste. Le sentiment, largement partagé, que l’impôt sert à enrichir la petite caste des ultra-riches, alimente un profond sentiment d’injustice dans les classes populaires.

    Ces facteurs économiques constituent donc bien l’une des causes essentielles du mouvement. Néanmoins, il faut éviter de réduire les aspirations du peuple à des revendications uniquement matérielles. L’une des inégalités les plus massives qui pénalisent les classes populaires concerne leur rapport au langage public. Les élites passent leur temps à interpréter dans leur propre langue ce que disent les dominés, en faisant comme s’il s’agissait toujours d’une formulation directe et transparente de leur expérience vécue. Mais la réalité est plus complexe. J’ai montré dans mon livre, en m’appuyant sur des analyses de Pierre Bourdieu, que la Réforme protestante avait fourni aux classes populaires un nouveau langage religieux pour nommer des souffrances qui étaient multiformes. Les paysans et les artisans du XVIe siècle disaient : « J’ai mal à la foi au lieu de dire j’ai mal partout ». Aujourd’hui, les gilets jaunes crient « j’ai mal à la taxe au lieu de dire j’ai mal partout ». Il ne s’agit pas, évidemment, de nier le fait que les questions économiques sont absolument essentielles car elles jouent un rôle déterminant dans la vie quotidienne des classes dominées. Néanmoins, il suffit d’écouter les témoignages des gilets jaunes pour constater la fréquence des propos exprimant un malaise général. Dans l’un des reportages diffusés par BFM-TV, le 17 novembre, le journaliste voulait absolument faire dire à la personne interrogée qu’elle se battait contre les taxes, mais cette militante répétait sans cesse : « on en a ras le cul » , « ras le cul », « ras le bol généralisé ».

    « Avoir mal partout » signifie aussi souffrir dans sa dignité. C’est pourquoi la dénonciation du mépris des puissants revient presque toujours dans les grandes luttes populaires et celle des gilets jaunes n’a fait que confirmer la règle. On a entendu un grand nombre de propos exprimant un sentiment d’humiliation, lequel nourrit le fort ressentiment populaire à l’égard d’Emmanuel Macron. « Pour lui, on n’est que de la merde ». Le président de la République voit ainsi revenir en boomerang l’ethnocentrisme de classe que j’ai analysé dans mon livre.

    Néanmoins, ces similitudes entre des luttes sociales de différentes époques masquent de profondes différences. Je vais m’y arrêter un moment car elles permettent de comprendre ce qui fait la spécificité du mouvement des gilets jaunes. La première différence avec les « jacqueries » médiévales tient au fait que la grande majorité des individus qui ont participé aux blocages de samedi dernier ne font pas partie des milieux les plus défavorisés de la société. Ils sont issus des milieux modestes et de la petite classe moyenne qui possèdent au moins une voiture. Alors que « la grande jacquerie » de 1358 fut un sursaut désespéré des gueux sur le point de mourir de faim, dans un contexte marqué par la guerre de Cent Ans et la peste noire.

    La deuxième différence, et c’est à mes yeux la plus importante, concerne la coordination de l’action. Comment des individus parviennent-ils à se lier entre eux pour participer à une lutte collective ? Voilà une question triviale, sans doute trop banale pour que les commentateurs la prennent au sérieux. Et pourtant elle est fondamentale. A ma connaissance, personne n’a insisté sur ce qui fait réellement la nouveauté des gilets jaunes : à savoir la dimension d’emblée nationale d’un mouvement spontané. Il s’agit en effet d’une protestation qui s’est développée simultanément sur tout le territoire français (y compris les DOM-TOM), mais avec des effectifs localement très faibles. Au total, la journée d’action a réuni moins de 300 000 personnes, ce qui est un score modeste comparé aux grandes manifestations populaires. Mais ce total est la somme des milliers d’actions groupusculaires réparties sur tout le territoire.

    Cette caractéristique du mouvement est étroitement liée aux moyens utilisés pour coordonner l’action des acteurs de la lutte. Ce ne sont pas les organisations politiques et syndicales qui l’ont assurée par leurs moyens propres, mais les « réseaux sociaux ». Les nouvelles technologies permettent ainsi de renouer avec des formes anciennes « d’action directe », mais sur une échelle beaucoup plus vaste, car elles relient des individus qui ne se connaissent pas. Facebook, twitter et les smartphones diffusent des messages immédiats (SMS) en remplaçant ainsi la correspondance écrite, notamment les tracts et la presse militante qui étaient jusqu’ici les principaux moyens dont disposaient les organisations pour coordonner l’action collective ; l’instantanéité des échanges restituant en partie la spontanéité des interactions en face à face d’autrefois.

    Toutefois les réseau sociaux, à eux seuls, n’auraient jamais pu donner une telle ampleur au mouvement des gilets jaunes. Les journalistes mettent constamment en avant ces « réseaux sociaux » pour masquer le rôle qu’ils jouent eux-mêmes dans la construction de l’action publique. Plus précisément, c’est la complémentarité entre les réseaux sociaux et les chaînes d’information continue qui ont donné à ce mouvement sa dimension d’emblée nationale. Sa popularisation résulte en grande partie de l’intense « propagande » orchestrée par les grands médias dans les jours précédents. Parti de la base, diffusé d’abord au sein de petits réseaux via facebook, l’événement a été immédiatement pris en charge par les grands médias qui ont annoncé son importance avant même qu’il ne se produise. La journée d’action du 17 novembre a été suivie par les chaînes d’information continue dès son commencement, minute par minute, « en direct » (terme qui est devenu désormais un équivalent de communication à distance d’événements en train de se produire). Les journalistes qui incarnent aujourd’hui au plus haut point le populisme (au sens vrai du terme) comme Eric Brunet qui sévit à la fois sur BFM-TV et sur RMC, n’ont pas hésité à endosser publiquement un gilet jaune, se transformant ainsi en porte-parole auto-désigné du peuple en lutte. Voilà pourquoi la chaîne a présenté ce conflit social comme un « mouvement inédit de la majorité silencieuse ».

    Une étude qui comparerait la façon dont les médias ont traité la lutte des cheminots au printemps dernier et celle des gilets jaunes serait très instructive. Aucune des journées d’action des cheminots n’a été suivie de façon continue et les téléspectateurs ont été abreuvés de témoignages d’usagers en colère contre les grévistes, alors qu’on a très peu entendu les automobilistes en colère contre les bloqueurs.

    Je suis convaincu que le traitement médiatique du mouvement des gilets jaunes illustre l’une des facettes de la nouvelle forme de démocratie dans laquelle nous sommes entrés et que Bernard Manin appelle la « démocratie du public » (cf son livre Principe du gouvernement représentatif, 1995). De même que les électeurs se prononcent en fonction de l’offre politique du moment – et de moins en moins par fidélité à un parti politique – de même les mouvements sociaux éclatent aujourd’hui en fonction d’une conjoncture et d’une actualité précises. Avec le recul du temps, on s’apercevra peut-être que l’ère des partis et des syndicats a correspondu à une période limitée de notre histoire, l’époque où les liens à distance étaient matérialisés par la communication écrite. Avant la Révolution française, un nombre incroyable de révoltes populaires ont éclaté dans le royaume de France, mais elles étaient toujours localisées, car le mode de liaison qui permettait de coordonner l’action des individus en lutte reposait sur des liens directs : la parole, l’interconnaissance, etc. L’Etat royal parvenait toujours à réprimer ces soulèvements parce qu’il contrôlait les moyens d’action à distance. La communication écrite, monopolisée par les « agents du roi », permettait de déplacer les troupes d’un endroit à l’autre pour massacrer les émeutiers.

    Dans cette perspective, la Révolution française peut être vue comme un moment tout à fait particulier, car l’ancienne tradition des révoltes locales a pu alors se combiner avec la nouvelle pratique de contestation véhiculée et coordonnée par l’écriture (cf les cahiers de doléances).

    L’intégration des classes populaires au sein de l’Etat républicain et la naissance du mouvement ouvrier industriel ont raréfié les révoltes locales et violentes, bien qu’elles n’aient jamais complètement disparu (cf le soulèvement du « Midi rouge » en 1907). La politisation des résistances populaires a permis un encadrement, une discipline, une éducation des militants, mais la contrepartie a été la délégation de pouvoir au profit des leaders des partis et des syndicats. Les mouvements sociaux qui se sont succédé entre les années 1880 et les années 1980 ont abandonné l’espoir d’une prise du pouvoir par la force, mais ils sont souvent parvenus à faire céder les dominants grâce à des grèves avec occupations d’usine, et grâce à de grandes manifestations culminant lors des « marches sur Paris » (« de la Bastille à la Nation »).

    L’une des questions que personne n’a encore posée à propos des gilets jaunes est celle-ci : pourquoi des chaînes privées dont le capital appartient à une poignée de milliardaires sont-elles amenées aujourd’hui à encourager ce genre de mouvement populaire ? La comparaison avec les siècles précédents aboutit à une conclusion évidente. Nous vivons dans un monde beaucoup plus pacifique qu’autrefois. Même si la journée des gilets jaunes a fait des victimes, celles-ci n’ont pas été fusillées par les forces de l’ordre. C’est le résultat des accidents causés par les conflits qui ont opposé le peuple bloqueur et le peuple bloqué.

    Cette pacification des relations de pouvoir permet aux médias dominants d’utiliser sans risque le registre de la violence pour mobiliser les émotions de leur public car la raison principale de leur soutien au mouvement n’est pas politique mais économique : générer de l’audience en montrant un spectacle. Dès le début de la matinée, BFM-TV a signalé des « incidents », puis a martelé en boucle le drame de cette femme écrasée par une automobiliste refusant d’être bloqué. Avantage subsidiaire pour ces chaînes auxquelles on reproche souvent leur obsession pour les faits divers, les crimes, les affaires de mœurs : en soutenant le mouvement des gilets jaunes, elles ont voulu montrer qu’elles ne négligeaient nullement les questions « sociales ».

    Au-delà de ces enjeux économiques, la classe dominante a évidemment intérêt à privilégier un mouvement présenté comme hostile aux syndicats et aux partis. Ce rejet existe en effet chez les gilets jaunes. Même si ce n’est sans doute pas voulu, le choix de la couleur jaune pour symboliser le mouvement (à la place du rouge) et de la Marseillaise (à la place de l’Internationale) rappelle malheureusement la tradition des « jaunes », terme qui a désigné pendant longtemps les syndicats à la solde du patronat. Toutefois, on peut aussi inscrire ce refus de la « récupération » politique dans le prolongement des combats que les classes populaires ont menés, depuis la Révolution française, pour défendre une conception de la citoyenneté fondée sur l’action directe. Les gilets jaunes qui bloquent les routes en refusant toute forme de récupération des partis politiques assument aussi confusément la tradition des Sans-culottes en 1792-93, des citoyens-combattants de février 1848, des Communards de 1870-71 et des anarcho-syndicalistes de la Belle Epoque.

    C’est toujours la mise en œuvre de cette citoyenneté populaire qui a permis l’irruption dans l’espace public de porte-parole qui était socialement destinés à rester dans l’ombre. Le mouvement des gilets jaunes a fait émerger un grand nombre de porte-parole de ce type. Ce qui frappe, c’est la diversité de leur profil et notamment le grand nombre de femmes, alors qu’auparavant la fonction de porte-parole était le plus souvent réservée aux hommes. La facilité avec laquelle ces leaders populaires s’expriment aujourd’hui devant les caméras est une conséquence d’une double démocratisation : l’élévation du niveau scolaire et la pénétration des techniques de communication audio-visuelle dans toutes les couches de la société. Cette compétence est complètement niée par les élites aujourd’hui ; ce qui renforce le sentiment de « mépris » au sein du peuple. Alors que les ouvriers représentent encore 20% de la population active, aucun d’entre eux n’est présent aujourd’hui à la Chambre des députés. Il faut avoir en tête cette discrimination massive pour comprendre l’ampleur du rejet populaire de la politique politicienne.

    Mais ce genre d’analyse n’effleure même pas « les professionnels de la parole publique » que sont les journalistes des chaînes d’information continue. En diffusant en boucle les propos des manifestants affirmant leur refus d’être « récupérés » par les syndicats et les partis, ils poursuivent leur propre combat pour écarter les corps intermédiaires et pour s’installer eux-mêmes comme les porte-parole légitimes des mouvements populaires. En ce sens, ils cautionnent la politique libérale d’Emmanuel Macron qui vise elle aussi à discréditer les structures collectives que se sont données les classes populaires au cours du temps.

    Etant donné le rôle crucial que jouent désormais les grands médias dans la popularisation d’un conflit social, ceux qui les dirigent savent bien qu’ils pourront siffler la fin de la récréation dès qu’ils le jugeront nécessaire, c’est-à-dire dès que l’audimat exigera qu’ils changent de cheval pour rester à la pointe de « l’actualité ». Un tel mouvement est en effet voué à l’échec car ceux qui l’animent sont privés de toute tradition de lutte autonome, de toute expérience militante. S’il monte en puissance, il se heurtera de plus en plus à l’opposition du peuple qui ne veut pas être bloqué et ces conflits seront présentés en boucle sur tous les écrans, ce qui permettra au gouvernement de réprimer les abus avec le soutien de « l’opinion ». L’absence d’un encadrement politique capable de définir une stratégie collective et de nommer le mécontentement populaire dans le langage de la lutte des classes est un autre signe de faiblesse car cela laisse la porte ouverte à toutes les dérives. N’en déplaise aux historiens (ou aux sociologues) qui idéalisent la « culture populaire », le peuple est toujours traversé par des tendances contradictoires et des jeux internes de domination. Au cours de cette journée des gilets jaunes, on a entendu des propos xénophobes, racistes, sexistes et homophobes. Certes, ils étaient très minoritaires, mais il suffit que les médias s’en emparent (comme ils l’ont fait dès le lendemain) pour que tout le mouvement soit discrédité.

    L’histoire montre pourtant qu’une lutte populaire n’est jamais complètement vaine, même quand elles est réprimée. Le mouvement des gilets jaunes place les syndicats et les partis de gauche face à leurs responsabilités. Comment s’adapter à la réalité nouvelle que constitue la « démocratie du public » pour faire en sorte que ce type de conflit social – dont on peut prévoir qu’il se reproduira fréquemment – soit intégré dans un combat plus vaste contre les inégalités et l’exploitation ? Telle est l’une des grandes questions à laquelle il faudra qu’ils répondent.

    #Vocabulaire #Jacques #Jacquerie #Croquants #Communards #Sans-culottes #dîme #taxes #justice #ethnocentrisme_de_classe #réseaux_sociaux #majorité_silencieuse #BFM #opinion #lutte_populaire #GiletsJaunes #guerre_aux_pauvres

  • Oswald Spengler et la collapsologie en 1931
    http://www.dedefensa.org/article/oswald-spengler-et-la-collapsologie-en-1931

    Oswald Spengler et la collapsologie en 1931

    Nous sommes mal partis, et nous le savons depuis longtemps maintenant. Poe, Tocqueville, Balzac nous mirent en garde à l’époque romantique puis Nietzsche, Le Bon ou le redoutable australien Pearson au demi-siècle de l’électricité et du colonialisme. Le problème c’est que nous pouvons encore être mal partis pendant encore longtemps !

    Longtemps donc avant les plus lucides de nos « mécontemporains », comme dit Alain Finkielkraut, la « collapsologie » (citons en vrac nos amis Kunstler, Klein, Diamond, Orlov) intéresse de grands et controversés esprits comme Oswald Spengler. Dans son dernier chapitre de l’homme et la technique (ici retraduit de l’anglais), le célèbre auteur du Déclin de l’occident (si le contenu du livre est oublié, déjà déconstruit en son temps (...)

  • Comment la gauche israélienne et le Camp de la paix perpétuent l’occupation
    Armelle Laborie & Eyal Sivan, Etat d’Exception, le 2 octobre 2018
    http://www.etatdexception.net/quest-ce-que-la-gauche-israelienne-et-le-camp-de-la-paix

    À l’étranger, le Camp de la paix bénéficie d’un important réseau de soutien. En France par exemple, le comité de parrainage de La Paix maintenant compte des personnalités aussi pacifistes et prestigieuses qu’Élisabeth Badinter, Alain Finkielkraut, Élisabeth de Fontenay ou Pierre-André Taguieff.

    Bien plus que les atteintes aux libertés des Palestiniens, ce sont en fait leurs propres libertés que défendent les représentants de la gauche sioniste et qui mobilisent leurs amis à l’étranger. Le traitement que réserve l’État israélien au Camp de la paix devient le baromètre du niveau de la démocratie israélienne et c’est à la mesure des privilèges dont bénéficie ce groupe particulier qu’est évalué l’état du pays tout entier.

    Rappel : les fameux « israéliens juifs de gauche » dont on parle beaucoup, ne constituent que 7% des israéliens juifs
    https://seenthis.net/messages/701083

    #Palestine #BDS #boycott #sionisme de « #gauche »

  • Que reste-t-il du cas Dolto ? - Libération
    http://www.liberation.fr/debats/2018/08/24/que-reste-t-il-du-cas-dolto_1674381

    Trente ans après sa mort, la célèbre psychanalyste pour enfants est toujours objet de polémiques et de déformations, voire d’oubli. Entre suprématie des neurosciences et tendances réactionnaires, l’histoire de son héritage clinique et intellectuel est encore à écrire.

    Mais qui veut (encore) la peau de Françoise Dolto ? Trente ans après sa mort, la psychanalyste pour enfants a ce génie d’être toujours polémique. Cette semaine dans le Point, le pédiatre Aldo Naouri et le psychologue Didier Pleux critiquent de nouveau celle qu’ils tiennent pour responsable de l’avènement de l’enfant-roi. Dans son essai qui vient de paraître chez Flammarion (1), la psychanalyste Caroline Eliacheff accuse justement les détracteurs de la thérapeute disparue le 25 août 1988 à l’âge de 79 ans « d’assassinat idéologique ». Celle qui a transmis son savoir au grand public via l’émission de radio culte Lorsque l’enfant paraît ou à travers son livre le plus populaire le Cas Dominique serait-elle passée de mode ? « Françoise Dolto n’a pas du tout la place qu’elle devrait avoir, estime la psychanalyste Claude Halmos (2). Son enseignement serait pourtant d’un grand secours pour les parents et enfants d’aujourd’hui. »Claude Halmos vise ici les préceptes de l’#éducation bienveillante qui, selon elle, culpabilise les parents et coupe les enfants de la vie réelle. Alors que le but de l’éducation, c’est justement de pouvoir vivre dans le monde tel qu’il est avec ses exigences et ses violences…

    Personnage clé de l’histoire de la psychanalyse française, Françoise Dolto s’est retrouvée emportée ces dernières années par les critiques et le désamour portés à la discipline. Et de ce fait, détrônée aujourd’hui par les neurosciences, voie privilégiée pour mieux comprendre l’enfant. Le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer a délaissé l’inconscient freudien pour une autre approche de l’enfance, celle de la « science de la conscience » défendue par Stanislas Dehaene, neuroscientifique à succès qui sort le 5 septembre pour la rentrée scolaire un nouveau livre chez Odile Jacob : Apprendre ! Les Talents du cerveau, le défi des machines. Pour le psychologue cognitif, professeur au Collège de France et président du Conseil scientifique de l’éducation nationale, le nouveau siège de la réussite scolaire se situe dans le cerveau. Françoise Dolto, sa « poupée fleur », objet thérapeutique qu’elle avait inventé, et les dessins d’enfant qu’elle excellait à analyser auraient-ils été rangés trop rapidement aux rayons d’une histoire jugée trop ancienne ? Pour l’historienne Manon Pignot, « elle n’est pas tant oubliée, que dévoyée. La grande vulgarisation dont elle fait l’objet au faîte de sa gloire dans les années 70 a entraîné une simplification de ses théories, une forme de caricature ».

    L’autorité sans autoritarisme

    Avec ses jupes aux genoux, son gilet en laine immanquablement boutonné sur un chemisier à grand col, rang de perles ou collier fantaisie, on a voulu faire d’elle une Mamie Nova de la psychanalyse, adepte d’un laxisme éducatif reflet de l’esprit libertaire de l’après-68, quitte à en oublier la moitié de son message. « Toute sa vie, elle a été incroyablement critiquée, analyse Caroline Eliacheff, qui a travaillé ave elle. Mais lui reprocher exactement ce qu’elle n’a pas dit relève du symptôme ! » Car si Dolto énonce, fait révolutionnaire dans les années 50-60 que l’enfant est une personne, elle n’en a jamais fait un petit roi. Pourquoi alors une telle distorsion ? « Qu’ils l’aient écoutée ou non, analyse Caroline Eliacheff dans son livre, les parents ont perçu que l’enfant était un sujet digne de respect et apte à la communication dès son plus jeune âge, mais ils ont oublié que l’humanité passait par les castrations symboligènes, autrement dit par les interdits. » Pour la psychanalyse, si l’enseignement de Dolto a été tant discuté et disputé, c’est qu’elle pose la question même de l’autorité. « Comment concevoir l’autorité si on supprime l’humiliation et la peur ? Pas si simple. » Qu’est ce que l’autorité sans l’autoritarisme ? Le questionnement n’est pas seulement éducatif, il traverse la société à l’orée des années 2000 : la « perte de l’autorité » devient une angoisse collective, Françoise Dolto en porterait le chapeau. A la fin des années 90, le pédiatre Aldo Naouri défend la place et l’autorité du père dans une société menacée par la surpuissance des mères, quand au début des années 2000, le psychologue Didier Pleux, coauteur du Livre noir de la #psychanalyse (les Arènes, 2005) accuse Dolto d’une « psychanalysation » de l’éducation. Trente ans plus tard, les deux même reprennent le combat dans le Point de cette semaine. Pour Naouri, les « enfants-tyrans », c’est bien son œuvre. Pour Didier Pleux, elle est à l’origine de la disparation des interdits réels et des contraintes. « Un retour en force des théories réactionnaires concernant l’enfant et plus largement un retour en force de la pensée réactionnaire, incarnée notamment par le philosophe Alain Finkielkraut, stigmatise encore plus l’apport fondamental de Dolto », analyse l’historienne Manon Pignot.

    Pour comprendre cet avant-après Dolto, il faut le replacer dans la France des années 50 où l’éducation se fait encore au martinet, où l’enfant est encore considéré comme un être inabouti, souvent mis de côté. « Je préconise, écrit-elle, l’abandon de la médecine que j’appelle « vétérinaire », telle que je la vois pratiquer quand il s’agit d’enfants. Je préconise l’abandon du dressage au cours du premier âge en lui substituant le respect dû à un être humain réceptif du langage » (3). Pour elle comme pour Lacan, la loi de l’homme est la loi du langage à laquelle parents et enfants sont soumis. « Etre de communication, l’enfant a droit au respect comme à la vérité de son histoire, aussi douloureuse soit-elle », rappelle Caroline Eliacheff. Peu à peu, une révolution s’opère dans les têtes. « Elle a aidé le XXe siècle à mieux élever les enfants », juge l’essayiste dans son livre.

    « Idées suspectes de communisme »

    On comprend le pouvoir polémique et dérangeant des théories de Dolto sur un sujet aussi sensible que l’avenir du petit de l’homme. Libre et sûre d’elle, novatrice, elle prend des libertés par rapport à sa discipline et déploie des méthodes qui sont fortement critiquées par l’institution psychanalytique. En 1963, Françoise Dolto est exclue de tout enseignement par l’Association psychanalytique internationale (API) - le célèbre pédiatre et psychanalyste anglais Donald Winnicott n’y est pas étranger, souligne Caroline Eliacheff dans son livre. Les reproches sont édifiants. Trop « intuitive », elle provoque un « transfert sauvage » sur sa personne en s’adressant au public. Pire, elle a des « idées sociales derrière [sa] recherche de prévention qui nous paraissent suspectes de communisme. […] Ne formez plus de jeunes ! » lui enjoint l’API.

    « Génération Dolto »

    Car Françoise Dolto est une « psychanalyste dans la cité », selon les mots de Caroline Eliacheff. « Elle s’est inscrite dans le social comme peu de ses confrères l’ont fait, s’adressant avec constance au plus grand nombre, à ceux qui sont aux prises avec la vie réelle, qu’ils soient professionnels ou parents. » Ce sera la fameuse émission, devenue culte, Lorsque l’enfant paraît à laquelle elle participe sur France Inter de 1976 à 1978, animée par le jeune Jacques Pradel ! Un succès fulgurant. « Ces émissions sont arrivées au moment où, dans l’après-68, les parents voulaient élever différemment leurs enfants. Elle a modifié radicalement leur vision, ils étaient prêts à l’entendre », explique Caroline Eliacheff. Sa voix, tranquille et déterminée, décrivant des cas concrets de difficultés éducatives, bouleverse un ordre établi depuis des générations. « Chaque après-midi, souligne Claude Halmos, elle met à mal la hiérarchie communément admise entre un enfant posé comme psychologiquement sous-développé ("tu comprendras plus tard", "tu parleras quand tu seras grand") et un adulte qui lui serait par essence supérieur. » D’une certaine façon, tous ceux nés depuis les années 70 sont des enfants Dolto. Sans vraiment s’en rendre compte ? « Les trentenaires ne savent pas ce qu’ils lui doivent, remarque Caroline Eliacheff, alors que leurs parents sont de la "génération Dolto" qui l’a écoutée à la radio et a essayé tant bien que mal de "faire du Dolto". »

    « A la limite de la prémonition »

    Contrairement aux idées reçues, il n’y a pas de méthode doltoienne. Elle ne donnait pas de conseils, elle ne voulait pas être un gourou, les parents devaient trouver la solution eux-mêmes. A la fin des années 70, la psychanalyste aux immenses lunettes qui lui mangent le visage devient une institution. Au faîte de sa notoriété, sa fille Catherine l’appelle le « grand Bouddha vivant ». Elle fascine, trop sûrement. L’animateur Jacques Pradel, qui présente son émission sur France Inter, se souvient d’une « fulgurance à la limite de la prémonition » (Télérama, 2008). Cette qualité lui vient d’une particularité tout à fait étonnante : en grandissant, l’humain perd généralement son rapport à l’enfance, elle non. Son écoute exceptionnelle devient, chez les professionnels, légendaire. « Elle avait cette capacité - unique - d’écouter les enfants comme si elle était elle-même encore une enfant, explique Claude Halmos, qui a travaillé avec elle. Cette faculté d’entendre l’importance et le sens du moindre de leurs gestes et de leurs phonèmes. Ce talent singulier lui a permis de reconstituer avec précision ce que chaque étape de leur développement leur faisait éprouver dans leur corps et leur tête. Ce qu’à chaque moment de leur vie ils pouvaient, à l’insu des adultes, sentir, penser, imaginer. » Pour la psychanalyste, la grande œuvre de Dolto est d’avoir constitué, telle une ethnologue, « une encyclopédie de la clinique de l’enfant » tout à fait inédite. « Je m’y réfère encore aujourd’hui, ces observations sont toujours aussi justes, estime la spécialiste. Grâce à cet apport considérable sur le bébé et son évolution, elle a posé une théorie de la construction de l’enfant. Et chaque étape, comme le sevrage du sein ou du biberon, se passe seulement au prix d’un manque, d’une perte à la fois pour l’enfant et pour le parent ; voilà pourquoi c’est si difficile. »

    Paradoxalement, s’adressant au plus grand nombre, elle « est peu reconnue comme théoricienne », souligne Caroline Eliacheff. Si on salue le génie clinique de la femme, on souligne souvent sa faiblesse théorique. « Elle a constitué une théorie au ras de son expérience, explique Claude Halmos. Mais elle n’a pas réellement conceptualisé et généralisé ce savoir. Son travail s’est surtout diffusé par sa parole, sur sa personnalité et cela s’efface. » Via la supervision, elle a formé des légions de psychanalystes et son séminaire sur le dessin d’enfant était une institution où se rendaient également des juges, des assistantes sociales… Psychanalyste dans la cité, elle crée le concept des Maisons vertes, sas inédit entre la famille et la société, avant l’entrée à l’école maternelle. Elle est celle qui donne « un statut social » à l’enfant, estime Claude Halmos.

    Pionnière et innovante, elle s’est faite, comme souvent pour ces femmes exceptionnelles, hors des circuits académiques. Médecin de formation, elle n’a pas suivi de carrière hospitalo-universitaire, qui est le temple de la transmission du savoir et la renommée. Sur les bancs de la fac aujourd’hui, elle est moins enseignée qu’un Lacan qui a davantage intellectualisé son savoir. Pourtant, Lacan et Dolto « vont ensemble » : ils participent de la même aventure intellectuelle, rappelle l’historienne de la psychanalyse Elisabeth Roudinesco (4). « Françoise Dolto est la deuxième grande figure du freudisme français. Elle a réinventé l’approche psychanalytique des enfants, après Melanie Klein et Anna Freud. Amie de #Lacan avec lequel elle a fondé l’Ecole freudienne de Paris (1964), elle formait avec lui un couple flamboyant. Elle était à l’écoute de tout ce qu’il y avait d’infantile en lui mais elle s’inspirait de son génie théorique. Beaucoup de psychanalystes de ma génération ont été analysés ou supervisés par l’un et par l’autre. Autant Lacan est un maître à penser dont l’œuvre est traduite et commentée dans le monde entier, autant Dolto, qui était en France bien plus populaire que lui, est restée plus "terroir". » Manque aussi un travail biographique de référence qui la ferait exister historiquement et internationalement. « Dans le monde anglophone, elle a peu d’audience, précise Elisabeth Roudinesco. Son œuvre est très peu traduite et le fait qu’il n’existe aucune biographie est un vrai handicap. Il faudra qu’un jour un historien se mette au travail, sinon elle n’aura guère d’héritiers. »

    Loin des polémiques idéologiques, l’enjeu aujourd’hui est de « mettre en histoire » une femme qui a été médecin, analyste, auteure, investie dans la société. Chargé d’études documentaires aux Archives nationales, Yann Potin a convaincu l’institution et les ayants droit - dont sa fille Catherine Dolto - d’accueillir les archives de la thérapeute. « Le fonds est en cours de classement, explique l’historien. Il existe très peu d’archives de psychanalystes et plus encore de praticiens, il s’agit là d’un fonds scientifique d’une œuvre multiple et singulière. Il y a aussi bien les lettres reçues dans le cadre de l’émission Lorsque l’enfant paraît que les dossiers de suivi des enfants qu’elle recevait à sa consultation gratuite à Trousseau. Le but fondamental de la création de ce fonds aux Archives nationales est qu’il soit partageable et étudiable dans les années à venir. »

    Une personnalité complexe

    Si Catherine Dolto et les éditions Gallimard ont déjà publié une partie importante de ses archives, comme sa correspondance, notamment avec Lacan, une nouvelle génération de chercheurs devrait renouveler l’approche historique de la psychanalyste. « Depuis quelque temps, on s’intéresse autrement à elle, rappelle Yann Potin. On la redécouvre : née en 1908, elle n’a que peu de choses à voir avec 1968. Plus généralement travailler sur Dolto, c’est recourir à l’histoire de l’enfance, de l’éducation et de la médecine. Pas seulement de la psychanalyse. » Le livre que sortiront l’archiviste et l’historienne Manon Pignot chez Gallimard le 24 octobre participe de ce renouveau historiographique : à travers les lettres que la petite Françoise envoie à son parrain, jeune officier de la guerre de 14 et mort au front en 1916, ils retracent cette expérience inédite d’être, malgré son jeune âge, « marraine de guerre ». Un travail d’enquête sur l’enfance face à la guerre et sa violence, une expérience qui marquera à jamais la psychanalyste. Mais ces archives sont aussi plus heureuses. Elles comptent par exemple les dessins des trois enfants de Françoise Dolto, soigneusement classés et annotés. Ainsi y retrouve-t-on les œuvres du petit Jean-Chrysostome, devenu Carlos, chanteur à succès des années 70 avec son énorme Big bisous…

    Issue d’une famille catholique de droite, Françoise Dolto est cette femme complexe qui allie réflexes traditionnels liés à son milieu bourgeois et à son époque, élans libertaires, foi chrétienne et défense des écoles alternatives. Dans quelques années, une biographie rappellera sûrement la façon dont un jour, lors d’un premier entretien avec un enfant de 3 ans, elle s’était présentée : « Je suis madame Dolto. Je suis psychanalyste et je dis la vérité de la vie aux enfants. »

    (1) Françoise Dolto : une journée particulière, Flammarion, 2018.
    (2) Auteure de Dessine-moi un enfant, Livre de poche. Elle publie dans Psychologies magazine de septembre un article titré : « Françoise, reviens ! Ils sont devenus fous… »
    (3) Citation tirée de Françoise #Dolto : une journée particulière, Flammarion, 2018.
    (4) Auteure du Dictionnaire amoureux de la psychanalyse, Plon, 2017.
    Cécile Daumas

    Lien déjà mis par ailleurs mais je mets la totalité de l’article en question pour ceux qui ne peuvent aller le lire directement.
    #enfants

  • Libération est-il un allié contre le sexisme ? – alicecoffin
    https://alicecoffin.wordpress.com/2016/05/28/liberation-est-il-un-allie-contre-le-sexisme-2

    Sur la dernière chronique, il n’y a pas eu de réactions publiques des journalistes. Il a été demandé de ne rien dire à ce sujet ?

    Non, pas du tout. Par ailleurs, je crois que ce que voulait dire Luc dans sa chronique, c’est que comme il y a eu l’affaire Cantat en 2003, l’affaire DSK en 2011, il y a l’affaire Beaupin. Ce sont trois moments symboliques dans la société française qui vont faire que les hommes prennent conscience que les choses changent, que les accusations extrêmement graves contre Denis Baupin vont amener une remise en cause de la domination. Pour moi, cela n’a pas été compris. Ensuite, il y a des choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord. Notamment ce qui tourne autour de la question de la vengeance. En plus, et c’est le problème des éditorialistes, quand on ne maîtrise pas assez un sujet, on se laisse déborder non par l’émotion mais par un sentiment personnel, qui va être soit mal perçu, soit mal compris, soit mal interprété. Mais il ne faut pas voir Luc comme quelqu’un de raciste ou sexiste. Il a un côté très provocateur.

    Je crois, moi, que ces chroniques ont été très bien comprises car, encore une fois, elles reproduisent un discours très courant, et aisément identifiable par celles et ceux qui le subissent. Parler de provocation sur ces sujets est compliqué. Je me pose plutôt la question du profit que Libération tire des nombreuses réactions provoqués par ces textes-là. Faire du buzz, du marketing sur le dos du féminisme, est devenu très prisé par les médias, les publicitaires, les politiques.

    Par rapport à ce que j’ai mis en gras, c’est pour souligné l’optimise bien pratique de ce monsieur. Un optimise que je rencontre souvent chez les hommes et qui sert à se débarassé des questions féministes sans avoir à se remettre en cause. L’affaire Baupin renforce la domination masculine (l’avocat de Baupin utilise des arguments sexistes), comme l’a fait l’affaire DSK (il n’a pas été condamné et continu de trafiqué dans la politique et l’économie), et en fait Cantat trouve toujours de puissants réseaux de fraternité (une des inrocks)... Et puis l’affaire Weinstein n’a rien changé pour la France et lui même n’a pas tant de peintes contre lui par rapport aux 150 femmes qui ont reconnu avoir subis ses agressions. MeToo en France a premi à des hommes de s’approprier et déformé les idées féministes pour vendre des livres sur la séduction. T Ramadan est le seul qui a de réels problèmes avec la justice, pour des raisons racistes à mon avis. Hulot, Darmanin, Sapin ont de leur coté pas trop à s’inquiété. Du coté législatif, Macron essaye de correctionnalisé les viols pour faire des économie, saborde les associations (AVFT).

    –---

    Pour commencer, un point de précision. Quels sont les statuts des chroniques de Luc Le Vaillant. Vous ne les découvrez pas après publication ?

    Non. Elles sont volontairement placées dans la rubrique Idées, relues par la cheffe de ce service, Cécile Daumas, puis par la direction de la rédaction. Il y a des journalistes de la rédaction qui ont une chronique hebdomadaire : Luc Le Vaillant, Laurent Joffrin, Mathieu Lindon.

    Trois hommes…

    Effectivement.

    ...

    Il me semble que le sexisme et le racisme ne sont pas des sujets sur lesquels il est besoin de voter. Libération publie d’ailleurs régulièrement des enquêtes, des reportages, des témoignages qui attestent que le viol, le harcèlement sexiste, la domination masculine en général, est un système aux conséquences gravissimes. Quelle cohérence y-a-t-il à héberger dans le même temps des textes qui tendent à moquer ces conséquences, quand ils ne font pas directement preuve de sexisme. Comment à la fois dénoncer et contribuer à la perpétuation de systèmes de domination ?

    Parce que, de façon générale, il est important que les pages Idées reflètent des opinions extrêmement diverses. On peut y croiser Alain Duhamel, Laurent Joffrin et pourquoi pas Alain Finkielkraut.

    Pourquoi pas Finkencrotte, sur la place des femmes il est assez Le Vaillant compatible. J’aurais plutot pensé à « Pourquoi pas des femmes ? » mais Libé à une éditorialiste .... Marcella Iacub qui est aussi misogyne que Levaillant, Joffrin et Finky réunis.

    –----
    Cet entretiens date de 2016, j’ai l’impression tout de même que Libé à changé un peu sur ces sujets en 2017 et 2018. Je sais pas si Le Vaillant publie toujours, mais Iacub est devenu assez rare et il y a eu des reportages de fond sur le harcelement misogyne à St Cry, féminicides .. Le Bondy blog fait du bon travail aussi.

  • Le manifeste de la haine islamophobe
    mardi 24 avril 2018 par le Bureau national de l’UJFP
    http://www.ujfp.org/spip.php?article6342

    Un manifeste « contre le nouvel antisémitisme » écrit par Philippe Val a été signé par 300 personnalités.

    Vous avez dit antiracistes ?

    Qui sont ces éminents antiracistes qui nous viennent en aide ? Il y a Manuel Valls, qui expliquait en septembre 2013 que « les Roms ont vocation à retourner en Roumanie ou en Bulgarie ». Il y a Nicolas Sarkozy qui a passé son quinquennat à pourchasser les sans-papiers et dont un ministre déclarait à propos des Arabes : « Quand il y en a un, ça va, c’est quand il y en a plusieurs que ça peut poser des problèmes ». Il y a Laurent Wauquiez qui fait du copier-coller de Marine Le Pen sur l’immigration. Il y a Alain Finkielkraut qui déclarait sur l’équipe de France de football : « Elle n’est pas black-blanc-beur, elle est black-black-black, ce qui fait ricaner toute l’Europe ».

    On pourrait continuer longtemps cet inventaire à la Prévert. Bien sûr, ces braves gens vont s’étrangler si on parle de racisme d’État ou de racisme structurel encouragé par l’État, par les administrations, par la politique de ségrégation territoriale...

    L’antisémitisme en France

    L’antisémitisme, c’est notre histoire intime. L’attribuer aux musulmans est une contre-vérité meurtrière. Pétain, Laval et les auteurs de la rafle du Vel d’hiv n’étaient pas musulmans. En cette période, ils disaient des Juifs ce qu’aujourd’hui certains disent des immigrés : « inassimilables », « n’ont pas vocation à vivre en France ». Prenez ce qu’on dit aujourd’hui des Noirs, des Roms, des Arabes et des musulmans et mettez à la place le mot « juif ». Vous avez les discours des années 30 et on sait où cela a mené. (...)